<p style="text-align: justify;">Fort de son succ&egrave;s dans le monde Acad&eacute;mique, emprunt de multiples controverses, l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne n&rsquo;en finit plus de faire couler de l&rsquo;encre &agrave; tel point que l&rsquo;on ne sait plus v&eacute;ritablement de quoi parle-t-on quand on parle d&rsquo;Anthropoc&egrave;ne. Cet article apporte une clarification des d&eacute;bats et des principaux points de controverses. Afin de mieux cerner ce que parler d&rsquo;Anthropoc&egrave;ne veut dire, il d&eacute;veloppe une analyse des registres discursifs et interpr&eacute;tatifs en d&eacute;taillant ses fondations historiques. Cette d&eacute;construction historiographique permet en retour de mieux comprendre sa nature hybride, les migrations conceptuelles dont il a fait l&rsquo;objet et ses implications prax&eacute;ologiques r&eacute;ussissant un prodigieux grand &eacute;cart entre les sciences g&eacute;ologiques et la philosophie de la nature. Il permet de d&eacute;crire de fa&ccedil;on transversale la difficile structuration du champ interdisciplinaire des sciences du syst&egrave;me Terre (Earth System Science) dont la phase d&rsquo;institutionnalisation et de stabilisation paradigmatique n&rsquo;est pas encore achev&eacute;e.</p> <p style="text-align: justify;">Faisant suite &agrave; un premier article publi&eacute; dans la Newsletter de l&rsquo;International Geosphere-Bioshpere Programme (Igbp)<sup><a href="#_ftn2" id="«_ftnref2">[2]</a></sup> (Crutzen, Stoermer, 2000), Paul Crutzen (2002) a popularis&eacute; ce concept visant initialement &agrave; d&eacute;finir une nouvelle &eacute;chelle de temps g&eacute;ologique pour objectiver l&rsquo;impact de l&rsquo;Homme sur l&rsquo;&laquo;&nbsp;&eacute;cosyst&egrave;me terrestre&nbsp;&raquo;. Suite aux travaux d&rsquo;une &eacute;quipe men&eacute;e par Jan Zalasiewicz (2008), il est depuis 2009, l&rsquo;objet d&rsquo;&eacute;tude d&rsquo;un groupe de travail interdisciplinaire&nbsp;: Anthropoc&egrave;ne Working Group, AWG<sup><a href="#_ftn3" id="«_ftnref3">[3]</a></sup> au sein de l&rsquo;Union Internationale des Sciences G&eacute;ologiques (Iugs). Il existe une diff&eacute;rence fondamentale, permettant d&rsquo;&eacute;clairer avantageusement les controverses actuelles, entre l&rsquo;Igpb illustrant l&rsquo;&eacute;mergence du champ des Sciences du Syst&egrave;me Terre et la Commission Internationale de Stratigraphie (ICS), organe scientifique historique constituant l&rsquo;Iugs (voir annexe2). Les Sciences du Syst&egrave;me Terre visent &agrave; d&eacute;velopper une approche syst&eacute;mique de la complexit&eacute; des changements globaux et &agrave; analyser leurs processus biologiques physico-chimiques et l&rsquo;influence des activit&eacute;s humaines. Les sciences g&eacute;ologiques et notamment la Commission Internationale de Stratigraphie d&eacute;finissent pr&eacute;cis&eacute;ment les unit&eacute;s mondiales (syst&egrave;mes, s&eacute;ries, et les &eacute;tapes) et apparaissent comme les gardiens de l&rsquo;&eacute;chelle des temps g&eacute;ologiques.</p> <p style="text-align: justify;">En toile de fond, sur le plan g&eacute;ologique, le point nodal des controverses porte sur sa formalisation stratigraphique et sa datation&nbsp;: en 2019 aucune proposition de formalisation n&rsquo;a &eacute;t&eacute; d&eacute;pos&eacute;e par l&rsquo;AWG aupr&egrave;s de la Commission Internationale de Stratigraphie (ICS). Dans le champ des sciences humaines et sociales se sont ouverts diff&eacute;rents fronts de controverses avec comme point d&rsquo;horizon la remise en cause des cat&eacute;gories critiques de l&rsquo;histoire sociale pass&eacute;e et de la mondialisation pr&eacute;sente (Chakrabarty, 2010&nbsp;; Bonneuil et Fressoz, 2016&nbsp;; Malm, 2017&nbsp;; Chateauraynaud et Debaz, 2017). L&rsquo;Anthropoc&egrave;ne est le th&eacute;&acirc;tre d&rsquo;affrontements symboliques entre une constellation d&rsquo;acteurs sans v&eacute;ritable polarisation entre deux camps. Certains chercheurs jouissant de positions dominantes enferment sans nuance les membres de l&rsquo;AWG dans la cat&eacute;gorie des &laquo;&nbsp;anthropoc&eacute;nologues&nbsp;&raquo; (Bonneuil et Fressoz, 2016, p. 64), ces derniers &eacute;tant qualifi&eacute;s par d&rsquo;autres chercheurs de pr&eacute;dicateurs de l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne dans la cat&eacute;gorie &laquo;&nbsp;collapsologues&nbsp;&raquo; (Chateauraynaud et Debaz, 2017, p. 44) qui d&eacute;noncent l&rsquo;orthodoxie intellectuelle mettant en exergue des divergences entre critique, praxis et r&eacute;flexivit&eacute;.</p> <p style="text-align: justify;">Aussi apr&egrave;s avoir d&eacute;crit le positionnement th&eacute;orique et la m&eacute;thodologie, l&rsquo;article d&eacute;veloppe, dans une premi&egrave;re partie, une d&eacute;construction &eacute;pist&eacute;mologique de l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne pour ensuite analyser les jeux d&rsquo;acteurs et d&rsquo;arguments au sein de l&rsquo;Iugs. La deuxi&egrave;me permet d&rsquo;analyser les migrations conceptuelles dont il a fait l&rsquo;objet dans le champ des sciences sociales. La conclusion permet de nourrir le d&eacute;bat sur l&rsquo;&laquo;&nbsp;urgence &eacute;cologique&nbsp;&raquo; et les difficult&eacute;s de la communaut&eacute; scientifique &agrave; b&acirc;tir des th&eacute;ories permettant d&rsquo;appr&eacute;hender &agrave; sa juste mesure la complexit&eacute; de l&rsquo;impact des activit&eacute;s humaines sur l&rsquo;environnement et par voix de cons&eacute;quence de construire des cat&eacute;gories de pens&eacute;es op&eacute;rantes.</p> <h2>Positionnement th&eacute;orique et m&eacute;thodologie</h2> <p style="text-align: justify;">Cet article s&rsquo;appuie sur une approche non-r&eacute;ductionniste des controverses articulant diff&eacute;rents courants parfois controvers&eacute;s reposant sur une conceptualisation originale des controverses comme un &laquo;&nbsp;mille-feuille discursif&nbsp;&raquo; (Scotto d&rsquo;Apollonia, 2015). Il apparait pertinent de concevoir les controverses socioscientifiques comme un espace social multidimensionnel, un &laquo;&nbsp;mille-feuille discursif&nbsp;&raquo; constitu&eacute; du <em>In</em>, le discursif (ce qui est donn&eacute; &agrave; voir dans l&rsquo;espace public), et du <em>Off</em>, l&rsquo;interdiscursif (ce qui est invisible depuis l&rsquo;espace public concernant l&rsquo;ensemble des &eacute;changes interpersonnels relevant des diff&eacute;rents espaces interdiscursifs) en s&rsquo;appuyant sur une veille internaliste<sup><a href="#_ftn4" id="«_ftnref4">[4]</a></sup> attentive &agrave; la construction des savoirs.</p> <p style="text-align: justify;">Ce concept s&rsquo;appuie sur la notion d&rsquo;emprise ou d&rsquo;acteurs qualifi&eacute;s d&rsquo;&laquo;&nbsp;empreneurs&nbsp;&raquo; (Chateauraynaud, 2015) qui d&eacute;veloppent une activit&eacute; discr&egrave;te visant &agrave; avoir une emprise en exploitant les angles morts de l&rsquo;espace public. La question de l&rsquo;emprise se d&eacute;tache de la sociologie du d&eacute;voilement dans le sens o&ugrave; il ne s&rsquo;agit pas de r&eacute;v&eacute;ler ce qui est cach&eacute; mais de comprendre comment les longues s&eacute;ries d&rsquo;op&eacute;ration effectu&eacute;es par les acteurs, dans un espace social difficile voire hors d&rsquo;atteinte pour le sociologue, agissent sur les logiques de publicisation des controverses dans les diff&eacute;rents espaces de m&eacute;diation. Pour le chercheur il s&rsquo;agit d&rsquo;acc&eacute;der aux sc&egrave;nes du conflit en &eacute;vitant le biais m&eacute;diacentrique Comby (2012). La conceptualisation des controverses comme la stratification, le feuilletage d&rsquo;un ensemble d&rsquo;espaces multi-inter-discursifs d&eacute;passe largement le simple cadre des &eacute;changes entre chercheurs qui rel&egrave;vent <em>in fine</em> de l&rsquo;activit&eacute; normale de la recherche. Sur le plan linguistique, les arguments exprim&eacute;s par les acteurs dans l&rsquo;espace public sont porteurs des s&eacute;ries d&rsquo;&eacute;preuves subies et de l&rsquo;ensemble de ces activit&eacute;s souterraines. Ainsi l&rsquo;analyse du discours, consid&eacute;r&eacute;e comme l&rsquo;&eacute;tude des intrications entre l&rsquo;organisation textuelle et la situation de communication, appr&eacute;hende l&rsquo;argumentation dans la mat&eacute;rialit&eacute; du discours en fonction de la situation d&rsquo;&eacute;nonciation et des articulations entre le <em>logos</em>, l&rsquo;<em>&eacute;thos</em> et le <em>pathos, </em>tout en restituant son inscription dans l&rsquo;interdiscours (Amossy, 2008).</p> <p style="text-align: justify;">Il s&rsquo;agit donc d&rsquo;articuler la sociologie pragmatique et r&eacute;flexive d&eacute;velopp&eacute;e par Francis Chateauraynaud (2011) avec la sociologie rationaliste, reprenant en grande partie les travaux de Jean-Michel Berthelot (2002, 2008) et de Dominique Raynaud (2018a [2003]). Ce cadre est non r&eacute;ductionniste Berthelot (1992) dans le sens o&ugrave; il ne cherche pas &agrave; projeter d&rsquo;<em>a priori </em>entre l&rsquo;analyse des int&eacute;r&ecirc;ts strat&eacute;giques des acteurs et les arguments mobilis&eacute;s. Cette approche est &agrave; proprement parler interdisciplinaire et mobilise, en plus des approches sociologiques mentionn&eacute;es, diff&eacute;rents champs disciplinaires, l&rsquo;&eacute;pist&eacute;mologie et l&rsquo;histoire des sciences, la linguistique et les sciences de l&rsquo;information et la communication.</p> <p style="text-align: justify;">Sur le plan m&eacute;thodologique, il s&rsquo;agit d&rsquo;articuler simultan&eacute;ment diff&eacute;rents moyens d&rsquo;investigation sur la base d&rsquo;un travail bibliographique de fond permettant de construire un &eacute;tayage &eacute;pist&eacute;mologique &agrave; l&rsquo;aide des moteurs de recherche <em>Web of Science</em> et <em>Google Scholar</em>. Pour cela, l&rsquo;enqu&ecirc;te bibliographique est partie des publications de Crutzen (2002) et de Stoermer et Crutzen (2000). Une enqu&ecirc;te par &eacute;changes de courriers &eacute;lectroniques pr&eacute;cisant les conditions d&rsquo;utilisation des &eacute;changes au pr&eacute;alable et demandant explicitement l&rsquo;autorisation de publication a &eacute;t&eacute; op&eacute;r&eacute;e aupr&egrave;s de l&rsquo;ensemble des acteurs et notamment tous les membres de l&rsquo;AWG en anglais et en fran&ccedil;ais en fonction de leur origine. Elle est compl&eacute;t&eacute;e par des &eacute;changes avec les autres acteurs impliqu&eacute;s dans l&rsquo;enqu&ecirc;te. L&rsquo;analyse des strat&eacute;gies de publicisation pr&eacute;sent&eacute;e dans cet article s&rsquo;inscrit dans une analyse plus large r&eacute;alis&eacute;e sur la base de corpus h&eacute;t&eacute;rog&egrave;nes, audios, vid&eacute;os et textuels &agrave; partir de diff&eacute;rents moteurs de recherche et d&rsquo;une veille sur les sites institutionnels. Le corpus de presse &eacute;crite est construit &agrave; partir des moteurs de recherche Factiva et Europresse avec les mots cl&eacute;s respectivement &laquo;&nbsp;anthropoc&egrave;ne&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;m&eacute;ghalayen&nbsp;&raquo;. Les corpus sont trait&eacute;s &agrave; l&rsquo;aide d&rsquo;une grille uniforme (Scotto d&rsquo;Apollonia, 2016a) sur la base des travaux de Painter (2013) (voir corpus 1 et 2).</p> <h2>La sp&eacute;cificit&eacute; g&eacute;ologique originelle du concept d&rsquo;Anthropoc&egrave;ne</h2> <p style="text-align: justify;">Commun&eacute;ment l&rsquo;origine du concept soit attribu&eacute;e au prix Nobel de chimie Paul Crutzen (2002) dans un court article publi&eacute; dans la revue <em>Nature</em>. Cependant cet article faisait suite &agrave; un pr&eacute;c&eacute;dent article<sup><a href="#_ftn5" id="«_ftnref5">[5]</a></sup> publi&eacute; avec le biologiste am&eacute;ricain Eug&egrave;ne Stoermer<sup><a href="#_ftn6" id="«_ftnref6">[6]</a></sup> (Crutzen, Stoermer, 2000) dans la <em>newsletter</em> du programme onusien sur la biosph&egrave;re (International Geosphere-Biosphere Program, Igbp) couvrant la p&eacute;riode 1986-2015. Crutzen et Stoermer (2002) d&eacute;finissent l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne comme une &laquo;&nbsp;&eacute;poque&nbsp;&raquo; sur l&rsquo;&eacute;chelle de temps g&eacute;ologique pour objectiver l&rsquo;impact des activit&eacute;s humaines sur l&rsquo;&eacute;cosyst&egrave;me terrestre qu&rsquo;ils situent initialement vers la fin du XVIII<sup>&egrave;me</sup> si&egrave;cle<sup><a href="#_ftn7" id="«_ftnref7"><sup><sup>[7]</sup></sup></a>. Crutzen (2002, p. 23) introduit une ambig&uuml;it&eacute; en proposant simultan&eacute;ment les termes &laquo;&nbsp;&eacute;poque&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;&egrave;re&nbsp;&raquo;.</sup></p> <h2>L&rsquo;Anthropoc&egrave;ne existait bien avant les ann&eacute;es 2000</h2> <p style="text-align: justify;">Les origines de l&rsquo;usage du terme &laquo;&nbsp;anthropoc&egrave;ne&nbsp;&raquo; font d&eacute;bat. Stoermer utilisait le terme dans les ann&eacute;es 1980 qu&rsquo;il n&rsquo;avait cependant pas r&eacute;ellement formalis&eacute; avant que Crutzen ne le contacte (Steffen et <em>al</em>., 2011)<em>. </em>Dans leur article, ils consid&egrave;rent qu&rsquo;il est n&eacute;cessaire d&rsquo;introduire un nouveau terme &laquo;&nbsp;anthropoc&egrave;ne&nbsp;&raquo; en pr&eacute;cisant les ancrages historiques du concept qu&#39;ils situent dans diff&eacute;rents travaux &agrave; la fin du XIX<sup>&egrave;me</sup> si&egrave;cle (l&#39;&laquo;&nbsp;&egrave;re anthropozo&iuml;que&nbsp;&raquo; d&rsquo;Antonio Stoppani ou &laquo;&nbsp;psychozoic era<em>&nbsp;&raquo;</em> de Joseph Le Conte)<em>. </em>Or comme le souligne Dominique Raynaud (2018b) l&rsquo;usage du terme &laquo;&nbsp;anthropoc&egrave;ne&nbsp;&raquo; est ant&eacute;rieur aux ann&eacute;es 1980. En effet, le terme &laquo;&nbsp;антропогена&nbsp;&raquo; a &eacute;t&eacute; bel et bien traduit par celui d&rsquo;&laquo;&nbsp;anthropocene&nbsp;&raquo; au moins &agrave; partir des ann&eacute;es 1960 dans les <em>Rapports de l&rsquo;Acad&eacute;mie des sciences</em>. Pour Dominique Raynaud, la raison est simple&nbsp;: l&rsquo;usage rapproch&eacute; de &laquo;&nbsp;Pliocene&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Holocene&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;Anthropocene&nbsp;&raquo; recommandait d&rsquo;homog&eacute;n&eacute;iser les suffixes.</p> <p style="text-align: justify;">Un article de Lewis et Maslin (2015, p. 171) tente d&rsquo;attribuer une occurrence du terme &laquo;&nbsp;anthropoc&egrave;ne&nbsp;&raquo; d&egrave;s les ann&eacute;es 1920. L&rsquo;ouvrage cit&eacute; en r&eacute;f&eacute;rence est en fait une traduction des ann&eacute;es 1970 du russe vers l&#39;anglais et non une traduction des ann&eacute;es 1920 du terme &laquo;&nbsp;антропогена&nbsp;&raquo; par le terme &laquo;&nbsp;anthropoc&egrave;ne&nbsp;&raquo;. Interrog&eacute; sur ces premiers r&eacute;sultats, Jacques Grinevald consid&egrave;re que &laquo;&nbsp;l&#39;Anthropogene&nbsp;&raquo; des Russes qui s&rsquo;inscrit dans l&rsquo;histoire de la guerre froide, n&#39;est pas &laquo;&nbsp;l&#39;Anthropocene&nbsp;&raquo; de Crutzen<sup><a href="#_ftn8" id="«_ftnref8">[8]</a></sup>. Selon lui, Crutzen et Stoermer n&rsquo;avaient pas connaissance de la litt&eacute;rature pr&eacute;c&eacute;dente. Stoermer qui ne faisait pas partie du programme de l&rsquo;Igpb aurait laiss&eacute; &laquo;&nbsp;la main&nbsp;&raquo; &agrave; Crutzen. Le r&ocirc;le de Stoermer sur cette question devrait &ecirc;tre donc minor&eacute; selon Grinevald qui confie lors de l&rsquo;enqu&ecirc;te qu&rsquo;au sein de l&rsquo;AWG ces &eacute;l&eacute;ments historiques sont discut&eacute;s.</p> <h2>La proximit&eacute; lexicale et conceptuelle Anthropog&egrave;ne, Biosph&egrave;re, No&ouml;sph&egrave;re et Ga&iuml;a</h2> <p style="text-align: justify;">Pour mieux cerner conceptuellement l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne, il est n&eacute;cessaire de faire un point sur les travaux mentionn&eacute;s de la fin du XIX<sup>&egrave;me</sup> si&egrave;cle d&eacute;velopp&eacute;s dans les ann&eacute;es 1920 notamment par un acteur central le g&eacute;ologue russe Vladimir Vernadsky (1929, 1945). Comme le souligne Florian Charvolin (1993), en cr&eacute;ant le concept de Biosph&egrave;re, Vernadsky posait les bases d&rsquo;une approche syst&eacute;mique et interdisciplinaire. Sur le plan &eacute;pist&eacute;mologique et lexical, l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne est effectivement tr&egrave;s proche de l&rsquo;Anthropog&egrave;ne (Gerasimov, 1979)<sup><a href="#_ftn9" id="«_ftnref9">[9]</a></sup> largement utilis&eacute; dans la litt&eacute;rature scientifique d&egrave;s les ann&eacute;es 1930 (Raynaud, 2018b). Ces &eacute;l&eacute;ments sont identifi&eacute;s et mentionn&eacute;s en r&eacute;f&eacute;rence &agrave; Tage Nilsson (1983) par l&rsquo;AWG<span style="color: #000000;"><sup><a href="#_ftn10" id="«_ftnref10">[10]</a></sup></span>. La premi&egrave;re occurrence du mot &laquo;&nbsp;anthropog&egrave;ne&nbsp;&raquo; (Raynaud, 2018b) confirme l&rsquo;origine du terme au d&eacute;but du XX&egrave;me si&egrave;cle par la publication d&#39;Alexei Petrovich Pavlov en 1925 dans une revue anthropologique russe. Le Quaternaire ou Anthropog&egrave;ne se situait au rang d&#39;une p&eacute;riode.</p> <p style="text-align: justify;">La sp&eacute;cificit&eacute; de l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne se situe pr&eacute;cis&eacute;ment sur le plan g&eacute;ologique car l&rsquo;id&eacute;e elle-m&ecirc;me n&rsquo;&eacute;tait donc pas nouvelle (Grinevald, 2012, p. 3)<em>. </em>Crutzen et Stoermer ne manquent de rappeler la r&eacute;f&eacute;rence aux travaux de Vernadsky portant sur l&rsquo;influence humaine sur la Biosph&egrave;re et ceux du j&eacute;suite fran&ccedil;ais Pierre Teilhard de Chardin et du philosophe math&eacute;maticien Edouard Le Roy ayant introduit le terme de No&ouml;sphere<sup><a href="#_ftn11" id="«_ftnref11">[11]</a></sup>.</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;Anthropoc&egrave;ne s&rsquo;inscrit donc dans une longue tradition derri&egrave;re diff&eacute;rentes appellations, relevant de diff&eacute;rentes approches conceptuelles aux fronti&egrave;res poreuses. Le contexte politique apr&egrave;s la deuxi&egrave;me guerre mondiale et la scission du monde autour des deux blocs sovi&eacute;tiques et am&eacute;ricains va avoir des cons&eacute;quences sur l&rsquo;&eacute;volution de ces diff&eacute;rentes approches conceptuelles en donnant naissance &agrave; la th&eacute;orie de Ga&iuml;a de James Lovelock et Lynn Margullis (1974). Comme le souligne Grinevald, l&rsquo;&eacute;cologiste am&eacute;ricain William Clark dirigeait un projet de recherche interdisciplinaire novateur intitul&eacute; <em>&laquo;&nbsp;Ecologically Sustainable Development of the Biosphere&nbsp;&raquo;</em>, dans lequel on retrouve James Lovelock et Paul Crutzen.</p> <p style="text-align: justify;">En dehors des aspects g&eacute;ologiques, la th&eacute;orie de Ga&iuml;a<sup><a href="#_ftn12" id="«_ftnref12">[12]</a></sup> est donc tr&egrave;s proche du concept d&rsquo;Anthropoc&egrave;ne. Cette th&eacute;orie a connu un r&eacute;el succ&egrave;s et a &eacute;t&eacute; largement reprise dans la litt&eacute;rature notamment par Isabelle Stengers (2009), puis par Bruno Latour (2015). En s&#39;appuyant sur une analyse fouill&eacute;e de sa naissance, S&eacute;bastien Dutreuil (2017) d&eacute;construit l&#39;id&eacute;e port&eacute;e par certains d&eacute;tracteurs faisant de l&rsquo;hypoth&egrave;se Ga&iuml;a une proposition pseudo-scientifique. Son analyse vise &agrave; d&eacute;montrer, que l&rsquo;hypoth&egrave;se Ga&iuml;a tend &agrave; structurer le champ &eacute;mergent des Sciences du Syst&egrave;me Terre<sup><a href="#_ftn13" id="«_ftnref13">[13]</a></sup>.</p> <h2 style="text-align: justify;">Focus sur les principales controverses sur le plan g&eacute;ologique</h2> <p style="text-align: justify;">Cette partie met au jour les principaux points de controverses autour des travaux de l&rsquo;AWG. La qualification de l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne comme temporalit&eacute; g&eacute;ologique et sa caract&eacute;risation sont les points centraux du d&eacute;bat au sein de l&rsquo;AWG. L&rsquo;adoption de l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne en tant que p&eacute;riode g&eacute;ologique doit s&rsquo;inscrire n&eacute;cessairement dans un long processus en regard du caract&egrave;re tr&egrave;s hi&eacute;rarchis&eacute; de ces proc&eacute;dures.</p> <p style="text-align: justify;">La datation du concept est particuli&egrave;rement controvers&eacute;e, les &eacute;chelles de temps couvrant un spectre allant de l&rsquo;ordre du si&egrave;cle &agrave; la dizaine de milliers d&rsquo;ann&eacute;es. Certains auteurs situent les d&eacute;buts bien avant la cr&eacute;ation de la machine &agrave; vapeur, il y a environ 14 000 ans avec les premiers chasseurs-cueilleurs en Am&eacute;rique du Nord (De Wever, 2013&nbsp;; Smith, 2010). Faisant d&eacute;buter l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne il y environ 8 000 ans, William Ruddiman (2003) consid&egrave;re que l&rsquo;influence de l&rsquo;Homme sur le climat commence avec le d&eacute;veloppement de l&rsquo;agriculture. L&rsquo;hypoth&egrave;se de Ruddiman est controvers&eacute;e, ses d&eacute;tracteurs (Crucifix et <em>al</em>., 2005) lui objectant que l&rsquo;activit&eacute; agricole ne peut pas expliquer un for&ccedil;age anthropique dans les variations de dioxyde de carbone et de m&eacute;thane. L&rsquo;AWG a d&eacute;plac&eacute; le curseur initialement positionn&eacute; au milieu du XIX<sup>&egrave;me</sup> si&egrave;cle vers le milieu du XX<sup>&egrave;me</sup> si&egrave;cle. En effet dans la p&eacute;riode d&rsquo;apr&egrave;s guerre, la course &agrave; l&rsquo;armement nucl&eacute;aire a g&eacute;n&eacute;r&eacute; un nombre consid&eacute;rable d&rsquo;essais en plein air ayant impact&eacute;s les sols avec des radionucl&eacute;ides facilement identifiables. Ces essais ont conduit &agrave; la diffusion mondiale notamment de plutonium et de radiocarbone. L&rsquo;avantage (sur le plan analytique) de ces signaux repose sur le fait qu&rsquo;ils vont persister pendant des dizaines de milliers d&#39;ann&eacute;es. Cette prise de position est le r&eacute;sultat d&rsquo;un vote effectu&eacute; au sein du groupe de travail (AWG, 2016) faisant suite &agrave; une publication (Steffen et <em>al</em>., 2016). Apr&egrave;s le vote, Erle Ellis (2016) membre de l&rsquo;AWG a publi&eacute; un article dans <em>Nature </em>alimentant un peu plus la controverse sur le d&eacute;but de l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne. Ellis consid&egrave;re que la formalisation &agrave; partir des radionucl&eacute;ides est une erreur et participe &agrave; alimenter un discours technocratique occidentalo-centr&eacute;. Effet rebond, ces prises de positions n&rsquo;ont pas tard&eacute; &agrave; faire r&eacute;agir Zalasiewicz, Waters et Head (2017). Dans leur r&eacute;ponse, les trois auteurs invoquent l&rsquo;argument d&rsquo;autorit&eacute; et leur statut respectif de directeur et secr&eacute;taire de l&rsquo;AWG ainsi que de d&eacute;tenteur de la chair de la Sous-commission de Stratigraphie Quaternaire. Arborant une figure de d&eacute;nonciation, Zalasiewicz, Waters et Head regrettent que l&rsquo;AWG ait moins de pouvoir qu&rsquo;Ellis et ses coll&egrave;gues.</p> <p style="text-align: justify;">Il existe deux possibilit&eacute;s pour que l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne puisse &ecirc;tre formalis&eacute; par la communaut&eacute; des g&eacute;ologues. La premi&egrave;re option correspond &agrave; une datation chiffr&eacute;e dans le temps, appel&eacute;e en g&eacute;ologie Stratotype historique (GSSA pour Global Standard Stratigraphic Age). La seconde, surnomm&eacute;e par les g&eacute;ologues &laquo;&nbsp;clou d&rsquo;or&nbsp;&raquo;, correspond &agrave; la d&eacute;finition d&rsquo;un point de r&eacute;f&eacute;rence dans les strates, appel&eacute; Point stratotypique mondial (GSSP pour Global standard Stratotype Section and Point). Stanley Finney et Lucy Edwards critiquent les propositions faites par le groupe de travail. Pour rappel, Finney dirigeait pr&eacute;c&eacute;demment la Commission Internationale de Stratigraphie. Dans leur article Finney et Edwards (2016) consid&egrave;rent que les propositions de l&rsquo;AWG sont irrecevables en se r&eacute;f&eacute;rant &agrave; un standard (Salvador, 1994) fournissant les crit&egrave;res sp&eacute;cifiques pour la d&eacute;finition des unit&eacute;s g&eacute;ochronologiques autres que les intervalles de temps repr&eacute;sent&eacute;es par les unit&eacute;s chronostratigraphiques correspondantes.</p> <p style="text-align: justify;">Alors que les travaux de l&rsquo;AWG continuent (Steffen et <em>al</em>., 2018), l&rsquo;Iugs a r&eacute;vis&eacute; en juillet 2018 sa charte chronostratigraphique<sup><a href="#_ftn14" id="«_ftnref14">[14]</a></sup> instituant une nouvelle temporalit&eacute; appel&eacute;e l&#39;&acirc;ge du M&eacute;ghalayen et relan&ccedil;ant la controverse (Chun-Hai et <em>al</em>., 2018&nbsp;; Maslin et Lewis, 2018a &amp; b&nbsp;; Voosen, 2018). Ces d&eacute;bats au sein des sciences g&eacute;ologiques ont donn&eacute; lieu &agrave; diff&eacute;rentes strat&eacute;gies de publicisation qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;analyser.</p> <h2 style="text-align: justify;">Analyse des jeux d&rsquo;acteurs et d&rsquo;arguments</h2> <p style="text-align: justify;">Afin d&rsquo;analyser les jeux d&rsquo;acteurs et d&rsquo;arguments (Chateauraynaud, 2011), l&rsquo;enqu&ecirc;te se focalise sur les logiques de publicisation de deux &eacute;v&egrave;nements parce qu&rsquo;ils sont embl&eacute;matiques et r&eacute;v&eacute;lateurs&nbsp;: (1) la publicisation du 35<sup>&egrave;me</sup> congr&egrave;s de l&rsquo;Iugs qui s&rsquo;est d&eacute;roul&eacute; &agrave; Cape Town en Afrique du Sud du 27 ao&ucirc;t au 4 septembre 2016 et notamment le communiqu&eacute; de presse publi&eacute; par l&rsquo;AWG (2016) la veille et (2) l&rsquo;actualisation de la charte stratigraphique mentionn&eacute;e pr&eacute;c&eacute;demment.</p> <p style="text-align: justify;">Cherchant &agrave; d&eacute;confiner autant que faire se peut la controverse en sollicitant un public tiers profane, l&rsquo;AWG a publi&eacute; un communiqu&eacute; de presse<sup><a href="#_ftn15" id="«_ftnref15">[15]</a></sup> la veille des deux interventions<sup><a href="#_ftn16" id="«_ftnref16">[16]</a></sup> de son secr&eacute;taire Colin Waters. Ce dernier qui dirigeait pr&eacute;c&eacute;demment la Commission Internationale de Stratigraphie a propos&eacute; la possibilit&eacute; de formaliser l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne comme une temporalit&eacute; g&eacute;ologique. Stanley Finney<sup><a href="#_ftn17" id="«_ftnref17">[17]</a></sup> a rejet&eacute; cette proposition en rappelant quels &eacute;taient les crit&egrave;res pour introduire une nouvelle subdivision de l&rsquo;&eacute;chelle des temps g&eacute;ologiques auxquels et pr&eacute;cisait que le concept n&rsquo;y r&eacute;pondait pas. Les &eacute;changes lors de cette session ont &eacute;t&eacute; v&eacute;cu par certains membres de l&rsquo;AWG comme un &eacute;chec, un membre me confiant: <em>&laquo;&nbsp;</em><em>le groupe me semble un peu abattu &agrave; la suite du Congr&egrave;s au Cap&nbsp;&raquo;.</em> Pour autant, l&rsquo;analyse du corpus d&eacute;montre que les m&eacute;dias ayant couvert l&rsquo;&eacute;v&egrave;nement dans leur grande majorit&eacute; ont relay&eacute; de mani&egrave;re virale le communiqu&eacute; de presse de l&rsquo;AWG en occultant le fond du d&eacute;bat et pr&eacute;sentant l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne comme une nouvelle temporalit&eacute; g&eacute;ologique. Les deux exemples suivant illustrent parfaitement le propos<sup><a href="#_ftn18" id="«_ftnref18">[18]</a></sup>&nbsp;: <em>&laquo;&nbsp;La Terre est-elle entr&eacute;e dans une nouvelle &eacute;poque, l&#39;Anthropoc&egrave;ne&nbsp;?&nbsp;&raquo;</em><sup><a href="#_ftn19" id="«_ftnref19">[19]</a>, </sup>et &laquo;&nbsp;L&rsquo;Humanit&eacute; est entr&eacute;e dans une nouvelle &egrave;re, l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne&nbsp;&raquo;<sup><a href="#_ftn20" id="«_ftnref20">[20]</a></sup>. La r&eacute;ponse des d&eacute;tracteurs de l&rsquo;AWG s&rsquo;est op&eacute;r&eacute;e tr&egrave;s rapidement par le truchement de la radio le 30 ao&ucirc;t 2016 sur les ondes de France Inter et une tribune de Patrick de Wever et Stanley Finney article dans Le Monde<sup><a href="#_ftn21" id="«_ftnref21">[21]</a></sup> publi&eacute;e le 12 septembre 2016. L&rsquo;attaque f&ucirc;t sans d&eacute;tour&nbsp;: &laquo;&nbsp;c&#39;est comme si un groupe de personnes [AWG] se r&eacute;unit et d&eacute;cide d&#39;acheter un ch&acirc;teau avant de s&#39;apercevoir qu&rsquo;ils n&#39;ont pas l&#39;argent pour acheter le ch&acirc;teau.&nbsp;&raquo; (De Wever, 2016). L&rsquo;enqu&ecirc;te confirme la posture tr&egrave;s critique de Finney contre le s&eacute;rieux de l&rsquo;AWG&nbsp;: &laquo;&nbsp;il semble que l&rsquo;AWG soit plut&ocirc;t une entreprise politique que scientifique &agrave; moins qu&rsquo;une proposition en bonne et due forme soit formul&eacute;e &agrave; la Commission internationale de stratigraphie&nbsp;&raquo; [librement traduit par l&rsquo;auteur]. Finney s&rsquo;&eacute;tonne que l&#39;AWG ait pu publier de nombreux articles dans des revues majeures et que toutes ses actions et ses articles soient largement rapport&eacute;s dans les m&eacute;dias publics.</p> <p style="text-align: justify;">En France, l&rsquo;oc&eacute;anographe membre de l&rsquo;AWG, Catherine Jeandel a port&eacute; le message visant &agrave; d&eacute;confiner l&rsquo;alerte dans l&rsquo;espace public en soulignant l&rsquo;urgence de l&rsquo;action au risque de la simplification des d&eacute;bats. S&rsquo;en est suivie une phase de neutralisation par une publication dans le magazine scientifique <em>La Recherche</em> en f&eacute;vrier 2017 dont l&rsquo;enqu&ecirc;te a permis de mettre au jour le fait que le cadrage &eacute;ditorial &eacute;tait coordonn&eacute; par Patrick De Wever. Avec Finney, ils rappellent le fait que l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne ne corresponde pas aux crit&egrave;res d&eacute;finissant une temporalit&eacute; g&eacute;ologique, tout en permettant la publication d&rsquo;une tribune de l&rsquo;AWG<sup><a href="#_ftn22" id="«_ftnref22">[22]</a></sup>. Les d&eacute;bats sur le plan &eacute;pist&eacute;mologique se sont ainsi fix&eacute;s, les auteurs s&rsquo;accordant sur le plan axiologique sur la n&eacute;cessit&eacute; de coordonner des actions pour enrayer l&rsquo;impact n&eacute;gatif des activit&eacute;s humaines sur l&rsquo;environnement. Ainsi le 1<sup>er</sup> d&eacute;cembre 2017, la Soci&eacute;t&eacute; G&eacute;ologique de France, le Mus&eacute;um National d&rsquo;Histoire Naturelle et le Conservatoire National des Arts et M&eacute;tiers proposaient avec le soutien de Total, une conf&eacute;rence suivant le th&egrave;me&nbsp;: &laquo;&nbsp;l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne&nbsp;: une nouvelle &egrave;re g&eacute;ologique&nbsp;?&nbsp;&raquo;, avec le g&eacute;ologue, Patrick De Wever, Catherine Jeandel, et l&rsquo;arch&eacute;ozoologue Jean Denis Vigne. Les d&eacute;bats, &agrave; l&rsquo;image de ceux tenus la veille dans l&rsquo;&eacute;mission sur <em>France Inter</em> la <em>T&ecirc;te au carr&eacute;</em> &eacute;taient caract&eacute;ris&eacute;s par un registre concessif limitant l&rsquo;expression de leur d&eacute;saccord sur le plan &eacute;pist&eacute;mologique pour d&eacute;battre des aspects plus politiques.</p> <p style="text-align: justify;">Cet &eacute;pisode met au jour la volont&eacute; de certains g&eacute;ologues de circonscrire leur pratique de recherche &agrave; leur propre champ disciplinaire. Ils s&rsquo;&eacute;rigent en gardien &eacute;pist&eacute;mologique des normes stratigraphiques par l&rsquo;expression d&rsquo;une opposition tr&egrave;s forte tout en laissant libre les autres acteurs de s&rsquo;approprier le concept sur le plan politique. Il ne s&rsquo;agit pas &agrave; proprement parler d&rsquo;un dialogue interdisciplinaire mais une neutralisation des vell&eacute;it&eacute;s de pratiquer une v&eacute;ritable interdisciplinarit&eacute; notamment au sein de l&rsquo;AWG. Lors de cette &eacute;mission, les acteurs ne mettent pas de c&ocirc;t&eacute; leurs divergences mais s&rsquo;accordent implicitement sur le plan ontologique &agrave; discuter des potentialit&eacute;s heuristiques du concept sur le plan axiologique en tant que cat&eacute;gorie de pens&eacute;e et non en tant que temporalit&eacute; g&eacute;ologique. Cet &eacute;l&eacute;ment souligne la pertinence d&rsquo;analyser ces moments d&rsquo;effervescence m&eacute;diatique non pas uniquement sur la mat&eacute;rialit&eacute; du discours mais v&eacute;ritablement en mettant au jour les strat&eacute;gies sous-jacentes par l&rsquo;analyse de l&rsquo;inter-discours.</p> <p style="text-align: justify;">La r&eacute;vision de la charte introduisant une nouvelle subdivision des &eacute;chelles de temps g&eacute;ologiques&nbsp;: le M&eacute;ghalayen peut &ecirc;tre interpr&eacute;t&eacute;e comme une continuit&eacute; strat&eacute;gique de neutraliser les travaux de l&rsquo;AWG. En effet, l&rsquo;Iugs a communiqu&eacute; le 13 juillet 2018 sur sa page Internet<sup><a href="#_ftn23" id="«_ftnref23">[23]</a></sup> et relay&eacute;e sur ses comptes Facebook et Tweeter<sup><a href="#_ftn24" id="«_ftnref24">[24]</a></sup> l&rsquo;actualisation. L&rsquo;&eacute;cho m&eacute;diatique a &eacute;t&eacute; minimal, quelques rares m&eacute;dias scientifiques (Sciences et Avenir) et quelques journaux (Atlantico, les Echos, Huffpost, Radio-Canada) ont couvert l&rsquo;information. Ces deux strat&eacute;gies correspondent &agrave; des id&eacute;aux types le groupe minoritaire cherche &agrave; mobiliser le public le plus large possible y compris les profanes tandis que l&rsquo;autre cherche &agrave; conserver sa position dominante en prenant soin de confiner la controverse &agrave; un public de pairs. En mars 2019, des membres de l&rsquo;AWG ont publi&eacute; un volumineux document scientifique (Zalasiewicz et <em>al</em>., 2019) dans lequel, l&rsquo;occurrence &laquo;&nbsp;meghalayan&nbsp;&raquo; est nulle. En mai 2019, l&rsquo;AWG sur son site Internet a publi&eacute; les r&eacute;sultats d&rsquo;un vote interne<sup><a href="#_ftn25" id="«_ftnref25">[25]</a></sup> rappelant les positions sur les principaux points controvers&eacute;s en mentionnant l&rsquo;introduction du m&eacute;ghalayen, un &eacute;dito publi&eacute; dans <em>Nature</em> (Subramanian, 2019) pr&eacute;cisant que l&rsquo;AWG pr&eacute;pare une proposition pour 2021.</p> <h2 style="text-align: justify;">Les migrations conceptuelles de l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne</h2> <p style="text-align: justify;">Doux euph&eacute;misme, le concept d&rsquo;Anthropoc&egrave;ne a &eacute;t&eacute; l&rsquo;objet d&rsquo;une migration conceptuelle &agrave; marche forc&eacute;e (Brondizio, 2016) &nbsp;par les sciences sociales sans attendre sa validation par les sciences g&eacute;ologiques. Sur le plan ontologique, il devient difficile de discerner de quoi parle-t-on quand on parle d&rsquo;Anthropoc&egrave;ne tant les r&eacute;gimes discursifs font r&eacute;f&eacute;rence &agrave; des registres &eacute;pist&eacute;mologiques diff&eacute;rents. Consid&eacute;rons en premi&egrave;re approximation en faisant r&eacute;f&eacute;rence &agrave; l&rsquo;ouvrage central de Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz (2013)<sup><a href="#_ftn26" id="«_ftnref26">[26]</a></sup>, la migration conceptuelle de l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne comme un glissement d&rsquo;une recherche d&rsquo;objectivation des activit&eacute;s humaines en tant que force tellurique &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle des temps g&eacute;ologiques vers la construction d&rsquo;un r&eacute;cit prenant en compte une dimension socio-historique distribuant de fa&ccedil;on diff&eacute;renci&eacute;e les responsabilit&eacute;s humaines. L&rsquo;analyse dans sa grande majorit&eacute; de la litt&eacute;rature pr&eacute;sente le concept comme une th&eacute;orie valid&eacute;e reposant essentiellement sur des courbes et des &eacute;quations. Chateauraynaud et Debaz, (2017) consid&egrave;rent que Bonneuil et Fressoz partent d&rsquo;une axiomatique simplificatrice et r&eacute;ductrice. L&rsquo;analyse critique de Bonneuil et Fressoz permet de redonner de la profondeur historique et de l&rsquo;&eacute;paisseur politique au concept d&rsquo;Anthropoc&egrave;ne en redistribuant, contre Dipesh Chakrabarty (2010), de fa&ccedil;on pond&eacute;r&eacute;e les responsabilit&eacute;s historiques de l&rsquo;esp&egrave;ce humaine qu&rsquo;il s&rsquo;agit de ne pas consid&eacute;r&eacute;e comme un tout. Cette migration s&rsquo;est op&eacute;r&eacute;e sans prendre en compte la complexit&eacute; des d&eacute;bats et les tensions internes &agrave; l&rsquo;AWG&nbsp;: <em>&laquo;&nbsp;Je l&#39;ai dit plus d&#39;une fois &agrave; [X] et &agrave; quelques coll&egrave;gues du Centre Alexandre Koyr&eacute;, qui par ailleurs font de beau travail, mais ils&nbsp; connaissent mal l&#39;ICSU et n&eacute;gligent l&#39;&eacute;volution de la science &eacute;cologique th&eacute;orique et appliqu&eacute;e&raquo;</em> (un membre de l&rsquo;AWG). Ces tensions r&eacute;sultent d&rsquo;une part d&rsquo;oppositions &eacute;pist&eacute;mologiques fortement conditionn&eacute;es par les logiques de champ, c&#39;est-&agrave;-dire induites par l&rsquo;appartenance disciplinaire. D&rsquo;autre part, elles r&eacute;sultent tout autant d&rsquo;une diff&eacute;renciation des postures axiologiques concernant les r&eacute;gimes d&rsquo;actions. Aussi n&rsquo;est-il pas &eacute;tonnant de constater que plusieurs membres de l&rsquo;AWG emploient le terme au pluriel &laquo;&nbsp;anthropoc&egrave;nes&nbsp;&raquo; d&eacute;montrant l&rsquo;instabilit&eacute; du concept sur le plan ontologique. Fressoz et Bonneuil (2016 [2013], p. 64) rassemblent ainsi dans une m&ecirc;me cat&eacute;gorie les &laquo;&nbsp;anthropoc&eacute;nologues&nbsp;&raquo; sans que l&rsquo;on sache leur identit&eacute;. Cette migration, &agrave; marche forc&eacute;e, orchestr&eacute;e notamment par Bonneuil et Fressoz int&egrave;gre une dimension normative explicite ayant comme point d&rsquo;horizon une critique aux accents marxistes du capitalisme et r&eacute;v&egrave;le en ce sens un dessein politique (Saint Martin, 2015) <sup><a href="#_ftn27" id="«_ftnref27">[27]</a></sup>. Cette migration conceptuelle a g&eacute;n&eacute;r&eacute; une v&eacute;ritable polyphonie sur le plan ontologique, l&rsquo;anthropoc&egrave;ne est ainsi devenu un concept &laquo;&nbsp;hybride&nbsp;&raquo;. L&rsquo;ouvrage de R&eacute;mi Beau et Catherine Larr&egrave;re (2018) suite au colloque en 2015 au Coll&egrave;ge de France pr&eacute;sente l&rsquo;ouvrage de Bonneuil et Fressoz comme la r&eacute;f&eacute;rence tout en apportant un peu plus de nuances sur les d&eacute;bats controvers&eacute;s. Un membre de l&rsquo;AWG me confie qu&rsquo;il reste&nbsp;: <em>&laquo;&nbsp;toujours en peine avec les difficult&eacute;s du dialogue entre les scientifiques et les humanistes - notamment &agrave; propos du livre qui a suivi le colloque de novembre 2015 au Coll&egrave;ge de France...o&ugrave; brilla pour moi l&#39;absence des g&eacute;ologues et des &eacute;volutionnistes fran&ccedil;ais!&nbsp;&raquo; </em>(un membre AWG). Pourtant dans l&rsquo;introduction issue du colloque, Beau et Larr&egrave;re consid&egrave;rent que&nbsp;: <em>&laquo;&nbsp;Par sa d&eacute;finition m&ecirc;me, l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne semble se soustraire aux partages disciplinaires, et en particulier au grand partage entre les sciences de l&rsquo;homme et les sciences de la nature&nbsp;&raquo;</em> (Beau, Larr&egrave;re, 2018). Effectivement comme le rappelait Pierre Charbonnier (2015) la controverse porte sur une red&eacute;finition du concept d&rsquo;Anthropoc&egrave;ne dans le sens o&ugrave; l&rsquo;av&egrave;nement d&rsquo;une nouvelle s&eacute;quence temporelle s&rsquo;op&egrave;re &agrave; la fois sur les plans g&eacute;ologique et historique. Jacques Grinevald consid&egrave;re qu&rsquo;il existe&nbsp;: <em>&laquo;&nbsp;une ambivalence cognitive et &eacute;motionnelle </em><em>du succ&egrave;s d&rsquo;une nouvelle cat&eacute;gorie qui ressemble &agrave; un hopeful </em><em>&quot;</em><em>monster</em><em>&quot;</em><em> conceptuel peut-&ecirc;tre prometteur, mais aussi mal accueilli que la r&eacute;volution copernicienne, la r&eacute;volution darwinienne, la r&eacute;volution carnotienne et la r&eacute;volution vernadskienne&nbsp;!&nbsp;&raquo;</em>.</p> <p style="text-align: justify;">R<em>einhold</em> Leinfelder de l&rsquo;Universit&eacute; de Berlin membre de l&rsquo;AWG lors de l&rsquo;enqu&ecirc;te distingue trois niveaux&nbsp;: (1) le premier niveau est celui du syst&egrave;me terrestre interrogeant l&rsquo;hypoth&egrave;se de l&rsquo;impact de l&#39;humanit&eacute; sur ce syst&egrave;me terrestre (climat, oc&eacute;ans, utilisation des sols, eau douce, sch&eacute;mas de s&eacute;dimentation, cycles biog&eacute;ochimiques, etc.) et le fait que le syst&egrave;me terrestre actuel et futur soit potentiellement diff&eacute;rent du syst&egrave;me holoc&egrave;ne. (2) Le second niveau est celui de la g&eacute;o-signature permettant ainsi de d&eacute;finir une nouvelle &eacute;poque g&eacute;ologique. (3) Le troisi&egrave;me niveau est celui de la responsabilit&eacute; sociale qu&rsquo;il d&eacute;finit comme un m&eacute;ta-niveau. Il est donc possible de caract&eacute;riser plus pr&eacute;cis&eacute;ment cette migration conceptuelle qui s&rsquo;est effectu&eacute;e des deux premiers niveaux vers le troisi&egrave;me. Autrement-dit, la migration se traduit par un glissement du d&eacute;bat de la recherche de marqueurs stratigraphiques cherchant &agrave; objectiver la caract&eacute;risation d&rsquo;une nouvelle p&eacute;riode g&eacute;ologique vers un usage conceptuel visant &agrave; red&eacute;finir les cat&eacute;gories de pens&eacute;es&nbsp;: une philosophie de la nature. Ces cat&eacute;gories de pens&eacute;es portent sur les risques li&eacute;s aux impacts des activit&eacute;s humaines sur le climat et l&rsquo;environnement. Sur le plan analytique, il convient donc de distinguer les trois plans de controverses&nbsp;: sa pluralit&eacute; s&eacute;mantique sur le plan ontologique, les oppositions &eacute;pist&eacute;mologiques et les registres normatifs plus ou moins explicites auxquels les auteurs font r&eacute;f&eacute;rence. Ainsi les registres discursifs des ouvrages en sciences sociales tendent &agrave; gommer les aspects controvers&eacute;s sur les plans ontologique et &eacute;pist&eacute;mologique d&rsquo;autant plus ais&eacute;ment qu&rsquo;ils sont porteurs d&rsquo;un message normatif et militant d&eacute;non&ccedil;ant le capitalisme. Ce d&eacute;placement conceptuel dans le champ des sciences sociales a ouvert de multiples fronts de controverses. Chateauraynaud et Debaz (2017) consid&egrave;rent que les &laquo;&nbsp;collapsologues&nbsp;&raquo; ont une repr&eacute;sentation de la r&eacute;alit&eacute; tronqu&eacute;e et renouent avec la th&eacute;orie de la fausse conscience. Andr&eacute;as Malm (2017) ouvre un espace critique suppl&eacute;mentaire et invite &agrave; questionner &agrave; front renvers&eacute; le caract&egrave;re potentiellement contre-productif du concept sur les plans politique et &eacute;pist&eacute;mologique. Derri&egrave;re la &laquo;&nbsp;bataille&nbsp;&raquo; de l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne se dessine des luttes de pouvoir symbolique interne aux sciences sociales, les auteurs en position de domination n&rsquo;auront de cesse de consid&eacute;rer qu&rsquo;il est inutile d&rsquo;ouvrir les boites noires latourienne de la science.</p> <h2 style="text-align: justify;">Conclusion</h2> <p style="text-align: justify;">Cet article tend &agrave; apporter un &eacute;clairage analytique visant &agrave; mieux s&rsquo;orienter dans les nombreux d&eacute;bats autour de l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne dont les origines sont ant&eacute;rieures &agrave; l&rsquo;article de Stoermer et Crutzen en 2000 et qui reposent sur des bases &eacute;pist&eacute;mologiques controvers&eacute;es sur le plan g&eacute;ologique&nbsp;: sa caract&eacute;risation et sa datation posant des probl&egrave;mes au regard des normes de la Commission Internationale de Stratigraphie. Ces principaux points de controverses sur le plan g&eacute;ologique illustrent les divergences paradigmatiques profondes entre le champ &eacute;mergent des sciences du syst&egrave;me Terre et celui solidement structur&eacute; des sciences g&eacute;ologiques. Bien qu&rsquo;appartenant &agrave; l&rsquo;Iugs, l&rsquo;approche &eacute;cosyst&eacute;mique d&eacute;velopp&eacute;e par le groupe interdisciplinaire AWG rel&egrave;ve des Sciences du Syst&egrave;me Terre et se heurte aux normes stratigraphiques garantissant la continuit&eacute; et la coh&eacute;rence des recherches sur les &eacute;chelles de temps g&eacute;ologiques. Ces difficult&eacute;s de structuration du champ des Sciences du Syst&egrave;me Terre qui n&rsquo;ont rien de nouveau. En effet, dans les ann&eacute;es 1990, Florian Charvolin (1993) soulignait que l&rsquo;approche vernadskienne permettait de comprendre les raisons de la controverse sur les pratiques de l&rsquo;interdisciplinarit&eacute; des &laquo;&nbsp;sciences du global&nbsp;&raquo;. Sans r&eacute;elle clarification de ce flottement &eacute;pist&eacute;mologique, la migration conceptuelle de l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne dans le champ des sciences sociales s&rsquo;est op&eacute;r&eacute;e sans une prise en compte de la complexit&eacute; des d&eacute;bats. Ce flou &eacute;pist&eacute;mologique lui a permis d&rsquo;acqu&eacute;rir une grande plasticit&eacute; r&eacute;v&eacute;latrice de sa nature hybride et explique sa grande labilit&eacute; dans les diff&eacute;rents champs et sans doute une grande partie de son succ&egrave;s. Il reste &agrave; interroger les aspects normatifs plus ou moins implicites, certains acteurs s&rsquo;emparant et (re)politisant le concept &agrave; des fins de d&eacute;nonciation du syst&egrave;me capitaliste contrairement &agrave; d&rsquo;autres perp&eacute;tuant une vision moderniste d&rsquo;une science porteuse de progr&egrave;s social. On retrouve cette polarisation normative au sein m&ecirc;me de l&rsquo;AWG. Le succ&egrave;s de l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne dans le monde acad&eacute;mique et d&eacute;sormais social met en lumi&egrave;re les difficult&eacute;s r&eacute;currentes des sciences en soci&eacute;t&eacute; qui se traduisent par le besoin de renouvellement de nos cat&eacute;gories de pens&eacute;e face &agrave; l&rsquo;&laquo;&nbsp;urgence &eacute;cologique&nbsp;&raquo;. Les difficult&eacute;s de r&eacute;gulation de l&rsquo;expertise scientifique au sens de Roqueplo (1997) n&rsquo;ont pourtant rien de nouveau<sup><a href="#_ftn28" id="«_ftnref28">[28]</a></sup>. La traduction des savoirs scientifiques soumis &agrave; des incertitudes et emprunts de controverses en vue d&rsquo;alimenter le d&eacute;bat d&eacute;mocratique et les d&eacute;cisions politiques se heurte &agrave; la structuration tr&egrave;s moderniste des rapports sciences-soci&eacute;t&eacute;s avec comme point d&rsquo;horizon les d&eacute;bats autour du principe de pr&eacute;caution. Aussi il apparait n&eacute;cessaire de nourrir la r&eacute;flexion sur le plan &eacute;thique en questionnant les limites des mod&egrave;les habermassien de l&rsquo;&eacute;thique communicationnelle et jonassien du principe de responsabilit&eacute;. La multiplication des probl&eacute;matiques environnementales pose un v&eacute;ritable d&eacute;fi &agrave; la recherche quant &agrave; sa capacit&eacute; &agrave; construire un cadre de r&eacute;f&eacute;rence th&eacute;orique v&eacute;ritablement interdisciplinaire d&egrave;s lors qu&rsquo;il s&rsquo;agit de questionner et d&rsquo;accompagner l&rsquo;agir environnemental. Sur le plan de nos pratiques de recherche, l&rsquo;interdisciplinarit&eacute; pour qu&rsquo;elle puisse faire &oelig;uvre de science, exige un effort de r&eacute;flexivit&eacute; afin d&rsquo;&eacute;viter l&rsquo;&eacute;cueil des axiomatiques simplificatrices (Chateauraynaud, Debaz, 2017, p. 174) en prenant en compte les controverses dans leurs mat&eacute;rialit&eacute;s ontologique, &eacute;pist&eacute;mologique, sociale, politique, &eacute;conomique, morale et &eacute;thique. Il ne s&rsquo;agit donc pas de d&eacute;passer les controverses mais de les consid&eacute;rer comme un marqueur pertinent du dialogue interdisciplinaire. Les controverses autour de l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne t&eacute;moignent d&rsquo;une dynamique interdisciplinaire tr&egrave;s vive et heuristiquement ind&eacute;pendamment de certaines incommensurabilit&eacute;s paradigmatiques mises au jour dans cet article. En ce sens, ces r&eacute;sultats nous invitent &agrave; ouvrir le vaste chantier d&rsquo;une praxis de l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne.</p> <h2 style="text-align: justify;">Bibliographie</h2> <p style="text-align: justify;">Amossy, R., (). &laquo;&nbsp;Argumentation et analyse du discours&nbsp;: perspectives th&eacute;oriques et d&eacute;coupage disciplinaires&nbsp;&raquo;, <em>Argumentation et Analyse de Discours,</em> vol. 1/2008.</p> <p style="text-align: justify;">AWG, (2016). Media note: Anthropocene Working Group (AWG), 29th August 2016.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="https://www2.le.ac.uk/offices/press/press-releases/2016/august/media-note-anthropoceneworking-group-AWG">https://www2.le.ac.uk/offices/press/press-releases/2016/august/media-note-anthropoceneworking-group-AWG</a></p> <p style="text-align: justify;">Beau, R., Larr&egrave;re, C., (20018). <em>Penser l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne</em>, Presse de Sciences Po.</p> <p style="text-align: justify;">Bergson, H. (1907). <em>L&rsquo;Evolution cr&eacute;atrice</em>, Paris, Librairie F&eacute;lix Alcan. (r&eacute;&eacute;d. PUF).</p> <p style="text-align: justify;">Berthelot, J.-M. (2002). Pour un programme sociologique non r&eacute;ductionniste en &eacute;tudes des sciences, <em>Revue Europ&eacute;enne des Sciences Sociales</em>, vol. XL, n&deg;124, p. 233-252.</p> <p style="text-align: justify;">Berthelot, J.-M. (2008). <em>L&rsquo;emprise du vrai. Connaissance scientifique et modernit&eacute;</em>, Paris&nbsp;: PUF.</p> <p style="text-align: justify;">Bonneuil C., Fressoz J.-B., (2016, [2013]). <em>L&#39;Ev&eacute;nement Anthropoc&egrave;ne. La Terre, l&#39;histoire et nous</em>, Paris, Seuil.</p> <p style="text-align: justify;">Brondizio, E., et <em>al</em>., (2016). Re-conceptualizing the Anthropocene: A call for collaboration, Global Environmental Change, Volume 39, pp. 318&ndash;327.</p> <p style="text-align: justify;">Chakrabarty, D. (2010). Le climat de l&rsquo;histoire&nbsp;: quatre th&egrave;ses, La Revue internationale des livres et des id&eacute;es, no15, janvier 2010.</p> <p style="text-align: justify;">Charbonnier P., (2015). L&rsquo;ambition d&eacute;mocratique &agrave; l&rsquo;&acirc;ge de l&rsquo;anthropoc&egrave;ne, <em>Revue Esprit</em>, d&eacute;cembre 2015.</p> <p style="text-align: justify;">Charvolin, F. (1994). L&rsquo;invention de la Biosph&egrave;re : les fondements d&rsquo;une m&eacute;thode, <em>Natures Sciences Soci&eacute;t&eacute;s</em>, 1994,&nbsp;<strong>2</strong>(1), pp. 21&ndash;28.</p> <p style="text-align: justify;">Chateauraynaud F., (2011). <em>Argumenter dans un champ de forces. Essai de balistique sociologique</em>, Paris, Petra.</p> <p style="text-align: justify;">Chateauraynaud F., (2015).&nbsp; &laquo;&nbsp;L&rsquo;emprise comme exp&eacute;rience&nbsp;&raquo;, SociologieS, [en ligne], Dossier Pragmatisme et sciences sociales&nbsp;: explorations, enqu&ecirc;tes, exp&eacute;rimentations, consult&eacute; le 23 f&eacute;vrier 2015. URL&nbsp;: <a href="http://sociologies.revues.org/4931">http://sociologies.revues.org/4931</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Chateauraynaud F., Debaz J., (2017). <em>Aux bords de l&#39;irr&eacute;versible. 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Il pilote de plus des projets en recherche action participative d&rsquo;accompagnement des politiques publiques sur les questions socioenvironnementales&nbsp;: <a href="https://parcs.hypotheses.org/">https://parcs.hypotheses.org/</a>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref2" id="_ftn2">[2]</a> Ce programme onusien a &eacute;t&eacute; cl&ocirc;tur&eacute; en 2015&nbsp;: Lien consult&eacute; le 23 ao&ucirc;t 2019&nbsp;: <a href="http://www.igbp.net/">http://www.igbp.net/</a></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref3" id="_ftn3">[3]</a> L&rsquo;AWG est l&rsquo;un des quatre groupes de travail au sein de la Sous-commission de Stratigraphie du Quaternaire (<a href="http://quaternary.stratigraphy.org/">Subcommission on Quaternary Stratigraphy</a>). Le groupe est dirig&eacute; par Zalasiewicz qui a compos&eacute; autour de lui une &eacute;quipe de 34 membres &agrave; la fois issus des sciences dites dures et des sciences humaines sociales.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref4" id="_ftn4">[4]</a> La veille internaliste consiste &agrave; d&eacute;velopper une analyse de la nature des sciences par l&rsquo;objectivation des oppositions dans les revues scientifiques &agrave; comit&eacute; de lecture.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref5" id="_ftn5">[5]</a> Le ratio de citations de l&#39;article publi&eacute; dans <em>Nature</em> (611 fois<sup><sup>[5]</sup></sup>) par rapport &agrave; celui cosign&eacute; avec Stoermer (12 fois<sup><sup>[5]</sup></sup>) est tr&egrave;s asym&eacute;trique (r&eacute;sultats provenant de web of science 8 octobre 2016).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref6" id="_ftn6">[6]</a> Stoermer est d&eacute;c&eacute;d&eacute; en 2012.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref7" id="_ftn7"><sup><sup>[7]</sup></sup></a> Commentant l&rsquo;article de Crutzen (2002), Grinevald consid&egrave;re que faire d&eacute;buter l&rsquo;<em>Anthropoc&egrave;ne</em> avec le brevet de la machine &agrave; vapeur&nbsp;: <em>&laquo;&nbsp;pour un historien cela ne tient pas la route, pour un historien des techniques c&rsquo;est presque une stupidit&eacute;, c&rsquo;est anachronisme, une machine &agrave; vapeur ne fait pas plus la r&eacute;volution industrielle, pas plus qu&rsquo;une hirondelle fait le printemps&nbsp;&raquo;.</em></p> <p style="text-align: justify;">Lien consult&eacute; le 10 d&eacute;cembre 2016&nbsp;: <a href="http://humanitesenvironnementales.fr/fr/les-ressources/les-grands-entretiens?page=2#prettyPhoto/0/">http://humanitesenvironnementales.fr/fr/les-ressources/les-grands-entretiens?page=2#prettyPhoto/0/</a></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref8" id="_ftn8">[8]</a> L&rsquo;article de Crutzen de 2002 est en fait tr&egrave;s court et se limite &agrave; justifier la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;introduire ce nouveau concept sans pour autant &eacute;tayer pleinement son propos.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref9" id="_ftn9">[9]</a> Le terme anthropog&egrave;ne en tant que substitut du terme &laquo;quaternaire&raquo; est suivant l&rsquo;auteur objet de controverses sur la dur&eacute;e de l&rsquo;anthropog&egrave;ne et des principes de sa subdivision. L&rsquo;anthropog&egrave;ne est consid&eacute;r&eacute; comme l&#39;&eacute;tude de l&#39;interaction de l&#39;environnement naturel et de ses changements avec le d&eacute;veloppement de l&#39;homme et de la soci&eacute;t&eacute; pr&eacute;historique et non pas comme subdivision stratigraphique.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref10" id="_ftn10"><sup><sup>[10]</sup></sup></a> Lien consult&eacute; le 10 mai 2017&nbsp;: <a href="https://quaternary.stratigraphy.org/workinggroups/anthropocene/">https://quaternary.stratigraphy.org/workinggroups/anthropocene/</a></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref11" id="_ftn11">[11]</a> Theilhard de Chardin, Leroy et Vernadsky durant son s&eacute;jour parisien dans les ann&eacute;es 1920, ont &eacute;t&eacute; inspir&eacute;s par la philosophie d&rsquo;Henri Bergson (1907). Dans <em>L&rsquo;&eacute;volution cr&eacute;atrice</em>, Bergson propose de d&eacute;montrer que la Nature ne cesse de se r&eacute;inventer constamment, en s&rsquo;appuyant sur le fait que la m&eacute;taphysique traditionnelle attribuant une finalit&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;volution et la science moderne sont les deux faces d&rsquo;une m&ecirc;me pi&egrave;ce, v&eacute;hiculant l&rsquo;id&eacute;e de l&#39;existence d&#39;un d&eacute;terminisme naturel.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref12" id="_ftn12">[12]</a> Le terme Ga&iuml;a vise &agrave; nommer et penser l&rsquo;ensemble des &eacute;cosyst&egrave;mes de la plan&egrave;te Terre consid&eacute;r&eacute;e comme un &ecirc;tre vivant &agrave; part enti&egrave;re.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref13" id="_ftn13">[13]</a> Sa th&egrave;se tend &agrave; d&eacute;montrer que Ga&iuml;a est consid&eacute;r&eacute;e tant&ocirc;t comme une hypoth&egrave;se, tant&ocirc;t comme une th&eacute;orie, tant&ocirc;t comme un programme de recherche, tant&ocirc;t comme une philosophie de la nature. L&rsquo;examen &eacute;pist&eacute;mologique et historique permet de mettre au jour ses lin&eacute;aments scientifiques permettant de la consid&eacute;rer comme une th&eacute;orie &eacute;labor&eacute;e.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref14" id="_ftn14">[14]</a> Voir&nbsp;: <a href="http://stratigraphy.org/ICSchart/ChronostratChart2018-07.pdf">http://stratigraphy.org/ICSchart/ChronostratChart2018-07.pdf</a></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref15" id="_ftn15">[15]</a> Lien consult&eacute; le 13 octobre 2018&nbsp;: <a href="https://www2.le.ac.uk/offices/press/press-releases/2016/august/media-note-anthropocene-working-group-AWG">https://www2.le.ac.uk/offices/press/press-releases/2016/august/media-note-anthropocene-working-group-AWG</a></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref16" id="_ftn16">[16]</a>R&eacute;sum&eacute;s des deux interventions consultables le 23 aout 2019 sur le lien suivant&nbsp;: <a href="https://www.americangeosciences.org/igc/15775">https://www.americangeosciences.org/igc/15775</a></p> <p style="text-align: justify;"><a href="https://www.americangeosciences.org/igc/15066">https://www.americangeosciences.org/igc/15066</a></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref17" id="_ftn17">[17]</a>R&eacute;sum&eacute; de la r&eacute;ponse consultable le 23 aout 2019 sur le lien suivant&nbsp;: <a href="https://www.americangeosciences.org/igc/14830">https://www.americangeosciences.org/igc/14830</a></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref18" id="_ftn18">[18]</a> L&rsquo;analyse plus d&eacute;taill&eacute;e permet de mettre au jour certaines nuances &agrave; la marge, le journal La Croix couvrant parfaitement l&rsquo;&eacute;v&egrave;nement alors que les autres grands quotidiens ont occult&eacute; l&rsquo;&eacute;v&egrave;nement, la fin du mois d&rsquo;ao&ucirc;t pouvant potentiellement expliquer cela.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref19" id="_ftn19">[19]</a> Auteur non renseign&eacute; (demande faite aupr&egrave;s du journal), &laquo;&nbsp;La Terre est-elle entr&eacute;e dans une nouvelle &eacute;poque, l&#39;Anthropoc&egrave;ne&nbsp;?&nbsp;&raquo;, <em>Ouest France</em>, 29 ao&ucirc;t 2016.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref20" id="_ftn20">[20]</a> D. Charlet&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;Humanit&eacute; est entr&eacute;e dans une nouvelle &egrave;re, l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne&nbsp;&raquo;, <em>Direct Matin</em>, 29 ao&ucirc;t 2016.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref21" id="_ftn21">[21]</a>Article consultable le 26 aout 2019 sur le lien suivant&nbsp;: <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2016/09/12/anthropocene-sujet-geologique-ou-societal_4996574_1650684.html">https://www.lemonde.fr/sciences/article/2016/09/12/anthropocene-sujet-geologique-ou-societal_4996574_1650684.html</a></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref22" id="_ftn22">[22]</a> Sur le plan r&eacute;flexif il semble que ce soit l&rsquo;enqu&ecirc;te qui ait eu pour effet la publication de la tribune de l&rsquo;AWG, ce qui illustre les difficult&eacute;s li&eacute;es &agrave; la posture d&rsquo;immersion dans la controverse.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref23" id="_ftn23">[23]</a> Lien consult&eacute; le 13 octobre 2018&nbsp;: <a href="http://iugs.org/uploads/E-Bulletin/IUGS-E-bulletin-June-143.pdf">http://iugs.org/uploads/E-Bulletin/IUGS-E-bulletin-June-143.pdf</a></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref24" id="_ftn24">[24]</a> Pages Facebook et Tweeter consult&eacute;es le 13 octobre 2018 sur le lien suivant&nbsp;: <a href="https://www.facebook.com/iugspage/photos/a.765291843610757/1604666309673302/?type=3&amp;theater">https://www.facebook.com/iugspage/photos/a.765291843610757/1604666309673302/?type=3&amp;theater</a></p> <p style="text-align: justify;"><a href="https://twitter.com/theIUGS">https://twitter.com/theIUGS</a></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref25" id="_ftn25">[25]</a>Lien consultable le 26 ao&ucirc;t 2019&nbsp;: <a href="http://quaternary.stratigraphy.org/working-groups/anthropocene/">http://quaternary.stratigraphy.org/working-groups/anthropocene/</a></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref26" id="_ftn26">[26]</a> A partir du mot cl&eacute; &laquo;&nbsp;anthropoc&egrave;ne&nbsp;&raquo;, i.e. en langue fran&ccedil;aise, l&rsquo;ouvrage de Bonneuil et Fressoz est le plus cit&eacute; sur Google Scholar&nbsp;: 1 (Bonneuil, Fressoz, 2013) cit&eacute; 323 fois - 2 (Lorius, Carpentier, 2013) cit&eacute; 59 fois - 3 (Sina&iuml;, 2013) cit&eacute; 37 fois - 4 (Crutzen, 2007) cit&eacute; 15 fois - 5 (Grinevald, 2012) cit&eacute; 13 fois, 6 (Fressoz, Bonneuil, 2016) cit&eacute; 13 fois - 7 (Beau, Larr&egrave;re, 2018) cit&eacute; 11 fois. R&eacute;sultats actualis&eacute;s du 18 ao&ucirc;t 2019.</p> <p style="text-align: justify;">Les r&eacute;sultats avec le mot cl&eacute; &laquo;&nbsp;anthropocene&nbsp;&raquo; sont un peu diff&eacute;rents&nbsp;: 1 (Crutzen, 2006) cit&eacute; 3757 fois - 2 (Steffen et al., 2015) cit&eacute; 2389 fois - 3 (Dirzo, Raven, 2003) cit&eacute; 1449 - 4 (Steffen et al., 2007) cit&eacute; 1373 fois - 5 (Lewis, Maslin, 2015) cit&eacute; 1081 - 6 (Harraway, 2015) cit&eacute; 764 fois - 7 (Bonneuil, Fressoz, 2013) cit&eacute; 324 fois.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref27" id="_ftn27">[27]</a> Dans sa recension de l&rsquo;ouvrage Arnaud Saint Martin note que dans leur volont&eacute; de &laquo;&nbsp;r&eacute;sister &agrave; la tentation d&rsquo;homog&eacute;n&eacute;iser &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle d&rsquo;une inscrutable et abstraite &quot;esp&egrave;ce humaine&quot;&nbsp;&raquo;, Bonneuil et Fressoz&nbsp;: &laquo;&nbsp;ne font pourtant que cela&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref28" id="_ftn28">[28]</a> L&rsquo;affaire des pluies acides est en ce sens similaire au cas du climat ou de l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne. Pour rappel, l&rsquo;action n&eacute;crosante de l&rsquo;ozone form&eacute; &agrave; cause des rejets industriels atmosph&eacute;riques &eacute;tait consid&eacute;r&eacute;e &agrave; tort comme la cause majeure du d&eacute;p&eacute;rissement des for&ecirc;ts (Roqueplo, 1993, p. 21).</p> <div style="clear: both; float: none; display: block; visibility: hidden; width: 0px; font-size: 0px; line-height: 0;">&nbsp;</div> <p>&nbsp;</p>