<p class="texte" dir="ltr">Les th&eacute;ories de la reconnaissance et l&#39;analyse des luttes pour la reconnaissance connaissent depuis quelques ann&eacute;es un regain d&#39;int&eacute;r&ecirc;t important dans le sillage des travaux d&#39;Axel Honneth (Honneth, 2013). Ces analyses ont ouvert la voie &agrave; un ensemble de travaux f&eacute;conds dans de nombreux champs de la philosophie et des sciences sociales. On peut citer par exemple l&#39;analyse des luttes f&eacute;ministes par Nancy Fraser (Fraser, 2011)ou encore l&#39;&eacute;tude philosophique des psychopathologies du travail par Emmanuel Renault (Renault, 2004). Les th&eacute;ories actuelles de la reconnaissance s&#39;inscrivent &agrave; la crois&eacute;e de la psychologie et de la sociologie, relevant d&#39;une forme de psychologie sociale, en montrant comment la subjectivit&eacute; se constitue dans la relation &agrave; autrui. Mais en outre, ces th&eacute;ories se veulent une alternative aux approchent de l&#39;individualisme m&eacute;thodologique issue de l&#39;&eacute;conomie lib&eacute;rale n&eacute;o-classique. Le sujet n&#39;est pas mu uniquement par un calcul d&#39;int&eacute;r&ecirc;t &eacute;conomique. Il est &eacute;galement en recherche de reconnaissance morale et politique. Ainsi, la th&eacute;orie de la reconnaissance s&rsquo;int&eacute;resse &agrave; la place d&rsquo;affects tels que la honte ou la fiert&eacute; dans l&#39;agir humain.</p> <p class="texte" dir="ltr">&nbsp;Axel Honneth consid&egrave;re Hegel, Sorel, Mead ou encore Sartre comme des penseurs de la reconnaissance. Mais si Honneth mentionne Sorel, il ne se penche pas sur les sources de la th&eacute;orie de la reconnaissance chez cet auteur. Or Sorel est un grand lecteur de Proudhon (Sorel, 1892). En se penchant sur l&rsquo;&oelig;uvre de ce dernier, il est possible de trouver plusieurs textes qui constituent la base d&#39;une th&eacute;orie de la reconnaissance &agrave; la fois riche et originale.</p> <p class="texte" dir="ltr">&nbsp;Quelle fonction et quels enjeux rev&ecirc;tent une th&eacute;orie de la reconnaissance chez Proudhon&nbsp;? Il est possible de distinguer au moins trois dimensions d&#39;une telle approche chez cet auteur. Le premier niveau de sa th&eacute;orie de la reconnaissance est d&#39;ordre moral&nbsp;: il s&#39;agit de montrer comment les individus ne sont pas mus uniquement par l&#39;int&eacute;r&ecirc;t, mais &eacute;galement par des sentiments moraux. Le second niveau consiste &agrave; &eacute;tablir une th&eacute;orie de la soci&eacute;t&eacute;, tout &agrave; fait originale, qui inscrit la reconnaissance dans une conception naturaliste tout en en faisant un ph&eacute;nom&egrave;ne sp&eacute;cifiquement social. Le troisi&egrave;me niveau est politique&nbsp;: il s&#39;agit de montrer que le mouvement ouvrier vise la reconnaissance de son &eacute;gale dignit&eacute;. Il ne s&#39;agit pas seulement d&#39;un mouvement &agrave; teneur &eacute;conomique, comme l&#39;a affirm&eacute; le marxisme, mais &eacute;galement portant une revendication d&#39;ordre morale.</p> <h1 dir="ltr" id="heading1">Les enjeux moraux de la reconnaissance</h1> <p class="texte" dir="ltr">La mise en &eacute;vidence de l&#39;importance anthropologique, sociale et morale de la notion de reconnaissance chez Proudhon intervient d&egrave;s son ouvrage <em>Qu&#39;est-ce que la propri&eacute;t&eacute;&nbsp;? </em>( Proudhon, 1840).</p> <p class="texte" dir="ltr">En effet, Proudhon distingue dans ce livre trois degr&eacute;s de la moralit&eacute;. Le premier, c&#39;est la sociabilit&eacute;. Ce degr&eacute;s de moralit&eacute; est commun aux &ecirc;tres humains et aux animaux&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&#39;instinct social, dans l&#39;homme et dans la b&ecirc;te, existe du plus au moins, sa nature est la m&ecirc;me [&hellip;] Jusqu&#39;&agrave; pr&eacute;sent nous ne d&eacute;couvrons rien que l&#39;homme puisse revendiquer pour lui seul&nbsp;: l&#39;instinct de soci&eacute;t&eacute;, le sens moral, lui est commun avec la brute&nbsp;&raquo; (Proudhon, 1840, p.&nbsp;189). L&#39;affirmation du caract&egrave;re naturellement sociable de l&#39;&ecirc;tre humain est pr&eacute;sent d&egrave;s la philosophie antique. On se souvient en particulier de la c&eacute;l&egrave;bre affirmation d&#39;Aristote&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&#39;homme est un animal politique&nbsp;&raquo; (Aristote, 1990, p.&nbsp;90). Cette affirmation de la sociabilit&eacute; naturelle de l&#39;&ecirc;tre humain, on la trouve &eacute;galement, par exemple, chez les philosophes sto&iuml;ciens. Cependant affirmer la naturalit&eacute; de la sociabilit&eacute; et de la morale, c&#39;est prendre le contre-pied de deux traditions. La premi&egrave;re est la conception chr&eacute;tienne qui affirme que la moralit&eacute; ne trouve pas sa source dans la nature, mais dans la ressemblance de l&#39;&ecirc;tre humain avec Dieu. C&#39;est &eacute;galement prendre le contre-pied du contractualisme lib&eacute;ral, en particulier de Hobbes. Contrairement &agrave; ce qu&#39;affirme Hobbes, la moralit&eacute; existe naturellement et pourtant il n&#39;existe pas d&#39;individu pr&eacute;-social&nbsp;: c&#39;est que la sociabilit&eacute; est naturelle &agrave; l&#39;&ecirc;tre humain et qu&#39;elle est &eacute;galement le fondement de la moralit&eacute;. Par cons&eacute;quent, la distinction entre le bien et le mal ne n&eacute;cessite pas institution de l&rsquo;&Eacute;tat contrairement &agrave; ce qu&#39;affirme Hobbes&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&#39;est pourquoi, avant que les d&eacute;nominations de juste et d&#39;injuste puissent avoir place, il faut qu&#39;il y ait quelque pouvoir coercitif pour contraindre &eacute;galement les hommes &agrave; ex&eacute;cuter leurs conventions&nbsp;&raquo; (Hobbes, 2002, p.&nbsp;123). Proudhon d&eacute;sire donc donner une origine la fois naturelle et sociale &agrave; la moralit&eacute; pour &eacute;viter le n&eacute;cessaire recours &agrave; la transcendance divine ou &eacute;tatique.</p> <p class="texte" dir="ltr">&nbsp;Mais si l&#39;&ecirc;tre humain est un animal, pour autant il ne se r&eacute;duit pas &agrave; l&#39;animalit&eacute;. Il distingue ainsi un deuxi&egrave;me degr&eacute;s de sociabilit&eacute; qui est un effet de la vie sociale&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le second degr&eacute; de la sociabilit&eacute; est la justice, que l&#39;on peut d&eacute;finir, reconnaissance en autrui d&#39;une personnalit&eacute; &eacute;gale &agrave; la n&ocirc;tre&nbsp;&raquo; (Proudhon, 1840, p.&nbsp;191). Proudhon admet qu&#39;il existe une morale fond&eacute;e sur le sentiment, ce que l&#39;on appellerait aujourd&#39;hui l&#39;empathie, qui est commun aux animaux et aux &ecirc;tres humains. Mais, il distingue un second niveau dans la moralit&eacute; tenant &agrave; la vie sociale proprement humaine. Ce second niveau est li&eacute; au fait que l&#39;&ecirc;tre humain poss&egrave;de une conscience r&eacute;flexive de soi et des autres. De fait, il s&#39;&eacute;l&egrave;ve &agrave; un second niveau de sociabilit&eacute; qui consiste &agrave; consid&eacute;rer autrui comme une personne ayant une dignit&eacute; &eacute;gale &agrave; la n&ocirc;tre. La justice appara&icirc;t ainsi comme une notion morale sp&eacute;cifique au fait que l&#39;&ecirc;tre humain est un &ecirc;tre social conscient.</p> <p class="texte" dir="ltr">&nbsp;Proudhon distingue ensuite un troisi&egrave;me niveau de moralit&eacute; qu&#39;il nomme &eacute;quit&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;La g&eacute;n&eacute;rosit&eacute;, la reconnaissance (j&#39;entends ici celle-l&agrave; seulement qui na&icirc;t de l&#39;admiration d&#39;une puissance sup&eacute;rieure) et l&#39;amiti&eacute;, sont trois nuances distinctes d&#39;un sentiment unique que je nomme &eacute;quit&eacute; ou proportionnalit&eacute; sociale&nbsp;&raquo; (Proudhon, 1840, p.&nbsp;200). Proudhon pr&eacute;cise le processus qui conduit &agrave; l&#39;&eacute;quit&eacute;. L&#39;&eacute;quit&eacute; ne rel&egrave;ve pas de la seule raison&nbsp;: il n&#39;est pas le produit d&#39;une logique purement utilitariste. Il rel&egrave;ve du jugement de go&ucirc;t qui nous permet d&#39;appr&eacute;cier la valeur morale d&#39;un acte. L&#39;&eacute;quit&eacute; est cette &eacute;valuation qui me fait reconna&icirc;tre la sup&eacute;riorit&eacute; de la force d&#39;un adversaire sans pour autant que je me transforme en son esclave&nbsp;: &laquo;&nbsp;de payer au fort un juste tribut de reconnaissance et d&#39;honneur, sans nous constituer son esclave&nbsp;&raquo; (Proudhon, 1840, p.&nbsp;200). L&#39;analyse de la reconnaissance chez Proudhon se distingue ici de celle de Hegel &eacute;nonc&eacute;e dans la dialectique du ma&icirc;tre et de l&#39;esclave. Il peut y avoir reconnaissance de la sup&eacute;riorit&eacute; d&#39;autrui dans un domaine donn&eacute; sans que cela affecte mon &eacute;gale dignit&eacute; par rapport &agrave; lui. Cette reconnaissance ne m&#39;humilie pas.</p> <p class="texte" dir="ltr">&nbsp;Cette th&eacute;orie morale fond&eacute;e sur un processus de reconnaissance n&#39;est pas isol&eacute;e dans l&rsquo;&oelig;uvre de Proudhon. On retrouve les m&ecirc;mes &eacute;l&eacute;ments dans <em>De la justice dans la R&eacute;volution et dans l&#39;Eglise</em>, somme d&#39;ouvrages publi&eacute;s &agrave; partir de 1851. Proudhon refuse l&agrave; encore les conceptions individualistes. Il d&eacute;fend la position selon laquelle l&#39;&ecirc;tre humain est naturellement sociable. Mais, il s&#39;oppose &agrave; l&#39;id&eacute;e qu&#39;une telle position conduise &agrave; la subordination de l&#39;individu au social. C&#39;est pourquoi, il s&#39;oppose la conception morale religieuse. La religion proc&egrave;de par pression sociale sur le moi individuel. La moralit&eacute; se r&eacute;duit alors au conformisme social ou &agrave; l&#39;id&eacute;e d&#39;un Dieu transcendant. N&eacute;anmoins, il existe une autre mani&egrave;re d&#39;articuler l&#39;individu et le social, c&#39;est ce qu&#39;il appelle le syst&egrave;me de la r&eacute;volution&nbsp;: &laquo;&nbsp;moi individuel qui, sans sortir de son for int&eacute;rieur, sentirait sa dignit&eacute; en la personne du prochain avec la m&ecirc;me vivacit&eacute; qu&rsquo;il la sent dans sa propre personne, et se trouverait ainsi, tout en conservant son individualit&eacute;, identique et ad&eacute;quat &agrave; l&rsquo;&ecirc;tre collectif m&ecirc;me&nbsp;&raquo; (Proudhon, 1858, p.&nbsp;75). La justice est d&eacute;finit ici comme le sentiment conscient que poss&egrave;de chaque individu de l&#39;&eacute;gale dignit&eacute; de la personne d&#39;autrui. Il est donc possible d&#39;admettre que l&#39;existence d&#39;une conscience morale sans recours &agrave; la religion.</p> <h1 dir="ltr" id="heading2">Conflictualit&eacute; et reconnaissance morale</h1> <p class="texte" dir="ltr">La question de la reconnaissance occupe &eacute;galement une place dans l&#39;ouvrage de Proudhon intitul&eacute; <em>La guerre et la paix</em>, publi&eacute; en 1861. La reconnaissance morale se trouve, dans ce cas, inscrite dans une r&eacute;flexion plus large sur la conflictualit&eacute; sociale.</p> <p class="texte" dir="ltr">Aux fondements de cette r&eacute;flexion, se trouve la notion de force&nbsp;: &laquo;&nbsp;La force est d&#39;autant plus &agrave; prendre en consid&eacute;ration dans la th&eacute;orie de l&#39;origine et du d&eacute;gagement des droits, que la m&eacute;taphysique moderne ram&egrave;ne tout &agrave; des forces. La mati&egrave;re est une force, aussi bien que l&#39;esprit&nbsp;&raquo; (Proudhon, 1861, p.&nbsp;200). La condition de la force chez l&#39;&ecirc;tre vivant, c&#39;est l&#39;action. L&#39;action se manifeste pas l&#39;opposition entre un moi et un non-moi, entre le sujet et une r&eacute;alit&eacute; qui lui est ext&eacute;rieure et &agrave; laquelle il s&#39;oppose. L&#39;action implique donc la lutte&nbsp;: &laquo;&nbsp;agir c&#39;est combattre&nbsp;&raquo; (Proudhon, 1861, p.&nbsp;75).</p> <p class="texte" dir="ltr">Sur le plan anthropologique, l&#39;&ecirc;tre humain se trouve dans une lutte contre la nature qu&#39;il transforme par son travail. Mais la reconnaissance de la valeur de son travail ne peut lui &ecirc;tre donn&eacute;e par la nature, elle ne pourra &ecirc;tre reconnu que par d&#39;autres consciences. S&#39;amorce ici la th&eacute;matique de la reconnaissance sociale du travail de l&#39;individu comme dimension constitutive de la subjectivit&eacute; humaine. Le travail est une activit&eacute; sociale par laquelle chaque individu aspire &agrave; acc&eacute;der &agrave; une reconnaissance de sa valeur. Le travail est ainsi source de fiert&eacute; et de dignit&eacute;.</p> <p class="texte" dir="ltr">Le c&oelig;ur de la th&eacute;orie de la reconnaissance dans <em>La guerre et la paix</em> se trouve &eacute;nonc&eacute; dans cette affirmation&nbsp;: &laquo;&nbsp;Or, l&#39;homme, &ecirc;tre organis&eacute;, est un compos&eacute; de puissances. Il veut &ecirc;tre reconnu dans toutes ses facult&eacute;s&nbsp;; il doit par cons&eacute;quent reconna&icirc;tre les autres dans les leurs&nbsp;; la dignit&eacute; serait atteinte chez tous sans cela, et le droit imparfait&nbsp;&raquo; (Proudhon, 1861, p.&nbsp;197). La question qu&#39;est conduit &agrave; se poser Proudhon est de savoir comment &agrave; partir de la conflictualit&eacute; entre chaque force qui d&eacute;sire &ecirc;tre reconnue peut &eacute;merger la justice et la paix. Proudhon construit sa th&eacute;orie &agrave; partir d&#39;une physique des forces sociales, &agrave; partir donc d&#39;une th&eacute;orie mat&eacute;rialiste. N&eacute;anmoins, est-il possible &agrave; partir d&#39;une telle th&eacute;orie d&#39;admettre le droit et la morale&nbsp;? Et dans ce cas, comment est-ce possible&nbsp;?</p> <p class="texte" dir="ltr">Cela est possible car l&#39;&ecirc;tre humain est un &ecirc;tre conscient. Il ne s&#39;agit pas seulement d&#39;un fait&nbsp;: une force est sup&eacute;rieure &agrave; une autre force. Chaque sujet en tant qu&#39;&ecirc;tre conscient d&eacute;sire qu&#39;autrui reconnaisse la sup&eacute;riorit&eacute; de sa force. En cela, il se comporte comme un individu &eacute;go&iuml;ste. Sur ce point, Hobbes a raison&nbsp;: l&#39;&ecirc;tre humain poss&egrave;de en lui des tendances &eacute;go&iuml;stes et conflictuelles. Mais pourquoi celles-ci pour Proudhon ne conduisent pas n&eacute;cessairement &agrave; la guerre et pourquoi donc le L&eacute;viathan n&#39;est-il pas alors une n&eacute;cessit&eacute; sociale&nbsp;? C&#39;est que chaque individu d&eacute;sire &ecirc;tre reconnu et il ne peut l&#39;&ecirc;tre que par une autre conscience. Le d&eacute;sir de reconnaissance implique de reconna&icirc;tre autrui comme un &ecirc;tre conscient, donc comme une personne, et pas seulement comme une chose&nbsp;: il est possible d&#39;y voir ici une influence kantienne sur la pens&eacute;e de Proudhon (Russ, 1993). En effet, je ne peux exiger de la reconnaissance que d&#39;un autre &ecirc;tre humain, et non d&#39;une chose, cela implique donc bien que je suis oblig&eacute; de le consid&eacute;rer en droit comme une personne, et non comme un esclave. L&agrave; encore la dialectique de la reconnaissance ne saurait aboutir &agrave; la servitude.</p> <p class="texte" dir="ltr">Quel est alors l&#39;enjeu de cette conception de la reconnaissance&nbsp;? Proudhon le pr&eacute;cise&nbsp;: &laquo;&nbsp;Si l&#39;on niait le droit de la force [...] il faudrait dire, avec les mat&eacute;rialistes utilitaires, que la justice est une fiction de l&#39;&Eacute;tat&nbsp;; ou bien, avec les mystiques, qu&#39;elle est hors l&#39;humanit&eacute;, ce qui rentre dans la th&eacute;orie absolutiste du droit divin, d&eacute;sormais convaincue d&#39;immoralit&eacute; et abandonn&eacute;e&nbsp;&raquo; (Proudhon, 1861, p.&nbsp;201). Cet enjeu est toujours le m&ecirc;me que celui &eacute;nonc&eacute; dans ses ouvrages pr&eacute;c&eacute;dents. Il s&#39;agit de s&#39;opposer, d&#39;un c&ocirc;t&eacute; &agrave; l&#39;individualisme mat&eacute;rialisme et utilitariste, tel que celui de Hobbes, qui implique l&#39;existence de l&rsquo;&Eacute;tat pour garantir la justice. Il s&#39;agit, d&#39;un autre c&ocirc;t&eacute;, d&#39;&eacute;viter de recourir &agrave; l&#39;hypoth&egrave;se d&#39;une origine transcendante divine de la justice.</p> <p class="texte" dir="ltr">Proudhon s&#39;oppose &eacute;galement aux auteurs qui comme Rousseau ont rejet&eacute; l&#39;existence d&#39;un droit de la force et qui ont consid&eacute;r&eacute; que la force ne peut pas fonder le droit. Proudhon au contraire consid&egrave;re que l&#39;&eacute;quilibre des forces sociales correspond &agrave; la situation de justice, c&#39;est-&agrave;-dire la situation dans laquelle chacun est trait&eacute; avec dignit&eacute;. Au contraire, l&#39;&eacute;tat dans lequel les forces sociales sont en d&eacute;s&eacute;quilibre correspond donc &agrave; une situation d&#39;injustice sociale. Lorsqu&#39;il y a d&eacute;s&eacute;quilibre entre les forces sociales, certaines en &eacute;crasent d&#39;autres&nbsp;: &laquo;&nbsp;Alors il peut arriver, ou bien que les forces group&eacute;es, au lieu de conserver entre elles un juste &eacute;quilibre, se combattent, et qu&#39;une seule se subordonne les autres&nbsp;&raquo; (Proudhon, 1861, p.&nbsp;207). Cette situation de d&eacute;s&eacute;quilibre peut &eacute;galement se produire sous l&#39;effet de la libre concurrence&nbsp;: &laquo;&nbsp;ou bien que ces forces divis&eacute;es se neutralisent par la concurrence et l&#39;anarchie [mercantile]&nbsp;&raquo; (Proudhon, 1861, p.&nbsp;207)</p> <p class="texte" dir="ltr">&nbsp;Proudhon produit une th&eacute;orie de la reconnaissance qui constitue pour lui le moyen d&#39;expliquer l&#39;existence de la conscience morale individuelle, mais &eacute;galement la production de la justice &eacute;conomique et politique au sein des soci&eacute;t&eacute;s humaines.</p> <p class="texte" dir="ltr">On peut ainsi se demander &agrave; la lecture de l&#39;usage que fait Proudhon de la th&eacute;orie de la reconnaissance, comment il se situe par rapport au d&eacute;bat sur la nature humaine<sup> .</sup> Proudhon r&eacute;cuse tout d&#39;abord l&#39;hypoth&egrave;se d&#39;un individu pr&eacute;-social tel qu&#39;on la trouve chez Hobbes ou Rousseau. L&#39;&ecirc;tre humain est toujours un &ecirc;tre social. N&eacute;anmoins, la th&eacute;orie de Proudhon s&#39;inscrit dans une conception naturaliste. L&#39;&ecirc;tre humain est un animal et toute tendance vitale est action et l&#39;action implique la conflictualit&eacute;. De ce point de vue, Proudhon rejoint le mat&eacute;rialisme de Hobbes en affirmant que les interactions humaines sont conflictuelles. Mais il s&#39;oppose au r&eacute;ductionnisme mat&eacute;rialiste de ce dernier et &agrave; son utilitarisme. En effet, l&#39;&ecirc;tre humain est un &ecirc;tre conscient. De ce fait, les interactions humaines impliquent, &agrave; la diff&eacute;rence des autres animaux, le d&eacute;sir d&#39;&ecirc;tre reconnu par une autre conscience. C&#39;est ce d&eacute;sir qui constitue le fondement de la conscience morale. Cette derni&egrave;re ne trouve donc pas son origine dans une transcendance divine.</p> <p class="texte" dir="ltr">N&eacute;anmoins, il faut bien admettre, et c&#39;est l&agrave; toute la difficult&eacute; de la th&egrave;se de Proudhon, que la reconnaissance de l&#39;&eacute;gale dignit&eacute; de tous n&#39;est pas toujours r&eacute;alis&eacute;e. Proudhon l&#39;explique par l&#39;existence alors d&#39;un d&eacute;s&eacute;quilibre social qui entra&icirc;ne un affaiblissement de la solidarit&eacute; et donc de la moralit&eacute;. C&#39;est alors la fonction des mouvements sociaux r&eacute;volutionnaires de r&eacute;tablir l&#39;&eacute;quilibre social.</p> <h1 dir="ltr" id="heading3">Le mouvement ouvrier, en lutte pour la reconnaissance de son &eacute;gale dignit&eacute;</h1> <p class="texte" dir="ltr">C&#39;est ainsi, dans <em>De la capacit&eacute; politique des classes ouvri&egrave;res</em>, ouvrage publi&eacute; &agrave; titre posthume en 1865, que Proudhon d&eacute;veloppe comment le mouvement ouvrier doit &ecirc;tre compris comme un mouvement de lutte pour la reconnaissance de l&#39;&eacute;gale dignit&eacute; des classes ouvri&egrave;res.</p> <p class="texte" dir="ltr">&nbsp;Proudhon distingue deux conceptions de la capacit&eacute; politique dans son ouvrage. Tout d&#39;abord, il souligne comment la capacit&eacute; l&eacute;gale, celle qui correspond au suffrage universel, ne saurait &ecirc;tre en mesure de permettre aux ouvriers de conqu&eacute;rir la reconnaissance de la dignit&eacute; de leur place au sein de la soci&eacute;t&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;La dignit&eacute; d&#39;&eacute;lecteur dans notre soci&eacute;t&eacute; d&eacute;mocratique &eacute;quivaut &agrave; celle de noble dans le monde f&eacute;odal. Comment serait-elle accord&eacute;e sans exception ni distinction &agrave; tous tandis que celle de noble n&#39;appartenait qu&#39;&agrave; un petit nombre&nbsp;? N&#39;est-ce pas le cas de dire que toute dignit&eacute; rendue commune s&#39;&eacute;vanouit et que ce qui appartient &agrave; tout le monde n&#39;est &agrave; personne&nbsp;?&nbsp;&raquo; (Proudhon, 1865, p.&nbsp;55).</p> <p class="texte" dir="ltr">De ce fait, Proudhon est conduit &agrave; consid&eacute;rer que le mouvement ouvrier ne doit pas perdre son temps avec l&#39;exercice de sa capacit&eacute; l&eacute;gale pour obtenir la reconnaissance de sa dignit&eacute;, mais il doit plut&ocirc;t chercher &agrave; produire une capacit&eacute; politique r&eacute;elle. Pour cela, il d&eacute;gage trois crit&egrave;res de la r&eacute;alisation de cette capacit&eacute; r&eacute;elle&nbsp;: &laquo;&nbsp;1&deg; Que le sujet ait conscience de lui-m&ecirc;me, de sa dignit&eacute;, de sa valeur, de la place qu&rsquo;il occupe dans la soci&eacute;t&eacute;, du r&ocirc;le qu&rsquo;il remplit, des fonctions auxquelles il a droit de pr&eacute;tendre, des int&eacute;r&ecirc;ts qu&rsquo;il repr&eacute;sente ou personnifie&nbsp;; 2&deg; Comme r&eacute;sultat de cette conscience de lui-m&ecirc;me dans toutes ses puissances, que ledit sujet affirme son id&eacute;e, c&rsquo;est-&agrave;-dire qu&rsquo;il sache se repr&eacute;senter par l&rsquo;entendement, traduire par la parole, expliquer par la raison, dans son principe et ses cons&eacute;quences, la loi de son &ecirc;tre&nbsp;; 3&deg; Que de cette id&eacute;e, enfin, pos&eacute;e comme profession de foi, il puisse, selon le besoin et la diversit&eacute; des circonstances, d&eacute;duire toujours des conclusions pratiques&nbsp;&raquo; (Proudhon, 1865, p.&nbsp;56).</p> <p class="texte" dir="ltr">La premi&egrave;re condition, pour que la classe ouvri&egrave;re parvienne &agrave; la reconnaissance de sa dignit&eacute;, implique qu&#39;elle soit elle-m&ecirc;me consciente de cette dignit&eacute;. Sa contribution &agrave; l&#39;affirmation de la dignit&eacute; de la classe ouvri&egrave;re, Proudhon l&#39;a en particulier effectu&eacute; dans son &laquo;&nbsp;Etude sur le travail&nbsp;&raquo; dans <em>De la justice dans la R&eacute;volution et dans l&#39;Eglise</em>. En effet, il prend dans ce texte le contre-pied de la tradition spiritualiste pr&eacute;sente dans le christianisme qui affirme la sup&eacute;riorit&eacute; de la vie spirituelle par rapport au travail manuel. Proudhon au contraire affirme que toute les civilisations humaines se sont &eacute;difi&eacute;es sur la base du travail manuel. C&#39;est de lui que sont issus les progr&egrave;s de la pens&eacute;e&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;id&eacute;e avec ses cat&eacute;gories na&icirc;t de l&rsquo;action et doit revenir &agrave; l&rsquo;action, &agrave; peine de d&eacute;ch&eacute;ance pour l&rsquo;agent. Cela signifie que toute connaissance dite a priori, y compris la m&eacute;taphysique, est sortie du travail et doit servir d&rsquo;instrument au travail, contrairement &agrave; ce qu&rsquo;enseignent l&rsquo;orgueil philosophique et le spiritualisme chr&eacute;tien, qui font de l&rsquo;id&eacute;e une r&eacute;v&eacute;lation gratuite, arriv&eacute;e on ne sait comment, et dont l&rsquo;industrie n&rsquo;est ensuite qu&rsquo;une application&nbsp;&raquo; (Proudhon, 1868, p.&nbsp;312-313).</p> <p class="texte" dir="ltr">La deuxi&egrave;me condition de la capacit&eacute; r&eacute;elle de la classe ouvri&egrave;re r&eacute;side dans le fait d&#39;&ecirc;tre en mesure de formuler clairement ses objectifs dans le cadre de ce qu&#39;on pourrait appeler des &laquo;&nbsp;espaces publics oppositionnels&nbsp;&raquo; (Negt, 2007). Enfin, la troisi&egrave;me condition, est celle qui demande &agrave; &ecirc;tre r&eacute;alis&eacute;e&nbsp;: il faut que la classe ouvri&egrave;re mette &agrave; ex&eacute;cution elle-m&ecirc;me, dans des r&eacute;alisations pratiques, ce qui lui permettra de parvenir &agrave; l&#39;&eacute;gale reconnaissance de sa dignit&eacute;. En effet, la soci&eacute;t&eacute; capitaliste se caract&eacute;rise par une division et une in&eacute;galit&eacute; de classe qui a rompu l&#39;&eacute;quilibre social et donc la justice sociale. L&#39;action de la classe ouvri&egrave;re doit lui permettre de r&eacute;tablir l&#39;&eacute;quilibre des forces sociales et donc la justice. Pour cela, le mouvement ouvrier doit s&#39;organiser en dehors du syst&egrave;me repr&eacute;sentatif. Il doit s&#39;appuyer sur deux institutions qui sont le pendant l&#39;une de l&#39;autre et qui permettent d&#39;organiser un &eacute;quilibre des forces sociales&nbsp;: il s&#39;agit, sur le plan politique, du f&eacute;d&eacute;ralisme et, sur le plan &eacute;conomique, du mutuellisme. Ces deux modes d&#39;organisation politique et &eacute;conomique s&#39;appuient sur des contrats. Mais ces contrats ne sont pas que l&#39;expression des int&eacute;r&ecirc;ts des individus, ils produisent &eacute;galement des obligations de solidarit&eacute;. Ici encore la mat&eacute;rialit&eacute; des int&eacute;r&ecirc;ts produit du droit et de la morale. A travers, sa th&eacute;orisation du contrat, Proudhon entend s&#39;opposer &agrave; celle de la conception &eacute;conomique lib&eacute;rale (Pereira, 2013, pp.&nbsp;33-76).</p> <p class="texte" dir="ltr">On voit ainsi poindre &agrave; travers la th&eacute;orie de la reconnaissance chez Proudhon plusieurs axes forts du socialisme anarchiste. Tout d&#39;abord, le refus de consid&eacute;rer que l&#39;individu doit &ecirc;tre soumis &agrave; la pression du collectif. Mais en m&ecirc;me temps, &agrave; l&#39;inverse, l&#39;affirmation que l&#39;individualit&eacute; a pour condition de possibilit&eacute; la vie sociale. La th&eacute;orie de la reconnaissance permet ainsi &agrave; Proudhon de penser l&#39;&eacute;mergence de l&#39;individualit&eacute; &agrave; partir des interactions sociales. En outre, la th&eacute;orie de la reconnaissance permet de consid&eacute;rer la moralit&eacute; comme un ph&eacute;nom&egrave;ne &agrave; la fois naturel et social permettant d&#39;&eacute;viter de la fonder sur l&rsquo;&Eacute;tat ou la religion. Sous des formes diverses, n&#39;impliquant pas n&eacute;cessairement les ressources d&#39;une th&eacute;orie de la reconnaissance, ce sont des dimensions que l&#39;on retrouve chez Bakounine ou Kropotkine.</p> <h1 dir="ltr" id="heading4">Conclusion</h1> <p class="texte" dir="ltr">Proudhon n&#39;est pas mentionn&eacute; dans les travaux contemporain comme un des auteurs pr&eacute;curseurs des th&eacute;ories de la reconnaissance. Il s&#39;agit pourtant d&#39;un oubli bien injuste. En effet, il n&#39;est pas &agrave; douter que Proudhon a &eacute;t&eacute; un inspirateur sur ce point de Georges Sorel qui avait lu et comment&eacute; les principaux ouvrages de Proudhon. En outre, des acteurs importants du syndicalisme r&eacute;volutionnaire, tels que Fernand Pelloutier (Juillard, 1971), ont mentionn&eacute; leur dette intellectuelle &agrave; l&#39;&eacute;gard de Proudhon. On trouve effectivement dans le mouvement syndicaliste r&eacute;volutionnaire l&#39;affirmation que la classe ouvri&egrave;re doit se constituer en sujet politique autonome conscient de sa puissance et de sa dignit&eacute;. Ce geste, mis en forme par Proudhon dans sa th&eacute;orie de &laquo;&nbsp;la capacit&eacute; politique r&eacute;elle&nbsp;&raquo;, se trouve repris par la suite par nombre de mouvements sociaux&nbsp;: le mouvement noir aux &Eacute;tats-Unis, le mouvement f&eacute;ministe, homosexuel ou encore les mouvements de prostitu&eacute;e. Avec la notion de &laquo;&nbsp;pride&nbsp;&raquo; (ou &laquo;&nbsp;fiert&eacute;&nbsp;&raquo;) se trouve affirm&eacute; la n&eacute;cessit&eacute; de retourner le stigmate en fiert&eacute; comme condition d&#39;une conscience collective permettant un empowement (&laquo;&nbsp;en capacitation&nbsp;&raquo;) qui rende possible le courage de lutter collectivement pour des droits qui assurent la reconnaissance d&#39;une &eacute;gale dignit&eacute;.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Aristote (1990). Les politiques. Paris. Garnier-Flammarion.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Hobbes T. (2002). Le L&eacute;viathan. Premi&egrave;re partie : De l&#39;homme.URL : <a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/hobbes_thomas/leviathan/leviathan_partie_1/leviathan_1e_partie.pdf">http://classiques.uqac.ca/classiques/hobbes_thomas/leviathan/leviathan_partie_1/leviathan_1e_partie.pdf</a></p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Honneth A. ([1992] 2013). Les luttes pour la reconnaissance. Paris. Folio/Essai.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Ferrarese E. (2013). &laquo;&nbsp;Lutter pour la reconnaissance&nbsp;&raquo;. IRESMO. URL: <a href="http://iresmo.jimdo.com/2013/09/16/lutter-pour-la-reconnaissance/">http://iresmo.jimdo.com/2013/09/16/lutter-pour-la-reconnaissance/</a></p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Fraser N. (2011). Qu&#39;est-ce que la justice sociale&nbsp;?. Paris. La D&eacute;couverte.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Jourdain Edouard (2014). &laquo;&nbsp;La condition humaine entre diabolique et symbolique. Une lecture de Proudhon&nbsp;&raquo;. R&eacute;fractions. pp.&nbsp;73-90.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Juillard J. (1971). Fernand Pelloutier et les origines du syndicalisme d&#39;action directe. Paris. Seuil.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Negt O. (2007). L&#39;espace public oppositionnel. Paris. Payot.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Pereira I. (2013). &laquo;&nbsp;Les th&eacute;ories des contrats de Pierre-Joseph Proudhon&nbsp;: anarchie, f&eacute;d&eacute;ralisme, mutuellisme&nbsp;&raquo;. Droit et anarchie. Paris. L&#39;harmattan.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Proudhon P.J. (1840). Qu&#39;est-ce que la propri&eacute;t&eacute;&nbsp;?. Paris. Brocard Editeurs</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Proudhon P.J. (1858). De la justice dans l&rsquo;&Eacute;glise et la R&eacute;volution. Tome 1 , Paris Librairie Garnier Fr&egrave;res.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Proudhon P.J. (1868). De la justice dans l&rsquo;&Eacute;glise et la R&eacute;volution. Tome 2. Bruxelles, A. Lacroix.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Proudhon P.J. (1861). La guerre et la paix, Volume 1. Paris, E. Dentu.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Proudhon P.J. (1865). De la capacit&eacute; politique des classes ouvri&egrave;res. Paris. E. Dentu.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Renault E. (2004). L&#39;exp&eacute;rience de l&#39;injustice. Reconnaissance et clinique de l&#39;injustice. Paris. La D&eacute;couverte.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Russ J. (1993). Le socialisme utopique fran&ccedil;ais. Paris. Bordas.</p> <p class="bibliographie" dir="ltr">Sorel G. ([1892] 2007) Essais sur la philosophie de Proudhon. Paris. Stalker.</p>