<p class="texte" dir="ltr">Quand les mots &laquo;&nbsp;inconscient&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;collectif&nbsp;&raquo; sont assembl&eacute;s, et dans un geste inconsid&eacute;r&eacute;, pos&eacute;s sur la table, l&#39;impudent qui ose cette association prend le risque de faire l&#39;objet d&#39;un tir group&eacute;, tir de barrage, tir routinier, tir r&eacute;flexe, au demeurant plus encombrant que dangereux. En &eacute;tudiant bri&egrave;vement ces r&eacute;ponses trop rapides que l&#39;on pourrait d&eacute;crire comme un r&eacute;flexe pavlovien caract&eacute;risant plusieurs champs (psychanalyse, psychologie, sociologie, linguistique, histoire et sciences politiques...), on peut se donner quelques &eacute;l&eacute;ments pour comprendre l&#39;ensemble des enjeux qui accompagnent la notion d&#39;inconscient collectif. La qualit&eacute; du refus, la densit&eacute; et l&#39;&eacute;tendue de la m&eacute;fiance constituent une s&eacute;rie d&#39;indices indiquant l&#39;importance du th&egrave;me et sa centralit&eacute;. Nous demandons au lecteur d&#39;&ecirc;tre patient et de nous autoriser une petite mise en perspective purement conceptuelle, nous reviendrons plus tard &agrave; l&#39;historicit&eacute; du concept. Mettons-nous devant les yeux une typologie non-exhaustive de ces r&eacute;actions&nbsp;:</p> <p class="texte" dir="ltr"><strong>- Premi&egrave;re objection</strong>&nbsp;: l&#39;inconscient collectif ne peut pas exister, puisque l&#39;hypoth&egrave;se jungienne des arch&eacute;types rel&egrave;ve de la fantaisie. Il n&#39;y a pas de contenu, de sch&egrave;me g&eacute;n&eacute;rateur, de repr&eacute;sentation souche qui pr&eacute;c&egrave;de l&#39;exp&eacute;rience sociale. Quel en serait le contenu&nbsp;? Mais aussi et surtout, quel serait alors le contenant&nbsp;? Doit-on imaginer un ensemble de formes dans les nu&eacute;es, ou bien une cachette c&eacute;r&eacute;brale emmagasinant l&#39;exp&eacute;rience de l&#39;esp&egrave;ce depuis la nuit des temps&nbsp;? Dans une telle perspective, on attribue &agrave; l&#39;hypoth&eacute;tique inconscient collectif un contenu stable quoique modifiable. Il est stable en ce sens qu&#39;il est inconsciemment transmis. On se refuse &agrave; l&#39;imaginer tant rien n&#39;indique dans l&#39;exp&eacute;rience l&#39;existence d&#39;un tel contenu et l&#39;on pr&eacute;f&egrave;rera affirmer qu&#39;il n&#39;y a rien qui pr&eacute;c&egrave;de l&#39;exp&eacute;rience sociale et l&#39;exp&eacute;rience psychique.</p> <p class="texte" dir="ltr"><strong>- Deuxi&egrave;me objection</strong>&nbsp;: ou l&#39;objection bourdivine. On dira que d&#39;un point de vue sociologique, substituer &laquo;&nbsp;inconscient&nbsp;collectif&nbsp;&raquo; &agrave; <em>habitus</em> masque toute la part consciente du travail du symbolique, des normes, des valeurs et des repr&eacute;sentations. Nous devons mettre l&#39;accent sur le travail conscient de la socialisation. Cette id&eacute;e d&#39;inconscient collectif comme contenu inaccessible &agrave; ceux qui le produisent par leur action modifierait la posture de l&#39;observateur. Ce dernier devient d&eacute;positaire d&#39;une connaissance centrale, d&eacute;cisive et exclusive qu&#39;il conviendrait de contr&ocirc;ler drastiquement par un code de d&eacute;ontologie.</p> <p class="texte" dir="ltr"><strong>- Troisi&egrave;me objection</strong>&nbsp;: l&#39;exp&eacute;rience ne nous donne que des sujets. Chaque sujet produit une synth&egrave;se de ce qui est acquis et on ne saurait confondre certains traits inn&eacute;s que l&#39;on qualifiera d&#39;instinctifs avec un &laquo;&nbsp;inconscient&nbsp;&raquo; collectif. Dans une perspective freudienne, l&#39;inconscient n&#39;est ni individuel, ni collectif, il est entre nous.</p> <p class="texte" dir="ltr">On pourrait synth&eacute;tiser ces objections de la mani&egrave;re suivante&nbsp;: 1/ il n&#39;y a pas de sch&egrave;me a priori qui d&eacute;termine l&#39;exp&eacute;rience collective (cette r&eacute;futation s&#39;adresse aussi bien au structuralisme qu&#39;&agrave; la th&eacute;orie jungienne des arch&eacute;types). 2/ On doit consid&eacute;rer que le travail des fonctions de socialisation est toujours &agrave; la fois conscient et inconscient et ne se r&eacute;sume pas &agrave; l&#39;un ou l&#39;autre de ces aspects. 3/ le sujet n&#39;est d&eacute;termin&eacute; par aucune instance collective tyrannique et inaccessible. En positif, on traduira ces &eacute;nonc&eacute;s de la mani&egrave;re suivante&nbsp;: rien ne pr&eacute;c&egrave;de l&#39;exp&eacute;rience sociale, celle-ci est cr&eacute;atrice, consciemment et inconsciemment et le sujet produit une synth&egrave;se de ce qu&#39;il incorpore. L&#39;exp&eacute;rience sociale est souveraine et l&#39;individu est libre. Tout ceci est bel et bon mais ces propositions n&#39;invalident en rien l&#39;hypoth&egrave;se d&#39;un inconscient collectif. En effet, on peut postuler que l&#39;inconscient n&#39;est pas un contenu mais une qualit&eacute;, pas un sch&egrave;me mais une fonction (on dirait plut&ocirc;t une forme d&#39;utilit&eacute;). Autrement dit, l&#39;hypoth&egrave;se de l&#39;inconscient collectif peut partir du probl&egrave;me suivant&nbsp;: toute organisation collective, toute socialisation a besoin de faire basculer dans l&#39;inconscient un certain nombre d&#39;&eacute;l&eacute;ments. Au lieu d&#39;&eacute;tudier comme le fit si bien Maurice Halbwachs la m&eacute;moire collective, on pourrait &eacute;tudier l&#39;oubli collectif. Cet oubli ne serait pas un contenu laiss&eacute; de c&ocirc;t&eacute; par l&#39;usage, les tabous et les normes du groupe. Au contraire, ce serait simplement un geste permettant l&#39;utilisation facile et insouciante de faits sociaux. Ici, l&#39;oubli social devrait &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute; comme une validation, comme l&#39;habilitation qui permet &agrave; une norme, une repr&eacute;sentation, une pratique d&#39;entrer dans la sph&egrave;re de la socialisation naturelle. On pourrait &eacute;crire l&#39;&eacute;quation suivante&nbsp;: norme naturelle i.e norme suffisamment incorpor&eacute;e pour &ecirc;tre mobilis&eacute;e sans &ecirc;tre reconnue comme norme = norme incorpor&eacute;e et/ou produite inconsciemment, par cette qualit&eacute; sp&eacute;cifique mais non exclusive de l&#39;action sociale de pouvoir faire basculer la qualit&eacute; collective dans l&#39;inconscient.</p> <p class="texte" dir="ltr">En conclusion de son excellent article &laquo;&nbsp;A la recherche de l&#39;inconscient collectif, un inconscient qui serait politique&nbsp;&raquo; Jacqueline Barus-Michel affirme que&nbsp;: &laquo;si l&#39;on prend pour r&eacute;f&eacute;rence l&#39;inconscient freudien, ne peut &ecirc;tre dit inconscient et collectif que ce qui est refoul&eacute; ou d&eacute;ni&eacute; par le groupe et qui concerne le lien social&nbsp;&raquo;. Ce point est trop solidement d&eacute;montr&eacute; au cours de l&#39;article pour que nous nous y attaquions frontalement. En revanche, il y a dans cet &eacute;nonc&eacute; un pr&eacute;alable &eacute;tonnant. Pourquoi prendre pour r&eacute;f&eacute;rence l&#39;inconscient freudien&nbsp;? Existe-t-il quelque chose comme un monopole lexical&nbsp;? Les humains ne reconnaissaient-ils pas avant les recherches de Freud que certains ph&eacute;nom&egrave;nes sont conscient et d&#39;autres inconscients&nbsp;? Nous ne parlons pas de possession, de lapsus ou de refoul&eacute; que les soci&eacute;t&eacute;s primitives ont pu d&eacute;crire ou interpr&eacute;ter dans un registre mythologique, mais plus simplement de l&#39;inconscient comme concept d&eacute;crivant la profondeur de la vie psychique. Saint Augustin y fait allusion dans Les Confessions (&sect;30, Chapitre 10), se plaignant au Seigneur que des r&ecirc;ves qu&#39;il ne maitrise pas viennent le hanter. Leibniz en a aussi parl&eacute; dans Les nouveaux essais sur l&#39;entendement humain mais c&#39;est dans l&#39;Allemagne romantique du XIX si&egrave;cle que le concept va &ecirc;tre d&eacute;velopp&eacute; (on pourra citer Von Hartmann avec Philosophie des Unbewussten (Philosophie de l&#39;inconscient en 1869). Mais de mani&egrave;re plus d&eacute;cisive, Les r&egrave;gles de la m&eacute;thode sociologiques paraissent en 1895 et &eacute;noncent tr&egrave;s clairement les conditions dans lesquelles on peut et l&#39;on doit penser un inconscient collectif (le terme n&#39;est jamais utilis&eacute; par Durkheim, bien qu&#39;il fasse r&eacute;f&eacute;rence &agrave; ce qui dans l&#39;incorporation des faits sociaux mais aussi et surtout dans leur production, rel&egrave;ve d&#39;une action inconsciente). Le texte est si explicite qu&#39;on ne comprend gu&egrave;re les pr&eacute;cautions post&eacute;rieures des h&eacute;ritiers de Durkheim et Mauss.</p> <p class="texte" dir="ltr"><em>&laquo;&nbsp;Or, si cette puissance de coercition externe s&#39;affirme avec cette nettet&eacute; dans les cas de r&eacute;sistance, c&#39;est qu&#39;elle existe quoiqu&#39;inconsciente, dans les cas contraires. Nous sommes alors dupes d&#39;une illusion qui nous fait croire que nous avons &eacute;labor&eacute; nous m&ecirc;mes ce qui s&#39;est impos&eacute; &agrave; nous du dehors. Mais si la complaisance avec laquelle nous nous y laissons aller masque la pouss&eacute;e subie, elle ne la supprime pas&nbsp;&raquo;.</em></p> <p class="texte" dir="ltr">Ce texte date de 1895, soit 17 ans avant la publication de <em>Quelques remarques sur le concept d&#39;inconscient en psychanalyse</em> (21 ans avant que Jung fasse mention de l&#39;inconscient collectif<a class="endnotecall" href="#ftn1" id="bodyftn1">i</a>) et si les textes de Freud et de Durkheim ne se font pas concurrence (quoique Freud cita Durkheim pour le r&eacute;futer dans <em>Totem et Tabou</em>) elles sont toutes deux coh&eacute;rentes, n&#39;ayant pas le m&ecirc;me objet). Cette querelle de date pourrait para&icirc;tre sp&eacute;cieuse si l&#39;historicit&eacute; du concept d&#39;inconscient n&#39;avait une telle importance dans la construction d&#39;une r&eacute;flexion sur l&#39;inconscient collectif. L&#39;ant&eacute;riorit&eacute;, si tant est qu&#39;elle soit absolue n&#39;est pas un argument mais seulement le fondement symbolique d&#39;une r&eacute;flexion autonome, en dehors de l&#39;h&eacute;ritage freudien ou jungien. Cet h&eacute;ritage sociologique peut faire l&#39;objet d&#39;une adoption dans toutes les disciplines des sciences humaines tant sa qualit&eacute; est pluridisciplinaire. Durkheim remarque simplement que la plupart de nos mani&egrave;res de sentir, de dire, de penser et d&#39;agir font l&#39;objet d&#39;un basculement dans l&#39;inconscience. La contrainte collective doit &ecirc;tre la plupart du temps inconsciente. Ainsi, en psychologie comme en linguistique, on pourra &eacute;tudier l&#39;influence inconsciente sur l&#39;individu ou sur la langue du travail du collectif par lui-m&ecirc;me, de mani&egrave;re consciente ou inconsciente. Tout cela a d&eacute;j&agrave; &eacute;t&eacute; fait d&#39;ailleurs, mais le succ&egrave;s de l&#39;acception psychanalytique de la notion d&#39;inconscient a, pour partie au moins, emp&ecirc;ch&eacute; le d&eacute;veloppement de ce lieu de rencontre pluridisciplinaire &nbsp;</p> <p class="texte" dir="ltr">Pour revenir &agrave; une perspective strictement durkheimienne, par inconscient collectif, on d&eacute;signerait d&#39;une part la facult&eacute; individuelle (partag&eacute;e par tous ou presque tous) &agrave; oublier la qualit&eacute; sociale ou collective de telle ou telle mani&egrave;re de penser, de sentir ou d&#39;agir&nbsp;; d&#39;autre part ce besoin de socialisation qui consiste &agrave; faire basculer dans l&#39;inconscience un certain nombre de contenus, de pratiques de normes et de repr&eacute;sentations. L&#39;inconscient collectif est ici propos&eacute; comme condition de possibilit&eacute; de toute socialisation et comme facult&eacute; de l&#39;&ecirc;tre socialis&eacute;. Cette approche s&#39;oppose au propos de Jacqueline Barus-Michel tant le basculement vers l&#39;inconscient collectif concerne essentiellement les faits sociaux normaux&nbsp;: l&#39;incorporation pleine et enti&egrave;re de la norme impose un oubli, un d&eacute;ni de sa qualit&eacute; normative. Elle peut sembler totalement d&eacute;tach&eacute;e de l&#39;histoire du concept d&#39;inconscient collectif, tant elle para&icirc;t exclusivement sociologique. Cependant, elle offre une plate-forme pluridisciplinaire, elle offre un lieu commun, un point de jonction et de discussion entre de nombreuses disciplines. Par ailleurs, Jacqueline Barus-Michel note dans le m&ecirc;me article&nbsp;: <em>&laquo;</em>&nbsp;<em>La constitution n&#39;est pas pr&eacute;sente &agrave; notre conscience, ni les syst&egrave;mes bien qu&#39;on sache en jouer, mais ce n&#39;est pas l&#39;inconscient (substantif), du moins si on lui accorde la sp&eacute;cificit&eacute; apport&eacute;e par Freud pass&eacute;e dans l&#39;acception commune, &agrave; savoir non seulement ce qu&#39;on ne sait pas mais ce qu&#39;on ne veut pas savoir et dont on est agi</em>&nbsp;<em>&raquo;</em>. Quand bien m&ecirc;me on accorderait ce point, alors le propos de Durkheim comme une observation attentive du probl&egrave;me permettent d&#39;engager une controverse riche avec notre auteur. En effet, ne peut-on dire que l&#39;on ne veut pas voir ce qu&#39;il y a de social dans notre action afin de croire en une figure aimable de l&#39;acte authentique. Mais cet amour n&#39;est-il pas lui-m&ecirc;me dat&eacute;&nbsp;? Il se pourrait que le basculement dans l&#39;inconscient de la donn&eacute;e sociale permet de maintenir autonome la fiction du sujet. Pour que des sujets existent en tant que tels, il faut que ce qui les agit en tant que sujet bascule dans l&#39;inconscient ou dans une conscience tragique de leur solitude.</p> <h1 dir="ltr" id="heading1">Histoire d&#39;une rencontre avec l&rsquo;inconscient collectif.</h1> <p class="texte" dir="ltr">L&rsquo;origine de mon travail sur l&rsquo;inconscient collectif vient du choc entre un s&eacute;minaire sur le symbolique et des actions en psychodynamique du travail<a class="endnotecall" href="#ftn2" id="bodyftn2">ii</a>. Dans un s&eacute;minaire sur le symbolique, on travail sans cesse sur l&rsquo;hypoth&egrave;se d&rsquo;une structure a priori qui constituerait un entre-nous, un inconscient collectif qui s&rsquo;incarne chez L&eacute;vi-Strauss dans l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;un syst&egrave;me symbolique a priori. Dans le cadre des actions de psychodynamique, les difficiles relations entre psychologue, sociologue et psychanalyste posait le probl&egrave;me du lieu commun entre ces disciplines, et d&rsquo;autre part, de la fa&ccedil;on dont chaque discipline r&eacute;gule les relations avec les sujets sur lesquels elle agit. La question qui se posait &eacute;tait pour nous&nbsp;: pourquoi les sociologues ne peuvent parler d&rsquo;inconscient collectif, modifiable consciemment et inconsciemment, pourquoi ne peuvent-ils agir ou co-agir sur l&rsquo;inconscient collectif (par une forme de perlaboration sociologique)? Ce qui est difficile avec l&rsquo;inconscient collectif, c&rsquo;est que d&eacute;crire ne suffit pas (ce n&rsquo;est pas parce que j&rsquo;ai lu les ouvrages de Pierre Bourdieu, par exemple <em>De la distinction, Les h&eacute;ritiers ou la Production de l&rsquo;id&eacute;ologie dominante</em> que je peux me d&eacute;barrasser de mon habitus de classe). Je cherchais donc un point de d&eacute;part en sociologie pour parler d&rsquo;inconscient collectif, c&#39;est &agrave; dire de cette disposition de chacun &agrave; faire basculer dans l&#39;inconscience la n&eacute;gociation in&eacute;gale entre soi et le social. Je l&rsquo;ai trouv&eacute; chez Marcel Mauss et cette rencontre est d&eacute;taill&eacute;e dans l&#39;article &laquo;&nbsp;L&#39;inconscient collectif, du rassemblement &agrave; l&#39;&eacute;meute&nbsp;&raquo;. Cette gen&egrave;se quelque peu chaotique de la r&eacute;flexion, qui fut heureusement orient&eacute;e et compl&eacute;t&eacute;e au cours des r&eacute;unions des Cahiers de Psychologie Politique t&eacute;moigne cependant de certains traits saillants du sujet.</p> <p class="texte" dir="ltr">Il se rencontre dans la pratique&nbsp;; il est pluridisciplinaire&nbsp;; il fait l&#39;objet d&#39;un refoulement conscient ou inconscient. Ce dossier pourrait s&#39;intituler <em><strong>L&rsquo;Inconscient collectif comme lieu commun. </strong></em>Il a pour but de proposer un renouvellement de la collaboration entre psychologie, linguistique, psychosociologie, psychanalyse et sociologie autour d&rsquo;un objet commun&nbsp;: l&rsquo;inconscient collectif. On peut consid&eacute;rer ce dernier comme une synth&egrave;se entre perspective subjectiviste et objectiviste. Il permet de consid&eacute;rer l&rsquo;inconscient comme une disposition de chacun &agrave; assimiler et incorporer un ensemble de normes, pr&eacute;alable n&eacute;cessaire pour que chacun puisse faire exister la soci&eacute;t&eacute; &agrave; travers son action et les interactions dans lesquelles on se trouvera engag&eacute;. Un surmoi n&eacute;gociable mais qui aurait le talent particulier d&rsquo;effacer son origine sociale en chacun voir de s&rsquo;effacer totalement. Il d&eacute;finit aussi bien les cat&eacute;gories de l&rsquo;entendement, de la perception -les gouts- que l&rsquo;habitus de classe, et les styles de pens&eacute;s chers &agrave; Mary Douglas.</p> <h1 dir="ltr" id="heading2">Le grand absent</h1> <p class="texte" dir="ltr">On se prive de parler d&rsquo;inconscient collectif<a class="endnotecall" href="#ftn3" id="bodyftn3">iii</a>. Pourquoi et avec quelles cons&eacute;quences&nbsp;? Historiquement, il y a une double r&eacute;ticence &agrave; utiliser la formule. Une r&eacute;ticence &eacute;pist&eacute;mologique et une r&eacute;ticence politique, si tant est qu&rsquo;il soit r&eacute;ellement possible de s&eacute;parer les deux mouvements. La r&eacute;ticence &eacute;pist&eacute;mologique a &eacute;t&eacute; renouvel&eacute;&nbsp;: r&eacute;ticence &agrave; adopter le vocabulaire dont s&rsquo;emparait la psychanalyse la psychologie, concurrence entre ses deux disciplines, volont&eacute; objectiviste de consid&eacute;rer les faits sociaux comme des choses et non comme des repr&eacute;sentations, volont&eacute; de parler plut&ocirc;t de mat&eacute;rialisme historique et d&rsquo;imaginaire social, crainte d&rsquo;une assimilation aux perspectives jungiennes qui impliquent un inconscient collectif qui aurait un contenu d&eacute;termin&eacute;, tentatives d&rsquo;&eacute;chapper &agrave; une anthropologie structurale qui penserait l&rsquo;inconscient collectif comme un syst&egrave;me symbolique qui pr&eacute;c&egrave;derait toute exp&eacute;rience sociale, tentative de rapporter &agrave; un syst&egrave;me social, c&#39;est-&agrave;-dire de produire la rationalisation n&eacute;cessaire pour toute forme de fonctionnalisme.</p> <p class="texte" dir="ltr">Politiquement, la r&eacute;sistance se fait autour d&rsquo;un autre axe bien que l&rsquo;on fr&eacute;quente les m&ecirc;mes auteurs. On doit pouvoir &eacute;chapper &agrave; l&rsquo;inconscient collectif parce qu&rsquo;il est urgent de pouvoir affirmer que l&rsquo;on peut modifier consciemment le symbolique, que l&rsquo;on peut faire des politiques conscientes du symboliques. On trouve de telles affirmations chez Durkheim, Mauss, Bourdieu mais aussi dans une certaine mesure chez Castoriadis(1975<a class="endnotecall" href="#ftn4" id="bodyftn4">iv</a>). Durkheim parlera des manifestations de l&rsquo;&acirc;me collective et de l&rsquo;organisation de rassemblement dont la fonction sociale est de raffermir les liens d&rsquo;appartenance, Mauss parle de l&rsquo;&eacute;laboration des techniques du corps, Bourdieu parle de la construction de l&rsquo;habitus et des strat&eacute;gies mises en &oelig;uvres par les classes dominantes pour asseoir cette domination et faciliter l&rsquo;incorporation de l&rsquo;habitus des classes domin&eacute;es. Castoriadis pense aussi la construction de l&rsquo;imaginaire sociale. Or, ce que l&rsquo;on construit consciemment ne sautait &ecirc;tre d&eacute;sign&eacute; comme un inconscient. Mauss a pourtant &eacute;tabli que cet inconscient collectif peut changer l&rsquo;image du corps, que le symbolique peut avoir une puissance l&eacute;tale, que les cat&eacute;gories de l&rsquo;entendement sont per&ccedil;ues comme a priori, que des cat&eacute;gories comme le moi sont construites collectivement. Le meilleur exemple de synth&egrave;se est probablement offert par Georg Simmel qui dans L<em>es grandes villes et la vie de l&rsquo;esprit</em>, pense une variation concomitante de l&rsquo;organisation du travail et de la conscience (sph&egrave;re profonde et sph&egrave;re superficielle de la conscience).</p> <p class="texte" dir="ltr">Bourdieu r&eacute;sume tr&egrave;s bien ce point dans Esquisse d&rsquo;une th&eacute;orie de la pratique&nbsp;: &laquo;&nbsp;La th&eacute;orie de l&rsquo;habitus fait surgir tout un ensemble de questions que la notion d&rsquo;inconscient a pour effet d&rsquo;occulter et qui renvoient toutes &agrave; la question de la maitrise pratique et des effets de la maitrise symbolique de cette maitrise, dont la question de l&rsquo;institutionnalisation et de l&rsquo;explication corr&eacute;lative des faits est un cas particulier&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte" dir="ltr">Le probl&egrave;me d&rsquo;une telle perspective, c&rsquo;est qu&rsquo;elle oblit&egrave;re le versant psychique de la vie sociale. Elle nous rend en quelque sorte trop surs de notre fait et elle laisse de c&ocirc;t&eacute; tout un aspect du d&eacute;veloppement et de l&rsquo;appropriation des faits sociaux. Il faut y r&eacute;fl&eacute;chir. Auparavant, r&eacute;glons son compte &agrave; cette objection &laquo;&nbsp;bourdivine&nbsp;&raquo;. Elle disparait d&egrave;s lors que l&rsquo;on accepte l&rsquo;id&eacute;e de politiques conscientes du symbolique. Elles ne sont possibles que d&egrave;s lors que l&rsquo;on con&ccedil;oit qu&rsquo;un &eacute;l&eacute;ment conscient puisse devenir inconscient. Or c&rsquo;est toute l&rsquo;id&eacute;e du fait social ou de l&rsquo;habitus qui demandent ce point comme condition de possibilit&eacute;. M&ecirc;me la th&eacute;orie durkheimienne des cat&eacute;gories de l&rsquo;entendement (Cf. <em>Les formes &eacute;l&eacute;mentaires de la vie religieuse</em>) implique la possibilit&eacute; d&rsquo;incorporer, de rendre inconscient des faits n&eacute;goci&eacute;s collectivement. La th&eacute;orie maussienne du fait social total, de l&rsquo;humain total, ou selon l&rsquo;expression de Camille Tarot, l&rsquo;homme feuillet&eacute; r&eacute;clame capacit&eacute; de synth&egrave;se en chacun. Or sans inconscient, il faudrait r&eacute;actualiser avant chaque action l&rsquo;ensemble des conditions de gen&egrave;se de la sc&egrave;ne sociale. En r&eacute;alit&eacute;, toute id&eacute;e de syst&egrave;me social incorpor&eacute; et produit en acte par les individus suppose cette facult&eacute; d&rsquo;incorporation, on pourrait dire cette facult&eacute; &agrave; l&rsquo;oubli. C&rsquo;est la facult&eacute; que la soci&eacute;t&eacute; a de s&rsquo;oublier elle-m&ecirc;me, en chacun. Le meilleur exemple de ce maquillage est offert par <em>La distinction</em>. Les go&ucirc;ts d&eacute;finis socialement sont ce que nous percevons comme ce qu&rsquo;il y a de plus personnel en nous. De m&ecirc;me, comme le rel&egrave;ve Mauss dans &laquo;&nbsp;Les techniques du corps&nbsp;&raquo;, nous apprenons socialiement &agrave; nous servir de notre corps avant de nous attribuer les traits saillants de cet apprentissage (apprendre &agrave; dormir dans un lit, la nuit, allong&eacute;, et ne pas trouver le sommeil hors de ses circonstances).</p> <p class="texte" dir="ltr">Si on &eacute;largi le champ, on pourrait s&rsquo;interroger sur la facult&eacute; d&rsquo;oblit&eacute;rer certain points dans la m&eacute;moire collective, l&rsquo;oubli et le pardon &eacute;tant des fonctions &eacute;l&eacute;mentaires de socialisation (toute reconstruction de l&rsquo;histoire en proc&egrave;de). Plus simplement, on pourrait en revenir &agrave; <em>Sociologie et anthropologie</em> pour se donner un point de d&eacute;part pour consid&eacute;rer la part inconsciente du travail social. Si l&#39;on s&#39;en tient au texte maussien, on doit consid&eacute;rer l&rsquo;inconscient collectif (la formule n&#39;est pas maussienne) comme un ensemble de syst&egrave;mes symboliques modelables, en discussion consciente tout en proc&eacute;dant d&rsquo;une fonction inconsciente. D&rsquo;un point de vue maussien, l&rsquo;inconscient collectif est l&rsquo;ensemble des normes qui surgissent lors de tout rassemblement, pour limiter la communion, pour maintenir les distinctions, la pluralit&eacute; des &ecirc;tres. Cet inconscient peut-&ecirc;tre temporairement conscient, ou resurgir &agrave; la conscience sporadiquement, mais pour avoir son efficacit&eacute; sociale, il doit rebasculer dans une pratique inconsciente du social. C&#39;est ce qui produit la confusion identifi&eacute;e par Durkheim dans <em>Les formes &eacute;l&eacute;mentaires de la vie religieuse</em>. La communaut&eacute; confond sa propre puissance de socialisation et le divin, parce qu&#39;il per&ccedil;oit en m&ecirc;me temps l&#39;ensemble des normes, parce qu&#39;il se per&ccedil;oit lui-m&ecirc;me, sans reconna&icirc;tre le fruit de son travail, l&#39;ayant fait basculer dans l&#39;inconscient. En partant de l&rsquo;&oelig;uvre de Mauss, on peut &eacute;laborer une m&eacute;thodologie de l&rsquo;inconscient collectif dont nous avons d&eacute;taill&eacute; les &eacute;l&eacute;ments saillants dans un article pour la Revue permanente du Mauss<a class="endnotecall" href="#ftn5" id="bodyftn5">v</a>.</p> <h1 dir="ltr" id="heading3">Ce qu&rsquo;on gagne &agrave; th&eacute;oriser l&rsquo;inconscient collectif</h1> <p class="texte" dir="ltr">D&rsquo;une part, on parle d&rsquo;une fonction individuelle de socialisation. Chacun poss&egrave;de en soi une disposition &agrave; l&rsquo;incorporation, c&#39;est-&agrave;-dire &agrave; la constitution d&rsquo;un inconscient collectif, d&rsquo;un moi social qui s&rsquo;ignore pour partie bien qu&rsquo;il puisse &ecirc;tre n&eacute;goci&eacute; consciemment et inconsciemment.</p> <p class="texte" dir="ltr">Ce faisant, on permet une collaboration entre psychologie et sociologie puisque l&rsquo;on rend un lieu commun &agrave; la sociologie et &agrave; la psychologie politique. Je dis rendre parce que Mauss propose d&eacute;j&agrave; cette synth&egrave;se. Il consid&egrave;re l&rsquo;inconscient collectif comme un ensemble de syst&egrave;mes symboliques modelables, en discussion consciente tout en proc&eacute;dant d&rsquo;une fonction inconsciente. Dans <em>Rapports r&eacute;els et pratiques de la sociologie et de la psychologie</em>, Mauss affirme la compl&eacute;mentarit&eacute; entre les deux disciplines. L&agrave; o&ugrave; la psychologie observerait des faits sociaux anormaux, la sociologie observerait d&rsquo;immenses cha&icirc;nes de faits sociaux normaux. Mais les faits sociaux anormaux semblent permettre des synth&egrave;ses entre des syst&egrave;mes symboliques incommensurables (il donne l&rsquo;exemple des shamans). Les shamans ne sont pas fous, la soci&eacute;t&eacute; leur demande d&rsquo;assurer des synth&egrave;ses entre des syst&egrave;mes symboliques incommensurables les uns aux autres.</p> <p class="texte" dir="ltr">-D&rsquo;autre part, on rend sa complexit&eacute; &agrave; un objet qui ne se constitue que par l&rsquo;action coordonn&eacute;e de l&rsquo;ensemble des sujets et qu&rsquo;il est extr&ecirc;mement difficile de saisir ou de ma&icirc;triser parfaitement. D&rsquo;une certaine mani&egrave;re, on rompt un tabou, on rouvre une collaboration et on se charge d&rsquo;une nouvelle difficult&eacute;.</p> <p class="texte" dir="ltr">-En cela bien entendu, on constitue une vigie particuli&egrave;rement efficace ou du moins particuli&egrave;rement sensible aux &eacute;volutions de l&rsquo;inconscient collectif, &agrave; ses &eacute;volutions inconscientes ou aux manipulations qui le visent. Ceci permet de rendre des comptes au sens commun sur le sens commun, non par tant pour lui offrir une meilleure connaissance de lui-m&ecirc;me mais pour mettre en discussion consciente ce qui se joue, pour augmenter sa libert&eacute; (origine consciente de son action). Cela permet par ailleurs de poursuivre la vieille lutte contre l&rsquo;anomie, c&#39;est-&agrave;-dire contre le penchant &agrave; la destruction et &agrave; l&rsquo;acosmisme, pr&eacute;sent dans nos soci&eacute;t&eacute;s.</p> <p class="texte" dir="ltr">-La notion d&rsquo;inconscient collectif permet une collaboration, une vraie pluridisciplinarit&eacute; autour d&rsquo;un m&ecirc;me objet tout en maintenant la sp&eacute;cificit&eacute; des approches. La vie de l&rsquo;inconscient collectif rel&egrave;ve &agrave; la fois d&rsquo;un processus de socialisation que d&rsquo;une d&eacute;termination de la vie psychique individuelle et collective. La propagande vichyste pourra ainsi &ecirc;tre envisag&eacute;e comme une fa&ccedil;on de faire soci&eacute;t&eacute; ou comme une forme de manipulation psychologique. Dans le cadre de recherche action en sociologie clinique ou en psycho dynamique du travail, un effort sociologique sur l&rsquo;inconscient collectif permettrait de construire une &eacute;thique de la recherche pour des sociologues qui reconna&icirc;trait leur influence sur l&rsquo;inconscient collectif (quelle que soit l&rsquo;&eacute;chelle du groupe, du microcosme &agrave; la soci&eacute;t&eacute; en g&eacute;n&eacute;ral). Contrairement &agrave; la controverse qui opposa Malinovski et Ernest Jones sur l&rsquo;universalit&eacute; du complexe d&rsquo;&OElig;dipe en 1923 (Cf. <em>La sexualit&eacute; et sa r&eacute;pression dans les soci&eacute;t&eacute;s primitives</em>), une telle collaboration consid&egrave;rera toujours que le symbolique est sans cesse &eacute;labor&eacute; collectivement m&ecirc;me si l&#39;on peut identifier des &eacute;l&eacute;ments, voire r&eacute;introduire ces derniers dans les soci&eacute;t&eacute;s contemporaines. C&rsquo;est en cela que les sciences humaines feront consciemment une &oelig;uvre politique. La notion d&#39;inconscient collectif n&#39;a pas besoin d&#39;une caution d&#39;universalit&eacute; ou d&#39;immortalit&eacute;. C&#39;est ce qui se fait, se faisant&nbsp;; c&#39;est ce qui surgit de l&#39;incorporation du travail social, c&#39;est un basculement dans l&#39;oubli qui donne une qualit&eacute; nouvelle &agrave; l&#39;essentiel des faits sociaux.</p> <p class="texte" dir="ltr">Enfin et surtout, l&#39;utilit&eacute; d&#39;identifier l&#39;inconscient collectif comme ce qu&#39;il est permettra peut &ecirc;tre de restaurer un semblant de d&eacute;ontologie dans les rapports qu&#39;entretiennent les sciences humaines &agrave; cette part inconsciente de la vie collective. En modifiant l&#39;inconscient collectif, en l&#39;auscultant, en le travaillant ou en rendant des comptes au sens commun sur les modifications de l&#39;inconscient collectif, on ne fera rien d&#39;autre que ce que les sciences humaines font d&eacute;j&agrave;, mais on le fera avec plus d&#39;honn&ecirc;tet&eacute;, ou, en reprenant un concept tristement c&eacute;l&egrave;bre, avec plus de transparence.</p> <h1 dir="ltr" id="heading4">Les articles</h1> <p class="texte" dir="ltr">Les r&eacute;ponses &agrave; notre appel &agrave; contribution ont ceci d&#39;extr&ecirc;mement satisfaisant qu&#39;elles couvrent une large partie du champ des r&eacute;ponses possibles&nbsp;: pluridisciplinarit&eacute;, discussion des termes du sujet, jeu avec les termes du sujet, approche &eacute;pist&eacute;mologique, politique, sociologique, psychosociologique, linguistique, historique (&hellip;), contestant l&#39;approche jungienne, utilisant Jung, partant de Freud ou de Lacan, de Mauss ou de L&eacute;vi-Strauss. Cette vigueur de la r&eacute;action nous permet d&#39;offrir au lecteur un dossier construit, et illustrant un cheminement qui ne se con&ccedil;oit pas un processus lin&eacute;aire de progr&egrave;s mais comme une mani&egrave;re de faire le tour de la question. Il est temps pour nous d&#39;en pr&eacute;senter un floril&egrave;ge.</p> <p class="texte" dir="ltr">L&#39;article &laquo;&nbsp;Entre agir et institutions&nbsp;: quelle place pour l&#39;inconscient collectif&nbsp;&raquo; de C&eacute;line Attard et Jean-Louis Pedinielli, par sa qualit&eacute;, sa rigueur et son d&eacute;tail vous servira ad&eacute;quatement d&#39;introduction au probl&egrave;me.</p> <p class="texte" dir="ltr">Allez vous d&eacute;lecter ensuite avec la proposition audacieuse d&#39;Alain Deniau (&laquo;&nbsp;<em>L&#39;inconscient, c&#39;est le politique&nbsp;&raquo;</em>), proposant l&#39;homme analys&eacute; comme id&eacute;al politique contre le fanatisme de l&#39;un, c&#39;est &agrave; dire le refus absolu et destructeur de l&#39;alt&eacute;rit&eacute; (source pourtant primordiale du jeu politique. On retrouvera le lien entre inconscient collectif et politique dans l&#39;article cit&eacute; plus hait de Jacqueline Barus-Michel.</p> <p class="texte" dir="ltr">Si vous avez l&#39;envie de quelque promenade historique, vous aurez la possibilit&eacute; de fr&eacute;quenter la Rome de 1870 avec les outils Jungien (Guy Lanoue, La construction de Rome, arch&eacute;type de la patrie) ou dans une perspective pr&eacute;f&eacute;rant l&#39;id&eacute;e d&#39;un imaginaire collectif, plongez vous dans la prose de Sandrine Blondet qui &eacute;tudie cet imaginaire dans le th&eacute;&acirc;tre fran&ccedil;ais du XVII&egrave;me si&egrave;cle (<em>L&#39;usage th&eacute;&acirc;tral du Mythe au XVII&egrave;me si&egrave;cle&nbsp;: manifestation de l&#39;inconscient collectif, ou man&oelig;uvre concurrentielle tr&egrave;s consciente&nbsp;?</em>). Dans une perspective assez proche, on trouvera l&#39;article de Remi Astruc &laquo;&nbsp;Fonctionnement de la &laquo;&nbsp;figure&nbsp;&raquo; comme personnage arch&eacute;typique du roman moderne&nbsp;&raquo;.</p> <p class="texte" dir="ltr">&laquo;&nbsp;<em>Ce sont des &oelig;uvres qui d&eacute;ploient ce qui s&rsquo;apparente en fin de compte &agrave; une forme de &laquo;&nbsp;familiarit&eacute; &eacute;trang&egrave;re&nbsp;&raquo;, des &oelig;uvres qui par l&agrave; m&ecirc;me nous &laquo;&nbsp;parlent&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est-&agrave;-dire nous apportent quelque chose, &agrave; nous individuellement et &agrave; n&rsquo;en pas douter &agrave; des milliers d&rsquo;autres comme nous (dans une communaut&eacute; de r&eacute;action qui nous r&eacute;unit donc &agrave; notre insu). M&ecirc;me si c&rsquo;est une &eacute;vidence confus&eacute;ment ressentie, il fait alors peu de doute qu&rsquo;une proc&eacute;dure inconsciente, quelque soit le nom que l&rsquo;on veuille bien lui donner, intervient dans le je-ne-sais-quoi qui fait que ces &oelig;uvres, leur personnage, leur histoire nous fascinent plus que d&rsquo;autres&nbsp;</em>&raquo;.</p> <p class="texte" dir="ltr">Trois perspectives diff&eacute;rentes en linguistiques nous sont offertes par Josette Larue Tondeur (&laquo;&nbsp;<em>L&#39;inconscient collectif langagier&nbsp;&raquo;</em>), Fr&eacute;deric Torterat (&laquo;&nbsp;<em>Entre linguistique, psychologie politique et sociologie des m&eacute;dias, les &eacute;carts discursifs comme lieux de l&#39;inconscient collectif&nbsp;&raquo;</em>) et Pascal Fugier (&laquo;&nbsp;<span style="color:#000000;"><em>La sociologie et la psychanalyse au carrefour du symbolique &ndash; point de rencontre du contenu collectif de l&rsquo;inconscient</em></span><span style="color:#000000;">&nbsp;&raquo;)</span>. Un grand nombre d&#39;aspects sont ainsi pass&eacute;s en revue&nbsp;: l&#39;&eacute;volution phon&eacute;tique, la pluridisciplinarit&eacute;, l&#39;enjeu politique.</p> <p class="texte" dir="ltr">Sara Marinari se propose, dans son article intitul&eacute; &laquo;&nbsp;<em>Le public de Gabriel Tarde ou comment repenser l&rsquo;absence d&rsquo;un inconscient collectif</em>&nbsp;&raquo; de substituer l&#39;inconscient tel qu&#39;il est pens&eacute; par Freud et Jung par les perspectives interactionnistes de Tarde ou Goffman comme un moyen de penser &laquo;&nbsp;public sans la notion d&rsquo;inconscience&nbsp;&raquo;. &nbsp;</p> <p class="texte" dir="ltr">Quant &agrave; Toshiaki Kozaka&iuml;, il prend imm&eacute;diatement un parti pris hors du dilemme freudo-jungien&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>L&rsquo;inconscient collectif qui consititue la trame de cet article n&rsquo;est ni freudien ni jungien. Les ph&eacute;nom&egrave;nes collectifs &eacute;chappent au contr&ocirc;le des humains. Le fonctionnement social est de nature inconsciente, non parce qu&rsquo;il se situe &agrave; un niveau trop bas, mais au contraire parce qu&rsquo;il se situe &agrave; un niveau trop &eacute;lev&eacute; pour que la conscience puisse se l&rsquo;approprier. Les informations constitutives du syst&egrave;me social sont diss&eacute;min&eacute;&eacute;es dans son ensemble. Pour remprendre l&rsquo;expression de Hayek (1969), nos processus cognitifs ne sont pas sub-conscients, mais supra-conscients</em>&nbsp;&raquo; dans son article &laquo;&nbsp;Fiction sociale et inconscient collectif&nbsp;&raquo; qui se centre sur l&rsquo;analyse de trois faits sociaux circulaire, le crime, la monnaie et le don.</p> <p class="texte" dir="ltr">Avec des d&eacute;marches et des humeurs notoirement diff&eacute;rentes, Jean Louis Marie (&laquo;&nbsp;Les psychologies cognitives et &eacute;volutionnistes renouvellent-elles la notion d&#39;inconscient collectif&nbsp;?&nbsp;&raquo;) et Caroline Rutten (&laquo;&nbsp;Culture et inconscient collectif, de l&#39;arch&eacute;type au st&eacute;r&eacute;otype&nbsp;&raquo;) nous font l&#39;honneur d&#39;apporter la contribution des sciences cognitives &agrave; cette r&eacute;flexion sur notre cher objet.</p> <p class="texte" dir="ltr">Nous avons laiss&eacute; la parole &agrave; nos pires contradicteurs, et ce &agrave; dessein. Quand Caroline Rutten finit par d&eacute;crire l&#39;inconscient collectif comme une douce fable, elle ajoute encore une qualit&eacute; &agrave; la disposition qui nous occupe, ses objections &agrave; la conception jungienne enrichissent toute autre acception du terme.</p> <p class="texte" dir="ltr">En guise de conclusion, reprenons celle de Jean Louis Marie, qu&#39;il pr&eacute;sente lui-m&ecirc;me comme &ldquo;m&eacute;lancolique&rdquo; et &ldquo;provisoire&rdquo;&nbsp;: &ldquo;<em>On l&rsquo;a d&eacute;j&agrave; dit l&rsquo;anti-naturalisme des sciences sociales s&rsquo;est durci tout au long du XX&egrave;me si&egrave;cle. Ce repliement ne repose pas, loin s&rsquo;en faut, uniquement sur des raisons scientifiques. Y sont &eacute;galement engag&eacute;es des consid&eacute;rations morales et politiques inspir&eacute;es par l&rsquo;histoire. L&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;un implicite partag&eacute; dont les fondements sont en partie naturels est volontiers jug&eacute;e comme conservatrice voire politiquement dangereuse</em><a class="endnotecall" href="#ftn6" id="bodyftn6">vi</a><em>. A ces consid&eacute;rations fortes s&rsquo;ajoutent, l&agrave; aussi de fa&ccedil;on de plus en plus lourde, les contraintes de productivit&eacute; et de comp&eacute;titivit&eacute;&nbsp;auxquelles doivent satisfaire aujourd&rsquo;hui les chercheurs et qui leurs imposent une sp&eacute;cialisation de plus en plus &eacute;troite. Le renouvellement de notre r&eacute;flexion sur l&rsquo;implicite partag&eacute; suppose une ouverture interdisciplinaire r&eacute;elle. Cette ouverture a un co&ucirc;t d&rsquo;entr&eacute;e intellectuel &eacute;lev&eacute; et suppose une transformation de nos m&oelig;urs acad&eacute;miques sans d&eacute;bouch&eacute; profitable imm&eacute;diat. L&rsquo;ensemble contribue vraisemblablement &agrave; en &eacute;loigner la perspective</em>&rdquo;. La construction m&ecirc;me de ce num&eacute;ro des CPP est une d&eacute;monstration de ce que notre auteur peut reprendre espoir. Poussera-t-on la malice jusqu&#39;&agrave; lui faire remarquer que cette notion d&#39;implicite commun qu&#39;il pr&eacute;f&egrave;re &agrave; celui d&#39;inconscient collectif participe de cette logique de chapelle qui consiste &agrave; dire (et ce depuis plus d&#39;un si&egrave;cle)&nbsp;: &ldquo;oui, c&#39;est bien cela dont on parle, mais pour ce qui est de chez moi, je voudrais plut&ocirc;t qu&#39;on l&#39;appelle ainsi, et qu&#39;on en regarde tel aspect&rdquo;. Pour le meilleur ou pour le pire (ce sera au lecteur de juger), nous avons d&eacute;pass&eacute; cet obstacle, essentiellement gr&acirc;ce &agrave; la vigueur des contributeurs.</p> <p class="texte" dir="ltr"><em>Bonnes lectures,</em></p> <p class="texte" dir="ltr"><em>Alexandre Duclos</em></p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="EndnoteSymbol" href="#bodyftn1" id="ftn1">i</a> &nbsp;Carl Gustav Jung employa la formule &laquo;&nbsp;inconscient collectif&nbsp;&raquo; pour la premi&egrave;re fois en 1916 au cours d&#39;une conf&eacute;rence Uber das Unbewusste und seine Inhalte (&laquo;&nbsp;Sur l&#39;inconscient et son contenu&nbsp;&raquo;).</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="EndnoteSymbol" href="#bodyftn2" id="ftn2">ii</a> &nbsp;Qu&#39;il me soit permis de remercier dans ses lignes Marie France Maranda, Phd de Sociologie &agrave; l&#39;Universit&eacute; Laval ainsi que ces &eacute;tudiants Jean Simon Deslauriers, Simon, Christian Genest, Anne Paill&eacute; March&eacute; avec qui, lors d&#39;un s&eacute;minaire doctoral consacr&eacute; au sujet, j&#39;ai pu approfondir mon travail sur l&#39;inconscient collectif, lui-m&ecirc;me entam&eacute; dans un cours d&#39;Olivier Clain sur le Symbolique. Leur aide et leurs recherches mon &eacute;t&eacute; d&#39;un grand secours pour m&#39;aventurer sur ces terres risqu&eacute;es.</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="EndnoteSymbol" href="#bodyftn3" id="ftn3">iii</a> &nbsp;Nous parlerons ici essentiellement de notre chapelle, la sociologie. Que le lecteur nous pardonne, nous connaissons trop mal les autres pour nous attribuer le droit d&#39;en parler.</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="EndnoteSymbol" href="#bodyftn4" id="ftn4">iv</a> &nbsp;Corn&eacute;lius Castoriadis, L&rsquo;Institution imaginaire de la soci&eacute;t&eacute;, Paris, Le Seuil, 1975</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="EndnoteSymbol" href="#bodyftn5" id="ftn5">v</a> &nbsp;http://www.journaldumauss.net/spip.php?article684</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="EndnoteSymbol" href="#bodyftn6" id="ftn6">vi</a> &nbsp;Pinker (Steven), &quot;Comprendre la nature humaine&nbsp;&raquo;, Odile Jacob, 2005, 1&egrave;re &eacute;dition US 2002&nbsp;; Marie (Jean-Louis), Entre d&eacute;bat scientifique et querelle politique&nbsp;: la r&eacute;ception des sciences cognitives par la science politique, in Dufourt (Daniel) et Michel (Jacques) dir, &quot;La vie politique de la science&quot;, L&rsquo;interdisciplinaire, Lyon, 2008, pp. 113-132</p>