<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">L<span style="letter-spacing:-.1pt">es attentats djihadistes de janvier&nbsp;2015 ont provoqu&eacute; un traumatisme. La manifestation massive qui a suivi traduisait une volont&eacute; de r&eacute;affirmation des valeurs qui sont les n&ocirc;tres, par-del&agrave; un hommage aux victimes. Il y avait un message politique et symbolique dans ce rassemblement, venant en surplomb de l&rsquo;enqu&ecirc;te p&eacute;nale et du proc&egrave;s qui n&rsquo;aura jamais lieu car une action p&eacute;nale ne peut &ecirc;tre d&eacute;clench&eacute;e qu&rsquo;&agrave; l&rsquo;&eacute;gard de vivants. Au-del&agrave; de la mort, largement choisie, de ces djihadistes, leur comportement est per&ccedil;u comme la manifestation d&rsquo;un mal absolu, r&eacute;sultant d&rsquo;une id&eacute;ologie radicalement ennemie. D&rsquo;o&ugrave; l&rsquo;id&eacute;e de ne pas simplement incriminer des <i>faits</i> d&rsquo;ultra-d&eacute;linquance r&eacute;alis&eacute;s avec des armes de guerre, ou le soutien, m&ecirc;me indirect, apport&eacute; &agrave; sa mise en &oelig;uvre, mais de toucher leurs causes, &agrave; savoir l&rsquo;adh&eacute;sion &agrave; une doctrine qui est en tout point hostile aux valeurs occidentales. La r&eacute;action des &Eacute;tats-Unis en 2001 a &eacute;t&eacute; extr&ecirc;mement vive, et certains ont d&eacute;nonc&eacute; la mise en place d&rsquo;un &eacute;tat d&rsquo;exception. Le premier ministre fran&ccedil;ais a indiqu&eacute; le 21&nbsp;janvier 2015 qu&rsquo;il n&rsquo;entendait pas adopter des &laquo;&nbsp;mesures d&rsquo;exception&nbsp;&raquo; mais des &laquo;&nbsp;mesures exceptionnelles&nbsp;&raquo;. D&rsquo;o&ugrave; la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;une mise au point terminologique avant de s&rsquo;interroger sur la r&eacute;action juridique possible pour faire face &agrave; la situation du terrorisme djihadiste.</span></span></span></span></span></p> <h2 style="text-align: justify;"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">&Eacute;tat d&rsquo;exception, terrorisme et p&eacute;ril pour l&rsquo;&Eacute;tat</span></span></span></b></span></span></h2> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Depuis quelques ann&eacute;es, l&rsquo;expression &laquo;&nbsp;&eacute;tat d&rsquo;exception&nbsp;&raquo; est employ&eacute;e de deux mani&egrave;res tr&egrave;s diff&eacute;rentes. Dans une premi&egrave;re, classique, l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception est entendu comme un moment pendant lequel les r&egrave;gles pr&eacute;vues pour des p&eacute;riodes de calme sont transgress&eacute;es, suspendues ou &eacute;cart&eacute;es pour faire face &agrave; un p&eacute;ril&nbsp;: on assiste &agrave; une concentration du pouvoir, en g&eacute;n&eacute;ral au profit de l&rsquo;ex&eacute;cutif, et &agrave; la r&eacute;duction des droits jug&eacute;s fondamentaux pendant les p&eacute;riodes de calme. Il s&rsquo;agit d&rsquo;un moment fugace pour faire face &agrave; un p&eacute;ril donn&eacute;. Dans une seconde acception, l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception consiste en une modification en profondeur de certains syst&egrave;mes juridiques pour faire face &agrave; des p&eacute;rils durables tels que le terrorisme, modification en profondeur parce que les r&egrave;gles mises en &oelig;uvre pour lutter contre ce p&eacute;ril sont r&eacute;v&eacute;latrices (au sens quasi&nbsp;photographique du terme) du syst&egrave;me politique dans lequel elles sont en vigueur (th&egrave;se de Giorgio Agamben<a name="_ftnref1"></a><a href="#_ftn1"><sup><span style="color:black">[1]</span></sup></a> qui s&rsquo;appuie sur Carl Schmitt<a name="_ftnref2"></a><a href="#_ftn2"><sup><span style="color:black">[2]</span></sup></a>). Dans sa rigueur logique, l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception ne peut &ecirc;tre entendu que dans la premi&egrave;re acception, la seule dans laquelle existe une v&eacute;ritable <i>exception</i> par rapport &agrave; un droit des p&eacute;riodes dites <i>normales</i><a name="_ftnref3"></a><a href="#_ftn3"><sup><span style="color:black">[3]</span></sup></a>. Sugg&eacute;rer, comme Agamben, que l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception est &laquo;&nbsp;en train de devenir sous nos yeux un paradigme normal de gouvernement&nbsp;&raquo; ou parler, comme Hassner, d&rsquo;&laquo;&nbsp;&eacute;tat d&rsquo;exception permanent&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref4"></a><a href="#_ftn4"><sup><span style="color:black">[4]</span></sup></a> laisse perplexe&nbsp;: si exception il y a, c&rsquo;est par rapport &agrave; un syst&egrave;me ant&eacute;rieur, celui d&rsquo;avant le &laquo;&nbsp;11&nbsp;septembre&nbsp;&raquo;&nbsp;; or, ces menaces s&rsquo;inscrivant dans la dur&eacute;e, les mesures ne sont <span style="letter-spacing:-.2pt">pas exceptionnelles ni d&eacute;rogatoires mais permanentes, m&ecirc;me si leur rigueur</span> est consid&eacute;rable.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">En r&eacute;alit&eacute;, l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception ne peut &ecirc;tre une r&eacute;ponse au terrorisme djihadiste. Prendre des mesures qui r&eacute;duisent les libert&eacute;s et qui limitent les contre-pouvoirs ne peut &ecirc;tre envisag&eacute; que de mani&egrave;re temporaire&nbsp;; or, le djihadisme n&rsquo;est pas un ph&eacute;nom&egrave;ne passager. Les diff&eacute;rents <i>Patriot Acts</i> adopt&eacute;s en 2001 sont toujours en vigueur aux &Eacute;tats-Unis, qui connaissent une mutation profonde de l&rsquo;&eacute;quilibre entre s&eacute;curit&eacute; et libert&eacute;s. On peut le d&eacute;plorer ou le justifier, mais on est sorti du registre de l&rsquo;exception pour faire &eacute;voluer le r&eacute;gime selon une logique plus s&eacute;curitaire. Cela ne doit pas, en soi, provoquer l&rsquo;indignation&nbsp;: le rapport aux libert&eacute;s fluctue dans le temps long et dans l&rsquo;espace, en fonction des risques encourus par certains &Eacute;tats (Isra&euml;l n&rsquo;a pas la m&ecirc;me politique en mati&egrave;re de libert&eacute;s que l&rsquo;Europe occidentale) et en fonction de l&rsquo;&eacute;volution des soci&eacute;t&eacute;s (l&rsquo;&eacute;galit&eacute; entre les sexes n&rsquo;est pas trait&eacute;e de mani&egrave;re identique en 1789 et en 2015). Ces mutations font que le niveau de protection des libert&eacute;s n&rsquo;est pas immuable et ne va pas toujours dans le sens de leur dilatation. Depuis 1945, l&rsquo;on n&rsquo;a gu&egrave;re &eacute;t&eacute; habitu&eacute; &agrave; un recul, parce que les menaces pesant sur les &Eacute;tats occidentaux ont plut&ocirc;t r&eacute;gress&eacute;. Il n&rsquo;y a pas de raison d&rsquo;en conclure qu&rsquo;il en sera toujours ainsi. Ce qui doit, en revanche, indigner est le d&eacute;faut d&rsquo;&eacute;quilibre entre s&eacute;curit&eacute; et libert&eacute;s &agrave; un moment donn&eacute;.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Alors, qu&rsquo;est-ce que l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception et &agrave; quoi sert-il&nbsp;? Il consiste principalement &agrave; faire face &agrave; des situations politiques (r&eacute;bellion, insurrection, putsch) ou territoriales (invasion, annexion) qui mettent en p&eacute;ril l&rsquo;&Eacute;tat. En France, il existe trois dispositifs principaux de cette nature&nbsp;: l&rsquo;&eacute;tat de si&egrave;ge (loi de 1849) qui est un transfert du pouvoir civil aux militaires sur un p&eacute;rim&egrave;tre donn&eacute;, l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;urgence (loi de 1955) qui renforce les pouvoirs civils &eacute;galement de mani&egrave;re circonscrite et l&rsquo;article&nbsp;16 (constitution de 1958) qui permet au Pr&eacute;sident d&rsquo;adopter des mesures sans discussion ni contr&ocirc;le parlementaire. On peut aussi ne rien anticiper et laisser les gouvernements faire face &agrave; la n&eacute;cessit&eacute; absolue en accordant (ou non) <i>a posteriori</i> une validation r&eacute;troactive d&rsquo;actes qui <span style="letter-spacing:-.1pt">eussent &eacute;t&eacute; jug&eacute;s ill&eacute;gaux en p&eacute;riode de calme (<i>bill of indemnity</i> anglais). Ce type de dispositif ne r&eacute;pond nullement</span> &agrave; une situation de survenance sporadique mais r&eacute;guli&egrave;re d&rsquo;attentats djihadistes. Si la r&eacute;ponse juridique ne saurait &ecirc;tre l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception, on doit s&rsquo;efforcer d&rsquo;en apporter une autre&nbsp;: ce sont les &laquo;&nbsp;mesures exceptionnelles&nbsp;&raquo; qu&rsquo;&eacute;voquait le Premier ministre. L&rsquo;exceptionnalit&eacute; se traduit par le fait que le gouvernement indique qu&rsquo;il n&rsquo;entend pas rester inactif. Si ces mesures n&rsquo;avaient pas &eacute;t&eacute; adopt&eacute;es apr&egrave;s des attentats, elles n&rsquo;eussent sans doute pas &eacute;t&eacute; qualifi&eacute;es d&rsquo;exceptionnelles, mais d&rsquo;opportunes, d&rsquo;adapt&eacute;es ou de n&eacute;cessaires.</span></span></span></span></p> <h2 style="text-align: justify;"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">Propagande terroriste et libert&eacute; d&rsquo;expression</span></span></span></b></span></span></h2> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">La peine capitale, sans cruaut&eacute;s inutiles, &eacute;tant le <i>summum</i> de la sanction pour les modernes, le fait que les djihadistes la souhaitent rel&egrave;gue <i>ipso facto</i> tout leur arsenal r&eacute;pressif au rang du d&eacute;risoire. Et le fait que nombre de pays occidentaux y aient renonc&eacute; n&rsquo;est qu&rsquo;une exacerbation de ce sentiment d&rsquo;impuissance. En r&eacute;alit&eacute;, les &Eacute;tats occidentaux n&rsquo;ont que rarement l&rsquo;occasion de faire le proc&egrave;s de djihadistes car ceux-ci meurent la plupart du temps lors des actions. Le d&eacute;fi pour les &Eacute;tats modernes est donc de pr&eacute;venir le passage &agrave; l&rsquo;acte. Or, il est de principe que l&rsquo;on ne saurait incriminer des intentions. Il faut donc s&rsquo;orienter vers la pr&eacute;vention du passage &agrave; l&rsquo;acte et de l&rsquo;adh&eacute;sion aux th&egrave;ses djihadistes.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">&agrave;</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"> cet &eacute;gard, la France a connu un pr&eacute;c&eacute;dent avec les anarchistes qui ont choisi la &laquo;&nbsp;propagande par le fait&nbsp;&raquo; &agrave; partir des ann&eacute;es 1890. Les militants s&rsquo;attaquent &agrave; des symboles de la &laquo;&nbsp;classe bourgeoise&nbsp;&raquo;, de l&rsquo;&Eacute;tat, par d&eacute;finition oppresseur (magistrats, d&eacute;put&eacute;s, pr&eacute;sident de la R&eacute;publique<a name="_ftnref5"></a><a href="#_ftn5"><sup><span style="color:black">[5]</span></sup></a>) et m&ecirc;me des anonymes<a name="_ftnref6"></a><a href="#_ftn6"><sup><span style="color:black">[6]</span></sup></a>. Ils sont peu organis&eacute;s, parfois &laquo;&nbsp;auto-radicalis&eacute;s&nbsp;&raquo; et solitaires<a name="_ftnref7"></a><a href="#_ftn7"><sup><span style="color:black">[7]</span></sup></a>, vengeurs<a name="_ftnref8"></a><a href="#_ftn8"><sup><span style="color:black">[8]</span></sup></a>, semblent ne pas craindre la mort<a name="_ftnref9"></a><a href="#_ftn9"><sup><span style="color:black">[9]</span></sup></a>. Leurs actions provoquent une psychose collective. La r&eacute;probation de l&rsquo;opinion, de la presse et de la classe politique transcende les clivages. La R&eacute;publique r&eacute;agit par des lois dites &laquo;&nbsp;sc&eacute;l&eacute;rates&nbsp;&raquo; (1893-1894) qui concernent le contr&ocirc;le et la modification des d&eacute;lits de presse de la loi de 1881, la fabrication et la d&eacute;tention d&rsquo;explosifs, les associations de malfaiteurs, les men&eacute;es anarchistes. Ces lois qui portent atteinte &agrave; des droits fondamentaux ont &eacute;t&eacute; pr&eacute;sent&eacute;es comme temporaires. <span style="letter-spacing:-.1pt">Elles ne l&rsquo;ont pas &eacute;t&eacute;&nbsp;: la derni&egrave;re de juillet&nbsp;1894 contre les men&eacute;es anar</span>chistes qui porte directement atteinte &agrave; la libert&eacute; d&rsquo;expression n&rsquo;a &eacute;t&eacute; abrog&eacute;e qu&rsquo;en 1992. Les affaires de presse &eacute;taient soustraites aux jurys populaires (loi de 1830) au profit des tribunaux correctionnels r&eacute;put&eacute;s plus s&eacute;v&egrave;res en cas de provocation au crime ou d&rsquo;apologie ayant pour but &laquo;&nbsp;la propagande anarchiste&nbsp;&raquo;. Afin de limiter la &laquo;&nbsp;contamination&nbsp;&raquo; par ces doctrines toxiques, la loi pr&eacute;voit des huis clos lors des proc&egrave;s et l&rsquo;emprisonnement individuel. La strat&eacute;gie de la propagande par le fait est abandonn&eacute;e au d&eacute;but du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">La voie de la r&eacute;pression des id&eacute;es a &eacute;t&eacute; privil&eacute;gi&eacute;e. C&rsquo;est une voie dans laquelle pourrait poursuivre le l&eacute;gislateur de 2015, quand cela est techniquement possible. Mais est-ce le cas&nbsp;? L&rsquo;on songe notamment &agrave; la diffusion de l&rsquo;islam radical dans les prisons qui a conduit &agrave; envisager de regrouper les d&eacute;tenus partisans de ces th&egrave;ses. Cela est-il juridiquement possible&nbsp;? Tout est ici question de proportionnalit&eacute;&nbsp;: l&rsquo;exp&eacute;rience am&eacute;ricaine des <i>Patriot Acts</i> montre que l&rsquo;&eacute;quilibre est difficile &agrave; saisir et que le prix &agrave; payer en termes de respect de la vie priv&eacute;e est lourd.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">La loi Cazeneuve de novembre&nbsp;2014 a fait &eacute;voluer le d&eacute;lit d&rsquo;apologie du terrorisme en portant la peine de cinq &agrave; sept ans lorsque les faits sont commis sur internet et verse ces d&eacute;lits de presse dans le code p&eacute;nal<a name="_ftnref10"></a><a href="#_ftn10"><sup><span style="color:black">[10]</span></sup></a>, ce qui permet d&rsquo;appliquer les r&egrave;gles de droit commun, comme le contr&ocirc;le judiciaire, la d&eacute;tention provisoire ou la comparution imm&eacute;diate. En outre, la loi cr&eacute;e le d&eacute;lit de consultation habituelle de sites<a name="_ftnref11"></a><a href="#_ftn11"><sup><span style="color:black">[11]</span></sup></a> conduisant aux actes de terrorisme ou en faisant l&rsquo;apologie lorsqu&rsquo;ils comportent des images d&rsquo;atteintes volontaires &agrave; la vie. Cette loi n&rsquo;a pas fait l&rsquo;objet d&rsquo;une saisine du Conseil constitutionnel&nbsp;: l&rsquo;&eacute;quilibre entre le renforcement de la r&eacute;pression et le respect des libert&eacute;s a &eacute;t&eacute; appr&eacute;ci&eacute; par les chambres, gauche et droite semblant d&rsquo;accord pour que le Conseil constitutionnel soit pr&eacute;serv&eacute; de cet examen.</span></span></span></span></p> <h2 style="text-align: justify;"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">Indignit&eacute; nationale et concitoyennet&eacute;</span></span></span></b></span></span></h2> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Les dirigeants politiques doivent r&eacute;pondre &agrave; une attente qui n&rsquo;est pas seulement factuelle. Ces attentats ne rel&egrave;vent ni de la criminalit&eacute; ordinaire ni de la guerre et charrient une puissance id&eacute;ologique immense. Pour une raison fondamentale&nbsp;: le rapport &agrave; la mort des protagonistes. M&ecirc;me s&rsquo;il l&rsquo;envisage comme possible, le criminel &laquo;&nbsp;classique&nbsp;&raquo; craint la mort&nbsp;: le voleur entend jouir des biens soustraits, l&rsquo;assassin vivre d&eacute;lest&eacute; de son contemporain ha&iuml;. M&ecirc;me s&rsquo;il est pr&ecirc;t &agrave; donner la mort autant qu&rsquo;&agrave; la recevoir, le militaire la craint&nbsp;: il s&rsquo;y pr&eacute;pare sans l&rsquo;esp&eacute;rer. L&rsquo;id&eacute;ologie djihadiste stimule des comportements au point de faire dispara&icirc;tre cette crainte de la mort. Les Occidentaux sid&eacute;r&eacute;s &eacute;prouvent un sentiment d&rsquo;impuissance sans &ecirc;tre v&eacute;ritablement menac&eacute;s dans leur existence, ce qui caract&eacute;rise l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception, car le terrorisme reste une ressource du faible contre le fort. D&rsquo;o&ugrave; l&rsquo;id&eacute;e de r&eacute;investir le champ symbolique des peines infamantes<a name="_ftnref12"></a><a href="#_ftn12"><sup><span style="color:black">[12]</span></sup></a> (supprim&eacute;es en 1992) en restaurant le crime d&rsquo;indignit&eacute; nationale &agrave; l&rsquo;&eacute;gard des citoyens fran&ccedil;ais qui adh&egrave;rent &agrave; l&rsquo;id&eacute;ologie djihadiste et qui entendent lui apporter un soutien m&ecirc;me indirect. Le 21&nbsp;janvier 2015, le Premier ministre a demand&eacute; aux pr&eacute;sidents des commissions des lois des deux assembl&eacute;es de r&eacute;fl&eacute;chir &agrave; l&rsquo;opportunit&eacute; de cette restauration. Que l&rsquo;on trouve l&rsquo;id&eacute;e brillante, stupide ou inadapt&eacute;e, elle traduit l&rsquo;ampleur philosophique que v&eacute;hicule le djihadisme.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Il s&rsquo;agirait d&rsquo;incriminer le fait d&rsquo;&ecirc;tre un &laquo;&nbsp;concitoyen ennemi&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref13"></a><a href="#_ftn13"><sup><span style="color:black">[13]</span></sup></a> pour avoir apport&eacute; une aide mat&eacute;rielle &agrave; cette cause. Avant les attentats de 2015, le d&eacute;put&eacute; Meunier avait song&eacute; &agrave; un crime d&rsquo;<i>indignit&eacute; nationale</i> (amendement rejet&eacute; le 4&nbsp;d&eacute;cembre 2014), s&rsquo;inspirant du mod&egrave;le de 1944 relatif aux Fran&ccedil;ais qui avaient collabor&eacute;, <i>via</i> le r&eacute;gime de Vichy<a name="_ftnref14"></a><a href="#_ftn14"><sup><span style="color:black">[14]</span></sup></a> sans pour autant &ecirc;tre coupables d&rsquo;intelligence avec l&rsquo;ennemi<a name="_ftnref15"></a><a href="#_ftn15"><sup><span style="color:black">[15]</span></sup></a>. Le crime envisag&eacute; serait constitu&eacute; par un Fran&ccedil;ais qui porterait &laquo;&nbsp;les armes ou se rend[rait] complice par la fourniture de moyens &agrave; des op&eacute;rations <span style="letter-spacing:-.1pt">arm&eacute;es contre les forces [&hellip;] fran&ccedil;aises ou tout civil Fran&ccedil;ais&nbsp;: 1/ sur un th&eacute;&acirc;tre d&rsquo;op&eacute;ration ext&eacute;rieure [&hellip;]&nbsp;; 2/ ou,</span> sur le territoire fran&ccedil;ais, au profit d&rsquo;un &Eacute;tat ou d&rsquo;une organisation contre lequel la France est engag&eacute;e militairement&nbsp;&raquo;. La sanction serait une peine principale de 450&nbsp;000&nbsp;&euro; d&rsquo;amende et de trente ans de prison<a name="_ftnref16"></a><a href="#_ftn16"><sup><span style="color:black">[16]</span></sup></a>, et d&rsquo;une peine compl&eacute;mentaire de d&eacute;gradation nationale se traduisant notamment par la privation du droit de vote et d&rsquo;&eacute;ligibilit&eacute;, de toute d&eacute;coration, d&rsquo;acc&egrave;s &agrave; la fonction publique, ainsi que d&rsquo;acc&egrave;s &agrave; certaines professions ou fonctions pour lesquelles la loyaut&eacute; et la dignit&eacute; sont requises<a name="_ftnref17"></a><a href="#_ftn17"><sup><span style="color:black">[17]</span></sup></a>.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">L&rsquo;objectif de l&rsquo;indignit&eacute; nationale de 1944<a name="_ftnref18"></a><a href="#_ftn18"><sup><span style="color:black">[18]</span></sup></a> est de condamner des Fran&ccedil;ais qui ont embrass&eacute; la cause d&rsquo;un r&eacute;gime </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">antir&eacute;publicain. Il s&rsquo;agit en principe de ne les punir que temporairement, le temps qu&rsquo;ils s&rsquo;amendent et regagnent vite leur communaut&eacute; qu&rsquo;ils n&rsquo;ont quitt&eacute;e que moralement. Il est pr&eacute;sum&eacute; que ces &laquo;&nbsp;mauvais citoyens&nbsp;&raquo; veulent regagner leur statut de &laquo;&nbsp;bons citoyens&nbsp;&raquo;. Punition temporaire mais aussi incrimination temporaire qui concerne les faits commis avant le 8&nbsp;novembre 1945, soit six mois apr&egrave;s la date de la lib&eacute;ration totale du territoire (8&nbsp;mai). Une peine con&ccedil;ue comme relativement douce, qui sanctionne une all&eacute;geance id&eacute;ologique hostile en &eacute;vitant la mort, la d&eacute;portation ou l&rsquo;incarc&eacute;ration m&ecirc;me si les chambres civiques ont eu la main lourde et que le l&eacute;gislateur a aggrav&eacute; le dispositif r&eacute;pressif. Toutefois, une peine qui peut aller jusqu&rsquo;&agrave; la confiscation g&eacute;n&eacute;rale des biens<a name="_ftnref19"></a><a href="#_ftn19"><sup><span style="color:black">[19]</span></sup></a> &agrave; l&rsquo;image de ce qui est mis en place sous la R&eacute;volution &agrave; l&rsquo;encontre des &eacute;migr&eacute;s<a name="_ftnref20"></a><a href="#_ftn20"><sup><span style="color:black">[20]</span></sup></a>, et permet de le priver de la gratuit&eacute; des soins pour les invalides de guerre ou de pension civile ou militaire. Elle est donc plus qu&rsquo;une peine &laquo;&nbsp;infamante&nbsp;&raquo; car elle ne fl&eacute;trit pas uniquement la r&eacute;putation (la <i>fama</i>), elle rend la vie du coupable mat&eacute;riellement plus difficile.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">Ces caract&eacute;ristiques sont assez &eacute;loign&eacute;es de la r&eacute;alit&eacute; que l&rsquo;on entend pointer avec les djihadistes et leurs soutiens. Leur intention de gagner le statut de &laquo;&nbsp;bons citoyens&nbsp;&raquo; n&rsquo;est pas &eacute;tablie si cette qualit&eacute; suppose d&rsquo;adh&eacute;rer <i>a minima</i> aux valeurs de la R&eacute;publique. Sans doute les </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">vichystes se reconnaissaient-ils davantage dans la &laquo;&nbsp;R&eacute;volution nationale&nbsp;&raquo;, mais leur combat &eacute;tait perdu &agrave; la Lib&eacute;ration. Les djihadistes ne consid&egrave;rent nullement que le leur soit d&eacute;pass&eacute; tant sur le plan id&eacute;ologique que militaire. Bref, la fl&eacute;trissure morale de la peine infamante risque d&rsquo;&ecirc;tre d&eacute;pourvue d&rsquo;efficacit&eacute; dissuasive. Les djihadistes se pensent comme des combattants de l&rsquo;avenir, des h&eacute;rauts autant que des h&eacute;ros d&rsquo;une cause dont la prosp&eacute;rit&eacute; spirituelle et doctrinale cro&icirc;t et dont l&rsquo;assise territoriale et financi&egrave;re se renforce.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">La &laquo;&nbsp;cause&nbsp;&raquo; djihadiste ne peut &ecirc;tre circonscrite dans le temps, contrairement &agrave; l&rsquo;indignit&eacute; nationale de 1944 qui l&rsquo;&eacute;tait triplement&nbsp;: un terme au-del&agrave; duquel des poursuites ne pourraient plus &ecirc;tre engag&eacute;es avait &eacute;t&eacute; plac&eacute;, la d&eacute;gradation nationale pouvait &ecirc;tre prononc&eacute;e &laquo;&nbsp;&agrave; temps&nbsp;&raquo;, enfin une amnistie a &eacute;t&eacute; vot&eacute;e en 1951. Il ne semble pas que les djihadistes veuillent stopper leurs activit&eacute;s&nbsp;: nul terme ne peut donc &ecirc;tre fix&eacute;. Le djihadisme tendant &agrave; prosp&eacute;rer et une telle sanction risquant d&rsquo;&eacute;lever les coupables au rang de martyrs, la condamnation &agrave; temps est inappropri&eacute;e car le mal vis&eacute; ne s&rsquo;&eacute;teindra pas avec la fin de la peine, et la condamnation &agrave; perp&eacute;tuit&eacute; est en contradiction avec son objectif &laquo;&nbsp;p&eacute;dagogique&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;restaurateur&nbsp;&raquo;. L&rsquo;amnistie &ndash;&nbsp;constante de l&rsquo;histoire depuis l&rsquo;&eacute;dit de Nantes&nbsp;&ndash; est un geste de magnanimit&eacute; lorsque la paix civile est restaur&eacute;e. Il faudrait que les djihadistes terroristes forment un groupe disciplin&eacute; pr&ecirc;t &agrave; renoncer &agrave; la violence comme cela a pu &ecirc;tre le cas de mouvements s&eacute;paratistes nagu&egrave;re. S&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;entreprises individuelles ou de petits groupes qui y renoncent, la gr&acirc;ce (individuelle) est le moyen idoine.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">Les faits incrimin&eacute;s en 1944 consistent pour un Fran&ccedil;ais &agrave; avoir notamment &laquo;&nbsp;sciemment [&hellip;] port&eacute; atteinte &agrave; la nation ou &agrave; la libert&eacute; des Fran&ccedil;ais, ou &agrave; l&rsquo;&eacute;galit&eacute; entre ces derniers&nbsp;&raquo;. Cette atteinte est d&eacute;finie de mani&egrave;re impr&eacute;cise et les chambres civiques en donneront une d&eacute;finition extensive. Le d&eacute;put&eacute; Meunier entend, quant &agrave; lui, incriminer le fait de &laquo;&nbsp;porter les armes&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;de se rendre complice par la fourniture de moyens&nbsp;&raquo; &agrave; des op&eacute;rations arm&eacute;es contre les forces fran&ccedil;aises en France ou sur des th&eacute;&acirc;tres d&rsquo;op&eacute;rations ext&eacute;rieures. Il ne s&rsquo;agit donc pas de condamner le m&eacute;pris affich&eacute; des principes de la R&eacute;publique comme en 1944, notion il est vrai difficile &agrave; saisir et, d&egrave;s lors, p&eacute;rilleuse pour les libert&eacute;s.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">Le rapprochement entre l&rsquo;indignit&eacute; nationale de 1944 &agrave; l&rsquo;encontre des collaborateurs et celle qui pourrait frapper les terroristes djihadistes ne saurait &ecirc;tre autre que terminologique. Il n&rsquo;y a pratiquement rien de commun&nbsp;: le nombre des personnes concern&eacute;es (100&nbsp;000 condamnations &agrave; la Lib&eacute;ration, </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">quelques dizaines de terroristes et plusieurs centaines de djihadistes) et le caract&egrave;re temporaire ou non de la question (&agrave; la Lib&eacute;ration, une &laquo;&nbsp;&eacute;puration&nbsp;&raquo; de gens qui ne sont plus dangereux, aujourd&rsquo;hui, un combat contre des militants et des combattants pr&ecirc;ts &agrave; mourir). La commission des lois de l&rsquo;Assembl&eacute;e nationale a rejet&eacute; la proposition de loi tendant &agrave; restaurer l&rsquo;indignit&eacute; nationale le 25&nbsp;mars 2015, &agrave; la suite notamment d&rsquo;un travail r&eacute;alis&eacute; sur ce sujet par son pr&eacute;sident, Jean-Jacques Urvoas<a name="_ftnref21"></a><a href="#_ftn21"><sup><span style="color:black">[21]</span></sup></a>.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">Cependant, la r&eacute;flexion sur l&rsquo;<i>in-</i>dignit&eacute;</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"> dit des choses sur ce qu&rsquo;est la dignit&eacute; </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.3pt">nationale, une sorte de portrait-robot</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"> du &laquo;&nbsp;bon citoyen&nbsp;&raquo;. La citoyennet&eacute; comporte-t-elle une substance minimale qui suppose un comportement particulier au sein de la communaut&eacute; politique&nbsp;? La d&eacute;finition juridique de la citoyennet&eacute; s&rsquo;&eacute;puise aujourd&rsquo;hui dans les droits politiques<a name="_ftnref22"></a><a href="#_ftn22"><sup><span style="color:black">[22]</span></sup></a>, sans exigence de nationalit&eacute; pour les &eacute;lections municipales et europ&eacute;ennes. En reprenant <i>a contrario</i> la peine de d&eacute;gradation envisag&eacute;e en 2014, le &laquo;&nbsp;bon citoyen&nbsp;&raquo; serait &eacute;lecteur voire &eacute;lu, aurait des &eacute;gards pour les d&eacute;corations, serait pr&ecirc;t &agrave; servir l&rsquo;&Eacute;tat et ses valeurs, digne de foi dans sa profession et comme t&eacute;moin ou jur&eacute;, ce &agrave; quoi on peut ajouter en se r&eacute;f&eacute;rant aux peines de 1944, m&eacute;riterait les biens dont il dispose, pourrait b&eacute;n&eacute;ficier de pensions et d&rsquo;aides sociales.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.3pt">Cette substance est en partie saisie par le droit &agrave; travers le &laquo;&nbsp;stage de citoyennet&eacute;&nbsp;&raquo; introduit en 2004. Alterna</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">tive &agrave; la prison, ce stage &laquo;&nbsp;a pour objet de rappeler les valeurs r&eacute;publicaines de tol&eacute;rance et de respect de la dignit&eacute; humaine sur lesquelles est fond&eacute;e la soci&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo; (art. 131-5-1 du code p&eacute;nal). Le l&eacute;gislateur actualise ainsi le rapprochement s&eacute;culaire entre &laquo;&nbsp;citoyennet&eacute;&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;vie en soci&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;valeurs r&eacute;publicaines&nbsp;&raquo;. &Agrave; travers ce stage de plusieurs jours, la figure de celui qui n&rsquo;est pas mauvais citoyen est d&eacute;peinte, sp&eacute;cialement l&rsquo;adh&eacute;sion aux valeurs de la R&eacute;publique, stimul&eacute;e par des rencontres avec des &eacute;lus, magistrats, policiers ou le visionnage de films &eacute;difiants. Comme s&eacute;ance de rattrapage de ce qui aurait &eacute;t&eacute; mal assimil&eacute; dans la cadre scolaire et familial. P&eacute;dagogie qui est le meilleur moyen d&rsquo;agir s&rsquo;il est vrai qu&rsquo;une &laquo;&nbsp;opinion c&egrave;de &agrave; la lumi&egrave;re, jamais &agrave; la violence&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref23"></a><a href="#_ftn23"><sup><span style="color:black">[23]</span></sup></a>. Ce stage concerne la petite d&eacute;linquance, celle de l&rsquo;incivilit&eacute; pour laquelle la prison serait contreproductive. Elle est sans commune mesure avec le djihadisme par son intensit&eacute;, mais elle l&rsquo;est sans doute dans sa nature&nbsp;: dans les deux cas, il s&rsquo;agit de gens qui se sentent en marge ou hors de la R&eacute;publique.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">La concitoyennet&eacute; a &eacute;t&eacute; &eacute;voqu&eacute;e lors du d&eacute;bat sur la burqa qui a conduit &agrave; l&rsquo;adoption de la loi relative &agrave; l&rsquo;interdiction de dissimiler son visage dans l&rsquo;espace public en 2010. Dissimuler son visage, est-ce refuser la concitoyennet&eacute;, manquer de dignit&eacute; natio</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">nale dans une soci&eacute;t&eacute; d&eacute;mocratique&nbsp;? La question &eacute;tait de savoir s&rsquo;il &eacute;tait possible de l&rsquo;interdire de mani&egrave;re g&eacute;n&eacute;rale et absolue dans l&rsquo;espace public sans froisser les libert&eacute;s de se v&ecirc;tir et de religion, alors qu&rsquo;aucun trouble &agrave; l&rsquo;ordre public ne serait &agrave; craindre<a name="_ftnref24"></a><a href="#_ftn24"><sup><span style="color:black">[24]</span></sup></a>. Le Conseil constitutionnel a consid&eacute;r&eacute; la loi conforme &agrave; la Constitution en estimant que l&rsquo;ignorance des exigences minimales de la vie en soci&eacute;t&eacute; &eacute;tait constitutive d&rsquo;un trouble &agrave; l&rsquo;ordre public &laquo;&nbsp;immat&eacute;riel&nbsp;&raquo;. Cette conception d&rsquo;un ordre public d&eacute;bordant de son cadre traditionnel de la s&eacute;curit&eacute;, de la tranquillit&eacute; et de la salubrit&eacute; publiques a heurt&eacute; nombre de d&eacute;fenseurs des libert&eacute;s car, si l&rsquo;ordre public immat&eacute;riel n&rsquo;a aucun contenu pr&eacute;d&eacute;fini, il les a potentiellement tous, et d&egrave;s lors toutes les libert&eacute;s pourraient &ecirc;tre subjugu&eacute;es pour ce motif. Nous avons plaid&eacute; pour que cette interdiction soit justifi&eacute;e, non par une atteinte &agrave; l&rsquo;ordre public, mais par une conception substantielle de la citoyennet&eacute; d&eacute;duite de l&rsquo;article&nbsp;1<sup>er</sup> de la Constitution<a name="_ftnref25"></a><a href="#_ftn25"><sup><span style="color:black">[25]</span></sup></a>. Cela permettrait de recoudre la citoyennet&eacute; constitutionnelle avec celle qui est con&ccedil;ue &agrave; travers le stage de citoyennet&eacute;, car cette loi pr&eacute;voit qu&rsquo;un tel stage puisse &ecirc;tre ordonn&eacute; pour les contrevenants. La faute des &laquo;&nbsp;indignes&nbsp;&raquo; de 1944 &eacute;tait d&rsquo;avoir <i>m&eacute;pris&eacute;</i> la citoyennet&eacute; r&eacute;publicaine substantielle, en manquant d&rsquo;&eacute;gards pour la libert&eacute;, l&rsquo;&eacute;galit&eacute; et la fraternit&eacute;. Ceux qui commettent des incivilit&eacute;s ou dissimulent leur visage sont fautifs de l&rsquo;<i>oublier</i> ou de l&rsquo;<i>ignorer</i>. Or, depuis 1789, c&rsquo;est &laquo;&nbsp;<i>l&rsquo;ignorance, l&rsquo;oubli et le m&eacute;pris</i> des droits de l&rsquo;homme qui sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements&nbsp;&raquo; (Pr&eacute;ambule de la D&eacute;claration). Le djihadiste n&rsquo;est pas dans l&rsquo;ignorance, l&rsquo;oubli ou le m&eacute;pris, il est beaucoup plus loin&nbsp;: il m&egrave;ne un <i>combat</i> en faveur d&rsquo;une pens&eacute;e alternative de refus de la modernit&eacute;.</span></span></span></span></p> <h2 style="text-align: justify;"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="text-transform:uppercase">Djihadisme et modernit&eacute; politique</span></span></span></b></span></span></h2> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Ce qui frappe avec les djihadistes est leur rapport &agrave; la mort. Ils la consid&egrave;rent comme une preuve de bravoure et d&rsquo;h&eacute;ro&iuml;sme et comme la garantie de l&rsquo;&eacute;ternit&eacute;. Parce qu&rsquo;ils regardent la mort comme une naissance, ils tournent le dos &agrave; la modernit&eacute; politique. Rien n&rsquo;est sans doute plus incertain que de vouloir caract&eacute;riser la modernit&eacute; politique&nbsp;: l&rsquo;un des moyens est de penser un homme qui, quoique croyant, craint la mort physique, conform&eacute;ment &agrave; l&rsquo;anthropologie de Hobbes. Les guerres de religion des XVI<sup>e</sup> et XVII<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cles en Europe ont &eacute;t&eacute; aliment&eacute;es par deux promesses&nbsp;: celle de la r&eacute;mission des p&eacute;ch&eacute;s en cas de mort h&eacute;ro&iuml;que contre l&rsquo;impie et donc un certain &laquo;&nbsp;avantage &agrave; mourir&nbsp;&raquo;, celle du caract&egrave;re intrins&egrave;quement juste du fait de tuer un impie et donc une certaine &laquo;&nbsp;consid&eacute;ration &agrave; tuer&nbsp;&raquo;. Ces deux convictions des &laquo;&nbsp;d&eacute;vots&nbsp;&raquo;, qu&rsquo;ils soient catholiques ou r&eacute;form&eacute;s, qui ont ensanglant&eacute; l&rsquo;Europe pendant un si&egrave;cle, sont mises en doute progressivement. Ce doute a permis la construction de l&rsquo;&Eacute;tat moderne<a name="_ftnref26"></a><a href="#_ftn26"><sup><span style="color:black">[26]</span></sup></a> comme un espace pacifi&eacute; et tol&eacute;rant&nbsp;: l&rsquo;&Eacute;tat ne remet pas les p&eacute;ch&eacute;s, il n&rsquo;y a donc aucun avantage &agrave; mourir, et l&rsquo;&Eacute;tat punit les criminels, il y a donc tout &agrave; craindre de tuer. Enfin, il a le monopole de l&rsquo;usage de la force pour mater les d&eacute;linquants (droit p&eacute;nal interne) et pour vaincre l&rsquo;ennemi (droit international des conflits arm&eacute;s).</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">Cette construction intellectuelle et institutionnelle a un impact sur le p&eacute;rim&egrave;tre du religieux. Pour le dire de mani&egrave;re n&eacute;cessairement r&eacute;ductrice, le rapport &agrave; Dieu devient plus direct et individuel (<i>via</i> le Livre) et donc moins institutionnalis&eacute; par l&rsquo;&Eacute;glise (comme m&eacute;diatrice entre l&rsquo;ici-bas et l&rsquo;au-del&agrave;). Les institutions religieuses voient leur capacit&eacute; d&rsquo;intervention se r&eacute;duire au for interne des individus, dans l&rsquo;impossibilit&eacute; d&rsquo;appeler &agrave; la violence, de promettre la r&eacute;mission des p&eacute;ch&eacute;s pour cela, et de produire des &laquo;&nbsp;martyrs&nbsp;&raquo;.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Cette &eacute;volution d&eacute;cisive de la modernit&eacute; qui couvre un si&egrave;cle entre le milieu du XVI<sup>e</sup> et celui du XVII<sup>e</sup> &ndash;&nbsp;<i>L&eacute;viathan</i> est publi&eacute; en 1651&nbsp;&ndash;</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt"> est percut&eacute;e frontalement par l&rsquo;id&eacute;ologie djihadiste. Ces terroristes qui se consid&egrave;rent comme des combattants vivent dans un univers &laquo;&nbsp;r&eacute;-enchant&eacute;&nbsp;&raquo;&nbsp;: leur mort est v&eacute;cue aussi comme une lib&eacute;ration, un soulagement du poids de leurs fautes terrestres (r&eacute;mission des p&eacute;ch&eacute;s), et un ciel leur est ouvert offrant les fameuses soixante-dix vierges et le vin qui n&rsquo;enivre pas&nbsp;; leur mort est &laquo;&nbsp;exemplaire&nbsp;&raquo;, elle est une &laquo;&nbsp;belle mort&nbsp;&raquo; &agrave; l&rsquo;antique, par la gloire de ne s&rsquo;&ecirc;tre pas rendus, d&rsquo;&ecirc;tre tomb&eacute;s avec leurs armes, d&rsquo;&ecirc;tre des combattants dont les faits d&rsquo;armes survivront &agrave; leurs corps physiques, dans une gloire &eacute;ternelle&nbsp;; leur mort consolide la puissance de leur combat car il n&rsquo;y a pas de grande cause sans martyr. Le djihadisme se pr&eacute;sente donc comme une <i>v&eacute;ritable alternative</i> &agrave; la modernit&eacute;, celle de la peur et du doute existentiel par rapport &agrave; la mort, y compris chez les croyants &laquo;&nbsp;modernes&nbsp;&raquo;. Ils ne craignent pas une &eacute;ventuelle &laquo;&nbsp;indignit&eacute; nationale&nbsp;&raquo; mais esp&egrave;rent une &laquo;&nbsp;dignit&eacute; djihadiste&nbsp;&raquo;. L&rsquo;indignit&eacute; nationale &eacute;tant con&ccedil;ue comme une incrimination &laquo;&nbsp;douce&nbsp;&raquo;, alternative &agrave; la mort et &agrave; la prison&nbsp;: il est tr&egrave;s incertain de consid&eacute;rer que quelqu&rsquo;un qui recherche la gloire &eacute;ternelle par sa mort (la gloire <i>sur</i>-vit &agrave; celui qui meurt et procure quelque &eacute;ternit&eacute;) puisse &ecirc;tre marqu&eacute; par cette r&eacute;ponse passablement &laquo;&nbsp;terrestre&nbsp;&raquo;.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica">Une objection peut &ecirc;tre formul&eacute;e &agrave; l&rsquo;encontre de l&rsquo;id&eacute;e que le djihadisme remet en cause la modernit&eacute;. Les &Eacute;tats occidentaux ont d&eacute;j&agrave; connu des attaques terroristes&nbsp;: anarchistes, fascistes, nazis, communistes r&eacute;volutionnaires, ind&eacute;pendantistes basques, corses, bretons, etc. Tous ces groupes ont eu recours &agrave; la violence. D&egrave;s lors, le djihadisme serait simplement une forme nouvelle de violence politique extr&eacute;miste. Il y a des raisons de penser que tel n&rsquo;est pas le cas parce que les membres de ces organisations ne pratiquaient gu&egrave;re le mal nomm&eacute; attentat-suicide<a name="_ftnref27"></a><a href="#_ftn27"><sup><span style="color:#0563c1">[27]</span></sup></a>, parce qu&rsquo;ils ne regardaient pas la mort comme un espoir, parce que, surtout, leur projet &eacute;tait strictement &laquo;&nbsp;terrestre&nbsp;&raquo; et non une th&eacute;ologie politique qui renoue l&rsquo;attache fondamentale entre l&rsquo;ici-bas et l&rsquo;au-del&agrave; d&rsquo;avant la modernit&eacute;.</span></span></span></p> <p>&nbsp;</p> <div> <hr align="left" size="1" width="33%" /></div> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn1"></a><a href="#_ftnref1"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[1]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Giorgio Agamben,<i> L&rsquo;&Eacute;tat d&rsquo;exception. Homo sacer II,1</i>,<i> </i>Paris, Seuil, 2003.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn2"></a><a href="#_ftnref2"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[2]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Carl Schmitt,<i> La Dictature </i>(1921),<i> </i>trad., Paris, Seuil, 2000, et<i> Th&eacute;ologie politique </i>(1922), trad., Paris, Gallimard, 1988.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn3"></a><a href="#_ftnref3"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[3]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Pour une &eacute;tude syst&eacute;matique de la notion, voir Fran&ccedil;ois Saint-Bonnet, <i>L&rsquo;&Eacute;tat d&rsquo;exception</i>, Paris, PUF, 2001. Cette introduction notionnelle reprend les conclusions principales de ce travail.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn4"></a><a href="#_ftnref4"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[4]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Pierre Hassner &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;En &eacute;tendant &agrave; des milliers de suspects Am&eacute;ricains et non-Am&eacute;ricains la cat&eacute;gorie de &ldquo;combattants ennemis&rdquo; priv&eacute;s de toute d&eacute;fense juridique et de tout droit en s&rsquo;appliquant &agrave; tous les <span style="text-transform:uppercase">&eacute;</span>tats suspects de soutenir le terrorisme&hellip; l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception permanent devient la r&egrave;gle, la suppression de la diff&eacute;rence entre la guerre et la paix, l&rsquo;int&eacute;rieur et l&rsquo;ext&eacute;rieur, la norme et l&rsquo;exception.&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;L&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception permanent&nbsp;&raquo;, <i>Le Monde</i>, le 24 juin 2003).</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn5"></a><a href="#_ftnref5"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[5]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Sadi Carnot est assassin&eacute; le 24 juin 1894 par Caserio.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn6"></a><a href="#_ftnref6"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[6]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> L&eacute;on L&eacute;authier frappe au couteau un ouvrier cordonnier de 19&nbsp;ans.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn7"></a><a href="#_ftnref7"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[7]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> M&ecirc;me si les fr&egrave;res Kouachi et Coulibaly ont vu leurs attentats revendiqu&eacute;s par Al-Qa&iuml;da au Y&eacute;men, il s&rsquo;agit d&rsquo;un groupe restreint.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn8"></a><a href="#_ftnref8"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[8]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Ravachol s&rsquo;en prend en 1892 aux magistrats qui &eacute;taient intervenus dans le proc&egrave;s d&rsquo;anarchistes. Caserio vient d&rsquo;Italie &agrave; pied pour venger Vaillant et Henry. Les fr&egrave;res Kouachi s&rsquo;en prennent &agrave; la r&eacute;daction d&rsquo;un journal qu&rsquo;ils consid&egrave;rent blasph&eacute;mateur.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn9"></a><a href="#_ftnref9"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[9]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Ravachol, ex&eacute;cut&eacute; en 1892, ne signe pas son recours en gr&acirc;ce et s&rsquo;avance vers la mort, dit-on, souriant en entonnant un chant anarchiste. Vaillant, Henry, Caserio meurent dans des circonstances analogues.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn10"></a><a href="#_ftnref10"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[10]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Les autres figurent dans la grande loi sur la presse de 1881.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn11"></a><a href="#_ftnref11"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[11]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Sur le mod&egrave;le de la consultation habituelle de sites p&eacute;dopornographiques.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn12"></a><a href="#_ftnref12"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[12]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Peines touchant &agrave; la r&eacute;putation de tel individu, sans lui infliger une amende ou une privation de libert&eacute;.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn13"></a><a href="#_ftnref13"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[13]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <span style="letter-spacing:-.05pt">Les cat&eacute;gories traditionnelles d&eacute;partissent le d&eacute;linquant (figure du droit interne qui ne peut &ecirc;tre ennemi parce que concitoyen) de l&rsquo;ennemi (figure du droit international parce qu&rsquo;il n&rsquo;est pas concitoyen). Le &laquo;&nbsp;juste ennemi&nbsp;&raquo; a le droit de recourir &agrave; la force dans la limite du respect du droit international humanitaire et des conflits arm&eacute;s. &laquo;&nbsp;Concitoyen ennemi&nbsp;&raquo; est un oxymore selon la doctrine classique. Voir la tentative de d&eacute;passement de G&uuml;nther Jackobs et son &laquo;&nbsp;droit p&eacute;nal de l&rsquo;ennemi&nbsp;&raquo; (in <i>Revue de sciences criminelles</i>, 2009).</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn14"></a><a href="#_ftnref14"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[14]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <span style="letter-spacing:-.15pt">Adh&eacute;sion &agrave; un parti politique pro-collaborateur, participation au gouvernement de Vichy ou &agrave; une activit&eacute; de propagande raciste ou fasciste, occupation d&rsquo;une fonction de direction au Commissariat aux questions juives.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn15"></a><a href="#_ftnref15"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[15]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Qui suppose une collaboration avec les Allemands et non avec Vichy, car juridiquement l&rsquo;Allemagne reste ennemie de la France pendant toute la guerre faute de trait&eacute; de paix.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn16"></a><a href="#_ftnref16"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[16]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Peine pr&eacute;vue en cas d&rsquo;intelligence avec l&rsquo;ennemi (article 411-4 du code p&eacute;nal).</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn17"></a><a href="#_ftnref17"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[17]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Jur&eacute;, expert, arbitre, t&eacute;moin en justice, avocat, notaire, officier minist&eacute;riel, administrateur ou g&eacute;rant de soci&eacute;t&eacute;s, fonction &eacute;ducative, membre d&rsquo;associations, de syndicats ou encore d&rsquo;un conseil de famille, tuteur, curateur, subrog&eacute; tuteur ou conseil judiciaire.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn18"></a><a href="#_ftnref18"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[18]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Voir Anne Simonin, <i>Le D&eacute;shonneur dans la R&eacute;publique. Une histoire de l&rsquo;indignit&eacute; (1791-1958)</i>, Paris, Grasset, 2008.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn19"></a><a href="#_ftnref19"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[19]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Cette peine peut encore &ecirc;tre prononc&eacute;e en cas coupable de crime contre l&rsquo;humanit&eacute;, de g&eacute;nocide ou de trafic de stup&eacute;fiants.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn20"></a><a href="#_ftnref20"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[20]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Voir sur ce point Agathe Chossat de Montburon, <i>La Confiscation g&eacute;n&eacute;rale de la fin de l&rsquo;Ancien R&eacute;gime &agrave; la Restauration</i>, m&eacute;moire dactyl., Paris, Biblioth&egrave;que Cujas, 2014.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn21"></a><a href="#_ftnref21"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[21]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Voir la communication sur le th&egrave;me de l&rsquo;indignit&eacute; nationale et examen de deux propositions de loi du 25&nbsp;mars 2015 ; http://www.assemblee-nationale.fr/presse/communiques/20150319-06.asp.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn22"></a><a href="#_ftnref22"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[22]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Voir Anne-Sophie Michon-Traversac, <i>La Citoyennet&eacute; en droit public fran&ccedil;ais</i>, Paris, LGDJ, 2009, p. 601.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn23"></a><a href="#_ftnref23"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[23]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Gr&eacute;goire, <i>Discours sur la libert&eacute; des cultes</i> (1795), Paris, Maradan, an III, p. 11.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn24"></a><a href="#_ftnref24"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[24]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Une interdiction limit&eacute;e dans le temps et dans l&rsquo;espace et proportionn&eacute;e &agrave; un risque est possible. La difficult&eacute; &eacute;tait celle d&rsquo;une interdiction <i>g&eacute;n&eacute;rale</i> et <i>absolue</i>.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn25"></a><a href="#_ftnref25"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[25]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Fran&ccedil;ois Saint-Bonnet, &laquo;&nbsp;La citoyennet&eacute;, fondement d&eacute;mocratique pour la loi anti-burqa. R&eacute;flexions sur la mort au monde et l&rsquo;incarc&eacute;ration volontaire&nbsp;&raquo;, dans<i> Jus politicum</i>, n&deg;&nbsp;7, 2012, pp. 1-31 et <a href="http://www.juspoliticum.com/La-citoyennete-fondement.html"><span style="color:#0563c1">http://www.juspoliticum.com/La-citoyennete-fondement.html</span></a>.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn26"></a><a href="#_ftnref26"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[26]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Voir Marcel Gauchet, <i>Le D&eacute;senchantement du monde, </i>Paris, Gallimard, <i>1985.</i></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn27"></a><a href="#_ftnref27"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:#0563c1">[27]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <span style="letter-spacing:-.05pt">L&rsquo;id&eacute;e de suicide ne rend pas compte du sacrifice supr&ecirc;me et de l&rsquo;espoir que v&eacute;hicule la mort du terroriste.</span></span></span></span></span></p> <p>&nbsp;</p>