<p style="text-indent: 22.7pt; margin-top: 4px; margin-bottom: 4px; text-align: center;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><b><span style="font-size:11.0pt">Les enjeux philosophiques et sociologiques du nouchi&nbsp;:</span></b></span></span></p> <p style="text-indent: 22.7pt; margin-top: 4px; margin-bottom: 4px; text-align: center;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><b><span style="font-size:11.0pt">pour une intelligibilit&eacute; symbolique</span></b></span></span></p> <p style="text-indent: 22.7pt; margin-top: 4px; margin-bottom: 4px; text-align: center;">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt">Moulo Elys&eacute;e Kouassi, universit&eacute; Alassane Ouattara, Bouak&eacute;, C&ocirc;te d&rsquo;Ivoire. il est l&rsquo;auteur de&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><i><span style="font-size:11.0pt">L&#39;am&egrave;re saveur de la libert&eacute; ou la r&eacute;invention de soi dans la douleur</span></i><span style="font-size:11.0pt"> chez Edilivre, 2019</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><i><span style="font-size:11.0pt">Bref ph&eacute;nom&eacute;nologie de l&#39;immigration dans l&#39;Afrique actuelle</span></i><span style="font-size:11.0pt">, &Eacute;dition universitaire europ&eacute;enne, 2018</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><i><span style="font-size:11.0pt">Le pauvre et le r&ecirc;ve</span></i><span style="font-size:11.0pt">, &Eacute;dition universitaire europ&eacute;enne, 2017</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><i><span style="font-size:11.0pt">De l&rsquo;existence, esquisse d&rsquo;une r&eacute;flexion sur l&rsquo;accomplissement humain</span></i><span style="font-size:11.0pt"> Edilivre, 2016</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px">&nbsp;</p> <h2 style="text-align: justify; text-indent: 22.7pt; margin-top: 4px; margin-bottom: 4px;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><b><span style="font-size:11.0pt"><span style="background:white"><span style="color:#26282a">Introduction</span></span></span></b></span></span></h2> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt"><span style="background:white"><span style="color:#26282a">Est-il possible de soutenir une d&eacute;saffection ou une apathie linguistique &agrave; l&rsquo;&eacute;gard du Nouchi? La t&eacute;nacit&eacute; et la vitalit&eacute; du Nouchi ne nous obligent-elles pas &agrave; un au-del&agrave; de nos r&eacute;flexions primaires sur une langue v&eacute;hiculaire per&ccedil;ue autrefois comme un ph&eacute;nom&egrave;ne m&eacute;t&eacute;orique, un instinct de jeunesse d&eacute;sobligeant et r&eacute;fractaire &agrave; la langue nationale&nbsp;? A bien des &eacute;gards, nous sommes mis en demeure d&rsquo;&eacute;tudier et d&rsquo;analyser rigoureusement la dynamique de l&rsquo;&eacute;volution du Nouchi, de com-prendre dans quelle mesure il pourrait aider &agrave; la sauvegarde de la destin&eacute;e temporelle de la C&ocirc;te d&rsquo;Ivoire face au repli identitaire. Dans des bien des cas, nous devons &eacute;tudier les pr&eacute;dictions sur son avenir dans un contexte d&rsquo;aust&eacute;rit&eacute;, comprendre comment il a subsist&eacute; au temps pour s&rsquo;impose comme n&eacute;cessaire et, allant de soi, sujet national voire international. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt"><span style="background:white"><span style="color:#26282a">Au prisme de la philosophie et de la sociologie, cette analyse-action entend &eacute;tudier une dimension particuli&egrave;re du Nouchi en contexte de crise des identit&eacute;s, mais aussi, et surtout, dans une philosophie de l&rsquo;existence mue par la qu&ecirc;te inextinguible de la Libert&eacute;. Il va s&rsquo;en dire que dans nos soci&eacute;t&eacute;s o&ugrave; le repli identitaire est &agrave; l&rsquo;aff&ucirc;t, il devient urgent et n&eacute;cessaire de saisir l&rsquo;intelligibilit&eacute; du Nouchi, c&rsquo;est-&agrave;-dire questionner son fondement et ses fonctions sociales. &Agrave; partir de ces consid&eacute;rations, il para&icirc;t clairement que notre objectif est d&rsquo;en r&eacute;v&eacute;ler les raisons qui le fondent, qui le l&eacute;gitiment et qui en constituent les justifications de sa condition p&eacute;rennise, d&rsquo;une part, et, d&rsquo;autre part, d&rsquo;en montrer comment dans une logique de r&eacute;-invention de soi il est un projet mu par une sorte de m&eacute;tamorphose existentielle. Nous entendons montrer par la &laquo;&nbsp;r&eacute;flexion seconde&nbsp;&raquo; (Gabriel Marcel, 1951, p.13) que le Nouchi met entre parenth&egrave;ses les alibis ethniques et les palabres st&eacute;riles autour de l&rsquo;ethnicit&eacute; et qu&rsquo;il r&eacute;v&egrave;le une </span></span></span><i><span style="font-size:11.0pt">autog&eacute;n&eacute;ration</span></i><span style="font-size:11.0pt">, un <i><span style="background:white"><span style="color:#26282a">acte-cr&eacute;ateur</span></span></i><span style="background:white"><span style="color:#26282a">. </span></span>Ainsi, dans une d&eacute;marche ph&eacute;nom&eacute;nologique et socio-critique, le Nouchi sera per&ccedil;u comme une n&eacute;cessit&eacute; existentielle dans un contexte o&ugrave; le concept de <i>langue-culture</i> devient une probl&eacute;matique essentielle pour l&rsquo;&ecirc;tre-au-monde<i>.</i></span></span></span></p> <h2 style="text-align: justify; text-indent: 22.7pt; margin-top: 4px; margin-bottom: 4px;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><b><i><span style="font-size:11.0pt">1. </span></i></b><b><i><span style="font-size:11.0pt">Le Nouchi&nbsp;: herm&eacute;neutique du sens et de la r&eacute;ception</span></i></b></span></span></h2> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt">La reconnaissance de la vitalit&eacute; et l&rsquo;omnipr&eacute;sence du Nouchi nous obligent &agrave; penser ses enjeux philosophiques et sociologiques. L&rsquo;av&egrave;nement du Nouchi n&rsquo;a jamais &eacute;t&eacute; aur&eacute;ol&eacute; de gloire, car &laquo;&nbsp; consid&eacute;r&eacute; comme la langue des brigands, des truands des quartiers chauds d&rsquo;Abidjan&nbsp;&raquo; (Chonou, 2015, p.140.), qui peu &agrave; peu a investi tout le terroir. Aujourd&rsquo;hui, tous (linguistes et sp&eacute;cialistes du langage) s&rsquo;accordent &agrave; reconna&icirc;tre sa vitalit&eacute; et sa t&eacute;nacit&eacute; malgr&eacute; les pr&eacute;dications pessimistes sur son avenir. L&rsquo;on en vient m&ecirc;me &agrave; s&rsquo;interroger sur le fondement l&eacute;gitime et essentiel. Promis &agrave; un avenir fracassant et cauchemardesque, un regard &eacute;triqu&eacute; et lucide nous oblige d&eacute;sormais &agrave; questionner en direction de ses fonctions sociales. Il s&rsquo;agira donc de conna&icirc;tre son fondement l&eacute;gitime, de saisir &laquo; les conditions de son &eacute;mergence et de sa p&eacute;rennisation (Chonou, 2015, p. 135) pour en d&eacute;gager son int&eacute;r&ecirc;t profond et ontologique.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt">Un regard ph&eacute;nom&eacute;nologique autour de nous et sur le ph&eacute;nom&egrave;ne Nouchi, invite &agrave; aller au-del&agrave; de l&rsquo;analyse descriptive qui reste l&rsquo;&oelig;uvre des linguistes, pour saisir le c&oelig;ur fondant du Nouchi. <i>Pour-quoi</i> le Nouchi&nbsp;? Telle serait la question philosophique par excellence, &agrave; propos. Mais la r&eacute;ponse &agrave; une telle question appelle la saisie de l&rsquo;intelligibilit&eacute; qui passe par une herm&eacute;neutique du sens. L&rsquo;herm&eacute;neutique est la science de l&rsquo;interpr&eacute;tation des signes, de leur valeur symbolique. Foucault (1996, p. 44.) la saisit comme &laquo;&nbsp;<span style="background:white"><span style="color:black">l&#39;ensemble des connaissances et des techniques qui permettent de faire parler les signes et de d&eacute;couvrir leur sens&nbsp;&raquo;. Ainsi, on comprend que le bien-fond&eacute; d&rsquo;une herm&eacute;neutique du Nouchi renvoie &agrave; une intellection son fondement l&eacute;gitime ainsi que ses fonctions sociales, en contexte de r&eacute;invention de soi (Lafage, 2002, p. 35).</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt"><span style="background:white"><span style="color:black">Premi&egrave;rement, la signification fondamentale du Nouchi tient avant tout &agrave; l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;un <i>acte cr&eacute;ateur.</i> L&rsquo;acte-cr&eacute;ateur est un acte qui est le propre d&rsquo;un Sujet libre, autonome et responsable. Un tel acte est la manifestation de l&rsquo;&ecirc;treit&eacute; et de la subjectivit&eacute;, car il est le propre de l&rsquo;homme int&eacute;rieur libre, capable de faire germer des formes nouvelles. C&rsquo;est-&agrave;-dire un sujet capable de d&eacute;-construire, de r&eacute;-construire et de reconstituer son historicit&eacute;, de sortir son &ecirc;tre historique des joutes de l&rsquo;ali&eacute;nation (spirituelle, intellectuelle, culturelle, politique et &eacute;conomique). C&rsquo;est l&rsquo;acte de la volont&eacute; qui vise le nivellement des formes, l&rsquo;ensemencement des nouveaux jalons, des mentalit&eacute;s neuves. C&rsquo;est donc une volont&eacute; conqu&eacute;rante et cons&eacute;quente, une qu&ecirc;te de sens de l&rsquo;existentiel qui devient, en derni&egrave;re analyse, l&rsquo;expression parfaite de la volont&eacute; de puissance, en tant que celle-ci ajoute foi &agrave; la puissance de la causalit&eacute; de la volont&eacute; transformatrice.&nbsp; L&rsquo;acte cr&eacute;ateur devient donc un acte de la volont&eacute; voulue, et celle-ci est conscience et r&eacute;fl&eacute;chie, responsable et autonome. Un tel acte fonde l&rsquo;&eacute;thique de la responsabilit&eacute; (Nietzsche et Sartre).&Agrave; partir de cette premi&egrave;re consid&eacute;ration, le Nouchi appara&icirc;t comme un acte cr&eacute;ateur qui est investi d&rsquo;une volont&eacute; de puissance capable de donner vie et forme &agrave; des formes nouvelles, en l&rsquo;occurrence cette nouvelle parlure omnipr&eacute;sente. C&rsquo;est le d&eacute;sir ou le vouloir de l&rsquo;homme &agrave; dominer la parole, &agrave; lui donner sens en donnant aussi sens &agrave; sa propre existence. Voil&agrave; pourquoi le linguiste Aboa (2017, p. 63) dit qu&rsquo;il&nbsp;&laquo;&nbsp;est embl&eacute;matique pour les jeunes qui le revendique en tant qu&rsquo;affirmation de leur identit&eacute;, de leur &laquo;&nbsp;esprit cr&eacute;ateur et de leur volont&eacute; de libert&eacute;&nbsp;&raquo;.L&rsquo;enracinement du Nouchi dans le milieu jeunesse non t&eacute;moigne donc d&rsquo;une qu&ecirc;te de la dignit&eacute; culturelle.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt"><span style="background:white"><span style="color:black">Deuxi&egrave;mement, le Nouchi devra &ecirc;tre per&ccedil;u comme une &eacute;thique de l&rsquo;&ecirc;tre-au-monde dont le ferment reste et demeure une r&eacute;invention de soi. Cette r&eacute;invention de soi est le propre de l&rsquo;homme &agrave; la seconde puissance puisqu&rsquo;il est le seul capable de d&eacute;cider de se r&eacute;cr&eacute;er, de refa&ccedil;onner l&rsquo;existence. Cette r&eacute;appropriation est le d&eacute;sir de sortir des joutes d&rsquo;une ali&eacute;nation culturelle &eacute;tal&eacute;e sur un demi-si&egrave;cle et qui n&rsquo;offre aucune possibilit&eacute; louable de r&eacute;alisation de soi et d&rsquo;autor&eacute;alisation. Se r&eacute;approprier son histoire c&rsquo;est en &ecirc;tre le guide, le d&eacute;positaire authentique. A travers le Nouchi les jeunes veulent se r&eacute;affirmer. C&rsquo;est m&ecirc;me une qu&ecirc;te de la libert&eacute; qui n&rsquo;est possible que par la libert&eacute; de l&rsquo;<i>Esprit</i> et de <i>Conscience</i>. Il y a donc une crise de la conscience au sens o&ugrave; les jeunes se refusent une langue dans laquelle ils ne trouvent que limitation. Ils veulent aller au-del&agrave; du r&eacute;el, atteindre des seuils dont personne ne se fait la repr&eacute;sentation. Ils ont compris que l&rsquo;homme transcendantal est le seul grand artisan de l&rsquo;histoire (Berdiaeff, 1968). Ainsi, ils s&rsquo;inscrivent doublement dans une &eacute;thique de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; en se posant comme &laquo;&nbsp;l&rsquo;autre en tant qu&rsquo;autre&nbsp;&raquo;, et ils expriment la langue de l&rsquo;autre en tant qu&rsquo;autre pour faire valoir leur identit&eacute; culturelle et leur dignit&eacute;. Peut-&ecirc;tre le proc&eacute;d&eacute; linguistique dynamique et &eacute;volutif n&rsquo;offre pas une grande stabilit&eacute;, mais la symbolique du Nouchi v&eacute;hicule un message fort&nbsp;:la symbolique de la m&eacute;tamorphose existentielle et de la Libert&eacute;.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt"><span style="background:white"><span style="color:black">Troisi&egrave;mement, dans la perspective de la sociologie dialectique, le Nouchi est le combat de la masse opprim&eacute;e par une minorit&eacute; d&rsquo;intellectuelle &eacute;prise du fran&ccedil;ais. Le Nouchi est infl&eacute;chie &agrave; l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;une m&eacute;tamorphose sociale, un changement de mentalit&eacute;.</span></span></span><span style="font-size:11.0pt"> Le Nouchi se pr&eacute;sente comme le langage de la <i>Libert&eacute;</i>, un v&eacute;ritable moyen de r&eacute;cr&eacute;ation de soi, de reconqu&ecirc;te, etc. <span style="background:white"><span style="color:black">Ce qui importe dans cette analyse, ce n&rsquo;est pas tant la codification du Nouchi, ni le m&eacute;canisme de construction de cette langue, c&rsquo;est le fondement l&eacute;gitime. Le substratum qui le fonde est important. Dans une <i>dialectique existentielle de l&rsquo;&ecirc;tre et l&rsquo;avoir</i>, nous dirions que le Nouchi r&eacute;pond &agrave; l&rsquo;exigence de la sauvegarde et de la reconstitution d&rsquo;un patrimoine mat&eacute;riel et immat&eacute;riel. Le Nouchi devient donc une valeur culturelle &agrave; promouvoir et &agrave; entretenir avec soin, si l&rsquo;on s&rsquo;accorde qu&rsquo;&ecirc;tre homme, ou &ecirc;tre un peuple, c&rsquo;est avoir sa propre culture, son histoire et sa langue. Le Nouchi devient l&rsquo;<i>avoir</i> de l&rsquo;&ecirc;tre ivoirien, la symbolique de son affirmation et de son accomplissement dans l&rsquo;histoire&nbsp;; et rien, rien au monde ne doit &eacute;touffer cette marche. </span></span>Comme le dit si bien le sociologue, &laquo;&nbsp;La structure du langage n&rsquo;est jamais fix&eacute;e pour toutes, elle fait l&rsquo;objet d&rsquo;une transformation plus ou moins continue initi&eacute;e par les individus au fil de leurs interactions sociales et de leurs actions sur l&rsquo;environnement&nbsp;&raquo; (Manfred Bischoff (2008, p.149).<span style="background:white"><span style="color:black">En tant que tel, le Nouchi devient le langage de la libert&eacute; mais surtout le langage de la r&eacute;flexivit&eacute; et de l&rsquo;intersubjectivit&eacute;. Avant de questionner en direction de ses fonctions sociales, il est tr&egrave;s significatif de faire reconna&icirc;tre le m&eacute;rite et le talent du g&eacute;nie cr&eacute;ateur d&rsquo;une jeunesse qui a su volontairement ou non insuffl&eacute; une dynamique linguistique nouvelle, une pens&eacute;e du renouveau dans le domaine des langues. Le Nouchi n&rsquo;aurait pas pu ne pas &ecirc;tre&nbsp;; il d&eacute;note de la responsabilit&eacute; et de la volont&eacute; de donner sens &agrave; l&rsquo;existence. Quelle interpr&eacute;tation lui accorder apr&egrave;s avoir d&eacute;gag&eacute; son fondement l&eacute;gitime&nbsp;?</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px">&nbsp;</p> <h2 style="text-align: justify; text-indent: 22.7pt; margin-top: 4px; margin-bottom: 4px;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><b><i><span style="font-size:11.0pt">2. </span></i></b><b><i><span style="font-size:11.0pt">Des fonctions sociales &agrave; l&rsquo;intelligibilit&eacute; symbolique &nbsp;du Nouchi&nbsp;: vers le sens de la cr&eacute;ativit&eacute; culturelle</span></i></b></span></span></h2> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt">Au prisme de la philosophie et de la sociologie, il devient pr&eacute;gnant d&rsquo;appr&eacute;hender le Nouchi autrement que comme un v&eacute;ritable moyen de construction de l&rsquo;&ecirc;tre-collectif. Le Nouchi est, et il faudra l&rsquo;assumer, un langage de <i>Rencontre</i>, de Dialogue, voire de communion intersubjective. Comme vecteur de culture, de solidarit&eacute; et de fraternit&eacute;, le Nouchi devient ce moyen de co-habitation interculturelle, de r&eacute;conciliation des <i>I-dentit&eacute;s</i>, et donc ce facilitateur de la co-existence par de-l&agrave; les diff&eacute;rences culturelles et linguistiques. Nous entendons fonder le Nouchi dans cette interpr&eacute;tation discursive fondamentale o&ugrave; l&rsquo;&ecirc;tre &eacute;pris de parole et de pens&eacute;e se d&eacute;lecte dans l&rsquo;<i>Ouvert</i> avec les autres, en d&eacute;passant sa seule r&eacute;alit&eacute; culturelle pour &eacute;choir en une fraternit&eacute; transcendantale d&rsquo;o&ugrave; jaillit la socialit&eacute; et la vie intersubjective. Le Nouchi est l&rsquo;expression sans ambages d&rsquo;une int&eacute;gration linguistique en marche, qui, bien construite, peut servir de levier pour la construction d&rsquo;une int&eacute;gration des peuples&nbsp;; tant sa singularit&eacute; montre qu&rsquo;elle d&eacute;passe les subjectivit&eacute;s pour r&eacute;aliser l&rsquo;<i>&ecirc;tre-ensemble</i>. Toute langue a pour vision de rassembler et d&rsquo;unir autour d&rsquo;un id&eacute;al soci&eacute;tal ind&eacute;niable qui fonde l&rsquo;unicit&eacute; de la r&eacute;alit&eacute; historique et spirituelle du peuple ou du groupe qu&rsquo;elle investit. En un tel sens, le Nouchi para&icirc;t conqu&eacute;rir le vivre-ensemble, un id&eacute;al d&rsquo;unit&eacute; qui rassemble, mobilise les jeunes, voire le paysage linguistique ivoirien. Par le Nouchi et &agrave; travers le Nouchi plusieurs s&rsquo;unissent consciemment ou non, parlementent, interagissent sans pour autant faire pr&eacute;valoir la sup&eacute;riorit&eacute; ou l&rsquo;identit&eacute; ethnique. Le Nouchi favorise la sublimation des identit&eacute;s meurtri&egrave;res (repli identitaire) en r&eacute;alisant un <i>vivre-ensemble</i> les l&eacute;g&egrave;res diff&eacute;rences sociolinguistiques sont proscrites.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt">Nous pouvons (perce)-voir dans le ph&eacute;nom&egrave;ne Nouchi un au-del&agrave; qui n&rsquo;est rien d&rsquo;autre que l&rsquo;intersubjectivit&eacute;, sinon la vie dialogique, dont Martin BUBER s&rsquo;&eacute;tait tant investi, puisqu&rsquo;il voyait le monde humain comme un cadre de <i>Rencontre</i>. Dans la pens&eacute;e bub&eacute;rienne le dia-logue est un aveu d&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; en ce sens qu&rsquo;il n&rsquo;y a dans le dialogue authentique aucune possibilit&eacute; de n&eacute;antisation de l&rsquo;autre en tant qu&rsquo;autre. La relation <i>Je-Tu</i>(Buber) prend toute sa valeur surabond&eacute;e puisqu&rsquo;elle inaugurale une relation o&ugrave; il y a une <i>assomption de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;</i>. Interpr&eacute;ter le Nouchi dans ce contexte o&ugrave; la possibilit&eacute; du dialogue est offerte, m&ecirc;me aux inconnus, c&rsquo;est reconna&icirc;tre clairement que nous entrons dans une intersubjectivit&eacute; dont l&rsquo;intentionnalit&eacute; op&eacute;rante est la <i>fraternit&eacute;</i>. Le Nouchi est donc la manifestation d&rsquo;une communication inter-humaine qui milite en faveur de la sociabilit&eacute;, la rencontre, le rassemblement. En r&eacute;alisant donc l&rsquo;int&eacute;gration, il met en jeu l&rsquo;intersubjectivit&eacute;, donn&eacute;e essentielle de la philosophie du dialogue, laquelle philosophie entend humaniser la vie, apporter un sens divin &agrave; l&rsquo;humanit&eacute;. Car par &laquo;&nbsp;une assurance existentielle invincible&nbsp;&raquo; (Gabriel Marcel, 1964, p.67), les nouchiphones r&eacute;alisent une &laquo;&nbsp;hospitalit&eacute; spirituelle&nbsp;&raquo; (Gabriel Marcel, 1964, p.271) qui transcende l&rsquo;ethnicit&eacute; probl&eacute;matog&egrave;ne. Mais cette solidarit&eacute; inh&eacute;rente au Nouchi, faut-il le reconna&icirc;tre, se construit par opposition &agrave; la langue fran&ccedil;aise. D&egrave;s lors, si le Nouchi vient comme une r&eacute;invention culturelle et linguistique, il serait plus avantageux de le soutenir, de le promouvoir et de travailler &agrave; sa codification. Le Nouchi, dans la perspective du dialogue <i>langue-culture,</i> para&icirc;t comme le creuset de la fraternit&eacute; nationale. En tant que tel, se pose l&rsquo;exigence de penser la dimension anthropologique et sociale du Nouchi, car il est ind&eacute;niable de reconna&icirc;tre qu&rsquo;il favorise un dialogue inter-ethnique, un brassage culturel, le vivre-ensemble, la sociabilit&eacute;. En tant que marquage identitaire en devenir, il appara&icirc;t aussi comme un instrument d&rsquo;int&eacute;gration pour les jeunes dans un espace multilinguistique polymorphe. Au regard de la r&eacute;alit&eacute; sociolinguistique de la C&ocirc;te d&rsquo;Ivoire, on ne peut nier le caract&egrave;re pr&eacute;gnant de la coh&eacute;sion interculturelle dont est capable de g&eacute;n&eacute;rer le Nouchi, qui appara&icirc;t d&egrave;s lors comme le solide fondement l&eacute;gitime de l&rsquo;&ecirc;tre-ensemble. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt">&Agrave; la v&eacute;rit&eacute;, dans la perspective ph&eacute;nom&eacute;nologique, entendu que la ph&eacute;nom&eacute;nologie va droit aux choses, dans leur source originaire, se per&ccedil;oit l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t d&rsquo;une intelligibilit&eacute; symbolique du Nouchi. Cette intelligibilit&eacute; symbolique et sa condition socio-philosophique nous invitent &agrave; le saisir comme un espace de langue-culture pour communiquer une certaine affirmation ou attestation ontologique. La relation &Ecirc;tre&nbsp;/ Parole nous invite &agrave; penser le s&eacute;rieux donc d&rsquo;une anthropologie morale et politique qui, &agrave; la lumi&egrave;re de l&rsquo;intelligibilit&eacute; symbolique, nous oblige, en dernier lieu, &agrave; saisir le Nouchi comme le renoncement de l&rsquo;&ecirc;tre au monologisme linguistique impos&eacute; par le Fran&ccedil;ais, pour donner une origine dialogique au dialogue des r&eacute;alit&eacute;s langue-culture. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt">Symboliquement, nous devons donc comprendre que le Nouchi se saisit comme d&rsquo;un instrument qui permet aux individus de traduire des &eacute;motions et des contenus de pens&eacute;e avec une capacit&eacute; de faire sens pour l&rsquo;existence s&rsquo;entend. L&rsquo;intelligibilit&eacute; symbolique dont il est question permet de comprendre que le Nouchi est un &laquo;&nbsp;projet culturel&nbsp;&raquo;&nbsp;; l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t culturel concret du dialogue des cultures et des peuples, car il est&nbsp;le produit de la cr&eacute;ativit&eacute; culturelle de l&rsquo;homme libre, l&rsquo;&ecirc;tre &agrave; la seconde puissance. On pourrait s&rsquo;abreuver &agrave; la source des enseignements de Jacques Francis dans <i>Diff&eacute;rence et subjectivit&eacute;</i>. Saisir donc les enjeux socio-philosophiques du Nouchi dans une telle perspective, c&rsquo;est perce-voir le Nouchi autrement que comme une cr&eacute;ativit&eacute; culturelle qui plus participe de la mondialisation des cultures, mais aussi de l&rsquo;&eacute;thique de l&rsquo;humanit&eacute;. Il va sans dire que si nous voulons sauvegarder le noyau &eacute;thique de l&rsquo;humanit&eacute; et le d&eacute;veloppement de la dignit&eacute; ontologique de chaque peuple ou langue-culture, il importe alors de reconna&icirc;tre le Nouchi comme un dialogue d&eacute;mocratique et participatif de l&rsquo;&ecirc;tre ivoirien ouvert au monde de la mondialisation. S&rsquo;exprimer en Nouchi, d&egrave;s lors, rel&egrave;ve de la manifestation du spirituel en l&rsquo;homme, c&rsquo;est-&agrave;-dire la capacit&eacute; du sujet &agrave; se transcender pour affirmer sa volont&eacute; de puissance et son attestation ontologique, en tant qu&rsquo;il est incarn&eacute; dans ce globe avec la Parole. Certes, la reconnaissance sociale du Nouchi est probl&eacute;matique et pol&eacute;mique car l&rsquo;intelligibilit&eacute; ph&eacute;nom&eacute;nologique ne nous fournit pas exhaustivement aucune assurance sur sa capacit&eacute; &agrave; &ecirc;tre la langue ivoirienne.&nbsp; Cependant, dans une attitude de prudence philosophique, nous sommes mis en demeure de reconnaitre que, bien qu&rsquo;il atteste d&rsquo;une d&eacute;cision &eacute;thique de l&rsquo;&ecirc;tre-au-monde &agrave; s&rsquo;autogenerer&nbsp;; qu&rsquo;une ontologie ph&eacute;nom&eacute;nologique de la vie rende compte de sa vocation au statut de langue-culture, le contexte politique et sociale ne nous garantit aucune assurance d&eacute;finitive. Le Nouchi peut donc para&icirc;tre &eacute;quivoque quoique rien ne pr&eacute;sage ni sa victoire sur le Fran&ccedil;ais, ni son fracas.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt">Ce qui se donne comme d&rsquo;une &eacute;vidence ph&eacute;nom&eacute;nologique, c&rsquo;est la simple constatation que le Nouchi se pr&eacute;sente ind&eacute;niablement comme un espace&nbsp;&laquo;&nbsp;d&rsquo;autog&eacute;n&eacute;ration et d&rsquo;autor&eacute;v&eacute;lation de Soi que toute vie porte absolument en elle&nbsp;&raquo; (Paul J&eacute;sus, 2009, p. 274).&nbsp; Cela tient &agrave; signifier que l&rsquo;incarnation du Nouchi ou son av&egrave;nement dans l&rsquo;univers linguistique ivoirien vise la sortir de l&rsquo;&ecirc;tre ivoirien de la passivit&eacute; linguistique. Il traduit la projection de soi historiale au sens o&ugrave; l&rsquo;entendrait Heidegger&nbsp;; car,&nbsp; si &laquo;&nbsp; l&rsquo;avenir peut &ecirc;tre investi par le d&eacute;sir et receler alors une efficacit&eacute; <i>mesurante</i>&nbsp; et <i>transformante</i> unique qui s&rsquo;applique sur toute action, &oelig;uvre et &eacute;v&eacute;nement possible (&hellip;) con&ccedil;us comme pr&eacute;gnants et futur et jug&eacute;s &agrave; l&rsquo;aune d&rsquo;un avenir d&eacute;sirable&nbsp;&raquo; (Paul J&eacute;sus, 2009, p. 274-275, cette repr&eacute;sentation de l&rsquo;avenir fulgurante du Nouchi d&eacute;ploie une sorte de repr&eacute;sentation subjective vis-&agrave;-vis d&rsquo;autrui et de la socialit&eacute;. Mais ce serait manquer d&rsquo;objectivit&eacute; et de responsabilit&eacute; si l&rsquo;on ignore que cette id&eacute;e de projection &agrave;&nbsp;la recherche d&rsquo;une identit&eacute; culturelle par la cr&eacute;ativit&eacute; et l&rsquo;inventivit&eacute; culturelle demeure pr&eacute;caire et ne pr&eacute;sage rien de rassurant et d&rsquo;assurant. Cela ne voudrait pas aussi dire que l&rsquo;esprit r&eacute;volutionnaire du Nouchi doit &ecirc;tre sacrifi&eacute; &agrave; l&rsquo;autel de l&rsquo;inesp&eacute;r&eacute; car l&rsquo;inesp&eacute;r&eacute; est aussi la source de l&rsquo;esp&eacute;rance. Elle signifie simplement que la vision apocalyptique d&rsquo;un Nouchi langue nationale de la C&ocirc;te d&rsquo;Ivoire peut para&icirc;tre utopique si on ne d&eacute;termine pas clairement ses enjeux. Reste que la ph&eacute;nom&eacute;nologie du Nouchi t&eacute;moigne aussi d&rsquo;une certitude incertaine, ou m&ecirc;me fait signe pour faire signe d&rsquo;une assurance invincible qui est l&rsquo;id&eacute;e de r&eacute;invention de soi, d&rsquo;autog&eacute;n&eacute;ration et d&rsquo;autor&eacute;v&eacute;lation de Soi. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt">On conviendra, en derni&egrave;re analyse, que cette vision apocalyptique du Nouchi ou le d&eacute;sir ardent d&rsquo;un <i>Nouchi langue nationale</i> ou langue-culture ivoirienne tiendrait au fait que &laquo;&nbsp;l&rsquo;homme qui d&eacute;sire humainement une chose agit non pas pour s&rsquo;emparer de la <i>chose</i> que pour faire <i>reconna&icirc;tre</i> par un autre son <i>droit</i>&nbsp;&raquo; (Paul J&eacute;sus, 2009, p. 279), c&rsquo;est-&agrave;-dire ici le droit de se doter d&rsquo;une langue nationale, d&rsquo;une identit&eacute; linguistique. Rien n&rsquo;indique donc que l&rsquo;intelligibilit&eacute; ph&eacute;nom&eacute;nologique du Nouchi est vaine, m&ecirc;me si rien ne pr&eacute;sage aussi que la C&ocirc;te d&rsquo;Ivoire soit pr&ecirc;te pour l&rsquo;adopter. Il y va d&rsquo;une volont&eacute; politique, encore que cette volont&eacute; ait besoin de se lib&eacute;rer pour lib&eacute;rer le peuple qui aspire &agrave; avoir son <i>Avoir</i>. Nous devons souligner la n&eacute;cessit&eacute; de l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t d&rsquo;une <i>conscience nationale,</i> voire une conscience de la <i>solidarit&eacute; intellectuelle et morale</i> &agrave; l&rsquo;&eacute;gard du Nouchi. Celle-ci doit &ecirc;tre l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;une anthropologie morale cons&eacute;quente par laquelle nous serons &agrave; m&ecirc;me d&rsquo;accepter que le g&eacute;nie-cr&eacute;ateur qui sommeille en l&rsquo;homme ivoirien se soit r&eacute;veill&eacute;, et qu&rsquo;il d&eacute;cide &eacute;thiquement de poser son estampille dans l&rsquo;univers linguistique comme manifeste d&rsquo;une participation &agrave; l&rsquo;aventure de l&rsquo;histoire humaine, avec une <i>propri&eacute;t&eacute;</i>, une valeur linguistique. Il s&rsquo;agit donc de comprendre que la r&eacute;flexion sur le Nouchi l&egrave;ve le voile sur une question sensible et fondamentale&nbsp;: le patrimoine culturel. La r&eacute;flexion sur le Nouchi nous renvoie donc l&rsquo;&eacute;cho d&rsquo;une interrogation en direction du patrimoine mat&eacute;riel et immat&eacute;riel des peuples, tant est que le Nouchi appartient lui-m&ecirc;me au patrimoine mat&eacute;riel et immat&eacute;riel du peuple ivoirien. L&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;une &eacute;conomie du Nouchi doit s&rsquo;inscrire dans une compr&eacute;hension fondamentale de la Politique, en ce sens que, comme le souligne si bien (Arendt (1990, p. 61.), &laquo; si nous voulons &ecirc;tre chez nous sur cette terre, f&ucirc;t-ce au prix d&rsquo;un accord avec notre si&egrave;cle, nous devons nous efforcer de prendre part &agrave; ce dialogue sans fin avec l&rsquo;essence de ce monde. &raquo; Ainsi le jaillissement du Nouchi &laquo;&nbsp;en tant que d&eacute;ploiement et d&eacute;voilement de la capacit&eacute; humaine &agrave; cr&eacute;er des changements positifs, &agrave; am&eacute;nager l&rsquo;espace par un agencement m&eacute;canique&nbsp;&raquo; (Kouassi, 2017, p. 309), r&eacute;pond d&lsquo;un droit naturel &agrave; disposer de soi-m&ecirc;me comme exigence ontologique et morale. Il invite donc &agrave; se saisir de &nbsp;la <i>Culture comme force&nbsp; </i>(Yahot, 1999), car &laquo; la volont&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre nous-m&ecirc;mes ; d&rsquo;assumer notre destin, nous accule finalement &agrave; la n&eacute;cessit&eacute; de nous transformer en profondeur &raquo; (Towa, 1970, p. 39), et ce par un consciencisme porteur de tout espoir. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px">&nbsp;</p> <h2 style="text-align: justify; text-indent: 22.7pt; margin-top: 4px; margin-bottom: 4px;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><b><i><span style="font-size:11.0pt">Conclusion</span></i></b></span></span></h2> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt">La probl&eacute;matique linguistique et culturelle autour du Nouchi, &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rience, s&rsquo;est r&eacute;v&eacute;l&eacute;e pi&eacute;g&eacute;e et sans issue&nbsp;; cependant nous pensons que c&rsquo;est &agrave; la faveur d&rsquo;une solidarit&eacute; intellectuelle et morale que les conclusions de cette analyse devraient &ecirc;tre jug&eacute;es et examin&eacute;es.&nbsp; Le consciencisme porteur des espoirs est manifeste dans la revendication culturelle et linguistique qu&rsquo;ex-pose l&rsquo;herm&eacute;neutique du Nouchi. Il nous est apparu urgent de soutenir que seule une volont&eacute; politique lib&eacute;r&eacute;e de la passivit&eacute; et l&rsquo;ali&eacute;nation est la voix s&ucirc;re de la garantie de cette contestation symbolique l&eacute;gitime. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt">La m&eacute;prise sur l&rsquo;intention de cet expos&eacute; serait de penser qu&rsquo;elle invite &agrave; une rupture radicale avec la langue fran&ccedil;aise. Notre intention n&rsquo;a &eacute;t&eacute; bien plut&ocirc;t d&rsquo;indiquer que le Nouchi appara&icirc;t comme l&rsquo;expression de la dialectique <i>langue-culture</i>, et qu&rsquo;il postule la libert&eacute; existentielle en &oelig;uvre dans la philosophie de l&rsquo;existence. En se posant pour s&rsquo;opposer au Fran&ccedil;ais, se per&ccedil;oit fondamentalement dans le Nouchi une intentionnalit&eacute; op&eacute;rante qui est le d&eacute;sir de l&rsquo;homme transcendantal d&rsquo;&ecirc;tre ma&icirc;tre de la Parole, sinon artisan de son histoire. Le chemin de l&rsquo;autog&eacute;n&eacute;ration, l&rsquo;auto-cr&eacute;ation culturelle passe obligatoirement par cette m&eacute;ditation qui r&eacute;v&egrave;le le Nouchi comme le manifeste du spirituel en l&rsquo;homme qui fait jaillir des formes nouvelles, actant la vie. Aucune autonomie n&rsquo;est effective et r&eacute;alisable dans le domaine politique, culturelle, voire soci&eacute;tale sans cette r&eacute;elle volont&eacute; de se recr&eacute;er, de niveler les choses et de mettre un terme &agrave; la passivit&eacute; linguistique. L&#39;ind&eacute;pendance linguistique et culturelle ne postule nullement une rupture iconoclaste avec les langues ext&eacute;rieures&nbsp;; elle n&rsquo;est ni une rupture iconoclaste avec le reste du monde, ni un changement radical en faisant table-rase du pr&eacute;sent avec ses exigences. Elle postule simplement un acte symbolique de la libert&eacute; s&rsquo;affirmant dans l&rsquo;homme, et constitue la preuve de la revendication de la dignit&eacute; culturelle qui est un noyau essentiel de l&rsquo;&eacute;thique de l&rsquo;humanit&eacute; et de son d&eacute;veloppement m&ecirc;me. Par-del&agrave; le Nouchi doit &ecirc;tre per&ccedil;u autrement que comme un langage de la fraternit&eacute;, de l&rsquo;intersubjectivit&eacute;, voire du dialogue des cultures. Quoique donc la vocation du Nouchi au statut de langue-culture soit probl&eacute;matique et pol&eacute;mique, la revendication linguistique et culturelle port&eacute;e par le Nouchi fait signe fondamentalement de la projection historiale de l&rsquo;&ecirc;tre ivoirien. Une solidarit&eacute; morale et intellectuelle et un courage philosophique et politique, restent cependant le seul moyen de la r&eacute;alisation du d&eacute;sir de cette auto-cr&eacute;ation culturelle. Si on ne peut le rejeter, alors il nous faut saisir cette vision apocalyptique d&rsquo;un Nouchi langue nationale comme le moyen favorable d&rsquo;une cr&eacute;ation culturelle. Soit. Bien des paroles &agrave; m&eacute;diter&nbsp;!</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><b><i><span style="font-size:11.0pt">R&eacute;f&eacute;rences bibliographiques</span></i></b></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt">ABOA, A, &laquo;&nbsp;Le Nouchi, ph&eacute;nom&egrave;ne identitaire et posture g&eacute;n&eacute;rationnelle&nbsp;&raquo;, <i>Revue Expression</i>s, n&deg;3, pp. 61-70. ISSN&nbsp;: 11-5130.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt">ARENDT, H, &nbsp;1990, &laquo; Compr&eacute;hension et politique &raquo;, in <i>La nature du totalitarisme</i>, Paris, Payot &amp; Rivages. EAN&nbsp;:<span style="background:white"><span style="color:black"> 9782228882224.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt">BISCHOFF, M, 2008, <span style="background:white"><span style="color:black">&nbsp;&laquo;&nbsp;</span></span>Une br&egrave;ve pr&eacute;sentation de la sociologie dialectique de&nbsp; Michel Freitag&nbsp;&raquo;,&nbsp; <i>&Eacute;conomie et Solidarit&eacute;s</i>,&nbsp; volume 39, n&deg; 2, pp. 146&ndash;153. ISSN&nbsp;: 0378-7931.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt">CHONOU, H, 2015, &laquo;&nbsp;Le nouchi : une identit&eacute; ivoirienne&nbsp;&raquo;, <i>Argotica</i>, n&deg;1, pp. 140-156. ISSN&nbsp;: 2343-7200.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt">FOUCAULT, M,<span style="background:white"><span style="color:black"> 1966, <i>Les Mots et les choses,&nbsp;</i>Paris, Gallimard</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt"><span style="background:white"><span style="color:black">FRANCIS, J, 1992, <i>Diff&eacute;rence et subjectivit&eacute;</i>, Paris, Aubier.&nbsp; ISBN&nbsp;: 2-7007-0295-6. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt"><span style="background:white"><span style="color:black">JESUS, P, </span></span></span><span style="font-size:11.0pt">&laquo;&nbsp;L&rsquo;instabilit&eacute; de l&rsquo;&ecirc;tre-avec: Configurations de l&rsquo;intersubjectivit&eacute; autour de Sartre, Merleau-Ponty et Levinas&nbsp;&raquo;. <i>Revue Philosophique de Louvain, </i>107 (2), pp.269-300.ISSN Papier&nbsp;: 1783-1768.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt">LAFAGE, S, 2002, &laquo; Le lexique fran&ccedil;ais de C&ocirc;te d&rsquo;Ivoire : Appropriation et cr&eacute;ativit&eacute; &raquo;, <i>Le fran&ccedil;ais en Afrique noire. Revue du ROFCAN</i>, n&deg;16. ISNN&nbsp;: 1997-4256.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt">MARCEL, G, 1964, <i>La dignit&eacute; humaine</i>. Paris, Aubier-Montaigne.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt">KOUASSI, M, 2017, &laquo;&nbsp;R&eacute;flexion seconde et d&eacute;fi d&rsquo;&eacute;mergence de l&rsquo;Afrique&nbsp;&raquo;. <i>Perspectives philosophiques</i>, HS, Vol.2, pp. 284-306. ISSN&nbsp;: 2313-7908.<span style="color:white">:</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt">TOWA, M, 1971, <i>Essai sur la probl&eacute;matique philosophique dans l&rsquo;Afrique actuelle</i>. Yaound&eacute;, &Eacute;ditions cl&eacute;. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:22.7pt; margin-top:4px; margin-bottom:4px"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:11.0pt">YAHOT, C, 1999, &laquo; La culture comme force &raquo;.<i>Quest</i>, Vol. IX/2, Vol. X/1.</span></span></span></p>