<p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">En septembre 2012, &agrave; l&rsquo;universit&eacute; d&rsquo;Aix-Marseille (AMU), ouvrait la licence <em>Sciences et Humanit&eacute;s&nbsp;</em>; licence multi-, inter-, et transdisciplinaire, fruit d&rsquo;un travail collectif initi&eacute; en 2009. A l&rsquo;&eacute;poque il avait fallu toute la d&eacute;termination et l&rsquo;inventivit&eacute; d&rsquo;un groupe d&rsquo;enseignants-chercheurs pour imposer la mise en place d&rsquo;une telle formation<sup><a href="#_ftn1" id="_ftnref1" name="_ftnref1">[1]</a></sup> (Hagel, 2019). Aujourd&rsquo;hui, la politique de l&rsquo;enseignement en France semble s&rsquo;&ecirc;tre r&eacute;solument appropri&eacute;e la question interdisciplinaire dans le secondaire (Conseil sup&eacute;rieur des programmes, 2019) comme &agrave; l&rsquo;universit&eacute; (Endrizzi, 2017). La bascule est surprenante et parmi les nombreuses questions qu&rsquo;elle pose, certainement sera-t-il essentiel de se demander comment construire un enseignement interdisciplinaire cons&eacute;quent, coh&eacute;rent et pertinent pour la formation des &eacute;l&egrave;ves ou des &eacute;tudiants.</p> <p style="text-align: justify;">Afin d&rsquo;aborder cette question, nous proposons de revenir sur l&rsquo;exp&eacute;rience p&eacute;dagogique men&eacute;e depuis dix ans au sein de la licence <em>Sciences et Humanit&eacute;s</em>. Ainsi, dans une premi&egrave;re partie, d&eacute;crirons-nous tout d&rsquo;abord succinctement cette formation pour ensuite r&eacute;pondre aux deux questions suivantes&nbsp;: comment un dialogue f&eacute;cond s&rsquo;est-il instaur&eacute; entre les enseignants des diff&eacute;rentes disciplines&nbsp;de cette formation ? Et comment ont-ils construit la coh&eacute;rence des enseignements propos&eacute;s au sein de ce cursus ? Enfin, nous conclurons cette premi&egrave;re partie en posant un regard critique sur la pertinence des enseignements interdisciplinaires r&eacute;alis&eacute;s au sein de la licence <em>Sciences et Humanit&eacute;s</em>. Et nous essaierons d&rsquo;y montrer comment ce bilan nous a men&eacute;s &agrave; la conclusion que pour une pratique interdisciplinaire saine, une r&eacute;flexion &eacute;pist&eacute;mologique profonde sur l&rsquo;identit&eacute;, les pratiques et les objectifs de l&rsquo;ensemble des disciplines mobilis&eacute;es, ainsi qu&rsquo;une formation des &eacute;tudiants &agrave; ces fondamentaux, s&rsquo;av&eacute;rait hautement utile, sinon n&eacute;cessaire.</p> <p style="text-align: justify;">Afin de mener cette r&eacute;flexion, des ateliers ont &eacute;t&eacute; mis en place depuis septembre 2018 dans deux cadres un peu diff&eacute;rents&nbsp;: l&rsquo;un regroupe les enseignants de la licence <em>Sciences et Humanit&eacute;s</em> dans la perspective d&rsquo;une refonte globale de la formation &agrave; l&rsquo;horizon 2023. L&rsquo;id&eacute;e &eacute;tant ici que l&rsquo;ensemble de l&rsquo;&eacute;quipe se donne la possibilit&eacute; de renouveler enti&egrave;rement les enseignements propos&eacute;s au sein de la formation selon ses d&eacute;sirs et ses exigences reformul&eacute;es au fil de ce travail<em>. </em>Le second cadre est un groupe de travail sur l&rsquo;enseignement interdisciplinaire, r&eacute;unissant enseignants du secondaire et du sup&eacute;rieur au sein de <em>l&rsquo;Institut de Recherche sur l&rsquo;Enseignement des Sciences</em> (IRES) d&rsquo;AMU, et s&rsquo;articule &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rience d&rsquo;enseignants devant cr&eacute;er de nouveaux contenus interdisciplinaires au lyc&eacute;e (Conseil sup&eacute;rieur des programmes, 2019).</p> <p style="text-align: justify;">Nous avons consacr&eacute; l&rsquo;essentiel de cette premi&egrave;re ann&eacute;e de travail au sein de chacune de ces deux s&eacute;ries d&rsquo;ateliers, &agrave; essayer de d&eacute;finir collectivement une m&eacute;thode de recherche permettant aux chercheurs et aux enseignants concern&eacute;s de mieux formuler et cerner l&rsquo;identit&eacute; de leur discipline, dans le but de se forger les outils d&rsquo;un enseignement ambitieux, au plan disciplinaire comme interdisciplinaire. Ces m&eacute;thodes de travail seront pr&eacute;sent&eacute;es dans la seconde partie de cet article.&nbsp;</p> <h2 style="text-align: justify;">Retour sur l&rsquo;exp&eacute;rience p&eacute;dagogique interdisciplinaire men&eacute;e au sein de la licence <em>Sciences et Humanit&eacute;s</em></h2> <p style="text-align: justify;">La licence <em>Sciences et Humanit&eacute;s</em> d&rsquo;AMU, co-port&eacute;e par l&rsquo;Unit&eacute; de Formation et de Recherche (UFR) Sciences et l&rsquo;UFR Arts, Lettres, Langues et Sciences Humaines, fait intervenir au fil de ses trois ann&eacute;es une quinzaine de disciplines<sup><a href="#_ftn2" id="_ftnref2" name="_ftnref2">[2]</a></sup> mobilis&eacute;es int&eacute;gralement autour de six grands th&egrave;mes, donnant leur intitul&eacute; aux six cours que l&rsquo;on retrouve invariablement &agrave; chaque semestre de la formation. Ces th&egrave;mes que nous nous sommes choisis sont 1. <em>Nature et Culture,</em> 2. <em>Syst&egrave;mes du Monde,</em> 3. <em>Vision, Lumi&egrave;re, Couleur</em>, 4. <em>Figures du Pouvoir</em>, 5. <em>Logique, Langage, Calcul</em> et 6. <em>Approche critique de la Langue&nbsp;</em>(Collectif, 2019) ; ceux-ci constituent pourrions-nous dire des connecteurs interdisciplinaires &eacute;voqu&eacute;s dans l&rsquo;appel &agrave; communication pour le pr&eacute;sent colloque (Numerev, 2019). Ainsi, par exemple, au sein de la th&eacute;matique <em>Vision, Lumi&egrave;re, Couleur,</em> des enseignants de philosophie, physique, biologie, chimie, sociologie, lettres et arts se succ&egrave;dent pour exposer aux &eacute;tudiants la mani&egrave;re dont l&rsquo;&ecirc;tre humain s&rsquo;est repr&eacute;sent&eacute;, a expliqu&eacute; et a utilis&eacute; ces trois notions depuis les propositions des philosophes de l&rsquo;Antiquit&eacute; grecque jusqu&rsquo;&agrave; la th&eacute;orie de la physique quantique du d&eacute;but du XX<sup>&egrave;me</sup> si&egrave;cle.</p> <p style="text-align: justify;">Dans les faits, les grands th&egrave;mes tels que la <em>lumi&egrave;re</em>, la <em>couleur</em>, le <em>pouvoir</em>, ou le <em>langage</em>, que nous avons choisi de reprendre et de probl&eacute;matiser diff&eacute;remment semestre apr&egrave;s semestre, avaient pour raison d&rsquo;&ecirc;tre de jouer le r&ocirc;le de &laquo;&nbsp;notions op&eacute;ratoires communes&nbsp;&raquo; permettant aux diff&eacute;rentes disciplines de &laquo;&nbsp;s&rsquo;interpeller, de se confronter et de s&rsquo;articuler&nbsp;&raquo; (Barru&eacute;-Pastor, 1992). Ainsi chacun des enseignements de la formation, sans exception, a &eacute;t&eacute; con&ccedil;u relativement &agrave; l&rsquo;une ou l&rsquo;autre de ces notions.</p> <p style="text-align: justify;">En cons&eacute;quence, l&rsquo;un des points &agrave; ne pas sous-estimer dans cette entreprise est que ni la m&eacute;thode consistant &agrave; faire dialoguer les disciplines, ni les th&egrave;mes d&rsquo;enseignement choisis ne correspondaient aux programmes des licences classiques. Il s&rsquo;agissait donc de repenser collectivement les contenus et les formes de l&rsquo;enseignement universitaire. C&rsquo;est pourquoi la licence <em>Sciences et Humanit&eacute;s</em> est depuis ses d&eacute;buts un lieu &eacute;volutif, o&ugrave; les enseignants se donnent une grande libert&eacute; d&rsquo;exp&eacute;rimentation. Ainsi les pratiques y sont multiples, les modes d&rsquo;articulation des contenus disciplinaires diff&eacute;remment aboutis et, malgr&eacute; de r&eacute;guliers ajustements, il est certain que son contenu ne ressemble pas &agrave; un id&eacute;al interdisciplinaire homog&egrave;ne.</p> <p style="text-align: justify;">Au fil des trois ans de formation, les contenus oscillent en effet entre des propositions multi-, inter- et transdisciplinaires (Thompson Klein, 2011&nbsp;; Kleinpeter, 2013). Ainsi, selon la d&eacute;finition de la multidisciplinarit&eacute; g&eacute;n&eacute;ralement admise, on s&rsquo;est parfois content&eacute; de juxtaposer des contenus disciplinaires relatifs &agrave; un m&ecirc;me th&egrave;me. Dans la grande majorit&eacute; des cas cependant, nous nous sommes efforc&eacute;s de pratiquer l&rsquo;interdisciplinarit&eacute; en coordonnant des interventions disciplinaires sur un th&egrave;me commun, en explicitant les convergences et les divergences disciplinaires sur celui-ci,&nbsp;en faisant &eacute;merger des liens entre leurs contenus, voire en &eacute;crivant des cours &agrave; plusieurs ou en intervenant conjointement en classe afin d&rsquo;essayer de combler des lacunes th&eacute;oriques entre contenus disciplinaires bien &eacute;tablis. Enfin dans quelques cas, on s&rsquo;est essay&eacute; &agrave; appliquer le concept de transdisciplinarit&eacute; &agrave; l&rsquo;enseignement en composant des m&eacute;thodes et des concepts issus de disciplines diff&eacute;rentes pour aborder des questions qui leur &eacute;chappent traditionnellement. Mais &agrave; dire vrai, plut&ocirc;t qu&rsquo;&agrave; une cat&eacute;gorisation fine de nos pratiques en termes de multi-, inter- ou transdisciplinarit&eacute;, c&rsquo;est bien plus &agrave; explorer les mani&egrave;res de permettre &agrave; nos &eacute;tudiants de construire un savoir riche et coh&eacute;rent &agrave; partir de discours disciplinaires initialement disjoints, que nous avons consacr&eacute; ces derni&egrave;res ann&eacute;es. N&eacute;anmoins, par souci de clart&eacute; et parce qu&rsquo;il s&rsquo;agit probablement l&agrave; de l&rsquo;essentiel de notre pratique, nous n&rsquo;utiliserons dans la suite de ce texte que les termes <em>interdisciplinarit&eacute; / interdisciplinaire</em> pour d&eacute;crire globalement nos enseignements, qui dans les faits ne s&rsquo;imposent que deux contraintes&nbsp;: mobiliser des contenus disciplinaires pour r&eacute;pondre &agrave; une th&eacute;matique commune&nbsp;; et essayer d&rsquo;articuler entre eux, au moins deux (souvent plus) points de vue disciplinaires sur la th&eacute;matique.</p> <h3 style="text-align: justify;">Comment un dialogue f&eacute;cond s&rsquo;est-il instaur&eacute; entre les enseignants de diff&eacute;rentes disciplines&nbsp;?</h3> <p style="text-align: justify;">Il est d&rsquo;ailleurs important pour comprendre le projet, de r&eacute;aliser que l&rsquo;interdisciplinarit&eacute; n&rsquo;a &eacute;t&eacute; ni le mot d&rsquo;ordre, ni la motivation premi&egrave;re, du collectif des enseignants-chercheurs &agrave; l&rsquo;initiative de la formation&nbsp;; ni m&ecirc;me un principe &eacute;pist&eacute;mologique, ou une contrainte institutionnelle. Elle s&rsquo;est impos&eacute;e elle-m&ecirc;me, comme le moyen de repenser notre mani&egrave;re d&rsquo;enseigner, de redonner un sens &agrave; notre travail d&rsquo;enseignant-chercheur et surtout de travailler au sein d&rsquo;un v&eacute;ritable collectif.</p> <p style="text-align: justify;">Pour tout dire, l&rsquo;id&eacute;e de la licence <em>Sciences et Humanit&eacute;s</em> est n&eacute;e en 2009 lors des mouvements de contestation contre la loi relative aux libert&eacute;s et aux responsabilit&eacute;s des universit&eacute;s (LRU)&nbsp;; ce fut en effet une occasion rare pour des universitaires de toutes disciplines de se rencontrer&nbsp;et de prendre le temps de repenser l&rsquo;universit&eacute; (Hagel, 2019), puisqu&rsquo;une protestation, pour ne pas &ecirc;tre st&eacute;rile, se doit aussi de proposer. Nous pensons donc que l&rsquo;une des cl&eacute;s de l&rsquo;interdisciplinarit&eacute; que nous avons pratiqu&eacute;e r&eacute;side d&rsquo;abord dans la rencontre humaine (Barru&eacute;-Pastor, 1992). Il semble en effet que ses acteurs &eacute;taient avant tout des personnes sp&eacute;cialis&eacute;es dans des disciplines tr&egrave;s diff&eacute;rentes, mais curieuses de ce que proposaient les autres et prenant plaisir &agrave; r&eacute;fl&eacute;chir et &agrave; travailler ensemble. La seconde cl&eacute; de l&rsquo;interdisciplinarit&eacute; telle qu&rsquo;elle y a &eacute;t&eacute; pratiqu&eacute;e a donc r&eacute;sid&eacute; dans une &eacute;coute et une communication de grande qualit&eacute; sur un temps long entre des enseignants-chercheurs qui poss&eacute;daient des langages diff&eacute;rents. Bien conscients que les th&eacute;matiques ne feraient pas &agrave; elle seule l&rsquo;interdisciplinarit&eacute; et qu&rsquo;il ne suffirait pas d&rsquo;accumuler et de juxtaposer les contenus disciplinaires relatifs &agrave; une th&eacute;matique commune pour produire une formation riche de sens (Lenoir, 2015), nous avons appris quatre ans avant l&rsquo;ouverture m&ecirc;me de la formation, non pas vraiment &agrave; construire un langage commun, mais &agrave; nous &eacute;couter en recherchant des correspondances entre les concepts que nous manipulions&nbsp;; les concepts et les mod&egrave;les d&#39;analyse communs n&rsquo;&eacute;tant &ndash; comme le souligne Dominique Vinck (2003) &ndash; que les r&eacute;sultats &eacute;ventuels esp&eacute;r&eacute;s du travail interdisciplinaire et aucunement leur pr&eacute;alable. Ainsi, c&rsquo;est seulement apr&egrave;s des mois &agrave; essayer de nous assurer que nous nous comprenions les uns les autres lorsque nous parlions de nos propres sujets, que s&rsquo;est pos&eacute; &agrave; nous le probl&egrave;me de construire un contenu interdisciplinaire &agrave; proprement parler. Pour cela, il est certain que le temps de travail commun entre enseignants, l&rsquo;&eacute;coute et le plaisir &agrave; &eacute;changer ont &eacute;t&eacute; essentiels<sup><a href="#_ftn3" id="_ftnref3" name="_ftnref3">[3]</a></sup>.</p> <h3 style="text-align: justify;">Comment a-t-on construit la coh&eacute;rence des enseignements propos&eacute;s au sein de la formation&nbsp;?</h3> <p style="text-align: justify;">Une premi&egrave;re strat&eacute;gie d&rsquo;organisation des enseignements, qui s&rsquo;est av&eacute;r&eacute;e extr&ecirc;mement efficace en mati&egrave;re d&rsquo;interdisciplinarit&eacute;, a &eacute;t&eacute; de d&eacute;rouler certaines de nos th&eacute;matiques selon une perspective historique. Dans la th&eacute;matique <em>Vision, Lumi&egrave;re, Couleur</em> par exemple, on &eacute;tudie en premier lieu les th&eacute;ories de la vision et de la couleur dans l&rsquo;Antiquit&eacute; grecque&nbsp;; puis on aborde la synth&egrave;se et le d&eacute;passement de ces textes grecs par les philosophes, anatomistes, opticiens, astronomes et math&eacute;maticiens du Moyen-&Acirc;ge arabe. On analyse ensuite les pratiques &eacute;clectiques de la Renaissance m&eacute;langeant arts, sciences et magie, qui ont ouvert la voie &agrave; la mise en place notamment de l&rsquo;optique g&eacute;om&eacute;trique aux XVII<sup>&egrave;me </sup>et XVIII<sup>&egrave;me</sup> si&egrave;cles, pour arriver progressivement aux influences de la r&eacute;volution industrielle sur la philosophie, l&rsquo;art et la science de la couleur. Enfin cet enseignement d&eacute;bouche en troisi&egrave;me ann&eacute;e sur la conception quantique de l&rsquo;interaction lumi&egrave;re-mati&egrave;re et l&rsquo;interpr&eacute;tation des m&eacute;canismes de la vision par les neurosciences et la ph&eacute;nom&eacute;nologie. Ce processus &eacute;tal&eacute; sur trois ans permet non seulement de progresser r&eacute;guli&egrave;rement en termes de complexit&eacute; des contenus, mais aussi, en raison de la grande communication entre les savoirs des &eacute;poques pr&eacute;c&eacute;dant le XIX<sup>&egrave;me</sup> si&egrave;cle, de mobiliser simultan&eacute;ment les disciplines de mani&egrave;re tr&egrave;s naturelle autour de questions qui d&eacute;passaient tr&egrave;s largement chacune d&rsquo;entre elles. Un exemple assez &eacute;l&eacute;gant est la mani&egrave;re dont l&rsquo;invention de la perspective lin&eacute;aire par les peintres de la Renaissance ouvre la voie au d&eacute;veloppement d&rsquo;une nouvelle g&eacute;om&eacute;trie projective en math&eacute;matiques et de l&rsquo;optique g&eacute;om&eacute;trique en physique, port&eacute;e par ailleurs par un renouveau de la conception philosophique de la perception et de la vision en particulier.</p> <p style="text-align: justify;">Une cons&eacute;quence heureuse de cette introduction des savoirs selon une perspective historique est qu&rsquo;elle permet tr&egrave;s naturellement de mettre en &oelig;uvre une &laquo;&nbsp;transposition didactique&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est-&agrave;-dire un &laquo;&nbsp;travail qui fait d&rsquo;un objet de savoir &agrave; enseigner un objet d&rsquo;enseignement&nbsp;&raquo; (Chevallard, 1985). La sensibilisation des &eacute;tudiants aux probl&egrave;mes philosophiques, sociaux ou techniques ayant historiquement men&eacute; d&rsquo;abord au d&eacute;veloppement d&rsquo;une solution th&eacute;orique, int&eacute;gr&eacute;e ensuite sous forme de concepts, de th&eacute;or&egrave;mes ou de m&eacute;thodes dans l&rsquo;enseignement, leur a en effet permis de mieux appr&eacute;hender et m&eacute;moriser cette solution th&eacute;orique et de l&rsquo;appliquer &agrave; des contextes nouveaux (Morizot &amp; Ferri &amp; Bodea &amp; al., 2014). Complexit&eacute; progressive, confrontation &agrave; la porosit&eacute; et aux mutations historiques des disciplines, justification des contenus des disciplines contemporaines par les probl&egrave;mes et questionnements qui les ont faits &eacute;merger&nbsp;: autant de facteurs qui dans ces th&eacute;matiques structur&eacute;es selon une trame historique ont particip&eacute; &agrave; construire des ponts interdisciplinaires extr&ecirc;mement efficaces en termes d&rsquo;apprentissage, &agrave; condition de ne pas noyer les &eacute;tudiants dans l&rsquo;histoire et de conserver le temps pour le travail technique (d&rsquo;&eacute;criture, d&rsquo;exp&eacute;rimentation, d&rsquo;enqu&ecirc;te, de d&eacute;monstration math&eacute;matique, de lecture et d&rsquo;analyse de textes&hellip;) n&eacute;cessaire &agrave; la manipulation des solutions contemporaines.</p> <p style="text-align: justify;">Par ailleurs, si le dialogue entre sp&eacute;cialistes de disciplines diff&eacute;rentes est &eacute;videmment n&eacute;cessaire &agrave; la production d&rsquo;une formation multidisciplinaire coh&eacute;rente, nous avons aussi remarqu&eacute; qu&rsquo;un simple dialogue ne produisait souvent pas une compr&eacute;hension entre enseignants suffisante pour la mise en place de v&eacute;ritables liens interdisciplinaires. A l&rsquo;oppos&eacute;, nous avons tr&egrave;s souvent observ&eacute; que lorsque plusieurs coll&egrave;gues &eacute;taient r&eacute;unis simultan&eacute;ment en salle de classe, pour co-pr&eacute;senter un contenu ou pour assister au cours de l&rsquo;un d&rsquo;entre eux, leur &eacute;change se trouvait sensiblement approfondi&nbsp;; non seulement parce que &laquo;&nbsp;la conception et la r&eacute;alisation d&#39;un enseignement conjoint sont l&#39;occasion, pour les enseignants, de construire et de mettre &agrave; l&#39;&eacute;preuve la confiance qu&#39;ils peuvent avoir les uns dans les autres&nbsp;&raquo; (Vinck, 2003), mais aussi et surtout parce que ce travail d&rsquo;&eacute;criture et de pr&eacute;sentation conjointes d&rsquo;un enseignement cristallise en un &laquo;&nbsp;objet interm&eacute;diaire&nbsp;&raquo; une tentative tangible de construction de savoirs interdisciplinaires, imm&eacute;diatement &laquo;&nbsp;mise &agrave; l&rsquo;&eacute;preuve&nbsp;&raquo; par les enseignants lors de l&rsquo;&eacute;criture commune, puis par confrontation au regard critique des &eacute;tudiants.</p> <p style="text-align: justify;">Quoi qu&rsquo;il en soit, m&ecirc;me dans le cas d&rsquo;un enseignement qui n&rsquo;est pas co-construit, le simple fait d&rsquo;&eacute;couter une ou un coll&egrave;gue d&rsquo;une autre discipline pr&eacute;senter son cours devant une classe permettra tr&egrave;s souvent de saisir beaucoup mieux les enjeux de son propos que si elle ou il nous en avait simplement r&eacute;sum&eacute; le contenu et les intentions. Il permet &eacute;galement d&rsquo;en extraire les &eacute;l&eacute;ments susceptibles de servir de ponts vers un autre discours disciplinaire d&rsquo;autant plus efficacement que l&rsquo;on saura r&eacute;utiliser pr&eacute;cis&eacute;ment les mots, arguments et exemples qui auront d&eacute;j&agrave; &eacute;t&eacute; pr&eacute;sent&eacute;s aux &eacute;tudiants. Notre constat g&eacute;n&eacute;ral est donc que l&rsquo;intervention d&rsquo;un tiers neutre (ici le groupe d&rsquo;&eacute;tudiants) dans l&rsquo;&eacute;change entre disciplines facilite tr&egrave;s grandement l&rsquo;intercompr&eacute;hension, en for&ccedil;ant l&rsquo;un &agrave; &ecirc;tre aussi p&eacute;dagogue que possible, l&rsquo;autre &agrave; &ecirc;tre plus attentif et r&eacute;ceptif. Mais en poussant aussi chacun d&rsquo;eux &agrave; reconfigurer leurs propositions autour des questions du tiers neutre, qui, r&eacute;v&eacute;lant des interrogations souvent ext&eacute;rieures aux deux disciplines essayant de dialoguer, les forcent toutes deux simultan&eacute;ment &agrave; ajuster leur perspective.</p> <p style="text-align: justify;">Aussi avons-avons essay&eacute;, &agrave; chaque fois que cela s&rsquo;est av&eacute;r&eacute; possible, d&rsquo;imaginer la construction de cours conjoints, ou au moins de nous trouver &agrave; plusieurs enseignants simultan&eacute;ment en classe. Il est &eacute;vident que chacun d&rsquo;entre nous appr&eacute;hendait au d&eacute;part la pr&eacute;sence d&rsquo;un pair au sein de la classe. Cependant, l&rsquo;inqui&eacute;tude est vite remplac&eacute;e par le plaisir d&rsquo;une interaction plus attentive et surtout, le d&eacute;bat interdisciplinaire &eacute;clatant souvent sous les yeux m&ecirc;mes des &eacute;tudiants - voire &agrave; leur initiative - les liens disciplinaires comme les discordances radicales apparaissent plus clairement. Il est cependant important de noter que cette pratique implique une reconnaissance de nos institutions &agrave; la co-pr&eacute;sence de deux enseignants en fonction dans la classe&nbsp;; nous voulons signifier ici que ces heures de cours ne peuvent &ecirc;tre partag&eacute;es entre les deux enseignants mais au contraire ces heures se doivent d&rsquo;&ecirc;tre reconnues pour chacun d&rsquo;entre eux, si nous souhaitons mettre en place des enseignements interdisciplinaires coh&eacute;rents et pertinents.</p> <h3 style="text-align: justify;">Quel regard critique portons-nous sur la pertinence de la formation apr&egrave;s dix ann&eacute;es de travail&nbsp;?</h3> <p style="text-align: justify;">Il est ind&eacute;niable que la situation est loin d&rsquo;&ecirc;tre parfaite et que la coh&eacute;rence des enseignements que nous proposons reste parfois contestable. Il semble en effet que dans certains cas nous nous soyons &eacute;gar&eacute;s &agrave; proposer des enseignements interdisciplinaires fond&eacute;s sur des analogies particuli&egrave;rement faibles. L&rsquo;un d&rsquo;entre nous d&eacute;crivant son cours, un autre aura d&eacute;clar&eacute; &laquo;&nbsp;c&rsquo;est int&eacute;ressant&nbsp;: &ccedil;a me fait penser &agrave; &ccedil;a dans ma propre discipline&nbsp;&raquo; et sur cette simple base on aura d&eacute;velopp&eacute; deux enseignements pr&eacute;tendument connect&eacute;s mais ne s&rsquo;enrichissant nullement l&rsquo;un l&rsquo;autre. Il n&rsquo;est alors pas surprenant de voir &agrave; leur tour des &eacute;tudiants &eacute;tayer une argumentation par une s&eacute;rie d&rsquo;exemples emprunt&eacute;s &agrave; des disciplines diff&eacute;rentes et parfaitement d&eacute;corr&eacute;l&eacute;s<em>.</em> L&rsquo;enthousiasme enfantin qui s&rsquo;empare de nous lorsque l&rsquo;on pense avoir flair&eacute; un nouveau lien interdisciplinaire est en effet si difficile &agrave; contr&ocirc;ler qu&rsquo;il n&rsquo;est pas rare que l&rsquo;on se laisse aveugler par celui-ci. L&rsquo;entreprise interdisciplinaire focalis&eacute;e sur la recherche de &laquo;&nbsp;liens&nbsp;&raquo; partout et &agrave; tout prix peut alors vite rejoindre la qu&ecirc;te analogique fr&eacute;n&eacute;tique des penseurs de la Renaissance (Foucault, 1966). C&rsquo;est pourquoi, si le postulat initial d&rsquo;une recherche ou d&rsquo;un enseignement interdisciplinaire est bien que &laquo;&nbsp;il y a du lien&nbsp;&raquo;, les programmes effectifs ont n&eacute;anmoins besoin de hi&eacute;rarchiser ces liens pour d&eacute;terminer coll&eacute;gialement ce qui est essentiel ou pertinent, et ce qui l&rsquo;est moins. Ce probl&egrave;me de la priorisation nous a sembl&eacute; fondamental face &agrave; l&rsquo;immense volume des savoirs &agrave; compacter dans une formation, au point d&rsquo;avoir motiv&eacute; une enqu&ecirc;te m&eacute;thodologique sur la pratique de l&rsquo;analogie et de la migration des concepts entre disciplines (Morizot &amp; Morizot, 2019). Les conclusions provisoires de cette enqu&ecirc;te &eacute;tant que l&rsquo;acte d&rsquo;emprunter une connaissance (concept, th&eacute;orie, mod&egrave;le) &agrave; un champ d&rsquo;&eacute;tude dans le but d&rsquo;&eacute;clairer un autre champ o&ugrave; semblent se manifester des probl&egrave;mes similaires n&rsquo;a <em>a priori </em>aucune justification &eacute;pist&eacute;mologique, mais qu&rsquo;il rev&ecirc;t un v&eacute;ritable potentiel de cr&eacute;ation et d&rsquo;explication &agrave; condition de ne lui reconna&icirc;tre aucun autre fondement que celui d&rsquo;une hypoth&egrave;se &agrave; &eacute;prouver empiriquement et logiquement&nbsp;; que la connaissance de d&eacute;part ne doit alors pas &ecirc;tre import&eacute;e dans sa globalit&eacute; mais qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;identifier ses quelques r&egrave;gles m&eacute;thodologiques de d&eacute;duction rendant effectivement plus intelligibles les probl&egrave;mes pos&eacute;s dans le second champ&nbsp;; qu&rsquo;il s&rsquo;agira cependant d&rsquo;&ecirc;tre attentif aux &eacute;checs ponctuels de la transposition&nbsp;car cette attention particuli&egrave;re aux contrastes stimulera et orientera la n&eacute;cessaire mutation des &eacute;l&eacute;ments de connaissance transpos&eacute;s pour s&rsquo;adapter aux particularit&eacute;s du nouveau probl&egrave;me ; qu&rsquo;enfin en cas de succ&egrave;s de la transposition, il faudra renoncer &agrave; croire en une r&eacute;elle analogie entre les deux champs et garder en t&ecirc;te le fait que l&rsquo;analogie n&rsquo;a &eacute;t&eacute; qu&rsquo;un d&eacute;clencheur d&rsquo;un long processus de mutation, de v&eacute;rification et d&rsquo;ajustement ayant men&eacute; &agrave; la production d&rsquo;une connaissance toute nouvelle.</p> <p style="text-align: justify;">Le temps de la r&eacute;flexion est aussi d&rsquo;autant plus crucial que lorsque l&rsquo;on s&rsquo;essaie &agrave; la transposition de connaissances entre champs de savoir distincts par analogie, comme lorsque l&rsquo;on manipule les connecteurs interdisciplinaires &eacute;voqu&eacute;s plus haut, les mots eux-m&ecirc;mes sont trompeurs. Victimes de leur innocente &eacute;vidence, et malgr&eacute; l&rsquo;injonction c&eacute;l&egrave;bre de Michel Foucault (1966), nous avons encore souvent tendance &agrave; confondre ces mots avec les choses qu&rsquo;ils essaient de cerner. De fait, la pr&eacute;sence d&rsquo;un m&ecirc;me mot dans diff&eacute;rents champs disciplinaires nous a souvent fait penser qu&rsquo;un enseignement autour de celui-ci produira n&eacute;cessairement des effets d&rsquo;interdisciplinarit&eacute;. Mais enseigner sur un mot commun ne fait pas l&rsquo;interdisciplinarit&eacute;. On pourra &ecirc;tre tent&eacute; de proposer un cours sur la m&eacute;moire informatique juxtapos&eacute; &agrave; un autre sur le devoir de m&eacute;moire, ou sur les troubles de la m&eacute;moire. Mais&nbsp;au-del&agrave; de l&rsquo;apport disciplinaire pur de ces diff&eacute;rents cours, leur association ne m&egrave;nera nullement &agrave; une compr&eacute;hension enrichie de l&rsquo;objet complexe qu&rsquo;est la &laquo;&nbsp;m&eacute;moire&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">A vrai dire, si ce genre de proposition extr&ecirc;me est vite identifi&eacute;, un exemple moins trivial de notion interdisciplinaire trait&eacute;e avec plus ou moins de succ&egrave;s jusqu&rsquo;ici en licence <em>Sciences &amp; Humanit&eacute;s</em> est la &laquo;&nbsp;couleur&nbsp;&raquo;. Notion tr&egrave;s riche - au sens o&ugrave; on la retrouve d&eacute;clin&eacute;e dans un nombre important de disciplines tr&egrave;s vari&eacute;es - et qui &agrave; ce titre n&rsquo;a cess&eacute; de prendre de l&rsquo;ampleur dans notre formation depuis son ouverture. Mais notion au sujet de laquelle nous commen&ccedil;ons seulement &agrave; r&eacute;aliser &agrave; quel point nous chimistes, physiciens, biologistes, artistes, sociologues ou philosophes ne pensons pas du tout &agrave; la m&ecirc;me&nbsp;entit&eacute; lorsque nous &eacute;voquons la &laquo;&nbsp;couleur&nbsp;&raquo; : la biologie se questionnant avant tout sur l&rsquo;organisation cellulaire et neuronale permettant la sensation de couleur, ou sur les g&egrave;nes et conditions &eacute;volutives pr&eacute;sidant au d&eacute;veloppement de cette organisation&nbsp;; la chimie pr&eacute;cis&eacute;ment sur la structure des pigments et colorants donnant leur couleur aux objets&nbsp;; la physique sp&eacute;cifiquement sur la nature de la lumi&egrave;re color&eacute;e&nbsp;; la litt&eacute;rature sur la mani&egrave;re de rendre la sensation color&eacute;e &agrave; travers les mots, etc. Dans ces conditions, il reste l&eacute;gitime d&rsquo;esp&eacute;rer qu&rsquo;un travail collaboratif interdisciplinaire permette d&rsquo;&eacute;laborer une explication globale de la couleur, int&eacute;grant la mani&egrave;re dont la lumi&egrave;re color&eacute;e physique est modifi&eacute;e dans son interaction avec les corps mat&eacute;riels d&eacute;crits par la chimie, puis transform&eacute;e en signal nerveux par les photor&eacute;cepteurs de l&rsquo;&oelig;il humain d&eacute;crits par la biologie, dont la combinaison donne lieu &agrave; la sensation color&eacute;e &eacute;tudi&eacute;e par la psychologie cognitive. Mais malgr&eacute; une volont&eacute; forte de faire le lien entre ces approches et la mise en place de cours passionnants et vari&eacute;s s&rsquo;employant &agrave; sortir des sentiers classiquement battus par les disciplines (Morizot &amp; Audureau &amp; Briend <em>et al. </em>2015), la construction d&rsquo;un objet &laquo;&nbsp;couleur&nbsp;&raquo; transdisciplinaire et coh&eacute;rent reste tr&egrave;s inaboutie, comme en t&eacute;moigne l&rsquo;impossibilit&eacute; des &eacute;tudiants de transposer les connaissances acquises dans un cours &agrave; un autre, ou notre propre incapacit&eacute; &agrave; produire un sujet d&rsquo;examen commun.</p> <p style="text-align: justify;">Il est possible qu&rsquo;aveugl&eacute;s par le fait que nous employions tous le m&ecirc;me <em>mot</em>, nous pensions sinc&egrave;rement parler de la m&ecirc;me <em>chose</em>. Ou selon les termes choisis par Bruno Bachimont (2019), que nous confondions la &laquo;&nbsp;Chose&nbsp;&raquo; - cette ext&eacute;riorit&eacute; qui r&eacute;siste et sur laquelle peuvent s&rsquo;appuyer le raisonnement et l&rsquo;exp&eacute;rience - et l&rsquo;&laquo;&nbsp;Objet&nbsp;&raquo; - qui n&rsquo;est que la reformulation et l&rsquo;id&eacute;alisation de cette &laquo;&nbsp;Chose&nbsp;&raquo; par un mot sp&eacute;cifique au paradigme disciplinaire adopt&eacute;. Le risque &eacute;tant bien entendu de croire qu&rsquo;en ma&icirc;trisant l&rsquo;Objet on a fait le tour de la Chose. Ce risque est d&rsquo;ailleurs sp&eacute;cifiquement celui que nous font courir la s&eacute;paration et l&rsquo;hyper-sp&eacute;cialisation disciplinaire, et contre lequel on pourrait penser que le travail interdisciplinaire nous pr&eacute;munirait. Mais le probl&egrave;me resurgit ici de mani&egrave;re plus subtile.</p> <p style="text-align: justify;">Nous avions en effet conscience que chaque enseignant amenait avec lui un Objet diff&eacute;rent. Que chaque discipline a construit l&rsquo;Objet &laquo;&nbsp;couleur&nbsp;&raquo; comme r&eacute;ponse &agrave; un probl&egrave;me qui se posait sp&eacute;cifiquement pour elle&nbsp;: la couleur en biologie comme une cons&eacute;quence du fonctionnement du syst&egrave;me visuel humain, la couleur en chimie comme une cons&eacute;quence de la structure de la mati&egrave;re, la couleur en physique comme un aspect de la nature de la lumi&egrave;re, la couleur en psychologie comme pure sensation, la couleur en peinture comme vecteur de structure, d&rsquo;information ou d&rsquo;&eacute;motion&hellip; Nous avons donc imagin&eacute; que le travail de mise en commun de ces diff&eacute;rents Objets ferait naturellement &eacute;merger un nouvel Objet coh&eacute;rent et plus vaste que les pr&eacute;c&eacute;dents, regroupant diff&eacute;rents aspects de la Chose et la d&eacute;crivant donc mieux. Mais il est probable alors que nous ayons trop voulu r&eacute;v&eacute;ler les points communs entre nos diff&eacute;rents discours disciplinaires, et n&rsquo;ayons plus suffisamment pr&ecirc;t&eacute; attention &agrave; leurs diff&eacute;rences fondamentales. Car apr&egrave;s dix ans &agrave; essayer de d&eacute;passer notre aveuglement disciplinaire pour recoller ensemble les morceaux &eacute;pars de l&rsquo;&eacute;l&eacute;phant en t&acirc;tonnant les uns vers les autres, comme Fr&eacute;d&eacute;ric Darbellay (2018) le d&eacute;crit dans un texte r&eacute;cent, on commence seulement &agrave; r&eacute;aliser que l&rsquo;on n&rsquo;abordait m&ecirc;me pas v&eacute;ritablement la m&ecirc;me Chose sous plusieurs angles mais bien que derri&egrave;re l&rsquo;illusion r&eacute;aliste entretenue par l&rsquo;homog&eacute;n&eacute;it&eacute; du mot &laquo;&nbsp;couleur&nbsp;&raquo;, se cache une h&eacute;t&eacute;rog&eacute;n&eacute;it&eacute; radicale entre des notions disciplinaires&nbsp;fondamentalement diff&eacute;rentes et pour certaines inconciliables.</p> <p style="text-align: justify;">En somme, qu&rsquo;elle qu&rsquo;en soit la raison, l&rsquo;utilisation en guise de connecteur interdisciplinaire d&rsquo;un mot pr&eacute;existant commun &agrave; plusieurs disciplines, ne garantit absolument pas d&rsquo;aboutir &agrave; de v&eacute;ritables notions communes op&eacute;ratoires en interdisciplinarit&eacute; et r&eacute;clame au contraire la plus grande vigilance pour &eacute;chapper &agrave; un banal amalgame (Fourez &amp; Mathy &amp; Englebert-Lecomte, 1993).</p> <p style="text-align: justify;">En particulier dans l&rsquo;enseignement, puisqu&rsquo;en soumettant les &eacute;tudiants &agrave; des discours organis&eacute;s autour d&rsquo;un m&ecirc;me mot strictement (par exemple, &laquo;&nbsp;couleur&nbsp;&raquo;), mais ench&acirc;ss&eacute;s dans des contextes disciplinaires diff&eacute;rents, on les expose &agrave; la plus grande confusion. Afin de limiter celle-ci, il est &eacute;videmment imp&eacute;ratif en premier lieu que chaque enseignant disciplinaire accepte le fait qu&rsquo;il ne propose aux &eacute;tudiants un &eacute;clairage pr&eacute;cis que sur un Objet disciplinaire, et non sur la Chose elle-m&ecirc;me, et qu&rsquo;il prenne donc soin de bien d&eacute;finir l&rsquo;Objet dont il est question. Pour cela, on l&rsquo;a d&eacute;j&agrave; soulign&eacute;, se retrouver en classe avec un coll&egrave;gue joue souvent un r&ocirc;le d&eacute;clencheur. D&rsquo;autant qu&rsquo;une telle mise en situation permettra dans un second temps de d&eacute;passer le cloisonnement ainsi r&eacute;v&eacute;l&eacute; et d&rsquo;amorcer des liens interdisciplinaires en faisant miroiter non seulement les potentiels points communs, mais aussi et surtout les diff&eacute;rences entre ces Objets de m&ecirc;me nom pr&eacute;sents dans plusieurs disciplines. Car c&rsquo;est la cartographie compl&egrave;te des contrastes entre les Objets disciplinaires qui permet v&eacute;ritablement de lever les ambig&uuml;it&eacute;s et d&rsquo;&eacute;tablir ensuite entre eux de potentiels liens raisonn&eacute;s&nbsp;; plut&ocirc;t qu&rsquo;une liste de leurs seules ressemblances, laquelle a g&eacute;n&eacute;ralement tendance &agrave; exag&eacute;rer les liens et les proximit&eacute;s (Morizot &amp; Morizot, 2019).</p> <p style="text-align: justify;">A dire vrai, l&rsquo;exercice est loin d&rsquo;&ecirc;tre &eacute;vident et n&eacute;cessite bien plus qu&rsquo;une sinc&egrave;re ouverture d&rsquo;esprit et qu&rsquo;un dialogue attentif avec les coll&egrave;gues. Il semble en effet n&eacute;cessiter de chacun qu&rsquo;il prenne un recul &agrave; la fois &eacute;pist&eacute;mologique et didactique sur sa propre discipline pour identifier les postulats propres qui la fondent et pour saisir la sp&eacute;cificit&eacute; de ses m&eacute;thodes&nbsp;; ce afin de pouvoir mieux situer les Objets que la discipline manipule dans leurs rapports aux Choses. Or &agrave; nouveau ces sp&eacute;cificit&eacute;s disciplinaires appara&icirc;tront de fa&ccedil;on d&rsquo;autant plus saillante qu&rsquo;on les confrontera aux sp&eacute;cificit&eacute;s d&rsquo;autres disciplines. C&rsquo;est donc fort de cette conviction que nous avons initi&eacute; cette ann&eacute;e, avec deux &eacute;quipes diff&eacute;rentes (l&rsquo;une compos&eacute;e d&rsquo;enseignants de la licence <em>Sciences et Humanit&eacute;s </em>exclusivement, l&rsquo;autre r&eacute;unissant des enseignants du secondaire), deux s&eacute;ries d&rsquo;ateliers collaboratifs ayant pour but de faire &eacute;merger et formuler aussi clairement que possible les diff&eacute;rentes identit&eacute;s disciplinaires composant le groupe, pour ensuite les confronter. D&rsquo;un c&ocirc;t&eacute; dans l&rsquo;optique de repenser les pratiques interdisciplinaires au sein de la licence <em>Sciences et Humanit&eacute;s</em>, et imaginer une nouvelle version de la formation &agrave; l&rsquo;horizon 2023. De l&rsquo;autre dans l&rsquo;id&eacute;e de proposer des outils aux enseignants du secondaire r&eacute;cemment soumis &agrave; l&rsquo;injonction de produire des enseignements interdisciplinaires, et &agrave; leurs &eacute;l&egrave;ves.</p> <h2 style="text-align: justify;">Les identit&eacute;s disciplinaires au service de l&rsquo;interdisciplinarit&eacute;</h2> <h3 style="text-align: justify;">Description de la m&eacute;thode de recherche choisie pour questionner les identit&eacute;s disciplinaires au sein de la licence Sciences et Humanit&eacute;s</h3> <p style="text-align: justify;">Ce premier groupe de travail a pour objectifs la r&eacute;solution des probl&egrave;mes &eacute;voqu&eacute;s plus haut, &agrave; savoir&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">1. la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;&eacute;tablir des crit&egrave;res raisonn&eacute;s et motiv&eacute;s de tri parmi l&rsquo;infinit&eacute; des savoirs que l&rsquo;on pourrait proposer dans une formation r&eacute;unissant jusqu&rsquo;&agrave; quinze disciplines. L&rsquo;enjeu premier est donc de poser des crit&egrave;res pour &laquo;&nbsp;cl&ocirc;turer&nbsp;&raquo; le corps des connaissances propos&eacute;es dans la formation (Fourez &amp; Mathy &amp; Englebert-Lecomte, 1993). Cet enjeu justifie &agrave; lui seul un retour sur les disciplines, tant l&rsquo;objectif de la formation n&rsquo;est pas la licence elle-m&ecirc;me, mais la possibilit&eacute; avec elle d&rsquo;int&eacute;grer avec succ&egrave;s une s&eacute;rie d&rsquo;une dizaine de masters disciplinaires, riche &agrave; la fois d&rsquo;une culture vaste et d&rsquo;une grande capacit&eacute; de travail, mais aussi de la ma&icirc;trise de fondamentaux disciplinaires qui permettront ce succ&egrave;s. Nous avons effectivement souhait&eacute; b&acirc;tir une formation fondamentale, r&eacute;solument ouverte sur la recherche, et donc bas&eacute;e sur les savoirs disciplinaires&nbsp;; le projet interdisciplinaire consistant pr&eacute;cis&eacute;ment &agrave; d&eacute;passer ces savoirs sp&eacute;cialis&eacute;s en les articulant &agrave; d&rsquo;autres, tout en fournissant les outils permettant de poser sur eux un regard critique. Ainsi, la r&eacute;flexion sur les disciplines doit d&rsquo;abord permettre d&rsquo;identifier les pans th&eacute;oriques et m&eacute;thodologiques essentiels &agrave; celles-ci, afin de lister les contenus et les pratiques qui doivent absolument figurer dans le cursus et ainsi redessiner son contour.</p> <p style="text-align: justify;">2. la n&eacute;cessit&eacute; pour chaque discipline d&rsquo;expliciter sa propre conception des connecteurs interdisciplinaires qu&rsquo;elle manipule et d&rsquo;exposer les contrastes qu&rsquo;entretient cette conception avec celles des autres disciplines mobilis&eacute;es. Ce dans la perspective de proposer un cursus de licence interdisciplinaire int&eacute;gralement bas&eacute; sur des th&eacute;matiques d&rsquo;enseignement v&eacute;ritablement &agrave; m&ecirc;me de faire dialoguer les disciplines, tout en &eacute;vitant les amalgames, confusions et analogies superficielles. Cet objectif lui aussi passe par un retour sur les disciplines, puisque l&rsquo;on fait le pari que la mani&egrave;re la plus efficace et g&eacute;n&eacute;rale de saisir les limites des notions disciplinaires sera de faire &eacute;merger les postulats, m&eacute;thodes et probl&eacute;matiques qui structurent la discipline et qui ont donc pr&eacute;sid&eacute; au fa&ccedil;onnement de ses contenus. Mais aussi qu&rsquo;en cartographiant finement les territoires disciplinaires on r&eacute;v&eacute;lera quelques lieux de croisements interdisciplinaires pertinents et quelques mar&eacute;cages &agrave; &eacute;viter.</p> <p style="text-align: justify;">Ainsi a-t-on ici mis en place trois groupes de travail&nbsp;: le premier r&eacute;unissant l&rsquo;ensemble des biologistes de la formation&nbsp;; le second regroupant chimistes et physiciens&nbsp;; le troisi&egrave;me centr&eacute; sur l&rsquo;histoire et la philosophie. Le travail de ces trois groupes ayant &eacute;t&eacute; anim&eacute; autour d&rsquo;un m&ecirc;me nombre restreint de questions relatives aux disciplines. La premi&egrave;re &eacute;tant&nbsp;tout simplement&nbsp;: &laquo;&nbsp;Qu&rsquo;est-ce que ma discipline&nbsp;?&nbsp;&raquo;. En posant la question de la sorte, on s&rsquo;est d&rsquo;abord expos&eacute; au risque de confusion li&eacute;e &agrave; l&rsquo;homonymie du mot &laquo;&nbsp;discipline&nbsp;&raquo; (Coquid&eacute;, 2008)&nbsp;utilis&eacute; &agrave; l&rsquo;universit&eacute; pour d&eacute;signer &agrave; la fois un corpus d&rsquo;enseignement et un champ de recherche<a href="#_ftn4" id="_ftnref4" name="_ftnref4">[4]</a>. Il a donc &eacute;t&eacute; n&eacute;cessaire pour &eacute;viter les malentendus de pr&eacute;ciser dans la r&eacute;ponse &agrave; cette question si l&rsquo;on parlait de celle que l&rsquo;on enseigne ou de celle que l&rsquo;on pratique en laboratoire, car on souhaitait avant tout garder cette question ouverte. Si l&rsquo;on aurait pu en effet &ecirc;tre tent&eacute; dans ce contexte de limiter le d&eacute;bat &agrave; l&rsquo;identit&eacute; de la discipline enseign&eacute;e, il nous a toutefois sembl&eacute; que celle de la discipline de recherche s&rsquo;av&eacute;rait tout aussi cruciale au projet. Car rien n&rsquo;&eacute;claire mieux la logique des savoirs enseign&eacute;s ni ne permet mieux de d&eacute;velopper un regard critique sur ceux-ci que la structure m&ecirc;me de la discipline savante.</p> <p style="text-align: justify;">Nous nous sommes donc pos&eacute; frontalement les questions&nbsp;: qu&rsquo;est-ce que la biologie, la chimie, la physique&nbsp;? Auxquelles les premi&egrave;res r&eacute;ponses ont souvent &eacute;t&eacute; relativement sommaires&nbsp;: la biologie est la science du vivant&nbsp;; la chimie est la science de la mati&egrave;re et de ses transformations&nbsp;; la physique est la science de la nature.</p> <p style="text-align: justify;">Toutefois, ces premi&egrave;res d&eacute;finitions sch&eacute;matiques pointent bien la complexit&eacute; des identit&eacute;s de ces trois disciplines. Par exemple, puisque le vivant est fait de mati&egrave;re et qu&rsquo;il fait aussi partie de la nature, si l&rsquo;on souhaite d&eacute;limiter les domaines de la biologie, de la chimie et de la physique, il faut n&eacute;cessairement approfondir ces r&eacute;ponses&nbsp;et se demander : quelles sont les caract&eacute;ristiques du vivant&nbsp;? De l&rsquo;ordre biologique&nbsp;? Qu&rsquo;est ce qui d&eacute;finit la mati&egrave;re vivante&nbsp;? Qu&rsquo;est-ce qui la diff&eacute;rencie de la mati&egrave;re &eacute;tudi&eacute;e par la chimie&nbsp;? Ou au contraire, quel est le lien qui existe entre la mati&egrave;re &eacute;tudi&eacute;e par les biologistes et la mati&egrave;re &eacute;tudi&eacute;e par les chimistes&nbsp;? Et de la m&ecirc;me mani&egrave;re, quelles sont les sp&eacute;cificit&eacute;s de la mati&egrave;re qui font que la chimie n&rsquo;est pas une partie de la physique&nbsp;? Et quelle est cette mani&egrave;re tr&egrave;s particuli&egrave;re qu&rsquo;a la physique de s&rsquo;interroger sur la nature et qui fait qu&rsquo;elle n&rsquo;inclut ni les Objets de la biologie, ni ceux de la chimie, ni des autres disciplines se rapportant elles aussi &agrave; la nature. En d&rsquo;autres termes, qu&rsquo;est-ce qui fait malgr&eacute; tout la sp&eacute;cificit&eacute; de ces disciplines relativement aux champs qu&rsquo;elles &eacute;tudient, en particulier l&agrave; o&ugrave; ces champs se superposent&nbsp;? Les premi&egrave;res r&eacute;ponses aux questions pr&eacute;c&eacute;dentes, ont permis d&rsquo;esquisser deux types de sous-domaines pour chaque discipline&nbsp;: l&rsquo;un qui lui est propre, et qui pourrait nous aider &agrave; comprendre l&rsquo;identit&eacute; de la discipline&nbsp;; le second qui est commun &agrave; plusieurs disciplines, comme ici la biologie et la chimie, et qui nous permettrait d&rsquo;envisager un cadre pertinent pour des approches interdisciplinaires qui seront d&rsquo;autant plus f&eacute;condes qu&rsquo;elles reconna&icirc;tront et mettront en relief les sp&eacute;cificit&eacute;s disciplinaires des Objets pr&eacute;sents sur ce sous-domaine.</p> <p style="text-align: justify;">Nous poursuivons actuellement notre r&eacute;flexion &agrave; ce sujet, tout en ayant conscience que pour la plupart d&rsquo;entre nous, il est difficile d&rsquo;apporter une r&eacute;ponse &agrave; une question aussi abstraite&nbsp;que &laquo;&nbsp;<em>Qu&rsquo;est-ce que ma discipline&nbsp;?&nbsp;</em>&raquo; et qu&rsquo;il nous est souvent plus ais&eacute; de d&eacute;finir notre discipline &agrave; partir de notre pratique en enseignement et en recherche. Voil&agrave; pourquoi, en compl&eacute;ment de cette premi&egrave;re question, nous avons choisi d&rsquo;aborder au sein de ces ateliers la question p&eacute;dagogique en proposant &agrave; chaque enseignant d&rsquo;&eacute;noncer un programme ambitieux pour sa discipline puis d&rsquo;identifier au sein de celui-ci les pans th&eacute;oriques essentiels &agrave; l&rsquo;enseignement et &agrave; la compr&eacute;hension de la discipline et de pointer les aspects accessoires de nos disciplines. Ce travail que nous avions d&eacute;j&agrave; r&eacute;alis&eacute; pour certaines disciplines avant l&rsquo;ouverture de la licence nous avait permis justement de compresser autant de contenus en trois ans et n&eacute;anmoins de sp&eacute;cialiser avec succ&egrave;s des &eacute;tudiants dans des disciplines telles que la physique, les math&eacute;matiques, les neurosciences, l&rsquo;&eacute;cologie ou la sociologie. Mais avec dix ans de recul, ce retour sur les fondamentaux disciplinaires nous a permis de r&eacute;aliser que certaines des sp&eacute;cialisations qu&rsquo;aujourd&rsquo;hui nous proposions (telles que la biologie cellulaire, la philosophie ou l&rsquo;histoire) &eacute;taient absolument irr&eacute;alistes, par manque d&rsquo;un nombre consid&eacute;rable de leurs fondamentaux dans notre cursus. Ainsi, dans la prochaine version de la formation nous nous refuserons &agrave; ouvrir des sp&eacute;cialisations sur des disciplines pour lesquelles nous ne proposons pas suffisamment de bases. Et nous esp&eacute;rons que les approches interdisciplinaires dans le secondaire sauront pr&eacute;server la place pour ces fondamentaux n&eacute;cessaires &agrave; l&rsquo;appr&eacute;hension des contenus, techniques et probl&eacute;matiques disciplinaires.</p> <p style="text-align: justify;">Parall&egrave;lement, nous proposons au sein de ces ateliers de mener une r&eacute;flexion &eacute;pist&eacute;mologique sur nos disciplines selon deux approches compl&eacute;mentaires. Nous tentons premi&egrave;rement de r&eacute;pondre aux questions&nbsp;: Quels sont les postulats fondamentaux de ma discipline&nbsp;? Et quelles sont les m&eacute;thodes d&rsquo;analyse d&eacute;velopp&eacute;es au sein de ma discipline, &agrave; savoir quelles proc&eacute;dures met-elle en &oelig;uvre pour valider, corroborer ou d&eacute;velopper ses th&eacute;ories et ses pratiques&nbsp;? A travers ce questionnement, nous identifions peu &agrave; peu des postulats et des m&eacute;thodes propres &agrave; certaines disciplines exclusivement, et d&rsquo;autres qui sont partag&eacute;s par plusieurs d&rsquo;entre elles. &nbsp;Si la proc&eacute;dure de probl&eacute;matisation par exemple, semble un point de m&eacute;thode commun &agrave; l&rsquo;ensemble des disciplines, la proc&eacute;dure consistant &agrave; administrer la preuve en confrontant des mod&egrave;les &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rience n&rsquo;est pas n&eacute;cessairement partag&eacute;e par toutes. Si par ailleurs on a du mal &agrave; imaginer une discipline acad&eacute;mique renon&ccedil;ant aux postulats profonds que &laquo;&nbsp;les m&ecirc;mes causes produisent les m&ecirc;mes effets&nbsp;&raquo; et que &laquo;&nbsp;la cause pr&eacute;c&egrave;de l&rsquo;effet&nbsp;&raquo; (causalit&eacute;), le postulat d&rsquo;existence de &laquo;&nbsp;faits sociaux&nbsp;&raquo; est fondateur de la sociologie seule, et seule la chimie repose par essence sur le postulat d&rsquo;un nombre fini d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments constituant la mati&egrave;re. Dans les formations disciplinaires classiques, m&ecirc;me si ces postulats et ces m&eacute;thodes ne sont souvent pas formul&eacute;s explicitement, ils finissent par infuser &agrave; force de r&eacute;p&eacute;tition et &agrave; &ecirc;tre plus ou moins consciemment int&eacute;gr&eacute;s par les &eacute;tudiants qui r&eacute;ussissent<a href="#_ftn5" id="_ftnref5" name="_ftnref5">[5]</a> et qui les transmettront &agrave; leur tour. Mais dans une formation interdisciplinaire le temps de la r&eacute;p&eacute;tition n&rsquo;est jamais suffisant et surtout, les postulats et les m&eacute;thodes varient d&rsquo;une prise de parole &agrave; la suivante. Ainsi, il sera plus que partout ailleurs n&eacute;cessaire que chaque intervenant fasse l&rsquo;effort de pr&eacute;senter les siens aux &eacute;tudiants pour leur permettre de comprendre les choix de probl&egrave;mes et de solutions qui seront faits dans le cours. D&rsquo;autant que nous avons l&rsquo;intime intuition qu&rsquo;un travail de comparaison des postulats et des m&eacute;thodes disciplinaires, et d&rsquo;analyse de leur r&eacute;currence ou de leur absence dans d&rsquo;autres disciplines pourrait permettre &agrave; terme d&rsquo;&eacute;tablir des liens interdisciplinaires allant au-del&agrave; des simples objets et th&eacute;matiques, fond&eacute;s soit sur une communaut&eacute; de points de vue et de m&eacute;thodes, soit au contraire sur une hybridation de ceux-ci.</p> <p style="text-align: justify;">Deuxi&egrave;mement, notre travail revient sur l&rsquo;histoire de nos disciplines afin de mettre en &eacute;vidence certaines des phases absolument cl&eacute;s de leur d&eacute;veloppement. Dans ce cadre, nous nous effor&ccedil;ons de montrer comment un savoir &eacute;merge et comment il se transforme pour aboutir &agrave; la construction d&rsquo;une nouvelle connaissance. De l&agrave; nous esp&eacute;rons donner un sens &agrave; ce savoir, permettant &agrave; l&rsquo;&eacute;tudiant de contourner l&rsquo;obstacle &eacute;pist&eacute;mologique qu&rsquo;il repr&eacute;sente (Bachelard, 1938) et &agrave; identifier les principaux paliers &eacute;pist&eacute;mologiques qui ont fond&eacute; la discipline (Barlet, 1999). Par exemple, dans le cadre de l&rsquo;histoire de la chimie, nous nous efforcerons de comprendre quelles furent les questions pr&eacute;cises auxquelles fut confront&eacute; Lavoisier &agrave; la fin du XVIII<sup>&egrave;me</sup> si&egrave;cle &agrave; propos de la mati&egrave;re, quelles &eacute;taient les r&eacute;ponses apport&eacute;es jusque-l&agrave; &agrave; cette question et quelles approches nouvelles il proposa &agrave; son tour. Car ce sont ses propositions qui fondent en bonne partie la chimie moderne, et que du contraste avec des propositions alternatives (ici la th&eacute;orie du phlogistique) &eacute;mergent d&rsquo;autant plus clairement leurs sp&eacute;cificit&eacute;s (Barlet, 1999).</p> <p style="text-align: justify;">Un premier bilan de ces ateliers a &eacute;t&eacute; expos&eacute; &agrave; l&rsquo;ensemble de l&rsquo;&eacute;quipe p&eacute;dagogique en fin d&rsquo;ann&eacute;e universitaire. Sa conclusion essentielle est que cette premi&egrave;re ann&eacute;e nous aura avant tout permis de mettre en place une m&eacute;thode de travail combinant les propositions que l&rsquo;on vient d&rsquo;exposer et celles &eacute;mergeant des ateliers pr&eacute;sent&eacute;s ci-apr&egrave;s. Si le reste du bilan est encore trop sommaire et sp&eacute;cifique &agrave; la formation pour en faire &eacute;tat ici, on notera que l&rsquo;&eacute;quipe a jug&eacute; l&rsquo;initiative opportune et s&rsquo;est engag&eacute;e &agrave; poursuivre le travail sur l&rsquo;ann&eacute;e &agrave; venir, en l&rsquo;ouvrant en particulier &agrave; d&rsquo;autres disciplines &agrave; travers la cr&eacute;ation d&rsquo;un groupe physique/math&eacute;matiques et d&rsquo;un autre groupe litt&eacute;rature/arts.</p> <h3 style="text-align: justify;"><em>Description de la m&eacute;thode de recherche choisie pour questionner les identit&eacute;s disciplinaires au sein de l&rsquo;IRES </em></h3> <p style="text-align: justify;">La conversion r&eacute;cente de l&rsquo;<em>Institut de Recherche sur l&rsquo;Enseignement des Math&eacute;matiques </em>(IREM) d&rsquo;AMU en <em>Institut de Recherche sur l&rsquo;Enseignement des Sciences</em> (IRES) a &eacute;t&eacute; pour nous l&rsquo;occasion d&rsquo;int&eacute;grer cette belle structure permettant &agrave; des enseignants-chercheurs du sup&eacute;rieur de travailler conjointement avec des professeurs du secondaire sur des questions d&rsquo;enseignement. L&rsquo;ouverture de l&rsquo;Institut &agrave; de nouvelles disciplines qui doivent maintenant y collaborer, aussi bien que le d&eacute;veloppement rapide et parfois angoissant des pratiques interdisciplinaires dans le secondaire nous a sembl&eacute; l&rsquo;occasion de mettre l&rsquo;exp&eacute;rience de la licence <em>Sciences et Humanit&eacute;s</em> au service des coll&egrave;gues, et tout particuli&egrave;rement des professeurs de coll&egrave;ge et lyc&eacute;e. Aussi avons-nous mont&eacute; un groupe compos&eacute; de trois ma&icirc;tres de conf&eacute;rences (en chimie, en physique et en sciences de l&rsquo;&eacute;ducation) et quatre professeurs de lyc&eacute;e (en sciences de la vie et de la Terre, en fran&ccedil;ais et en philosophie) pour r&eacute;fl&eacute;chir &agrave; la question interdisciplinaire, &agrave; nouveau en l&rsquo;orientant autour de la question de l&rsquo;identit&eacute; des disciplines.</p> <p style="text-align: justify;">Ces ateliers s&rsquo;av&egrave;rent &ecirc;tre l&rsquo;occasion de tester une autre approche de la question de l&rsquo;interdisciplinarit&eacute;. L&rsquo;id&eacute;e, emprunt&eacute;e &agrave; Michel Develay (1993) est de proc&eacute;der &agrave; un travail de cat&eacute;gorisation des disciplines. Il pose en effet que l&rsquo;enseignement de toute discipline repose sur cinq cat&eacute;gories d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments fondamentaux &agrave; partir desquelles il sera profitable d&rsquo;&eacute;laborer le dialogue interdisciplinaire. La cat&eacute;gorisation qu&rsquo;il propose (Develay, 1993) est &agrave; peu pr&egrave;s celle que nous avons choisi de retenir dans un premier temps. Elle reconnait dans l&rsquo;enseignement de chaque discipline :</p> <p style="text-align: justify;">1. des outils, qui lui sont propres et dont l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve doit acqu&eacute;rir la ma&icirc;trise (calculatrice en math&eacute;matiques, pH-m&egrave;tre en chimie, livre en litt&eacute;rature&hellip;)&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;">2. des t&acirc;ches ou exercices canoniques auxquels l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve doit &ecirc;tre form&eacute; (dissertation en philosophie, analyse de documents en histoire, travaux pratiques en physique&hellip;)&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;">3. des connaissances d&eacute;claratives. Soit des faits, notions, concepts ou m&ecirc;me des proc&eacute;dures que l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve doit &ecirc;tre capable de conscientiser et de formuler clairement lui-m&ecirc;me &agrave; l&rsquo;issue de l&rsquo;enseignement (dates cl&eacute;s en histoire, auteurs cl&eacute;s en philosophie, la notion d&rsquo;&eacute;l&eacute;ment en chimie, leur nombre et leur organisation p&eacute;riodique&hellip;) et que D&eacute;silets (1997) propose de baptiser plus simplement &laquo;&nbsp;connaissances&nbsp;&raquo;&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;">4. des connaissances proc&eacute;durales. Soit des proc&eacute;dures, m&eacute;thodes et techniques, ou m&ecirc;me des informations que l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve doit savoir mettre en &oelig;uvre presque par automatisme, sans plus avoir &agrave; y r&eacute;fl&eacute;chir, &agrave; l&rsquo;issue du cours (d&eacute;monstration math&eacute;matique, argumentation en philosophie, manipulation de mat&eacute;riels techniques en biologie, lecture de texte en fran&ccedil;ais&hellip;). Concept que D&eacute;silets (1997) propose de d&eacute;sambig&uuml;iser par l&rsquo;utilisation du terme &laquo;&nbsp;habilet&eacute;s&nbsp;&raquo; ;</p> <p style="text-align: justify;">5. une matrice disciplinaire, soit dans ce contexte &laquo;&nbsp;le principe d&rsquo;intelligibilit&eacute; de la discipline&nbsp;&raquo; enseign&eacute;e, ou l&rsquo;ensemble des choix politiques et id&eacute;ologiques, orientant le choix des contenus enseign&eacute;s et la mani&egrave;re de les pr&eacute;senter. Cependant afin d&rsquo;ouvrir le champ de la r&eacute;flexion et d&rsquo;articuler ce travail &agrave; celui men&eacute; dans l&rsquo;autre groupe, nous avons d&eacute;cid&eacute; d&rsquo;int&eacute;grer au concept de &laquo;&nbsp;matrice disciplinaire&nbsp;&raquo; le sens que donnait Kuhn (1983) &agrave; ces m&ecirc;mes termes, c&rsquo;est-&agrave;-dire l&rsquo;ensemble des postulats et m&eacute;thodes guidant la pratique des chercheurs de la discipline.</p> <p style="text-align: justify;">On le pressent, un tel travail critique, &eacute;pist&eacute;mologique et didactique doit permettre &agrave; terme de s&eacute;parer l&rsquo;essentiel de l&rsquo;accessoire dans l&rsquo;enseignement d&rsquo;une discipline, et donc de s&rsquo;assurer qu&rsquo;au sein d&rsquo;un projet d&rsquo;enseignement interdisciplinaire les fondamentaux de chacune resteront enseign&eacute;s &agrave; tous. Mais il doit aussi permettre de rep&eacute;rer des points communs, qui pourront prendre la forme de notions, mais aussi d&rsquo;exercices, de proc&eacute;dures ou de postulats communs &agrave; plusieurs disciplines sur lesquels il est l&eacute;gitime de penser qu&rsquo;un enseignement interdisciplinaire sera pertinent. Comme d&eacute;j&agrave; &eacute;voqu&eacute; plus haut, apr&egrave;s discussion au sein du groupe, il est apparu qu&rsquo;une proc&eacute;dure commune &agrave; toutes les disciplines pr&eacute;sentes et qui gagnerait &agrave; &ecirc;tre travaill&eacute;e en interdisciplinarit&eacute; est celle de la &laquo;&nbsp;probl&eacute;matisation&nbsp;&raquo;. Non seulement parce que c&rsquo;est une proc&eacute;dure fondamentale tr&egrave;s mal ma&icirc;tris&eacute;e par nos &eacute;l&egrave;ves&nbsp;; mais aussi parce que les disciplines sont par d&eacute;finition construites chacune sur une probl&eacute;matisation diff&eacute;rente du monde. Qu&rsquo;un travail commun sur le sujet permettrait donc certainement &agrave; la fois une meilleure ma&icirc;trise de la probl&eacute;matisation et une meilleure appr&eacute;hension des disciplines.</p> <p style="text-align: justify;">Ces cinq cat&eacute;gories propos&eacute;es par Michel Develay ne sont pas n&eacute;cessairement uniques ou exhaustives et ne repr&eacute;sentent pas une fin en soi dans ce projet. Notre travail sur ce chantier commence &agrave; peine. Mais on a d&eacute;j&agrave; pu remarquer qu&rsquo;une r&eacute;flexion initi&eacute;e autour de ces cat&eacute;gories directement ancr&eacute;es dans nos pratiques d&rsquo;enseignement (quels outils manipulons-nous&nbsp;? quels sont les exercices que nous donnons&nbsp;?&hellip;) avait permis de contourner certains blocages observ&eacute;s dans l&rsquo;autre groupe de travail chez des enseignants incommod&eacute;s par l&rsquo;id&eacute;e &nbsp;d&rsquo;aborder de but en blanc des questions telles que &laquo;&nbsp;qu&rsquo;est-ce que ma discipline&nbsp;?&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;quels sont ses postulats fondamentaux&nbsp;?&nbsp;&raquo;, et de faire &eacute;merger du groupe lui-m&ecirc;me - et spontan&eacute;ment - ces questions plus fondamentales. Il semble que par l&rsquo;interm&eacute;diaire anodin d&rsquo;une liste d&rsquo;outils manipul&eacute;s en cours, d&rsquo;exercices canoniques, ou de notions cl&eacute;s &agrave; enseigner, il nous a &eacute;t&eacute; possible assez syst&eacute;matiquement et tr&egrave;s rapidement, en questionnant collectivement la raison profonde de l&rsquo;enseignement de ces outils, exercices et notions, de remonter pr&eacute;cis&eacute;ment vers les m&eacute;thodes cl&eacute;s et les postulats fondateurs des disciplines et sur un d&eacute;but de d&eacute;finition de celles-ci.</p> <p style="text-align: justify;">Chacun de ces ateliers a donc pris la forme d&rsquo;une pr&eacute;sentation du travail de cat&eacute;gorisation r&eacute;alis&eacute; par un seul enseignant sur sa propre discipline. Ce qui a permis de r&eacute;v&eacute;ler d&rsquo;embl&eacute;e la pr&eacute;sence ou l&rsquo;absence des m&eacute;thodes et des postulats &eacute;mergeant de l&rsquo;analyse d&rsquo;une discipline dans les autres disciplines pr&eacute;sentes autour de la table, amor&ccedil;ant ainsi le travail d&rsquo;analyse qu&rsquo;elles devraient faire &agrave; leur tour. Comparativement &agrave; l&rsquo;autre groupe, o&ugrave; &eacute;taient r&eacute;unis uniquement des sp&eacute;cialistes d&rsquo;une ou deux disciplines autour de la table, nous avons &eacute;videmment perdu en pr&eacute;cision et exhaustivit&eacute; des contenus. Toutefois, nous soulignons &agrave; nouveau ici que le but de ces ateliers n&rsquo;est pas tant d&rsquo;aboutir &agrave; une d&eacute;finition compl&egrave;te et d&eacute;finitive des disciplines, que de permettre &agrave; chacun de ses participants, au terme d&rsquo;un &eacute;change collectif, de prendre conscience de quelques-uns des fondamentaux inconscients, oubli&eacute;s ou trop &eacute;vidents de celle-ci, puis d&rsquo;imaginer le moyen de les r&eacute;investir dans son enseignement disciplinaire ou interdisciplinaire. Le second format d&rsquo;ateliers a par ailleurs naturellement g&eacute;n&eacute;r&eacute;, du fait de la diversit&eacute; de disciplines et de cadres d&rsquo;enseignement repr&eacute;sent&eacute;s, beaucoup plus de malentendus que le premier o&ugrave; les codes &eacute;taient plus uniform&eacute;ment partag&eacute;s. Mais la parole des participants y a sembl&eacute; plus libre, comme affranchie du poids d&rsquo;avoir &agrave; s&rsquo;exprimer sous l&rsquo;autorit&eacute; d&rsquo;un coll&egrave;gue de la m&ecirc;me discipline. Ce contexte tr&egrave;s mixte ayant m&ecirc;me favoris&eacute; l&rsquo;&eacute;change et la cr&eacute;ativit&eacute; en &eacute;vitant les querelles de chapelle et en affinant rapidement la d&eacute;finition des disciplines par contraste avec leurs voisines. Gageons donc que ces deux strat&eacute;gies s&rsquo;av&eacute;reront compl&eacute;mentaires si elles sont convenablement articul&eacute;es.</p> <h2 style="text-align: justify;">Conclusion</h2> <p style="text-align: justify;">Ainsi, apr&egrave;s dix ans d&rsquo;&eacute;changes entre enseignants et &eacute;tudiants de la licence <em>Sciences et Humanit&eacute;s</em>, et dans une p&eacute;riode historique o&ugrave; le choix politique fort que nous avions fait de l&rsquo;interdisciplinarit&eacute; semble &ecirc;tre devenu un effet de mode au service d&rsquo;une politique de l&rsquo;enseignement et de la recherche, nous amor&ccedil;ons un bilan des r&eacute;ussites et des &eacute;checs du pari que nous avons tent&eacute;. Le d&eacute;veloppement d&rsquo;un collectif fort et soud&eacute; d&rsquo;enseignants et d&rsquo;&eacute;tudiants d&eacute;fendant les valeurs fondamentales d&rsquo;une universit&eacute; ind&eacute;pendante&nbsp;; la mise en place de contenus d&rsquo;enseignement riches et nouveaux m&ecirc;lant de mani&egrave;re coh&eacute;rente les disciplines&nbsp;; le taux de r&eacute;ussite spectaculaire des &eacute;tudiants dans la formation, mais aussi dans leur poursuite d&rsquo;&eacute;tudes dans des masters et th&egrave;ses disciplinaires&nbsp;; enfin l&rsquo;aptitude de certains d&rsquo;entre eux &agrave; imaginer puis &agrave; explorer des sujets de master ou de th&egrave;ses interdisciplinaires intelligents, nous confortent dans la pertinence du mod&egrave;le. Nous constatons cependant l&rsquo;&eacute;chec de plusieurs de nos tentatives de d&eacute;velopper des contenus th&eacute;matiques organiques&nbsp;; d&rsquo;importantes lacunes des &eacute;tudiants sur des fondamentaux disciplinaires&nbsp;; un m&eacute;lange des discours menant parfois les &eacute;tudiants &agrave; des conclusions ou &agrave; des raccourcis confus&nbsp;; enfin la conviction chez beaucoup d&rsquo;entre eux que seul ce qui est interdisciplinaire et tout ce qui est interdisciplinaire est pertinent.</p> <p style="text-align: justify;">Nous avons donc entam&eacute; un travail de r&eacute;flexion &eacute;pist&eacute;mologique et didactique au sein d&rsquo;ateliers avant tout disciplinaires, afin de faire &eacute;merger clairement les territoires, postulats, m&eacute;thodes et contenus fondamentaux des disciplines. Travail que nous souhaitons suffisamment g&eacute;n&eacute;ral pour pouvoir &ecirc;tre extrapol&eacute; &agrave; d&rsquo;autres lieux d&rsquo;enseignement interdisciplinaire &agrave; l&rsquo;universit&eacute; ou dans le secondaire.</p> <p style="text-align: justify;">Sur le fond, il nous a permis de faire &eacute;merger une structure g&eacute;n&eacute;rale du fonctionnement des disciplines, ou de leurs courants disciplinaires. Cette structure (Figure 1) envisage les disciplines dans leur mani&egrave;re de transformer en <em>Objets</em> disciplinaires (faits, d&eacute;finitions, concepts, principes, th&eacute;or&egrave;mes, syst&egrave;mes) les <em>Choses</em> du Monde qui nous entoure (incluant tout autant les &ecirc;tres et les ph&eacute;nom&egrave;nes que les productions humaines, et donc les Objets disciplinaires eux-m&ecirc;mes). Ces disciplines<a href="#_ftn6" id="_ftnref6" name="_ftnref6">[6]</a> y sont d&eacute;crites comme fond&eacute;es sur une s&eacute;rie de <em>Postulats</em><a href="#_ftn7" id="_ftnref7" name="_ftnref7">[7]</a> qui orientent le regard qu&rsquo;elles portent sur les Choses, et y font &eacute;merger une s&eacute;rie de questions et <em>Probl&egrave;mes</em> particuliers. L&rsquo;exploration de ces Probl&egrave;mes &agrave; l&rsquo;aide de la s&eacute;rie de <em>M&eacute;thodes</em> que la Discipline reconnait comme susceptibles de faire &eacute;merger de la connaissance<a href="#_ftn8" id="_ftnref8" name="_ftnref8">[8]</a>, produit alors une s&eacute;rie d&rsquo;Objets disciplinaires qui formeront ce que l&rsquo;on appelle commun&eacute;ment les contenus disciplinaires et qui s&rsquo;int&egrave;grent <em>de facto</em> &agrave; l&rsquo;ensemble des Choses. Mais surtout, la confrontation syst&eacute;matique de ces Objets et de leurs articulations aux Probl&egrave;mes, parfois aux M&eacute;thodes et plus rarement encore aux Postulats de la Discipline, participe &agrave; son &eacute;volution.</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;<img alt="" src="https://www.numerev.com/img/ck_338_8_Schéma.jpg" /></p> <p style="text-align: justify;">Figure 1. Processus de transformation des Choses en Objets disciplinaires par les disciplines. Toute discipline, ou courant disciplinaire, repose sur une s&eacute;rie de Postulats qui structurent une prise de position par rapport aux Choses et en font &eacute;merger une s&eacute;rie de Probl&egrave;mes. Ces Probl&egrave;mes, analys&eacute;s par une s&eacute;rie de M&eacute;thodes &agrave; nouveau propres aux disciplines permettent d&rsquo;arriver &agrave; une s&eacute;rie de r&eacute;sultats cl&eacute;s, mat&eacute;rialis&eacute;s sous la forme d&rsquo;Objets disciplinaires qui formeront le contenu de la discipline. La confrontation de ces Objets aux M&eacute;thodes qui les ont fa&ccedil;onn&eacute;s, aux Probl&egrave;mes qu&rsquo;ils devaient r&eacute;soudre, parfois m&ecirc;me aux Postulats &agrave; l&rsquo;origine de ces Probl&egrave;mes, participant &agrave; l&rsquo;&eacute;volution de la discipline. Et l&rsquo;apparition d&rsquo;Objets nouveaux enrichissant l&rsquo;ensemble des Choses.</p> <p style="text-align: justify;">Cette structure fait &eacute;merger une th&eacute;orie na&iuml;ve<a href="#_ftn9" id="_ftnref9" name="_ftnref9">[9]</a> de la connaissance menant tout du moins &agrave; une meilleure appr&eacute;hension des disciplines. La liste des Postulats et des M&eacute;thodes disciplinaires fournissant en effet les crit&egrave;res permettant de discerner leurs contenus fondamentaux des plus accessoires ou anecdotiques et donc d&rsquo;assainir leur enseignement. Mais cette grille de lecture commune pourra aussi servir de support au dialogue interdisciplinaire. Notamment en faisant &eacute;merger pour chaque cat&eacute;gorie les sp&eacute;cificit&eacute;s disciplinaires comme les recouvrements complets ou partiels&nbsp;; en r&eacute;v&eacute;lant les amalgames &agrave; &eacute;viter&nbsp;; et en inspirant de nouvelles pratiques interdisciplinaires par proximit&eacute; ou hybridation de Postulats, Probl&egrave;mes, M&eacute;thodes ou Objets. Enfin, elle fera on l&rsquo;esp&egrave;re office de boussole permettant aux &eacute;tudiants de s&rsquo;orienter au sein d&rsquo;un enseignement interdisciplinaire, en leur donnant acc&egrave;s aux Postulats et M&eacute;thodes qui filtrent et orientent le regard pos&eacute; par les disciplines sur le monde et qui fa&ccedil;onnent les Objets dont elles nous parlent. Ici l&rsquo;on r&eacute;alise que c&rsquo;est probablement l&rsquo;une des cons&eacute;quences heureuses de tout exercice interdisciplinaire bien men&eacute; que de conduire &agrave; un gain de scientificit&eacute; et de rigueur des disciplines engag&eacute;es, tout en donnant acc&egrave;s &agrave; des probl&egrave;mes et des m&eacute;thodes qui d&eacute;passent leur cadre strict.</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;application locale de cette m&eacute;thode nous a d&rsquo;ores et d&eacute;j&agrave; permis d&rsquo;identifier des blocs disciplinaires fondamentaux manquant&nbsp;&agrave; la formation de nos &eacute;tudiants ; d&rsquo;&eacute;carter quelques th&eacute;matiques sans pertinence interdisciplinaire&nbsp;; d&rsquo;analyser plus finement les v&eacute;ritables recouvrements techniques et conceptuels entre disciplines, propres &agrave; &ecirc;tre le lieu d&rsquo;enseignements interdisciplinaires indiscutablement coh&eacute;rents&nbsp;; de nous comprendre enfin un peu mieux les uns les autres.</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <h2 style="text-align: justify;">Bibliographie</h2> <p style="text-align: justify;">Bachelard, G. (1938). <em>La formation de l&rsquo;esprit scientifique</em>. Paris : J. Vrin.</p> <p style="text-align: justify;">Bachimont, B. (2019). <em>L&rsquo;interdisciplinarit&eacute; comme pratique disciplinaire&nbsp;: quelques figures &eacute;pist&eacute;mologiques.</em> Communication pr&eacute;sent&eacute;e au colloque international Numerev&nbsp;&laquo; Faire dialoguer les disciplines via l&rsquo;indexation des connaissances : la recherche interdisciplinaire en d&eacute;bats&nbsp;&raquo;<em>. </em>Montpellier, France.</p> <p style="text-align: justify;">Barlet, R. (1999). &laquo; L&rsquo;espace &eacute;pist&eacute;mologique et didactique de la chimie&nbsp;&raquo;. <em>L&rsquo;Actualit&eacute; chimique</em>, n&deg; 223, 23-33</p> <p style="text-align: justify;">Barru&eacute;-Pastor, M. (1992). L&rsquo;interdisciplinarit&eacute; en pratiques. In&nbsp;: Jollivet, M. (dir.), <em>Sciences de la nature, sciences de la soci&eacute;t&eacute;</em>. Paris, CNRS &Eacute;ditions, 457-475.</p> <p style="text-align: justify;">Chevallard, Y. (1985). <em>La transposition didactique - Du savoir savant au savoir enseign&eacute;</em>. Grenoble : La Pens&eacute;e Sauvage &Eacute;ditions.</p> <p style="text-align: justify;">Collectif (2019). Contenu de la Licence Sciences &amp; Humanit&eacute;s. In&nbsp;: Audureau, E. (dir.), <em>Sciences et humanit&eacute;s : d&eacute;cloisonner les savoirs pour reconstruire l&#39;universit&eacute;</em>. Marseille, Presses Universitaires de Provence, coll. Epist&eacute;m&egrave;, 27-48.</p> <p style="text-align: justify;">Conseil sup&eacute;rieur des programmes (2019). <em>Enseignement scientifique, enseignement commun, classe terminale, voie g&eacute;n&eacute;rale. </em><a href="https://cache.media.education.gouv.fr/file/CSP/75/9/Tle_Enseignement_scientifique_Commun_Voie_G_1128759.pdf">https://cache.media.education.gouv.fr/file/CSP/75/9/Tle_Enseignement_scientifique_Commun_Voie_G_1128759.pdf</a></p> <p style="text-align: justify;">Coquid&eacute;, M. (2008). Les disciplines scolaires et leurs enseignements sp&eacute;cialis&eacute;s : distinguer pour pouvoir articuler et travailler ensemble. In&nbsp;: Hasni, A. &amp; Lebeaume, J. (dir.), <em>Interdisciplinarit&eacute; et enseignement scientifique et technologique</em>. Sherbrooke, &Eacute;ditions du CRP, 51-74.</p> <p style="text-align: justify;">Darbellay, F. (2018). L&rsquo;interdisciplinarit&eacute;, les aveugles et l&rsquo;&eacute;l&eacute;phant. <em>Carnet hypotheses du programme de recherche&nbsp;: </em><em>&laquo;&nbsp;Disciplines &agrave; l&rsquo;&eacute;preuve du d&eacute;centrement&nbsp;: repenser les approches, interroger les savoirs&nbsp;&raquo;</em>. <a href="https://decentered.hypotheses.org/1101">https://decentered.hypotheses.org/1101</a></p> <p style="text-align: justify;">D&eacute;silets, M. (1997). &laquo; Connaissances d&eacute;claratives et proc&eacute;durales&nbsp;: des confusions &agrave; dissiper&nbsp;&raquo;<em>. </em><em>Revue des sciences de l&rsquo;&eacute;ducation</em>, vol. 23, n&deg;2, 289-308.</p> <p style="text-align: justify;">Develay, M. (1993). &laquo; Pour une &eacute;pist&eacute;mologie des savoirs scolaire&nbsp;&raquo;. <em>P&eacute;dagogie coll&eacute;giale</em>, vol. 7, n&deg;1, 35-40.</p> <p style="text-align: justify;">Endrizzi, L. (2017). &laquo; L&rsquo;avenir de l&rsquo;universit&eacute; est-il interdisciplinaire ?&nbsp;&raquo;. <em>Dossier de veille de l&rsquo;IF&Eacute;</em>, n&deg; 120, Lyon, ENS de Lyon.</p> <p style="text-align: justify;">Foucault, M. (1966). <em>Les Mots et les choses. Une arch&eacute;ologie des sciences humaines. </em>Paris : Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que des sciences humaines&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Fourez, G., Mathy, P. et Englebert-Lecomte, V. (1993). &laquo; Un mod&egrave;le pour un travail interdisciplinaire&nbsp;&raquo;, <em>Aster</em>, n&deg;17, Mod&egrave;les p&eacute;dagogiques 2, 119-141.</p> <p style="text-align: justify;">Hagel, G. (2019). Gen&egrave;se de la Licence Sciences &amp; Humanit&eacute;s. In&nbsp;: Audureau, E. (dir.), <em>Sciences et humanit&eacute;s : d&eacute;cloisonner les savoirs pour reconstruire l&#39;universit&eacute;</em>. Marseille, Presses Universitaires de Provence, coll. Epist&eacute;m&egrave;, 13-15.</p> <p style="text-align: justify;">Kleinpeter, &Eacute;. (2013). &laquo; Taxinomie critique de l&rsquo;interdisciplinarit&eacute;&nbsp;&raquo;. <em>Herm&egrave;s, La Revue</em>, n&deg;67, 123-129.</p> <p style="text-align: justify;">Kuhn, T. S. (1983). <em>La structure des r&eacute;volutions scientifiques</em>. Paris : Flammarion.</p> <p style="text-align: justify;">Lenoir, Y. (2015). &laquo; Quelle interdisciplinarit&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;cole ?&nbsp;&raquo;, <em>Les Cahiers p&eacute;dagogiques</em>.</p> <p style="text-align: justify;">Morizot, B. &amp; Morizot, O. (2019). Faire des liens mais lesquels&nbsp;? Pour une th&eacute;orie pratique de l&rsquo;analogie. In&nbsp;: Audureau, E. (dir.), <em>Sciences et humanit&eacute;s : d&eacute;cloisonner les savoirs pour reconstruire l&#39;universit&eacute;</em>, Marseille, Presses Universitaires de Provence, coll. Epist&eacute;m&egrave;, 243-265.</p> <p style="text-align: justify;">Morizot, O., Audureau, E. et Briend, J.Y. &amp; al. (2015). &laquo; Introducing the Human Element in chemistry by synthesizing blue pigments and creating cyanotypes in a first-year chemistry course&nbsp;&raquo;. <em>Journal of Chemical Education</em>, vol. 92, n&deg; 1, 74-78.</p> <p style="text-align: justify;">Morizot, O., Ferri S. et Bodea S. &amp; al. (2015). <em>History of Sciences as a recourse to upgrade geometrical optics courses, </em>Proceedings of Science - Frontiers of Fundamental Physics 2014.</p> <p style="text-align: justify;">Numerev, 2019. <em>Faire dialoguer les disciplines via l&rsquo;indexation des connaissances : la recherche interdisciplinaire en d&eacute;bats.</em> Appel &agrave; communication Colloque international NumeRev. <a href="https://numerev.com/appel-no-communication.html">https://numerev.com/appel-no-communication.html</a></p> <p style="text-align: justify;">Thompson Klein, J. (2011). &laquo; Une taxinomie de l&rsquo;interdisciplinarit&eacute;&nbsp;&raquo;<em>.</em> <em>Nouvelles perspectives en sciences sociales</em>, vol. 7, n&deg; 1, 15-48.</p> <p style="text-align: justify;">Vinck, D. (2003). &laquo; L&rsquo;instrumentation du travail interdisciplinaire : cadrage des &eacute;changes et m&eacute;diation par les objets interm&eacute;diaires&nbsp;&raquo;. <em>Esprit critique</em>, vol. 5, n&deg;1, dossier th&eacute;matique &laquo; La condition interdisciplinaire du travail &raquo;.<a href="http://www.espritcritique.org/0501/esp0501article05.html"> </a><a href="http://www.espritcritique.org/0501/esp0501article05.html">http://www.espritcritique.org/0501/esp0501article05.html</a></p> <hr /> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref1" id="_ftn1" name="_ftn1">[1]</a> A notre connaissance, ce mod&egrave;le de formation interdisciplinaire, aussi exigeant dans le domaine des sciences que dans celui des humanit&eacute;s, est unique en France. Nous pouvons cependant le rapprocher de la licence <em>Culture humaniste et scientifique</em> de l&rsquo;Universit&eacute; Bordeaux Montaigne, ouverte ind&eacute;pendamment en 2011, mais reposant sur des principes communs. Cependant l&rsquo;objectif de cette formation est plus directement cibl&eacute; sur la formation aux m&eacute;tiers de la diffusion des connaissances, l&rsquo;enseignement y est essentiellement multidisciplinaire bien qu&rsquo;aussi organis&eacute; par th&eacute;matiques synth&eacute;tis&eacute;es dans des s&eacute;minaires interdisciplinaires semestriels, et les sciences sont d&eacute;velopp&eacute;es d&rsquo;un point de vue plus &eacute;pist&eacute;mologique et historique que pratique. L&rsquo;enseignement artistique y est n&eacute;anmoins beaucoup plus d&eacute;velopp&eacute;. Par ailleurs, si l&rsquo;on pourrait &ecirc;tre tent&eacute; de rapprocher la formation <em>Sciences et Humanit&eacute;s</em> des doubles licences de Sorbonne Universit&eacute; (Sciences et Philosophie par exemple), il est important de comprendre que les doubles licences offrent une formation exclusivement multidisciplinaire proposant &agrave; chaque semestre d&rsquo;une part des enseignements scientifiques, d&rsquo;autre part des enseignements philosophiques, sans aucun lien entre ces deux domaines. Or l&rsquo;objectif de cet article est justement de mettre en &eacute;vidence une approche p&eacute;dagogique interdisciplinaire qui met en dialogue&nbsp;les sciences et les humanit&eacute;s autour de diff&eacute;rents th&egrave;mes qui permettent de m&ecirc;ler des contenus et des m&eacute;thodes disciplinaires.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref2" id="_ftn2" name="_ftn2">[2]</a> Nous citerons, par ordre d&eacute;croissant du nombre d&rsquo;heures qui y sont consacr&eacute;es la philosophie-histoire des sciences, la physique, la biologie, la sociologie, la litt&eacute;rature, les math&eacute;matiques, l&rsquo;anglais, l&rsquo;histoire, l&rsquo;art, la linguistique, l&rsquo;anthropologie, l&rsquo;informatique, la chimie, la psychologie, l&rsquo;&eacute;conomie, l&rsquo;urbanisme et la g&eacute;ographie. La possibilit&eacute; d&rsquo;une sp&eacute;cialisation dans l&rsquo;une des onze premi&egrave;res disciplines de cette liste (&agrave; l&rsquo;exception de l&rsquo;anglais et de l&rsquo;art) &eacute;tant offerte aux &eacute;tudiants en troisi&egrave;me ann&eacute;e.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref3" id="_ftn3" name="_ftn3">[3]</a> Un effet collat&eacute;ral positif de ce long effort d&rsquo;intercompr&eacute;hension est qu&rsquo;ainsi nous nous assurions aussi que la formation pourrait &ecirc;tre ouverte &agrave; tous les profils d&rsquo;&eacute;tudiants. Si les coll&egrave;gues chimistes, biologistes ou physiciens avaient travaill&eacute; leur enseignement de mani&egrave;re &agrave; le rendre audible aux enseignants philosophes, sociologues et artistes - et s&rsquo;ils avaient int&eacute;gr&eacute; leurs objections et interrogations - alors il devenait probable que ceux-ci ne seraient pas accessibles uniquement &agrave; des profils d&rsquo;&eacute;tudiants exclusivement scientifiques, au d&eacute;triment de ceux issus de fili&egrave;res litt&eacute;raires. Et r&eacute;ciproquement.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref4" id="_ftn4" name="_ftn4">[4]</a> Le champ de l&rsquo;homonymie du mot &laquo;&nbsp;discipline&nbsp;&raquo; retenu ici exclut le sens d&rsquo;&laquo;&nbsp;asc&egrave;se&nbsp;&raquo; ou de &laquo;&nbsp;direction morale&nbsp;&raquo;, qui n&rsquo;est pas absolument absent de l&rsquo;enseignement ou de la recherche disciplinaire, mais dont il est assez facile de voir qu&rsquo;il n&rsquo;est pas le sujet la question. Cependant l&rsquo;homonymie du mot &laquo;&nbsp;discipline&nbsp;&raquo; s&rsquo;&eacute;largira dans la partie suivante, puisqu&rsquo;en d&eacute;pla&ccedil;ant le focus vers l&rsquo;enseignement dans le secondaire, le mot discipline int&eacute;grera un corpus d&rsquo;enseignement diff&eacute;rent, bas&eacute; en particulier sur des objectifs qui ne sont pas n&eacute;cessairement ceux de l&rsquo;enseignement disciplinaire universitaire (Coquid&eacute;, 2008). Il s&rsquo;agira donc d&rsquo;&ecirc;tre vigilant &agrave; ces subtiles distinctions dans les travaux r&eacute;unissant acteurs du secondaire et du sup&eacute;rieur.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref5" id="_ftn5" name="_ftn5">[5]</a> L&rsquo;assimilation de ces postulats et m&eacute;thodes implicites &eacute;tant d&rsquo;ailleurs la condition m&ecirc;me de la r&eacute;ussite.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref6" id="_ftn6" name="_ftn6">[6]</a> Ou tout au moins leurs courants disciplinaires, ou &eacute;coles sp&eacute;cifiques.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref7" id="_ftn7" name="_ftn7">[7]</a> Par exemple&nbsp;: &laquo;&nbsp;le livre de la Nature est &eacute;crit en langage math&eacute;matique&nbsp;&raquo; pour la physique, ou &laquo;&nbsp;la mati&egrave;re est compos&eacute;e d&rsquo;un nombre fini d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments&nbsp;&raquo; pour la chimie.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref8" id="_ftn8" name="_ftn8">[8]</a>La production de syst&egrave;mes suppos&eacute;s isol&eacute;s et repr&eacute;sentatifs comme supports de l&rsquo;exp&eacute;rimentation pour la physique&nbsp;&raquo;, ou &laquo;&nbsp;la probl&eacute;matisation d&rsquo;un terrain sur lequel mener un travail d&rsquo;enqu&ecirc;te norm&eacute;&nbsp;&raquo; pour une partie des sciences sociales.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref9" id="_ftn9" name="_ftn9">[9]</a> Au moins au sens o&ugrave; elle est trop g&eacute;n&eacute;rale pour &ecirc;tre strictement correcte et o&ugrave; elle n&rsquo;int&egrave;gre pr&eacute;cis&eacute;ment pas les &eacute;volutions disciplinaires provoqu&eacute;es par des influences ext&eacute;rieures &agrave; la discipline.</p> <div style="clear: both; float: none; display: block; visibility: hidden; width: 0px; font-size: 0px; line-height: 0;">&nbsp;</div> <p>&nbsp;</p>