<p style="text-align:justify"><em><span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Magali C&eacute;cile Bertrand pr&eacute;pare une th&egrave;se de doctorat en sciences du langage et didactique des langues &eacute;trang&egrave;res sous la direction du Professeur Bruno Maurer. Elle conduit depuis 2016 une observation ethnographique des lieux de transmission du yiddish. Les repr&eacute;sentations sociolinguistiques, le parcours et le rapport aux langues d&#39;apprenants et de choristes constituent les pierres angulaires de ses travaux de recherche.<br /> Son m&eacute;moire de Master 2 a re&ccedil;u le Prix scientifique des &eacute;ditions L&#39;Harmattan. Elle a publi&eacute; en 2021 <span style="background:white">L&rsquo;enseignement du yiddish en France. Subjectivit&eacute; et d&eacute;sirs de langue, Paris, L&rsquo;Harmattan, coll. &laquo;&nbsp;Prix scientifique&nbsp;&raquo;, pr&eacute;face de Frank Alvarez-Pereyre, postface de Ksenija Djordjevic L&eacute;onard.</span></span></span></span></span></span></span></em></p> <p class="Cahierspsycho-titre1">&nbsp;</p> <h2 class="Cahierspsycho-titre1" style="font-style:italic;"><span style="font-size:16pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Introduction</span></span></span></span></span></span></h2> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">L&rsquo;articulation de la langue et du politique peut prendre des voies surprenantes. Lors d&rsquo;entretiens dans le cadre d&rsquo;un travail sur le rapport subjectif aux langues<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span class="Ancredenotedebasdepage" style="vertical-align:super"><span class="Ancredenotedebasdepage" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">[1]</span></span></span></span></span></a>, un des informateurs &ndash; nous l&rsquo;appellerons Michel &ndash; &eacute;tablit un lien direct entre son d&eacute;sir d&rsquo;apprendre une langue et l&rsquo;&Eacute;tat auquel il l&rsquo;associe. Tout d&rsquo;abord prudemment, puis par une argumentation construite, Michel explique son manque de d&eacute;sir d&rsquo;h&eacute;breu par sa relation avec Isra&euml;l. Si d&rsquo;autres moments de son discours t&eacute;moignent d&rsquo;une association entre langue et &Eacute;tat, celle-ci est d&rsquo;autant plus int&eacute;ressante que la relation sur laquelle elle repose se construit aussi &agrave; partir d&rsquo;une langue, le yiddish. Langue mill&eacute;naire, fusionnant des &eacute;l&eacute;ments germaniques, slaves, s&eacute;mitiques et romans, le yiddish a surtout &eacute;t&eacute; parl&eacute; par les Ashk&eacute;nazes, les Juifs d&rsquo;Europe centrale et orientale. On lui attribue aujourd&rsquo;hui environ un million de locuteurs, principalement des orthodoxes vivant en Isra&euml;l et en Am&eacute;rique du Nord.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify">&nbsp;</p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Fran&ccedil;ais d&rsquo;origine polonaise et russe, Michel fait preuve d&rsquo;une grande r&eacute;flexivit&eacute; en pr&eacute;sentant son rapport &agrave; Isra&euml;l par le prisme de son &laquo;&nbsp;imaginaire linguistique&nbsp;&raquo; (Houdebine-Gravaud 2005). Ce dernier repose sur un faisceau de repr&eacute;sentations, que l&rsquo;on peut d&eacute;finir avec D.&nbsp;Jodelet comme &laquo;&nbsp;forme de connaissance, socialement &eacute;labor&eacute;e et partag&eacute;e, ayant une vis&eacute;e pratique et concourant &agrave; la construction d&rsquo;une r&eacute;alit&eacute; commune &agrave; un ensemble social&nbsp;&raquo; (2003, p.&nbsp;53). Si ce rapport singulier &agrave; l&rsquo;h&eacute;breu et &agrave; Isra&euml;l int&eacute;resse la didactique des langues et les moyens de traiter de la subjectivit&eacute; dans l&rsquo;enseignement et l&rsquo;apprentissage, il est de nature &agrave; contribuer aux sciences sociales de mani&egrave;re plus g&eacute;n&eacute;rale. Le r&eacute;seau de repr&eacute;sentations par lequel ce rapport s&rsquo;articule concourt &agrave; la &laquo;&nbsp;connaissance multidimensionnelle&nbsp;&raquo; qui caract&eacute;rise la pens&eacute;e complexe d&rsquo;Edgar Morin&nbsp;: cela pr&eacute;sente un int&eacute;r&ecirc;t pour la sociologie, les sciences du langage et la psychologie politique.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify">&nbsp;</p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dans un contexte o&ugrave; le lien entre yiddish et Isra&euml;l est parfois pr&eacute;sent&eacute; de mani&egrave;re cliv&eacute;e, recourir &agrave; un entretien biographique permet en outre de prendre le temps de la nuance&nbsp;: en faisant ce &laquo;&nbsp;r&eacute;cit de vie&nbsp;&raquo;, le sujet op&egrave;re des s&eacute;lections et une &laquo;&nbsp;mise en intrigue&nbsp;&raquo; d&rsquo;&eacute;v&eacute;nements (Nossik, 2011, p.&nbsp;124), il d&eacute;roule un discours o&ugrave; des repr&eacute;sentations peuvent se faire jour. Il faut &agrave; cet &eacute;gard souligner que l&rsquo;effet de grossissement &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle d&rsquo;une personne ne saurait g&eacute;n&eacute;raliser un rapport &agrave; Isra&euml;l qui serait typique des yiddishophones de diaspora, mais qu&rsquo;il s&rsquo;agit plut&ocirc;t assumer l&rsquo;approche qualitative pour en &laquo;&nbsp;tirer des enseignements &agrave; port&eacute;e g&eacute;n&eacute;rale qui ne sont pas tant fond&eacute;s sur la r&eacute;currence d&rsquo;une relation que sur la multiplicit&eacute; et la diversit&eacute; des indices qualitatifs qui la rendent plausible&nbsp;&raquo; (Hambye, 2015, p.&nbsp;91).</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify">&nbsp;</p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Je me propose donc dans cet article d&rsquo;explorer, au sein de cet entretien de 57 minutes, les indices de la relation entre langue et politique, entendu comme ce qui est relatif aux affaires de l&rsquo;&Eacute;tat. Conduisant une analyse par inf&eacute;rences, j&rsquo;aurai recours &agrave; des travaux issus des &eacute;tudes yiddish et de la sociolinguistique, qui &eacute;tudie le langage en tant que pratique sociale, pour mettre en regard les dynamiques propres &agrave; l&rsquo;individu, au groupe ou aux institutions. Il en r&eacute;sulte que le lien &eacute;troit que l&rsquo;informateur construit par son discours entre son rapport &agrave; l&rsquo;h&eacute;breu et son rapport &agrave; l&rsquo;&Eacute;tat d&rsquo;Isra&euml;l s&rsquo;articule au croisement de trois relations o&ugrave; langue et politique ont des implications diverses&nbsp;: langue et &Eacute;tat, apprentissage linguistique et affectivit&eacute; et enfin yiddish et politiques linguistiques.</span></span></span></span></span></p> <h2 class="Cahierspsycho-titre1" style="font-style:italic;"><span style="font-size:16pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">1. Langue et &Eacute;tat</span></span></span></span></span></span></h2> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Outre le lien explicite et d&eacute;taill&eacute; que Michel &eacute;tablit entre son rapport &agrave; Isra&euml;l et son d&eacute;sir d&rsquo;h&eacute;breu, l&rsquo;&eacute;vocation du polonais montre l&rsquo;association mentale entre langue et &Eacute;tat et sugg&egrave;re comment ce dernier peut se distinguer de la nation. Cette premi&egrave;re partie emprunte une perspective socio-historique pour pr&eacute;senter comment ces abstractions sont amen&eacute;es &agrave; (partiellement) co&iuml;ncider.</span></span></span></span></span></p> <h3 class="Cahierspsycho-titre2" style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><span style="font-size:14pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">1.1. Une association circulante</span></span></span></span></span></span></h3> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&Agrave; la consigne d&rsquo;&eacute;voquer les langues de sa vie, l&rsquo;informateur r&eacute;pond par son parcours biographique chronologique. Apr&egrave;s avoir &eacute;voqu&eacute; son enfance et sa p&eacute;riode de formation, il arrive aux autres langues rencontr&eacute;es. Si l&rsquo;association entre certaines langues et l&rsquo;&Eacute;tat se font sur un mode allusif, s&rsquo;appuyant sur des repr&eacute;sentations partag&eacute;es, le lien h&eacute;breu-Isra&euml;l est explicite et prudent.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Un lien explicite prudent</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Lorsqu&rsquo;il &eacute;voque l&rsquo;h&eacute;breu, Michel d&eacute;crit le contexte d&rsquo;apprentissage et en &eacute;value le r&eacute;sultat, comme il l&rsquo;a fait jusqu&rsquo;&agrave; ce moment de l&rsquo;entretien, mais il se produit quelque chose d&rsquo;in&eacute;dit. Pour la premi&egrave;re fois, il regarde l&rsquo;enregistreur sur la table du bistro o&ugrave; nous sommes et le d&eacute;signe du menton pour mettre en question l&rsquo;enregistrement de notre &eacute;change. Apr&egrave;s quelques pauses que j&rsquo;interpr&egrave;te comme prudentes et une modalisation de son propos par l&rsquo;adverbe &laquo;&nbsp;probablement&nbsp;&raquo;, il laisse plusieurs phrases en suspens jusqu&rsquo;&agrave; &eacute;mettre deux interrogations (dans les transcriptions suivantes, les barres obliques &laquo;&nbsp;/&nbsp;&raquo; d&eacute;signent des pauses plus ou moins courtes et les tirets &laquo;&nbsp;-&nbsp;&raquo; des interruptions)&nbsp;: &laquo;&nbsp;j&rsquo;ai essay&eacute; de faire d&rsquo;a- d&#39;apprendre l&rsquo;h&eacute;breu alors l&agrave; c&#39;est tr&egrave;s int&eacute;ressant [&hellip;] j&rsquo;ai fait &ccedil;a quatre ou cinq ans /// a rien donn&eacute; // j&#39;ai pas accroch&eacute; ///&nbsp; curieusement / alors j&#39;ai pas assez travaill&eacute; pour commencer faut quand m&ecirc;me travailler et j&#39;ai pas fait l&#39;investissement qu&#39;il fallait / et si j&#39;ai pas fait l&#39;investissement qu&#39;il fallait je pense que &ccedil;a a un rapport avec mon d&eacute;sir [rires] /// et / je pense que j&#39;avais pas un grand d&eacute;sir / et je pense que &ccedil;a tient / &agrave; ma relation // probablement avec Isra&euml;l // et avec le / parce que j&rsquo;ai /// je sais pas s&#39;il faut dire &ccedil;a [il regarde l&rsquo;enregistreur]&nbsp;&raquo;.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Il s&rsquo;interroge ici tout d&rsquo;abord sur l&rsquo;opportunit&eacute; d&rsquo;&eacute;mettre son propos (&laquo;&nbsp;je sais pas s&rsquo;il faut dire &ccedil;a&nbsp;&raquo;), sur celle de l&rsquo;enregistrer (&laquo;&nbsp;faut pas m&rsquo;en-&nbsp;&raquo;), puis m&rsquo;interroge, h&eacute;sitant, sur l&rsquo;utilisation que j&rsquo;en ferai (&laquo;&nbsp;vous allez utiliser nominativement euh&nbsp;&raquo;). Cette courte suite appara&icirc;t comme une phase de n&eacute;gociation avec lui-m&ecirc;me, en me consultant, et introduit de ce fait son propos comme sensible. Les autres &eacute;vocations de langues, mises en lien ou non avec un &Eacute;tat, ne font pas l&rsquo;objet de ces pr&eacute;cautions.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Un fonctionnement sur un mode allusif</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dans une m&ecirc;me s&eacute;quence de l&rsquo;entretien, Michel aborde les deux autres langues de ses parents. Le choix du p&egrave;re de ne pas parler polonais au fils est expliqu&eacute; par le rapport &agrave; la Pologne&nbsp;: &laquo;&nbsp;y a jamais eu la moindre [en souriant] envie de me transmettre du polonais parce qu&rsquo;il avait un rapport euh / -fin tu sais ce qu&rsquo;&eacute;tait le rapport un peu des juifs de Pologne avec la Pologne / ma m&egrave;re c&rsquo;tait pas pareil ma m&egrave;re avait pas d&rsquo;hostilit&eacute; vis-&agrave;-vis d&rsquo;son pays&nbsp;&raquo;. Ce lien causal appelle deux commentaires&nbsp;: Michel cr&eacute;e une opposition avec le rapport de sa m&egrave;re &agrave; &laquo;&nbsp;son pays&nbsp;&raquo;, alors qu&rsquo;elle non plus n&rsquo;a pas transmis le russe. Ici, un rapport non hostile n&rsquo;entra&icirc;ne pas de choix diff&eacute;rent du parent. D&rsquo;apr&egrave;s les pratiques familiales &eacute;voqu&eacute;es, o&ugrave; le yiddish &eacute;tait la langue commune des parents, dans laquelle ils ont &eacute;lev&eacute; Michel, ce passage fait appara&icirc;tre que si langue et &Eacute;tat (ou &laquo;&nbsp;pays&nbsp;&raquo;) peuvent se recouvrir, il existe d&rsquo;autres cat&eacute;gorisations auxquelles une langue peut correspondre. Les r&eacute;f&eacute;rents &laquo;&nbsp;Pologne&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;yiddish&nbsp;&raquo; ne co&iuml;ncident pas. Dans le contexte particulier est-europ&eacute;en, cette distinction fait &eacute;cho aux diff&eacute;rences entre &laquo;&nbsp;nationalit&eacute;&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;citoyennet&eacute;&nbsp;&raquo; et le yiddish appara&icirc;t comme langue nationale, non &eacute;tatique. D&rsquo;autre part, le savoir qu&rsquo;il me pr&ecirc;te se substitue &agrave; la caract&eacute;risation du &laquo;&nbsp;rapport&nbsp;&raquo; de son p&egrave;re&nbsp;: Michel n&rsquo;y ajoute pas d&rsquo;adjectif et choisit de faire appel aux connaissances de son interlocutrice. Il en r&eacute;sulte une quasi-reprise anaphorique (&laquo;&nbsp;-fin tu sais ce qu&rsquo;&eacute;tait...&nbsp;&raquo;), qui fait r&eacute;f&eacute;rence &agrave; l&rsquo;ellipse du segment de phrase pr&eacute;c&eacute;dent. Le contenu de ce savoir reste donc implicite, mais cette allusion induit que cet abandon de la langue polonaise est sinon consensuel, au moins compr&eacute;hensible.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Une repr&eacute;sentation partag&eacute;e</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La justification de l&rsquo;attitude de son p&egrave;re et, potentiellement, de tout un groupe social repose non seulement sur l&rsquo;association imm&eacute;diate entre &laquo;&nbsp;Pologne&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;langue polonaise&nbsp;&raquo;, mais aussi sur le fait que l&rsquo;exp&eacute;rience de vie des personnes juives en Pologne avant la guerre &eacute;tait marqu&eacute;e par une &laquo;&nbsp;hostilit&eacute;&nbsp;&raquo; (reprenons le terme par lequel Michel construit l&rsquo;opposition avec la situation de sa m&egrave;re) qui explique le rejet du polonais. Autrement dit, en me prenant &agrave; t&eacute;moin dans son discours, Michel ent&eacute;rine cette association entre l&rsquo;&Eacute;tat d&rsquo;origine de son p&egrave;re et le polonais qu&rsquo;il y parlait. En outre, en &laquo;&nbsp;se&nbsp;&raquo; faisant l&rsquo;&eacute;cho (implicitement, par mon interm&eacute;diaire) de ce qu&rsquo;&eacute;tait cette relation, de sa nature et pas seulement de son existence, il s&rsquo;appuie sur une autre repr&eacute;sentation partag&eacute;e, &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle de toute la population juive polonaise.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Plus t&ocirc;t dans l&rsquo;entretien, l&rsquo;&eacute;vocation du russe t&eacute;moigne du caract&egrave;re partag&eacute; de cette association entre langue et &Eacute;tat&nbsp;: &laquo;&nbsp;c&rsquo;&eacute;tait dans les ann&eacute;es d&eacute;but des ann&eacute;es soixante on &eacute;tait encore nombreux &agrave; penser que la Russie le russe c&rsquo;&eacute;tait une langue d&rsquo;avenir parce que l&rsquo;Union sovi&eacute;tique euh voil&agrave; / que p&rsquo;t-&ecirc;tre un jour [en riant] on serait occup&eacute; par l&rsquo;Union sovi&eacute;tique&nbsp;&raquo;. La correspondance langue-&Eacute;tat est cette fois &eacute;nonc&eacute;e, per&ccedil;ue par un collectif, quoique d&eacute;clinant. Au-del&agrave; d&rsquo;un int&eacute;r&ecirc;t utilitaire &agrave; apprendre le russe, cet extrait renseigne sur l&rsquo;imm&eacute;diatet&eacute; de l&rsquo;association &laquo;&nbsp;la Russie le russe&nbsp;&raquo;, sans pause, et le fait que l&rsquo;h&eacute;breu a, par les termes et le ton (souvent humoristique) employ&eacute;s pour qualifier les autres langues, une place r&eacute;solument &agrave; part dans son discours.</span></span></span></span></span></p> <h3 class="Cahierspsycho-titre2" style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><span style="font-size:14pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">1.2. Une construction politique</span></span></span></span></span></span></h3> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Cette distinction tient en outre au fait que Michel ancre cette langue-l&agrave; dans son contexte historique et politique&nbsp;: l&rsquo;h&eacute;breu est &eacute;voqu&eacute; dans son rapport &agrave; la construction de la nation isra&eacute;lienne, ce qui illustre l&rsquo;&eacute;laboration id&eacute;ologique du lien entre langue et &Eacute;tat. La construction de ce lien a &eacute;t&eacute; analys&eacute;e par de nombreux chercheurs et les dynamiques &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre s&rsquo;av&egrave;rent principalement de nature politique.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La &laquo;&nbsp;premi&egrave;re r&eacute;volution &eacute;colinguistique&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">L&rsquo;association langue-&Eacute;tat, qui circule au sein du discours de Michel et entre nous sur un mode allusif, participe d&rsquo;une id&eacute;ologie dont on trouve l&rsquo;origine en Europe de l&rsquo;Ouest aux XVI<sup>e</sup>/XVII<sup>e</sup> si&egrave;cles. D.&nbsp;Baggioni libelle cette p&eacute;riode comme &laquo;&nbsp;premi&egrave;re r&eacute;volution &eacute;colinguistique&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Au plurilinguisme transcend&eacute; par l&rsquo;usage &eacute;crit savant du seul latin succ&egrave;de [entre 1550 et 1650] une nouvelle &eacute;cologie, organis&eacute;e par le multilinguisme, ou coexistent les langues communes en voie de grammatisation dans des espaces d&eacute;coup&eacute;s plus ou moins &lsquo;&lsquo;stato-nationalement&rsquo;&rsquo;&nbsp;&raquo; (1997, p.&nbsp;74). Ces langues nationales, souligne A.-M. Thiesse, sont, comme les nations, de fabrication r&eacute;cente mais elles aussi &laquo;&nbsp;gratifi&eacute;es d&rsquo;une histoire qui remonte &agrave; la nuit des temps&nbsp;&raquo; (2014, n.p.).</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La &laquo;&nbsp;deuxi&egrave;me r&eacute;volution &eacute;colinguistique&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Si D.&nbsp;Baggioni s&rsquo;appuie sur De Mauro pour rappeler que l&rsquo;association langue-nation est enracin&eacute;e d&egrave;s l&rsquo;Antiquit&eacute;, il souligne le r&ocirc;le des romantiques allemands, au premier rang desquels J.&nbsp;G.&nbsp;von Herder, et le primat du politique dans cette association&nbsp;: &laquo;&nbsp;&Agrave; partir de la seconde moiti&eacute; du XVIII<sup>e</sup>, non plus seulement en Europe ou plut&ocirc;t dans certaines parties de l&#39;Europe, mais dans tout l&#39;Occident, le principe de la nationalit&eacute; devient la motivation dominante de la vie politique&nbsp;: donc le probl&egrave;me de la libert&eacute; humaine se pose comme probl&egrave;me de l&#39;autonomie politique de la nationalit&eacute;...&nbsp;&raquo; (1986, p.&nbsp;37). Pour A.-M. Thiesse, ce passage des monarchies vers les r&eacute;publiques est marqu&eacute; par un besoin de &laquo;&nbsp;communication horizontale et verticale&nbsp;&raquo;&nbsp;; la p&eacute;riode r&eacute;volutionnaire est suivie pour D.&nbsp;Baggioni de &laquo;&nbsp;liens nouveaux qu&#39;&eacute;tablissent les intellectuels avec les masses et avec l&#39;action politique&nbsp;&raquo; (1986, p.&nbsp;40). Le groupe est donc aussi d&eacute;fini par une langue, qui remplit de nouvelles fonctions. C&rsquo;est la &laquo;&nbsp;deuxi&egrave;me r&eacute;volution &eacute;colinguistique&nbsp;&raquo; qui court du XIX<sup>e</sup> au XX<sup>e</sup> si&egrave;cle selon les territoires&nbsp;: &laquo;&nbsp;[&hellip;] les &Eacute;tats-nations, mobilisant plus activement les populations territorialis&eacute;es (par la scolarisation de masse, la politisation, l&rsquo;encadrement administratif), cherchent &agrave; homog&eacute;n&eacute;iser linguistiquement l&rsquo;espace national au moyen d&rsquo;une langue commune devenue de ce fait langue nationale&nbsp;&raquo; (Baggioni, 1997, p.&nbsp;55).</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dans le monde ashk&eacute;naze</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dans le monde juif d&rsquo;Europe centrale et orientale, majoritairement yiddishophone, les dynamiques sont similaires. M.&nbsp;Abitbol souligne les processus d&rsquo;acculturation qu&rsquo;ont connu les Juifs lors de cette &laquo;&nbsp;v&eacute;ritable m&eacute;tamorphose politique, &eacute;conomique et sociale&nbsp;&raquo; de leur contexte jusqu&rsquo;au XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle. A.-M.&nbsp;Thiesse souligne que &laquo;&nbsp;[l]es premiers &eacute;rudits juifs qui, au sein de l&rsquo;Association pour la culture et la science des Juifs (Verein f&uuml;r Kultur und Wissenschaft der Juden), fond&eacute;e en 1819, se penchent sur la langue et la culture yiddish ont une connaissance &eacute;tendue de la pens&eacute;e herd&eacute;rienne et des travaux des Grimm&nbsp;&raquo;, qui ont beaucoup contribu&eacute; &agrave; un &laquo;&nbsp;cosmopolitisme du national&nbsp;&raquo; (2014, n.p.). Leur discours charrie cependant les persistantes repr&eacute;sentations n&eacute;gatives sur le yiddish&nbsp;: &laquo;&nbsp;jargon&nbsp;&raquo;, langue &laquo;&nbsp;corrompue&nbsp;&raquo; car souvent per&ccedil;ue &agrave; travers l&rsquo;allemand. La fusion d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments slaves et de traits propres aux substrats germanique et s&eacute;mitique du yiddish est alors consid&eacute;r&eacute;e comme une atteinte &agrave; l&rsquo;int&eacute;grit&eacute; de la langue. La r&eacute;habilitation du yiddish a lieu plus tard, alors que l&rsquo;assimilation linguistique en faveur de l&rsquo;allemand est avanc&eacute;e et que l&rsquo;antis&eacute;mitisme monte dans la zone de r&eacute;sidence d&eacute;volue aux Juifs dans l&rsquo;Empire russe. &laquo;&nbsp;C&rsquo;est surtout dans les derni&egrave;res d&eacute;cennies du XIX&egrave;me si&egrave;cle, lorsque l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;une nation juive prend v&eacute;ritablement corps, que se d&eacute;veloppe un int&eacute;r&ecirc;t nouveau pour la langue et la culture yiddish&nbsp;&raquo; &eacute;crit A.-M.&nbsp;Thiesse (2014, n.p.). Comme pour d&rsquo;autres langues, commence une qu&ecirc;te des origines, du patrimoine &eacute;crit et surtout oral, marqu&eacute;e par la menace de la modernit&eacute; et l&rsquo;urgence.</span></span></span></span></span></p> <h3 class="Cahierspsycho-titre2" style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><span style="font-size:14pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">1.3. Du standard au symbole&nbsp;: &eacute;tats du yiddish</span></span></span></span></span></span></h3> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Pour en donner un bref aper&ccedil;u, il faut aborder les transformations op&eacute;r&eacute;es pour que la langue puisse accomplir la fonction unificatrice qu&rsquo;on lui pr&ecirc;te, en m&ecirc;me temps que les moyens par lesquels elle peut se diffuser. Mettant un arr&ecirc;t brutal &agrave; ce projet, notamment mis en &oelig;uvre par le r&eacute;seau d&rsquo;&eacute;coles Tshisho en Pologne, le g&eacute;nocide a eu des cons&eacute;quences particuli&egrave;res, la langue minor&eacute;e devenant langue minoritaire.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">R&eacute;habiliter et standardiser la langue</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Pour servir la pr&eacute;tention &agrave; l&rsquo;universalit&eacute; d&rsquo;une langue jusque-l&agrave; cantonn&eacute;e &agrave; des usages populaires, on outille le yiddish, &laquo;&nbsp;entre autres par une r&eacute;flexion th&eacute;orique et la fabrication d&rsquo;outils techniques, essentiellement des manuels scolaires, des grammaires ou des dictionnaires&nbsp;&raquo; (Baumgarten, 2002, p.&nbsp;69). Cet effort de r&eacute;habilitation implique donc une r&eacute;flexion sur la standardisation de la langue. Au d&eacute;but du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle, des intellectuels, parmi lesquels Solomon Birnbaum et Max Weinreich, entreprennent de fixer un yiddish &laquo;&nbsp;standard&nbsp;&raquo;, une langue consid&eacute;r&eacute;e comme &laquo;&nbsp;normale&nbsp;&raquo;, qui puisse faire r&eacute;f&eacute;rence. Comme le souligne J.&nbsp;Baumgarten, &laquo;&nbsp;[o]n peut m&ecirc;me parler de planification linguistique, puisque cet effort collectif ne fut pas seulement l&rsquo;apanage des philologues&nbsp;: il mobilisa, durant plus d&rsquo;un demi-si&egrave;cle, les principaux r&eacute;seaux de diffusion de la langue, que ce soit l&rsquo;enseignement, la presse, le monde politique ou la litt&eacute;rature&nbsp;&raquo; (2002, p.&nbsp;71).</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La question nationale juive</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">En cette m&ecirc;me p&eacute;riode de la fin du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle et du d&eacute;but du XX<sup>e</sup>, se pose aussi la question du devenir du peuple juif. S&rsquo;il peut se sentir exister en tant que tel, car d&eacute;fini par une religion, il me semble f&eacute;cond, &eacute;tant donn&eacute; la progression de la s&eacute;cularisation et l&rsquo;importance de la question linguistique (nous aborderons la conf&eacute;rence &laquo;&nbsp;de Czernowitz&nbsp;&raquo; dans la partie suivante), de consid&eacute;rer la proposition de B.&nbsp;Anderson. L&rsquo;id&eacute;e nationale devrait sa diffusion, au-del&agrave; d&rsquo;un enracinement culturel pr&eacute;-existant, &agrave; &laquo;&nbsp;l&rsquo;essor de l&rsquo;imprim&eacute;-marchandise&nbsp;&raquo; (1996, p.&nbsp;77) &ndash; ce que M. Mauss pr&eacute;sente d&egrave;s 1920 comme un &eacute;l&eacute;ment de connaissance partag&eacute;. B.&nbsp;Anderson avance que &laquo;&nbsp;trois conceptions culturelles fondamentales [&hellip;] ont perdu leur empire axiomatique sur l&rsquo;esprit des hommes&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;l&rsquo;id&eacute;e qu&rsquo;une langue-&eacute;criture particuli&egrave;re offrait un acc&egrave;s privil&eacute;gi&eacute; &agrave; la v&eacute;rit&eacute; ontologique&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;la conviction que la soci&eacute;t&eacute; &eacute;tait naturellement organis&eacute;e autour et au-dessous de centres &eacute;minents&nbsp;&raquo;&nbsp;; et &laquo;&nbsp;une conception de la temporalit&eacute; dans laquelle cosmologie et histoire se confondaient&nbsp;&raquo; (1996, p.&nbsp;47). Il en r&eacute;sulte une qu&ecirc;te aboutissant &agrave; la formation d&rsquo;une &laquo;&nbsp;communaut&eacute; politique imaginaire&nbsp;&raquo; et dans laquelle la presse et le roman ont un r&ocirc;le d&eacute;cisif&nbsp;: &laquo;&nbsp;Rien, peut-&ecirc;tre, ne pr&eacute;cipita davantage cette qu&ecirc;te ni ne la rendit plus f&eacute;conde que le capitalisme de l&rsquo;imprim&eacute; qui permit &agrave; une masse rapidement croissante de gens de se penser et de se rattacher &agrave; autrui en termes profond&eacute;ment nouveaux&nbsp;&raquo; (1996, p.&nbsp;47). Dans cette perspective et par l&rsquo;&eacute;migration des Juifs d&rsquo;Europe, le yiddish en vient en effet &agrave; constituer &laquo;&nbsp;l&rsquo;instance la plus globale [&hellip;], un r&eacute;seau dont les mailles &eacute;taient la parole qui circulait entre r&eacute;gions, &Eacute;tats, pays, continents&nbsp;&raquo; (Ertel, 2003, p.&nbsp;50).</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Vers un processus de postvernacularisation</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La deuxi&egrave;me guerre mondiale cause la perte de millions de locuteurs (estim&eacute;s &agrave; environ 11 millions en 1935, voir Fishman, 2012), ce qui entra&icirc;ne un changement analys&eacute; par J.&nbsp;Shandler. Il avance que la situation d&eacute;molinguistique apr&egrave;s-guerre implique un engagement plus important lors d&rsquo;actes de langage en yiddish&nbsp;: &laquo;&nbsp;Increasingly, Yiddish speech must be willed into existence, constructed and monitored with unprecedented deliberateness. </span></span><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">It has become, therefore, more performative in its very nature&nbsp;&raquo; (2004, p.&nbsp;22). </span></span><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Pour J.&nbsp;Shandler, observateur de cette &eacute;volution en milieu s&eacute;culier aux &Eacute;tats-Unis, &laquo;&nbsp;la rupture dans la continuit&eacute; interg&eacute;n&eacute;rationelle et l&rsquo;&eacute;rosion de la distinction socioculturelle juive&nbsp;&raquo; conduisent &agrave; un d&eacute;clin de la pratique (2004, p.&nbsp;22, ma traduction). Celle-ci devenant plus rare, la valeur symbolique de l&rsquo;emploi du yiddish se renforce&nbsp;; pour d&eacute;crire ce changement, J.&nbsp;Shandler forge le terme de yiddish &laquo;&nbsp;postvernaculaire&nbsp;&raquo;. Cet adjectif d&eacute;signe une langue d&eacute;passant l&rsquo;&eacute;tat de moyen de communication habituel, ordinaire (c&rsquo;est en cela que ces analyses et mon travail ne sauraient d&eacute;crire le yiddish en milieu orthodoxe, o&ugrave; il est souvent vernaculaire, habituel). Dans ce cadre conceptuel, Netta R. Avineri postule une &laquo;&nbsp;communaut&eacute; m&eacute;talinguistique&nbsp;&raquo;&nbsp;: elle d&eacute;crit ainsi un groupe d&rsquo;&laquo;&nbsp;acteurs sociaux engag&eacute;s en premier lieu dans un discours sur la langue et les symboles culturels attach&eacute;s &agrave; la langue&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;dans une &ldquo;socialisation de nostalgie&rdquo;&nbsp;&raquo; (2012, p.&nbsp;ii-iii, ma traduction). Ces deux concepts sont cruciaux pour comprendre le contexte que d&eacute;crit Michel dans l&rsquo;entretien.</span></span></span></span></span></p> <h2 class="Cahierspsycho-titre1" style="font-style:italic;"><span style="font-size:16pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">2. Apprentissage linguistique et affectivit&eacute;</span></span></span></span></span></span></h2> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ce glissement du yiddish &laquo;&nbsp;postvernaculaire&nbsp;&raquo; vers une valeur symbolique plus forte est corr&eacute;l&eacute; &agrave; une dimension affective positive. Michel &eacute;voque l&rsquo;importance de cette dimension pour lui-m&ecirc;me, comme pour des personnes qu&rsquo;il c&ocirc;toie, physiquement et virtuellement &ndash; et qui &agrave; ce stade de mes observations me semblent davantage engag&eacute;es dans des discours m&eacute;talinguistiques sur le yiddish qu&rsquo;en yiddish. Parcourant ses exp&eacute;riences scolaires comme ult&eacute;rieures, il &eacute;voque des int&eacute;r&ecirc;ts instrumentaux pour certaines langues, tout en &eacute;tablissant explicitement et parfois plus subtilement une relation entre l&rsquo;apprentissage linguistique et l&rsquo;affectivit&eacute;, comprise comme l&rsquo;ensemble des &eacute;motions et sentiments.</span></span></span></span></span></p> <h3 class="Cahierspsycho-titre2" style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><span style="font-size:14pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">2.1. L&rsquo;&laquo;&nbsp;&eacute;vidence&nbsp;&raquo; du rapport affectif</span></span></span></span></span></span></h3> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Le rapport &laquo;&nbsp;affectif&nbsp;&raquo;, au yiddish comme &agrave; la langue maternelle, est d&rsquo;embl&eacute;e &eacute;nonc&eacute; comme &eacute;vident. Au fil des exemples, les siens et ceux du rapport de ses parents &agrave; leurs &Eacute;tats d&rsquo;origine, se tisse un r&eacute;seau d&rsquo;associations linguistiques, sentimentales et corporelles.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">L&rsquo;affirmation de l&rsquo;importance de l&rsquo;affectivit&eacute;</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">D&egrave;s le d&eacute;but de l&rsquo;entretien, il inscrit la langue dans un faisceau de repr&eacute;sentations de nature affective, teint&eacute;e de tristesse lorsqu&rsquo;il &eacute;voque d&rsquo;autres personnes n&eacute;es comme lui pendant ou apr&egrave;s la guerre&nbsp;: &laquo;&nbsp;m&ecirc;me si on a des rapports affectifs particuliers avec cette langue-l&agrave;, parce que bon &ccedil;a &ccedil;a renvoie &agrave; des tas de &agrave; toute histoire &agrave; des souvenirs familiaux euh souvent tristes&nbsp;&raquo;. Il revient ensuite &agrave; la consigne sur son propre rapport aux langues et situe son propos plus proche de lui (et plus proche de la vie, suis-je tent&eacute;e d&rsquo;avancer en entendant cette pr&eacute;cision sur qui sont ces &laquo;&nbsp;parents&nbsp;&raquo;)&nbsp;: &laquo;&nbsp;euh et donc mon rapport &eacute;videmment au yiddish c&rsquo;est effectivement un rapport affectif parce que c&#39;est la langue de mes parents / de ma m&egrave;re et de mon p&egrave;re / et c&#39;est la langue que j&#39;ai parl&eacute;e enfant&nbsp;&raquo;. La famille et l&rsquo;enfance apparaissent ici &agrave; un p&ocirc;le positif. C&rsquo;est &agrave; peine plus tard le cas de la langue, lorsqu&rsquo;il d&eacute;crit les pratiques familiales&nbsp;: il emploie l&rsquo;adjectif &laquo;&nbsp;confortable&nbsp;&raquo; pour justifier le choix de chaque personne de s&rsquo;exprimer en fran&ccedil;ais ou en yiddish. Ce court passage instaure l&rsquo;affectivit&eacute; comme cl&eacute;, selon deux id&eacute;es qui irriguent tout l&rsquo;entretien&nbsp;: le rapport affectif, sentimental, entre g&eacute;n&eacute;rations et l&rsquo;inscription de la langue dans le corps.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Une perspective ph&eacute;nom&eacute;nologique</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Pour la philosophie de la ph&eacute;nom&eacute;nologie, l&rsquo;affectivit&eacute; constitue le premier rapport au monde, le &laquo;&nbsp;mode original de conscience&nbsp;&raquo; (Merleau-Ponty, 1945 p.&nbsp;181). C&rsquo;est donc en &eacute;voquant &agrave; la fois des repr&eacute;sentations de la langue &laquo;&nbsp;dans&nbsp;&raquo; le corps et des &eacute;motions, qui sont de nature corporelle, en les situant entre exp&eacute;riences de plaisir et de peine, que Michel ancre son discours dans une perspective ph&eacute;nom&eacute;nologique. Lier la langue &agrave; l&rsquo;id&eacute;e de confort r&eacute;sonne avec d&rsquo;autres passages de l&rsquo;entretien o&ugrave; il d&eacute;crit, soit chez lui-m&ecirc;me, soit chez des personnes qu&rsquo;il observe, la langue comme exp&eacute;rience fondamentalement physique. De mani&egrave;re assez coh&eacute;rente avec la r&eacute;alit&eacute; acoustique (la parole est une &laquo;&nbsp;technique du corps&nbsp;&raquo;, selon l&rsquo;expression de M.&nbsp;Mauss&nbsp;; nous &eacute;mettons et percevons des sons &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de notre corps), il situe &laquo;&nbsp;dans la bouche et dans l&rsquo;oreille&nbsp;&raquo; la langue, les mots et l&rsquo;accent, qui sont sujets &agrave; des flux et procurent des sensations agr&eacute;ables comme p&eacute;nibles.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Indices discursifs</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ce &laquo;&nbsp;dedans&nbsp;&raquo; est tout d&rsquo;abord l&rsquo;int&eacute;rieur de la t&ecirc;te de sa m&egrave;re. Alors que lui doit apprendre le russe par la grammaire, elle dispose d&rsquo;un savoir intraduisible. Au mode binaire du fils, offrant deux options n&eacute;cessairement exclusives (verbe perfectif ou imperfectif&nbsp;?), r&eacute;pond le mode circulaire d&rsquo;un examen par r&eacute;p&eacute;tition, qui finit par d&eacute;terminer quelle option est valide&nbsp;: &laquo;&nbsp;elle comprenait pas, alors quand je lui disais une phrase elle s&rsquo;la r&eacute;p&eacute;tait dans la t&ecirc;te et elle disait est-ce &ccedil;a colle est ce que &ccedil;a colle pas&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est un autre mouvement circulaire, r&eacute;p&eacute;t&eacute; qu&rsquo;il mobilise pour d&eacute;crire la langue maternelle, celui de la mastication&nbsp;: &laquo;&nbsp;on sent tout de suite hein &eacute;videmment la diff&eacute;rence / entre les gens dont c&rsquo;est vraiment l- authentiquement la langue maternelle [et] les gens qui ont qui l&rsquo;ont appris [&hellip;] on sent une langue qui n&rsquo;est pas // m&acirc;ch&eacute;e [rire] comme on m&acirc;che sa propre langue&nbsp;&raquo;. L&rsquo;ingestion se pr&eacute;sente &agrave; nouveau dans son discours, dans un mouvement cette fois vertical, ascendant et descendant. Un mot, &laquo;&nbsp;enfoui&nbsp;&raquo; dans la m&eacute;moire, revient et comme dans la r&eacute;miniscence proustienne qu&rsquo;il &eacute;voque, il charrie avec lui &laquo;&nbsp; toutes les sensations associ&eacute;es &agrave; ce mot&nbsp;&raquo;. &Agrave; la fin de l&rsquo;entretien, il souhaite ajouter quelque chose et se fait le relais de personnes qui refusent &laquo;&nbsp;le yiddish que que que qu&rsquo;on n- qu&rsquo;on nous oblige &agrave; avaler dans les cours&nbsp;&raquo;. Si le mot-madeleine de la m&eacute;moire incorpor&eacute;e &eacute;tait pr&eacute;sent&eacute; de mani&egrave;re positive, agr&eacute;able (&laquo;&nbsp;voil&agrave; donc c&#39;est tr&egrave;s tout &ccedil;a est tr&egrave;s affectif tr&egrave;s &eacute;mo-tionnel&nbsp;&raquo;) et oppos&eacute; &agrave; un &laquo;&nbsp;point de vue acad&eacute;mique&nbsp;&raquo;, la sensation physique associ&eacute;e &agrave; l&rsquo;accent du cours de yiddish (standard) est ici douloureuse et la chose ing&eacute;r&eacute;e con&ccedil;ue comme du non-soi. Ainsi, et malgr&eacute; des propri&eacute;t&eacute;s d&rsquo;&laquo;&nbsp;utilit&eacute;&nbsp;&raquo; qu&rsquo;il reconna&icirc;t &agrave; la langue, Michel la lie surtout &agrave; l&rsquo;affectivit&eacute;. Cela n&rsquo;est pas uniquement le cas des langues de sa famille.</span></span></span></span></span></p> <h3 class="Cahierspsycho-titre2" style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><span style="font-size:14pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">2.2. Le manque de d&eacute;sir</span></span></span></span></span></span></h3> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">C&rsquo;est de mani&egrave;re plus subtile qu&rsquo;il semble par la suite indiquer le r&ocirc;le de la dimension affective. En &eacute;tablissant une comparaison avec une autre technique du corps, la nage, mais aussi par l&rsquo;&eacute;vocation du sentiment amoureux, il pr&eacute;sente un rapport &agrave; l&rsquo;allemand qui &eacute;claire son &eacute;vocation, centrale, de l&rsquo;h&eacute;breu et illustre le manque de d&eacute;sir qui le caract&eacute;rise. Dans les deux cas, le contexte socio-politique constitue un arri&egrave;re-plan constant.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La force du sentiment amoureux</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ayant commenc&eacute; l&rsquo;allemand pendant ses &eacute;tudes sup&eacute;rieures, qu&rsquo;il comprend en partie gr&acirc;ce au yiddish, Michel rapporte la rudesse de cette d&eacute;couverte&nbsp;: &laquo;&nbsp;je me suis je me suis heurt&eacute; &agrave; la &agrave; la relation entre le yiddish et l&rsquo;allemand&nbsp;&raquo;. Il fait &eacute;tat de ses difficult&eacute;s li&eacute;es &agrave; la grande proximit&eacute; entre les deux langues en &eacute;voquant &laquo;&nbsp;la brasse coul&eacute;e&nbsp;&raquo; (rappelons que le corps est enti&egrave;rement immerg&eacute;, donc en apn&eacute;e, la plupart du temps et que cette nage est parmi les plus lentes et les plus techniques), des &laquo;&nbsp;blocages&nbsp;&raquo;, des tentatives ult&eacute;rieures infructueuses, jusqu&rsquo;&agrave; une p&eacute;riode r&eacute;cente de sa vie. Une rencontre s&rsquo;av&egrave;re d&eacute;cisive dans son discours, d&rsquo;une part par le moment o&ugrave; il la nomme (j&rsquo;y reviendrai) et d&rsquo;autre part par le contenu de ce r&eacute;cit et ses r&eacute;sonances au sein de l&rsquo;entretien. Il s&rsquo;agit de la m&egrave;re d&rsquo;un &laquo;&nbsp;tr&egrave;s bon ami&nbsp;&raquo; (la figure parentale &eacute;tait d&egrave;s les premi&egrave;res minutes de l&rsquo;entretien associ&eacute;e &agrave; une langue &laquo;&nbsp;authentique&nbsp;&raquo; et digne d&rsquo;affection, de &laquo;&nbsp;tendresse&nbsp;&raquo;), qui vient d&rsquo;une ville plurilingue, Czernowitz, o&ugrave; les Juifs auraient &eacute;t&eacute; &laquo;&nbsp;amoureux de la langue allemande&nbsp;&raquo;. La mention de cette relation &agrave; l&rsquo;allemand r&eacute;sonne avec l&rsquo;emploi du m&ecirc;me adjectif lorsqu&rsquo;il &eacute;voque son rapport &agrave; l&rsquo;h&eacute;breu. Insistant l&agrave; aussi sur &laquo;&nbsp;amoureux&nbsp;&raquo;, Michel d&eacute;plore un manque d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t qu&rsquo;il pr&ecirc;te aux g&eacute;n&eacute;rations actuelles d&rsquo;Isra&eacute;liens pour le yiddish de leurs grand-parents&nbsp;: &laquo;&nbsp;c&rsquo;que j&#39;attendrais / c&rsquo;est un rapport y compris par les gens qui parlent l&rsquo;h&eacute;breu j&rsquo;ai pas euh mais qui a un rapport affectif un rapport amoureux avec cette langue&nbsp;&raquo;. L&rsquo;approche qui est la mienne ne vise pas &agrave; d&eacute;terminer une &laquo;&nbsp;v&eacute;rit&eacute;&nbsp;&raquo; &agrave; propos de l&rsquo;apprentissage d&rsquo;une langue, mais d&rsquo;analyser comment des apprenants, par leur mani&egrave;re d&rsquo;en parler, l&rsquo;envisagent. Dans cette perspective, son discours fait donc appara&icirc;tre l&rsquo;importance d&rsquo;un sentiment amoureux. Pas n&eacute;cessairement le sien&nbsp;: il parle de celui des Juifs de Czernowitz, que l&rsquo;on peut donc aussi attribuer &agrave; cette femme. Il parle aussi de celui qui fait d&eacute;faut chez les Isra&eacute;liens, expliquant l&rsquo;absence du yiddish dans leurs vies. En n&eacute;gatif, cela fait ressortir le fait qu&rsquo;il n&rsquo;ait &laquo;&nbsp;pas accroch&eacute;&nbsp;&raquo; avec l&rsquo;h&eacute;breu, comme si les textures respectives, pour ainsi dire, de Michel et de cette langue pr&eacute;sentaient des asp&eacute;rit&eacute;s incompatibles et faisaient &eacute;chouer la rencontre.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Un objet incarn&eacute;</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Mettre en regard les constructions discursives de son rapport &agrave; l&rsquo;allemand et &agrave; l&rsquo;h&eacute;breu, c&rsquo;est-&agrave;-dire comment selon quels crit&egrave;res, il parle de l&rsquo;une et l&rsquo;autre langue, fait appara&icirc;tre un jeu sinon d&rsquo;oppositions, au moins de contrastes entre sentiment amoureux et &laquo;&nbsp;hostilit&eacute;&nbsp;&raquo; (qu&rsquo;il &eacute;voque pour d&eacute;crire l&rsquo;attitude de parents isra&eacute;liens envers leurs enfants apprenant le yiddish lors d&rsquo;un cours d&rsquo;&eacute;t&eacute;), ainsi qu&rsquo;entre disponibilit&eacute; et absence. La m&egrave;re de son ami n&rsquo;est pas seulement une figure a priori positive, elle est aussi, et simplement, pr&eacute;sente. La r&eacute;alit&eacute; d&eacute;mographique de la population ashk&eacute;naze figure souvent dans mes observations&nbsp;: le g&eacute;nocide a non seulement cr&eacute;&eacute; un vide g&eacute;n&eacute;rationnel (les personnes n&eacute;es apr&egrave;s-guerre relatent par exemple leur malaise quand leurs camarades de classe parlaient de leurs vacances chez les grands-parents), mais aussi dans les discours (il n&rsquo;est pas rare que le yiddish ait &eacute;t&eacute; la langue exclusive des adultes ou simplement tu, cr&eacute;ant une vacance que certains viennent combler dans des cours une fois adultes). Il me semble donc que le contexte donne son importance &agrave; cette disponibilit&eacute;, qui entre en tension avec l&rsquo;absence identifi&eacute;e en Isra&euml;l&nbsp;: &laquo;&nbsp;mais j&rsquo;sais pas euh fais une p&rsquo;tite place pour tes grands-parents&nbsp;&raquo; murmure Michel, t&ecirc;te baiss&eacute;e. &Agrave; la diff&eacute;rence des autres langues, l&rsquo;h&eacute;breu n&rsquo;est pas &laquo;&nbsp;mis en sc&egrave;ne&nbsp;&raquo; dans l&rsquo;entretien en tant que langue de communication, personne ne &laquo;&nbsp;parle&nbsp;&raquo; h&eacute;breu dans son discours.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Un ancrage pr&eacute;cis</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Par ailleurs, l&rsquo;ancrage de cette femme me semble tout aussi signifiant. Tandis que lui dit avoir eu du mal &agrave; se situer entre yiddish et allemand (en employant la pr&eacute;position &laquo;&nbsp;dans&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;je ne savais jamais dans quelle langue j&#39;&eacute;tais&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;quand je me mets dans l&rsquo;allemand&nbsp;&raquo;), elle peut pr&eacute;cis&eacute;ment l&rsquo;&ecirc;tre &ndash; et non dans le moindre des lieux de la cartographie yiddish. Czernowitz (aujourd&rsquo;hui Chernivtsi, en Ukraine) fut une ville culturellement importante pour les Ashk&eacute;nazes et de nombreuses personnalit&eacute;s litt&eacute;raires y sont associ&eacute;es. Cet ancrage g&eacute;ographique conf&egrave;re donc une connotation prestigieuse &agrave; l&rsquo;allemand et rev&ecirc;t une importance particuli&egrave;re, certes dans un contexte historique de d&eacute;portations de populations, mais surtout au sein m&ecirc;me de l&rsquo;entretien. Car aucun lieu pr&eacute;cis n&rsquo;est cit&eacute; lorsqu&rsquo;il &eacute;voque l&rsquo;h&eacute;breu ou Isra&euml;l. Il y a du dedans et du dehors, du x&eacute;nos, invit&eacute; et ami, &eacute;tranger et ennemi&nbsp;: &laquo;&nbsp;celui qui arrive de l&#39;ext&eacute;rieur&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;l&agrave;-bas&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;pays oriental&nbsp;&raquo; sont employ&eacute;s, mais aucune ville ni r&eacute;gion. De la m&ecirc;me fa&ccedil;on que la langue n&rsquo;est pas &laquo;&nbsp;incarn&eacute;e&nbsp;&raquo; par un locuteur dans son discours, elle n&rsquo;est pas non plus situ&eacute;e pr&eacute;cis&eacute;ment. Comme nous le verrons ci-apr&egrave;s, son absence &agrave; lui aussi, dans la citoyennet&eacute; isra&eacute;lienne, lui serait reproch&eacute;e. Tout en se gardant de sur-interpr&eacute;ter ces &eacute;l&eacute;ments, il faut constater que le rapport de Michel &agrave; l&rsquo;h&eacute;breu est construit, dans cet ensemble fini que constitue notre entretien, par le d&eacute;faut&nbsp;: un d&eacute;sir qui n&rsquo;est ni &laquo;&nbsp;grand&nbsp;&raquo;, ni &laquo;&nbsp;vraiment&nbsp;&raquo; l&agrave;&nbsp;; un objet de d&eacute;sir qui, par le contraste avec l&rsquo;&eacute;vocation d&rsquo;autres langues, n&rsquo;appara&icirc;t ni incarn&eacute;, ni ancr&eacute;.</span></span></span></span></span></p> <h3 class="Cahierspsycho-titre2" style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><span style="font-size:14pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">2.3. Le poids de repr&eacute;sentations sociolinguistiques</span></span></span></span></span></span></h3> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Les sentiments et la dialectique de l&rsquo;absence et de la pr&eacute;sence sont donc mobilis&eacute;s par Michel pour expliquer les (non) r&eacute;ussites de ses apprentissages, par leur contenu m&ecirc;me et par leur agencement dans son discours. De mani&egrave;re exemplaire, le passage sur la rencontre d&eacute;cisive pour l&rsquo;allemand montre l&rsquo;intrication de ces deux modalit&eacute;s et donne une illustration du poids des repr&eacute;sentations qui ont la langue pour objet, o&ugrave; la dimension politique est en filigrane.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Une relation &agrave; chaque fois singuli&egrave;re</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Le moment de l&rsquo;&eacute;vocation de la rencontre avec cette femme originaire de Czernowitz ne me semble pas anodin. L&rsquo;apparente digression entre les deux &laquo;&nbsp;germanophone&nbsp;&raquo; dans l&rsquo;extrait suivant s&rsquo;av&egrave;re d&eacute;terminante dans le r&eacute;cit du succ&egrave;s de son apprentissage de l&rsquo;allemand. Dans cet esprit, le &laquo;&nbsp;et donc bon&nbsp;&raquo; vient clore &agrave; la fois la possibilit&eacute; de faire un cours sur Czernowitz et cette s&eacute;quence-pivot du r&eacute;cit&nbsp;: &laquo;&nbsp;et c&rsquo;est seulement beaucoup plus tard je dirais au cours des /// vingtaine de derni&egrave;res ann&eacute;es / maximum quinze vingt derni&egrave;res ann&eacute;es j&rsquo;ai dit je vais m&rsquo;y mettre vraiment ! alors j&#39;ai un tr&egrave;s bon ami dont la m&egrave;re est germanophone / venant de Czernowitz / les Juifs de Czernowitz ceux qui &eacute;taient un peu &eacute;duqu&eacute;s parlaient allemand ils &eacute;taient amoureux de la langue allemande -pas refaire tout l&rsquo;cours sur la litt&eacute;rature d&rsquo;origine de Czernowitz et donc bon / germanophone / et on a d&eacute;cid&eacute; avec lui de v&rsquo;nir / une fois par semaine faire de l&rsquo;allemand avec elle&nbsp;&raquo;.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Alors que Michel aurait pu d&rsquo;embl&eacute;e &eacute;voquer la &laquo;&nbsp;technique&nbsp;&raquo; &agrave; laquelle il attribue ensuite son actuel &laquo;&nbsp;niveau correct&nbsp;&raquo; en allemand, il op&egrave;re par ce passage, &laquo;&nbsp;balis&eacute;&nbsp;&raquo; par les deux &laquo;&nbsp;germanophone&nbsp;&raquo;, la transition entre la phase du &laquo;&nbsp;&ccedil;a v&rsquo;nait pas&nbsp;&raquo; et celle du &laquo;&nbsp;je peux le faire&nbsp;&raquo; quatre minutes plus tard. Par l&rsquo;analyse de contenu, c&rsquo;est donc autant ce qui est dit que l&rsquo;agencement, la &laquo;&nbsp;mise en intrigue&nbsp;&raquo; de son apprentissage de l&rsquo;allemand qui &eacute;merge (et &eacute;claire par contraste celui de l&rsquo;h&eacute;breu). Il en r&eacute;sulte, sans commenter pr&eacute;cis&eacute;ment ici d&rsquo;autres passages, que chacun des rapports aux langues de sa vie est &eacute;nonc&eacute; comme singulier, car quand bien m&ecirc;me Michel recourt &agrave; des m&eacute;thodologies similaires (m&eacute;thode Assimil, lectures quotidiennes, acquisition de vocabulaire cibl&eacute;) ou &eacute;voque des repr&eacute;sentations partag&eacute;es sur les langues, ses r&eacute;cits d&rsquo;apprentissages se distinguent par des &eacute;l&eacute;ments affectifs auxquels il donne une place de choix, soit explicitement, soit plus implicitement. Comme les analyses pr&eacute;c&eacute;dentes l&rsquo;ont montr&eacute;, il s&rsquo;agit &agrave; la fois d&rsquo;exp&eacute;riences v&eacute;cues et de repr&eacute;sentations.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Repr&eacute;sentations et attitudes</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&Agrave; cet &eacute;gard aussi, on peut constater que Michel fait preuve d&rsquo;une certaine conscience linguistique. Outre sa propre r&eacute;flexivit&eacute;, ses &eacute;vocations d&rsquo;imaginaires linguistiques et d&rsquo;attitudes autres que les siens montrent sa sensibilit&eacute; &agrave; la singularit&eacute; du rapport subjectif aux langues. D&eacute;finie par A.-M.&nbsp;Houdebine-Gravaud, la th&eacute;orie de l&rsquo;imaginaire linguistique prend en compte le &laquo;&nbsp;rapport du sujet &agrave; la langue, la sienne et celle de la communaut&eacute; qui l&rsquo;int&egrave;gre [&hellip;] ou dans laquelle il d&eacute;sire &ecirc;tre int&eacute;gr&eacute; [&hellip;]&nbsp;; rapport &eacute;non&ccedil;able en termes d&rsquo;images, participant des repr&eacute;sentations sociales et subjectives, autrement dit d&rsquo;une part des id&eacute;ologies (versant social) et d&rsquo;autre part des imaginaires (versant plus subjectif) [&hellip;]&nbsp;&raquo; (2005, p.&nbsp;10). L&rsquo;une de ces images est la repr&eacute;sentation n&eacute;gative de l&rsquo;allemand&nbsp;: Michel &eacute;voque &laquo;&nbsp;des gens qui disent j&rsquo;ai jamais pu parler allemand parce que &agrave; cause de ce qui s&#39;est pass&eacute;&nbsp;&raquo;. Un m&ecirc;me &eacute;tat de fait (l&rsquo;existence historique du III<sup>e</sup> Reich) n&rsquo;entra&icirc;ne pas les m&ecirc;mes cons&eacute;quences&nbsp;: le r&eacute;cit de l&rsquo;apprentissage de l&rsquo;allemand par Michel n&rsquo;est pas entrav&eacute; par cette association, mais elle inhibe la parole d&rsquo;autres. C&rsquo;est l&agrave; le lien qu&rsquo;a conceptualis&eacute; la sociolinguistique entre les repr&eacute;sentations partag&eacute;es relatives &agrave; la langue et les attitudes. En s&rsquo;appuyant sur Rouquette et Rateau, pour qui &laquo;&nbsp;l&rsquo;attitude appara&icirc;t comme l&rsquo;instance de coh&eacute;sion [&hellip;] des opinions&nbsp;&raquo;, H.&nbsp;Boyer consid&egrave;re que ces repr&eacute;sentations &laquo;&nbsp;inspirent les attitudes des membres de la communaut&eacute;, attitudes dont on peut consid&eacute;rer qu&rsquo;elles sont autant d&rsquo;instructions, d&rsquo;orientations comportementales (inconscientes pour l&rsquo;essentiel) qui se traduisent par des opinions (dites ou non-dites) et des pratiques (verbales et non-verbales) observables dans les communications au sein de la communaut&eacute;&nbsp;&raquo; (2001, p.&nbsp;334). Les passages sur l&rsquo;h&eacute;breu l&rsquo;illustrent de mani&egrave;re &eacute;loquente.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Une communication d&eacute;faillante</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dans sa mani&egrave;re de lier h&eacute;breu et Isra&euml;l, ses exp&eacute;riences de l&rsquo;un et de l&rsquo;autre, Michel fait appel &agrave; des repr&eacute;sentations sociolinguistiques et d&eacute;crit des attitudes dont il conclut qu&rsquo;elles expliquent son manque de d&eacute;sir. Lorsque l&rsquo;h&eacute;breu appara&icirc;t dans l&rsquo;entretien, Michel quitte momentan&eacute;ment la progression par &eacute;v&eacute;nements biographiques. Il r&eacute;fl&eacute;chit &agrave; voix haute (&laquo;&nbsp;j&rsquo;imagine que&hellip;&nbsp;&raquo;), invoque des interlocuteurs isra&eacute;liens (parfois invent&eacute;s) et pose des questions qui de toute &eacute;vidence ne s&rsquo;adressent pas &agrave; moi (&laquo;&nbsp;quel rapport ils ont avec &ccedil;a [la g&eacute;n&eacute;alogie]&nbsp;?&nbsp;&raquo;). Il s&rsquo;en d&eacute;gage une impression qu&rsquo;au-del&agrave; d&rsquo;une langue commune ou du d&eacute;sir d&rsquo;apprendre l&rsquo;h&eacute;breu, le d&eacute;faut est celui d&rsquo;une communication r&eacute;ussie. Les repr&eacute;sentations n&eacute;gatives semblent entra&icirc;ner de part et d&rsquo;autre des attentes distinctes, si bien que la possibilit&eacute; m&ecirc;me d&rsquo;un dialogue semble mise en p&eacute;ril. En l&rsquo;esp&egrave;ce, il dit attendre de son c&ocirc;t&eacute; de l&rsquo;&laquo;&nbsp;empathie&nbsp;&raquo; pour l&rsquo;&eacute;tranger (juif, mais non isra&eacute;lien), un int&eacute;r&ecirc;t et &laquo;&nbsp;de la tendresse / comme on en a normalement par rapport &agrave; / &agrave; ses anc&ecirc;tres&nbsp;&raquo; (ashk&eacute;nazes, donc yiddishophones) et il attribue aux Isra&eacute;liens l&rsquo;expression d&rsquo;un reproche (&laquo;&nbsp;pourquoi t&rsquo;es pas l&agrave; pourquoi t&rsquo;es tu d&rsquo;viens pas citoyen isra&eacute;lien&nbsp;&raquo;, sous-entendu&nbsp;: puisque tu es juif aussi, cet &Eacute;tat est le tien). Cette inad&eacute;quation est illustr&eacute;e notamment dans deux attitudes&nbsp;: la &laquo;&nbsp;franche hostilit&eacute;&nbsp;&raquo; des familles de jeunes Isra&eacute;liens venant suivre des cours de yiddish &agrave; Paris et sa propre suspension de d&eacute;cision (de la m&ecirc;me fa&ccedil;on qu&rsquo;il suspend sa propre phrase au conditionnel &laquo;&nbsp;j&rsquo;me mettr[ais &agrave; l&rsquo;h&eacute;breu]&nbsp;&raquo;?), pour ne pas dire son abandon&nbsp;: &laquo;&nbsp;je pense que si vraiment je d&eacute;cidais j&rsquo;me mettr- mais le fait est que je le d&eacute;cide pas !&nbsp;&raquo;. L&rsquo;analyse des &eacute;vocations d&rsquo;autres langues et d&rsquo;autres locuteurs fait donc &eacute;merger un discours qui associe apprentissage linguistique et affectivit&eacute; et en particulier, qui probl&eacute;matise le r&ocirc;le des repr&eacute;sentations sociolinguistiques dans cette relation o&ugrave; le contexte socio-politique est constamment pr&eacute;sent. Nombre de ces repr&eacute;sentations sont li&eacute;es &agrave; des questions de politique linguistique.</span></span></span></span></span></p> <h2 class="Cahierspsycho-titre1" style="font-style:italic;"><span style="font-size:16pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">3. Yiddish et politiques linguistiques</span></span></span></span></span></span></h2> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Les politiques linguistiques ne rel&egrave;vent pas n&eacute;cessairement d&rsquo;une action de l&rsquo;&Eacute;tat&nbsp;: des acteurs publics comme priv&eacute;s peuvent en &eacute;noncer, en pratiquer&nbsp;; l&rsquo;analyse d&rsquo;actions publiques peut les expliciter ou faire appara&icirc;tre la distance entre discours et mesures mises en place. Dans le cas du yiddish, langue diasporique, la question &eacute;tatique se pose de mani&egrave;re singuli&egrave;re et les aspects de politique linguistique sont souvent exprim&eacute;s ou per&ccedil;us par le prisme du conflit. Cette derni&egrave;re partie met en perspective les indices de la relation entre yiddish et politiques linguistiques dans le discours de l&rsquo;informateur, en s&rsquo;appuyant sur des travaux historiques et sociolinguistiques.</span></span></span></span></span></p> <h3 class="Cahierspsycho-titre2" style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><span style="font-size:14pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">3.1. La &laquo;&nbsp;guerre des langues&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></h3> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Cit&eacute;e par Michel, la &laquo;&nbsp;p&eacute;riode historique&nbsp;&raquo; de la &laquo;&nbsp;guerre des langues&nbsp;&raquo; est cruciale pour situer ses repr&eacute;sentations et aborder les relations diglossiques entre yiddish et h&eacute;breu. Pendant une longue p&eacute;riode, la diglossie entre yiddish et h&eacute;breu biblique peut &ecirc;tre con&ccedil;ue comme une distribution fonctionnelle et compl&eacute;mentaire.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Des conflits entre langues et entre locuteurs</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">En parall&egrave;le du mouvement de r&eacute;habilitation et de standardisation du yiddish &eacute;voqu&eacute; pr&eacute;c&eacute;demment, s&rsquo;est d&eacute;roul&eacute; une entreprise remarquable de retournement de substitution linguistique&nbsp;: l&rsquo;h&eacute;breu, langue ancienne, fig&eacute;e par le texte et le commentaire religieux, est adapt&eacute; au monde contemporain puis parl&eacute;. Auparavant, pour g&eacute;n&eacute;raliser, le yiddish &eacute;tait la langue du quotidien, vernaculaire, l&rsquo;h&eacute;breu celle de l&rsquo;&eacute;tude. Les langues co-territoriales &eacute;taient utilis&eacute;es pour la communication avec le monde non juif. La Haskala (les &laquo;&nbsp;Lumi&egrave;res juives&nbsp;&raquo;) am&egrave;ne un autre projet, culturel&nbsp;: un h&eacute;breu actualis&eacute; &eacute;l&egrave;vera les Juifs et servira de m&eacute;diation provisoire vers la culture europ&eacute;enne. Par le truchement de la langue commune, il s&rsquo;est aussi agi de &laquo;&nbsp;s&rsquo;inscri[re) dans une g&eacute;n&eacute;alogie glorieuse&nbsp;&raquo;, mais les configurations politiques &agrave; l&rsquo;Est ont modifi&eacute; le projet initial (Dieckhoff, 2009, p.&nbsp;264). La Haskala &laquo;&nbsp;s&rsquo;employa &agrave; transformer la vie des Juifs (modernisation de l&rsquo;&eacute;ducation, diffusion des grands id&eacute;aux des Lumi&egrave;res&hellip;), sans pour autant remettre en cause la socialit&eacute; particuli&egrave;re des Juifs&nbsp;&raquo;, si bien que l&rsquo;h&eacute;breu n&rsquo;est pas apparu comme &laquo;&nbsp;entreprise av&eacute;r&eacute;e d&rsquo;acculturation&nbsp;&raquo;, mais &laquo;&nbsp;comme l&rsquo;expression d&rsquo;une culture nationale juive, originale et irr&eacute;ductible&nbsp;&raquo; (Dieckhoff, 2009, p.&nbsp;265). &laquo;&nbsp;Historiquement&nbsp;&raquo;, comme la situe Michel, la &laquo;&nbsp;guerre des langues&nbsp;&raquo; entre yiddish et h&eacute;breu moderne rel&egrave;ve plut&ocirc;t d&rsquo;un paradigme conflictiviste&nbsp;: cette diglossie n&rsquo;est pas une relation n&eacute;goci&eacute;e, o&ugrave; chacune aurait des usages diff&eacute;rents, mais elle est le reflet de rapports sociaux de domination. Cette confrontation r&eacute;sulte d&rsquo;une instrumentalisation politique de la question de &laquo;&nbsp;la&nbsp;&raquo; langue du peuple juif. Dans un contexte de diversit&eacute; de projets id&eacute;ologiques, dont le sionisme et la doykayt bundiste (le fait d&rsquo;&ecirc;tre &laquo;&nbsp;l&agrave;&nbsp;&raquo;), un certain nationalisme s&rsquo;approprie la revitalisation de l&rsquo;h&eacute;breu.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La conf&eacute;rence de Czernowitz</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Si la diglossie est une situation fr&eacute;quente au sein des soci&eacute;t&eacute;s, une certaine originalit&eacute; r&eacute;side ici dans l&rsquo;organisation d&rsquo;une conf&eacute;rence pour trancher la question de &laquo;&nbsp;la&nbsp;&raquo; langue du peuple juif. Organis&eacute;e du 30 ao&ucirc;t au 4 septembre 1908 &agrave; l&rsquo;initiative du penseur juif Nathan Birnbaum, elle regroupe dans la capitale de Bucovine des intellectuels sensibles aux enjeux &eacute;ducatifs et litt&eacute;raires de l&rsquo;&eacute;poque. Il y est question de besoins concrets (&eacute;coles et enseignants, soutien &agrave; la presse, au th&eacute;&acirc;tre et &agrave; la litt&eacute;rature, traduction d&rsquo;&oelig;uvres vers le yiddish, orthographe)<a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><span class="Ancredenotedebasdepage" style="vertical-align:super"><span class="Ancredenotedebasdepage" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">[2]</span></span></span></span></span></a>, mais aussi du statut m&ecirc;me de la langue. La conf&eacute;rence se cl&ocirc;t ainsi sur l&rsquo;affirmation du yiddish comme &laquo;&nbsp;une&nbsp;&raquo; et non &laquo;&nbsp;la&nbsp;&raquo; langue juive. Il m&rsquo;arrive de rencontrer l&rsquo;id&eacute;e qu&rsquo;il s&rsquo;agit l&agrave; d&rsquo;un demi-succ&egrave;s, que le yiddish a malgr&eacute; tout &laquo;&nbsp;perdu&nbsp;&raquo; (Michel ancre cela dans un pass&eacute; r&eacute;volu), mais il faut se garder d&rsquo;une consid&eacute;ration &agrave; la lumi&egrave;re d&rsquo;&eacute;v&eacute;nements ult&eacute;rieurs impr&eacute;visibles. J.&nbsp;Baumgarten estime qu&rsquo;en &laquo;&nbsp;m[ettant] au jour le remarquable travail social, politique, culturel qui avait &eacute;t&eacute; accompli&nbsp;&raquo;, la conf&eacute;rence peut &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;e &laquo;&nbsp;comme un des points culminants de la politique men&eacute;e depuis des d&eacute;cennies en faveur du yiddish dans l&rsquo;Europe centrale et orientale&nbsp;&raquo; (2002, p.&nbsp;107). D&rsquo;un point de vue sociolinguistique, elle se distingue par son organisation en dehors d&rsquo;un cadre &eacute;tatique, institutionnel, et par son ambition de planification linguistique. La conf&eacute;rence de Czernowitz est suivie d&rsquo;une p&eacute;riode litt&eacute;raire foisonnante, dont le g&eacute;nocide sonne en effet le glas.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Une p&eacute;riode identifi&eacute;e, malgr&eacute; un flou s&eacute;mantique</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Pour Michel, cette &laquo;&nbsp;guerre&nbsp;&raquo; est &laquo;&nbsp;fini[e]&nbsp;&raquo;, mais les parties du conflit demeurent&nbsp;; leur relation a chang&eacute;. Dans son discours, il s&rsquo;agit donc surtout d&rsquo;une p&eacute;riode, mais il est int&eacute;ressant de constater ailleurs une certaine ind&eacute;cision quant aux faits auxquels les termes de &laquo;&nbsp;querelle&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;guerre des langues&nbsp;&raquo; se r&eacute;f&egrave;rent. S.&nbsp;Markish situe la &laquo;&nbsp;querelle des langues&nbsp;&raquo; (traduction du russe) en 1910, date de la parution de l&rsquo;article &eacute;ponyme d&rsquo;Ahad Haam, mais rappelle que la question de la langue du peuple juif se pose depuis des d&eacute;cennies&nbsp;: entre 1899 et 1904, des intellectuels avaient d&eacute;j&agrave; d&eacute;battu dans la presse russe du choix entre le yiddish et l&rsquo;h&eacute;breu (1996, p.&nbsp;179). Les &eacute;v&eacute;nements historiques sont distincts, mais la p&eacute;riode d&eacute;sign&eacute;e par la &laquo;&nbsp;guerre des langues&nbsp;&raquo; s&rsquo;agence g&eacute;n&eacute;ralement autour de la conf&eacute;rence ou en Palestine apr&egrave;s la deuxi&egrave;me alyah. Si certains d&eacute;bats ont &eacute;t&eacute; vifs &agrave; Czernowitz, des actes de violence marquent cette p&eacute;riode jusqu&rsquo;aux ann&eacute;es 1930 en Palestine mandataire (attentat dans une maison d&rsquo;&eacute;dition, bris de vitrines, perturbations de r&eacute;unions par le commando des d&eacute;fenseurs de la langue, &laquo;&nbsp;gedud megine hasafa&nbsp;&raquo;). Mais de mani&egrave;re assez originale, c&rsquo;est entre l&rsquo;allemand et l&rsquo;h&eacute;breu que la Biblioth&egrave;que nationale isra&eacute;lienne situe une &laquo;&nbsp;war of languages&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><span class="Ancredenotedebasdepage" style="vertical-align:super"><span class="Ancredenotedebasdepage" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">[3]</span></span></span></span></span></a>. &Agrave; l&rsquo;occasion d&rsquo;une d&eacute;cision li&eacute;e &agrave; la langue d&rsquo;enseignement, un conflit &eacute;clate en 1913-1914, par voie de presse mais aussi par des rassemblements et des gr&egrave;ves. Cette substitution du yiddish par l&rsquo;allemand semble rare, mais le th&eacute;&acirc;tre de ce conflit (et certains moyens) reste le m&ecirc;me&nbsp;: dans la presse, la litt&eacute;rature, les institutions &eacute;ducatives, la vie politique, il s&rsquo;agit de savoir quelle langue a vocation &agrave; exprimer le monde juif contemporain et &agrave; venir.</span></span></span></span></span></p> <h3 class="Cahierspsycho-titre2" style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><span style="font-size:14pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">3.2. Au niveau macrosociolinguistique</span></span></span></span></span></span></h3> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Au cours du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle, le statut accord&eacute; au yiddish prend ainsi une dimension nouvelle. La question de son officialit&eacute; au niveau &eacute;tatique se pose&nbsp;; certains &Eacute;tats &eacute;mettent des politiques linguistiques explicites ou prennent des mesures concernant le yiddish.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Le statut de co-officialit&eacute; et de &laquo;&nbsp;danger&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Avec une &eacute;vidente vis&eacute;e de propagande, un oblast (r&eacute;gion administrative) autonome juif est cr&eacute;&eacute; au sein de l&rsquo;Union sovi&eacute;tique en 1934. Situ&eacute; &agrave; 8000&nbsp;km de Moscou, le Birobidjan a deux langues officielles, le russe et le yiddish. Cette man&oelig;uvre politique, relativement peu suivie par les Juifs, s&rsquo;accompagne d&rsquo;une planification linguistique. Une nouvelle orthographe a ainsi &eacute;t&eacute; con&ccedil;ue&nbsp;: alors que traditionnellement, les mots issus du substrat h&eacute;br&eacute;o-aram&eacute;en conservent leur graphie des textes religieux (bien que prononc&eacute;s diff&eacute;remment), elle est phon&eacute;tique dans la graphie sovi&eacute;tique. De mani&egrave;re g&eacute;n&eacute;rale, la langue est &laquo;&nbsp;slavis&eacute;e&nbsp;&raquo; en privil&eacute;giant les variantes slaves du lexique et les normes stylistiques russes (Fishman, 2012, p.&nbsp;2). Cette reconnaissance officielle est rest&eacute;e unique dans l&rsquo;histoire&nbsp;; le yiddish a eu selon les p&eacute;riodes des statuts de &laquo;&nbsp;langue nationale&nbsp;&raquo; dans certains &Eacute;tats d&rsquo;Europe orientale ou de &laquo;&nbsp;langue minoritaire&nbsp;&raquo;, comme actuellement en Su&egrave;de.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&Agrave; la fin du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle, un autre discours d&rsquo;&laquo;&nbsp;urgence&nbsp;&raquo; &eacute;merge, au niveau supranational cette fois. Ce ne sont pas seulement les &eacute;lites intellectuelles d&rsquo;un peuple qui s&rsquo;alarment d&rsquo;une menace, mais aussi des organisations internationales. Le champ lexical de la &laquo;&nbsp;mort&nbsp;&raquo; et de la &laquo;&nbsp;revitalisation&nbsp;&raquo; des langues s&rsquo;impose. L&rsquo;Unesco publie en 1996 sa premi&egrave;re version de l&rsquo;Atlas des langues en danger&nbsp;; par un ensemble de crit&egrave;res, le yiddish est lui aussi labellis&eacute; &laquo;&nbsp;en danger&nbsp;&raquo;. En 1992, le Conseil de l&rsquo;Europe avait &eacute;labor&eacute; sa Charte europ&eacute;enne des langues r&eacute;gionales ou minoritaires (entr&eacute;e en vigueur en 1998). Les &Eacute;tats europ&eacute;ens sont invit&eacute;s &agrave; faire l&rsquo;inventaire des langues de leur territoire et certains adaptent leur corpus juridique. Au titre de cette Charte (que la France ne ratifie pas), huit &Eacute;tats ont pris des engagements quant au yiddish&nbsp;: la Bosnie-Herz&eacute;govine, la Finlande, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie, la Su&egrave;de, Ukraine et les Pays-Bas &ndash; plusieurs &Eacute;tats entretenant un certain flou sur les mesures concernant la &laquo;&nbsp;langue juive&nbsp;&raquo;, yiddish ou h&eacute;breu.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Des mesures hostiles en Isra&euml;l&nbsp;?</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">C&rsquo;est aussi par un champ lexical de la mort et de la menace que Michel exprime les relations entre yiddish et h&eacute;breu. Par une analogie qu&rsquo;il &eacute;nonce &agrave; plusieurs reprises comme inexacte et exag&eacute;r&eacute;e, il met en parall&egrave;le le blocage des personnes n&rsquo;ayant pu apprendre l&rsquo;allemand &agrave; cause du g&eacute;nocide avec son propre &laquo;&nbsp;ressentiment&nbsp;&raquo; envers le gagnant, pour ainsi dire, de cette guerre des langues, dont les agissements lui semblent disproportionn&eacute;s, m&ecirc;me s&rsquo;il r&eacute;p&egrave;te comprendre &laquo;&nbsp;intellectuellement&nbsp;&raquo; la fabrication de la nouvelle identit&eacute; collective. Je rencontre r&eacute;guli&egrave;rement sur le terrain l&rsquo;id&eacute;e que l&rsquo;&Eacute;tat d&rsquo;Isra&euml;l aurait &agrave; ses d&eacute;buts poursuivi l&rsquo;entreprise mortif&egrave;re du r&eacute;gime nazi et des purges sovi&eacute;tiques dans les milieux intellectuels juifs (et R.&nbsp;Rojanski en fait le point de d&eacute;part pol&eacute;mique de Yiddish in Israel, 2020). Il faudrait analyser de mani&egrave;re tr&egrave;s d&eacute;taill&eacute;e le r&eacute;seau d&rsquo;oppositions et d&rsquo;alternances structurant le discours de Michel, qui met en parall&egrave;le, certes avec beaucoup de nuance, l&rsquo;extermination physique subie par les Juifs d&rsquo;Europe et une &laquo;&nbsp;extermination culturelle&nbsp;&raquo; que les Juifs d&rsquo;Isra&euml;l auraient perp&eacute;tr&eacute;e. Cette attitude qui s&rsquo;appuie sur la repr&eacute;sentation partag&eacute;e du yiddish comme langue de la galouth (terme qui d&eacute;signe en m&ecirc;me temps l&rsquo;exil diasporique et les souffrances qu&rsquo;il engendre) est battue en br&egrave;che par R.&nbsp;Rojanski, documents historiques &agrave; l&rsquo;appui. Certaines r&eacute;glementations datent en effet du mandat britannique et les limitations ult&eacute;rieures (presse, th&eacute;&acirc;tre) ont &eacute;t&eacute; rapidement lev&eacute;es et ont, en r&eacute;alit&eacute;, souvent &eacute;t&eacute; contourn&eacute;es (2020, p.&nbsp;282-283).</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Id&eacute;ologie linguistique et implicites</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La d&eacute;monstration de R.&nbsp;Rojanski, minutieuse, aurait toutefois gagn&eacute;, me semble-t-il, &agrave; aussi &ecirc;tre abord&eacute;e par les sciences du langage pour d&eacute;crire le processus selon lequel les mesures de promotion de l&rsquo;h&eacute;breu, bien que br&egrave;ves, entra&icirc;nent de facto une attrition de l&rsquo;espace social du yiddish et participent d&rsquo;une minoration linguistique diffuse. Le nationalisme linguistique marquant les d&eacute;buts du sionisme ne dispara&icirc;t pas et les importantes vagues d&rsquo;immigration dans le jeune &Eacute;tat renforcent l&rsquo;enjeu de l&rsquo;unification par la langue. R.&nbsp;Rojanski admet d&rsquo;ailleurs que &laquo;&nbsp;des bureaucrates de haut-rang, ainsi que plusieurs comit&eacute;s gouvernementaux et publics ont tent&eacute; de limiter l&rsquo;usage du yiddish&nbsp;&raquo; (2020, p.&nbsp;282, ma traduction, comme pour les extraits suivants), par exemple en exer&ccedil;ant une &laquo;&nbsp;pression psychologique constante sur les acteurs&nbsp;&raquo; du th&eacute;&acirc;tre yiddish (2020, p.&nbsp;106). Le &laquo;&nbsp;retour du yiddish &agrave; la culture isra&eacute;lienne dans les ann&eacute;es 1990 et apr&egrave;s&nbsp;&raquo;, gr&acirc;ce &agrave; des initiatives &eacute;manant de la soci&eacute;t&eacute; civile (2020, p.&nbsp;285), me semble justement illustrer le succ&egrave;s de l&rsquo;id&eacute;ologie sioniste de la &laquo;&nbsp;n&eacute;gation de la diaspora&nbsp;&raquo; (2020, p.&nbsp;10) en ce que ce &laquo;&nbsp;retour&nbsp;&raquo; (mais il n&rsquo;y a en r&eacute;alit&eacute; pas eu de situation initiale) intervient apr&egrave;s une p&eacute;riode trop longue pour rencontrer encore un usage social vari&eacute;. Conform&eacute;ment au statut de langue d&rsquo;immigration du yiddish, la presse a progressivement rempli d&rsquo;autres fonctions que l&rsquo;information et s&rsquo;est &eacute;tiol&eacute;e dans les ann&eacute;es 1970 (2020, p.&nbsp;87-88). Le d&eacute;clin de la qualit&eacute; du th&eacute;&acirc;tre yiddish a ent&eacute;rin&eacute; son image de &laquo;&nbsp;langue rustique propre aux seules blagues et histoires comiques&nbsp;&raquo; (2020, p.&nbsp;285). C&rsquo;est pr&eacute;cis&eacute;ment cette absence en tant que v&eacute;hicule d&rsquo;un h&eacute;ritage culturel cultiv&eacute; que Michel regrette et les initiatives r&eacute;centes en Isra&euml;l qu&rsquo;il &eacute;voque lui semblent trop modestes en l&rsquo;absence de sentiment &laquo;&nbsp;amoureux&nbsp;&raquo; de la langue (rappelons qu&rsquo;il envisage lui-m&ecirc;me le rapport aux langues principalement sur ce mode).</span></span></span></span></span></p> <h3 class="Cahierspsycho-titre2" style="color:#aaaaaa;font-style:italic;"><span style="font-size:14pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">3.3. Au niveau microsociolinguistique</span></span></span></span></span></span></h3> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Les questions de politique linguistique se jouent &eacute;galement au niveau &laquo;&nbsp;micro&nbsp;&raquo;&nbsp;: &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle du groupe (m&ecirc;me restreint&nbsp;: par exemple quels choix pr&eacute;sident &agrave; la communication dans une famille bilingue ?) ou de l&rsquo;individu. Cet article se cl&ocirc;t sur les descriptions de ces ensembles de choix dans le discours de Michel.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Le &laquo;&nbsp;sort fait au yiddish&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">L&rsquo;analyse de l&rsquo;entretien avec Michel fait appara&icirc;tre un effet d&rsquo;&eacute;cho entre la non-co&iuml;ncidence des diff&eacute;rents &eacute;l&eacute;ments affectifs cit&eacute;s (Isra&euml;l, c&rsquo;est le pays o&ugrave; il ne &laquo;&nbsp;sent&nbsp;&raquo; pas chez lui&nbsp;; le climat, la nourriture mais aussi le mode de communication le font se sentir europ&eacute;en, &eacute;tranger) et la non co&iuml;ncidence d&rsquo;une partie du projet (glotto)politique d&rsquo;Isra&euml;l avec ses convictions et attentes. Si le rapport diglossique conflictuel doit &ecirc;tre nuanc&eacute;, comme la partie pr&eacute;c&eacute;dente l&rsquo;a abord&eacute;, il n&rsquo;en reste pas moins que cette repr&eacute;sentation entra&icirc;ne une attitude sp&eacute;cifique de sa part. Dans un groupe de discussion &eacute;crit, l&rsquo;attitude qu&rsquo;il me d&eacute;crit refl&egrave;te la perception d&rsquo;une &laquo;&nbsp;menace&nbsp;&raquo; de substitution linguistique. &Eacute;tant donn&eacute; le rapport complexe &agrave; l&rsquo;h&eacute;breu et &agrave; Isra&euml;l qu&rsquo;il a d&eacute;velopp&eacute; dans l&rsquo;entretien, se disant &laquo;&nbsp;frustr&eacute; [&hellip;] du sort qui a &eacute;t&eacute; fait au yiddish // de la mani&egrave;re / dont /// la culture // ashk&eacute;naze / ancienne etc a &eacute;t&eacute; trait&eacute;e en Isra&euml;l&nbsp;&raquo;, il admet que certaines pratiques l&rsquo;obligent &agrave; &laquo;&nbsp;prendre sur [lui]&nbsp;&raquo;, entre souhait de partager et volont&eacute; de pr&eacute;server certaines interactions en yiddish. Il se demande donc r&eacute;guli&egrave;rement &agrave; quel moment intervenir dans la discussion pour le faire remarquer et exprime m&ecirc;me une douleur physique, associant au niveau interpersonnel, informel ce qui s&rsquo;est jou&eacute; au niveau institutionnel. Le rapport conflictuel appara&icirc;t ainsi dans sa mani&egrave;re de relater ses pens&eacute;es (il s&rsquo;interrompt beaucoup et &eacute;met des &eacute;valuations &laquo;&nbsp;en direct&nbsp;&raquo; sur le discours qu&rsquo;il me tient) et se d&eacute;place en lui (quand et comment dire, pour ne pas d&eacute;clencher de conflit interpersonnel). Il semble vivre un conflit de loyaut&eacute;.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Une question de loyaut&eacute; linguistique</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Le concept de loyaut&eacute; linguistique d&eacute;crit &eacute;galement une attitude&nbsp;: le fait d&rsquo;&ecirc;tre attach&eacute; &agrave; une langue qu&rsquo;on consid&egrave;re sienne, mais aussi &agrave; certaines pratiques dans cette langue. C&rsquo;est la loyaut&eacute; qui semble en partie motiver les choix d&rsquo;interaction de Michel dans les discussions autour du yiddish, c&rsquo;est aussi de cette mani&egrave;re que j&rsquo;interpr&egrave;te les paroles d&rsquo;autres locuteurs du yiddish qu&rsquo;il rapporte. Ces personnes, qui ont un rapport familial au yiddish et viennent l&rsquo;apprendre dans des institutions (il s&rsquo;agit la plupart du temps d&rsquo;associations), sont confront&eacute;es &agrave; une autre conflictualit&eacute;, celle entre yiddish &laquo;&nbsp;klal&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est-&agrave;-dire standardis&eacute;, et le yiddish de leurs souvenirs. Identifiant un &laquo;&nbsp;accent&nbsp;&raquo; qui n&rsquo;est pas le leur, elles refuseraient de l&rsquo;&laquo;&nbsp;avaler&nbsp;&raquo;, dit Michel&nbsp;: &laquo;&nbsp;pour ces gens-l&agrave; &ccedil;a entra&icirc;ne une forme de divorce euh y veulent pas&nbsp;!&nbsp;&raquo;. Ce choix du &laquo;&nbsp;divorce&nbsp;&raquo; me semble signifiant &agrave; double titre. Le mot peut d&eacute;crire un lien particuli&egrave;rement fort, mais rappelle surtout la perception sentimentale, amoureuse du yiddish par Michel &ndash; conceptuellement, la loyaut&eacute; s&rsquo;accommode plut&ocirc;t bien de ces rapprochements. C&rsquo;est du c&ocirc;t&eacute; du yiddish que je trouve l&rsquo;autre expression de sa loyaut&eacute;. En d&eacute;crivant pr&eacute;c&eacute;demment des variantes de salutations, Michel cite plusieurs fois &laquo;&nbsp;gut shabes&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;git shabes&nbsp;&raquo; (en translitt&eacute;ration, le g est toujours dur, comme dans &laquo;&nbsp;gare&nbsp;&raquo;). La succession des gut et git &laquo;&nbsp;r&eacute;sonne&nbsp;&raquo; avec l&rsquo;acte de divorce du mariage juif, le &laquo;&nbsp;get&nbsp;&raquo;. Si cette allit&eacute;ration en /g/ est au moins amusante d&rsquo;un point de vue phon&eacute;tique, elle me semble faire r&eacute;sonner le fond et la forme de son propos&nbsp;: on emploie soit gut, soit git, mais en tout cas pas autre chose pour se souhaiter une bonne fin de semaine, sous peine de rupture d&rsquo;un &laquo;&nbsp;pacte&nbsp;&raquo;.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre3"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">L&rsquo;&laquo;&nbsp;activisme&nbsp;&raquo; linguistique</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Sont d&eacute;sign&eacute;es comme activistes linguistiques plut&ocirc;t des personnes qui s&rsquo;engagent dans des actions collectives de promotion d&rsquo;une langue, mais l&rsquo;attitude de Michel l&rsquo;y apparente. En effet, il d&eacute;clare en riant parler sciemment sa variante de yiddish dans ses cours&nbsp;: &laquo;&nbsp;moi quand [&hellip;] j&rsquo;interviens, j&rsquo;le fais dans mon yiddish polonais / vo- volontairement / parc&rsquo;que j&rsquo;pense que c&rsquo;est bien que les gens l&rsquo;entendent&nbsp;&raquo;. &Agrave; la diff&eacute;rence d&rsquo;une enseignante qui me tenait en entretien &agrave; peu de chose pr&egrave;s le m&ecirc;me discours, Michel ne se trouve en cours de yiddish dans la position du &laquo;&nbsp;mod&egrave;le linguistique&nbsp;&raquo;, en tout cas pas officiel &ndash; pour faire &eacute;cho aux &laquo;&nbsp;march&eacute;s officiels&nbsp;&raquo; de P.&nbsp;Bourdieu. S&rsquo;il peut &ecirc;tre une r&eacute;f&eacute;rence car il a parl&eacute; le yiddish toute sa vie (b&eacute;n&eacute;ficiant en outre de la l&eacute;gitimit&eacute; des locuteurs maternels), sa variante n&rsquo;a pas la plus haute valeur dans un contexte o&ugrave; la langue standardis&eacute;e est enseign&eacute;e. Son choix de parler avec son &laquo;&nbsp;accent&nbsp;&raquo; en tant qu&rsquo;apprenant (bien qu&rsquo;ayant appris la langue norme en classe) implique donc davantage son image de soi, sa &laquo;&nbsp;face&nbsp;&raquo; dans un sens goffmanien&nbsp;; ce choix est pr&eacute;sent&eacute; comme militant. Il traduit une certaine confiance en soi, attribu&eacute;e probablement par sa qualit&eacute; de locuteur natif, mais il aurait pu en &ecirc;tre autrement. Parmi les premiers travaux sociolinguistiques, W.&nbsp;Labov a montr&eacute; et conceptualis&eacute; l&rsquo;ins&eacute;curit&eacute; linguistique (1976)&nbsp;: elle peut se manifester par des attitudes n&eacute;gatives envers la langue de ses parents ou son groupe d&rsquo;origine comme par des difficult&eacute;s &agrave; produire un certain type de discours, par m&eacute;connaissance ou par inhibition. Le locuteur peut alors tenir un discours d&rsquo;auto-d&eacute;nigrement (l&rsquo;auto-odi). Dans le cas de Michel, il s&rsquo;agit l&agrave; d&rsquo;une r&eacute;solution pacifique de la conflictualit&eacute; entre deux politiques linguistiques, celle de l&rsquo;institution &eacute;ducative o&ugrave; l&rsquo;on enseigne le yiddish standard et sa propre politique de l&eacute;gitimation de sa variante.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-titre1"><span style="font-size:16pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Conclusion</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Cet article a ainsi explor&eacute; le r&eacute;cit de vie d&rsquo;un fran&ccedil;ais, yiddishophone depuis toujours. En &eacute;voquant successivement les langues de sa vie, il construit un discours analys&eacute; ici en lui-m&ecirc;me, comme avec l&rsquo;appui de travaux en sciences sociales et en sociolinguistique en particulier. L&rsquo;h&eacute;breu y appara&icirc;t de mani&egrave;re singuli&egrave;re, non seulement li&eacute; &agrave; l&rsquo;&Eacute;tat d&rsquo;Isra&euml;l (selon une association circulante dans son discours et dans l&rsquo;espace culturel de l&rsquo;informateur), mais aussi comme d&eacute;pendant du rapport m&ecirc;me &agrave; cet &Eacute;tat. Par l&rsquo;analyse crois&eacute;e d&rsquo;&eacute;vocations de l&rsquo;allemand, du polonais, du russe et de l&rsquo;h&eacute;breu, du cotexte comme du contexte, l&rsquo;article d&eacute;gage un imaginaire linguistique o&ugrave; l&rsquo;affectivit&eacute; (&eacute;motions et sentiments) tient une grande place et se r&eacute;v&egrave;le d&eacute;terminante dans le r&eacute;cit des apprentissages linguistiques de l&rsquo;informateur, o&ugrave; la dimension socio-politique est constamment pr&eacute;sente. L&rsquo;h&eacute;breu appara&icirc;t ainsi marqu&eacute; par le d&eacute;faut et le rapport &agrave; Isra&euml;l par une certaine hostilit&eacute;, si bien qu&rsquo;au reproche de sa propre absence dans la citoyennet&eacute; isra&eacute;lienne (dont il questionne l&rsquo;authenticit&eacute;), l&rsquo;informateur semble opposer celle du yiddish (et de l&rsquo;h&eacute;ritage culturel ashk&eacute;naze) en Isra&euml;l. La &laquo;&nbsp;mise en intrigue&nbsp;&raquo; par le r&eacute;cit de vie fait appara&icirc;tre l&rsquo;intrication de ces &eacute;l&eacute;ments relatifs &agrave; la langue, aux affaires de l&rsquo;&Eacute;tat et &agrave; des politiques linguistiques aux niveaux macro- et microsociolinguistiques, et de fait, la complexit&eacute; du rapport subjectif aux langues. Ce n&rsquo;est pas la singularit&eacute; de ces &eacute;l&eacute;ments, mais leur diversit&eacute; constitutive qui plaide pour le recours &agrave; une approche &eacute;galement qualitative pour enqu&ecirc;ter sur les attitudes envers le politique.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify">&nbsp;</p> <p class="Cahierspsycho-titre1"><span style="font-size:16pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Bibliographie</span></span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Abitbol, M. (2013). Histoire des Juifs. De la Gen&egrave;se &agrave; nos jours. &Eacute;ditions Perrin.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Anderson, B. (2002). L&rsquo;imaginaire national&nbsp;: r&eacute;flexions sur l&rsquo;origine et l&rsquo;essor du nationalisme (traduit par P.-E. Dauzat). </span></span><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La D&eacute;couverte/Poche.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Avineri, N. R. (2012). Heritage Language Socialization Practices in Secular Yiddish Educational Contexts: The Creation of a Metalinguistic Community. </span></span><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">UCLA.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Baggioni, D. (1997). Langues et nations en Europe. Payot &amp; Rivages.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Baggioni, D. (1986). Pr&eacute;histoire de la glottopolitique dans la linguistique europ&eacute;enne, de J. G. Herder au Cercle linguistique de Prague. Langages, 21(83), 35‑51.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Baumgarten, J. (2002). Le Yiddish. Histoire d&rsquo;une langue errante. Albin Michel.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Bertrand, M. C. (2021). L&rsquo;enseignement du yiddish en France&nbsp;: subjectivit&eacute; et d&eacute;sirs de langue. l&rsquo;Harmattan.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Boyer, H. (2001). L&rsquo;incontournable paradigme des repr&eacute;sentations partag&eacute;es dans le traitement de la comp&eacute;tence culturelle en fran&ccedil;ais langue &eacute;trang&egrave;re. Ela. &Eacute;tudes de linguistique appliqu&eacute;e, 123-124(3), 333‑340.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dieckhoff, A. (2009). L&rsquo;invention de l&rsquo;h&eacute;breu, langue du quotidien national. Dans D.&nbsp; Lacorne et T. Judt (dir.), La politique de Babel (p. 261‑276). &Eacute;ditions Karthala.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ertel, R. (2003). Brasier de mots. L. Levi.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Fishman, J. A. (2012). &Eacute;tats du yiddish&nbsp;: les diff&eacute;rents types de reconnaissance, gouvernementale ou non gouvernementale. Droit et cultures, (63), 23‑39.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Hambye, P. (2015). L&rsquo;ethnographie comme m&eacute;thode d&rsquo;enqu&ecirc;te sociolinguistique&nbsp;: &laquo;&nbsp;faire preuve&nbsp;&raquo; &agrave; partir d&rsquo;un cas singulier&nbsp;? Langage et soci&eacute;t&eacute;, 154(4), 83‑97.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Houdebine-Gravaud, A.-M. (dir.). (2005). L&rsquo;imaginaire linguistique. L&rsquo;Harmattan.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Jodelet, D. (dir.). (2003). Les repr&eacute;sentations sociales (7. &eacute;d). Presses Universitaires de France.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Labov, W. (1976). Sociolinguistique. &Eacute;ditions de Minuit.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Markish, S. (1996). La &laquo;&nbsp;querelle des langues&nbsp;&raquo;, une querelle sur les langues (d&rsquo;apr&egrave;s la presse juive d&rsquo;expression russe, autour de 1910). Langue et nation en Europe centrale et orientale du 18&egrave;me si&egrave;cle &agrave; nos jours, Cahiers de l&rsquo;ILSL, (8), 177‑194.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Merleau-Ponty, M. (1945). Ph&eacute;nom&eacute;nologie de la perception. Gallimard.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Nossik, S. (2011). Les r&eacute;cits de vie comme corpus sociolinguistique&nbsp;: une approche discursive et interactionnelle. </span></span><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Corpus, (10), 119‑135.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Rojanski, R. (2020). Yiddish in Israel: A history. Indiana University Press.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span lang="EN-US" style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Shandler, J. (2004). Postvernacular Yiddish: Language as a Performance Art. </span></span><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">TDR, 48 (1), 19‑43.</span></span></span></span></span></p> <p class="Cahierspsycho-corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Thiesse, A. (2014). La Cr&eacute;ation des identit&eacute;s nationales. Europe, XVIIIe-XXe si&egrave;cle (2<sup>e</sup> &eacute;d.). (n.p.). &Eacute;ditions du Seuil.</span></span></span></span></span></p> <div>&nbsp; <hr align="left" size="1" width="33%" /> <div id="ftn1"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:-17pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">[1]</span></span></span></span></a><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> S&rsquo;inscrivant dans une observation participante des lieux de transmission du yiddish en France et en Europe (chorales, cours, universit&eacute;s d&rsquo;&eacute;t&eacute;), cette recherche a donn&eacute; lieu &agrave; un m&eacute;moire de Master 2 en Sciences du langage (Bertrand, 2021) et trouve quelque prolongement dans mes actuels travaux de th&egrave;se.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn2"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:-17pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">[2]</span></span></span></span></a><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="https://yivoencyclopedia.org/article.aspx/Czernowitz_Conference"><span class="LienInternet" style="color:navy"><span style="text-decoration:underline">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; https://yivoencyclopedia.org/article.aspx/Czernowitz_Conference</span></span></a> consult&eacute; le 1<sup>er</sup> juillet 2022.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn3"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:-17pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">[3]</span></span></span></span></a><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="https://www.nli.org.il/en/discover/history/zionism/language-war"><span class="LienInternet" style="color:navy"><span style="text-decoration:underline">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; https://www.nli.org.il/en/discover/history/zionism/language-war</span></span></a> consult&eacute; le 1<sup>er</sup> juillet 2022.</span></span></span></span></p> </div> </div>