<p class="texte" dir="ltr">Le fait d&rsquo;adopter, sur la base d&rsquo;une conception bibliom&eacute;trique, une classification des revues scientifiques en A, B et C, des meilleures aux plus m&eacute;diocres, pour l&rsquo;&eacute;valuation des &eacute;quipes de recherche et des chercheurs en psychologie pose de nombreux probl&egrave;mes. Toutes les disciplines psychologiques peuvent-elles &ecirc;tre soumises aux m&ecirc;mes crit&egrave;res&nbsp;? La mainmise des &Eacute;tasuniens sur les processus de la production et de l&rsquo;&eacute;valuation des connaissances doit-elle &ecirc;tre inscrite dans le marbre&nbsp;? Peut-on, dans les &eacute;valuations, lorsqu&rsquo;on est &eacute;valuateur, se dispenser d&rsquo;une appr&eacute;hension analytique des dossiers&nbsp;? Nous ouvrons le d&eacute;bat.</p> <h1 dir="ltr" id="heading1">Pour une discussion argument&eacute;e sur la classification</h1> <p class="texte" dir="ltr">A titre personnel, je n&rsquo;ai jamais pos&eacute; le principe que les chercheurs, les enseignants-chercheurs, ainsi que les &eacute;quipes de recherche dans lesquelles ils travaillent, ne devaient pas &ecirc;tre &eacute;valu&eacute;s sur la qualit&eacute; de leur prestation professionnelle. Il s&rsquo;agit de salari&eacute;s de l&rsquo;&Eacute;tat, qui ont des avancements et des promotions, et leur travail intellectuel, comme tout travail r&eacute;mun&eacute;r&eacute;, doit &ecirc;tre &eacute;valu&eacute;. Il pourrait l&rsquo;&ecirc;tre sur la qualit&eacute; de leurs enseignements, lorsqu&rsquo;ils sont enseignants-chercheurs, sur leur implication et leur efficacit&eacute; dans la valorisation de la recherche, sur la valeur ajout&eacute;e qu&rsquo;ils apportent &agrave; leurs &eacute;tudiants en tant que produits mis sur le march&eacute; du travail (y compris du travail universitaire) etc. Mais ces trois points ne sont pas tr&egrave;s faciles &agrave; juger.</p> <p class="texte" dir="ltr">Acceptons donc la r&egrave;gle selon laquelle on peut commencer en les &eacute;valuant en tant que chercheur, et m&ecirc;me en posant la r&egrave;gle de commodit&eacute; qu&rsquo;ils peuvent &ecirc;tre &eacute;valu&eacute;s en tant que chercheurs sur la base de leur production de textes scientifiques &eacute;valu&eacute;s par les pairs<a class="footnotecall" href="#ftn1" id="bodyftn1">1</a>. C&rsquo;est incontestablement l&agrave; le terrain le plus facile. Le probl&egrave;me est de savoir comment on s&rsquo;y prend. Si nous posons ce probl&egrave;me aujourd&rsquo;hui, c&rsquo;est parce qu&rsquo;une classification des revues de psychologie vient d&rsquo;&ecirc;tre adopt&eacute;e pour &ecirc;tre utilis&eacute;e par les instances d&rsquo;&eacute;valuation des &eacute;quipes, des chercheurs et des enseignants-chercheurs. Les revues sont class&eacute;es en A, B, B&rsquo; et C, &eacute;tant entendu que les revues class&eacute;es C ne valent pas grand-chose, un chercheur, pour &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute; comme &laquo;&nbsp;publiant&nbsp;&raquo; devant avoir publi&eacute; des articles dans les revues A (les plus &laquo;&nbsp;prestigieuses&nbsp;&raquo;), B ou B&rsquo;. Les autres chercheurs, m&ecirc;me s&rsquo;ils publient dans les revues class&eacute;es C, ne m&eacute;ritent aucun subside. Le classement s&rsquo;est fait selon un point de vue &laquo;&nbsp;bibliom&eacute;trique&nbsp;&raquo;, le crit&egrave;re essentiel &eacute;tant le facteur d&rsquo;impact des revues, c&rsquo;est-&agrave;-dire, grosso modo, le nombre de fois o&ugrave; elles sont cit&eacute;es dans des revues r&eacute;pertori&eacute;es par la base de donn&eacute;es &eacute;tasunienne de l&rsquo;ISI (Institute of Scientific Information), un organisme priv&eacute; appartenant &agrave; la multinationale Thompson<a class="footnotecall" href="#ftn2" id="bodyftn2">2</a></p> <h2 dir="ltr" id="heading2">Un bref rappel</h2> <p class="texte" dir="ltr">Les choses n&rsquo;en sont pas arriv&eacute;es l&agrave; sans quelques pr&eacute;alables qui m&eacute;ritent d&rsquo;&ecirc;tre rapidement rappel&eacute;s.</p> <p class="texte" dir="ltr">Une groupe de r&eacute;flexion commissionn&eacute; par une instance europ&eacute;enne (l&rsquo;European Science Foundation) avait r&eacute;uni, il y a environ trois ans, des chercheurs en psychologie europ&eacute;ens reconnus par leurs pairs auxquels s&rsquo;&eacute;tait joint un bibliom&eacute;tricien. Ils avaient propos&eacute; que soient consid&eacute;r&eacute;es comme &laquo;&nbsp;revues de rang A&nbsp;&raquo; 1. les grandes revues en langue anglaise et 2. quelques revues consid&eacute;r&eacute;es dans les pays o&ugrave; se pratique la recherche en psychologie (Argentine, Br&eacute;sil, Russie, les pays de la &laquo;&nbsp;vieille Europe&nbsp;&raquo;&hellip;) comme les meilleures revues nationales. Cette id&eacute;e ne semble pas avoir satisfait les fonctionnaires europ&eacute;ens s&rsquo;occupant de l&rsquo;affaire, lesquels privil&eacute;giaient l&rsquo;anglais et les classements sur bases de donn&eacute;es &eacute;tasuniennes. Les choses en sont rest&eacute; l&agrave;. Une autre commission a fait par contre le travail attendu comme attendu, classant les revues sur la base des crit&egrave;res bibliom&eacute;triques &eacute;tasuniens, les revues se trouvant class&eacute;es A, B et C en fonction de leur impact international (lire&nbsp;: leur impact dans les revues r&eacute;pertori&eacute;es par l&rsquo;ISI). Comme on pouvait s&rsquo;y attendre, cette classification &eacute;tait en parfaite ad&eacute;quation avec la mainmise des Etats-Unis sur le processus de production des connaissances et d&rsquo;&eacute;valuation des connaissances produites<a class="footnotecall" href="#ftn3" id="bodyftn3">3</a>. Deux points pour illustration&nbsp;:<br /> <span style="font-size:14.0pt;"><img alt="Image1" src="docannexe/image/340/img-1.png" style="width:0.0835inch;height:0.1146inch;margin-left:0.0in;margin-right:0.0in;margin-top:0mm;margin-bottom:0mm;padding-top:0.0602in;padding-bottom:0.0602in;padding-left:0.1102in;padding-right:0.1102in;border:none" /></span>&nbsp;aucune revue argentine, russe, mexicaine, chinoise, indienne&hellip; class&eacute;e A. Ni aucune revue &eacute;dit&eacute;e dans d&rsquo;autres pays non anglo-saxons.<br /> <span style="font-size:14.0pt;"><img alt="Image2" src="docannexe/image/340/img-2.png" style="width:0.0835inch;height:0.1138inch;margin-left:0.0in;margin-right:0.0in;margin-top:0mm;margin-bottom:0mm;padding-top:0.0602in;padding-bottom:0.0602in;padding-left:0.1102in;padding-right:0.1102in;border:none" /></span>&nbsp;la plupart des revues fran&ccedil;aises class&eacute;es C, donc d&eacute;sign&eacute;es comme &eacute;tant non int&eacute;ressantes pour les chercheurs d&eacute;sirant le statut de &laquo;&nbsp;publiant&nbsp;&raquo;. Qui va publier d&eacute;sormais dans les revues class&eacute;es C&nbsp;? &Eacute;ventuellement quelques tr&egrave;s jeunes ou quelques tr&egrave;s vieux chercheurs. En somme, &agrave; suivre cette classification, la plupart des chercheurs en psychologie du monde, dont les Fran&ccedil;ais, seraient condamn&eacute;s &agrave; publier dans les revues anglo-saxonnes (ou dans les revues fortement &laquo;&nbsp;anglo-saxonnis&eacute;es&nbsp;&raquo; comme nos revues dites &laquo;&nbsp;europ&eacute;ennes&nbsp;&raquo; qui publient en anglais et principalement sur des th&eacute;matiques &eacute;tasuniennes).</p> <p class="texte" dir="ltr"><a id="Image27Cgraphics"></a>Cette situation a &eacute;t&eacute; jug&eacute;e pr&eacute;occupante par des responsables de notre Comit&eacute; National des Universit&eacute;s, comit&eacute; charg&eacute; de l&rsquo;&eacute;valuation des enseignants-chercheurs. Ils ont bataill&eacute; pour que des revues fran&ccedil;aises class&eacute;es C soient, en quelque sorte, &laquo;&nbsp;relev&eacute;es&nbsp;&raquo;. Ils ont pour ce rel&egrave;vement introduit une nouvelle classe, la classe B&rsquo;, pos&eacute;e comme moins bonne que la classe B mais entrant dans le registre des revues justifiant l&rsquo;attribution du statut de &laquo;&nbsp;chercheur publiant&nbsp;&raquo;. Les instances &eacute;valuatives minist&eacute;rielles ont accept&eacute; ce B&rsquo;, ce qui permet &agrave; quelques revues fran&ccedil;aises, auparavant class&eacute;es C, d&rsquo;&ecirc;tre prise en consid&eacute;ration. Doit-on &ecirc;tre satisfait&nbsp;? On peut en d&eacute;battre.</p> <h2 dir="ltr" id="heading3">Un d&eacute;bat s&eacute;rieux</h2> <p class="texte" dir="ltr">Je le dis tout net&nbsp;; il ne devrait pas &ecirc;tre question ici de chigner comme le font des coll&egrave;gues de tout bord &eacute;pist&eacute;mologique qui rousp&egrave;tent, sans avancer d&rsquo;analyse, tout simplement parce que certaines revues dans lesquelles ils publient sont mal class&eacute;es, ou ne sont pas aussi bien class&eacute;es qu&rsquo;ils le souhaiteraient. Maniprop n&rsquo;est pas le lieu le plus ad&eacute;quat pour chigner. Par contre&nbsp;:</p> <p class="texte" dir="ltr">O&ugrave; l&rsquo;on admet les principes adopt&eacute;s pour la classification, alors, m&ecirc;me si on esp&egrave;re que les choses pourront &eacute;voluer dans un sens plus favorable, on peut les justifier dans le d&eacute;bat ouvert sur maniprop et m&ecirc;me avancer des perfectionnements possibles. La bibliom&eacute;trie a besoin d&rsquo;&ecirc;tre connue et d&eacute;fendue.</p> <p class="texte" dir="ltr">Ou l&rsquo;on n&rsquo;admet pas ces principes, comme c&rsquo;est d&rsquo;ailleurs mon cas <a class="footnotecall" href="#ftn4" id="bodyftn4">4</a>et, alors, sur la base d&rsquo;analyses, on peut contester cette classification (et notamment sa philosophie bibliom&eacute;trique) et son application.</p> <h2 dir="ltr" id="heading4">Une lettre du SIUEERPP</h2> <p class="texte" dir="ltr">Les premiers &agrave; avoir fortement r&eacute;agi &agrave; la toute derni&egrave;re classification adopt&eacute;e sont les chercheurs en psychopathologie clinique inspir&eacute;s par la psychanalyse. C&rsquo;est la raison pour laquelle on trouvera ci-dessous une lettre et son expos&eacute; des motifs, lettre adress&eacute;e, au nom du SIUEERPP<a class="footnotecall" href="#ftn5" id="bodyftn5">5</a>, par Roland Gori et Alain Abelhauser &agrave; la Pr&eacute;sidente du CNU (l&rsquo;une des personne s&rsquo;&eacute;tant engag&eacute;e pour le rel&egrave;vement de certaines revues fran&ccedil;aises en B&rsquo;). Le fait de reproduire cette lettre n&rsquo;est aucunement, pour maniprop, un placet &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de cette derni&egrave;re. Elle a fait ce qu&rsquo;elle croyait devoir faire et, &agrave; ce titre, m&eacute;rite le respect. Nous ne faisons ici que mettre cette pi&egrave;ce dans le d&eacute;bat que nous esp&eacute;rons voir se d&eacute;velopper.</p> <h3 dir="ltr" id="heading5">La psychanalyse &agrave; l&rsquo;Universit&eacute;&nbsp;: un nouveau coup bas des technocrates</h3> <p class="texte" dir="ltr">L&rsquo;&eacute;valuation de la production scientifique des chercheurs et des laboratoires d&eacute;termine &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; l&rsquo;habilitation des dipl&ocirc;mes, l&rsquo;accr&eacute;ditation des &eacute;quipes et la carri&egrave;re comme la promotion des enseignants-chercheurs. Cette &eacute;valuation se fondait en toute l&eacute;gitimit&eacute; sur l&rsquo;&eacute;valuation des travaux de recherche par les pairs et pouvait donner lieu &agrave; de larges d&eacute;bats tant en ce qui concerne la qualit&eacute; de la recherche que les supports de publication (revues, livres etc.). Cette &eacute;poque &quot;pr&eacute;historique&quot; est termin&eacute;e. A l&rsquo;&eacute;poque de l&rsquo;homme num&eacute;rique et &agrave; l&rsquo;heure de la google-civilisation on tend &agrave; lui pr&eacute;f&eacute;rer aujourd&rsquo;hui l&rsquo;&eacute;valuation bibliom&eacute;trique qui &eacute;vite aux &eacute;valuateurs d&rsquo;avoir &agrave; lire les travaux qu&rsquo;ils expertisent en ne fondant leur jugement que, par exemple pour l&rsquo;Impact factor, sur le niveau de citation des revues pour l&rsquo;essentiel nord-am&eacute;ricaines. Passons sur les biais m&eacute;thodologiques de cet Impact factor, passons encore sur la normalisation des recherches et des chercheurs qu&rsquo;il produit en les conformant aux int&eacute;r&ecirc;ts scientifico-&eacute;conomiques am&eacute;ricains, passons encore sur le quasi monopole qu&rsquo;il conf&egrave;re aux organismes scientifiques et &eacute;ditoriaux am&eacute;ricains sur le &quot;march&eacute;&quot; scientifique, passons encore sur le pouvoir de domination id&eacute;ologique, linguistique et culturel qu&rsquo;il apporte au &quot;r&ecirc;ve am&eacute;ricain&quot;, il est des disciplines scientifiques o&ugrave; sa commodit&eacute; l&rsquo;impose sans compromettre le devenir des recherches et des chercheurs. Il en est d&rsquo;autres o&ugrave; ce syst&egrave;me d&rsquo;&eacute;valuation constitue une normalisation id&eacute;ologique &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur m&ecirc;me de la discipline en favorisant certains courants de pens&eacute;e (soluble dans le mod&egrave;le anglo-saxon) et en en stigmatisant d&rsquo;autres (les plus europ&eacute;ens). Apr&egrave;s avoir &eacute;t&eacute; longtemps r&eacute;tive au &quot;r&ecirc;ve am&eacute;ricain&quot;, l&rsquo;establishment de la psychologie &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; s&rsquo;engouffre dans l&rsquo;&eacute;valuation bibliom&eacute;trique, dispositif par lequel la Nomenklatura de la psychologie pourra assurer &agrave; terme la promotion des id&eacute;ologies cognitivo-comportementales de l&rsquo;homme performant et l&rsquo;exclusion d&eacute;finitive de la psychanalyse de l&rsquo;universit&eacute;. Une commission dite AERES/CNRS/CNU a consacr&eacute; au d&eacute;but de l&rsquo;&eacute;t&eacute; ce formidable pouvoir de normalisation et de destruction massive, non sans devoir m&eacute;nager quelques susceptibilit&eacute;s &quot;fran&ccedil;aises&quot;. Conscient de la gravit&eacute; de la situation, le SIUEERPP a adress&eacute; &agrave; Ewa Drozda, Pr&eacute;sidente de la 16e section du CNU et &agrave; Elisabeth Demont, Vice-Pr&eacute;sidente, seules &eacute;lues syndicales de cette commission, la lettre suivante&nbsp;:</p> <p class="texte" dir="ltr">Ch&egrave;res Coll&egrave;gues ,</p> <p class="texte" dir="ltr">Le SIUEERPP s&rsquo;est &eacute;mu de la liste de classement des revues qui, r&eacute;cemment, a &eacute;t&eacute; diffus&eacute; dans les milieux de la psychologie et qui pr&eacute;tend constituer &laquo;&nbsp;une premi&egrave;re classification des revues de psychologie dont l&rsquo;objectif explicite &eacute;tait de proposer aux comit&eacute;s d&rsquo;&eacute;valuation de l&rsquo;AERES, aux responsables des unit&eacute;s de recherche (UMR et EA) et &agrave; la communaut&eacute; des enseignants-chercheurs et chercheurs en psychologie un outil commun d&rsquo;&eacute;valuation et d&rsquo;auto-&eacute;valuation des publications sous forme d&rsquo;articles scientifiques.&nbsp;&raquo; Cette liste aurait &eacute;t&eacute; &eacute;tablie &laquo;&nbsp;&agrave; partir d&rsquo;une liste des revues la plus exhaustive de l&rsquo;APA&nbsp;&raquo;<a class="footnotecall" href="#ftn6" id="bodyftn6">6</a> et le classement qu&rsquo;elle propose proc&eacute;derait de la valeur d&rsquo;Impact factor de chaque revue. Avertis des critiques qu&rsquo;un tel classement allait produire, les membres de la commission auraient provisoirement accept&eacute; de &laquo;&nbsp;relever&nbsp;&raquo; le classement de certaines revues francophones.</p> <p class="texte" dir="ltr">Le SIUEERPP, qui rassemble plus de deux cent trente membres dont les trois quarts sont Ma&icirc;tres de conf&eacute;rences ou Professeurs de psychopathologie clinique, soit la plus large majorit&eacute; des cliniciens &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; relevant de la 16&egrave;me section du CNU que vous pr&eacute;sidez, condamne et refuse ce dispositif d&rsquo;&eacute;valuation fond&eacute; sur une logique bibliom&eacute;trique et quantitative ignorante de la r&eacute;alit&eacute; concr&egrave;te du travail &eacute;ditorial des revues.</p> <p class="texte" dir="ltr">Nous comprenons votre pr&eacute;occupation d&rsquo;&eacute;tablir des crit&egrave;res d&rsquo;&eacute;valuation transparents, commodes et &eacute;quitables, qui puissent aider les chercheurs et les instances qui les &eacute;valuent. Nous avons appr&eacute;ci&eacute; votre souci de m&eacute;nager les susceptibilit&eacute;s des francophones, qui vous a conduit &agrave; &laquo;&nbsp;relever&nbsp;&raquo; certaines revues dans ce classement. Mais de telles concessions, pour &laquo;&nbsp;arrangeantes&nbsp;&raquo; qu&rsquo;elles soient dans le champ disciplinaire qui est le n&ocirc;tre, ne sauraient remplacer un v&eacute;ritable travail de concertation communautaire et disciplinaire &agrave; m&ecirc;me de cr&eacute;er les conditions d&rsquo;une &laquo;&nbsp;authentique &eacute;valuation par des pairs&nbsp;&raquo;. Ce qui suppose a minima que les Soci&eacute;t&eacute;s savantes des diff&eacute;rentes sous-disciplines de la psychologie soient consult&eacute;es et invit&eacute;es &agrave; &eacute;tablir les crit&egrave;res sp&eacute;cifiques de leurs productions scientifiques. Faute de quoi les syst&egrave;mes d&rsquo;&eacute;valuation pourront toujours l&eacute;gitimement appara&icirc;tre comme des dispositifs de normalisation &eacute;pist&eacute;mologique et sociale. Ainsi n&rsquo;ignorez-vous pas, par exemple, que nous inciter, nous cliniciens, &agrave; aligner nos recherches sur le mod&egrave;le anglo-saxon, conduit purement et simplement &agrave; nous inviter &agrave; consentir librement &agrave; notre propre exclusion de l&rsquo;Universit&eacute;.</p> <p class="texte" dir="ltr">Enfin, et ce n&rsquo;est pas la moindre des choses, la validit&eacute; de l&rsquo;Impact factor en tant que crit&egrave;re bibliom&eacute;trique se trouve largement remis en cause au sein m&ecirc;me des milieux scientifiques qui l&rsquo;avaient d&rsquo;abord adopt&eacute;. On tend &agrave; lui pr&eacute;f&eacute;rer les facteurs H et M et on invite fermement &agrave; la prudence en convenant que &laquo;&nbsp;pour l&rsquo;&eacute;valuation, la bibliom&eacute;trie est un peu comme le sel dans la soupe. Sans lui, on a du mal &agrave; savoir si elle est bonne ou mauvaise. Mais il ne fait pas le plat pour autant, et point trop n&rsquo;en faut.&nbsp;&raquo;, ou encore &laquo;&nbsp;il faut bien s&ucirc;r de la vertu pour vraiment lire ces articles (et pas seulement le titre) [&hellip;]. C&rsquo;est pourtant la d&eacute;marche qui est de loin la plus utile &agrave; une &eacute;valuation efficace et juste.&quot; (Philippe Vernier, Pr&eacute;sident de la section 24 &quot;Interactions cellulaires&quot; du CNRS).</p> <p class="texte" dir="ltr">Vous conviendrez ais&eacute;ment, ch&egrave;res coll&egrave;gues, qu&rsquo;une fra&icirc;che conversion &agrave; la vertu &eacute;valuative de l&rsquo;Impact factor dans une discipline aussi rhapsodique que la psychologie pourrait produire des cons&eacute;quences catastrophiques pour l&rsquo;ensemble de notre communaut&eacute;. Nous vous demandons donc de bien vouloir renoncer &agrave; ce classement bibliom&eacute;trique des revues et de cr&eacute;er, en tant qu&rsquo;&eacute;lues syndicales, les conditions d&rsquo;une authentique &eacute;valuation fond&eacute;e sur la valeur des travaux et l&rsquo;estime des pairs.</p> <p class="texte" dir="ltr">Dans cette attente, nous vous prions de croire, ch&egrave;res coll&egrave;gues, &agrave; l&rsquo;expression de nos pens&eacute;es les plus cordiales,</p> <p class="texte" dir="ltr">Roland Gori, pr&eacute;sident du SIUEERPP Alain Abelhauser, secr&eacute;taire g&eacute;n&eacute;ral du SIUEERPP</p> <h2 dir="ltr" id="heading6">&Agrave; d&rsquo;autres de poursuivre</h2> <p class="texte" dir="ltr">D&rsquo;autres, comme je le souhaite, peuvent approfondir cette analyse. Et, j&rsquo;esp&egrave;re, dans les deux directions mentionn&eacute;es. Il suffit soit de &laquo;&nbsp;r&eacute;pondre &agrave; cet article&nbsp;&raquo;, soit d&rsquo;envoyer un texte qui sera plac&eacute; ici m&ecirc;me, &agrave; la suite de ce d&eacute;but de d&eacute;bat. En attendant, je pense utile de donner un r&eacute;cent commentaire de la Soci&eacute;t&eacute; Fran&ccedil;aise de Psychologie&nbsp;:</p> <h1 dir="ltr" id="heading7">Communiqu&eacute; de la Soci&eacute;t&eacute; Fran&ccedil;aise de Psychologie</h1> <p class="texte" dir="ltr">La Soci&eacute;t&eacute; Fran&ccedil;aise de Psychologie<a class="footnotecall" href="#ftn7" id="bodyftn7">7</a> souhaite contribuer &agrave; la r&eacute;flexion sur le classement des revues scientifiques de psychologie men&eacute;e jusque-l&agrave; conjointement par l&rsquo;AERES, le CNRS et le CNU. La politique d&rsquo;&eacute;valuation des laboratoires et des chercheurs peut &ecirc;tre l&eacute;gitimement appr&eacute;hend&eacute;e dans le cadre d&rsquo;une plus grande transparence de fonctionnement des universit&eacute;s publiques et des organismes de recherche. Concernant la publication dans les revues, les mesures d&rsquo;impact des articles scientifiques, en d&eacute;pit des nombreux biais et faiblesses de l&rsquo;impact factor calcul&eacute; par ISI-Thomson, peuvent faire partie des crit&egrave;res &agrave; retenir pour l&rsquo;&eacute;valuation du rendement scientifique.</p> <p class="texte" dir="ltr">Deux remarques, cependant, s&rsquo;imposent&nbsp;: &eacute;valuer un laboratoire de recherche ou un chercheur uniquement sur cette base peut aboutir &agrave; des effets pervers et des d&eacute;rives. Ainsi, l&rsquo;innovation scientifique ne se conjugue pas n&eacute;cessairement avec la pression &agrave; la publication, pas plus que ne s&rsquo;y conjugue n&eacute;cessairement le respect de la d&eacute;ontologie du chercheur (les cas de fraudes scientifiques, aux dires de nombreux directeurs de revues, ont augment&eacute; tr&egrave;s sensiblement dans les derni&egrave;res ann&eacute;es). Par ailleurs, il est &eacute;vident que l&rsquo;impact factor d&eacute;favorise m&eacute;caniquement les revues scientifiques fran&ccedil;aises puisque la probabilit&eacute; de citation d&rsquo;un article en fran&ccedil;ais est infiniment moindre que s&rsquo;il s&rsquo;agissait d&rsquo;un article en langue anglaise. La Soci&eacute;t&eacute; Fran&ccedil;aise de Psychologie a pour objectif le d&eacute;veloppement et la promotion de la psychologie fran&ccedil;aise, notamment au plan international. L&rsquo;existence d&rsquo;un volume cons&eacute;quent de revues scientifiques de niveau international en langue fran&ccedil;aise constitue une des conditions de l&rsquo;atteinte de cet objectif. Ajoutons que ce classement para&icirc;t au moment o&ugrave; de nombreuses revues fran&ccedil;aises de psychologie sont engag&eacute;es dans un processus de r&eacute;f&eacute;rendaire. Plusieurs directeurs et maisons d&rsquo;&eacute;dition de revues ont r&eacute;alis&eacute; r&eacute;cemment les d&eacute;marches ad hoc pour &ecirc;tre prises en compte par ISI-Thomson. Il faut rappeler que le processus est long&nbsp;: plusieurs ann&eacute;es<a class="footnotecall" href="#ftn8" id="bodyftn8">8</a>. La commission conjointe de l&rsquo;AERES-CNRS-CNU a tenu compte de cette p&eacute;riode transitoire que vivent les revues fran&ccedil;aises de psychologie en cr&eacute;ant une cat&eacute;gorie B&rsquo;, au demeurant relativement large. Il para&icirc;t imp&eacute;ratif que l&rsquo;existence de cette rubrique perdure, sans condition de dur&eacute;e, l&rsquo;&eacute;valuation des revues en vue de leur passage &agrave; une cat&eacute;gorie sup&eacute;rieure ou inf&eacute;rieure devant &ecirc;tre r&eacute;alis&eacute;e p&eacute;riodiquement (chaque ann&eacute;e, au plus tard tous les deux ans).</p> <p class="texte" dir="ltr">Au-del&agrave; de la prise en compte de l&rsquo;impact factor, l&rsquo;&eacute;valuation des revues scientifiques doit porter &eacute;galement sur le caract&egrave;re international des expertises r&eacute;alis&eacute;es, le nombre d&rsquo;expertises r&eacute;alis&eacute;es sur chaque article, ainsi que l&rsquo;impact d&rsquo;une revue sur l&rsquo;environnement social. Elle doit aussi tenir compte des in&eacute;galit&eacute;s entre disciplines. On sait que les revues de math&eacute;matiques obtiennent des facteurs d&rsquo;impact consid&eacute;rablement plus faibles que les revues de m&eacute;decine, par la simple m&eacute;canique de calcul du facteur d&rsquo;impact. Les sous-disciplines de la psychologie n&rsquo;&eacute;chappent pas &agrave; ces effets contextuels. La commission devra ainsi prendre des d&eacute;cisions de politique scientifique, ne pouvant simplement se retrancher derri&egrave;re le facteur d&rsquo;impact. La Soci&eacute;t&eacute; Fran&ccedil;aise de Psychologie consid&egrave;re indispensable que les acteurs de la vie scientifique et les organisations qui les repr&eacute;sentent participent &agrave; ces d&eacute;cisions. Les d&eacute;clarations des membres du CNU qui ont oeuvr&eacute; au sein de cette commission, formul&eacute;es &agrave; l&rsquo;occasion de la diffusion du classement r&eacute;vis&eacute; des revues de psychologie, vont dans ce sens. La Soci&eacute;t&eacute; Fran&ccedil;aise de Psychologie soutient cette d&eacute;marche et s&rsquo;engage &agrave; y participer dans le respect de la pluralit&eacute; des disciplines psychologiques et la conscience aigue de la n&eacute;cessit&eacute; de recourir &agrave; des proc&eacute;dures d&rsquo;&eacute;valuation, mais aussi de l&rsquo;indispensable besoin de discernement face &agrave; une t&acirc;che &eacute;minemment complexe, et par nature imparfaite. Rien, dans le fonctionnement de l&rsquo;AERES dans le champ de la psychologie, ne laisse entendre qu&rsquo;on souhaite restreindre l&rsquo;&eacute;valuation des laboratoires au simple calcul de l&rsquo;impact factor. Il est, cependant, n&eacute;cessaire d&rsquo;alimenter la r&eacute;flexion sur les autres crit&egrave;res de mani&egrave;re &agrave; donner &agrave; l&rsquo;impact factor le statut qui doit &ecirc;tre le sien&nbsp;: un crit&egrave;re d&rsquo;&eacute;valuation parmi un ensemble de crit&egrave;res.</p> <p class="texte" dir="ltr">Le 16 septembre 2008</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn1" id="ftn1">1</a> &nbsp;Beauvois, J.-L., 2005, Les illusions lib&eacute;rales, Individualisme et pouvoir social, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn2" id="ftn2">2</a> &nbsp;voir Tiberghien, G. &amp; Beauvois, J.-L., 2008, Domination et imp&eacute;rialisme en psychologie. Psychologie Fran&ccedil;aise, 53, 135-155&nbsp;; Beauvois, J.-L., &amp; Pansu, P., 2008, Facteur d&rsquo;impact et mondialisation culturelle. Psychologie Fran&ccedil;aise, 53, 211-222</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn3" id="ftn3">3</a> &nbsp;Une &eacute;tude r&eacute;alis&eacute;e en Allemagne montre que si quelque 50% de chercheurs non &eacute;tasuniens publient dans des revues &eacute;tasuniennes, 70% des membres de ces revues sont am&eacute;ricains</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn4" id="ftn4">4</a> &nbsp;C&rsquo;est vrai qu&rsquo;on peut trouver sid&eacute;rant qu&rsquo;&agrave; une &eacute;poque o&ugrave; la psychologie occidentale, pour ne pas dire &eacute;tasunienne, se trouve mise en cause dans le monde, en Inde, en Chine, aux Philippines, en Afrique, en Am&eacute;rique du sud&hellip; o&ugrave; naissent des &laquo;&nbsp;psychologies indig&egrave;nes&nbsp;&raquo; dont l&rsquo;ambition est de s&rsquo;&eacute;lever contre l&rsquo;arbitraire th&eacute;orique et l&rsquo;imp&eacute;rialisme de la psychologie indig&egrave;ne &eacute;tasunienne (voir <a href="http://liberalisme-democraties-debat-public.com/spip.php?article66">mon article sur les psychologies indig&egrave;nes</a>), on impose aux chercheurs fran&ccedil;ais de s&rsquo;aligner, le doigt sur la couture du pantalon, et de s&rsquo;&eacute;vertuer &agrave; &ecirc;tre les &laquo;&nbsp;bons arabes&nbsp;&raquo; de la situation. Je ne d&eacute;velopperai pas ce point de vue ici puisque je l&rsquo;ai d&eacute;j&agrave; fait sur maniprop et ailleurs (Tiberhien et Beauvois, d&eacute;j&agrave; cit&eacute;&nbsp;; Beauvois J.-L., 2005, Des dangers d&rsquo;une culture dominante dans les sciences psychologiques et sociales&nbsp;: la psychologie sociale et l&rsquo;impact factor. Cliniques M&eacute;diterran&eacute;nnes, 71, 195-222)</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn5" id="ftn5">5</a> &nbsp;Centre InterUniversitaire Europ&eacute;en d&rsquo;Enseignement et de Recherche en PsychoPathologie. Cette association regroupe quelque de 230 coll&egrave;gues</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn6" id="ftn6">6</a> &nbsp;American Psychological Association</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn7" id="ftn7">7</a> &nbsp;La Soci&eacute;t&eacute; Fran&ccedil;aise de Psychologie, soci&eacute;t&eacute; savante cr&eacute;&eacute;e par Pierre Janet en 1901, concourt &agrave; repr&eacute;senter la psychologie fran&ccedil;aise dans les instances scientifiques nationales (Comit&eacute; National Fran&ccedil;ais de Psychologie Scientifique &ndash; CNFPs, membre du Comit&eacute; Fran&ccedil;ais des Unions Scientifiques Internationales - COFUSI li&eacute; &agrave; l&rsquo;Acad&eacute;mie des Sciences) et internationales (International Union of Psychological Science - IUPsyS). Avec ses organisations partenaires qui adh&egrave;rent au D&eacute;partement des Organisations Associ&eacute;es de la SFP, la Soci&eacute;t&eacute; Fran&ccedil;aise de Psychologie repr&eacute;sente 5 000 chercheurs, enseignants-chercheurs en psychologie et psychologues</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn8" id="ftn8">8</a> &nbsp;L&rsquo;observation des parutions sont requises, puis deux ans de comptage des citations avant l&rsquo;obtention d&rsquo;un facteur d&rsquo;impact l&rsquo;ann&eacute;e suivante. Une p&eacute;riode de 6 ou 7 ans entre la d&eacute;marche des responsables d&rsquo;une revue et l&rsquo;obtention d&rsquo;un facteur d&rsquo;impact peut donc &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;e normale</p>