<p><strong>DOSSIER : L&#39;AVENIR DE LA DEMOCRATIE</strong></p> <h2 class="texte" style="font-style:italic;">Introduction</h2> <p class="texte">La repr&eacute;sentation est une question de science politique et de droit bien connue. Seulement, les arguments qui la fonde sont t&eacute;nus. La plupart des auteurs classiques ont &eacute;t&eacute; contre &agrave; l&rsquo;instar de Rousseau<a class="footnotecall" href="#ftn1" id="bodyftn1">1</a> ou ont &eacute;mis des r&eacute;serves importantes &agrave; ses conditions comme Kelsen<a class="footnotecall" href="#ftn2" id="bodyftn2">2</a>. De tr&egrave;s nombreux auteurs contemporains ont eux aussi r&eacute;fut&eacute; ce mod&egrave;le de la repr&eacute;sentation en provenance de courant tr&egrave;s divers&nbsp;: marxistes, existentialistes chr&eacute;tiens, libertaires et anarchistes par exemple&nbsp;; visant le plus souvent le vice du parlementarisme et ses accointances avec les int&eacute;r&ecirc;ts d&rsquo;un capitalisme peu pr&eacute;occup&eacute; du respect des biens communs. La d&eacute;mocratie repr&eacute;sentative se serait ainsi construite bien plus par d&eacute;faut que par principe, arguant de la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;exercer le pouvoir par la r&eacute;union des repr&eacute;sentants&nbsp;: logistique praticit&eacute; et simplicit&eacute; obligent.</p> <p class="texte">En fait, la rationalit&eacute; pr&eacute;sente dans la souverainet&eacute; nationale imagin&eacute;e par Siey&egrave;s s&rsquo;est ab&icirc;m&eacute;e au fil des premi&egrave;res exp&eacute;riences parlementaires. En l&rsquo;absence d&rsquo;une th&eacute;orie rationnelle robuste, des arguments logistiques ont &eacute;t&eacute; mis en avant&nbsp;du fait des contraintes g&eacute;ographiques et des difficult&eacute;s de diffusion des informations, voire de la possibilit&eacute; de consulter les &eacute;lecteurs&nbsp;: l&rsquo;efficacit&eacute; s&rsquo;est impos&eacute;e. Or, toute cette argumentation s&rsquo;av&egrave;re moins pertinente &agrave; une &eacute;poque o&ugrave; tous peuvent participer instantan&eacute;ment &agrave; une consultation, tant pour prendre connaissance d&rsquo;informations facilement accessibles que pour donner des avis, &eacute;changer et voter selon des modalit&eacute;s plus complexes que le simple d&eacute;compte des voix. La pratique de la repr&eacute;sentation est donc renvoy&eacute;e &agrave; la fragilit&eacute; de la th&eacute;orie qui la fonde et dont certains arguments semblent plus pr&eacute;server le pouvoir des &eacute;lites constitu&eacute;es en technocratie, oligarchie ou ploutocratie selon les nations. La repr&eacute;sentation peut-elle survivre dans des soci&eacute;t&eacute;s &eacute;duqu&eacute;es o&ugrave; les techniques d&rsquo;interaction rendent quasiment caduques les arguments logistiques du 19<sup>e</sup> si&egrave;cle&nbsp;?</p> <p class="texte">Plus encore, cette d&eacute;mocratie repr&eacute;sentative doit elle se soumettre aux injonctions de la logique des normes qui agissent comme les instruments imp&eacute;riaux d&rsquo;une politique rationnelle interdisant la d&eacute;cision collective au nom m&ecirc;me de l&rsquo;expertise&nbsp;? La normalisation institue les lois et les codes qui doivent s&rsquo;appliquer indistinctement dans cet empire monde. Mais cette normalisation est-elle compatible avec l&rsquo;exercice de la libert&eacute; de choix ou la cr&eacute;ativit&eacute;&nbsp;? Il se pourrait que soit aujourd&rsquo;hui en jeu l&rsquo;&eacute;mergence d&rsquo;un pouvoir imp&eacute;rial contre celui des communaut&eacute;s humaines, les repr&eacute;sentants ayant &agrave; choisir entre leur loyaut&eacute; &agrave; leur repr&eacute;sent&eacute; et leur appartenance au pouvoir universel de normalisation&nbsp;: l&rsquo;attirance pour l&rsquo;empire ferait trahir le droit des communes et la crise de la repr&eacute;sentation serait bien celle qui oppose la rationalisation politique &agrave; la lib&eacute;ration politique.</p> <h2 class="texte" style="font-style:italic;">1. La g&eacute;n&eacute;alogie de la d&eacute;mocratie repr&eacute;sentative</h2> <p class="texte">Cette g&eacute;n&eacute;alogie est importante. Elle permet d&rsquo;appr&eacute;cier ce glissement du rationalisme classique des Lumi&egrave;res &agrave; celui tr&egrave;s individualiste de la libre volont&eacute; de d&eacute;finir soi-m&ecirc;me son projet personnel et politique auquel la soci&eacute;t&eacute; doit r&eacute;pondre favorablement. Et dans cette histoire de la souverainet&eacute; nationale &agrave; la souverainet&eacute; populaire jusqu&rsquo;&agrave; celle de l&rsquo;individu, la fonction du repr&eacute;sentant se d&eacute;forme, de l&rsquo;homme du cercle de la raison &agrave; celui des d&eacute;fenses des droits de toutes les minorit&eacute;s. C&rsquo;est donc bien la l&eacute;gitimit&eacute; de la d&eacute;mocratie repr&eacute;sentative qui est ici en cause. De nombreuses critiques n&rsquo;explicitent pas pour autant leur r&eacute;f&eacute;rentiel &agrave; partir duquel elles exercent cette remise en cause. Certains conservateurs ou marxistes reprochent aux r&eacute;gimes parlementaires une certaine conception du progr&egrave;s et des missions politiques de ces d&eacute;mocraties&nbsp;: progr&egrave;s &eacute;conomiques, &eacute;mancipations &eacute;ducatives et morales, promotion des minorit&eacute;s et respects des diversit&eacute;s. A leurs yeux, cette th&eacute;orie politique progressiste instrumentalise la d&eacute;mocratie en affirmant que les lois sont des conqu&ecirc;tes irr&eacute;versibles&nbsp;; d&eacute;niant de ce fait le pouvoir de changer d&rsquo;avis, de l&eacute;gif&eacute;rer &agrave; sens et contre-sens. Il se pourrait bien que sa l&eacute;gitimit&eacute; soit d&rsquo;autant plus faible que cette pratique progressiste ait d&eacute;voy&eacute; le principe d&eacute;mocratique d&rsquo;une souverainet&eacute; qui n&rsquo;a pas de compte &agrave; rendre &agrave; une th&eacute;orie du sens de l&rsquo;histoire. Ce conflit de logique peut s&rsquo;av&eacute;rer majeur si l&rsquo;histoire vient &agrave; changer de direction o&ugrave; d&rsquo;&eacute;poque. Les r&eacute;centes d&eacute;cisions d&rsquo;Etats am&eacute;ricains contre l&rsquo;avortement les font-ils quitter le cercle des &eacute;tats d&eacute;mocratiques, en inversant des l&eacute;gislations sur ces sujets&nbsp;?</p> <p class="texte">La d&eacute;mocratie repr&eacute;sentative serait-elle l&rsquo;instrument du progr&egrave;s, consid&eacute;rant qu&rsquo;il existe un sens historique du progr&egrave;s, plus important que le seul fait caract&eacute;ristique de la d&eacute;mocratie&nbsp;: la d&eacute;lib&eacute;ration&nbsp;? Le repr&eacute;sentant est-il alors au service des populations qu&rsquo;il repr&eacute;sente, du parti dont il est souvent un &eacute;lu, de la nation parce que l&rsquo;assembl&eacute;e incarne la souverainet&eacute; nationale plus que la souverainet&eacute; populaire qui la construit&nbsp;? Du fait de ces complexit&eacute;s, le repr&eacute;sentant n&rsquo;est-il pas expos&eacute; &agrave; des conflits de loyaut&eacute; qui l&rsquo;entra&icirc;ne vers d&rsquo;in&eacute;vitables trahisons qui le discr&eacute;dite dans l&rsquo;exercice de sa fonction, quoiqu&rsquo;il fasse&nbsp;? Le probl&egrave;me tiendrait au syst&egrave;me, autant qu&rsquo;aux comportements des repr&eacute;sentants. C&rsquo;est pourquoi nous proposons ici d&rsquo;&eacute;tudier la repr&eacute;sentation sous l&rsquo;angle de sa psychologie, car elle aurait &eacute;t&eacute; trop ignor&eacute;e et la pratique politique aurait contredit ce que le psychologue politique peut sans doute mieux &eacute;clairer. La repr&eacute;sentation a certainement cette dimension psychologique puisqu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;une d&eacute;l&eacute;gation qui suppose la confiance, d&rsquo;une &eacute;lection qui n&eacute;cessite une reconnaissance mutuelle et d&rsquo;une relation politique engageante avec un repr&eacute;sentant respectant en retour ses repr&eacute;sent&eacute;s. La repr&eacute;sentation n&rsquo;a-t-elle pas &agrave; voir avec un mandat donn&eacute; traduisant une responsabilit&eacute; confi&eacute;e &agrave; un tiers qui ne saurait trahir l&rsquo;esprit de ses mandants&nbsp;? La repr&eacute;sentation n&rsquo;est-elle pas alors l&eacute;gitime pour autant qu&rsquo;elle engage le repr&eacute;sentant &agrave; ne pas &ecirc;tre lui-m&ecirc;me, mais bien le repr&eacute;sentant, soit l&rsquo;adepte d&rsquo;une posture psychologique bien particuli&egrave;re, celle du mandataire qui ne donne pas son avis personnel, mais celui de ceux qui l&rsquo;ont mandat&eacute; et dont il se fait l&rsquo;interpr&egrave;te&nbsp;? Elle serait certes une affaire de droit, mais chacun de ces termes serait &agrave; examiner sous l&rsquo;angle de sa psychologie, ce que nous nous proposons de faire ici.</p> <h2 class="texte" style="font-style:italic;">2. La souverainet&eacute; nationale et la repr&eacute;sentation rationnelle&nbsp;</h2> <p class="texte">En r&eacute;f&eacute;rence aux antiques, l&rsquo;espoir de fonder une nouvelle r&eacute;publique lors de la r&eacute;volution fran&ccedil;aise s&rsquo;est accompagn&eacute; d&rsquo;un culte de la raison, s&ucirc;r que la science politique alignerait les esprits pour prendre les meilleures d&eacute;cisions. La critique de l&rsquo;ancien r&eacute;gime comportait celle de son incomp&eacute;tence et de son attachement &agrave; des obligations religieuses jug&eacute;es contraignantes et d&eacute;su&egrave;tes. L&rsquo;homme de raison devait s&rsquo;&eacute;manciper des croyances pour gouverner selon la connaissance et non selon une religion&nbsp;ou l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t des ordres dominants dont l&rsquo;aristocratie. La r&eacute;volte r&eacute;volutionnaire tient bien de cette volont&eacute; d&rsquo;agir en raison, contestant cette organisation politique de droit divin dont les fondements avaient peu de cr&eacute;dits pour des agnostiques, voire des ath&eacute;es, assez s&ucirc;rs que la physique classique annon&ccedil;ait la fin de la religion pour rendre raison des choses, les expliquer, les dominer et les gouverner.</p> <p class="texte">Cette certitude qu&rsquo;un gouvernement rationnel &eacute;tait possible s&rsquo;est traduite dans la conviction que ce dialogue inspir&eacute; des grecs &eacute;tait capable de faire advenir la d&eacute;cision pertinente, tant par l&rsquo;&eacute;change que par la reconnaissance raisonnable et loyale du bon choix. A l&rsquo;&egrave;re de la physique newtonienne, l&rsquo;homme de raison est convaincu qu&rsquo;il existe n&eacute;cessairement un ordre d&eacute;termin&eacute; des choses et des d&eacute;cisions rationnelles accessibles &agrave; l&rsquo;intelligence humaine. Chacun reconna&icirc;tra la v&eacute;rit&eacute;. Fort de cette conception de la science, les philosophes des Lumi&egrave;res imaginent que le dialogue politique deviendra la science politique, produisant logiquement cet alignement des esprits, consid&eacute;rant que la d&eacute;cision politique se fait &agrave; l&rsquo;unanimit&eacute;, parce qu&rsquo;il est impensable que des hommes raisonnables aboutissent &agrave; des conclusions contradictoires sur un objet, s&rsquo;ils font un usage loyal de leur intelligence. Aussi s&ucirc;r que la th&eacute;orie de la gravitation de Newton, la r&eacute;publique est rationnelle donc productrice logique de l&rsquo;unanimit&eacute; qui est donc bien la r&egrave;gle. En ce sens, elle exprime le principe de raison et l&rsquo;unit&eacute; de l&rsquo;exercice de la souverainet&eacute;. Les Lumi&egrave;res affirment qu&rsquo;il existe un seul pouvoir, une seule instance de d&eacute;lib&eacute;ration, un principe d&rsquo;instruction et une d&eacute;cision. Ceci explique d&rsquo;ailleurs l&rsquo;h&eacute;sitation entre la pr&eacute;f&eacute;rence pour l&rsquo;autocrate &eacute;clair&eacute; du 18<sup>e</sup> si&egrave;cle que de nombreux philosophes pr&eacute;f&eacute;reront et l&rsquo;&eacute;mergence de la d&eacute;mocratie moderne o&ugrave; les repr&eacute;sentants agissent coll&eacute;gialement en raison, ce que les philosophes lib&eacute;raux et bourgeois du 19<sup>e</sup> si&egrave;cle pr&eacute;f&eacute;reront ensuite. L&rsquo;autocrate &eacute;clair&eacute; fut la figure embl&eacute;matique d&rsquo;un gouvernement rationnel, mais le risque inh&eacute;rent de l&rsquo;autocratie &eacute;tait que l&rsquo;homme de raison ne le demeure point. C&rsquo;est pourquoi le parlement des repr&eacute;sentants pallierait ce risque dans sa confraternit&eacute;, ayant &agrave; &eacute;viter sa division qui manifesterait son incoh&eacute;rence et ses contradictions.</p> <p class="texte">La conception id&eacute;ale de la r&eacute;publique raisonnable &eacute;limine donc le risque de la d&eacute;raison des autocrates en favorisant l&rsquo;assembl&eacute;e des hommes de raison. Cette premi&egrave;re inflexion l&eacute;gitime le dialogue entre des parties qui ne d&eacute;tiennent pas &agrave; titre individuel la totalit&eacute; de la raison tout en &eacute;tant en capacit&eacute; d&rsquo;agir et d&rsquo;&eacute;changer en raison. Cette d&eacute;lib&eacute;ration des repr&eacute;sentants vise donc th&eacute;oriquement la raison par une discussion qui les &eacute;l&egrave;ve. La raison s&rsquo;exprime ainsi dans l&rsquo;enceinte sacr&eacute;e de l&rsquo;assembl&eacute;e des repr&eacute;sentants. A cet &eacute;gard, il suffit de relire Siey&egrave;s pour comprendre le sens initial d&rsquo;une repr&eacute;sentation rationnelle id&eacute;ale&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ce qui vous para&icirc;t un m&eacute;lange, une confusion propre &agrave; tout obscurcir, est un pr&eacute;liminaire indispensable &agrave; la lumi&egrave;re. Il faut laisser tous ces int&eacute;r&ecirc;ts particuliers se presser, se heurter les uns avec les autres, se saisir &agrave; l&rsquo;envi de la question, et la pousser chacun suivant ses forces, vers le but qu&rsquo;il se propose. Dans cette &eacute;preuve, les avis utiles, et ceux qui seraient nuisibles se s&eacute;parent&nbsp;; les uns tombent, les autres continuent &agrave; se mouvoir, &agrave; se balancer jusqu&rsquo;&agrave; ce que, modifi&eacute;s, &eacute;pur&eacute;s par leurs effets r&eacute;ciproques, ils finissent par se fondre en un seul avis.&nbsp;&raquo; (1789, 93-94). Il faut avoir foi dans la d&eacute;lib&eacute;ration rationnelle, qu&rsquo;elle f&ucirc;t int&eacute;rieure comme l&rsquo;enseignait Aristote ou collective comme y invitent les dialogues platoniciens.</p> <h2 class="texte" style="font-style:italic;">3. La souverainet&eacute; citoyenne et la repr&eacute;sentation des int&eacute;r&ecirc;ts&nbsp;</h2> <p class="texte">Or, leurs adversit&eacute;s et le jeu de leurs int&eacute;r&ecirc;ts obscurcissent les esprits. S&rsquo;observe la disparit&eacute; en des camps politiques oppos&eacute;s. Ce fait politique atteste de d&eacute;saccords durables et profonds entre les repr&eacute;sentants. Malheureusement, la foi initiale en un pouvoir de d&eacute;monstration par des arguments s&rsquo;effrite faute de pouvoir contraindre positivement les esprits par la rationalit&eacute; des crit&egrave;res. La d&eacute;monstration s&rsquo;av&egrave;re inaccessible car elle ne r&eacute;siste pas &agrave; la partialit&eacute; et aux int&eacute;r&ecirc;ts concurrents, surtout lorsqu&rsquo;il est question du pouvoir ou de la r&eacute;partition des richesses dans l&rsquo;usage de l&rsquo;imp&ocirc;t o&ugrave; des points de vue irr&eacute;conciliables s&rsquo;opposent dans la limite des ressources disponibles&nbsp;: construire, &eacute;duquer, s&rsquo;armer, aider, administrer, etc. Plusieurs choix rationnels sont possibles en vertu de quelques finalit&eacute;s &eacute;quivalentes dans leur autorit&eacute; politique. L&rsquo;impossible unanimit&eacute; c&egrave;de alors au profit d&rsquo;une version d&eacute;grad&eacute;e du gouvernement&nbsp;par la loi de la majorit&eacute;, improprement nomm&eacute;e absolue, pour se convaincre que la loi du nombre, soit la moiti&eacute; plus un faisait autorit&eacute;. Et la pratique met en &eacute;vidence que les repr&eacute;sentants, quoique nationaux, auront aussi des comptes &agrave; rendre &agrave; leurs administr&eacute;s, devant bien leur montrer qu&rsquo;ils ont obtenu une contrepartie &agrave; la solidarit&eacute; par quelques actions publiques en faveur de leur territoire. La concurrence devient rude et la critique entre les candidats source des premiers signes d&rsquo;une rh&eacute;torique politique tourn&eacute;e vers la s&eacute;duction de l&rsquo;opinion, soit la d&eacute;magogie, voire d&rsquo;un populisme de proximit&eacute;. La raison change de cap et de p&eacute;rim&egrave;tre, puisque d&eacute;fendre les int&eacute;r&ecirc;ts de sa commune n&rsquo;est pas d&eacute;fendre ceux de la nation et ces changements d&rsquo;&eacute;chelle ne sont pas sans effets sur l&rsquo;usage de la raison dans les limites du territoire o&ugrave; elle s&rsquo;exerce. Dans ces circonstances, la loi de la majorit&eacute; est une cons&eacute;quence des divergences de points de vue&nbsp;qui donnera lieu &agrave; de tr&egrave;s vives critiques quant &agrave; la tyrannie de cette majorit&eacute;&nbsp;; cette seule loi du nombre ne pouvant satisfaire ceux qui croyaient en une succession de choix rationnels unanimes. La premi&egrave;re d&eacute;rive de la d&eacute;mocratie tient donc bien de cette concession fa&icirc;tes &agrave; la r&eacute;alit&eacute; des conflits&nbsp;; attestant de la difficile &eacute;mergence du choix de raison dans des sujets politiques complexes ou passionn&eacute;s<a class="footnotecall" href="#ftn3" id="bodyftn3">3</a>.</p> <p class="texte">Cette fragmentation de l&rsquo;unanimit&eacute; constitue la premi&egrave;re division, actant l&rsquo;existence de conflits et de d&eacute;saccords durables. La seconde tiendra plus tard au fait que les minorit&eacute;s ne sauraient &ecirc;tre r&eacute;duites &agrave; leur seule soumission. Guizot d&eacute;finit bien le r&ocirc;le de la minorit&eacute;, sachant qu&rsquo;elle est l&rsquo;opposition politique du temps, appel&eacute;e &agrave; succ&eacute;der t&ocirc;t ou tard &agrave; la majorit&eacute; du moment<a class="footnotecall" href="#ftn4" id="bodyftn4">4</a>. Tr&egrave;s conscient de cette alternance &agrave; la mani&egrave;re d&rsquo;une dialectique de la raison, il consid&egrave;re avec attention la minorit&eacute;. Elle ne saurait avoir tort &agrave; un moment puis raison &agrave; un autre. Ce serait accorder au suffrage majoritaire le pouvoir de transcender une position de vraie en fausse au seul motif du vote majoritaire. L&rsquo;irrationalit&eacute; de cette situation n&rsquo;&eacute;chappe &agrave; personne, et il convient de ne pas insulter l&rsquo;avenir que repr&eacute;sente la minorit&eacute; agissante. C&rsquo;est en ce sens que Guizot &eacute;crit &agrave; propos de la minorit&eacute; qu&rsquo;elle&nbsp;&laquo;&nbsp;remplit v&eacute;ritablement la mission o&ugrave; l&rsquo;appelle le syst&egrave;me repr&eacute;sentatif, en tant qu&rsquo;elle maintient en le redressant, le pouvoir m&ecirc;me qu&rsquo;elle combat.&nbsp;&raquo; (1988 (1821), 203). Quant &agrave; l&rsquo;&eacute;minent juriste Kelsen, il exprime un peu plus tard toutes les limites frustrantes de la loi de la majorit&eacute;, dont le caract&egrave;re absolu est une authentique fiction, puisque la seule loi du nombre tient en fait du seul rapport de force ent&eacute;rin&eacute; par le droit. La d&eacute;mocratie repr&eacute;sentative trouve l&agrave; d&eacute;j&agrave; de grande limite, entre son projet et sa concr&eacute;tisation qui la d&eacute;figure.</p> <p class="texte">Subrepticement, le principe de la raison unanime se dissout. Les repr&eacute;sentants ont d&eacute;sormais une l&eacute;gitimit&eacute; plus fragile, fond&eacute;e sur des choix autoris&eacute;s par ce coup de force de la moiti&eacute; plus un, soit la brutalit&eacute; de la loi du nombre. C&rsquo;est la raison pour laquelle respecter les minorit&eacute;s devient n&eacute;cessaire en raison du risque de saper l&rsquo;exercice du pouvoir de la majorit&eacute; si elle ne conc&egrave;de rien &agrave; sa minorit&eacute;. Elle&nbsp;doit alors nuancer ses ambitions partisanes en composant avec le contre-pouvoir permanent de ceux qui demain auront la majorit&eacute;. Mais ce jeu des partis est &agrave; l&rsquo;origine d&rsquo;une nouvelle d&eacute;rive du d&eacute;bat public, les repr&eacute;sentants c&eacute;dant &agrave; la facilit&eacute; des effets rh&eacute;toriques au lieu d&rsquo;argumenter pour d&eacute;montrer ce qu&rsquo;il faut faire. Ils soul&egrave;vent leurs soutiens par la passion voire la d&eacute;mesure et la d&eacute;raison, emportant les &eacute;lecteurs et leurs repr&eacute;sentants, comme autrefois les sophistes. L&rsquo;argument pour d&eacute;montrer devient l&rsquo;argument pour convaincre. La raison s&rsquo;av&egrave;re l&agrave; moins efficace que quelques d&eacute;magogies. Est-il utile de faire une th&egrave;se sur la rh&eacute;torique des partis&nbsp;? D&rsquo;ailleurs, toute la critique des vices du parlementarisme tient &agrave; cette pratique d&eacute;mocratique composant entre p&eacute;riodes de majorit&eacute; et de minorit&eacute;, cherchant &agrave; satisfaire successivement, les uns puis les autres, mani&egrave;re tr&egrave;s lib&eacute;rale de consid&eacute;rer le rapport de la repr&eacute;sentation &agrave; ceux qu&rsquo;ils repr&eacute;sentent. La v&eacute;rit&eacute; y devient conjoncturelle, r&eacute;sultat de ces mouvements de l&rsquo;opinion, terme qui succ&egrave;de d&rsquo;ailleurs &agrave; la raison des Lumi&egrave;res. La pratique fait glisser de l&rsquo;ambition du <em>Logos</em> &agrave; la r&eacute;alit&eacute; de la <em>Doxa</em>. Dans cette d&eacute;mocratie majoritaire, bien loin de l&rsquo;initiale raison unanime, s&rsquo;affiche le jeu de la satisfaction des int&eacute;r&ecirc;ts. Cette d&eacute;mocratie, souvent d&icirc;tes bourgeoise ou lib&eacute;rale fait ce premier pas vers des tentations d&eacute;magogiques pour rassembler le plus grand nombre sous sa banni&egrave;re&nbsp;; certains consid&eacute;rant, non sans quelques faits historiques &agrave; l&rsquo;appui, que cette d&eacute;mocratie de compromis fait le lit des populistes et des d&eacute;magogues dans un second temps. Platon le craignait et l&rsquo;avait observ&eacute;, l&rsquo;entre-deux guerre en Europe le d&eacute;montrera aussi.</p> <h2 class="texte" style="font-style:italic;">4. La loi de la majorit&eacute; et le respect de la minorit&eacute;</h2> <p class="texte">Et cette d&eacute;composition de l&rsquo;unanime ne s&rsquo;arr&ecirc;te pas l&agrave;. Les minorit&eacute;s, souvent pens&eacute;es &agrave; l&rsquo;origine au titre des peuples et des pratiques religieuses, deviennent celles des m&oelig;urs ou de convictions en mati&egrave;re de choix individuels. La d&eacute;mocratie se fait alors le lieu de la d&eacute;fense des droits de l&rsquo;individu d&rsquo;exiger le respect de ses choix de vie, selon ses int&eacute;r&ecirc;ts et ses aspirations. Cette nouvelle &eacute;tape du processus de d&eacute;rive de la raison unanime vers l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t individuel se retrouve fort bien dans la th&eacute;orie de la d&eacute;mocratie de Benhabib<a class="footnotecall" href="#ftn5" id="bodyftn5">5</a>. Celle-ci expose plusieurs r&egrave;gles et conditions o&ugrave; l&rsquo;individu prime la soci&eacute;t&eacute; au nom de ses libert&eacute;s dans une soci&eacute;t&eacute; pluraliste et r&eacute;solument cosmopolite. Premi&egrave;rement, <em>la r&eacute;ciprocit&eacute; &eacute;galitaire </em>vise &agrave; prot&eacute;ger les minorit&eacute;s en leur assurant les m&ecirc;mes droits que la majorit&eacute;&nbsp;; ce qui peut conduire &agrave; la remise en cause de toute l&eacute;gislation atteignant les int&eacute;r&ecirc;ts des minorit&eacute;s. Deuxi&egrave;mement, l&rsquo;<em>assentiment volontaire </em>reconna&icirc;t &agrave; chacun le droit de remettre en cause son appartenance &agrave; la religion, la culture de sa famille et de son environnement, soit le droit de s&rsquo;exprimer individuellement et de d&eacute;cider du cercle de son appartenance. Troisi&egrave;mement, la <em>libert&eacute; de sortie et d&rsquo;association</em> conforte le point pr&eacute;c&eacute;dant par le droit de demeurer membre d&rsquo;un groupe initial ou d&rsquo;&eacute;pouser librement un autre groupe pensant entre autres aux accommodements maritaux. Il s&rsquo;agit d&rsquo;interdire les limitations identitaires qui obligent l&rsquo;individu &agrave; sa d&eacute;pendance aux lois ethniques ou religieuses qui exigent de lui de se soumettre aux r&egrave;gles maritales du groupe par exemple. Le choix individuel impose ses raisons qui ne sauraient &ecirc;tre entrav&eacute;es par des lois sociales.</p> <p class="texte">Force est de constater, que la r&eacute;publique raisonnable se d&eacute;compose en deux si&egrave;cles, &eacute;tape par &eacute;tape, jusqu&rsquo;&agrave; la profession de foi de cet individualisme m&eacute;thodologique, sorte d&rsquo;anarchisme libertaire o&ugrave; le l&eacute;gislateur proc&egrave;de par exception pour que la loi rende possible toutes les revendications d&rsquo;une minorit&eacute;, voire d&rsquo;un individu. Il &eacute;tudie des situations rendues possibles par le jeu de construction du d&eacute;veloppement ind&eacute;fini des libert&eacute;s individuelles. Il n&rsquo;y a plus ni majorit&eacute;, ni minorit&eacute;, mais l&rsquo;organisation des droits de chacun. Le lecteur observe maintenant que d&rsquo;une id&eacute;e scientifique d&rsquo;un gouvernement collectif o&ugrave; la raison s&rsquo;exerce &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle d&rsquo;une nation, les d&eacute;mocraties occidentales ont inexorablement d&eacute;riv&eacute; vers cette d&eacute;mocratie contemporaine en faveur de la raison de chacun. A cet &eacute;gard, Castoriadis illustre bien ce glissement d&rsquo;une th&eacute;orie scientifique du politique &agrave; une th&eacute;orie individualiste soucieuse de l&rsquo;&eacute;mancipation par l&rsquo;accomplissement des d&eacute;sirs humains dont il se fait un promoteur<a class="footnotecall" href="#ftn6" id="bodyftn6">6</a>. Sa critique de la th&eacute;orie de l&rsquo;histoire emporte avec elle toute la science rationaliste qui pr&eacute;tendait faire totalit&eacute; en l&eacute;gitimant l&rsquo;exercice du pouvoir par ceux qui ont la connaissance de ce savoir th&eacute;orique. Pour Castoriadis, la r&eacute;volution n&rsquo;est pas une d&eacute;marche men&eacute;e par quelques guides et elle ne s&rsquo;impose pas par la force. Elle est bien plus l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;un imaginaire social s&rsquo;accomplissant dans chaque individu auquel sont sugg&eacute;r&eacute;es ses &eacute;mancipations, subvertissant l&rsquo;institution porteuse des h&eacute;ritages identitaires. En ce sens, il &eacute;crit que l&rsquo;imaginaire social est ce qui&nbsp;: &laquo;&nbsp;donne &agrave; la fonctionnalit&eacute; de chaque syst&egrave;me son orientation sp&eacute;cifique, qui surd&eacute;termine le choix et les connexions des r&eacute;seaux symboliques, cr&eacute;ation de chaque &eacute;poque historique, sa fa&ccedil;on singuli&egrave;re de vivre, de voir et de faire sa propre existence, son monde et ses rapports &agrave; lui, ce structurant originaire, le signifi&eacute;-signifiant central, source de ce qui se donne chaque fois comme sens indiscutable et indiscut&eacute;, support des orientations et des distinctions de ce qui importe et de ce qui n&rsquo;importe pas, origine du surcro&icirc;t d&rsquo;&ecirc;tre des objets d&rsquo;investissement pratique, affectif et intellectuel, individuel ou collectif - cet &eacute;l&eacute;ment n&rsquo;est rien d&rsquo;autre que l&rsquo;imaginaire de la soci&eacute;t&eacute; ou de l&rsquo;&eacute;poque consid&eacute;r&eacute;e.&nbsp;&raquo; (1975, 203).</p> <p class="texte">Voil&agrave; pourquoi le l&eacute;gislateur contemporain vise alors l&rsquo;&eacute;mancipation au b&eacute;n&eacute;fice de l&rsquo;autonomie de l&rsquo;individu, celui-ci n&rsquo;ayant pas de compte &agrave; rendre &agrave; une soci&eacute;t&eacute; qui ne saurait lui fixer de fa&ccedil;on h&eacute;t&eacute;ronome des obligations en lui assignant une identit&eacute;, un r&ocirc;le ou bien en jugeant de ses actes en vertu de conventions que l&rsquo;individu est en droit de contester. A tel point que les d&eacute;mocraties occidentales se d&eacute;finissent aujourd&rsquo;hui, non plus comme le lieu de la libert&eacute; d&rsquo;expression politique, mais comme l&rsquo;espace de d&eacute;fenses des libert&eacute;s de m&oelig;urs ou de pratiques particuli&egrave;res. La d&eacute;mocratie repr&eacute;sentative a donc &eacute;t&eacute; avant l&rsquo;instrument de la modernit&eacute;.</p> <h2 class="texte" style="font-style:italic;">5. La d&eacute;mocratie repr&eacute;sentative, instrument de la modernisation</h2> <p class="texte">Comment expliquer ce mouvement tout &agrave; la fois lib&eacute;rale et libertaire de la r&eacute;publique rationnelle vers ces soci&eacute;t&eacute;s d&eacute;mocratiques contemporaines&nbsp;? Il faut rep&eacute;rer ce sens du progr&egrave;s qui articule ces &eacute;volutions successives de la d&eacute;mocratie. Cette dynamique en faveur de l&rsquo;autonomie donne un sens particulier au d&eacute;bat d&eacute;mocratique puisqu&rsquo;elle subvertit l&rsquo;opposition des points de vue en impliquant une interpr&eacute;tation hi&eacute;rarchique accordant une valeur intrins&egrave;que &agrave; chacun des points de vue. Ces derniers ne sont pas &eacute;gaux, les uns sont l&rsquo;expression des conservateurs, les autres sont ceux des progressistes qui dynamisent la soci&eacute;t&eacute;. Ce fut d&rsquo;abord le r&ocirc;le de l&rsquo;id&eacute;ologie du progr&egrave;s scientifique pour lutter contre les h&eacute;t&eacute;ronomies religieuses et traditionnelles, c&rsquo;est depuis quelques d&eacute;cennies celui d&rsquo;un progr&egrave;s &eacute;thique luttant contre les r&eacute;sistances r&eacute;siduelles des cultures religieuses et sociales. Certains seraient donc plus que d&rsquo;autres les d&eacute;tenteurs de la raison individuelle et de l&rsquo;av&egrave;nement de l&rsquo;homme lib&eacute;r&eacute; de toutes les entraves sociales.</p> <p class="texte">Castoriadis est embl&eacute;matique de cette &eacute;volution passant de la certitude rationnelle d&rsquo;une connaissance vraie &agrave; la cr&eacute;ation des pratiques autonomes. Si la premi&egrave;re est apte &agrave; d&eacute;terminer la d&eacute;cision politique et &agrave; d&eacute;finir les institutions raisonnables en vertu d&rsquo;un droit positif autonome, la seconde imagine toutes les voies instituantes de la r&eacute;alisation de son autonomie personnelle. Or, cela transforme l&rsquo;institution de la r&eacute;publique li&eacute;e &agrave; la philosophie des Lumi&egrave;res, attach&eacute;e &agrave; cette conception classique et m&eacute;caniste de la v&eacute;rit&eacute;, sous l&rsquo;emprise de la physique newtonienne. Cette th&eacute;orie scientifique du rationalisme classique pensait d&eacute;crire un monde enti&egrave;rement d&eacute;termin&eacute;, la science embrassant d&rsquo;un seul regard la totalit&eacute; de l&rsquo;histoire pour en rendre raison et mieux diriger. D&egrave;s lors que la pens&eacute;e humaine se r&eacute;duit &agrave; celle de la raison autonome, le langage scientifique devient le seul <em>Logos</em> affirmant ce qui est, en d&eacute;terminant logiquement ce qui doit advenir. En cela, l&rsquo;objet de la science politique est bien de diriger en raison, h&eacute;ritage de cette conception de la science qui d&eacute;termine avec certitude. Il y a donc bien une opposition entre l&rsquo;institution classique des Lumi&egrave;res et l&rsquo;apologie r&eacute;volutionnaire de l&rsquo;individu expliqu&eacute;e et promue par Castoriadis et qui caract&eacute;risent les d&eacute;mocraties occidentales actuelles.</p> <p class="texte">Avec la premi&egrave;re conception classique et ses certitudes, la science politique appartient aux experts qui ont en charge la d&eacute;termination des actions concourant &agrave; la r&eacute;alisation du futur raisonnable. Nombre de technocrates et de coll&egrave;ges d&rsquo;experts pensent encore aujourd&rsquo;hui incarner cette mission, d&eacute;finissant ce qui serait le seul choix possible en raison, fort du cadre th&eacute;orique certain qui pr&eacute;c&egrave;de leur pr&eacute;diction. Or, Castoriadis conteste leur rationalit&eacute; et participe &agrave; son implosion. Sa critique du d&eacute;terminisme, m&eacute;diatis&eacute;e par celle plus pr&eacute;cise de la dialectique historique de Marx, le conduit &agrave; r&eacute;futer cette conception de la science. S&rsquo;il existe une science historique ou une science &eacute;conomique au sens classique, l&rsquo;action devient une technique de mise en &oelig;uvre des d&eacute;cisions scientifiques. La th&eacute;orie dirige le r&eacute;el et ordonne des actes en vertu de ses connaissances. Or, Castoriadis conteste la possibilit&eacute; m&ecirc;me de ces lois historiques ou &eacute;conomiques et leur pouvoir d&rsquo;&eacute;lucidation th&eacute;orique. La th&eacute;orie est un moment particulier, une mani&egrave;re de faire et d&rsquo;agir et m&ecirc;me quand elle pr&eacute;tend guider d&rsquo;autres actes, ceux-ci d&eacute;bordent les lois de leur cr&eacute;ativit&eacute; et des interactions surgissent sans &ecirc;tre d&eacute;terminables a priori, d&rsquo;o&ugrave; un autre moment de th&eacute;orisation. Il reproche donc &agrave; Marx de perp&eacute;tuer cette pens&eacute;e de pure d&eacute;termination dont la science parvient &agrave; &eacute;lucider les lois pour agir en raison&nbsp;alors que l&rsquo;homme, l&rsquo;histoire ou l&rsquo;&eacute;conomie ne sont pas d&eacute;terminables. Castoriadis rejoint l&agrave; les tr&egrave;s nombreux chercheurs et &eacute;pist&eacute;mologues pour lesquels le projet d&eacute;terministe est d&eacute;finitivement vain. Mais le d&eacute;terminisme peut consister &agrave; organiser l&rsquo;&eacute;mancipation absolue, au sens d&rsquo;une libert&eacute; individuelle d&eacute;cidant pour elle-m&ecirc;me de toutes ses actions.</p> <p class="texte">Castoriadis affirme le sens d&rsquo;un progr&egrave;s historique poussant &agrave; l&rsquo;av&egrave;nement du r&egrave;gne de l&rsquo;individu dans cette soci&eacute;t&eacute; o&ugrave; l&rsquo;on modifie incessamment la loi pour que celle-ci se conforme &agrave; ses exigences. En ce sens, il reste fid&egrave;le &agrave; son projet r&eacute;volutionnaire, ce dont il ne se cache jamais. Il se sait d&rsquo;ailleurs acteur de cette subversion o&ugrave; le progr&egrave;s social &oelig;uvre &agrave; l&rsquo;av&egrave;nement des droits toujours plus grands de l&rsquo;individu face &agrave; la soci&eacute;t&eacute;. Il maintient donc une in&eacute;galit&eacute; entre ceux qui ont le d&eacute;sir du progr&egrave;s de l&rsquo;autonomie, projet l&eacute;gitime auquel il se r&eacute;f&egrave;re toujours&nbsp;; et ceux qui d&eacute;fendent l&rsquo;identit&eacute; des institutions fixant la soci&eacute;t&eacute; dans ses conservatismes. A cet &eacute;gard, toutes les lois soci&eacute;tales contemporaines expriment ce primat de l&rsquo;autonomie de l&rsquo;individu se dissociant de toute sorte d&rsquo;obligation ou de contraintes sociales. La d&eacute;mocratie contemporaine r&eacute;aliserait ce projet de l&rsquo;av&egrave;nement de l&rsquo;individu absolu. Mais en affirmant cela, il r&eacute;fute &agrave; certaines positions politiques leur l&eacute;gitimit&eacute; au profit d&rsquo;autres, du fait de la primaut&eacute; du sens de l&rsquo;histoire. L&rsquo;histoire contemporaine concr&eacute;tiserait ce projet de civilisation &agrave; son terme, la cr&eacute;ativit&eacute; de l&rsquo;individu s&rsquo;inscrivant dans ce projet plus vaste d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; au service de toutes les aspirations individuelles o&ugrave; dispara&icirc;t la notion fondatrice de l&rsquo;espace d&eacute;mocratique&nbsp;: les limites de son territoire.</p> <h2 class="texte" style="font-style:italic;">6. La repr&eacute;sentation et son enracinement en un territoire</h2> <p class="texte">En effet, une telle lib&eacute;ration de l&rsquo;individu remet en cause deux notions fondatrices de la r&eacute;publique rationnelle dans son fonctionnement&nbsp;: 1) la <em>repr&eacute;sentation</em> et 2) le <em>territoire</em><a class="footnotecall" href="#ftn7" id="bodyftn7">7</a>. La question de l&rsquo;espace politique renvoie &agrave; l&rsquo;insertion de l&rsquo;individu dans un espace g&eacute;ographique ou &agrave; sa d&eacute;territorialisation, cette g&eacute;ographie des lieux &eacute;tant l&rsquo;ultime entrave de sa libert&eacute;, &agrave; l&rsquo;instar des derni&egrave;res th&eacute;ories de la d&eacute;mocratie exprim&eacute;es entre autres chez Benhabib. Le <em>territoire </em>de la raison est &agrave; la fois celui h&eacute;rit&eacute; des fronti&egrave;res de la r&eacute;publique et en m&ecirc;me temps celui de l&rsquo;universel qui donne droit d&rsquo;&eacute;tendre la r&eacute;publique &agrave; travers le monde en combattant les adversaires de la rationalit&eacute; universelle. Cette question opposera aussi chez les soviets les internationalistes trotskistes et les l&eacute;ninistes partisans du communisme en un seul pays. En effet, l&rsquo;espace de la raison peut-il avoir une limite g&eacute;ographique&nbsp;? Est-il local ou une &eacute;tendue infinie&nbsp;? A ce sujet, Rousseau t&eacute;moigne de l&rsquo;existence d&rsquo;une limite naturelle de l&rsquo;espace d&eacute;mocratique et des motivations des r&eacute;gimes autoritaires d&egrave;s lors que les espaces et les populations trop diff&eacute;rents ne peuvent converser dans l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t g&eacute;n&eacute;ral d&rsquo;une nation concr&egrave;tement fragment&eacute;e<a class="footnotecall" href="#ftn8" id="bodyftn8">8</a>. Il faut recourir &agrave; l&rsquo;arbitraire pour organiser et administrer par des d&eacute;cisions au-del&agrave; des int&eacute;r&ecirc;ts sp&eacute;cifiques de ces populations et de leurs espaces familiers. Ainsi, la notion de territoire s&rsquo;appuie sur deux r&eacute;f&eacute;rents constitutifs de la territorialit&eacute;&nbsp;: la nation et l&rsquo;individu. Le second peut appartenir au premier n&rsquo;ayant de sens d&rsquo;ailleurs que si l&rsquo;espace g&eacute;ographique conf&egrave;re une autorit&eacute; sur des populations. Le premier d&eacute;pend donc du second qui d&eacute;limite un espace li&eacute; &agrave; la volont&eacute; de chacun d&rsquo;accepter son appartenance et sa subordination &agrave; une g&eacute;ographie. Il s&rsquo;agit donc de penser une topologie&nbsp;: un espace et ses r&egrave;gles.</p> <p class="texte">Rousseau explique sa topologie du fait de la relation entre deux variables&nbsp;: espace et population qui d&eacute;terminent la nature du pouvoir politique. Selon lui, la d&eacute;mocratie la plus explicite se met en &oelig;uvre sur des espaces limit&eacute;s pour des populations peu nombreuses. Cette homog&eacute;n&eacute;it&eacute; aurait l&rsquo;avantage de favoriser l&rsquo;unit&eacute; par la proximit&eacute; et la convergence de vue quant &agrave; ce qu&rsquo;il convient de faire dans l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t d&rsquo;un territoire accessible et compr&eacute;hensible par tous. Ce dernier &eacute;crit dans <span style="text-decoration:underline;">Projet pour la Corse</span> &agrave; propos des Suisses&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les int&eacute;r&ecirc;ts, les besoins ne se croisant point et nul ne d&eacute;pendant d&rsquo;un autre, tous n&rsquo;avaient entre eux que des liaisons de bienveillance et d&rsquo;amiti&eacute;&nbsp;; la concorde et la paix r&eacute;gnaient sans effort dans leurs nombreuses familles, ils n&rsquo;avaient presque autre chose &agrave; traiter entre eux que des mariages o&ugrave; l&rsquo;inclination seule &eacute;tait consult&eacute;e, que l&rsquo;ambition ne formait point, que l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t et l&rsquo;in&eacute;galit&eacute; n&rsquo;arr&ecirc;taient jamais. Ce peuple pauvre mais sans besoins dans la plus parfaite ind&eacute;pendance multipliait ainsi dans une union que rien ne pouvait alt&eacute;rer&nbsp;; il n&rsquo;avait pas de vertus puisque, n&rsquo;ayant point de vices &agrave; vaincre, bien faire ne lui co&ucirc;tait rien, et il &eacute;tait bon et juste sans savoir ce que c&rsquo;&eacute;tait que justice et vertu.&nbsp;&raquo; (1990, 119) Il lie l&rsquo;espace et ses habitants, vantant cette continuit&eacute; entre le peuple et son territoire qui garantit &agrave; ses yeux la constance d&rsquo;une relation propice &agrave; la d&eacute;mocratie locale. Et cette d&eacute;termination des r&egrave;gles dans des espaces n&eacute;cessite une topologie. Cette science des r&egrave;gles des espaces permet de se r&eacute;f&eacute;rer &agrave; celui qui a &eacute;tudi&eacute; les espaces, pour mieux saisir ce qui est en jeu. Revenons un instant sur la brillante r&eacute;flexion de Foucault sur les espaces autres ou h&eacute;t&eacute;rotopies<a class="footnotecall" href="#ftn9" id="bodyftn9">9</a>.</p> <p class="texte">L&rsquo;h&eacute;t&eacute;rotopie d&eacute;finit la loi dans une soci&eacute;t&eacute; qui organise des espaces en vertu des fins qui leurs sont assign&eacute;es, dotant l&rsquo;espace d&rsquo;une architecture o&ugrave; les populations s&rsquo;adonnent &agrave; des activit&eacute;s comme dans une grande maison commune. Les lieux ont un but comme dans la soci&eacute;t&eacute; m&eacute;di&eacute;vale dont Foucault dit que l&rsquo;espace y est &laquo;&nbsp;un ensemble hi&eacute;rarchis&eacute; de lieux&nbsp;: lieux sacr&eacute;s et lieux profanes, lieux prot&eacute;g&eacute;s et lieux au contraire ouverts et sans d&eacute;fense, lieux urbains et lieux campagnards (voil&agrave; pour la vie r&eacute;elle des hommes)&nbsp;; pour la th&eacute;orie cosmologique, il y avait les lieux supra-c&eacute;lestes oppos&eacute;s au lieu c&eacute;leste&nbsp;; et le lieu c&eacute;leste &agrave; son tour s&rsquo;opposait au lieu terrestre.&nbsp;&raquo; (1984). Par la suite, l&rsquo;espace moderne est r&eacute;gi par l&rsquo;&eacute;tendue selon les prescriptions de Galil&eacute;e montrant un espace infini et ouvert dont l&rsquo;universalisme des Lumi&egrave;res exprime sa dimension politique&nbsp;: s&rsquo;&eacute;tendre, coloniser, universaliser. L&rsquo;espace contemporain serait lui r&eacute;gi par l&rsquo;emplacement dont il &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;le probl&egrave;me de la place ou de l&rsquo;emplacement se pose pour les hommes en termes de d&eacute;mographie&nbsp;; et ce dernier probl&egrave;me de l&rsquo;emplacement humain, ce n&rsquo;est pas simplement la question de savoir s&rsquo;il y aura assez de place pour l&rsquo;homme dans le monde &ndash;&nbsp;probl&egrave;me qui est apr&egrave;s tout bien important&nbsp;&ndash;, c&rsquo;est aussi le probl&egrave;me de savoir quelles relations de voisinage, quel type de stockage, de circulation, de rep&eacute;rage, de classement des &eacute;l&eacute;ments humains doivent &ecirc;tre retenus de pr&eacute;f&eacute;rence dans telle ou telle situation pour venir &agrave; telle ou telle fin. Nous sommes &agrave; une &eacute;poque o&ugrave; l&rsquo;espace se donne &agrave; nous sous la forme de relations d&rsquo;emplacements.&nbsp;&raquo; (1984). Mais ces organisations ont maintenu une &laquo;&nbsp;sourde sacralisation&nbsp;&raquo; d&rsquo;espaces cloisonn&eacute;s&nbsp;: priv&eacute;s, publics, culturels, etc., lieux dot&eacute;s d&rsquo;une qualit&eacute; propre. L&rsquo;h&eacute;t&eacute;rotopie constate ainsi que tout n&rsquo;est pas possible en tous lieux car les emplacements ont des r&egrave;gles en leur sein et d&rsquo;autres fixant les passages soit leurs relations avec d&rsquo;autres emplacements. Foucault retient dans son &eacute;tude cinq principes&nbsp;:</p> <p class="texte">a) &laquo;&nbsp;Il n&rsquo;y a probablement pas une seule culture au monde qui ne constitue des h&eacute;t&eacute;rotopies. C&rsquo;est l&agrave; une constante de tout groupe humain.&nbsp;&raquo;</p> <p class="texte">b) &laquo;&nbsp;au cours de son histoire, une soci&eacute;t&eacute; peut faire fonctionner d&rsquo;une fa&ccedil;on tr&egrave;s diff&eacute;rente une h&eacute;t&eacute;rotopie qui existe et qui n&rsquo;a pas cess&eacute; d&rsquo;exister.&nbsp;&raquo; qu&rsquo;il illustre du cimeti&egrave;re.</p> <p class="texte">c) &laquo;&nbsp;L&rsquo;h&eacute;t&eacute;rotopie a le pouvoir de juxtaposer en un seul lieu r&eacute;el plusieurs espaces, plusieurs emplacements qui sont en eux-m&ecirc;mes incompatibles.&nbsp;&raquo; qu&rsquo;il illustre du th&eacute;&acirc;tre ou du cin&eacute;ma.</p> <p class="texte">d) &laquo;&nbsp;Les h&eacute;t&eacute;rotopies&nbsp;[&hellip;] ouvrent sur ce qu&rsquo;on pourrait appeler, par pure sym&eacute;trie, des h&eacute;t&eacute;rochronies.&nbsp;&raquo;</p> <p class="texte">e) &laquo;&nbsp;Les h&eacute;t&eacute;rotopies supposent toujours un syst&egrave;me d&rsquo;ouverture et de fermeture qui, &agrave; la fois, les isole et les rend p&eacute;n&eacute;trables.&nbsp;&raquo; qu&rsquo;il illustre de la caserne ou de la prison.</p> <p class="texte">La destination du lieu structure des relations humaines qui lui sont propres. Cette codification locale d&eacute;finit et proscrit des pratiques selon la nature des lieux qui sont r&eacute;git par des lois commun&eacute;ment admises au sein d&rsquo;une communaut&eacute; d&rsquo;habitants li&eacute;s par leur permanence sur ces lieux. Affirmer le principe oppos&eacute; d&rsquo;un &laquo;&nbsp;je fais ce que jeux o&ugrave; je veux&nbsp;&raquo; revient &agrave; contester toute forme d&rsquo;ordre public puisque cette libert&eacute;-l&agrave; entre en conflit avec celle d&rsquo;une l&eacute;gitimit&eacute; construite par la tradition des habitants l&eacute;gif&eacute;rant au sein de leur communaut&eacute; pour leur territoire commun. L&rsquo;ordre des lieux organise un entre soi pour pacifier et d&eacute;velopper selon les v&oelig;ux de cette communaut&eacute; humaine. Voil&agrave; l&rsquo;enseignement de l&rsquo;h&eacute;t&eacute;rotopie qui inclut derechef le principe de responsabilit&eacute;, puisque toute d&eacute;cision est assum&eacute;e par ceux qui valorisent ou ali&egrave;nent leur territoire. C&rsquo;est le sens m&ecirc;me de la politique communale. A l&rsquo;inverse, le droit de faire selon sa libre volont&eacute; indiff&eacute;remment des conventions des lieux ouvre bien ce conflit opposant des libres volont&eacute;s au risque de faire des choses contraires en un m&ecirc;me lieu&nbsp;: silence ou bruit, mouvement ou repos, exploitation ou protection. Donc, penser les biens communs du territoire serait bien li&eacute; &agrave; cette pratique d&rsquo;un pouvoir commun dans un espace circonscrit. La g&eacute;ographie serait alors la science des libert&eacute;s politiques sur des territoires incomparables dans leurs caract&eacute;ristiques climatiques, au sens quasi-viticole du climat.</p> <h2 class="texte" style="font-style:italic;">7. La commune contre l&rsquo;empire &agrave; l&rsquo;abri de l&rsquo;hybris</h2> <p class="texte">La crise de la repr&eacute;sentation serait de ce fait autant la cons&eacute;quence du discr&eacute;dit circonstanciel des repr&eacute;sentants que celle d&rsquo;une impossibilit&eacute; de d&eacute;finir les limites du territoire politique commun. En effet, subrepticement, s&rsquo;y jouerait la reconnaissance de communaut&eacute;s humaines g&eacute;rant leurs biens communs, d&eacute;terminant tout &agrave; la fois des limites g&eacute;ographiques et humaines par le fait d&rsquo;en &ecirc;tre ou de ne pas en &ecirc;tre. Or, dans une soci&eacute;t&eacute; scientifique pour laquelle l&rsquo;humanit&eacute; abstraite est par construction universelle, dans une soci&eacute;t&eacute; convaincue d&rsquo;une paix universelle r&eacute;sultant d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; politique plan&eacute;taire, dans une soci&eacute;t&eacute; o&ugrave; l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t d&rsquo;un empire des normes sert &agrave; la fois le triomphe d&rsquo;une &eacute;conomie &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle du plus grand nombre et la puissance d&rsquo;un empire politique imposant sa loi universelle, l&rsquo;av&egrave;nement de cet empire a quelques arguments &agrave; faire valoir pour disqualifier les revendications des locaux alors impuissants &agrave; relever les d&eacute;fis d&rsquo;un monde o&ugrave;, syst&eacute;matiquement, la question exige une r&eacute;ponse universelle et normative. En ce sens l&rsquo;&eacute;cologie politique serait une de ses ruses de la raison qui entretient l&rsquo;illusion du pouvoir des normes mondiales alors que la pr&eacute;servation d&rsquo;un &eacute;tang rel&egrave;ve surtout de la simple gestion communale du lieu.</p> <p class="texte">Mais, devons-nous nous soumettre &agrave; l&rsquo;empire o&ugrave; faire valoir le privil&egrave;ge communal&nbsp;? Car le lieu peut-il supporter l&rsquo;indiff&eacute;rence des multiples appropriations individuelles en vertu des injonctions imp&eacute;riales&nbsp;? Le trottoir est-il le lieu pr&eacute;destin&eacute; au pi&eacute;ton o&ugrave; &agrave; mille usages qui en font un espace ind&eacute;fini, sans h&eacute;t&eacute;rotopie&nbsp;? Le jardin public est-il le lieu pr&eacute;destin&eacute; aux enfants et &agrave; la promenade o&ugrave; un espace sans contrainte&nbsp;: &eacute;rotique par exemple, marchand ou encore cacophonique des musiques &eacute;cout&eacute;es &agrave; tue-t&ecirc;te&nbsp;? Mais aussi, les r&eacute;serves d&rsquo;eaux de la commune sont-elles cessibles &agrave; une entreprise priv&eacute;e qui les &eacute;puisera sans vergogne ou un bien commun situ&eacute; g&eacute;ographiquement dont les seuls d&eacute;tenteurs sont les habitants<a class="footnotecall" href="#ftn10" id="bodyftn10">10</a>. Il semble finalement que se joue l&agrave; une reconnaissance politique de l&rsquo;homme en lien avec ce qui l&rsquo;environne&nbsp;: g&eacute;ographiquement et historiquement ou une conception abstraite et universelle promise &agrave; l&rsquo;empire. Mais cette opposition r&eacute;v&egrave;le aussi plus prosa&iuml;quement que l&rsquo;homme moderne agit en passager clandestin, d&eacute;nu&eacute; de toute sorte d&rsquo;engagement ou de responsabilit&eacute;&nbsp;; abusant des lieux et des autres sans jamais en rendre compte &agrave; quiconque alors que l&rsquo;homme libre est peut-&ecirc;tre aussi responsable, li&eacute; &agrave; un lieu et &agrave; son histoire dont il se sait tout &agrave; la fois h&eacute;ritier et passeur.</p> <p class="texte">Or, l&rsquo;arbitrage de cette question suppose de traiter concr&egrave;tement quelques autres r&eacute;alit&eacute;s qui sont les preuves de ces engagements dont l&rsquo;exigibilit&eacute; de l&rsquo;imp&ocirc;t et la comp&eacute;tence de ceux qui agissent par son usage. L&agrave; est la limite de l&rsquo;empire, l&agrave; serait l&rsquo;utilit&eacute; de la commune. Et il n&rsquo;est pas besoin de longues &eacute;tudes pour savoir le co&ucirc;t exorbitant d&rsquo;une gestion imp&eacute;riale qui pr&eacute;tendrait se substituer &agrave; toutes les communes, sans m&ecirc;me &eacute;voquer son incurie &agrave; l&rsquo;assumer. L&rsquo;empire est simplement consubstantiellement inefficient. La politique communale serait alors l&rsquo;espace politique d&rsquo;une invention des libert&eacute;s politiques, le lieu commun de l&rsquo;inventivit&eacute; et de l&rsquo;ing&eacute;niosit&eacute; collectives qui ont fait pendant des si&egrave;cles le g&eacute;nie de nombreux espaces politiques europ&eacute;ens. La repr&eacute;sentation des hommes et des lieux y serait plus proche des actions &agrave; mener au plus pr&egrave;s d&rsquo;une exp&eacute;rience des espaces et des populations dans&nbsp;leur singularit&eacute;. La crise tiendrait alors de cet empire paroxystique de l&rsquo;individu dans son empire. Cette dystopie imp&eacute;riale semble finalement plus relever d&rsquo;un fantasme rationaliste et de domination par extension ind&eacute;finie o&ugrave; l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; v&eacute;ritable est condamn&eacute;e &agrave; la disparition par son &eacute;limination. La crise annonce alors un temps d&rsquo;inventions&nbsp;: le temps politique des communes parce que le mandat du repr&eacute;sentant appelle cet art du gouvernement des r&eacute;alit&eacute;s de terrain dont on ne saurait s&rsquo;abstraire sans d&eacute;truire l&rsquo;objet m&ecirc;me de la richesse commune. A l&rsquo;inverse, les empires seraient plus les preuves de l&rsquo;hybris et leur destin serait leur effondrement, du fait de la dialectique qui oppose leur fin et leurs moyens. La crise de la repr&eacute;sentation tiendrait alors de l&rsquo;&eacute;loignement, refl&eacute;tant cette distanciation jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;incompatibilit&eacute; des points de vue. Il faudrait promouvoir ces institutions communales plus latentes qui demeurent&nbsp;: discr&egrave;tes, modestes mais r&eacute;silientes. Il nous faudrait alors une immense r&eacute;forme des pouvoirs communaux et de la gestion locale des biens communs selon le principe de responsabilit&eacute;.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn1" id="ftn1">1</a> Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) expose plusieurs arguments en faveur de la d&eacute;mocratie directe o&ugrave; le souverain ne saurait d&eacute;l&eacute;guer ses pouvoirs. &laquo;&nbsp;La souverainet&eacute; ne peut &ecirc;tre repr&eacute;sent&eacute;e, par la m&ecirc;me raison qu&rsquo;elle ne peut &ecirc;tre ali&eacute;n&eacute;e&nbsp;; elle consiste essentiellement dans la volont&eacute; g&eacute;n&eacute;rale et la volont&eacute; ne se repr&eacute;sente point&nbsp;; elle est la m&ecirc;me ou elle est autre&nbsp;; il n&rsquo;y a point de milieu. Les d&eacute;put&eacute;s du peuple ne sont donc ni ne peuvent &ecirc;tre ses repr&eacute;sentants, ils ne sont que des commissaires&nbsp;; ils ne peuvent rien conclure d&eacute;finitivement. Toute loi que le Peuple en personne n&rsquo;a pas ratifi&eacute;e est nulle&nbsp;; ce n&rsquo;est point une loi.&nbsp;&raquo; (CS, III, XV). Le pouvoir l&eacute;gislatif tout particuli&egrave;rement est incessible&nbsp;: &laquo;&nbsp;La Loi n&rsquo;&eacute;tant que la d&eacute;claration de la volont&eacute; g&eacute;n&eacute;rale, il est clair que dans la puissance l&eacute;gislative le Peuple ne peut &ecirc;tre repr&eacute;sent&eacute;&nbsp;; mais il peut et doit l&rsquo;&ecirc;tre dans la puissance ex&eacute;cutive, qui n&rsquo;est que la force appliqu&eacute;e &agrave; la Loi.&nbsp;&raquo;  (CS, III, XV). Or, l&rsquo;entorse &agrave; ce principe appara&icirc;t d&egrave;s les premi&egrave;res institutions d&eacute;mocratiques de l&rsquo;&egrave;re moderne.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn2" id="ftn2">2</a> Hans Kelsen (1881-1973), juriste, il est auteur de la <span style="text-decoration:underline;">Th&eacute;orie pure du droit</span>, de la <span style="text-decoration:underline;">Th&eacute;orie g&eacute;n&eacute;rale des normes</span> et du principe de hi&eacute;rarchie des normes. Alors que l&rsquo;unanimit&eacute; refl&egrave;te l&rsquo;homog&eacute;n&eacute;it&eacute; rationnelle des repr&eacute;sentants, la seule majorit&eacute; t&eacute;moigne d&rsquo;une h&eacute;t&eacute;rog&eacute;n&eacute;it&eacute; d&rsquo;o&ugrave; son propos&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;Si on veut le d&eacute;duire de la seule id&eacute;e d&rsquo;&eacute;galit&eacute;, le principe majoritaire a vraiment ce caract&egrave;re purement m&eacute;canique, et m&ecirc;me absurde que lui reprochent les adversaires de la d&eacute;mocratie. Il ne ferait que mettre assez platement en maxime cette v&eacute;rit&eacute; d&rsquo;exp&eacute;rience que les plus nombreux sont les plus forts&nbsp;; et on n&rsquo;aurait d&eacute;pass&eacute; la formule&nbsp;: la force prime le droit, qu&rsquo;en l&rsquo;&eacute;levant au rang de r&egrave;gle de droit. Il n&rsquo;y a qu&rsquo;une seule id&eacute;e qui conduise par une voie raisonnable au principe majoritaire&nbsp;: l&rsquo;id&eacute;e que, sinon tous les individus, du moins le plus grand nombre possible d&rsquo;entre eux doivent &ecirc;tre libres, autrement dit qu&rsquo;il faut un ordre social qui ne soit en contradiction qu&rsquo;avec la volont&eacute; du plus petit nombre possible d&rsquo;entre eux.&nbsp;&raquo; (1932, 8-9).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn3" id="ftn3">3</a> Charles Renouvier (1815-1903), philosophe, explique tr&egrave;s bien cette concession fa&icirc;tes &agrave; la r&eacute;alit&eacute; politique, renon&ccedil;ant &agrave; l&rsquo;id&eacute;al de la R&eacute;publique rationnelle&nbsp;: &laquo;&nbsp;De m&ecirc;me que l&rsquo;unanimit&eacute; serait l&rsquo;effet et la marque de la pr&eacute;sence v&eacute;ritable et enti&egrave;re de la raison dans une soci&eacute;t&eacute;, de m&ecirc;me elle caract&eacute;riserait un plein &eacute;tat de paix et seule aurait la vertu de le conserver sans atteinte. Et de m&ecirc;me que le besoin de recourir au principe des majorit&eacute;s est la cons&eacute;quence et le signe d&rsquo;une absence plus ou moins sensible de la raison dans nombre d&rsquo;esprits, c&rsquo;est-&agrave;-dire encore d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; imparfaite, de m&ecirc;me il est une propri&eacute;t&eacute; de l&rsquo;&eacute;tat de guerre, il l&rsquo;exprime et il le continue, tout en &eacute;tant le principal moyen de l&rsquo;att&eacute;nuer et de le r&eacute;duire &agrave; des formes de paix mat&eacute;rielle.&nbsp;&raquo; (1869, 241). Il est l&rsquo;auteur d&rsquo;une &oelig;uvre politique importante et militante. Outre la <span style="text-decoration:underline;">Science de la morale</span> (1869), il publia en 1848 le <span style="text-decoration:underline;">Manuel r&eacute;publicain de l&rsquo;homme et du citoyen</span> et est &agrave; l&rsquo;origine de la notion d&rsquo;Uchronie&nbsp;: utopie dans l&rsquo;histoire, publi&eacute; en 1857. Il travaillera au projet d&rsquo;une r&eacute;forme institutionnelle favorable &agrave; des cantons d&eacute;mocratiques en vertu d&rsquo;un principe d&rsquo;organisation communale de la r&eacute;publique, pr&eacute;f&eacute;rant cette l&eacute;gislation directe qui d&eacute;limite significativement les pouvoirs de la repr&eacute;sentation nationale en reprenant les travaux du th&eacute;oricien de la d&eacute;mocratie directe Moritz Rittinghausen (1814-1890) dont ses articles sur &laquo;&nbsp;la l&eacute;gislation directe par le peuple, ou la v&eacute;ritable d&eacute;mocratie&nbsp;&raquo; publi&eacute;s en 1850 dans le journal devenu revue fouri&eacute;riste La D&eacute;mocratie pacifique.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn4" id="ftn4">4</a> Fran&ccedil;ois Guizot (1787-1874), homme d&rsquo;Etat et historien, ministre des affaires &eacute;trang&egrave;res, pr&eacute;sident du Conseil en 1847 et surtout ministre de l&rsquo;instruction publique et auteur de la loi de 1833 obligeant &agrave; &eacute;difier une &eacute;cole primaire par commune et une &eacute;cole normale par d&eacute;partement. Favorable au suffrage censitaire, il souhaite que les fran&ccedil;ais participent &agrave; la vie publique en refusant le nivellement du fait de la participation de tous au d&eacute;bat public.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn5" id="ftn5">5</a> Seyla Benhabib (1950), professeure de sciences politiques et de philosophie &agrave; l&rsquo;universit&eacute; de Yale.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn6" id="ftn6">6</a> Il est partisan d&rsquo;une d&eacute;mocratie radicale au service de l&rsquo;autonomie de l&rsquo;individu et il d&eacute;fend une d&eacute;mocratie directe, proposant une soci&eacute;t&eacute; o&ugrave; l&rsquo;on admet&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;l&rsquo;absence de toute norme ou Loi extra-sociale qui s&rsquo;imposerait &agrave; la soci&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo; (1999, 479). L&rsquo;auto-institution de la soci&eacute;t&eacute; ne se d&eacute;l&egrave;gue pas et ce pouvoir explicite de chacun milite en faveur d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; sans repr&eacute;sentants hi&eacute;rarchiques&nbsp;; clerc, aristocratie, &eacute;lus qui soumettent les populations &agrave; leur choix sous les faux pr&eacute;textes, selon lui, de la n&eacute;cessit&eacute; ou de l&rsquo;expertise. Cette derni&egrave;re &eacute;tant une survivance des anciennes h&eacute;t&eacute;ronomies sociales.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn7" id="ftn7">7</a> Raymond Carr&eacute; de Malberg (1861-1935), juriste et surtout constitutionnaliste positiviste fixe bien les deux termes de la repr&eacute;sentation et du territoire&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;&Eacute;tat est une formation r&eacute;sultant de ce que, au sein d&rsquo;un groupe national fix&eacute; sur un territoire d&eacute;termin&eacute;, il existe une puissance sup&eacute;rieure exerc&eacute;e par certains personnages ou assembl&eacute;es sur tous les individus qui se trouvent dans les limites de ce territoire.&nbsp;&raquo; (1920, 67).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn8" id="ftn8">8</a> Rousseau explique que la d&eacute;mocratie correspond &agrave; des entit&eacute;s de petite taille selon ces deux variables du territoire et de la population, alors que les r&eacute;gimes de moins en moins d&eacute;mocratiques correspondent &agrave; des entit&eacute;s de grandes tailles&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;Il s&rsquo;ensuit qu&rsquo;en g&eacute;n&eacute;ral le gouvernement d&eacute;mocratique convient aux petits &Eacute;tats, l&rsquo;aristocratique aux m&eacute;diocres, et le monarchique aux grands.&nbsp;&raquo; (1966, III, 106) De m&ecirc;me il use des nombres pour affirmer que la simplicit&eacute; est pr&eacute;f&eacute;rable&nbsp;: &laquo;&nbsp;Donc, plus les magistrats sont nombreux, plus le gouvernement est faible.&nbsp;&raquo; (1966, II, 103) Et la libert&eacute; est conditionn&eacute;e par ce rapport entre l&rsquo;un et le multiple&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;Alors, le sujet restant toujours un, le rapport du souverain augmente en raison du nombre des citoyens. D&rsquo;o&ugrave; il suit que plus l&rsquo;&Eacute;tat s&rsquo;agrandit, plus la libert&eacute; diminue.&nbsp;&raquo; (1966, I, 99).</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn9" id="ftn9">9</a> Michel Foucault (1926-1984), &eacute;crit <span style="text-decoration:underline;">Des espaces autres. H&eacute;t&eacute;rotopies</span> pour une conf&eacute;rence donn&eacute;e au Cercle d&rsquo;&eacute;tudes architecturales le 14 mars 1967.</p> <p class="notesbaspage"><a class="FootnoteSymbol" href="#bodyftn10" id="ftn10">10</a> La commune d&rsquo;Osceola Township dans l&rsquo;Etat du Michigan, &agrave; l&rsquo;instar d&rsquo;autres depuis, conteste les droits d&rsquo;exploitation de Nestl&eacute; Water s&rsquo;appropriant le bien commun. Le m&ecirc;me d&eacute;bat oppose les populations de la r&eacute;gion de Vittel confront&eacute; &agrave; la surexploitation de la nappe phr&eacute;atique par Nestl&eacute; Water. &laquo;&nbsp;Loin de r&eacute;gler le probl&egrave;me, la solution propos&eacute;e pose une fois de plus la question de l&rsquo;accaparement d&rsquo;un bien commun pour des int&eacute;r&ecirc;ts priv&eacute;s. Dans le contexte actuel de changement climatique o&ugrave; l&rsquo;acc&egrave;s &agrave; la ressource en eau est de plus en plus difficile, il est n&eacute;cessaire d&rsquo;assurer le partage et une utilisation responsable de la ressource, et de faire passer les int&eacute;r&ecirc;ts &eacute;conomiques de certains groupes apr&egrave;s l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t g&eacute;n&eacute;ral.&nbsp;&raquo; Michel Dubromel, pr&eacute;sident de France Nature Environnement en 2018. Ces cas posent tous la question de l&rsquo;autorit&eacute; politique de la commune pr&eacute;servant les communs.</p> <p class="bibliographie">Carre de Malberg, Raymond, <em>Contribution &agrave; la th&eacute;orie g&eacute;n&eacute;rale de l&rsquo;&Eacute;tat</em>, 1920, Paris, Librairie du Recueil, Sirey.</p> <p class="bibliographie"><span lang="en" xml:lang="en">Festinger, L&eacute;on, </span><em><span lang="en" xml:lang="en">A cognitive dissonance theory</span></em><span lang="en" xml:lang="en">, 1957, Stanford, Stanford University Press.</span></p> <p class="bibliographie">Foucault, Michel, <em>Des espaces autres. H&eacute;t&eacute;rotopies</em>, Conf&eacute;rence au Cercle d&rsquo;&eacute;tudes architecturales, 14 mars 1967, in Architecture, Mouvement, Continuit&eacute;, n<sup>o</sup>&nbsp;5 (1984)&nbsp;: 46-49.</p> <p class="bibliographie">Guizot, Fran&ccedil;ois, <em>Des moyens de gouvernement et d&rsquo;opposition dans l&rsquo;&eacute;tat actuel de la France</em>, 1988 (1821), Paris, Edition Belin.</p> <p class="bibliographie">Joule, Robert Vincent, <em>Rationalisation et engagement dans la soumission librement consentie</em>, 1986, Universit&eacute; des sciences sociales de Grenoble.</p> <p class="bibliographie">Kelsen, Hans, <em>La d&eacute;mocratie, sa nature, sa valeur</em>, 1932, Paris, Librairie g&eacute;n&eacute;rale Sirey.</p> <p class="bibliographie">Renouvier, Charles, <em>Science de la morale</em>, 1869, Paris, Librairie philosophique de Ladrange.</p> <p class="bibliographie">Rousseau, Jean-Jacques, <em>Projet pour la Corse</em>, 1990, Paris, Editions Garnier Flammarion.</p> <p class="bibliographie">Rousseau, Jean-Jacques, <em>Du contrat social</em>, 1762, Amsterdam, Edition Marc Michel Rey.</p> <p class="bibliographie">Sieyes, Emmanuel-Joseph, <em>Vues sur les moyens d&rsquo;ex&eacute;cution dont les repr&eacute;sentants de la France pourront disposer en 1789</em>, 1789, Paris, sans &eacute;dition.</p>