<p class="texte" dir="ltr">&Agrave; l&rsquo;occasion de la publication en 2014 de la <span style="text-decoration:underline;">Tyrannie de la science</span>, il est opportun de s&rsquo;int&eacute;resser &agrave; l&rsquo;intention de Feyerabend plus qu&rsquo;&agrave; sa classification. En effet, l&rsquo;homme disait de lui-m&ecirc;me qu&rsquo;il n&rsquo;&eacute;tait pas certain de ses propres arguments ou positions. Il y a de Socrate dans son impertinence, voire sa violence verbale, lorsqu&rsquo;il s&rsquo;attaque &agrave; la science croyant &eacute;tablir des connaissances certaines. Alors, lire Feyerabend exige de ne pas y chercher un nouveau syst&egrave;me logique du monde parce qu&rsquo;<span style="text-decoration:underline;">Adieu la raison</span> est une &oelig;uvre majeure, celle d&rsquo;une rupture &eacute;pist&eacute;mologique. D&eacute;j&agrave;, sa relation &agrave; l&rsquo;&eacute;criture est le signe d&rsquo;une libert&eacute;, v&eacute;hicule de ce qu&rsquo;il cherche &agrave; partager dans le respect des autres puisqu&rsquo;il n&rsquo;est pas porteur d&rsquo;une v&eacute;rit&eacute; univoque qu&rsquo;il ex&egrave;cre par-dessus tout. Son expression des chemins de la libert&eacute; qu&rsquo;il offre au lecteur a &eacute;t&eacute; traduite dans la formule d&rsquo;anarchisme &eacute;pist&eacute;mologique. Cette appellation quelque peu restrictive pourrait s&rsquo;av&eacute;rer trompeuse car le penseur libertaire serait plus l&rsquo;ap&ocirc;tre des chemins de libert&eacute; o&ugrave; tout ne s&rsquo;&eacute;nonce pas puisqu&rsquo;il s&rsquo;agit de laisser l&rsquo;autre advenir &agrave; lui-m&ecirc;me. Le philosophe des sciences serait plus encore de ce fait le praticien d&rsquo;une autre politique o&ugrave; l&rsquo;homme serait ni ma&icirc;tre ni esclave d&rsquo;autrui. Et loin de faire l&rsquo;apologie de l&rsquo;individu, Feyerabend d&rsquo;entrainer le lecteur &agrave; consid&eacute;rer les institutions des r&eacute;gimes de v&eacute;rit&eacute; &agrave; travers les &acirc;ges en nous laissant ouverte la porte du futur, libert&eacute; oblige.</p> <h2 dir="ltr" id="heading1" style="font-style:italic;">Le rapport &agrave; l&rsquo;&eacute;crit et la mission de l&rsquo;auteur</h2> <p class="texte" dir="ltr">La question du style d&eacute;passe celle de l&rsquo;esth&eacute;tique lorsque se loge dans le choix de l&rsquo;&eacute;criture les fondements inh&eacute;rents &agrave; une mani&egrave;re d&rsquo;envisager sa relation &agrave; la v&eacute;rit&eacute; du langage et au rapport que celui-ci entretient d&egrave;s lors avec le lecteur. Feyerabend &eacute;vite les pi&egrave;ges qui opposeraient la mani&egrave;re de dire les choses avec ce qu&rsquo;on en dit. Nombre de paradoxes et d&rsquo;apories proviennent de cette n&eacute;gligence. La libert&eacute; ne s&rsquo;ordonne pas. Il &eacute;nonce &agrave; plusieurs reprises sa pr&eacute;f&eacute;rence pour un langage ouvert qui laisse sa part au lecteur<a class="footnotecall" href="#ftn1" id="bodyftn1">1</a> Sa mission n&rsquo;est pas celle du ma&icirc;tre qui &eacute;nonce toute la v&eacute;rit&eacute;. Cette position, il y revient pour expliquer dans les derni&egrave;res pages intitul&eacute;es <span style="text-decoration:underline;">Le Bien et le Mal</span> que la mission de l&rsquo;enseignant ou de l&rsquo;auteur a un caract&egrave;re tr&egrave;s socratique de subversion par l&rsquo;apprentissage de l&rsquo;esprit de contradiction, salutaire pour &eacute;viter les pi&egrave;ges de ce qu&rsquo;il d&eacute;nomme &laquo;&nbsp;les rengaines id&eacute;ologiques&nbsp;&raquo;<a class="footnotecall" href="#ftn2" id="bodyftn2">2</a> Et ce rapport &agrave; l&rsquo;autorit&eacute; de l&rsquo;&eacute;crit l&rsquo;am&egrave;ne &agrave; quitter les expos&eacute;s m&eacute;thodiques, les argumentaires et les abstractions dans lesquels il appr&eacute;cie aussi de livrer son combat contre l&rsquo;univoque. Sa libert&eacute; s&rsquo;exprime dans un registre qui rel&egrave;ve de la confession, de l&rsquo;&eacute;criture plus autobiographique. Il proc&egrave;de en trois temps, celui d&rsquo;une exposition toujours dans l&rsquo;empreinte des concepts. Puis il parle de sa relation &agrave; ses connaissances et de sa distance qui sont aussi sa libert&eacute; d&rsquo;homme qui ne se r&eacute;duit pas &agrave; ce qu&rsquo;il dit pour &eacute;viter une nouvelle servitude. Le dernier temps reste celui d&rsquo;une tr&egrave;s audacieuse provocation d&rsquo;un homme libre qui ne s&rsquo;interdit rien&nbsp;; car apr&egrave;s l&rsquo;hommage &agrave; l&rsquo;intelligence de Bellarmin contre Galil&eacute;e, apr&egrave;s la reconnaissance des arguments de R&eacute;mi pensant au salut des &acirc;mes, il nous dit Adieu la raison, pour mieux provoquer les modernes dans cette remise en cause de la science totalisante. Il affirme simplement &ecirc;tre le t&eacute;moin d&rsquo;un moment, infid&egrave;le &agrave; lui-m&ecirc;me, de peur de devenir un doctrinaire<a class="footnotecall" href="#ftn3" id="bodyftn3">3</a> Voil&agrave; pourquoi il annonce que la raison n&rsquo;est pas ici, jamais. Adieu donc, &agrave; Dieu peut &ecirc;tre, voire aux Dieux.</p> <h2 dir="ltr" id="heading2" style="font-style:italic;">L&rsquo;univocit&eacute; de la raison et la tyrannie prom&eacute;th&eacute;enne</h2> <p class="texte" dir="ltr">Feyerabend &eacute;l&egrave;ve de K. Popper conna&icirc;t la crise des fondements, l&rsquo;&eacute;chec du positivisme logique, la r&eacute;ponse de K. G&ouml;del &agrave; D. Hilbert rendant la science math&eacute;matique tout &agrave; la fois libre de ses constructions, mais insuffisante &agrave; l&rsquo;&eacute;tablissement d&rsquo;une v&eacute;rit&eacute; univoque selon l&rsquo;exigence et le pari de l&rsquo;&eacute;pop&eacute;e rationaliste commenc&eacute;e quelque part au Moyen-&acirc;ge avec R. Bacon, puis G. d&rsquo;Occam et plus encore &agrave; leur suite Descartes. Rien ne l&eacute;gitime que la science continue &agrave; imposer son point de vue.</p> <p class="texte" dir="ltr">Du th&eacute;or&egrave;me d&rsquo;incompl&eacute;tude au principe d&rsquo;ind&eacute;termination et quelques autres travaux logiques et math&eacute;matiques, Feyerabend sait que l&rsquo;&eacute;difice de la science est sans fondement mais qu&rsquo;elle triomphe et exerce une tyrannie prom&eacute;th&eacute;enne. Relativement &agrave; l&rsquo;ordre install&eacute; et aux traditions philosophiques dominantes o&ugrave; la science est toujours le point fixe du rassemblement des modernes, Feyerabend renoue avec la grande tradition socratique. La science est fantasme<a class="footnotecall" href="#ftn4" id="bodyftn4">4</a>, elle est relative<a class="footnotecall" href="#ftn5" id="bodyftn5">5</a> La science n&rsquo;a pas d&rsquo;autorit&eacute; sup&eacute;rieure et son objectivit&eacute; est factice, du moins relative &agrave; des choix philosophiques. Et sa d&eacute;monstration consiste toujours &agrave; mettre en perspective les fins poursuivies par les soci&eacute;t&eacute;s, les personnalit&eacute;s dans leurs histoires et leur responsabilit&eacute; au sein des institutions d&rsquo;une &eacute;poque, la science ayant ses fins. Feyerabend sait que la limite est la cons&eacute;quence de cette crise des fondements des sciences occidentales et que tout savoir est conditionn&eacute;, c&rsquo;est-&agrave;-dire d&eacute;limit&eacute; du fait de l&rsquo;humain dans son historicit&eacute;. En cela, m&ecirc;me les math&eacute;matiques ne sont pas une nouvelle th&eacute;ologie d&rsquo;&ecirc;tres immuables et &eacute;ternels dont les v&eacute;rit&eacute;s le seraient aussi. Contre cette unicit&eacute; r&eacute;ductrice, il observe que d&rsquo;autres mod&egrave;les de savoir ont guid&eacute; les hommes dans leur histoire et que la science &oelig;uvre &agrave; la mani&egrave;re d&rsquo;un proc&eacute;d&eacute; entropique et ali&eacute;nant qui aligne et simplifie jusqu&rsquo;&agrave; devenir l&rsquo;unique mod&egrave;le de v&eacute;rit&eacute;.</p> <h2 dir="ltr" id="heading3" style="font-style:italic;">L&rsquo;insuffisance de la preuve et la relation &agrave; l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;</h2> <p class="texte" dir="ltr">L&rsquo;objectivit&eacute; est un dogme rationaliste &agrave; ses yeux. En cons&eacute;quence, il y a de la circonstance dans les jugements<a class="footnotecall" href="#ftn6" id="bodyftn6">6</a> Feyerabend cherche alors les voies d&rsquo;une &eacute;ducation du lecteur pour lui faire comprendre que la preuve est elle-m&ecirc;me circonstancielle. Elle se construit dans les limites des croyances et des certitudes d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; &agrave; un moment donn&eacute;. Et cette insuffisance de la preuve conduit &agrave; accepter l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;<a class="footnotecall" href="#ftn7" id="bodyftn7">7</a> Mais celle-ci est exigeante pour celui qui la promeut car l&rsquo;auteur ne peut plus faire office de ma&icirc;tre dogmatique d&eacute;livrant ses raisonnements comme autant de certitudes &agrave; prendre ou &agrave; laisser. L&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; ram&egrave;ne chacun &agrave; l&rsquo;aune de sa limite de t&eacute;moin au milieu d&rsquo;autres avec lesquels il &eacute;change. Or il constate que la science agit tout &agrave; l&rsquo;inverse en s&rsquo;extrayant de cette modestie, en outrepassant ses pouvoirs<a class="footnotecall" href="#ftn8" id="bodyftn8">8</a></p> <p class="texte" dir="ltr">La preuve se construit dans un contexte, relativement &agrave; des ambitions et des int&eacute;r&ecirc;ts. Il se moque alors de l&rsquo;incompr&eacute;hension des modernes quant aux cadres de r&eacute;f&eacute;rence des anciens, des grecs ou des chr&eacute;tiens et il provoque quand il se fait l&rsquo;apologue d&rsquo;H&eacute;rodote ou de Bellarmin. Pour ce dernier, il s&rsquo;attaque &agrave; une figure mythique de la modernit&eacute; pers&eacute;cut&eacute;e par les obscurantistes et il retourne le raisonnement. Bellarmin n&rsquo;a pas tort, il a m&ecirc;me sans doute ses raisons qui s&rsquo;entendent. L&rsquo;examen historique des conditions autorisant Galil&eacute;e &agrave; la publication de son &oelig;uvre, puis le proc&egrave;s, du fait de l&rsquo;irrespect de ses engagements, apportent un tout autre regard sur le conflit, au milieu de j&eacute;suites, savants et astronomes qui restent partag&eacute;s, parfois convaincus et n&eacute;anmoins prudents, faisant preuve de raison. Feyerabend, impertinent, montre que le savoir est deux fois pluriel. La premi&egrave;re pluralit&eacute; est celle des t&eacute;moins qui ne voient ni ne cherchent exactement la m&ecirc;me chose. La seconde est celle de l&rsquo;h&eacute;t&eacute;rog&eacute;n&eacute;it&eacute; des savoirs qui sont relatifs &agrave; leur propre mod&egrave;le et donc incommensurables les uns aux autres.</p> <p class="texte" dir="ltr">En cela la preuve est li&eacute;e &agrave; ce qui a le plus de foi &agrave; une &eacute;poque, dans une pratique de la connaissance. Et l&rsquo;enseignement atteste d&rsquo;une l&eacute;gitimit&eacute; raisonnable de la position de Bellarmin contre Galil&eacute;e. La modernit&eacute; peut-elle sortir indemne d&rsquo;une telle interpellation&nbsp;? Outre la reprise des arguments de Duhem quant &agrave; l&rsquo;&eacute;galit&eacute; des hypoth&egrave;ses ptol&eacute;m&eacute;enne et galil&eacute;enne dans les limites des savoirs de l&rsquo;&eacute;poque, il insiste sur la responsabilit&eacute; de celui qui a la charge de l&rsquo;&eacute;ducation et des institutions, agissant par prudence et discernement, au-del&agrave; de l&rsquo;emportement et de l&rsquo;enthousiasme d&rsquo;un Galil&eacute;e qu&rsquo;il critique &agrave; ce titre pour son orgueil, son arrogance et la faiblesse de nombre de ses arguments.</p> <h2 dir="ltr" id="heading4" style="font-style:italic;">La construction des raisons et la pluralit&eacute; des mod&egrave;les de savoir</h2> <p class="texte" dir="ltr">Cette interpellation d&eacute;stabilise les certitudes objectives des rationalistes. Quand les commentateurs simplifient et r&eacute;duisent Feyerabend &agrave; une formule extraite de son &oelig;uvre&nbsp;: &laquo;&nbsp;tout est bon&nbsp;&raquo;, cette pratique est contraire &agrave; son apologie de la pluralit&eacute; des connaissances. De m&ecirc;me confondre l&rsquo;apologie de la pluralit&eacute; avec le relativisme est une conclusion h&acirc;tive des modernes perdant de vue ce qu&rsquo;il tente d&rsquo;&eacute;tablir&nbsp;; soit l&rsquo;existence de savoirs relatifs &agrave; des soci&eacute;t&eacute;s<a class="footnotecall" href="#ftn9" id="bodyftn9">9</a> Chacune a son r&eacute;gime de v&eacute;rit&eacute; et les sciences elles-m&ecirc;mes sont h&eacute;t&eacute;rog&egrave;nes dans leurs m&eacute;thodes et leurs conclusions. Cette pluralit&eacute; dans la qualit&eacute; est bonne puisqu&rsquo;elle manifeste la vari&eacute;t&eacute; des finalit&eacute;s auxquelles des v&eacute;rit&eacute;s se rapportent. Cette proportionnalit&eacute; plus que la relativit&eacute; explique que chacun puisse avoir raison en vertu des fins qui guident ses jugements. M&ecirc;me la d&eacute;marche exp&eacute;rimentale poursuit des fins qui subordonnent ses v&eacute;rit&eacute;s &agrave; un but limit&eacute;. Sa v&eacute;ritable r&eacute;futation porte sur l&rsquo;univocit&eacute; &eacute;liminant la pluralit&eacute;, qualifi&eacute;e de pr&eacute;occupations monomaniaques qu&rsquo;il pr&ecirc;te entre autre &agrave; Kuhn, avec ses fantasmes unitaires o&ugrave; la science serait l&rsquo;unique source de savoir, l&rsquo;unique mod&egrave;le, l&rsquo;exclusive source de l&rsquo;organisation politique et pire encore &agrave; ses yeux, le seul langage dans lequel se construit la v&eacute;rit&eacute; monotone<a class="footnotecall" href="#ftn10" id="bodyftn10">10</a> C&rsquo;est pourquoi il s&rsquo;inqui&egrave;te de cette parcimonie irr&eacute;aliste des nominalistes. Elle conduit &agrave; l&rsquo;appauvrissement du langage, &agrave; l&rsquo;&eacute;rosion du sens, &agrave; la d&eacute;t&eacute;rioration de la connaissance. Il attaque Descartes et avec lui toute la philosophie rationaliste des modernes<a class="footnotecall" href="#ftn11" id="bodyftn11">11</a> Le libertaire est &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre au risque de d&eacute;plaire aux tenants de la mythologie des Lumi&egrave;res. En cela, il rejoint le diagnostic de quelques prestigieux scientifiques et historiens des sciences&nbsp;: A.N. Whitehead dans <span style="text-decoration:underline;">La science et le monde moderne</span> o&ugrave; celui-ci montre que la science est une nouvelle th&eacute;ologie avec ses dogmes, J. Ellul dans <span style="text-decoration:underline;">La technique ou l&rsquo;Enjeu du si&egrave;cle</span> qui d&eacute;voile l&rsquo;id&eacute;ologie technicienne, soit l&rsquo;instrumentalisation de la d&eacute;marche scientifique s&rsquo;interdisant de s&rsquo;exprimer sur les finalit&eacute;s, J. Habermas dans <span style="text-decoration:underline;">La technique ou la science comme id&eacute;ologie</span> qui lui aussi s&rsquo;interroge sur l&rsquo;id&eacute;ologie politique et scientifique de la philosophie rationaliste.</p> <p class="texte" dir="ltr">C&rsquo;est pourquoi la pluralit&eacute; des savoirs est bonne. Elle r&eacute;pond &agrave; des environnements distincts et dans cette vari&eacute;t&eacute; naissent des opportunit&eacute;s de nouveaux savoirs. L&agrave; o&ugrave; les rationalistes exigent la simplicit&eacute; dans la pure tradition occamienne, Feyerabend loue la richesse du monde<a class="footnotecall" href="#ftn12" id="bodyftn12">12</a>, sa complexit&eacute; et la modestie des hommes dans leurs entreprises. Et la pluralit&eacute; est d&rsquo;autant plus pr&eacute;sente que le r&eacute;el int&egrave;gre l&rsquo;action de l&rsquo;homme dans son &oelig;uvre de connaissance &eacute;tant alors lui-m&ecirc;me un objet dynamique, un r&eacute;el dans une histoire en train de se faire. Feyerabend s&rsquo;&eacute;loigne de l&rsquo;abstraction soit cette pens&eacute;e en qu&ecirc;te de puret&eacute; simplificatrice. Cela le conduit &agrave; proposer une autre perception de l&rsquo;homme, singulier, unique et certainement pas cette p&acirc;le copie abstraite d&rsquo;une figure autorisant toutes les man&oelig;uvres politiques o&ugrave; l&rsquo;homme n&rsquo;est plus qu&rsquo;un moyen.</p> <h2 dir="ltr" id="heading5" style="font-style:italic;">L&rsquo;apprentissage des limites et la manifestation de la particularit&eacute;</h2> <p class="texte" dir="ltr">Son exceptionnelle &eacute;rudition le conduit &agrave; reconna&icirc;tre avec modestie le fait de pluralit&eacute; et la particularit&eacute; des &ecirc;tres. Le philosophe des sciences c&egrave;de alors au philosophe politique et &agrave; l&rsquo;anthropologue. Mais il ne veut surtout pas imposer une nouvelle vision monolithique de l&rsquo;humain. L&agrave; r&eacute;side une part plus secr&egrave;te et intime de Feyerabend qui veut avant tout &eacute;viter les pi&egrave;ges de la dogmatique et de la v&eacute;rit&eacute; s&rsquo;imposant &agrave; autrui par la seule force de la d&eacute;monstration et de la preuve. Le libertaire est ap&ocirc;tre de la libert&eacute;, non d&eacute;fenseur narcissique d&rsquo;un individualisme centr&eacute; sur la toute-puissance de soi. C&rsquo;est pourquoi son style est &eacute;maill&eacute; de confessions et d&rsquo;appr&eacute;ciations quant &agrave; lui-m&ecirc;me au milieu de travaux d&rsquo;&eacute;rudits portant sur les th&eacute;ories scientifiques ou l&rsquo;histoire des sciences et de la philosophie. Pourquoi parle-t-il de lui-m&ecirc;me&nbsp;? Pourquoi se confie-t-il au lecteur&nbsp;? Que cherche-t-il &agrave; dire sans vraiment l&rsquo;&eacute;nonc&eacute;, de crainte de devenir le ma&icirc;tre qu&rsquo;il s&rsquo;interdit d&rsquo;&ecirc;tre&nbsp;?</p> <p class="texte" dir="ltr">De nombreux exemples attestent de ce langage pluriel qui se refuse &agrave; la monotonie stylistique d&rsquo;une science ratiocinant dans sa forme m&ecirc;me. Feyerabend est impertinent puisqu&rsquo;il d&eacute;roge &agrave; la r&egrave;gle de l&rsquo;objectivit&eacute; du langage et fait entorse au discours scientifique et acad&eacute;mique. Mais peut-il en &ecirc;tre autrement<a class="footnotecall" href="#ftn13" id="bodyftn13">13</a>&nbsp;? Cette multiplication des points de vue et des ressorts stylistiques t&eacute;moignent d&rsquo;une intention baroque, en opposition &agrave; l&rsquo;univocit&eacute; pr&eacute;tentieuse de la pure abstraction. D&egrave;s lors que la science est consid&eacute;r&eacute;e comme un savoir parmi d&rsquo;autres dans l&rsquo;ensemble des connaissances produites selon des m&eacute;thodes h&eacute;t&eacute;rog&egrave;nes, l&rsquo;exercice de l&rsquo;&eacute;change conduit &agrave; une amiti&eacute; confraternelle. Avec ses particularit&eacute;s, chacun contribue &agrave; une &oelig;uvre collective qui d&eacute;passe la mesure et ses limites particuli&egrave;res<a class="footnotecall" href="#ftn14" id="bodyftn14">14</a> D&rsquo;o&ugrave; l&rsquo;une de ses positions les plus en rupture avec les modernes lorsqu&rsquo;il affirme que la pluralit&eacute; conduit &agrave; la collaboration, sous-entendant que l&rsquo;indiff&eacute;rence relativiste combin&eacute;e &agrave; l&rsquo;exigence d&rsquo;univocit&eacute; induit une soci&eacute;t&eacute; violente et destructrice<a class="footnotecall" href="#ftn15" id="bodyftn15">15</a> Il partage ses h&eacute;sitations, confie au lecteur qu&rsquo;il ne sait pas comment dire, pour l&rsquo;alerter et lui sugg&eacute;rer d&rsquo;autres interrogations quant &agrave; ce qui est en jeu. Sa prose n&rsquo;est pas objective, elle est celle d&rsquo;un t&eacute;moin qui rappelle son lecteur &agrave; sa libert&eacute; personnelle qui ne saurait devenir soumission ou servitude voire all&eacute;geance, lui, le lecteur, qui pourrait vite s&rsquo;incliner et se laisser convaincre, voire s&rsquo;assujettir jusqu&rsquo;&agrave; renoncer &agrave; ses choix et ses arbitrages.</p> <h2 dir="ltr" id="heading6" style="font-style:italic;">Les libert&eacute;s collectives et le r&ocirc;le de l&rsquo;institution des r&eacute;gimes de v&eacute;rit&eacute;</h2> <p class="texte" dir="ltr">C&rsquo;est ici que le libertaire devient l&rsquo;ap&ocirc;tre de la libert&eacute; bien plus qu&rsquo;un &eacute;ni&egrave;me doctrinaire de sa v&eacute;rit&eacute; comme peuvent l&rsquo;&ecirc;tre certains libertaires tout aussi intransigeants et dogmatiques que ceux qu&rsquo;ils pr&eacute;tendent d&eacute;noncer. Feyerabend est l&agrave; d&rsquo;une grande retenue, d&rsquo;une grande discr&eacute;tion, parce qu&rsquo;il appartient &agrave; chacun de se faire sa philosophie pour participer &agrave; l&rsquo;institution d&rsquo;un r&eacute;gime de v&eacute;rit&eacute; qui sera celui d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; &agrave; une &eacute;poque. Son d&eacute;pit face au r&egrave;gne inconsid&eacute;r&eacute; du rationalisme scientifique se transmute en une critique radicale de la soci&eacute;t&eacute; scientifique et de son id&eacute;ologie dont il analyse le caract&egrave;re exclusif et tyrannique avec pr&eacute;cision et de tr&egrave;s nombreuses r&eacute;f&eacute;rences, &agrave; la fa&ccedil;on d&rsquo;un enqu&ecirc;teur<a class="footnotecall" href="#ftn16" id="bodyftn16">16</a> Non seulement la science s&rsquo;est pr&eacute;sent&eacute;e comme unique dans sa m&eacute;thode mais elle a &eacute;limin&eacute; les alternatives<a class="footnotecall" href="#ftn17" id="bodyftn17">17</a></p> <p class="texte" dir="ltr">Et plus que l&rsquo;histoire des id&eacute;es, Feyerabend s&rsquo;attarde &agrave; en expliquer l&rsquo;origine humaine, cette qu&ecirc;te effr&eacute;n&eacute;e d&rsquo;objectivation qui donne le pouvoir de d&eacute;truire au nom m&ecirc;me de l&rsquo;objectivit&eacute; qui d&eacute;shumanise. Lui qui est rest&eacute; infiniment discret sur sa jeunesse et ses &eacute;preuves jusqu&rsquo;&agrave; ses blessures, a bien &eacute;prouv&eacute; dans sa chair la violence d&rsquo;un syst&egrave;me totalitaire visant une soci&eacute;t&eacute; scientifique et rationnelle dont peu retiennent encore aujourd&rsquo;hui les cons&eacute;quences de l&rsquo;exercice monopolistique de la rationalit&eacute; scientifique dans la conduite des destin&eacute;es humaines<a class="footnotecall" href="#ftn18" id="bodyftn18">18</a> La raison prom&eacute;th&eacute;enne des modernes est coupable &agrave; ses yeux.</p> <p class="texte" dir="ltr">C&rsquo;est le sens de certaines phrases entrecoupant ces th&egrave;ses et o&ugrave; il se livre et invite le lecteur &agrave; examiner avec gravit&eacute; sa contribution &agrave; l&rsquo;institution de la v&eacute;rit&eacute; dans un r&eacute;gime politique selon la mani&egrave;re dont il pense que les v&eacute;rit&eacute;s se construisent. Son &oelig;uvre oppose &agrave; la modernit&eacute; une vue plus collective de l&rsquo;institution de la v&eacute;rit&eacute;. La libert&eacute; ne s&rsquo;exerce pas seule, la connaissance ne se fait pas sans les autres. L&rsquo;institution exprime des r&egrave;gles collectives &agrave; partir desquelles des populations se forgent leurs v&eacute;rit&eacute;s en partageant la mani&egrave;re de les b&acirc;tir. Commence ici ce travail sur la particularit&eacute; et la mani&egrave;re qu&rsquo;ont les soci&eacute;t&eacute;s de se constituer en &eacute;difiant leur r&eacute;gime de v&eacute;rit&eacute;. Lui privil&eacute;gie la libert&eacute; de chacun, cette irr&eacute;ductible singularit&eacute; de l&rsquo;exp&eacute;rience et de la vie &agrave; partir de laquelle se construisent des v&eacute;rit&eacute;s collectives, c&rsquo;est-&agrave;-dire une croyance. C&rsquo;est au sein d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; que se fabriquent des v&eacute;rit&eacute;s collectives-croyances qui r&eacute;troagissent sur chacun.</p> <h2 dir="ltr" id="heading7" style="font-style:italic;">Les chemins ouverts par P. Feyerabend</h2> <p class="texte" dir="ltr">Si le libertaire se d&eacute;finissait par l&rsquo;apologie de la seule libert&eacute; individuelle impr&eacute;gn&eacute;e de l&rsquo;individualisme m&eacute;thodologique, Feyerabend n&rsquo;en serait pas vraiment. La v&eacute;rit&eacute; construite ensemble par le dialogue, la reconnaissance de la l&eacute;gitimit&eacute; des institutions collectives productrices des v&eacute;rit&eacute;s dans une soci&eacute;t&eacute; selon des modalit&eacute;s tr&egrave;s vari&eacute;es, son attachement &agrave; la pluralit&eacute; des soci&eacute;t&eacute;s elles-m&ecirc;mes et plus encore son attention &agrave; la limite du t&eacute;moignage humain, &agrave; commencer par le sien, en fait un passeur bien plus qu&rsquo;un ma&icirc;tre. &Eacute;vitant le pi&egrave;ge de l&rsquo;univocit&eacute; dans une attitude libertaire elle-m&ecirc;me intol&eacute;rante et exclusive, il ouvre les chemins du respect mutuel, de la libert&eacute; r&eacute;alisant son &oelig;uvre de cr&eacute;ation en vertu de valeurs et de priorit&eacute;s toujours respectables dans des soci&eacute;t&eacute;s ouvertes &agrave; la complexit&eacute; de leurs existences. Le philosophe parle alors d&rsquo;amour<a class="footnotecall" href="#ftn19" id="bodyftn19">19</a> et d&rsquo;amiti&eacute;<a class="footnotecall" href="#ftn20" id="bodyftn20">20</a> Il &eacute;voque ses r&ecirc;ves. Lui, le physicien, le philosophe des sciences, il souhaite que l&rsquo;abstraction compose ou c&egrave;de sa place, parce que l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; et la pluralit&eacute; projettent dans un nouveau monde au-del&agrave; de la raison &eacute;troite des rationalistes. Or, cet amour et cette amiti&eacute; indiquent a contrario que le rationalisme expulse l&rsquo;homme de lui-m&ecirc;me. Il n&rsquo;est pas un romantique. Il est dans la profusion des points de vue, le respect de la luxuriance g&eacute;n&eacute;reuse de l&rsquo;histoire des soci&eacute;t&eacute;s humaines. En cela, il d&eacute;range une civilisation vou&eacute;e au culte de l&rsquo;abstraction.</p> <p class="texte" dir="ltr">Il d&eacute;crit ce monde insaisissable o&ugrave; la science abstraite est s&eacute;par&eacute;e de l&rsquo;existence des hommes&nbsp;: menace de d&eacute;shumanisation et d&rsquo;inhumanit&eacute;. Les rationalistes usurpent leur histoire par leur mythologie des sciences, elles qui s&rsquo;engendrent dans des ruptures et des inventions par la folie de quelques irr&eacute;ductibles qui assument des hypoth&egrave;ses irrecevables avec l&rsquo;ent&ecirc;tement qu&rsquo;il convient pour ouvrir une br&egrave;che. Par peur de l&rsquo;immobilisme, par crainte de ces savoirs scl&eacute;ros&eacute;s devenant des dogmes r&eacute;pressifs, il fuit cette sorte de mort et de pens&eacute;es fig&eacute;es et achev&eacute;es et leur pr&eacute;f&egrave;re la jubilation et la d&eacute;couverte &agrave; la fa&ccedil;on d&rsquo;un explorateur d&eacute;couvrant de nouveaux mondes parce que la pens&eacute;e est une activit&eacute; sans repos. L&agrave; est l&rsquo;activit&eacute; vivante et libre.</p> <p class="texte" dir="ltr">La r&eacute;volution qu&rsquo;il v&eacute;hicule d&eacute;range car il privil&eacute;gie l&rsquo;intuition et la vitalit&eacute; baroque contre l&rsquo;abstraction classique dont il ressent la parent&eacute; avec la mort, &agrave; l&rsquo;instar de la distinction d&rsquo;un autre c&eacute;l&egrave;bre viennois. W. Worringer enseigne dans son magistral <span style="text-decoration:underline;">Abstraction et Einf&uuml;hlung</span><a class="footnotecall" href="#ftn21" id="bodyftn21">21</a> que l&rsquo;abstraction tend &agrave; la d&eacute;sincarnation inhumaine alors que l&rsquo;intuition exprime le mouvement de la vie. Dans Adieu la raison, Feyerabend assume la contradiction, joue le personnage variant d&rsquo;humeurs, de sentiments et de positions o&ugrave; la pluralit&eacute; des points de vue participe de cette richesse cumulative qui est un appel &agrave; une nouvelle &egrave;re baroque d&rsquo;abondance, pour que renaisse l&rsquo;homme apr&egrave;s un cycle d&rsquo;abstractions prom&eacute;th&eacute;ennes trop proche de Thanatos. Le lecteur aura compris. On n&rsquo;&eacute;crit pas sur Feyerabend, on tente d&rsquo;&eacute;crire avec lui. &nbsp;</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn1" id="ftn1">1</a> &nbsp;&laquo;&nbsp;Le mod&egrave;le est vague &ndash; c&rsquo;est bien vrai &ndash; mais l&rsquo;impr&eacute;cision est n&eacute;cessaire, car il est cens&eacute; &laquo;&nbsp;faire de la place&nbsp;&raquo;. (p.352)</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn2" id="ftn2">2</a> &nbsp;&laquo;&nbsp;le meilleur enseignement consiste &agrave; immuniser les gens contre les efforts syst&eacute;matiques d&rsquo;enseignement.&nbsp;&raquo; (p.360)</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn3" id="ftn3">3</a> &nbsp;&laquo;&nbsp;Dans ces discussions, je prenais tant&ocirc;t telle position, tant&ocirc;t telle autre&nbsp;: je changeais de position &ndash; et m&ecirc;me de style de vie &ndash; en partie pour &eacute;chapper &agrave; l&rsquo;ennui, en partie parce que je suis r&eacute;fractaire &agrave; la suggestion &hellip; / &hellip; il ne me serait jamais venu &agrave; l&rsquo;id&eacute;e de consid&eacute;rer ces pens&eacute;es comme une partie essentielle de moi-m&ecirc;me&hellip; /&hellip; mes inventions les plus sublimes et mes convictions les plus profondes, je ne leur permets jamais de prendre le dessus et de faire de moi leur tr&egrave;s ob&eacute;issant serviteur.&nbsp;&raquo; (p.361)</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn4" id="ftn4">4</a> &nbsp;&laquo;&nbsp;L&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;une science qui fonctionne sur la base d&rsquo;une argumentation logique rigoureuse n&rsquo;est rien d&rsquo;autre qu&rsquo;un fantasme.&nbsp;&raquo; (p.17)</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn5" id="ftn5">5</a> &nbsp;&laquo;&nbsp;J&rsquo;affirme qu&rsquo;il n&rsquo;existe aucune raison &laquo;&nbsp;objective&nbsp;&raquo; pour pr&eacute;f&eacute;rer la science et le rationalisme occidental &agrave; d&rsquo;autres traditions.&nbsp;&raquo; (p.338)</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn6" id="ftn6">6</a> &nbsp;&laquo;&nbsp;Il serait d&egrave;s lors absurde de consid&eacute;rer les id&eacute;es de sp&eacute;cialistes comme &laquo;&nbsp;vraies&nbsp;&raquo;, ou comme &laquo;&nbsp;r&eacute;elles&nbsp;&raquo; &ndash; point&nbsp;! &ndash; sans des &eacute;tudes plus approfondies allant au-del&agrave; des limites du sp&eacute;cialiste.&nbsp;&raquo; (p.69)</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn7" id="ftn7">7</a> &nbsp;&laquo;&nbsp;Il est temps de devenir modeste et d&rsquo;approcher en ignorant d&eacute;sireux de s&rsquo;instruire ceux qui sont cens&eacute;s b&eacute;n&eacute;ficier de nos id&eacute;es.&nbsp;&raquo; (p.25)</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn8" id="ftn8">8</a> &nbsp;&laquo;&nbsp;Les dogmatiques modernes &hellip; cherchent le pouvoir de mani&egrave;re plus insidieuse. En faisant la distinction entre ce qui n&rsquo;est que &laquo;&nbsp;croyance&nbsp;&raquo; et ce qui est &laquo;&nbsp;information objective&hellip;&nbsp;&raquo; (p.102)</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn9" id="ftn9">9</a> &nbsp;&laquo;&nbsp;Le probl&egrave;me est celui de l&rsquo;indiff&eacute;rence grandissante &agrave; l&rsquo;&eacute;gard des valeurs spirituelles et de leur remplacement par un mat&eacute;rialisme grossier mais &laquo;&nbsp;scientifique&nbsp;&raquo; qu&rsquo;on identifie parfois &agrave; l&rsquo;humanisme&nbsp;: l&rsquo;homme (c&rsquo;est-&agrave;-dire les humains dress&eacute;s par leurs sp&eacute;cialistes) peut r&eacute;soudre tous les probl&egrave;mes.&nbsp;&raquo; (p.358)</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn10" id="ftn10">10</a> &nbsp;&laquo;&nbsp;Presque tous c&eacute;l&eacute;braient l&rsquo;unit&eacute; (ou pour user d&rsquo;un meilleur terme, la monotonie) et d&eacute;non&ccedil;aient l&rsquo;abondance.&nbsp;&raquo; (p.138)</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn11" id="ftn11">11</a> &nbsp;&laquo;&nbsp;Ceux des philosophes qui pr&eacute;f&egrave;rent les notions simples, claires et facilement d&eacute;finissables &agrave; celles qui sont complexes, obscures et ind&eacute;finissables se r&eacute;jouirent de cette d&eacute;t&eacute;rioration et l&rsquo;utilis&egrave;rent pour affirmer &hellip; qu&rsquo;il n&rsquo;y avait essentiellement qu&rsquo;un seul concept de savoir, un seul concept de divinit&eacute;, un seul concept de l&rsquo;&ecirc;tre.&nbsp;&raquo; (p.158)</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn12" id="ftn12">12</a> &nbsp;&laquo;&nbsp;Le monde que nous habitons est riche au-del&agrave; de notre imagination la plus folle.&nbsp;&raquo; (p.3*)</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn13" id="ftn13">13</a> &nbsp;&laquo;&nbsp;Pour &eacute;crire ce livre, il faudra &eacute;videmment que je coupe les derniers liens qui m&rsquo;attachent encore &agrave; l&rsquo;approche abstraite ou, pour revenir &agrave; ma fa&ccedil;on habituelle et irresponsable de parler, il faudra que je dise&nbsp;: Adieu la raison.&nbsp;&raquo; (p.364)</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn14" id="ftn14">14</a> &nbsp;&laquo;&nbsp;Ce sont des opinions subjectives et non des orientations objectives&nbsp;; elles doivent &ecirc;tre test&eacute;es par d&rsquo;autres sujets, et non par des crit&egrave;res &laquo;&nbsp;objectifs&nbsp;&raquo;, et ne doivent obtenir de soutien politique qu&rsquo;apr&egrave;s examen par tous les gens concern&eacute;s&nbsp;: c&rsquo;est le consensus des destinataires et non mon raisonnement, qui finalement emporte la d&eacute;cision.&nbsp;&raquo; (p.351)</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn15" id="ftn15">15</a> &nbsp;&laquo;&nbsp;Une collaboration n&rsquo;a pas besoin d&rsquo;une id&eacute;ologie commune&nbsp;&raquo; (p.24)</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn16" id="ftn16">16</a> &nbsp;&laquo;&nbsp;La conception pr&eacute;tentieuse selon laquelle certains humains, ayant le don de la cr&eacute;ativit&eacute;, peuvent reconstruire la Cr&eacute;ation selon leur fantaisie a non seulement men&eacute; &agrave; d&rsquo;&eacute;normes probl&egrave;mes sociaux, &eacute;cologiques et personnels, mais sa cr&eacute;ance est tr&egrave;s douteuse, scientifiquement parlant.&nbsp;&raquo; (p.166)</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn17" id="ftn17">17</a> &nbsp;&laquo;&nbsp;La science occidentale a maintenant infect&eacute; le monde entier comme une maladie contagieuse et que beaucoup de gens tiennent ses productions comme allant de soi.&nbsp;&raquo; (p.339)</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn18" id="ftn18">18</a> &nbsp;&laquo;&nbsp;La plus grande part de la mis&egrave;re du monde, les guerres, la destruction des esprits et des corps, les boucheries sans fin ne sont pas le fait d&rsquo;individus mauvais, mais de gens qui ont objectiv&eacute; leurs d&eacute;sirs et inclinations personnels, ce qui les rend inhumains.&nbsp;&raquo; (p.356)</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn19" id="ftn19">19</a> &nbsp;&laquo;&nbsp;La critique sans rel&acirc;che qui est cens&eacute;e caract&eacute;riser la vie des scientifiques peut faire partie d&rsquo;une vie enrichissante, ce ne peut &ecirc;tre son fondement. (Elle ne peut pas davantage constituer une base de l&rsquo;amour, ou de l&rsquo;amiti&eacute;).&nbsp;&raquo; (p.299)</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn20" id="ftn20">20</a> &nbsp;&laquo;&nbsp;Les hommes peuvent d&eacute;cider de figer le monde qualitatif de notre exp&eacute;rience quotidienne et de consid&eacute;rer tout d&eacute;viation par rapport &agrave; celui-ci comme un pas vers l&rsquo;inhumanit&eacute;.&nbsp;&raquo; (p.299)</p> <p class="notebaspage" dir="ltr"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn21" id="ftn21">21</a> &nbsp;&laquo;&nbsp;La tendance &agrave; l&rsquo;Einf&uuml;hlung [&hellip;] trouve sa satisfaction dans la beaut&eacute; de l&rsquo;organique, la tendance &agrave; l&rsquo;abstraction trouve sa beaut&eacute; dans l&rsquo;inorganique, n&eacute;gation du vivant, dans le cristallin, ou en g&eacute;n&eacute;ral dans toute l&eacute;galit&eacute; et n&eacute;cessit&eacute;s abstraites.&nbsp;&raquo; (p.42-43)</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Ellul, Jacques, (1954), La technique ou l&rsquo;Enjeu du si&egrave;cle, Edition A. Colin</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Feyerabend, Paul, (1989), Adieu la raison, Editions du Seuil</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Feyerabend, Paul, (1979), Contre la m&eacute;thode, Editions du Seuil</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Feyerabend, Paul, (1996), Dialogue sur la connaissance, Editions du Seuil</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Feyerabend, Paul, (1999), Conquest of Abundance, University of Chicago Press</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Feyerabend, Paul, (2014), La tyrannie de la science, Editions du Seuil</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Gautero, Jean-Luc, (2002), Feyerabend, relativiste et r&eacute;aliste, revue Trac&eacute;s, ENS Editions</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Habermas, Jurgen, (1990), La technique et la science comme id&eacute;ologie, Editions Gallimard</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Pontoizeau, Pierre-Antoine, (2014), Lib&eacute;rer la parole politique, Edition Embrasure</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Whitehead, Alfred-North, (1994), La science et le monde moderne, Editions du Rocher</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Worringer, Wilhelm, (1975) Abstraction et Einf&uuml;hlung, Edition Klincksieck<a id="PictureBullets"></a><a id="bkmPictureBullets"></a></p>