<p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Les interventions publiques de Claude Barbier dans le contexte haut-savoyard constituent un tr&egrave;s bon exemple de la d&eacute;rive relativiste qui s&rsquo;observe autour de l&rsquo;histoire et des m&eacute;moires des ann&eacute;es de l&rsquo;Occupation, de la R&eacute;sistance et de la Lib&eacute;ration. Qui plus est, des diff&eacute;rences significatives s&rsquo;observent entre le titre de son travail doctoral sur le maquis des Gli&egrave;res<a name="_ftnref1"></a><a href="#_ftn1"><sup><span style="color:black">[1]</span></sup></a>, celui du livre qu&rsquo;il en a tir&eacute; en ajoutant &agrave; son propos dans le titre les notions de mythe et de r&eacute;alit&eacute;, un autre ouvrage encore plus probl&eacute;matique qui met sur le m&ecirc;me plan des &eacute;v&eacute;nements qui sont fondamentalement diff&eacute;rents et une s&eacute;rie de conf&eacute;rences tapageuses qu&rsquo;il a donn&eacute;es dans la r&eacute;gion.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt">&nbsp;</p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.25pt">Beaucoup de d&eacute;g&acirc;ts dans l&rsquo;espace public</span></span></span></b></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">Les propos de Claude Barbier dans la presse laissaient entrevoir de fracassantes r&eacute;v&eacute;lations. Un &laquo;&nbsp;mythe&nbsp;&raquo; </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">allait v&eacute;ritablement s&rsquo;&eacute;crouler. On allait</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt"> enfin apprendre la v&eacute;rit&eacute; vraie sur les faits survenus sur le plateau des Gli&egrave;res. Par exemple que les hommes qui s&rsquo;y trouvaient entre f&eacute;vrier et </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">mars&nbsp;1944 n&rsquo;y &eacute;taient d&rsquo;abord mont&eacute;s<span style="letter-spacing:.2pt"> que pour se cacher (sic), comme il l&rsquo;a affirm&eacute; en septembre&nbsp;2012 dans le quotidien suisse <i>Le Temps&nbsp;</i>: &laquo;&nbsp;On a dit que c&rsquo;&eacute;tait pour recevoir des parachutages d&rsquo;armes par les Alli&eacute;s que le maquis s&rsquo;est form&eacute;, c&rsquo;est faux, la </span><span style="letter-spacing:.1pt">raison premi&egrave;re pour laquelle on a rejoint</span><span style="letter-spacing:.2pt"> Gli&egrave;res, c&rsquo;est pour &eacute;chapper au STO et se cacher.&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref2"></a><a href="#_ftn2"><sup><span style="color:black">[2]</span></sup></a></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">Ainsi, depuis novembre&nbsp;2011 et la soutenance de sa th&egrave;se, Claude Barbier s&rsquo;est fait l&rsquo;auteur de d&eacute;clarations &agrave; l&rsquo;emporte-pi&egrave;ce de part et d&rsquo;autre de la fronti&egrave;re franco-suisse. Citons par exemple le cas de <i>La Voix des Allobroges</i> du 2&nbsp;janvier 2012<a name="_ftnref3"></a><a href="#_ftn3"><sup><span style="color:black">[3]</span></sup></a></span></span></span>&thinsp;<span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">dans laquelle un r&eacute;dacteur annonce que &laquo;&nbsp;le combat sans merci des Gli&egrave;res est une pure invention, qui a &eacute;t&eacute; bien utile pour alimenter le mythe de la r&eacute;sistance fran&ccedil;aise en fabriquant une m&eacute;moire qui n&rsquo;a que peu &agrave; voir avec l&rsquo;histoire. Ce que l&acirc;che notre invit&eacute; du jour, Claude Barbier, rel&egrave;ve ainsi de la bombe m&eacute;morielle. Une d&eacute;flagration qui remettrait l&rsquo;histoire &agrave; sa place&nbsp;&raquo;. Un peu plus loin, c&rsquo;est Barbier lui-m&ecirc;me qui s&rsquo;en explique en ces termes&nbsp;: ayant &eacute;t&eacute;</span></span></span><i> </i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">&laquo;&nbsp;contredit sur des choses pour lesquelles j&rsquo;&eacute;tais plus comp&eacute;tent que les gens qui me critiquaient, j&rsquo;ai voulu sortir </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">de l&agrave; par le haut, d&rsquo;o&ugrave; l&rsquo;id&eacute;e de faire une th&egrave;se, en cherchant &agrave; avoir le meilleur</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt"> directeur qui soit. Le plus loin possible de la Haute-Savoie.&nbsp;&raquo; Il pr&eacute;cise encore, par une dr&ocirc;le de formule, avoir trouv&eacute; ce directeur de th&egrave;se, en l&rsquo;occurrence &laquo;&nbsp;un prof de Normal Sup qui fait partie de la belle aristocratie intellectuelle fran&ccedil;aise&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref4"></a><a href="#_ftn4"><sup><span style="color:black">[4]</span></sup></a>.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Aujourd&rsquo;hui, avec la sortie du livre <i>Le Maquis de Gli&egrave;res. Mythe et r&eacute;alit&eacute;</i>, qui a obtenu un label du minist&egrave;re de la D&eacute;fense (sic), Claude Barbier est plus pr&eacute;sent que jamais dans l&rsquo;espace public et m&eacute;diatique en revendiquant une m&eacute;thode historique et de l&rsquo;objectivit&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;&eacute;tablis les faits&nbsp;&raquo;, s&rsquo;exclame-t-il&nbsp;; tout en admettant aussi qu&rsquo;un &laquo;&nbsp;certain discours m&eacute;moriel des &eacute;v&eacute;nements des Gli&egrave;res ne peut &ecirc;tre qu&rsquo;affect&eacute;&nbsp;&raquo;&nbsp;; mais il ne pense pas remettre &laquo;&nbsp;en cause le caract&egrave;re valeureux&nbsp;&raquo; des maquisards. Ainsi, comme le pr&eacute;cise l&rsquo;auteur de cet article de <i>L&rsquo;Essor savoyard</i> du 20&nbsp;f&eacute;vrier&nbsp;2014, &laquo;&nbsp;[Claude Barbier &eacute;taye son travail] par des archives (fran&ccedil;aises bien </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">s&ucirc;r, mais aussi britanniques, am&eacute;ri</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">caines, suisses et allemandes) et des recherches dont il vante la minutie et la ri<span style="letter-spacing:-.1pt">gueur. S&rsquo;il ne veut pas tomber dans le jeu de la pol&eacute;mique, [il] se d&eacute;fend. Et plaide pour une d&eacute;marche visant &agrave; s&rsquo;&eacute;loigner de &quot;la trame l&eacute;gendaire&quot; de Gli&egrave;res et &agrave; favoriser la stricte objectivit&eacute; au d&eacute;triment &quot;d&rsquo;une lecture plus encline &agrave; privil&eacute;gier la m&eacute;moire que l&rsquo;histoire&quot;. En bref, r&eacute;sume-t-il, il s&rsquo;est born&eacute; &agrave; d&eacute;cortiquer des faits, en les d&eacute;pouillant du mythe qui les entoure.&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref5"></a><a href="#_ftn5"><sup><span style="color:black">[5]</span></sup></a></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.3pt">Prudence et minimisation dans l&rsquo;ouvrage</span></span></span></b></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Examinons maintenant ce livre sur les Gli&egrave;res. Il contient de nombreuses <span style="letter-spacing:-.1pt">informations et reconstructions, appuy&eacute;es</span> comme il se doit par de non moins nombreuses r&eacute;f&eacute;rences. C&rsquo;est un travail de recherche. Mais il appara&icirc;t tr&egrave;s vite qu&rsquo;aussi bien son ton que ses contenus se situent en retrait des d&eacute;clarations publiques ant&eacute;rieures de son auteur. Par ailleurs, en termes de mise &agrave; jour factuelle de certaines exag&eacute;rations narratives, le lecteur averti n&rsquo;y d&eacute;couvrira <span style="letter-spacing:.1pt">pas vraiment grand-chose qui n&rsquo;ait pas &eacute;t&eacute; d&eacute;j&agrave; &eacute;tabli par d&rsquo;autres chercheurs que l&rsquo;auteur ne prend pas tous en compte<a name="_ftnref6"></a><a href="#_ftn6"><sup><span style="color:black">[6]</span></sup></a>.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Une lecture plus attentive est alors n&eacute;cessaire pour aboutir &agrave; un autre constat&nbsp;: un recours aux archives, mais aussi parfois &agrave; des t&eacute;moignages, permet &agrave; ce livre de fournir une s&eacute;rie d&rsquo;informations sur l&rsquo;histoire de l&rsquo;organisation et de la vie quotidienne des hommes du maquis sur le Plateau et de restituer effectivement de nombreuses donn&eacute;es factuelles. Toutefois, leur pr&eacute;sentation para&icirc;t parfois biais&eacute;e ou discutable. C&rsquo;est le cas par exemple &agrave; propos des motivations des maquisards mont&eacute;s sur le Plateau (pp. 140-147), l&rsquo;auteur affirmant sans vraiment convaincre qu&rsquo;une <span style="letter-spacing:-.1pt">fonction de refuge aurait d&rsquo;abord pr&eacute;valu. </span>Il minimise &eacute;galement l&rsquo;engagement et la prise de risque des r&eacute;sistants dans les semaines pr&eacute;c&eacute;dant le 26&nbsp;mars 1944 en invoquant le manque d&rsquo;&eacute;quipement et de motivation de leurs adversaires (pp. 360-361)&nbsp;; il parle de &laquo;&nbsp;r&eacute;pressions&nbsp;&raquo;, au pluriel, int&eacute;grant potentiellement les faits de l&rsquo;&eacute;puration pour induire des propos relativistes n&rsquo;ayant aucune pertinence. Ainsi &eacute;voque-t-il (pp. 302-310) la r&eacute;pression des &laquo;&nbsp;r&eacute;primants&nbsp;&raquo; avant m&ecirc;me d&rsquo;avoir &eacute;tabli un bilan des victimes du maquis des Gli&egrave;res. Il reste cependant relativement prudent. Ainsi, sur les raisons qui ont pouss&eacute; les maquisards &agrave; rejoindre le Plateau, il se montre quand m&ecirc;me moins cat&eacute;gorique que dans la presse suisse, mentionnant &agrave; la fois le fait de se cacher <i>et</i> celui de recevoir des armes (p.&nbsp;363). Cela dit, d&egrave;s qu&rsquo;il le peut, il s&rsquo;efforce de r&eacute;duire la valeur de l&rsquo;action des maquisards&nbsp;: &laquo;&nbsp;Cette affaire de Gli&egrave;res ne pr&eacute;para pas &ndash; &ocirc; combien non&nbsp;! &ndash; la lib&eacute;ration du d&eacute;partement&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;316)&nbsp;; elle n&rsquo;a pas fait comprendre aux Alli&eacute;s qu&rsquo;il fallait armer la R&eacute;sistance (p.&nbsp;332)&nbsp;; etc. Il y a donc bien une dimension de parti pris dans cet ouvrage au-del&agrave; de tout ce dont il nous informe.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Mythe et r&eacute;alit&eacute;&nbsp;: une question peu trait&eacute;e</span></span></span></b></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">Ce qu&rsquo;il nous faut souligner, par ailleurs, c&rsquo;est que cette &eacute;tude ne tient pas les promesses de son sous-titre, les notions de &laquo;&nbsp;mythe&nbsp;&raquo; et de &laquo;&nbsp;r&eacute;alit&eacute;&nbsp;&raquo; ne pouvant se traiter au seul prisme de donn&eacute;es factuelles, sans une r&eacute;flexion s&eacute;rieuse sur la dynamique et les fonctions dudit mythe, sans en &eacute;tablir une description critique &agrave; </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.3pt">partir de sources orales qui donnent acc&egrave;s</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt"> &agrave; ceux qui l&rsquo;ont produit&nbsp;; et en passant trop rapidement sur une &eacute;volution des m&eacute;moires qui ne saurait par ailleurs se r&eacute;sumer &agrave; cette &laquo;&nbsp;gangue m&eacute;morielle&nbsp;&raquo; (sic) dont il est question dans l&rsquo;introduction, l&rsquo;auteur pr&eacute;tendant en avoir d&eacute;pouill&eacute; &laquo;&nbsp;ce drame [&hellip;] en privil&eacute;giant toujours la rigueur des faits&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;19).</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">L&rsquo;ouvrage &eacute;voque en tout cas de mani&egrave;re bien rapide la construction imm&eacute;diate et dans la dur&eacute;e des souvenirs et des m&eacute;moires, seules quelques pages portant sur les derni&egrave;res d&eacute;cennies. &laquo;&nbsp;Les faits, seulement les faits&nbsp;&raquo;, et loin de la &laquo;&nbsp;gangue m&eacute;morielle&nbsp;&raquo;, nous dit en substance Claude Barbier, ce dernier terme &eacute;tant particuli&egrave;rement malvenu et r&eacute;v&eacute;lateur de l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;esprit de son auteur. Mais alors, comment est-il possible d&rsquo;examiner s&eacute;rieusement les notions de &laquo;&nbsp;mythe et r&eacute;alit&eacute;&nbsp;&raquo; si ces r&eacute;cits d&rsquo;&eacute;pop&eacute;e de l&rsquo;histoire-m&eacute;moire ne sont pas finement restitu&eacute;s, sans les stigmatiser a priori, en les situant dans la pleine complexit&eacute; de leurs fonctions symboliques et de reconnaissance&nbsp;? Comment d&eacute;construire un pr&eacute;tendu mythe sans le donner s&eacute;rieusement &agrave; voir dans toutes ses composantes et dans toute sa complexit&eacute;&nbsp;? Et comment le mettre &agrave; distance, l&rsquo;interroger avec rigueur, en consid&eacute;rant en m&ecirc;me temps l&rsquo;imp&eacute;rieuse n&eacute;cessit&eacute; pour les acteurs qui sont cens&eacute;s s&rsquo;y r&eacute;f&eacute;rer de pr&eacute;server le souvenir de ce qui a &eacute;t&eacute; accompli et celui de leurs camarades disparus, en particulier dans le contexte inquiet de la disparition annonc&eacute;e des t&eacute;moins&nbsp;?</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">En outre, suffit-il vraiment en histoire d&rsquo;en appeler &agrave; la &laquo;&nbsp;rigueur des faits&nbsp;&raquo;&nbsp;? Ce n&rsquo;est pas si simple et ce n&rsquo;est pas suffisant. Lucien Febvre avait rejet&eacute; en son temps l&rsquo;id&eacute;e qu&rsquo;il ne puisse y avoir d&rsquo;histoire que bas&eacute;e sur des documents ou des &eacute;v&eacute;nements. Il d&eacute;fendait le point de vue qu&rsquo;il y avait d&rsquo;autres moyens pour la conna&icirc;tre&nbsp;: &laquo;&nbsp;Tous ceux qui s&rsquo;en occupent le savent, tous ceux qui s&rsquo;ing&eacute;nient non pas &agrave; transcrire du document mais &agrave; reconstituer du pass&eacute; avec tout un jeu de disciplines convergentes s&rsquo;appuyant, s&rsquo;&eacute;tayant, se suppl&eacute;ant l&rsquo;une l&rsquo;autre&nbsp;; et votre devoir d&rsquo;historien, c&rsquo;est pr&eacute;cis&eacute;ment de soutenir leur effort, de le d&eacute;crire, de le promouvoir le plus <span style="letter-spacing:-.1pt">possible.&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref7"></a><a href="#_ftn7"><sup><span style="color:black">[7]</span></sup></a></span><i> </i><span style="letter-spacing:-.1pt">Ainsi, l&rsquo;histoire de la R&eacute;sistance</span>, <span style="letter-spacing:-.2pt">dans sa singularit&eacute;, requiert une pluralit&eacute;</span> d&rsquo;outils et de niveaux de lecture, notamment pour l&rsquo;analyse de ce que les survivants ont dit ou &eacute;crit de leur exp&eacute;rience afin de rendre justice aux sacrifi&eacute;s et de se faire comprendre.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Claude Barbier parvient sans doute &agrave; rendre compte de ses recherches en archives, mais il ne r&eacute;ussit gu&egrave;re &agrave; les mettre en perspective ni &agrave; leur donner du sens, pris lui-m&ecirc;me dans le d&eacute;ploiement id&eacute;ologique d&rsquo;une contre-m&eacute;moire qui brouille notre rapport critique au pass&eacute;. Cela l&rsquo;emp&ecirc;che de prendre suffisamment en compte la parole des acteurs r&eacute;sistants. Et ce n&rsquo;est pas une r&eacute;f&eacute;rence br&egrave;ve et assez superficielle aux r&eacute;flexions de Paul Veyne sur les mythes en toute fin de volume (p.&nbsp;363) qui peut lui suffire pour traiter s&eacute;rieusement cette probl&eacute;matique. En outre, l&rsquo;auteur ne rend pas compl&egrave;tement justice &agrave; la dimension de r&eacute;alit&eacute; du r&eacute;cit-&eacute;pop&eacute;e de la premi&egrave;re &eacute;poque, soit le fait, en amont de l&rsquo;&eacute;chec du 26&nbsp;mars 1944, d&rsquo;avoir effectivement investi le plateau des Gli&egrave;res et de l&rsquo;avoir d&eacute;fendu <span style="letter-spacing:-.2pt">pendant quelques semaines dans l&rsquo;attente</span> d&rsquo;autres parachutages. Quant &agrave; la forte valeur symbolique de ce qui a &eacute;t&eacute; accompli aux Gli&egrave;res et &agrave; sa signification au-del&agrave; des faits et apr&egrave;s eux, il passe forc&eacute;ment &agrave; c&ocirc;t&eacute;.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">L&rsquo;histoire et la m&eacute;moire des Gli&egrave;res se r&eacute;affirment</span></span></b></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">Ce livre de Claude Barbier sur le maquis des Gli&egrave;res<a name="_ftnref8"></a><a href="#_ftn8"><sup><span style="color:black">[8]</span></sup></a> est contestable &agrave; un autre niveau encore. En effet, ceux-l&agrave; m&ecirc;mes qu&rsquo;il nous pr&eacute;sente comme les &laquo;&nbsp;gardiens&nbsp;&raquo; d&rsquo;une pr&eacute;tendue mystification ne sont pas aussi mal plac&eacute;s qu&rsquo;il le laisse entendre en mati&egrave;re de </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">d&eacute;veloppement d&rsquo;une histoire-m&eacute;moire<span style="letter-spacing:.1pt"> rigoureuse. En effet, les r&eacute;cits &eacute;piques de l&rsquo;imm&eacute;diat apr&egrave;s-guerre, nourris qu&rsquo;ils ont &eacute;t&eacute;, d&egrave;s le moment des faits, par l&rsquo;expression de la guerre psychologique et radiophonique, ont &eacute;t&eacute; d&eacute;sormais mis &agrave; distance, sans les d&eacute;pouiller pour autant de leurs fonctions symbolique et civique, par les milieux qui d&eacute;fendent cette m&eacute;moire. Nous en voulons pour preuve la r&eacute;cente r&eacute;&eacute;dition, en cette ann&eacute;e comm&eacute;morative, du bel ouvrage des rescap&eacute;s de 1946&nbsp;: &laquo;&nbsp;Dans le cadre de ce 70<sup>e</sup> anniversaire, l&rsquo;Association des Gli&egrave;res, qui &oelig;uvre avec ferveur et fid&eacute;lit&eacute; pour la m&eacute;moire et la transmission du patrimoine des Gli&egrave;res, r&eacute;&eacute;dite le livre &eacute;crit d&egrave;s 1946 par les rescap&eacute;s des Gli&egrave;res alors sous le titre&nbsp;: &quot;Gli&egrave;res Haute-Savoie 31&nbsp;janvier-26&nbsp;mars 1944&quot; et sous-titr&eacute; &quot;Premi&egrave;re bataille de la R&eacute;sistance&quot;&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref9"></a><a href="#_ftn9"><sup><span style="color:black">[9]</span></sup></a>. Pour cette r&eacute;&eacute;dition qui comprend une pr&eacute;face du grand t&eacute;moin et historien Jean-Louis Cr&eacute;mieux-Brilhac ainsi qu&rsquo;une postface de l&rsquo;historien Jean-Marie Guillon, un autre titre a &eacute;t&eacute; choisi dont l&rsquo;&eacute;nonc&eacute; est significatif&nbsp;: <i>Vivre libre ou mourir. Plateau des Gli&egrave;res Haute-Savoie 1944</i></span><a name="_ftnref10"></a><a href="#_ftn10"><sup><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">[10]</span></span></sup></a><span style="letter-spacing:.1pt">. L&rsquo;ouvrage comprend des parties en papier blanc r&eacute;dig&eacute;es dans le contexte de ce 70<sup>e</sup>&nbsp;anniversaire et une partie en papier ivoire qui reproduit le texte original. Son appareil critique rend &eacute;galement compte de l&rsquo;&eacute;volution de la mani&egrave;re dont l&rsquo;Association des </span><span style="letter-spacing:.2pt">Gli&egrave;res pr&eacute;sente les faits et leur signification, en tenant compte des travaux des historiens. Quant &agrave; la stimulante postface de Jean-Marie Guillon, elle exprime fort bien ce qu&rsquo;est le travail de l&rsquo;histoire en termes de critique des sources, d&rsquo;interaction entre histoire et m&eacute;moires, et surtout de construction d&rsquo;une intelligibilit&eacute; du pass&eacute; dans toute sa profondeur et dans toute sa complexit&eacute;&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">&laquo;&nbsp;La t&acirc;che de l&rsquo;historien est de restituer les &eacute;v&eacute;nements pass&eacute;s, dans toutes leurs dimensions, de compl&eacute;ter gr&acirc;ce &agrave; des sources nouvelles des versions ant&eacute;rieures ou de les rectifier si erreurs il y a eu, mais elle est surtout de comprendre et faire comprendre. Il est n&eacute;cessaire de r&eacute;tablir, par exemple, la r&eacute;alit&eacute; des chiffres, en g&eacute;n&eacute;ral erron&eacute;s, souvent excessifs, qui ont &eacute;t&eacute; diffus&eacute;s pour soulever la col&egrave;re ou l&rsquo;enthousiasme, pour des raisons de propagande, et qui ont &eacute;t&eacute; rarement rectifi&eacute;s par la suite. Il est normal de restituer les &eacute;v&eacute;nements et de les ramener &agrave; des dimensions plus modestes quand il y a lieu. Mais faire de l&rsquo;histoire </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">n&rsquo;est pas collecter les &quot;faits&quot;, sans se demander<span style="letter-spacing:-.2pt"> ce qu&rsquo;est un fait, sans s&rsquo;interroger sur les niveaux de perception, sur les motivations et les grilles de lecture des divers acteurs ou commentateurs, sans questionner toutes les sources, y compris celles qui paraissent les plus &quot;</span><span style="letter-spacing:-.3pt">objectives&quot; (notamment lorsqu&rsquo;elles sont</span><span style="letter-spacing:-.2pt"> fabriqu&eacute;es sur le champ avec des intentions qu&rsquo;il faut percer, des r&eacute;dacteurs et des destinataires dont il faut conna&icirc;tre les calculs ou les responsabilit&eacute;s).</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">On en revient toujours &agrave; Marc Bloch qui relevait que, &quot;longtemps, l&rsquo;historien a pass&eacute; pour une mani&egrave;re de juge des Enfers, charg&eacute; de distribuer aux h&eacute;ros morts &eacute;loge ou bl&acirc;me&quot;, or, &quot;&agrave; force de juger, on finit presque fatalement par perdre jusqu&rsquo;au go&ucirc;t d&rsquo;expliquer&quot;. Marc Bloch a &eacute;t&eacute; l&rsquo;un des premiers &agrave; s&rsquo;int&eacute;resser aux rumeurs de guerre dont il &eacute;tait le t&eacute;moin alors qu&rsquo;il se trouvait sur le front entre&nbsp;1914 et&nbsp;1918. Il en a rep&eacute;r&eacute; les ressorts et en a cherch&eacute; le sens. La r&eacute;alit&eacute; de la guerre, des combats, les motivations des poilus, leurs attitudes ne sont pas pour autant disqualifi&eacute;es par ces &quot;l&eacute;gendes de guerre&quot;. En rep&eacute;rant et &quot;d&eacute;construisant&quot;, Marc Bloch cherchait avant tout &agrave; &eacute;clairer la psychologie, les&nbsp;sentiments, les croyances des combattants. &Agrave; sa suite, le travail historique consid&egrave;re les r&eacute;cits, l&eacute;gendaires ou non, comme un mat&eacute;riel, une source dont il doit faire, comme pour toutes les sources, l&rsquo;analyse critique.&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref11"></a><a href="#_ftn11"><sup><span style="color:black">[11]</span></sup></a></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Volont&eacute; d&rsquo;expliquer, tentative de comprendre, mais sans manquer non plus de rester &agrave; l&rsquo;&eacute;coute des acteurs&nbsp;; capacit&eacute; aussi de s&rsquo;en tenir simultan&eacute;ment &agrave; diff&eacute;rents niveaux de lecture&nbsp;: ce sont bien l&agrave;, en effet, quelques-unes des <span style="letter-spacing:-.1pt">conditions qui permettent de faire v&eacute;ritablement</span> de l&rsquo;histoire.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">L&rsquo;oubli de la complexit&eacute;</span></span></b></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">Mais revenons au livre de Claude Barbier. </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Ce travail passe &agrave; c&ocirc;t&eacute; d&rsquo;une analyse critique un tant soit peu argument&eacute;e de la notion de mythe, de ses usages et de ses fonctions. Et il nous <span style="letter-spacing:-.1pt">en dit finalement tr&egrave;s peu sur cette m&eacute;moire qu&rsquo;il voue par principe aux g&eacute;monies. Par ailleurs, les limites de cet ouvrage sur les Gli&egrave;res s&rsquo;inscrivent sans doute aussi dans deux postures historiographiques qu&rsquo;il y aurait lieu de discuter.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">La premi&egrave;re se caract&eacute;rise par le fait de consid&eacute;rer l&rsquo;histoire de la R&eacute;sistance dans une acception restreinte, limit&eacute;e &agrave; la seule dimension strictement organisationnelle. Fran&ccedil;ois Marcot, dans un article r&eacute;cent, montre pourtant l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t d&rsquo;une approche qui soit davantage attentive &agrave; la complexit&eacute; des faits et des </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">engagements. Il a &laquo;&nbsp;propos&eacute; une conception</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"> globale de la R&eacute;sistance form&eacute;e de deux cercles concentriques, aux limites floues&nbsp;: une R&eacute;sistance-organisation, qui ne comprend de toute &eacute;vidence qu&rsquo;une toute petite minorit&eacute;, et une R&eacute;sistance-mouvement sociale qui l&rsquo;englobe&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref12"></a><a href="#_ftn12"><sup><span style="color:black">[12]</span></sup></a>. Cette conception permet de prendre en compte le r&ocirc;le de tous les acteurs dans la complexit&eacute; de leurs postures&nbsp;; et surtout de traiter plus finement la question des liens &laquo;&nbsp;multiples et complexes&nbsp;&raquo; entre &laquo;&nbsp;la R&eacute;sistance et la population&nbsp;&raquo;.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">La seconde consiste &agrave; n&eacute;gliger par principe l&rsquo;apport des t&eacute;moignages au profit des seuls documents d&rsquo;archives, m&ecirc;me si ces derniers comprennent aussi des d&eacute;positions de t&eacute;moins dont il faudrait interroger les conditions de production. L&rsquo;id&eacute;e n&rsquo;est pas ici de se r&eacute;f&eacute;rer seulement aux t&eacute;moignages&nbsp;; mais l&rsquo;&eacute;tude d&rsquo;un mouvement clandestin et de ses liens avec la population ne saurait se passer de la compl&eacute;mentarit&eacute; et du croisement de ces deux types de sources. Certes, l&rsquo;usage critique des t&eacute;moignages, leur analyse et les crit&egrave;res de choix des acteurs &agrave; inclure dans l&rsquo;enqu&ecirc;te posent a priori des probl&egrave;mes complexes. Mais il n&rsquo;en reste pas moins, souligne Laurent Douzou, &laquo;&nbsp;qu&rsquo;une </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">histoire de la R&eacute;sistance a &eacute;t&eacute; &eacute;crite et tiss&eacute;e</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt"> &agrave; partir d&rsquo;une trame &eacute;tablie par les efforts conjugu&eacute;s (sinon toujours convergents) des acteurs et des historiens. Nul ne pourra &agrave; l&rsquo;avenir &eacute;crire sans faire fond, d&rsquo;une mani&egrave;re ou d&rsquo;une autre, sur ce legs et sans r&eacute;fl&eacute;chir &agrave; ses multiples implications&nbsp;&raquo;. Certes, ajoute-t-il, une &laquo;&nbsp;conscience critique aig&uuml;e&nbsp;&raquo; s&rsquo;est impos&eacute;e aux historiens et est sans doute &laquo;&nbsp;salutaire. Non point tant en raison de la d&eacute;fiance dont elle est porteuse &agrave; l&rsquo;endroit d&rsquo;une dimension l&eacute;gendaire [&hellip;] indissociable de la nature m&ecirc;me de cette histoire singuli&egrave;re. Mais bien plut&ocirc;t en ce qu&rsquo;elle permet justement de faire toute leur place &agrave; de fortes repr&eacute;sentations qui expliquent, pour une bonne part, que des femmes et des hommes aient pu mettre leur vie dans la balance sans autre espoir que de la faire pencher du c&ocirc;t&eacute; de fortes valeurs &eacute;thiques.&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref13"></a><a href="#_ftn13"><sup><span style="color:black">[13]</span></sup></a></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.2pt">L&rsquo;op&eacute;ration de d&eacute;nigrement de la R&eacute;sistance et de brouillage relativiste des m&eacute;moires de Claude Barbier s&rsquo;&eacute;tait toutefois d&eacute;j&agrave; manifest&eacute;e d&rsquo;une mani&egrave;re bien plus probl&eacute;matique encore quelques semaines avant la parution du livre tir&eacute; de sa th&egrave;se avec la sortie d&rsquo;un autre livre consacr&eacute; au village d&rsquo;Hab&egrave;re-Lullin.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.3pt">Brouillage m&eacute;moriel sur la Haute-Savoie</span></span></span></b></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">11&nbsp;janvier 2014, Hab&egrave;re-Lullin, Haute-Savoie&nbsp;: ce jour-l&agrave;, un livre a &eacute;t&eacute; pr&eacute;sent&eacute; &agrave; la population par son auteur, Claude Barbier. Il &eacute;voque, en les pla&ccedil;ant sur un m&ecirc;me plan, deux &laquo;&nbsp;crimes de guerre&nbsp;&raquo; survenus dans ce village, d&rsquo;abord un massacre nazi contre un bal de jeunes <span style="letter-spacing:-.2pt">gens et, ensuite, une ex&eacute;cution de policiers et militaires nazis par la R&eacute;sistance</span>. Il contribue ainsi &agrave; obscurcir l&rsquo;intelligibilit&eacute; de cette p&eacute;riode dramatique.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">Crimes de guerre &agrave; Hab&egrave;re-Lullin</span></span></span></i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt"> mentionne sur sa couverture les dates du 26&nbsp;d&eacute;cembre 1943 et du 2&nbsp;septembre 1944. La premi&egrave;re concerne un massacre nazi perp&eacute;tr&eacute; dans le ch&acirc;teau du village o&ugrave; se d&eacute;roulait un bal&nbsp;: 24 jeunes sont ex&eacute;cut&eacute;s, de m&ecirc;me que le fruitier local&nbsp;; d&rsquo;autres jeunes seront d&eacute;port&eacute;s, dont 6 ne reviendront pas, ce qui fait 31 victimes. La seconde date, mise sur le m&ecirc;me plan, est celle de l&rsquo;ex&eacute;cution, au m&ecirc;me endroit, de 40&nbsp;policiers ou militaires allemands et nazis, dans le contexte imm&eacute;diat de la lib&eacute;ration de la r&eacute;gion (Lyon n&rsquo;&eacute;tait alors pas encore lib&eacute;r&eacute;e). Ce titre-choc et cette </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">couverture rel&egrave;vent d&rsquo;un certain sensationnalisme et ne donnent pas belle allure &agrave; cet ouvrage paru avec le soutien</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt"> de la municipalit&eacute; d&rsquo;Hab&egrave;re-Lullin. Son auteur, Claude Barbier, ne manque pourtant pas de faire savoir qu&rsquo;il a soutenu une th&egrave;se de doctorat &agrave; l&rsquo;universit&eacute; Paris I, Panth&eacute;on-Sorbonne. Mais cet ouvrage-ci, bien document&eacute; et qui propose m&ecirc;me quelques t&eacute;moignages qui interpellent, mais sans qu&rsquo;ils soient vraiment analys&eacute;s, se pr&eacute;sente comme un r&eacute;quisitoire contre la R&eacute;sistance, sans gu&egrave;re de nuance et sans les points d&rsquo;interrogation qui auraient &eacute;t&eacute; n&eacute;cessaires.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Soulignons d&rsquo;embl&eacute;e&nbsp;qu&rsquo;en histoire, il n&rsquo;y a pas de questions taboues et que celles qui sont pos&eacute;es ici sont tout &agrave; fait l&eacute;gitimes&nbsp;; comme le sont celles qui portent sur l&rsquo;&eacute;puration ou la tonte de femmes &agrave; la Lib&eacute;ration. Ce sont l&agrave; toutefois des questions d&eacute;licates qui n&eacute;cessitent une v&eacute;ritable posture historienne consistant &agrave; &eacute;tablir les faits et leurs aspects contrast&eacute;s en les questionnant <span style="letter-spacing:.1pt">avec nuance, sans c&eacute;der au relativisme ni au jugement &agrave; l&rsquo;emporte-pi&egrave;ce. Le contexte de cette sortie de guerre, entre soulagement pour sa propre survie et r&eacute;actions diverses &agrave; la perte de tous les disparus, dont beaucoup &eacute;taient encore d&eacute;port&eacute;s, ne justifie pas tous les comportements, et moins encore toutes les vengeances. Toutefois, ce questionnement critique ne doit pas non plus se d&eacute;velopper sans tenir compte s&eacute;rieusement des conditions dramatiques de l&rsquo;&eacute;poque, de l&rsquo;incertitude de ce temps, et surtout de l&rsquo;ampleur des crimes commis par le r&eacute;gime nazi et ceux qui l&rsquo;ont servi.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Relativiste et peu &eacute;clairant</span></span></b></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Avec ces deux dates mises sur le m&ecirc;me plan, la couverture du livre de Claude Barbier est relativiste. Mais quand on le lit, quand on l&rsquo;entend, c&rsquo;est plus discutable encore. Son attention se <span style="letter-spacing:.1pt">porte en effet bien davantage sur la d&eacute;nonciation</span> de ce qu&rsquo;il consid&egrave;re comme des fautes de la R&eacute;sistance, qu&rsquo;il met syst&eacute;matiquement en exergue, que sur les crimes de masse du national-socialisme et des collaborateurs fran&ccedil;ais.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Son &eacute;vocation du massacre de d&eacute;cembre&nbsp;1943 vise ainsi surtout &agrave; &eacute;tablir l&rsquo;innocence d&rsquo;un couple qui se trouvait dans les parages d&rsquo;Hab&egrave;re-Lullin, la Marseillaise et son &eacute;poux, couple qui a &eacute;t&eacute; ex&eacute;cut&eacute; par la R&eacute;sistance quelques jours plus tard, parce que suspect&eacute; d&rsquo;avoir d&eacute;nonc&eacute; le bal. Ce fait m&egrave;ne Claude Barbier &agrave; &eacute;voquer non pas 31, mais 33&nbsp;victimes de la trag&eacute;die de No&euml;l&nbsp;1943. Or, sa d&eacute;monstration &eacute;tablit la probable culpabilit&eacute; d&rsquo;autres individus, outre celle &eacute;vidente, mentionn&eacute;e dans tous les r&eacute;cits, de Guy Cazeaux, jug&eacute;, condamn&eacute; et ex&eacute;cut&eacute; quelques ann&eacute;es plus tard. Mais, tout compte fait, elle ne permet pas d&rsquo;innocenter compl&egrave;tement et sans doute possible les deux personnes en question.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Quant &agrave; l&rsquo;ex&eacute;cution du 2&nbsp;septembre 1944, Claude Barbier en reconstruit partiellement la dynamique, en relation notamment avec le r&ocirc;le qu&rsquo;a jou&eacute;, et surtout que n&rsquo;a pas pu jouer dans cette affaire, le Comit&eacute; international de la Croix-Rouge. L&agrave; aussi, son r&eacute;cit apporte de nombreux &eacute;l&eacute;ments documentaires rendant compte de la complexit&eacute; d&rsquo;une situation qui pose au fond la question de l&rsquo;insuffisance des conventions internationales qui ne concernaient &agrave; cette &eacute;poque que les militaires reconnus comme tels, &agrave; l&rsquo;exclusion de la R&eacute;sistance et des populations civiles. Cette absence de protection pour les combattants du maquis &eacute;tait au c&oelig;ur des n&eacute;gociations en cours dans le contexte imm&eacute;diat de la Lib&eacute;ration, aussi bien pour tenter de sauver des otages que pour prot&eacute;ger d&rsquo;&eacute;ventuels prisonniers &agrave; venir. Ce probl&egrave;me ne pouvait sans doute pas &ecirc;tre r&eacute;gl&eacute; &agrave; court terme. En outre, les modes de communication de ces ann&eacute;es de guerre laissent ouvertes bien des questions. En effet, un ordre d&rsquo;ex&eacute;cuter des prisonniers avait &eacute;man&eacute; des nouvelles autorit&eacute;s de la Lib&eacute;ration, mais c&rsquo;&eacute;tait dans le but de faire lib&eacute;rer des otages du fort de Montluc &agrave; Lyon, qui l&rsquo;ont &eacute;t&eacute; avant le 2&nbsp;septembre. D&egrave;s lors, cette ex&eacute;cution aurait-elle pu &ecirc;tre &eacute;vit&eacute;e&nbsp;? La question n&rsquo;est pas ill&eacute;gitime. Mais la r&eacute;ponse que Barbier lui apporte, sous la forme d&rsquo;une condamnation sans nuance de la R&eacute;sistance, porte un jugement qui, encore une fois, ne tient aucun compte du contexte, de la r&eacute;alit&eacute; de l&rsquo;&eacute;poque, de sa complexit&eacute; et de son caract&egrave;re encore incertain. Elle n&eacute;glige aussi une autre incertitude, celle qui caract&eacute;rise les recherches qui sont encore possibles.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Cet ouvrage est donc non seulement relativiste, mais il est peu &eacute;clairant. Il s&rsquo;en tient &agrave; des r&eacute;ponses tranch&eacute;es ne laissant gu&egrave;re de place au doute. Ainsi, il n&rsquo;aide pas &agrave; comprendre cette p&eacute;riode tragique, au c&oelig;ur d&rsquo;un XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle non moins tragique. Il affirme pourtant son caract&egrave;re scientifique en rejetant toute dimension m&eacute;morielle. Mais c&rsquo;est pr&eacute;cis&eacute;ment sur cet aspect qu&rsquo;il ne convainc pas, car il se pr&eacute;sente bien davantage comme un livre de contre-m&eacute;moire que comme un livre d&rsquo;histoire critique.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Ni novateur, ni pertinent</span></span></b></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">L&rsquo;ouvrage de Claude Barbier se veut pourtant novateur. Il entend mettre &agrave; jour la violence que connut la Haute-Savoie durant cette p&eacute;riode. Et il pr&eacute;cise m&ecirc;me que &laquo;&nbsp;c&rsquo;est plus pr&eacute;cis&eacute;ment la violence endog&egrave;ne, celle dont les habitants de la Haute-Savoie &eacute;taient les auteurs qui nous interpelle. Tr&egrave;s largement occult&eacute;e, si ce n&rsquo;est ni&eacute;e dans la litt&eacute;rature, elle est pourtant une r&eacute;alit&eacute; sur laquelle il convenait de se pencher.&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref14"></a><a href="#_ftn14"><sup><span style="color:black">[14]</span></sup></a></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">L&rsquo;auteur n&rsquo;est toutefois pas le premier &agrave; s&rsquo;&ecirc;tre pos&eacute; ces questions. Au d&eacute;but des ann&eacute;es 1990, un documentaire en deux parties d&rsquo;Olivier Doat et de Denis Chegaray, <i>Haute-Savoie 1944<a name="_ftnref15"></a><a href="#_ftn15"><b><sup><span style="color:black">[15]</span></sup></b></a></i>, interrogeait d&rsquo;anciens r&eacute;sistants et montrait combien le souvenir de cette violence continuait de les pr&eacute;occuper. Il leur posait la question de la violence, et celle de savoir si elle avait toujours &eacute;t&eacute; justifi&eacute;e. Leurs r&eacute;ponses &eacute;taient plut&ocirc;t nuanc&eacute;es, insistant sur le contexte exceptionnel de l&rsquo;&eacute;poque, ou sur la n&eacute;cessit&eacute; de canaliser en urgence le d&eacute;sir de vengeance au moment de la Lib&eacute;ration. Ainsi pr&eacute;cisait &agrave; un moment donn&eacute; le commentateur :</span></span></span><i> </i><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">&laquo;&nbsp;Il faut cependant souligner une diff&eacute;rence essentielle entre les t&eacute;moignages des r&eacute;sistants et ceux des miliciens que nous avons rencontr&eacute;s, y compris hors cam&eacute;ra. Beaucoup de r&eacute;sistants qui s&rsquo;expriment ici portent sur leur pass&eacute; un regard critique et s&rsquo;efforcent d&rsquo;en parler avec lucidit&eacute;. Mais jamais aucun milicien n&rsquo;a exprim&eacute; de doutes ou de regrets sur l&rsquo;engagement arm&eacute; de la Milice dans la collaboration avec les nazis. Jamais aucun d&rsquo;entre eux n&rsquo;a quitt&eacute; un seul instant devant nous le statut de victime acquis au moment de l&rsquo;&eacute;puration, un peu comme si &ccedil;a les autorisait &agrave; gommer tout ce qui avait pr&eacute;c&eacute;d&eacute;.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">L&rsquo;ouvrage de Barbier parle beaucoup de violence, en pointant de mani&egrave;re privil&eacute;gi&eacute;e celle des r&eacute;sistants, et en tenant parfois d&rsquo;&eacute;tranges propos sur celle des collaborateurs. Ainsi, par exemple, il &eacute;crit non sans un peu de complaisance que &laquo;&nbsp;dans un autre contexte que celui de la guerre, Guy Cazeaux aurait fait un honn&ecirc;te homme, sans histoire, fondant une famille. Il aurait v&eacute;cu de son travail et la police n&rsquo;en aurait jamais entendu parler. Les circonstances en ont voulu autrement.&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref16"></a><a href="#_ftn16"><sup><span style="color:black">[16]</span></sup></a> Ce serait donc un Monsieur-tout-le-monde, une victime des circonstances, qui aurait &eacute;t&eacute; men&eacute; &agrave; collaborer, &agrave; d&eacute;noncer, &agrave; provoquer la mort d&rsquo;autrui. Peut-&ecirc;tre m&ecirc;me serions-nous finalement tous porteurs de cette capacit&eacute; de faire du mal. C&rsquo;est donc bien une doxa de la France glauque qui nous est propos&eacute;e dans ce livre, cette vulgate qui a &eacute;t&eacute; d&eacute;nonc&eacute;e avec une grande pertinence par l&rsquo;historien Pierre Laborie<a name="_ftnref17"></a><a href="#_ftn17"><sup><span style="color:black">[17]</span></sup></a>.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Plus probl&eacute;matique encore, pour comprendre comment l&rsquo;ex&eacute;cution du 2&nbsp;septembre 1944 a &eacute;t&eacute; possible, l&rsquo;auteur se r&eacute;f&egrave;re aux travaux de Christopher Browning sur les hommes du 101<sup>e</sup> bataillon de r&eacute;serve de la police allemande, acteurs directs des premi&egrave;res ex&eacute;cutions de masse &agrave; l&rsquo;&eacute;gard des populations juives de l&rsquo;Est<a name="_ftnref18"></a><a href="#_ftn18"><sup><span style="color:black">[18]</span></sup></a>. Une telle comparaison entre ces tueurs et les r&eacute;sistants de la Haute-Savoie, fort malvenue, assur&eacute;ment blessante pour les survivants de la R&eacute;sistance et leurs familles, n&rsquo;a aucun sens, ni aucune justification.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Un livre pr&eacute;sent&eacute; quand une exposition rendait hommage aux victimes du bal tragique</span></span></span></b></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">La pr&eacute;sentation du livre de Claude Barbier s&rsquo;est d&eacute;roul&eacute;e le 11&nbsp;janvier dernier alors qu&rsquo;&eacute;tait encore accroch&eacute;e dans la mairie du village une belle exposition historique et m&eacute;morielle r&eacute;alis&eacute;e &agrave; l&rsquo;initiative de l&#39;Association des amis de la Fondation pour la m&eacute;moire de la d&eacute;portation. L&rsquo;un des fils conducteurs de la dizaine de panneaux qui &eacute;taient pr&eacute;sent&eacute;s reprenait quelques extraits d&rsquo;un manuscrit, <i>Les cicatrices du pass&eacute;</i>, <span style="letter-spacing:.3pt">r&eacute;dig&eacute; en 1994 par Joachim Cottet, d&eacute;port&eacute;</span> et rescap&eacute; des camps qui avait &eacute;t&eacute; arr&ecirc;t&eacute; au soir du bal tragique.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Au moment m&ecirc;me o&ugrave; cette exposition &eacute;tait visible &agrave; la mairie, chacun peut imaginer l&rsquo;impression que la pr&eacute;sentation du livre de Claude Barbier a pu susciter chez celles et ceux qui l&rsquo;avaient pr&eacute;par&eacute;e. Ce sont surtout son titre et sa couverture qui ont frapp&eacute; les esprits. Fallait-il donc vraiment en arriver l&agrave; alors m&ecirc;me que, pour la premi&egrave;re fois, des photos de la plupart des victimes du massacre nazi de d&eacute;cembre&nbsp;1943 &eacute;taient rassembl&eacute;es, apr&egrave;s tout un travail de r&eacute;colte documentaire effectu&eacute; soixante-dix ans plus tard&nbsp;?</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Un extrait du r&eacute;cit de Joachim Cottet, &eacute;tabli un demi-si&egrave;cle apr&egrave;s les faits, peut &ecirc;tre rapport&eacute; ici pour rappeler de quoi il est question avec le crime nazi du 26&nbsp;d&eacute;cembre 1943. Il concerne des sc&egrave;nes de </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.3pt">d&eacute;chirement apr&egrave;s le massacre d&rsquo;Hab&egrave;re</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">-Lullin. En effet, les cadavres des supplici&eacute;s avaient br&ucirc;l&eacute; dans l&rsquo;incendie du ch&acirc;teau&nbsp;; ils &eacute;taient m&eacute;connaissables. Personne ne savait donc qui se trouvait, survivant, au Pax d&rsquo;Annemasse, le si&egrave;ge local de la Gestapo. &laquo;&hellip;Les familles prirent contact avec le Maire d&rsquo;Annemasse, M. Jean DEFFAUGT, lui-m&ecirc;me en contact de par ses responsabilit&eacute;s avec la Gestapo. M. DEFFAUGT invita les familles &agrave; se rendre chez lui avec, pour chacune d&rsquo;elles, une valise de linge qu&rsquo;il nous remettrait &agrave; la prison, ce qui fut fait.&nbsp;&raquo; D&egrave;s lors, &laquo;&nbsp;les survivants en prirent possession et pour tous les autres, M. DEFFAUGT partit rejoindre les familles en rapportant celles non remises, ce qui signifiait, h&eacute;las, que le jeune avait &eacute;t&eacute; tu&eacute;. Ce fut, on le devine, des heures d&rsquo;angoisse indescriptibles, une sc&egrave;ne &eacute;pouvantable&nbsp;! Toutes ces familles &eacute;plor&eacute;es, pleurant un &ecirc;tre cher et repartant avec leur valise non remise.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Une tendance qui s&rsquo;inscrit dans un cadre plus large</span></span></b></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.15pt">L&rsquo;ouvrage de Claude Barbier proc&egrave;de d&rsquo;une logique analogue &agrave; celui de Paul Abrahams dont une traduction fran&ccedil;aise a &eacute;t&eacute; co&eacute;dit&eacute;e par la soci&eacute;t&eacute; d&rsquo;histoire r&eacute;gionale dont Barbier est le vice-pr&eacute;sident<a name="_ftnref19"></a><a href="#_ftn19"><sup><span style="color:black">[19]</span></sup></a>.&nbsp;L&rsquo;ouvrage se pr&eacute;sente comme une enqu&ecirc;te document&eacute;e, mais davantage marqu&eacute;e dans ses finalit&eacute;s par un jugement discutable que par un questionnement raisonn&eacute;. Une id&eacute;e y est fortement affirm&eacute;e dans l&rsquo;introduction, puis r&eacute;p&eacute;t&eacute;e dans la conclusion. La couverture de l&rsquo;ouvrage d&rsquo;Abrahams prend certes soin de pr&eacute;ciser dans son sous-titre qu&rsquo;il ne se fonde que sur les sources de l&rsquo;administration de Vichy. Mais sa th&egrave;se, qui se r&eacute;f&egrave;re au concept de &laquo;&nbsp;m&eacute;tar&eacute;cit&nbsp;&raquo; de Jean-Fran&ccedil;ois Lyo</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">tard, fustige d&egrave;s </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">son introduction comme n&rsquo;&eacute;tant pas s&eacute;rieuses les narrations historiques disponibles sur la p&eacute;riode de l&rsquo;occupation italienne, puis allemande, en Haute-Savoie, fortement articul&eacute;es sur des t&eacute;moignages. Elle est r&eacute;p&eacute;t&eacute;e dans le dernier paragraphe de la conclusion, avec une phrase imprim&eacute;e en gras qui stipule que &laquo;&nbsp;le m&eacute;tar&eacute;cit convenu de la R&eacute;sistance fran&ccedil;aise n&rsquo;est manifestement pas satisfaisant&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref20"></a><a href="#_ftn20"><sup><span style="color:black">[20]</span></sup></a>. Toutefois, entre ces deux occurrences, le lecteur ne trouvera ni t&eacute;moignages, ni analyses de ce m&eacute;tar&eacute;cit, mais seulement des sources de l&rsquo;administration de Vichy. Malgr&eacute; quelques avertissements prudents et quelques nuances, Abrahams dresse ainsi un portrait passablement n&eacute;gatif de la R&eacute;sistance en prenant tout ou partie de ces documents pour argent comptant</span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.2pt">Les ouvrages d&rsquo;Abrahams et de Barbier </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">se situent l&rsquo;un et l&rsquo;autre dans un courant qui d&eacute;nigre la R&eacute;sistance, ses valeurs, ses actes et son r&ocirc;le dans la guerre. Celui de Claude Barbier sur Hab&egrave;re-Lullin banalise les crimes du national-socialisme et de ses alli&eacute;s par un relativisme sans nuance. Ces propos, encore peu audibles il y a quelque temps, s&rsquo;inscrivent d&eacute;sormais dans un air du temps qui est inqui&eacute;tant, observable dans plusieurs pays europ&eacute;ens. Ils ont notamment pour logique de susciter notre compassion pour toutes les victimes de la guerre, cet &eacute;v&eacute;nement <span style="letter-spacing:-.1pt">sanglant dont tout le monde a souffert</span>, mais en n&eacute;gligeant l&rsquo;analyse critique des m&eacute;canismes qui ont en r&eacute;alit&eacute; produit diff&eacute;rentes cat&eacute;gories de victimes, en fonction des conditions historiques propres &agrave; chaque situation. En proc&eacute;dant de la sorte, ils contribuent &agrave; effacer la dimension antifasciste dans l&rsquo;analyse historienne de la Seconde Guerre mondiale.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Comment aborder l&rsquo;histoire d&rsquo;un opprobre&nbsp;?</span></span></b></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">En introduisant l&rsquo;une de ses fameuses &eacute;missions t&eacute;l&eacute;vis&eacute;es en plan fixe diffus&eacute;es en Suisse romande, celle qui introduisait une histoire de la Commune de Paris le 17&nbsp;avril 1971 dans le contexte d&rsquo;un autre centenaire, Henri Guillemin a bien exprim&eacute; cette difficult&eacute; de se situer entre qu&ecirc;te de v&eacute;rit&eacute; et transmission d&rsquo;un pass&eacute; traumatique. Il a soulign&eacute; que l&rsquo;honn&ecirc;tet&eacute; de l&rsquo;historien importait davantage que sa pr&eacute;tendue objectivit&eacute;. &laquo;&nbsp;Je voudrais tout d&rsquo;abord vous apporter quelques citations, <i>s&rsquo;est-il exclam&eacute;.</i> Il y en a une de Chateaubriand, dans les <i>M&eacute;moires d&rsquo;outre-tombe,</i> et qui m&rsquo;a toujours frapp&eacute;, il dit&nbsp;: Faites attention &agrave; l&rsquo;histoire que l&rsquo;imposture se charge d&rsquo;&eacute;crire&nbsp;!&nbsp;Simone Weil, d&rsquo;autre part, qui a dit&nbsp;: Croire &agrave; l&rsquo;histoire officielle, c&rsquo;est croire des criminels sur parole&nbsp;; et enfin, il y a Victor Hugo, dans un texte tr&egrave;s peu connu, c&rsquo;est dans <i>Toute la lyre,</i> &ccedil;a s&rsquo;appelle &laquo;&nbsp;Aux historiens&nbsp;&raquo;, et il dit deux choses aux historiens, il leur dit&nbsp;: Dites le vrai&nbsp;! Cela veut dire&nbsp;: Ne mentez pas&nbsp;! Dites le vrai&nbsp;! Mais d&rsquo;autre part, il ajoute&nbsp;: Ne nous racontez pas un opprobre notoire comme on raconterait n&rsquo;importe quelle histoire&nbsp;! Cela veut dire quoi &ccedil;a&nbsp;? Cela veut dire que l&rsquo;objectivit&eacute;, dont on parle toujours en histoire, ce n&rsquo;est pas possible. Pourquoi&nbsp;? L&rsquo;objectivit&eacute;, cela veut dire consid&eacute;rer les faits <span style="letter-spacing:.2pt">comme des objets. Comment voulez-vous que l&rsquo;on consid&egrave;re comme des objets</span> une histoire humaine, une aventure humaine, des choses qui nous concernent tous. Alors, je dirais que l&rsquo;impassibilit&eacute; est impossible devant <span style="letter-spacing:-.1pt">une histoire comme celle de la Commune, qui est une histoire affreuse, vous savez, une histoire atroce. Mais si l&rsquo;impassibilit&eacute; est impossible, la loyaut&eacute; est le premier devoir. Alors, c&rsquo;est ce que je vais essayer de faire, une histoire v&eacute;ridique, de ne pas vous cacher ce qui peut me g&ecirc;ner dans cette histoire-l&agrave;, qui n&rsquo;est certes pas toujours belle, mais enfin, en m&rsquo;appliquant &agrave; &ecirc;tre avant tout honn&ecirc;te.&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref21"></a><a href="#_ftn21"><sup><span style="color:black">[21]</span></sup></a></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Dans son texte des ann&eacute;es de guerre publi&eacute; &agrave; titre posthume, <i>Apologie pour l&rsquo;histoire ou m&eacute;tier d&rsquo;historien</i>, Marc Bloch, grand historien r&eacute;sistant, assassin&eacute; par les Allemands, invitait de son c&ocirc;t&eacute; &agrave; ne pas confondre les r&ocirc;les respectifs, bien diff&eacute;rents, du savant et du juge. Aussi &eacute;crivait-il : &laquo;&nbsp;Il existe deux fa&ccedil;ons d&rsquo;&ecirc;tre impartial&nbsp;: celle du savant et celle du juge. Elles ont une racine commune, qui est l&rsquo;honn&ecirc;te soumission &agrave; la v&eacute;rit&eacute;. Le savant enregistre, bien mieux, il provoque l&rsquo;exp&eacute;rience qui, peut-&ecirc;tre, renversera ses plus ch&egrave;res th&eacute;ories. Quel que soit le v&oelig;u secret de son c&oelig;ur, le bon juge interroge les t&eacute;moins sans autre souci que de conna&icirc;tre les faits, tels qu&rsquo;ils furent. Cela est, des deux c&ocirc;t&eacute;s, une obligation de conscience qui ne se discute point&nbsp;&raquo;. Mais &laquo;&nbsp;un moment vient, cependant, o&ugrave; les chemins se s&eacute;parent. Quand le savant a observ&eacute; et expliqu&eacute;, sa t&acirc;che est finie. Au juge, il reste encore &agrave; rendre sa sentence.&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref22"></a><a href="#_ftn22"><sup><span style="color:black">[22]</span></sup></a></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">D&egrave;s lors, qu&rsquo;est-ce que l&rsquo;opprobre dans les faits du pass&eacute;, comment le raconter et comment &eacute;viter, face aux situations les plus atroces, d&rsquo;entrer dans des logiques de sentence et de jugement&nbsp;? Comment s&rsquo;en tenir autant que possible &agrave; la posture d&rsquo;auxiliaire d&rsquo;intelligibilit&eacute; que l&rsquo;historien Nicolas Offenstadt situe dans un espace interm&eacute;diaire entre les deux </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">&eacute;cueils de la position d&rsquo;expert et de l&rsquo;op<span style="letter-spacing:-.1pt">tion militante<a name="_ftnref23"></a><a href="#_ftn23"><sup><span style="color:black">[23]</span></sup></a>&nbsp;? Ou alors, pour le dire un </span>peu autrement, en reprenant une for<span style="letter-spacing:-.1pt">mule de Pierre Laborie, comment l&rsquo;historien peut-il &laquo;&nbsp;&ecirc;tre &agrave; la fois un sauve-m&eacute;moire et un trouble-m&eacute;moire&nbsp;&raquo;<a name="_ftnref24"></a><a href="#_ftn24"><sup><span style="color:black">[24]</span></sup></a>&nbsp;? Vastes questions. Tr&egrave;s vaste d&eacute;bat. &Eacute;tablir les faits qui peuvent l&rsquo;&ecirc;tre, croiser des sources, y compris entre documents d&rsquo;archives et t&eacute;moignages, laisser ouvert l&rsquo;&eacute;ventail des possibles dans l&rsquo;analyse de </span>la complexit&eacute; du pass&eacute;, questionner des documents et des t&eacute;moignages sans oc<span style="letter-spacing:-.1pt">culter leurs &eacute;ventuels aspects contradictoires ou d&eacute;rangeants, tenir compte de l&rsquo;ambivalence et des contradictions parfois inconscientes des acteurs, mais aussi, dans ce cas, s&rsquo;en tenir &agrave; un minimum d&rsquo;empathie &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de celles et ceux qui ont combattu le nazisme et qui en ont &eacute;t&eacute; victimes, tels sont quelques principes parmi d&rsquo;autres qui pourraient y contribuer.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:.1pt">Les questions pos&eacute;es par Claude </span></span></span><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.1pt">Barbier m&eacute;riteraient sans doute d&rsquo;autres d&eacute;veloppements pour enrichir l&rsquo;intelligibilit&eacute; de ce pass&eacute; tragique. Malheureusement, il a pr&eacute;f&eacute;r&eacute; s&rsquo;&eacute;riger en juge et contribuer ainsi &agrave; une sorte de brouillage m&eacute;moriel. Il fait mine d&rsquo;&ecirc;tre un trouble-m&eacute;moire, mais il nous impose le trouble sans la m&eacute;moire, et loin de l&rsquo;histoire. Cette posture est peut-&ecirc;tre dans l&rsquo;air du temps, raison pour laquelle l&rsquo;auteur a trouv&eacute; des encouragements politiques et financiers au plan local. Mais il y a vraiment lieu de mettre &agrave; distance une telle mani&egrave;re de traiter du pass&eacute;. Il s&rsquo;agit par l&agrave; de pr&eacute;server l&rsquo;histoire et les m&eacute;moires de cette &eacute;poque tragique, mais aussi celles de ces acteurs et de ces actrices qui ont contribu&eacute; il y a soixante-dix ans &agrave; la faire d&eacute;boucher sur d&rsquo;autres perspectives que cette Europe brune et bott&eacute;e que d&rsquo;aucuns ont servie avec tellement de z&egrave;le.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><b><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Un enjeu pour l&rsquo;enseignement de l&rsquo;histoire</span></span></b></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Reste alors un enjeu de taille, celui de la transmission. En laissant de tels m&eacute;susages de l&rsquo;histoire se r&eacute;pandre dans l&rsquo;espace public, c&rsquo;est en r&eacute;alit&eacute; toute la transmission de ce pass&eacute; traumatique qui se trouve menac&eacute;e. En effet, comprendre et faire comprendre les trag&eacute;dies du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle et leur complexit&eacute; aux nouvelles g&eacute;n&eacute;rations ne serait plus gu&egrave;re possible si nous nous en tenions &agrave; ces mises &agrave; plat, &agrave; ce relativisme, &agrave; ces simplifications caricaturales qui ignorent aussi bien l&rsquo;ambivalence que la pluralit&eacute; des postures et des parcours, &agrave; cette stigmatisation de la R&eacute;sistance n&eacute;gligeant sciemment ce qu&rsquo;elle a r&eacute;alis&eacute; pour mieux l&rsquo;inscrire dans le sombre tableau d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; glauque, avec comme premier effet de banaliser les actes criminels de tous les fascismes.</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:8.5pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:black">Cette probl&eacute;matique de l&rsquo;histoire de la R&eacute;sistance en Haute-Savoie et la critique sans concession de son d&eacute;nigrement, et surtout du d&eacute;nigrement de sa m&eacute;moire, constituent ainsi des enjeux majeurs pour la transmission de cette m&eacute;moire, de son histoire et de son intelligibilit&eacute; aupr&egrave;s des jeunes g&eacute;n&eacute;rations &agrave; venir qui n&rsquo;auront pas l&rsquo;occasion d&rsquo;entendre directement la parole des t&eacute;moins et des acteurs. Comme pour tous les faits traumatiques du pass&eacute;, cet enseignement autour de la R&eacute;sistance se doit d&rsquo;&eacute;viter deux &eacute;cueils majeurs, soit aussi bien la sacralisation des faits et de leur signification que leur banalisation, dont le d&eacute;nigrement est un avatar. Qu&rsquo;en est-il donc finalement, &agrave; propos des Gli&egrave;res, de ces deux ouvrages qui viennent d&rsquo;&ecirc;tre publi&eacute;s dans un contexte de 70<sup>e</sup>&nbsp;anniversaire&nbsp;? Celui de l&rsquo;Association des Gli&egrave;res, qui rend un juste hommage &agrave; l&rsquo;action des hommes qui ont risqu&eacute; ou perdu leur vie pour la libert&eacute;, &eacute;vite la sacralisation en mettant en perspective, par un appareil critique de qualit&eacute;, un beau texte des rescap&eacute;s publi&eacute; en 1946&nbsp;; en revanche, celui de Claude Barbier, davantage par omission que de mani&egrave;re frontale, et quels que soient par ailleurs ses apports, n&rsquo;&eacute;vite pas l&rsquo;&eacute;cueil d&rsquo;une forme de d&eacute;nigrement de la m&eacute;moire des acteurs en n&eacute;gligeant de faire ce pas de c&ocirc;t&eacute; qui devrait permettre &agrave; l&rsquo;historien de porter un regard dense sur le pass&eacute; et d&rsquo;exercer pleinement sa fonction critique. Mais le travail de Barbier doit aussi &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute; dans un ensemble qui inclut le grand tapage de ses conf&eacute;rences publiques et l&rsquo;invraisemblable brouillage relativiste qu&rsquo;il a impos&eacute; au village d&rsquo;Hab&egrave;re-Lullin&nbsp;: c&rsquo;est ainsi un travail qui doit &ecirc;tre fermement d&eacute;menti par la rigueur, l&rsquo;honn&ecirc;tet&eacute; et la qu&ecirc;te d&rsquo;intelligibilit&eacute; du travail d&rsquo;histoire.</span></span></span></span></p> <p>&nbsp;</p> <div> <hr align="left" size="1" width="33%" /></div> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn1"></a><a href="#_ftnref1"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[1]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Claude Barbier, <i>Des &laquo;&nbsp;&eacute;v&eacute;nements de Haute-Savoie&nbsp;&raquo; &agrave; Gli&egrave;res, mars 1943-mai 1944 : action et r&eacute;pression du maquis savoyard</i>, th&egrave;se de doctorat soutenue &agrave; la Sorbonne le 16 novembre 2011.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn2"></a><a href="#_ftnref2"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[2]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <i><span style="letter-spacing:-.05pt">Le Temps</span></i><span style="letter-spacing:-.05pt">, 14 septembre 2012. Cet article faisait suite &agrave; une conf&eacute;rence donn&eacute;e par Claude Barbier &agrave; la Soci&eacute;t&eacute; militaire de Gen&egrave;ve le 4 septembre pr&eacute;c&eacute;dent.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn3"></a><a href="#_ftnref3"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[3]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <u><span style="color:blue">http://www.lavoixdesallobroges.org/histoire/461-itw-claude-barbier-sur-le-mythe-de-glieres</span></u>, consult&eacute; le 14 mars 2014.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn4"></a><a href="#_ftnref4"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[4]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <span style="letter-spacing:-.05pt">Il s&rsquo;agit d&rsquo;Olivier Wieviorka, un chercheur qui a lui-m&ecirc;me &eacute;crit, dans son dernier livre <i>(Histoire de la R&eacute;sistance 1940-1945</i>, Paris, Perrin, 2013), en r&eacute;f&eacute;rence explicite &agrave; la th&egrave;se de Claude Barbier, que les maquisards des Gli&egrave;res y &eacute;taient mont&eacute;s pour se &laquo;&nbsp;r&eacute;fugier&nbsp;&raquo; (p. 347) et qu&rsquo;il n&rsquo;y avait pas eu de &laquo;&nbsp;bataille&nbsp;&raquo; aux Gli&egrave;res (p. 351).</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn5"></a><a href="#_ftnref5"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[5]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <span style="letter-spacing:-.15pt">http://www.lessorsavoyard.fr/Actualite/Annecy/2014/02/26/article_glieres_le_retour_de_la_polemique.shtml, consult&eacute; le 14 mars 2014.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn6"></a><a href="#_ftnref6"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[6]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <span style="letter-spacing:-.15pt">Voir notamment Alain Dalotel, <i>Le Maquis des Gli&egrave;res</i>, Paris, Plon, 1992&nbsp;; Jean-Louis Cr&eacute;mieux-Brilhac, <i>La Bataille des Gli&egrave;res et la guerre psychologique. Gli&egrave;res - f&eacute;vrier-mars 1944</i>, Annecy, Association des Gli&egrave;res, 2004 (r&eacute;&eacute;dition d&rsquo;un article paru en 1975 dans la <i>Revue d&rsquo;histoire de la Seconde Guerre mondiale</i>, avec une pr&eacute;face et une postface de Jacques Golliet)&nbsp;; Gil Emprin, &laquo;&nbsp;Les associations d&rsquo;anciens r&eacute;sistants et l&rsquo;&eacute;criture de l&rsquo;Histoire&nbsp;: Gli&egrave;res, une historiographie sous tutelle&nbsp;?&nbsp;&raquo;, in Laurent Douzou (dir.), <i>Faire l&rsquo;histoire de la R&eacute;sistance</i>, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, pp. 187-199&nbsp;; Marina Guichard-Croset, <i>La Construction d&rsquo;une m&eacute;moire collective de la R&eacute;sistance en Haute-Savoie&nbsp;: les Gli&egrave;res</i>, th&egrave;se de doctorat, Saint-&Eacute;tienne, Universit&eacute; de Saint-&Eacute;tienne, 2011.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn7"></a><a href="#_ftnref7"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[7]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Lucien Febvre, &laquo;&nbsp;Combats pour l&rsquo;histoire&nbsp;&raquo;, in <i>Vivre l&rsquo;histoire</i>, Paris, Robert Laffont, &laquo; Bouquins &raquo;, 2009 [1953], pp. 64-65.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn8"></a><a href="#_ftnref8"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[8]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> L&rsquo;auteur &eacute;crit &laquo;&nbsp;de Gli&egrave;res&nbsp;&raquo;, mais cela ne change rien au fond du probl&egrave;me contrairement &agrave; ce qu&rsquo;il pr&eacute;tend sur un ton sentencieux.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn9"></a><a href="#_ftnref9"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[9]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Citation tir&eacute;e du dossier de presse <i>Gli&egrave;res, un patrimoine pour la Haute-Savoie et pour la France</i> pr&eacute;sentant en f&eacute;vrier 2014 cette r&eacute;&eacute;dition de l&rsquo;ouvrage de 1946.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn10"></a><a href="#_ftnref10"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[10]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Diffusion&nbsp;: Montm&eacute;lian, La Fontaine de Silo&eacute;, 2014.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn11"></a><a href="#_ftnref11"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[11]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Jean-Marie Guillon, &laquo;&nbsp;De l&rsquo;histoire de la R&eacute;sistance &agrave; l&rsquo;histoire des Gli&egrave;res. La R&eacute;sistance dans la m&eacute;moire collective&nbsp;&raquo;, in <i>Vivre libre ou mourir&hellip;,</i> <i>op. cit.,</i> pp. 209-237, pp. 219-220 pour la citation. L&rsquo;auteur tire les propos de Marc Bloch de son ouvrage <i>Apologie pour l&rsquo;histoire ou m&eacute;tier d&rsquo;historien</i>, Paris, Armand Colin, Cahiers des Annales, 4<sup>e</sup> &eacute;dition de ce texte publi&eacute; &agrave; titre posthume, 1960, p. 70.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn12"></a><a href="#_ftnref12"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[12]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <span style="letter-spacing:-.15pt">Fran&ccedil;ois Marcot, &laquo;&nbsp;Comment &eacute;crire l&rsquo;histoire de la R&eacute;sistance&nbsp;?&nbsp;&raquo;, <i>Le D&eacute;bat</i>, n&deg; 177, 2013/5, pp. 173-185, p. 174.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn13"></a><a href="#_ftnref13"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[13]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Laurent Douzou, <i>La R&eacute;sistance fran&ccedil;aise&nbsp;: une histoire p&eacute;rilleuse</i>, Paris, Seuil, &laquo; Points histoire &raquo;, 2005, pp.&nbsp;284 et 286. Voir aussi Pierre Laborie, &laquo;&nbsp;Acteurs et t&eacute;moins dans l&rsquo;&eacute;criture de l&rsquo;histoire de la R&eacute;sistance &raquo;, in Laurent Douzou (dir), <i>Faire l&rsquo;histoire&hellip;</i>, <i>op. cit</i>, pp. 81-94.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn14"></a><a href="#_ftnref14"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[14]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <span style="color:black">Claude Barbier, <i>Crimes de guerre&hellip;, op. cit.</i>, p. 14.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn15"></a><a href="#_ftnref15"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[15]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> La Sept, 1992. Premi&egrave;re partie&nbsp;: <i>La fureur de la guerre civile</i>, http://www.youtube.com/watch?v=Gvky2Y0k9j4&nbsp;; seconde partie&nbsp;: <i>Les circonstances d&rsquo;une Justice</i>, http://www.youtube.com/watch?v=UwcQfmR82ug, consult&eacute; le 14 janvier 2014.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn16"></a><a href="#_ftnref16"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[16]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <span style="color:black">Claude Barbier, <i>Crimes de guerre&hellip;</i>, <i>op. cit.</i>, p. 177.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn17"></a><a href="#_ftnref17"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[17]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <span style="color:black">Pierre Laborie, <i>Le Chagrin et le venin. La France sous l&rsquo;Occupation, m&eacute;moire et id&eacute;es re&ccedil;ues</i>, Paris, Bayard, 2011. Voir aussi un entretien dans Lib&eacute;ration&nbsp;: http://www.liberation.fr/societe/2011/01/29/on-se-sert-de-la-resistance-tout-en-la-denigrant_710839, consult&eacute; le 14 janvier 2014.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn18"></a><a href="#_ftnref18"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[18]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Claude Barbier, <i>Crimes de guerre&hellip;</i>, <i>op. cit.</i>, p. 348. La r&eacute;f&eacute;rence utilis&eacute;e est Christopher R. Browning, <i>Des hommes ordinaires. Le 101<sup>e</sup> bataillon de r&eacute;serve de la police allemande et la Solution finale en Pologne</i>, Paris, Les Belles Lettres, 2002.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn19"></a><a href="#_ftnref19"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[19]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <span style="color:black">Paul Abrahams, <i>La Haute-Savoie contre elle-m&ecirc;me, 1939-1945. Les Hauts-Savoyards vus par l&rsquo;administration de Vichy</i>, Saint-Julien-en-Genevois et Thonon-les-Bains, La Sal&eacute;vienne et Acad&eacute;mie chablaisienne, 2006.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn20"></a><a href="#_ftnref20"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[20]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <i>Ibid</i>., pp. 12-13 et 346.</span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn21"></a><a href="#_ftnref21"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[21]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <span style="color:black">Voir http://www.rts.ch/archives/tv/culture/dossiers-de-l-histoire/3448487-la-revolution-francaise.html, <span style="letter-spacing:-.15pt">consult&eacute; le 14 janvier 2014. C&rsquo;est &agrave; tort qu&rsquo;il est question dans le titre de la R&eacute;volution fran&ccedil;aise. Il s&rsquo;agit bien d&rsquo;une introduction &agrave; l&rsquo;histoire de la Commune de Paris (avec un propos qui, certes, part de la R&eacute;volution fran&ccedil;aise).</span></span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn22"></a><a href="#_ftnref22"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[22]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <span style="color:black"><span style="letter-spacing:-.05pt">Marc Bloch, <i>L&rsquo;Histoire, la Guerre, la R&eacute;sistance</i>, Paris, Quarto Gallimard, 2006, p. 947 (texte r&eacute;dig&eacute; en 1942).</span></span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn23"></a><a href="#_ftnref23"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[23]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> <span style="color:black">Nicolas Offenstadt, &laquo;&nbsp;Histoire et historiens dans l&rsquo;espace public&nbsp;&raquo;, in Christophe Granger (dir.), <i>&Agrave; quoi pensent les historiens&nbsp;? Faire de l&rsquo;histoire au XXI<sup>e</sup> si&egrave;cl</i>e, Paris, Autrement, 2013, pp. 94-95.</span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Calibri"><a name="_ftn24"></a><a href="#_ftnref24"><sup><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"><span style="color:blue">[24]</span></span></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:Helvetica"> Entretien avec Pierre Laborie, recueilli par Sylvain Gland et C&eacute;cile Vast, <i>La lettre de la Fondation de la R&eacute;sistance</i>, N&deg; 74, septembre 2013, p. 32.</span></span></span></span></p>