<h3>Introduction</h3> <p>En France, le march&eacute; des services de vid&eacute;o &agrave; la demande payant (VOD, comprenant la TVOD et la SVOD) a atteint en 2021 un chiffre d&rsquo;affaires estim&eacute; &agrave; 1.746,6 millions d&rsquo;euros (CNC, 2022). Ces derni&egrave;res ann&eacute;es, ce march&eacute; n&rsquo;a cess&eacute; de cro&icirc;tre avec 11,9% suppl&eacute;mentaire de 2020 &agrave; 2021 (<em>ibid</em>.). Parmi l&rsquo;ensemble des mod&egrave;les de VOD payante (TVOD, SVOD, AVOD), la SVOD&nbsp;&ndash; impuls&eacute;e en France par l&rsquo;arriv&eacute;e de Netflix en 2014 &ndash; a progressivement gagn&eacute; du terrain jusqu&rsquo;&agrave; dominer le march&eacute; depuis 2017 pour atteindre, en 2021, 8 millions d&rsquo;utilisateurs quotidiens (<em>ibid</em>.). Un recensement effectu&eacute; en 2019 par le CSA-CNC estimait que 65 services &eacute;taient actifs sur l&rsquo;ann&eacute;e 2017, qualifiant l&rsquo;offre &laquo;&nbsp;d&rsquo;abondante et h&eacute;t&eacute;rog&egrave;ne&nbsp;&raquo; (CNC et CSA, 2019, p. 17). Les 10 services les plus pl&eacute;biscit&eacute;s en France (selon le pourcentage de consommateurs) rassemblent en majorit&eacute; des firmes am&eacute;ricaines (les trois premi&egrave;res sont Netflix, Amazon Prime Vid&eacute;o et Disney+, et plus loin Google Play ou AppleTV+) mais aussi des firmes nationales issues des industries culturelles (Canal VOD) et de la communication (Orange, SFR). Le reste du classement se compose d&rsquo;une myriade de &laquo;&nbsp;petits&nbsp;&raquo; acteurs nationaux (Benshi, T&euml;nk) et/ou internationaux (MUBI, etc.).</p> <p>Ces derniers attirent plus particuli&egrave;rement notre attention pour leur diversit&eacute; mais aussi leurs particularit&eacute;s communes&nbsp;: l&rsquo;ind&eacute;pendance (ils ne d&eacute;pendent pas d&rsquo;un grand groupe industriel), l&rsquo;&eacute;ditorialisation forte du site (une s&eacute;lection &laquo;&nbsp;qualitative&nbsp;&raquo; de contenus associ&eacute;e &agrave; des processus de recommandation &laquo;&nbsp;humains&nbsp;&raquo;), l&rsquo;inscription du service dans des soci&eacute;t&eacute;s aux structures juridiques vari&eacute;es (associations, soci&eacute;t&eacute; coop&eacute;rative d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t collectif (SCIC), etc.), la mise en place de mod&egrave;les d&rsquo;affaires mixtes reposant souvent et en grande partie sur le recours aux subventions publiques. L&rsquo;objectif de notre proposition est d&rsquo;approfondir, dans la continuit&eacute; des travaux relevant de l&rsquo;&eacute;conomie politique de la communication (Mi&egrave;ge, 2017&nbsp;; M&oelig;glin, 2007), la compr&eacute;hension des modes de fonctionnements socio-&eacute;conomiques et organisationnels de ces services de VOD qui rel&egrave;vent, a priori, du mod&egrave;le des &laquo;&nbsp;plateformes&nbsp;&raquo; et qui s&rsquo;inscrivent plus pr&eacute;cis&eacute;ment dans celui du &laquo;&nbsp;coop&eacute;rativisme&nbsp;&raquo; (Thuillas et Wiart, 2019, p.&nbsp;18)&nbsp;: principe fond&eacute; par des coop&eacute;rations d&rsquo;acteurs culturels depuis le d&eacute;but des ann&eacute;es 2000 et qui, dans le cadre du web &laquo;&nbsp;proposent ainsi de r&eacute;pliquer les technologies existantes en pla&ccedil;ant des principes de solidarit&eacute; au centre des &eacute;changes&nbsp;&raquo; (<em>ibid</em>., 2019, p.&nbsp;18). Il s&rsquo;agit pour notre cas de mettre en lumi&egrave;re certaines caract&eacute;ristiques de leur fonctionnement et de comprendre la mani&egrave;re dont les offres se construisent et se stabilisent dans un contexte concurrentiel parfois difficile &agrave; appr&eacute;hender pour les acteurs en pr&eacute;sence.</p> <p>Nous faisons le constat liminaire que ces services &ndash; pour se d&eacute;velopper et fonctionner &ndash; mettent en place un certain nombre d&rsquo;actions collaboratives avec des acteurs tiers h&eacute;t&eacute;rog&egrave;nes relevant du partenariat strat&eacute;gique ou de t&acirc;ches externalis&eacute;es&nbsp;: recours &agrave; des prestataires techniques pour la gestion du <em>back office</em> ou du stockage de donn&eacute;es, relations avec des m&eacute;dias nationaux pour des op&eacute;rations de partenariats et de communication, relations plurielles avec auteurs et ayants-droits pour la gestion des catalogues&hellip; Cette dimension &laquo;&nbsp;<em>business-to-business</em>&nbsp;&raquo;, qui rel&egrave;ve de strat&eacute;gies somme toute classiques pour tout type d&rsquo;organisation et notamment pour les industries du cin&eacute;ma et de l&rsquo;audiovisuel (Creton, 2020) n&rsquo;est cependant pas d&eacute;nu&eacute;e d&rsquo;originalit&eacute; et de particularit&eacute; lorsqu&rsquo;il s&rsquo;agit des services de vid&eacute;o &agrave; la demande, services aux caract&eacute;ristiques techniques et commerciales bien sp&eacute;cifiques (Le&nbsp;Diberder, 2019). En effet, ils rel&egrave;vent &agrave; la fois de l&rsquo;&eacute;conomie num&eacute;rique (Guibert, Rebillard et Rochelandet, 2016) &ndash; ce qui suppose de commercialiser et g&eacute;rer des biens informationnels num&eacute;riques dans un support en ligne et ce dans un contexte de renouvellement des usages et des modes de consommation &ndash; et de l&rsquo;&eacute;conomie du cin&eacute;ma et de l&rsquo;audiovisuel &ndash; ce qui suppose d&rsquo;interagir avec les acteurs de la fili&egrave;re, notamment pour obtenir des droits de diffusion. Le d&eacute;veloppement de ce type de service impose aux professionnels de savoir mobiliser un &eacute;ventail de comp&eacute;tences, de connaissances, de savoir-faire et de relations que tous ne ma&icirc;trisent pas. En outre, le d&eacute;veloppement d&rsquo;un service de ce type doit r&eacute;pondre &ndash; de fa&ccedil;on plus large &ndash; &agrave; certaines formes &laquo;&nbsp;d&rsquo;injonctions&nbsp;&raquo; au num&eacute;rique qui deviennent d&egrave;s lors insidieusement, les crit&egrave;res d&rsquo;appr&eacute;ciation mobilis&eacute;s par les organes de financement (r&eacute;gionaux, nationaux, internationaux) qui sont indispensables &agrave; leurs mod&egrave;les d&rsquo;affaires. Ces n&eacute;cessit&eacute;s ne sont ainsi pas sans g&eacute;n&eacute;rer quelques tensions chez ces acteurs.</p> <p>Notre objectif est donc de faire ressortir les relations concr&egrave;tes qui se nouent entre acteurs h&eacute;t&eacute;rog&egrave;nes autour de diff&eacute;rentes prestations (techniques, financi&egrave;res, &eacute;ditoriales entre autres) afin de comprendre dans quelle mesure elles participent des modalit&eacute;s de fonctionnement de ces services &agrave; la fois dans l&rsquo;offre de contenus (production, diffusion), dans leur mise en visibilit&eacute; et dans leur financement. En quoi cet ensemble de relations, de prestations, d&rsquo;acteurs, est-il sp&eacute;cifique &agrave; ces services et indispensable pour le fonctionnement &ndash; voire leur p&eacute;rennit&eacute;&nbsp;? Dans quelle mesure ces collaborations renouvellent-elles leur inscription dans leur fili&egrave;re de r&eacute;f&eacute;rence&nbsp;? Dans quelle mesure la &laquo;&nbsp;bonne gestion&nbsp;&raquo; de ces collaborations est-elle garante de la p&eacute;rennit&eacute; du service ou peut-elle au contraire venir fragiliser son activit&eacute;&nbsp;? Quelles formes ont ces collaborations&nbsp;? Quels enjeux pour les acteurs&nbsp;?</p> <p>En outre, si l&rsquo;examen critique de ces relations nous permet de bien comprendre les modalit&eacute;s de fonctionnement et les particularit&eacute;s de la vid&eacute;o &agrave; la demande, elle nous permet aussi de discuter des notions souvent mobilis&eacute;es par les acteurs eux-m&ecirc;mes pour qualifier ces relations&nbsp;: celle &laquo;&nbsp;d&rsquo;&eacute;cosyst&egrave;me&nbsp;&raquo; d&rsquo;une part, syst&eacute;matiquement mobilis&eacute;e par les professionnels pour &eacute;voquer ces espaces d&rsquo;&eacute;changes interacteurs&nbsp;; celle de &laquo;&nbsp;plateforme&nbsp;&raquo; d&rsquo;autre part, utilis&eacute;e de fa&ccedil;on abusivement g&eacute;n&eacute;rique pour qualifier tout type de service de diffusion de contenus en ligne (Bullich, 2019, 2021).</p> <p>Le travail pr&eacute;sent&eacute; s&rsquo;inscrit dans le cadre du projet PARADICC (Plateformes en Auvergne-Rh&ocirc;ne-Alpes de diffusion des contenus culturels) financ&eacute;, depuis 2019, par le dispositif &laquo;&nbsp;Pack Ambition Recherche&nbsp;&raquo; (R&eacute;gion Auvergne-Rh&ocirc;ne-Alpes) et associant les laboratoires GRESEC (Universit&eacute; Grenoble-Alpes), ELICO (Universit&eacute; Lyon&nbsp;2) et MARGE (Universit&eacute; Lyon&nbsp;3). Il s&rsquo;appuie sur l&rsquo;analyse monographique de T&euml;nk, SCIC&nbsp;cr&eacute;&eacute;e en 2016 et bas&eacute;e &agrave; Lussas en Ard&egrave;che. La soci&eacute;t&eacute;, partenaire du projet, pr&eacute;sente une offre SVOD uniquement ax&eacute;e autour du documentaire d&rsquo;auteur et s&rsquo;inscrit dans un &laquo;&nbsp;projet politique&nbsp;&raquo; visant le d&eacute;veloppement de la culture documentaire en France mais aussi &agrave; l&rsquo;international, du fait de la pr&eacute;sence de son service au Qu&eacute;bec (et d&rsquo;une volont&eacute; qu&rsquo;il soit progressivement disponible dans d&rsquo;autres pays via des accords de franchise). La m&eacute;thodologie repose sur une s&eacute;rie d&rsquo;entretiens semi-directifs conduits avec les membres de la soci&eacute;t&eacute; &ndash; individuellement ou sous la forme de focus group &ndash; &agrave; partir de 2019, puis reconduits r&eacute;guli&egrave;rement en 2020, 2021 et 2022. Les entretiens ont port&eacute; sur l&rsquo;identification du positionnement et des strat&eacute;gies de la soci&eacute;t&eacute;, les modalit&eacute;s de fonctionnement, les rapports avec les autres professionnels, les difficult&eacute;s, les enjeux et objectifs &agrave; moyen et long terme. Enfin, cette monographie est, lorsque n&eacute;cessaire, compl&eacute;t&eacute;e par des exemples issus de services de VOD proche de T&euml;nk tels que MUBI, FilmoTV, UniversCin&eacute;, Benshi, LaCinetek, etc. avec lesquels nous avons pu mener, dans le cadre de PARADICC, d&rsquo;autres entretiens.</p> <p>Apr&egrave;s avoir pr&eacute;sent&eacute; le cadre th&eacute;orique et m&eacute;thodologique de cette &eacute;tude, reprenant de fa&ccedil;on critique les notions de &laquo;&nbsp;fili&egrave;re&nbsp;&raquo; et de &laquo;&nbsp;plateforme&nbsp;&raquo;, nous pr&eacute;senterons une analyse de quatre relations strat&eacute;giques que T&euml;nk mobilise avec les acteurs vari&eacute;s dans la mise en place de son service. La conclusion revient sur diff&eacute;rents enjeux de cette recherche, que ce soit sur le plan th&eacute;orique, conceptuel et empirique.</p> <h3>Une approche socio-&eacute;conomique de la SVOD</h3> <h4>L&rsquo;&eacute;tude des caract&eacute;ristiques socio&eacute;conomiques de la SVOD</h4> <p>Certainement en raison du succ&egrave;s commercial de la SVOD d&eacute;crit en introduction et par l&rsquo;extraordinaire mise en visibilit&eacute; m&eacute;diatico-publicitaire d&rsquo;un acteur comme Netflix, les travaux sur la SVOD (et plus largement sur la VOD) se sont particuli&egrave;rement d&eacute;velopp&eacute;s en sciences sociales et notamment en sciences de l&rsquo;information et de la communication (Cailler et Taillibert, 2019&nbsp;; Campion, 2019, Delaporte&nbsp;2019&nbsp;; Dessinges et Perticoz 2019&nbsp;; Guibert et <em>al</em>., 2016&nbsp;; Le Diberder, 2019&nbsp;; Perticoz, 2019&nbsp;; Taillibert, 2020&nbsp;; Thuillas et Wiart, 2019&nbsp;; Wiart 2021). Dans le cadre de cet article et depuis une approche ancr&eacute;e en &eacute;conomie politique de la communication (Mi&egrave;ge, 2017&nbsp;; M&oelig;glin, 2007), nous nous int&eacute;ressons aux modes de fonctionnements socio&eacute;conomiques de la SVOD en proposant une contribution &agrave; l&rsquo;intelligibilit&eacute; des &laquo;&nbsp;mod&egrave;les de plateforme &raquo; (M&oelig;glin, 1998, 2007&nbsp;; Bullich, 2019) et plus pr&eacute;cis&eacute;ment &agrave; celui des &laquo;&nbsp;plateformes mutualis&eacute;es&nbsp;&raquo; (Thuillas et Wiart 2019) auquel r&eacute;pond justement certains services de SVOD, tels T&euml;nk, LaCinetek ou UniversCin&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;les plateformes mutualis&eacute;es sont lanc&eacute;es à l&rsquo;initiative de plusieurs acteurs culturels, qui s&rsquo;entendent pour d&eacute;velopper un projet commun. Les initiatives fonctionnent selon une logique de groupement professionnel, à savoir des personnes ou des structures, parfois pr&eacute;alablement rassembl&eacute;es dans des organismes de repr&eacute;sentation collective (syndicat, association professionnelle), se r&eacute;unissent autour d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;ts partag&eacute;s pour porter une plateforme num&eacute;rique&nbsp;&raquo; (Thuillas et Wiart, 2019, p. 25-26). Dans le cas de la SVOD le mod&egrave;le de &laquo;&nbsp;plateforme mutualis&eacute;e&nbsp;&raquo;, se pare de certaines caract&eacute;ristiques qu&rsquo;il est n&eacute;cessaire de pr&eacute;ciser afin de mieux d&eacute;finir notre objet et notre probl&eacute;matique.</p> <p>Selon Le Diberder, &laquo;&nbsp;la SVOD peut d&rsquo;abord se d&eacute;finir comme le croisement d&rsquo;un mode de financement, l&rsquo;abonnement, et d&rsquo;une technique, le streaming de vid&eacute;o par Internet&nbsp;&raquo; (2019, p.&nbsp;84). Il rappelle, ainsi que nous l&rsquo;avons fait en introduction, combien les services de SVOD en pr&eacute;sence sont pluriels et hybrides&nbsp;: ils r&eacute;sultent chacun d&rsquo;une combinatoire, tr&egrave;s variable, d&rsquo;au moins trois dimensions&nbsp;cl&eacute;s&nbsp;: le type de contenus, le pays d&rsquo;origine et les modalit&eacute;s de diffusion/acc&egrave;s. Le d&eacute;nominateur commun de tous ces acteurs est de devoir d&eacute;velopper leur strat&eacute;gie autour d&rsquo;un ensemble d&rsquo;activit&eacute;s incontournables pour ce type de service&nbsp;: &laquo;&nbsp;chacune doit transcoder, h&eacute;berger et distribuer des fichiers vid&eacute;o, construire un site web et des applications, acqu&eacute;rir des droits audiovisuels, assurer sa promotion et g&eacute;rer le tout&nbsp;&raquo; (Le&nbsp;Diberder, 2019, p.&nbsp;84). Nous consid&eacute;rons ainsi que le &laquo;&nbsp;mod&egrave;le de plateforme&nbsp;&raquo; de la SVOD se construit a minima autour des polarit&eacute;s cl&eacute;s que sont&nbsp;: la gestion de la dimension technique du service (transcodage, stockage, h&eacute;bergement, acheminement, d&eacute;veloppement des interfaces)&nbsp;; la gestion de la dimension promotionnelle (visibilit&eacute; du service, acc&egrave;s aux contenus), la gestion de la dimension &eacute;ditoriale (acc&egrave;s, diffusion, accompagnement des contenus)&nbsp;; la gestion de l&rsquo;organisation en interne (ressources humaine, gouvernance, viviers).</p> <p>Tout au long de la cha&icirc;ne de valorisation des contenus, les acteurs des industries culturelles sont soumis &agrave; la n&eacute;cessaire gestion de l&rsquo;incertitude de la consommation et de la valeur d&rsquo;usage (Mi&egrave;ge, 2017&nbsp;; M&oelig;glin, 2007). Cette particularit&eacute; affecte <em>de facto</em> les acteurs de SVOD en ce qu&rsquo;elle leur impose des conditions dans lesquelles d&eacute;rouler les strat&eacute;gies. La SVOD&nbsp;r&eacute;sulte de la rencontre entre les caract&eacute;ristiques de l&rsquo;&eacute;conomie des industries culturelles et de l&rsquo;&eacute;conomie num&eacute;rique. Dans cette perspective, l&rsquo;incertitude inh&eacute;rente &agrave; la diffusion de contenus culturels se double aussi de la dimension num&eacute;rique de ces derniers qui sont en effet des &laquo;&nbsp;bien informationnels&nbsp;&raquo; (Shapiro et Varian, 1999), soit des &laquo;&nbsp;biens num&eacute;ris&eacute;s ou num&eacute;risables pouvant faire l&rsquo;objet de transaction&nbsp;&raquo; (Guibert, Rebillard et Rochelandet, 2016, p. 26). Les &laquo;&nbsp;propri&eacute;t&eacute;s&nbsp;&raquo; de ces derniers (en tant que biens non-rivaux, bien d&rsquo;exp&eacute;riences ou encore biens &agrave; effets de r&eacute;seaux) rendent ainsi leur valorisation marchande difficile, ce qui a pour cons&eacute;quence d&rsquo;orienter des choix strat&eacute;giques. Enfin, il faut pr&eacute;ciser que la tarification par l&rsquo;abonnement (Tremblay et Lacroix, 1991) qui est souvent au c&oelig;ur du mod&egrave;le d&rsquo;affaires de la SVOD, induit des logiques d&rsquo;incertitude sp&eacute;cifiquement li&eacute;es &agrave; la qu&ecirc;te de nouveaux abonn&eacute;s et &agrave; la fid&eacute;lisation de ceux-ci&nbsp;: &laquo; consid&eacute;rant la grande flexibilit&eacute;́ dans les conditions d&rsquo;abonnement aux plateformes de VàDA (plus encore que pour les &eacute;diteurs de t&eacute;l&eacute;vision payante), l&rsquo;objectif principal pour les plateformes est de limiter le taux de d&eacute;sabonnement (ou &laquo; churn &raquo;) et donc de satisfaire l&rsquo;abonné afin qu&rsquo;il renouvelle son abonnement mensuel ou annuel. La vari&eacute;t&eacute;́ des offres et leur attractivit&eacute;́ sont donc d&eacute;terminantes pour leur mod&egrave;le &eacute;conomique&nbsp;&raquo; (CNC et CSA, 2019, p. 75).</p> <p>Nous consid&eacute;rons ainsi que l&rsquo;organisation des services de SVOD et a fortiori ceux qui r&eacute;pondent au mod&egrave;le de &laquo;&nbsp;plateforme mutualis&eacute;e&nbsp;&raquo; se construit par des strat&eacute;gies articul&eacute;es autour des quatre polarit&eacute;s d&eacute;crites ci-dessus (technique, marketing, contenus et organisation interne), qu&rsquo;elles sont motiv&eacute;es par la n&eacute;cessaire gestion de l&rsquo;incertitude que la commercialisation des biens informationnels <em>via</em> un syst&egrave;me d&rsquo;abonnement induit et qu&rsquo;elles se d&eacute;roulent selon des relations interprofessionnelles sp&eacute;cifiques. C&rsquo;est tout particuli&egrave;rement ce dernier point que nous voudrions &eacute;clairer dans cet article.</p> <h4>L&rsquo;enjeu des relations interprofessionnelles strat&eacute;gique pour la SVOD</h4> <p>Nous pla&ccedil;ons au centre de l&rsquo;analyse les aspects collectifs du fonctionnement socio&eacute;conomique de la SVOD. Ces relations professionnelles peuvent &ecirc;tre plurielles&nbsp;: liens avec des r&eacute;seaux de festival, partenariats m&eacute;diatiques, recours au b&eacute;n&eacute;volat, recours &agrave; des prestataires techniques par exemple.&nbsp;Nous pensons que ces dimensions collectives &ndash; collaboratives mais pas seulement &ndash; sont cruciales pour assurer le d&eacute;veloppement socio-&eacute;conomique d&rsquo;une structure pilotant un service de SVOD et qu&rsquo;elles font pleinement partie de son &laquo;&nbsp;mod&egrave;le d&rsquo;affaires&nbsp;&raquo;<sup><a href="#bas_1" name="body_1">[1]</a></sup>. Pour donner de l&rsquo;intelligibilit&eacute; &agrave; cette dimension collective et en identifier certains des enjeux, plusieurs concepts peuvent &ecirc;tre mobilis&eacute;s.</p> <p>Dans la perspective de l&rsquo;&eacute;conomie politique de la communication qui est la n&ocirc;tre, le concept de &laquo;&nbsp;fili&egrave;re&nbsp;&raquo; est particuli&egrave;rement mobilis&eacute; pour analyser les strat&eacute;gies et les positionnements des acteurs, qu&rsquo;ils soient entrants ou traditionnels, dans le cadre d&rsquo;un&nbsp;: &laquo;&nbsp;ensemble d&rsquo;activit&eacute;s &eacute;conomiques int&eacute;gr&eacute;es par les march&eacute;s, les capitaux et les technologies. C&rsquo;est aussi une modalit&eacute; de d&eacute;coupage du syst&egrave;me productif, permettant de rep&eacute;rer les entreprises qui ont entre elles des relations d&rsquo;achat-vente et d&rsquo;identifier les logiques de coh&eacute;rence autour desquelles s&rsquo;articulent les activit&eacute;s. Dans son acception strat&eacute;gique, la fili&egrave;re est le cheminement qui assure, par une succession organis&eacute;e de partages d&rsquo;exp&eacute;rience et de transferts de ressources, le d&eacute;placement du champ d&rsquo;activit&eacute; de la firme&nbsp;&raquo; (Creton, 2020, p.&nbsp;258). Ce concept permet ainsi de saisir &agrave; quel niveau de la cha&icirc;ne de valeur un service de SVOD intervient. Il ambitionne aussi d&rsquo;identifier les rapports de forces et/ou coop&eacute;ratifs qui peuvent se cr&eacute;er entre les diff&eacute;rents acteurs&nbsp;et les incidences de ces relations sur les contenus&nbsp;: &laquo;&nbsp;l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de repr&eacute;senter un syst&egrave;me productif en fili&egrave;re r&eacute;side dans la mise en &eacute;vidence non seulement d&rsquo;interd&eacute;pendances, mais &eacute;galement de rapports de domination entre les firmes &raquo; (Guibert, Rebillard et Rochelandet, 2016, p.&nbsp;83-84). Les acteurs de la SVOD se positionnent ainsi tout d&rsquo;abord en bout de cha&icirc;ne, celui de l&rsquo;aval, en proposant aux consommateurs finaux des solutions de visionnage &eacute;ditorialis&eacute;es de contenus filmiques et audiovisuels. Ils peuvent aussi se positionner plus en amont, en participant par exemple &agrave; la production (Le&nbsp;Diberder, 2019). Ils peuvent donc &ecirc;tre int&eacute;gr&eacute;s &laquo;&nbsp;verticalement&nbsp;&raquo; &agrave; la fili&egrave;re du cin&eacute;ma et de l&rsquo;audiovisuel.</p> <p>Cette repr&eacute;sentation th&eacute;orique en fili&egrave;re permet-elle d&rsquo;envisager les relations de collaboration professionnelles telles que nous proposons de les identifier&nbsp;? En partie, oui, pour ce qui concerne les relations &laquo;&nbsp;verticales&nbsp;&raquo;&nbsp;: celles par exemple que la SVOD d&eacute;ploie avec les ayants-droits pour acqu&eacute;rir les droits de diffusion de contenus ou les relations qu&rsquo;elles entretiennent avec les diff&eacute;rents producteurs ou r&eacute;alisateurs. Cependant, le concept de &laquo;&nbsp;fili&egrave;re&nbsp;&raquo; ne permet pas d&rsquo;identifier les relations professionnelles plus &laquo;&nbsp;horizontales&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est-&agrave;-dire les formes de collaborations professionnelles h&eacute;t&eacute;rog&egrave;nes qui se situent, a priori, hors de la chaine de valeur des contenus. Il s&rsquo;agit par exemple du recours aux solutions techniques ou aux partenariats promotionnels avec les m&eacute;dias. Ainsi, le concept de &laquo;&nbsp;fili&egrave;re&nbsp;&raquo; demeure op&eacute;rant mais n&eacute;cessite d&rsquo;&ecirc;tre compl&eacute;t&eacute; par un travail d&rsquo;identification des formes de collaborations horizontales entre acteurs h&eacute;t&eacute;rog&egrave;nes, ce qui suppose de centrer l&rsquo;analyse sur un niveau micro-&eacute;conomique &ndash; celui de la soci&eacute;t&eacute; &ndash; et ses articulations m&eacute;so-strat&eacute;gique avec les acteurs de l&rsquo;amont et de l&rsquo;aval (vertical) et ceux qui apparaissent p&eacute;riph&eacute;riques (horizontaux).</p> <p>Le concept &laquo;&nbsp;d&rsquo;&eacute;cosyst&egrave;me&nbsp;&raquo; (ou &laquo; &eacute;cosyst&egrave;me d&rsquo;affaires&nbsp;&raquo;) pourrait s&rsquo;av&eacute;rer pertinent pour r&eacute;gler ce probl&egrave;me et ainsi mod&eacute;liser plus pr&eacute;cis&eacute;ment l&rsquo;&eacute;tendue du r&eacute;seau professionnel des acteurs de la SVOD, aussi bien sur la dimension verticale qu&rsquo;horizontale. Ce concept s&rsquo;appuie sur une analogie, voire une m&eacute;taphore, issu de la biologie&nbsp;: &laquo;&nbsp;forg&eacute; par Tansley en&nbsp;1935&nbsp;pour d&eacute;signer l&rsquo;unit&eacute; &eacute;cologique de base constitu&eacute;e du milieu et des organismes qui y vivent, le terme d&rsquo;&eacute;cosyst&egrave;me a &eacute;t&eacute; repris par Moore (1993) pour d&eacute;signer des syst&egrave;mes d&rsquo;acteurs entretenant des relations de coop&eacute;tition&nbsp;: les &eacute;cosyst&egrave;mes d&rsquo;affaires (ESA)&nbsp;&raquo; (Koenig, 2012, p.&nbsp;210). La notion apparait &eacute;galement en sciences de l&rsquo;information et de la communication dans les travaux sur les industries culturelles&nbsp;: &laquo;&nbsp;dans des environnements socio&eacute;conomiques, un &eacute;cosyst&egrave;me repr&eacute;sente ainsi un ensemble d&rsquo;acteurs h&eacute;t&eacute;rog&egrave;nes mais interd&eacute;pendants dont les interactions cr&eacute;ent conjointement la valeur &eacute;conomique et sociale des biens et de services qui sont produits en m&ecirc;me temps que les conditions d&rsquo;&eacute;volution de cet &eacute;cosyst&egrave;me&nbsp;: repr&eacute;sentations et caract&eacute;ristiques des acteurs, de leurs pratiques, des mod&egrave;les, des modes de coordination, des r&egrave;gles et des institutions, etc.&nbsp;&raquo; (Guibert, Rebillard et Rochelandet, 2016, p.&nbsp;103-104). Pour ces auteurs, le recours &agrave; cette notion serait indispensable pour appr&eacute;hender les strat&eacute;gies des acteurs du num&eacute;rique, allant m&ecirc;me jusqu&rsquo;&agrave; sugg&eacute;rer de remplacer les concepts de &laquo;&nbsp;fili&egrave;re&nbsp;&raquo; et de &laquo;&nbsp;chaine de valeur&nbsp;&raquo;, consid&eacute;r&eacute;s d&eacute;pass&eacute;s&nbsp;: <q>les outils d&rsquo;analyse utilis&eacute;s traditionnellement par les sciences &eacute;conomiques, de gestion, de l&rsquo;information et de la communication, ne permettent plus d&rsquo;appr&eacute;hender pleinement l&rsquo;&eacute;volution contemporaine des activit&eacute;s et des strat&eacute;gies des acteurs du num&eacute;rique. [&hellip;] Les concepts de fili&egrave;res et de chaine de valeur apparaissent moins adapt&eacute;s &agrave; la compr&eacute;hension des transformations majeures actuelles dans les activit&eacute;s culturelles et m&eacute;diatiques</q> (<em>ibid</em>., p. 102-103).</p> <p>Pour autant, ce concept &laquo;&nbsp;d&rsquo;&eacute;cosyst&egrave;me&nbsp;&raquo;, du fait m&ecirc;me de son analogie avec la biologie, semble confus et difficile &agrave; mobiliser (Koenig, 2012). Vincent Bullich propose une critique&nbsp;argument&eacute;e du concept (2019, p. 75). D&rsquo;une part, il consid&egrave;re que cette &laquo;&nbsp;analogie contribue à naturaliser les ph&eacute;nom&egrave;nes &eacute;conomiques, c&rsquo;est-à-dire à les vider de leur substance sociale et politique&nbsp;&raquo; et de consid&eacute;rer sa position ambig&uuml;e, voire &laquo;&nbsp;suspecte&nbsp;&raquo;, sur le plan politique. Il s&rsquo;interroge d&rsquo;autre part sur la port&eacute;e heuristique de ce concept qui reste, selon lui et malgr&eacute; son &laquo;&nbsp;effet stylistique&nbsp;&raquo;, limit&eacute; pour d&eacute;crire finement des ph&eacute;nom&egrave;nes en pr&eacute;sence que la notion de &laquo;&nbsp;fili&egrave;re&nbsp;&raquo;&nbsp;ne permettrait plus de cerner. Il occasionnerait en bref plus de confusion que d&rsquo;intelligibilit&eacute;&nbsp;: <q>si la reconfiguration des fili&egrave;res, la porosit&eacute; in&eacute;dites entre celles-ci et les march&eacute;s aff&eacute;rents, l&rsquo;intrication de secteurs et activit&eacute;s jusque-l&agrave; distincts et sans rapports les uns avec les autres appellent sans doute de nouveaux concepts, de nouvelles circonscriptions analytiques, le terme choisi n&rsquo;est pas des plus heureux, l&rsquo;effet de style semble ici avoir primé sur la consistance du concept</q> (<em>ibid</em>., p. 76).</p> <p>Le concept de &laquo;&nbsp;cha&icirc;ne de co-op&eacute;ration&nbsp;&raquo; propos&eacute; par Bullich (2019) nous apparait en d&eacute;finitive comme le plus pertinent pour notre &eacute;tude dans la mesure o&ugrave; il permet de &laquo;&nbsp;circonscrire un ensemble d&rsquo;activit&eacute;s à partir d&rsquo;une activit&eacute;&nbsp;consid&eacute;r&eacute;e a priori comme&nbsp;&ldquo;cardinale&rdquo; &raquo;&nbsp;(<em>ibid</em>., p. 152), ce qui est pr&eacute;cis&eacute;ment notre objectif dans l&rsquo;analyse du fonctionnement d&rsquo;une plateforme SVOD. &Agrave; partir du concept de &laquo;&nbsp;coop&eacute;ration&nbsp;&raquo; propos&eacute; par Howard Becker (1988), celui de &laquo;&nbsp;co-op&eacute;ration&nbsp;&raquo; propos&eacute; par Bullich vise &agrave; mettre en avant la dimension collective d&rsquo;une activit&eacute; en l&rsquo;envisageant comme la <q>coordination d&rsquo;un ensemble h&eacute;t&eacute;rog&egrave;ne d&rsquo;acteurs (des individus, des collectifs plus ou moins organis&eacute;s) dont les actions sont motiv&eacute;es par des objectifs, des repr&eacute;sentations et des int&eacute;r&ecirc;ts disparates, mais qui ont en commun de contribuer significativement à une activit&eacute; cardinale, en l&rsquo;occurrence au fonctionnement (lato sensu) de la plateforme, ou d&rsquo;entretenir une forme de d&eacute;pendance à celle-ci.</q> (Bullich, 2019, p. 153). Cette approche en termes de &laquo;&nbsp;cha&icirc;ne de co-op&eacute;ration&nbsp;&raquo; est heuristique pour notre analyse de la SVOD, et ce &agrave; double titre&nbsp;: d&rsquo;une part, elle permet&nbsp;&ndash; sans refuser la dynamique de fili&egrave;re &ndash; de caract&eacute;riser plus finement les modalit&eacute;s d&rsquo;actions collectives des diff&eacute;rents acteurs en pr&eacute;sence (en consid&eacute;rant que &laquo;&nbsp;l&rsquo;activit&eacute; cardinale&nbsp;&raquo; est celle de la mise en place du service) et d&rsquo;autre part, elle permet de formuler l&rsquo;hypoth&egrave;se que le d&eacute;roulement des actions ne sont pas sans tensions entre les diff&eacute;rents acteurs. En effet, bien qu&rsquo;ils se constituent en &laquo;&nbsp;communaut&eacute;s d&rsquo;actions&nbsp;&raquo; (<em>ibid</em>.) interd&eacute;pendantes les uns des autres, il n&rsquo;en reste pas moins que leur h&eacute;t&eacute;rog&eacute;n&eacute;it&eacute; peut tout &agrave; fait les renvoyer &agrave; des int&eacute;r&ecirc;ts divergents.</p> <p>Ce sont pr&eacute;cis&eacute;ment ces divergences que nous souhaitons mettre au jour dans la suite de notre proposition. Nous identifierons et analyserons ainsi diff&eacute;rentes modalit&eacute;s d&rsquo;actions collectives mises en &oelig;uvre par T&euml;nk pour construire un service SVOD autour du documentaire d&rsquo;auteur, celui-ci pouvant &ecirc;tre envisag&eacute; en tant qu&rsquo;activit&eacute; cardinale autour de laquelle tourne l&rsquo;ensemble de strat&eacute;gies que cette soci&eacute;t&eacute; tente d&rsquo;initier.</p> <h3>Identification et caract&eacute;risation de quatre niveaux de relations strat&eacute;giques</h3> <p>Dans le cadre du projet PARADICC, notre &eacute;quipe de recherche s&rsquo;est associ&eacute;e &agrave; T&euml;nk afin notamment de l&rsquo;accompagner dans l&rsquo;identification des mutations des march&eacute;s du cin&eacute;ma et de l&rsquo;audiovisuel, et ainsi affiner le positionnement de sa propre offre SVOD, que ce soit vis-&agrave;-vis de la concurrence ou de ses propres abonn&eacute;s. T&euml;nk est une SCIC cr&eacute;&eacute;e en 2016 et bas&eacute;e &agrave; Lussas en Ard&egrave;che. Elle a &eacute;t&eacute; d&eacute;velopp&eacute;e &agrave; l&rsquo;initiative de Jean-Marie Barbe, fondateur des <em>&Eacute;tats g&eacute;n&eacute;raux du film documentaire</em>, un festival qui se d&eacute;roule dans ce m&ecirc;me village et dont la programmation entend encourager l&rsquo;exploration de films documentaires dits de cr&eacute;ation, productions b&eacute;n&eacute;ficiant d&rsquo;une audience de passionn&eacute;s mais relativement confidentielle. T&euml;nk est donc un projet port&eacute; par des acteurs directement impliqu&eacute;s dans la fili&egrave;re, disposant d&rsquo;une connaissance fine de son fonctionnement et de ses r&eacute;seaux, et qui entendaient donc inscrire la cr&eacute;ation de cette offre SVOD dans la continuit&eacute; d&rsquo;un &laquo;&nbsp;projet politique&nbsp;&raquo; visant le d&eacute;veloppement de la culture documentaire en France et dans le monde. La programmation de l&rsquo;offre SVOD d&eacute;velopp&eacute;e par T&euml;nk est ainsi uniquement ax&eacute;e autour de la programmation de films documentaires que nous pouvons qualifier d&rsquo;auteur.</p> <p>C&rsquo;est en nous appuyant sur cette collaboration de recherche avec cet acteur socio-&eacute;conomique bien sp&eacute;cifique &ndash; dont l&rsquo;activit&eacute; &eacute;conomique est sous-tendue par un projet ouvertement militant &ndash; que nous avons engag&eacute; nos recherches et men&eacute; cette &eacute;tude de cas autour de T&euml;nk. Les tendances identifi&eacute;es et les enseignements que nous en avons tir&eacute;s ont, par moment, pu &ecirc;tre compl&eacute;t&eacute;s par les recherches (plus partielles) que nous avons conduites aupr&egrave;s d&rsquo;autres acteurs tels que MUBI, Filmo, UniversCin&eacute;, Benshi ou LaCinetek, autant de terrains qui ont &eacute;t&eacute; investigu&eacute;s dans le cadre de PARADICC, essentiellement <em>via</em> des entretiens semi-directifs. Nous avons d&egrave;s lors pu rep&eacute;rer et analyser les strat&eacute;gies que T&euml;nk tente de mettre en &oelig;uvre pour assurer la viabilit&eacute; &eacute;conomique de son projet. Nous avons ainsi identifi&eacute; les diff&eacute;rentes collaborations activ&eacute;es par cette soci&eacute;t&eacute; afin de constituer / s&rsquo;ins&eacute;rer dans des r&eacute;seaux strat&eacute;giques d&rsquo;acteurs provenant de milieux vari&eacute;s, collaborations pouvant relever de formes de coop&eacute;titions (p. ex.&nbsp;avec les services SVOD susmentionn&eacute;s avec lesquels des collaborations sont envisag&eacute;es pour constituer des offres group&eacute;es, mais qui peuvent se trouver en concurrence avec T&euml;nk au moment de solliciter des aides publiques aupr&egrave;s du CNC ou d&rsquo;Europe Cr&eacute;ative MEDIA).</p> <p>Quatre niveaux de relations strat&eacute;giques seront donc d&eacute;taill&eacute;s dans la suite du pr&eacute;sent article&nbsp;: celles visant la constitution d&rsquo;un catalogue de titres sur le service SVOD&nbsp;; celles portant sur l&rsquo;acquisition ou la sous-traitance d&rsquo;un savoir-faire technique&nbsp;; celles permettant de mettre en visibilit&eacute; l&rsquo;offre&nbsp;; et enfin celles devant contribuer &agrave; son financement. Des recoupements entre ces quatre niveaux apparaitront &agrave; mesure que nous les d&eacute;velopperons, ceux-ci &eacute;tant r&eacute;v&eacute;lateurs des articulations qui s&rsquo;op&egrave;rent entre eux et partant de leur interd&eacute;pendance.</p> <h4>De n&eacute;cessaires mais fragiles collaborations dans la qu&ecirc;te des contenus</h4> <p>L&rsquo;objectif de T&euml;nk est de contribuer &agrave; la mise en visibilit&eacute; du &laquo;&nbsp;documentaire de cr&eacute;ation&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;documentaire d&rsquo;auteur&nbsp;&raquo;, genre sp&eacute;cifique de documentaire qui entend se distinguer des reportages d&rsquo;information plus traditionnels et plus pr&eacute;cis&eacute;ment &laquo;&nbsp;au sens o&ugrave; l&rsquo;&eacute;criture et la forme sont aussi importantes que le fond &raquo; selon les propos Jean-Marie Barbe, fondateur de la plateforme. La mise en place du service de SVOD est de fait une r&eacute;ponse au constat d&rsquo;une d&eacute;sertion d&rsquo;Arte et des autres &ndash; Plan&egrave;te, France T&eacute;l&eacute;visions&hellip; du champ de la cr&eacute;ation documentaire.&nbsp;[&hellip;] Et donc &ccedil;a a laiss&eacute; sur le carreau nombre d&rsquo;auteurs qui avaient &eacute;merg&eacute; dans les ann&eacute;es 80-90 o&ugrave; l&agrave;, la t&eacute;l&eacute;vision avait eu un r&ocirc;le d&rsquo;&eacute;mergent, de consolidation, de financement, de d&eacute;veloppement du film d&rsquo;auteur &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision et en r&eacute;action au formatage des &oelig;uvres documentaires par les imp&eacute;ratifs &eacute;conomiques &ndash; souvent publicitaires &ndash; du m&eacute;dia t&eacute;l&eacute;visuel. La revalorisation du documentaire de cr&eacute;ation via T&euml;nk s&rsquo;appuie donc sur une vision militante et politique destin&eacute;e &agrave; mettre en avant &ndash; tant sur plan national qu&rsquo;international &ndash; les &oelig;uvres les plus&nbsp;&laquo;&nbsp;innovantes, originales et rares&nbsp;&raquo; de ce qui peut constituer une &laquo;&nbsp;culture du documentaire&nbsp;&raquo;. La qu&ecirc;te de ces contenus n&rsquo;est pas sans &eacute;cueils&nbsp;et repose sur des strat&eacute;gies collectives multiples qui s&rsquo;appuient sur diff&eacute;rents acteurs partenaires et &agrave; diff&eacute;rents niveaux.</p> <p>Sur un plan g&eacute;n&eacute;ral, la soci&eacute;t&eacute; T&euml;nk fonctionne en forte proximit&eacute; avec les mondes du film documentaire ainsi que le montre les trajectoires de ses dirigeants (professionnels de la profession) et la gen&egrave;se de la plateforme (&eacute;manation du festival des <em>&Eacute;tats g&eacute;n&eacute;raux du film documentaire</em> de Lussas). Sa structuration en coop&eacute;rative, relevant de l&rsquo;&eacute;conomie sociale et solidaire, fait qu&rsquo;elle se compose d&rsquo;une quarantaine de soci&eacute;taires qui sont souvent des professionnels de la profession et notamment des producteurs ind&eacute;pendants. Ces caract&eacute;ristiques collectives, qui font justement entrer T&euml;nk dans la cat&eacute;gorie de &laquo;&nbsp;plateforme mutualis&eacute;e&nbsp;&raquo;, conf&egrave;re &agrave; la soci&eacute;t&eacute; &laquo;&nbsp;un acc&egrave;s privil&eacute;gi&eacute; &raquo; et une &laquo;&nbsp;position qui est une position d&rsquo;appartenance &agrave; la profession, dans son versant le plus cr&eacute;atif et le plus ind&eacute;pendant.&nbsp;&raquo; Pour les dirigeants, ce positionnement que l&rsquo;on peut qualifier &laquo;&nbsp;d&rsquo;insider&nbsp;&raquo; (Becker, 1985) est un atout&nbsp;ind&eacute;niable dans l&rsquo;acc&egrave;s aux contenus&nbsp;: &laquo;&nbsp;donc &ccedil;a c&rsquo;est un atout pour nous qui fait qu&rsquo;on peut, peut-&ecirc;tre, se dire que sur le terrain des films de cin&eacute;ma, on ne va pas &ecirc;tre lamin&eacute;s. Sachant que sur l&rsquo;an dernier [2018], sur les 380 films qu&rsquo;on a diffus&eacute;, il a 68 longs m&eacute;trages cin&eacute;ma. Donc si on en coproduit une dizaine dans les 2-3 ans qui viennent et puis apr&egrave;s un rythme plus cons&eacute;quent, genre 15 &agrave; 20 par an, ce serait pas mal. Cela nous permettrait d&rsquo;avoir ces films en premi&egrave;re diffusion&hellip; ou deuxi&egrave;me, mais assez vite. Et avec la chronologie des m&eacute;dias qui vient d&rsquo;&ecirc;tre modifi&eacute;e, de les avoir au bout de 12 ou 14 mois. &Ccedil;a c&rsquo;est pour le cin&eacute;ma.&nbsp;&raquo;</p> <p>La dimension collective se situe &eacute;galement dans les modalit&eacute;s de s&eacute;lection des contenus diffus&eacute;s. En effet, le fonctionnement &eacute;ditorial de T&euml;nk repose sur une vingtaine de programmateurs qui agissent &agrave; titre b&eacute;n&eacute;vole. Chaque plage th&eacute;matique de T&euml;nk s&rsquo;appuie sur un bin&ocirc;me de programmateurs qui travaillent en relation avec les coordinateurs de programmes de T&euml;nk (qui eux sont salari&eacute;s). Ces programmateurs b&eacute;n&eacute;voles sont majoritairement des professionnels du documentaire ou des personnes disposant d&rsquo;une grande culture documentaire. Tous sont pass&eacute;s par Lussas &agrave; un moment ou &agrave; un autre. La programmation s&rsquo;inscrit dans une volont&eacute; d&rsquo;assurer un dialogue constructif entre les diff&eacute;rentes parties prenantes. Selon les termes de Jean-Marie Barbe, il s&rsquo;agit du &laquo;&nbsp;c&oelig;ur &eacute;ditorial de T&euml;nk&nbsp;&raquo;. En effet, les coordinateurs s&rsquo;&eacute;cartent g&eacute;n&eacute;ralement tr&egrave;s peu des recommandations formul&eacute;es par les diff&eacute;rents bin&ocirc;mes. Ce mode de fonctionnement montre ainsi un exemple de recours &agrave; un vivier d&rsquo;acteurs issu de la fili&egrave;re d&rsquo;origine, condition <em>sine qua none</em> du fonctionnement &eacute;ditorial de T&euml;nk et tout &agrave; fait coh&eacute;rent avec la dimension militante et fortement &eacute;ditorialis&eacute;e de la SCIC. Cependant, ce type d&rsquo;alliance reste n&eacute;anmoins fragile, en ce sens que l&rsquo;importance des bin&ocirc;mes dans la programmation est peut-&ecirc;tre&nbsp;amen&eacute;e &agrave; diminuer par le futur car, de fait, les films financ&eacute;s par T&euml;nk se doivent d&rsquo;&ecirc;tre diffus&eacute;s sur la plateforme<sup><a href="#bas_2" name="body_2">[2]</a></sup>. De plus, dans l&rsquo;hypoth&egrave;se o&ugrave; le syst&egrave;me de franchises T&euml;nk serait effectivement un succ&egrave;s, il faudra &eacute;galement int&eacute;grer les films des desdites franchises dans la programmation de T&euml;nk France, ce qui pourrait remettre en question son fonctionnement &eacute;ditorial.</p> <p>Enfin, le recours aux alliances est strat&eacute;gique afin de prospecter &agrave; l&rsquo;&eacute;ditorialisation de nouveaux contenus, comme l&rsquo;illustre l&rsquo;exemple des webdocumentaires. Les dirigeants estiment que T&euml;nk doit &eacute;galement &ecirc;tre en mesure de diffuser ce type de format et qu&rsquo;il est n&eacute;cessaire, dans leur ambition de rendre visible la &laquo;&nbsp;culture documentaire&nbsp;&raquo;, d&rsquo;occuper le terrain. Mais si un certain nombre de pistes ont d&rsquo;ores et d&eacute;j&agrave; &eacute;t&eacute; ouvertes afin d&rsquo;assurer une meilleure mise en visibilit&eacute; de ces formats, tout en maintenant une exigence de qualit&eacute;, sa mise en place est consid&eacute;r&eacute;e comme &eacute;tant tributaire d&rsquo;une coop&eacute;ration avec des acteurs ext&eacute;rieurs et pr&eacute;cis&eacute;ment des institutions p&eacute;dagogiques. Ainsi, de la s&eacute;lection &agrave; l&rsquo;acquisition en passant par l&rsquo;&eacute;ditorialisation des contenus, les strat&eacute;gies de coop&eacute;ration et d&rsquo;alliances s&rsquo;av&egrave;rent tout aussi cruciales que fragiles et mouvantes.</p> <h4>L&rsquo;appropriation des solutions techniques&nbsp;: entre volont&eacute; d&rsquo;autonomie et n&eacute;cessaire recours &agrave; la sous-traitance</h4> <p>Pour les acteurs historiques des fili&egrave;res de l&rsquo;audiovisuel et du cin&eacute;ma que sont les fondateurs de T&euml;nk, passer le cap de l&rsquo;appropriation des solutions techniques n&eacute;cessaires &agrave; la mise en place d&rsquo;une offre SVOD constitue l&rsquo;une des principales barri&egrave;res &agrave; l&rsquo;entr&eacute;e sur ce type de march&eacute;. En effet, de l&rsquo;aveu m&ecirc;me de l&rsquo;&eacute;quipe lors de nos premiers &eacute;changes avec ses membres, au d&eacute;but de l&rsquo;ann&eacute;e 2019, si les potentialit&eacute;s et promesses qui accompagnent le d&eacute;ploiement des outils num&eacute;riques sont globalement bien identifi&eacute;es (p. ex.&nbsp;toucher un public plus large, adapter leurs propositions en fonction des typologies de public, mieux cerner leurs habitudes de visionnages, am&eacute;liorer l&rsquo;exp&eacute;rience utilisateur, etc.), elles sont souvent, de leur aveu m&ecirc;me, formul&eacute;es dans un vocabulaire non-expert t&eacute;moignant d&rsquo;une certaine bonne volont&eacute; mais qui peut parfois fragiliser leurs d&eacute;marches, y compris aupr&egrave;s d&rsquo;organes de financement dont ils d&eacute;pendent directement. Ces difficult&eacute;s, Pierre&nbsp;Math&eacute;us, ancien directeur g&eacute;n&eacute;ral et membre fondateur de T&euml;nk, les exprimait en ces termes&nbsp;: &laquo;&nbsp;parce que moi, je vois qu&rsquo;un des probl&egrave;mes qu&rsquo;on a avec [Europe Cr&eacute;ative] MEDIA, c&rsquo;est qu&rsquo;on passe vraiment pour des charlots. Parce qu&rsquo;eux, ils sont vraiment sur le num&eacute;rique, l&rsquo;innovation, le marketing, etc. Et je pense qu&rsquo;on n&rsquo;a pas du tout le vocabulaire et la fa&ccedil;on de pr&eacute;senter les choses. Si &ccedil;a se trouve, on dit des choses intelligentes et eux ont l&rsquo;impression que ce sont des choses basiques&hellip; Enfin je pense qu&rsquo;on dit des choses intelligentes [rires], mais voil&agrave; on n&rsquo;a pas le bon vocabulaire.&nbsp;&raquo;</p> <p>Au-del&agrave; donc des difficult&eacute;s pour acc&eacute;der &agrave; certaines subventions publiques que ce d&eacute;ficit d&rsquo;expertise technique peut entra&icirc;ner &ndash; point sur lequel nous reviendrons <em>infra</em>, cette barri&egrave;re &agrave; l&rsquo;entr&eacute;e est finalement celle que rencontrent nombre d&rsquo;acteurs historiques des fili&egrave;res du cin&eacute;ma et de l&rsquo;audiovisuel, d&egrave;s lors qu&rsquo;ils doivent composer avec les logiques de l&rsquo;&eacute;conomie num&eacute;rique. En ce sens, ils sont g&eacute;n&eacute;ralement moins bien arm&eacute;s pour la surmonter que ceux de la fili&egrave;re vid&eacute;oludique qui en sont directement issus (Benghozi et Chantepie, 2022&nbsp;; Perticoz, 2011) et doivent donc passer par toute une phase d&rsquo;acculturation aux sp&eacute;cificit&eacute;s techniques d&rsquo;un secteur &eacute;conomique dont ils ne ma&icirc;trisent pas compl&egrave;tement les sp&eacute;cificit&eacute;s et logiques de fonctionnement.</p> <p>Or en ce domaine, les d&eacute;fis techniques qui suivent la d&eacute;cision de mettre en place une offre de type SVOD sont loin d&rsquo;&ecirc;tre n&eacute;gligeables, que ce soit dans la capacit&eacute; de T&euml;nk &agrave; toucher de nouveaux publics (et &agrave; conserver les &laquo;&nbsp;historiques&nbsp;&raquo;), &agrave; construire un catalogue, &agrave; se conformer aux derniers standards d&rsquo;encodage ou, plus prosa&iuml;quement, &agrave; mettre en place un syst&egrave;me de paiement suffisamment fiable. En d&rsquo;autres termes, si le c&oelig;ur du m&eacute;tier de la production / diffusion de films documentaires demeure d&rsquo;une certaine mani&egrave;re inchang&eacute; (il s&rsquo;agit toujours d&rsquo;accompagner la production et la diffusion de films documentaires), les mutations techniques en aval ont de fait une influence sur la mani&egrave;re dont T&euml;nk travaillera en amont (p. ex.&nbsp;les modes de diffusion num&eacute;riques qui doivent &ecirc;tre int&eacute;gr&eacute;s au moment de d&eacute;finir le plan de financement). &Agrave; cet &eacute;gard, la transition num&eacute;rique se traduit &agrave; la fois par la n&eacute;cessit&eacute; de repenser la promotion, la strat&eacute;gie de diffusion ou les modalit&eacute;s de r&eacute;mun&eacute;ration / financement des &oelig;uvres (qui &eacute;taient d&eacute;j&agrave; au c&oelig;ur des missions des <em>&Eacute;tats g&eacute;n&eacute;raux du film documentaire</em>), mais &eacute;galement d&rsquo;int&eacute;grer des savoir-faire propres aux industries du num&eacute;rique et du logiciel tels que la conception d&rsquo;interfaces d&eacute;clinables sur diff&eacute;rents types de terminaux, l&rsquo;h&eacute;bergement de donn&eacute;es, l&rsquo;encodage, la collecte / analyse des donn&eacute;es utilisateurs ou encore la recommandation algorithmique.</p> <p>Dans ce contexte, une soci&eacute;t&eacute; telle que T&euml;nk se trouve confront&eacute;e &agrave; un choix pour lequel l&rsquo;arbitrage en interne donne r&eacute;guli&egrave;rement lieu &agrave; de vifs d&eacute;bats&nbsp;: soit mettre en place une solution de mani&egrave;re autonome afin de pouvoir la concevoir selon ses besoins sp&eacute;cifiques, ce qui n&eacute;cessite de collaborer avec une diversit&eacute; de prestataires externes issus des industrie du num&eacute;rique (p. ex.&nbsp;int&eacute;grateurs Web, h&eacute;bergeurs, syst&egrave;mes de paiement en ligne, etc.), disposer de l&rsquo;ensemble des comp&eacute;tences en interne &eacute;tant pour le moins impossible&nbsp;; soit faire appel &agrave; un interm&eacute;diaire qui prenne en charge lesdites collaborations afin que T&euml;nk puisse se concentrer sur son c&oelig;ur de m&eacute;tier, au risque de perdre un certaine marge de man&oelig;uvre sur un aspect strat&eacute;gique du d&eacute;ploiement de son offre SVOD. En effet, celui-ci conditionne en grande partie les modalit&eacute;s d&rsquo;acc&egrave;s aux contenus, ce qui constitue pour T&euml;nk un enjeu fondamental (et qui am&egrave;ne son &eacute;quipe &agrave; r&eacute;guli&egrave;rement s&rsquo;interroger sur la n&eacute;cessit&eacute; de formaliser des partenariats avec les op&eacute;rateurs de t&eacute;l&eacute;communication, voire les fabricants de t&eacute;l&eacute;visions connect&eacute;es).</p> <p>Consciente de ne disposer ni du temps, ni de l&rsquo;expertise technique en interne, l&rsquo;&eacute;quipe de T&euml;nk a donc fait appel &agrave; un prestataire externe unique pour concevoir et lancer la premi&egrave;re version de son site en 2017. L&rsquo;entreprise Kinow &ndash; cr&eacute;&eacute;e en 2015 &ndash; a ainsi pris en charge ce travail qui lui permettait, par ailleurs, de d&eacute;montrer son savoir-faire en la mati&egrave;re et de se pr&eacute;senter comme un acteur en mesure de proposer des solutions cl&eacute;s en main. Le partenariat avec Kinow a ensuite &eacute;t&eacute; reconduit pour la seconde version du site mise en ligne en 2021, non sans que cela suscite quelques d&eacute;bats au sein de T&euml;nk. Ainsi, en 2019, Pierre Math&eacute;us revenait en ces termes sur le manque de marge de man&oelig;uvre dont T&euml;nk disposait d&egrave;s lors qu&rsquo;elle &eacute;tait soumise aux &eacute;volutions des orientations strat&eacute;giques de Kinow&nbsp;: &laquo;&nbsp;On travaille avec un prestataire [&hellip;] qui nous avait dit que pour l&rsquo;international, [ils &eacute;taient] en train de d&eacute;velopper quelque chose [qu&rsquo;ils appelaient] les trans-plateformes. On pourrait, &agrave; partir de notre plateforme, proposer aux partenaires d&rsquo;avoir des choses en plus, des choses en moins, mais d&rsquo;avoir un tronc commun. Sauf que finalement ils ne l&rsquo;ont pas d&eacute;velopp&eacute; et on l&rsquo;a appris &agrave; la fin de l&rsquo;ann&eacute;e derni&egrave;re [en 2018]. Donc on s&rsquo;est dit comment on fait&nbsp;? Comme toutes les difficult&eacute;s, c&rsquo;est devenu une opportunit&eacute;. Donc on s&rsquo;est dit&nbsp;: &ldquo;on s&rsquo;autonomise&nbsp;!&rdquo;&nbsp;&raquo;</p> <p>Toutefois, cette volont&eacute; d&rsquo;autonomie doit faire face &agrave; la complexit&eacute; des &laquo;&nbsp;&eacute;cosyst&egrave;mes&nbsp;&raquo; propre &agrave; l&rsquo;&eacute;conomie num&eacute;rique, ce qui a finalement amen&eacute; T&euml;nk &agrave; faire de nouveau appel &agrave; Kinow pour concevoir la V2 de son site. En l&rsquo;&eacute;tat actuel, l&rsquo;objectif d&rsquo;autonomisation technique &ndash; et a fortiori celui de jouer le r&ocirc;le de &laquo;&nbsp;r&eacute;f&eacute;rent&nbsp;&raquo; sur ces sujets pour d&rsquo;autres acteurs de la fili&egrave;re, comme cela avait pu &ecirc;tre &eacute;voqu&eacute; lors de nos premiers &eacute;changes &ndash; semble avoir &eacute;t&eacute; repouss&eacute;. Cette tendance se v&eacute;rifie dans la composition m&ecirc;me de l&rsquo;&eacute;quipe des salari&eacute;s permanents de T&euml;nk qui, sur un effectif de 16 personnes en 2023, ne compte qu&rsquo;un seul &laquo;&nbsp;responsable num&eacute;rique&nbsp;&raquo; (ainsi qu&rsquo;un poste d&eacute;di&eacute; &agrave; la &laquo;&nbsp;communication digitale&nbsp;&raquo;). Les autres salari&eacute;s travaillent sur des t&acirc;ches plus classiques telles que les acquisitions, la politique &eacute;ditoriale ou les strat&eacute;gies de diffusion.</p> <p>En revanche, Kinow &ndash; qui a depuis &eacute;t&eacute; rachet&eacute; par le groupe Alpha Networks, un fournisseur de solutions logicielles bas&eacute; en Belgique &ndash; se positionne aujourd&rsquo;hui comme un acteur de r&eacute;f&eacute;rence dans le d&eacute;veloppement de solutions SVOD et en mesure de fournir &agrave; ses clients un acc&egrave;s &agrave; un &laquo;&nbsp;&eacute;cosyst&egrave;me complet&nbsp;&raquo; allant de l&rsquo;int&eacute;gration Web &agrave; la mise en place de syst&egrave;mes de paiement. Par ailleurs, dans sa strat&eacute;gie de communication, Kinow pr&eacute;sente T&euml;nk comme une de ses <em>success stories</em> d&eacute;montrant son savoir-faire en la mati&egrave;re. En d&rsquo;autres termes, T&euml;nk se trouve d&rsquo;une certaine mani&egrave;re int&eacute;gr&eacute;e &agrave; l&rsquo;&eacute;cosyst&egrave;me technico-commercial mis en place par Kinow pour promouvoir son activit&eacute;.</p> <h4>Des alliances affinitaires dans les strat&eacute;gies de la mise en visibilit&eacute;/accessibilit&eacute; de l&rsquo;offre</h4> <p>Les relations interprofessionnelles &eacute;labor&eacute;es par T&euml;nk concernent ensuite les strat&eacute;gies de mise en visibilit&eacute; de l&rsquo;offre (au sens promotionnel et marketing) visant <em>in fine</em> &agrave; obtenir de nouveaux abonn&eacute;s (et obtenir une masse critique visant &agrave; stabiliser le mod&egrave;le &eacute;conomique) d&rsquo;une part mais aussi &agrave; d&eacute;multiplier les canaux d&rsquo;acc&egrave;s &agrave; ses contenus d&rsquo;autre part. Ce dernier point est essentiel pour un acteur comme T&euml;nk qui n&rsquo;est accessible qu&rsquo;en OTT (site web) et qui p&acirc;tit d&egrave;s lors de ne pas pouvoir b&eacute;n&eacute;ficier d&rsquo;une diffusion via la Box des op&eacute;rateurs&nbsp;de t&eacute;l&eacute;communication<sup><a href="#bas_3" name="body_3">[3]</a></sup>, canal de valorisation essentiel dans le march&eacute;&nbsp;fran&ccedil;ais pour tout acteur de SVOD&nbsp;: <q>[&hellip;]&nbsp;pour une entreprise de SVOD voulant op&eacute;rer en France, il est indispensable de trouver un accord de distribution avec au moins un op&eacute;rateur et si possible avec tous pour permettre un marketing sur une base nationale</q> (Le Diberder, 2019, p. 85). Ces strat&eacute;gies se caract&eacute;risent par des alliances partenariales, mon&eacute;tis&eacute;es ou non, selon des conditions et des acteurs particuliers dont le choix r&eacute;pond &agrave; des logiques relatives &agrave; la sp&eacute;cificit&eacute; &eacute;ditoriale de T&euml;nk.</p> <p>Des alliances se cr&eacute;ent avec un premier ensemble d&rsquo;acteurs issus du monde du cin&eacute;ma, du documentaire et plus largement de l&rsquo;art et de la culture, soit &laquo;&nbsp;ceux o&ugrave; il y a une expression documentaire dans d&rsquo;autres champs de l&rsquo;art que l&rsquo;image&nbsp;&raquo;. La constitution d&rsquo;un r&eacute;seau de partenariats avec diff&eacute;rents festivals (festival de la photo d&rsquo;Arles, la biennale de la danse, le festival d&rsquo;Avignon, les rencontres de Manosque en litt&eacute;ratures) est importante &agrave; plusieurs niveaux&nbsp;: sur un plan symbolique et militant (celui de contribuer &agrave; faire &laquo;&nbsp;rayonner&nbsp;&raquo; la culture documentaire), sur un plan strat&eacute;gique de mise en visibilit&eacute; de l&rsquo;offre pour de potentiels nouveaux abonn&eacute;s&nbsp;: &laquo;&nbsp;Et cette id&eacute;e de cr&eacute;er des liens, de fid&eacute;liser des publics et donc de travailler avec d&rsquo;autres champs pour mettre en lumi&egrave;re cette culture et la d&eacute;fendre au sens de la d&eacute;velopper, d&rsquo;y donner acc&egrave;s, de produire et tout, c&rsquo;est vraiment un de nos objectifs.&nbsp;&raquo;</p> <p>T&euml;nk d&eacute;veloppe ensuite des partenariats avec des m&eacute;dias nationaux. Ceux &eacute;labor&eacute;s avec <em>Mediapart</em>,&nbsp;<em>France Inter</em>, <em>Arr&ecirc;t sur images</em> ou <em>T&eacute;l&eacute;rama</em> sont consid&eacute;r&eacute;s comme essentiels &agrave; plusieurs titres. Tout d&rsquo;abord, pour les pics d&rsquo;abonnements g&eacute;n&eacute;r&eacute;s apr&egrave;s la publication, dans ces m&eacute;dias, de plusieurs articles ou &eacute;missions &agrave; propos de T&euml;nk (p. ex.&nbsp;&laquo;&nbsp;L&rsquo;instant M&nbsp;&raquo; sur <em>France Inter</em> ou <em>T&eacute;l&eacute;rama</em> qui recommande des films disponibles sur T&euml;nk dans sa rubrique &laquo;&nbsp;&Eacute;crans &amp; TV&nbsp;&raquo;). Ces partenariats permettent &agrave; certains titres du catalogue (ceux faisant l&rsquo;objet d&rsquo;un partenariat sp&eacute;cifique) d&rsquo;atteindre une partie de l&rsquo;audience de ces m&eacute;dias afin de d&eacute;multiplier les visionnages potentiels&nbsp;: &laquo;&nbsp;quand on passe l&rsquo;alliance avec <em>T&eacute;l&eacute;rama</em>, [&hellip;] &ccedil;a veut dire qu&rsquo;un film diffus&eacute; par T&euml;nk sera aussi accessible aux abonn&eacute;s de <em>T&eacute;l&eacute;rama</em>. [&hellip;] Quand on prend un film et qu&rsquo;on n&eacute;gocie un partenariat avec <em>France Inter</em>, qu&rsquo;il est en acc&egrave;s libre sur <em>France Inter</em> pour [...] 1 semaine, c&rsquo;est les auditeurs de <em>France Inter</em>.&nbsp;&raquo; Enfin, ce potentiel de d&eacute;multiplication de l&rsquo;audience est mobilis&eacute; par T&euml;nk comme un argument aupr&egrave;s des ayants-droits afin d&rsquo;obtenir leur film au catalogue&nbsp;: &laquo;&nbsp;pour peser dans l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t que pourraient avoir des distributeurs et des producteurs de nous donner des films du champ des films ind&eacute;pendants, il y a quelques arguments qui nous sont plut&ocirc;t favorables. Dans ces arguments, il y a je pense un atout [&hellip;] c&rsquo;est les partenariats. [&hellip;] quand on s&rsquo;allie avec <em>Mediapart</em> pour diffuser ensemble un m&ecirc;me film, on multiplie le nombre de vues &eacute;videmment. [&hellip;]&nbsp;Quand nous, on dit &ldquo;on prend un film&rdquo;, on le prend mais on a <em>Mediapart</em> aussi qui le diffuse. Donc on n&rsquo;a pas seulement 10.000 abonn&eacute;s, on a ceux de <em>Mediapart</em>.&nbsp;&raquo;</p> <p>D&rsquo;autres types d&rsquo;alliances se cr&eacute;ent avec des acteurs relevant de la culture num&eacute;rique. T&euml;nk &eacute;tablit &agrave; ce titre un march&eacute; depuis plusieurs ann&eacute;es avec la soci&eacute;t&eacute; st&eacute;phanoise 1Dlab qui propose, par le biais de son &laquo;&nbsp;kiosque culturel&nbsp;&raquo; intitul&eacute; &laquo;&nbsp;Divercities&nbsp;&raquo;, un acc&egrave;s &agrave; l&rsquo;offre de T&euml;nk. Ce kiosque, vendu aux m&eacute;diath&egrave;que et biblioth&egrave;ques municipales comme une solution permettant &agrave; leurs abonn&eacute;s d&rsquo;acc&eacute;der &agrave; des contenus num&eacute;riques, repr&eacute;sente pour T&euml;nk la possibilit&eacute; d&rsquo;une &laquo;&nbsp;ouverture &agrave; d&rsquo;autres passerelles&nbsp;&raquo; pour acc&eacute;der &agrave; son service. Le recours sp&eacute;cifique &agrave; 1DLab s&rsquo;explique ainsi par une logique de proximit&eacute;, proximit&eacute; se caract&eacute;risant &agrave; diff&eacute;rents niveaux&nbsp;: affectif (&laquo;&nbsp;on se connait bien, on s&rsquo;appr&eacute;cie&nbsp;&raquo;) territorial (1Dlab est un acteur localis&eacute; en r&eacute;gion Auvergne-Rh&ocirc;ne-Alpes &agrave; l&rsquo;instar de T&euml;nk), structurelle (1Dlab est une SCIC et rel&egrave;ve de l&rsquo;&eacute;conomie sociale et solidaire), &eacute;ditoriale (1Dlab revendique aussi une approche &laquo;&nbsp;militante&nbsp;&raquo; de la culture avec en tant qu&rsquo;elle se pr&eacute;sente, notamment, comme une soci&eacute;t&eacute; de &laquo;&nbsp;streaming &eacute;quitable&nbsp;&raquo;).</p> <p>Enfin, des alliances se cr&eacute;ent avec un r&eacute;seau international d&rsquo;acteurs. Ces strat&eacute;gies poursuivent l&rsquo;objectif politique de d&eacute;velopper une f&eacute;d&eacute;ration de coop&eacute;ratives T&euml;nk &agrave; l&rsquo;international afin de promouvoir la culture documentaire dans le monde&nbsp;(Europe, Am&eacute;rique du nord, Afrique&hellip;)&nbsp;: &laquo;&nbsp;c&rsquo;est des alliances avec des structures qui vont se cr&eacute;er dans les pays et qui vont permettre de diffuser le documentaire dans d&rsquo;autres zones.&nbsp;&raquo; Des &eacute;quipes ont d&rsquo;ores et d&eacute;j&agrave; mises en place, notamment au Qu&eacute;bec, avec le lancement d&rsquo;une coop&eacute;rative diffusant des documentaires d&rsquo;Am&eacute;rique du nord&nbsp;(&laquo;&nbsp;On va &ecirc;tre actionnaires &agrave; 49%, ils ont 51% des parts&nbsp;&raquo;) mais aussi en Tunisie dans l&rsquo;objectif de diffuser des films du Maghreb et Moyen-Orient. D&rsquo;autres projets sont en cours pour le reste de l&rsquo;Europe (Allemagne, Italie) ou ailleurs dans le monde, ce qui n&eacute;cessite de trouver des partenaires locaux. Les acteurs concern&eacute;s par ces projets sont eux-m&ecirc;mes souvent issus de T&euml;nk &agrave; Lussas, lieu central en tant que pourvoyeur d&rsquo;un personnel consid&eacute;r&eacute; accultur&eacute; et form&eacute; aux modes de travail ainsi qu&rsquo;aux valeurs de la soci&eacute;t&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;c&rsquo;est important de dire aussi que les personnes qui montent T&euml;nk Qu&eacute;bec, ce sont des personnes qui sont pass&eacute;es par T&euml;nk&hellip; On les a form&eacute;es d&rsquo;une certaine mani&egrave;re. [&hellip;] il y a un vivier de personnes dont on sait qu&rsquo;elles sont fiables, qui partagent la m&ecirc;me culture documentaire que nous, donc il y a un terrain pr&eacute;par&eacute;, j&rsquo;allais dire.&nbsp;&raquo;</p> <p>Ainsi, ces strat&eacute;gies partenariales de mise en visibilit&eacute;/accessibilit&eacute; apparaissent comme essentielles et centrales dans le fonctionnement de T&euml;nk et dans ses ambitions aussi bien nationales qu&rsquo;internationales, ainsi que le pr&eacute;cise son dirigeant&nbsp;: &laquo;&nbsp;on n&rsquo;est pas seulement un lieu qui permet &agrave; nos abonn&eacute;s de voir des films.&nbsp;On est un lieu d&rsquo;alliances et de partenaires. On coordonne un r&eacute;seau de diffusion, voil&agrave;.&nbsp;&raquo; D&egrave;s lors, la mise en place durable d&rsquo;un tel r&eacute;seau d&rsquo;acteurs &agrave; la fois culturels, m&eacute;diatiques et num&eacute;riques et r&eacute;pondant avant tout &agrave; des logiques affinitaires&nbsp;(&eacute;ditoriale, politique, territoriales) est un trait constitutif du &laquo;&nbsp;mod&egrave;le de plateforme&nbsp;&raquo; form&eacute; par T&euml;nk&nbsp;: &laquo;&nbsp;on est dans un projet politique, intellectuel de longue haleine qui nous d&eacute;passe, et de loin&nbsp;! Qui est beaucoup plus grand que nous, mais dans lequel on s&rsquo;inscrit avec &agrave; la fois la volont&eacute; d&rsquo;&eacute;crire la l&eacute;gende du documentaire, de l&#39;inscrire, de la faire exister dans le conscient collectif, lui donner une part de visibilit&eacute; qu&rsquo;elle n&rsquo;a pas aujourd&rsquo;hui et rassembler, du coup, les forces, les initiatives, les cr&eacute;ateurs...&nbsp;&raquo;</p> <p>Cependant, ces relations ne sont pas exemptes d&rsquo;interrogations, voire de difficult&eacute;s et de tensions. Elles apparaissent parfois difficiles et probl&eacute;matiques &agrave; obtenir et maintenir. L&rsquo;une des interrogations consiste par exemple &agrave; se demander s&rsquo;il sera n&eacute;cessaire de formaliser des partenariats avec les op&eacute;rateurs de t&eacute;l&eacute;communication, voire les fabricants de t&eacute;l&eacute;visions connect&eacute;es, partenariats dont le co&ucirc;t peut &ecirc;tre r&eacute;dhibitoire pour une structure telle que T&euml;nk&hellip; D&rsquo;autres r&eacute;flexions se construisent autour de l&rsquo;observation des pratiques d&rsquo;abonn&eacute;s et par exemple sur l&rsquo;ampleur du d&eacute;veloppement du visionnage hors-ligne. C&rsquo;est ce dernier point qui am&egrave;ne notamment la soci&eacute;t&eacute; &agrave; s&rsquo;int&eacute;resser &agrave; l&rsquo;&eacute;volution des pratiques de visionnages des contenus audiovisuels et &agrave; trouver du sens dans la mise en place d&rsquo;enqu&ecirc;tes sur les pratiques culturelles et usages du service de leurs abonn&eacute;s. Une autre r&eacute;flexion consiste &agrave; envisager de constituer une offre de plateformes&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;c&rsquo;est quelque chose qu&rsquo;on aimerait construire, mais qui prend du temps et, pour l&rsquo;instant, on est les seuls moteurs, donc on est un petit moteur&hellip; de construire une plateforme au-dessus de T&euml;nk, de LaCinetek, donc on a r&eacute;uni UniversCin&eacute;, L&rsquo;Agence du court m&eacute;trage et on essaye de persuader Annecy de cr&eacute;er un T&euml;nk animation pour avoir une offre.&nbsp;&raquo; Sur ce point, <em>T&eacute;l&eacute;rama</em> a ambitionn&eacute; &ndash; avant la crise sanitaire &ndash; de construire un projet similaire, ce qui, si celui-ci avait abouti, aurait fait passer ce m&eacute;dia de partenaire &agrave; concurrent, soit coop&eacute;titeur. Enfin, les projets internationaux ne sont pas sans difficult&eacute;s, tant sur le plan organisationnel (trouver des partenaires locaux) que financier (par exemple pour le sous-titrage des films).</p> <h4>L&rsquo;enjeu r&eacute;current de l&rsquo;acc&egrave;s aux r&eacute;seaux de financements publics</h4> <p>Afin de bien saisir les sp&eacute;cificit&eacute;s des modalit&eacute;s de financement mobilis&eacute;es par un acteur de niche tel que T&euml;nk, il convient tout d&rsquo;abord de rappeler qu&rsquo;elles s&rsquo;inscrivent dans le cadre d&rsquo;une &eacute;conomie soumise &agrave; une forte incertitude concernant ses valeurs d&rsquo;usage o&ugrave; les ressources d&rsquo;origine publique jouent un r&ocirc;le essentiel dans le financement des projets (Chantepie et Paris, 2021&nbsp;; Creton, 2020&nbsp;; M&oelig;glin, 2012). En d&rsquo;autres termes, nous sommes la plupart du temps face &agrave; des mod&egrave;les non rentables ne devant leur survie qu&rsquo;&agrave; une politique de soutien des pouvoirs publics <em>via</em> des organismes tels que Centre national du cin&eacute;ma et de l&rsquo;image anim&eacute;e (CNC) en France ou Europe Cr&eacute;ative MEDIA au niveau du territoire europ&eacute;en. Ces derniers ont entre autres objectifs de soutenir, de la conception jusqu&rsquo;&agrave; la commercialisation, des cr&eacute;ations en mesure notamment d&rsquo;assurer un certain niveau de diversit&eacute; de l&rsquo;offre culturelle. &Agrave; cet &eacute;gard, les acteurs ont pleinement int&eacute;gr&eacute; cette d&eacute;pendance aux ressources publiques afin d&rsquo;assurer le financement de leur activit&eacute;, la r&eacute;ponse &agrave; des appels &agrave; projets pouvant occuper une part importante de leur temps de travail. Sur ce point, Jean-Marie Barbe &eacute;tait effectivement plut&ocirc;t lucide et soulignait que&nbsp;: &laquo;&nbsp;de toute fa&ccedil;on nos coll&egrave;gues &ndash; y compris les MUBI qui en sont quand m&ecirc;me &agrave; la 9&egrave;me ann&eacute;e &ndash; ils ont sollicit&eacute; [Europe Cr&eacute;ative] MEDIA. Ils l&rsquo;ont [...] depuis 2 ans. UniversCin&eacute; ils vivent de l&rsquo;argent europ&eacute;en et du CNC depuis le d&eacute;but. C&rsquo;est un des atouts des structures europ&eacute;ennes [&hellip;]. C&rsquo;est des concours hein&nbsp;! Nous on planche devant le CNC tous les 6 mois pour pouvoir d&eacute;fendre un programme. Il faut monter au cr&eacute;neau, il faut d&eacute;fendre, il faut travailler l&agrave;-dessus. C&rsquo;est du boulot hein&nbsp;! &Ccedil;a ne vient pas comme &ccedil;a.&nbsp;&raquo;</p> <p>Dans ce contexte, la strat&eacute;gie de T&euml;nk a &eacute;galement consist&eacute; &agrave; se doter d&rsquo;un studio de tournage &ndash; lui aussi financ&eacute; en partie sur fonds publics &ndash; afin de justifier aupr&egrave;s des organismes d&rsquo;aides publiques d&rsquo;un apport dit &laquo;&nbsp;en industrie&nbsp;&raquo; aux productions cin&eacute;matographiques qu&rsquo;elle accompagne. En effet, les moyens financiers de la soci&eacute;t&eacute; &eacute;tant limit&eacute;s, leur apport en mat&eacute;riel de tournage doit permettre de jouer un effet de levier afin de faciliter le montage du plan de financement de films documentaires ind&eacute;pendants qui viendront ensuite enrichir son offre SVOD. Nous sommes ainsi en pr&eacute;sence d&rsquo;une logique de mise en r&eacute;seau et de mutualisation des moyens afin de faciliter l&rsquo;acc&egrave;s &agrave; des aides publiques que Jean-Marie Barbe d&eacute;crit en ces termes&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il faut savoir que si nous on am&egrave;ne 20.000 euros en industrie, &ccedil;a permet au producteur, en plus de ces 20.000 euros en industrie, d&rsquo;augmenter la part d&rsquo;argent public qu&rsquo;il peut mettre dans un film. C&rsquo;est-&agrave;-dire qu&rsquo;il y a un effet levier. Donc en fait, &ccedil;a fait 40.000 euros, si on met 20.000 euros.&nbsp;&raquo;</p> <p>D&egrave;s lors, dans le cadre de projet politique et culturel port&eacute; par T&euml;nk (c.-⁠&agrave;-⁠d.&nbsp;accompagner et rendre visible un type de productions documentaires non programm&eacute;es par ailleurs), cette approche lui permet d&rsquo;occuper un r&ocirc;le cl&eacute; au sein de la sous-fili&egrave;re du film documentaire de cr&eacute;ation dans la phase de financement, mais &eacute;galement par la suite, au moment de l&rsquo;&eacute;tape de sa diffusion, gr&acirc;ce &agrave; son service SVOD qui pourra ainsi lui assurer une certaine visibilit&eacute; en dehors de la salle. Et l&agrave; encore, le recours aux aides publiques pour lancer une offre de ce type peut jouer un r&ocirc;le important dans le plan de financement.</p> <p>Dans ce contexte, T&euml;nk peut se trouver confront&eacute;e &agrave; deux &eacute;cueils. Le premier est que les strat&eacute;gies de collaborations mises en &oelig;uvre pour acc&eacute;der auxdites aides peuvent &ecirc;tre remises en question parfois brutalement d&egrave;s lors que les crit&egrave;res d&rsquo;attribution &eacute;voluent voire changent radicalement au sein des organismes financeurs. &Agrave; titre d&rsquo;exemple, le CNC s&rsquo;inscrit dans une d&eacute;marche nationale visant &agrave; limiter l&rsquo;acc&egrave;s aux comptes de financement dits &laquo;&nbsp;automatiques&nbsp;&raquo; (qui permettent de diminuer la fr&eacute;quence du montage de dossiers de r&eacute;ponse d&rsquo;appel &agrave; projets, t&acirc;che qui peut rapidement s&rsquo;av&eacute;rer chronophage pour une petite structure telle que T&euml;nk) et oriente de plus en plus ses fonds vers les comptes dits &laquo;&nbsp;s&eacute;lectifs&nbsp;&raquo; (c.-⁠&agrave;-⁠d.&nbsp;qui n&eacute;cessite le montage d&rsquo;un dossier pour chaque projet de production). Ainsi, l&rsquo;apport en industrie que fournissait T&euml;nk aux projets qu&rsquo;elle soutenait ne permettait d&eacute;j&agrave; plus, en 2019, d&rsquo;acc&eacute;der aux comptes automatiques mais uniquement aux comptes s&eacute;lectifs, venant ainsi fragiliser en partie ses choix strat&eacute;giques. En toute rigueur, ces derniers demeurent ainsi tributaires non seulement des &eacute;volutions du march&eacute;, mais &eacute;galement des politiques publiques d&rsquo;aides. Sur ces derni&egrave;res, T&euml;nk n&rsquo;a finalement que peu de prise alors m&ecirc;me qu&rsquo;elles peuvent venir remettre en question les strat&eacute;gies mises en place pour int&eacute;grer ces r&eacute;seaux de financements publics.</p> <p>Par ailleurs, et il s&rsquo;agit l&agrave; d&rsquo;une seconde limite aux orientations choisies pour acc&eacute;der aux aides publiques, la pr&eacute;&eacute;minence du num&eacute;rique dans les appels &agrave; projets n&eacute;cessite, comme nous l&rsquo;avons d&eacute;j&agrave; soulign&eacute; <em>supra</em>, que l&rsquo;&eacute;quipe de T&euml;nk acquiert, ne serait-ce que pour &ecirc;tre en mesure d&rsquo;y r&eacute;pondre, un vocabulaire et des comp&eacute;tences techniques relevant davantage de l&rsquo;&eacute;conomie num&eacute;rique et avec lesquels elle n&rsquo;est pas toujours famili&egrave;re. Ainsi, alors m&ecirc;me que T&euml;nk devrait &laquo;&nbsp;naturellement&nbsp;&raquo; pouvoir pr&eacute;tendre int&eacute;grer le r&eacute;seau de financement Europe Cr&eacute;ative MEDIA, le &laquo;&nbsp;tropisme&nbsp;&raquo; num&eacute;rique de cet organisme &ndash; qui ressort notamment dans les attendus des appels &agrave; projets publi&eacute;s &ndash; a pu &ecirc;tre per&ccedil;u par T&euml;nk comme p&eacute;nalisant, notamment vis-&agrave;-vis d&rsquo;autres soci&eacute;t&eacute;s ou initiatives ma&icirc;trisant selon elle mieux ces aspects au moment de r&eacute;diger leur dossier de r&eacute;ponse &agrave; ces appels, un d&eacute;calage que Pierre Math&eacute;us avait analys&eacute; en soulignant que&nbsp;: &laquo;&nbsp;MUBI, ce qu&rsquo;ils ont quand m&ecirc;me vendu [&agrave; Europe Cr&eacute;ative MEDIA]&hellip; Alors on n&rsquo;a pas le d&eacute;tail, mais [...] ils ont eu 700.000 euros pour proposer gratuitement MUBI aux &eacute;tudiants quoi&hellip; Si on synth&eacute;tise, c&rsquo;est &ccedil;a. Donc on est capable d&rsquo;&ecirc;tre aussi intelligents que &ccedil;a, mais je pense qu&rsquo;on ne l&rsquo;a pas &eacute;crit pareil.&nbsp;&raquo;</p> <p>&Agrave; ce titre, investir dans une offre SVOD constitue &eacute;galement pour T&euml;nk un moyen de gagner en cr&eacute;dibilit&eacute; aupr&egrave;s de ces organismes, c&rsquo;est-&agrave;-dire d&rsquo;&ecirc;tre capable de faire ses preuves avant de pouvoir pr&eacute;tendre aux aides d&rsquo;organismes tels qu&rsquo;Europe Cr&eacute;ative MEDIA. Jean-Marie Barbe estime ainsi que&nbsp;: &laquo;&nbsp;pour d&eacute;crocher un financement de m&eacute;dia, c&rsquo;est un travail de lobbying et je dirais que ce travail est aussi au regard de la puissance de la plateforme. On &eacute;tait peanuts. Le fait d&rsquo;arriver &agrave; 8-10.000 abonn&eacute;s nous cr&eacute;dibilise, mais de l&agrave; &agrave; ce qu&rsquo;on arrive &agrave; inverser un financement de m&eacute;dia&hellip; Disons qu&rsquo;on a plus d&rsquo;atouts maintenant [en 2019] qu&rsquo;il y a un an ou deux ans. On sait un peu plus ce qu&rsquo;il faut dire et ne pas dire &agrave; cette commission.&nbsp;&raquo;</p> <p>En ce sens, int&eacute;grer un r&eacute;seau de financements publics n&eacute;cessite donc tout un investissement en amont &agrave; la fois co&ucirc;teux en temps ainsi qu&rsquo;en ressources humaines et financi&egrave;res, cet investissement pouvant ensuite &ecirc;tre remis en cause non seulement en raison des &eacute;volutions de march&eacute;, mais &eacute;galement de celles des orientations politiques des organismes de financement public. &Agrave; cet &eacute;gard, les ajouts r&eacute;cents d&rsquo;imp&eacute;ratifs de mesures de l&rsquo;empreinte carbone de l&rsquo;activit&eacute; aux crit&egrave;res d&rsquo;attribution des aides publiques g&eacute;n&egrave;rent des difficult&eacute;s identiques &agrave; des structures telles que T&euml;nk.</p> <h3>Conclusion</h3> <p>&Agrave; la lumi&egrave;re des quatre modalit&eacute;s d&rsquo;actions collectives que T&euml;nk tente de mettre en &oelig;uvre, il appara&icirc;t que celles-ci restent finalement tr&egrave;s impr&eacute;gn&eacute;es des logiques de fonctionnement en fili&egrave;re amont-aval. D&egrave;s lors, les concepts d&rsquo;&eacute;cosyst&egrave;me et de plateforme, bien que mobilis&eacute;s dans les discours, n&rsquo;apparaissent pas comme les plus op&eacute;rants pour comprendre les dynamiques en jeu. En effet, en tant que diffuseur contribuant directement au financement des productions pr&eacute;sentes dans son offre, T&euml;nk s&rsquo;inscrit toujours dans une logique de transaction avec les producteurs et non dans celle d&rsquo;une simple &laquo;&nbsp;contractualisation des conditions d&rsquo;utilisation des services propos&eacute;s&nbsp;&raquo; (Bullich, 2021, p.&nbsp;57), cette derni&egrave;re ayant, selon Bullich, un caract&egrave;re d&eacute;cisif au moment d&rsquo;identifier les dispositifs en ligne pouvant ou non &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;s en tant que plateformes. Ainsi, selon cet auteur, &laquo;&nbsp;cette absence de transaction est, dans [sa] perspective, d&eacute;cisive dans la singularisation de la logique&nbsp;&raquo; (<em>ibid</em>.). Par ailleurs, T&euml;nk n&rsquo;est pas indiff&eacute;rente &agrave; la nature des productions diffus&eacute;es sur son service SVOD&nbsp;; elle est contraire bel et bien &laquo;&nbsp;cardinale&nbsp;&raquo; et guide bien plus sa strat&eacute;gie que &laquo;&nbsp;la recherche d&rsquo;appariements entre des versants de march&eacute;s multiples&nbsp;&raquo; (<em>ibid</em>.). Enfin, si T&euml;nk est n&eacute;cessairement amen&eacute; &agrave; travailler l&rsquo;&eacute;ditorialisation de son offre &ndash; c&rsquo;est-&agrave;-dire &agrave; exploiter les possibilit&eacute;s &laquo;&nbsp;de mise en forme et de structuration d&rsquo;un contenu dans un environnement num&eacute;rique&nbsp;&raquo; afin de favoriser sa visibilit&eacute; et son accessibilit&eacute; (Vitali-Rosati, 2020) &ndash; c&rsquo;est avant tout dans un objectif de &laquo;&nbsp;s&eacute;lection de contenus en vue de leur production/diffusion&nbsp;&raquo; (Bullich, 2021, p.&nbsp;59).</p> <p>Analyser les strat&eacute;gies de T&euml;nk comme des tentatives de mettre en place un &eacute;cosyst&egrave;me technico-&eacute;conomique n&rsquo;a d&egrave;s lors qu&rsquo;une port&eacute;e heuristique pour le moins limit&eacute;e, lesdites tentatives se limitant finalement &agrave; tenter d&rsquo;initier des collaborations / coop&eacute;rations entre des acteurs vari&eacute;s et notamment des prestataires techniques &laquo;&nbsp;nouveaux&nbsp;&raquo;. Il s&rsquo;agit-l&agrave; d&rsquo;une d&eacute;marche en soi assez classique dans le cadre d&rsquo;un fonctionnement en fili&egrave;re amont-aval. &Agrave; cet &eacute;gard, ces initiatives sont plut&ocirc;t &agrave; envisager comme des aptitudes (in&eacute;gales) &agrave; interagir avec diff&eacute;rents secteurs industriels, celles-ci demeurant fragiles et engendrant parfois des tensions (p. ex.&nbsp;lorsque que T&euml;nk voit ses orientations strat&eacute;giques mises &agrave; mal par les revirements d&rsquo;acteurs techniques dont elle d&eacute;pend directement). D&egrave;s lors et dans une perspective critique, le concept de &laquo;&nbsp;cha&icirc;ne de co-op&eacute;ration&nbsp;&raquo; propos&eacute; par Bullich (2019) semble effectivement plus en mesure de saisir la r&eacute;alit&eacute; des logiques &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre.</p> <p>En l&rsquo;esp&egrave;ce, l&rsquo;&eacute;ventuelle pertinence des concepts d&rsquo;&eacute;cosyst&egrave;me et de plateformes pour comprendre les strat&eacute;gies d&rsquo;acteurs tels que T&euml;nk se situe peut-&ecirc;tre davantage dans leur capacit&eacute; &agrave; agir comme une forme d&rsquo;id&eacute;ologie performative qui guide les strat&eacute;gies d&rsquo;acteurs, alors m&ecirc;me que nous observons une certaine permanence des logiques sociales propres aux fili&egrave;res &laquo;&nbsp;historiques&nbsp;&raquo; des industries audiovisuelles et cin&eacute;matographiques. En cons&eacute;quence, il conviendrait de les envisager comme une id&eacute;ologie injonctive et performative v&eacute;hicul&eacute;e par les &laquo;&nbsp;nouveaux&nbsp;&raquo; partenaires avec lesquels T&euml;nk doit travailler, mais &eacute;galement par ces interlocuteurs &laquo;&nbsp;historiques&nbsp;&raquo; tels que le CNC ou Europe Cr&eacute;ative MEDIA. Cette tendance concourrait ainsi &agrave; &laquo;&nbsp;reformater&nbsp;&raquo; en partie le cadre symbolique dans lequel cette soci&eacute;t&eacute; oriente son action. D&egrave;s lors, si nous avons pu observer une pr&eacute;gnance de la fili&egrave;re dont T&euml;nk est issue, cette soci&eacute;t&eacute; se trouve n&eacute;anmoins pris dans une n&eacute;cessit&eacute; de se &laquo;&nbsp;convertir&nbsp;&raquo; aux logiques &eacute;cosyst&eacute;miques, alors m&ecirc;me qu&rsquo;elle ne dispose pas encore de toute l&rsquo;expertise pour en tirer pleinement profit.</p> <h3>Bibliographie</h3> <p>Becker, H. S. (1985). <em>Outsiders&nbsp;: &Eacute;tudes de sociologie de la d&eacute;viance</em>. Paris&nbsp;: &Eacute;ditions M&eacute;taili&eacute;.</p> <p>Becker, H. S. (1988). <em>Les mondes de l&rsquo;art</em>. Paris&nbsp;: Flammarion.</p> <p>Benghozi, P. J. et Chantepie, P. (2022). Jeux vid&eacute;o&nbsp;: d&rsquo;une industrie technique &agrave; une industrie culturelle. <em>Regards crois&eacute;s sur l&rsquo;&eacute;conomie</em>, 30-31, 75-84.</p> <p>Bullich, V. (2019). <em>Contributions &agrave; la th&eacute;orie des industries culturelles</em>, Habilitation &agrave; diriger des recherches en sciences de l&rsquo;information et de la communication, Universit&eacute; Grenoble Alpes.</p> <p>Bullich, V. (2021). Plateforme, plateformiser, plateformisation&nbsp;: le p&eacute;ril des mots qui occultent ce qu&rsquo;ils nomment. <em>Questions de communication</em>, 40, 47-70. Rep&eacute;r&eacute; &agrave; https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/27413</p> <p>Cailler, B. et Taillibert, C. (2019). Les services de m&eacute;dias audiovisuels &agrave; la demande&nbsp;: le mod&egrave;le t&eacute;l&eacute;visuel revisit&eacute;. <em>T&eacute;l&eacute;vision</em>, 10, 71-87.</p> <p>Campion, B. (2019). Plateformes de SVOD&nbsp;: les nouveaux networks de la t&eacute;l&eacute;vision am&eacute;ricaine&nbsp;?. <em>T&eacute;l&eacute;vision</em>, 10, 53-69.</p> <p>Chantepie, P. et Paris, T. (2021). <em>&Eacute;conomie du cin&eacute;ma</em>. Paris&nbsp;: La D&eacute;couverte.</p> <p>Chesbrough, H. (2006). Open innovation: a new paradigm for understanding industrial innovation. Dans Chesbrough, H., Vanhaverbeke, W. et West, J. (dir.), <em>Open Innovation : researching a new Paradigm</em>. Oxford : Oxford University Press.</p> <p>Creton, L. (2020). &Eacute;conomie du cin&eacute;ma&nbsp;: Perspectives strat&eacute;giques. Paris&nbsp;: Armand Colin.</p> <p>CNC (2022). <em>Bilan 2021 du CNC</em>. Bilans s&eacute;ries &amp; TV.</p> <p>CNC et CSA (2018). La vid&eacute;o &agrave; la demande par abonnement en France&nbsp;: march&eacute; et strat&eacute;gies des acteurs. &Eacute;tudes prospectives.</p> <p>Delaporte, C. (2019). La m&eacute;diation g&eacute;n&eacute;rique des contenus cin&eacute;matographiques sur les plateformes de vid&eacute;o &agrave; la demande. <em>R&eacute;seaux</em>, 217, 151-184.</p> <p>Dessinges, C. et Perticoz, L. (2019). Les consommations de s&eacute;ries t&eacute;l&eacute;vis&eacute;es des publics &eacute;tudiants face &agrave; Netflix&nbsp;: une autonomie en question. <em>Les Enjeux de l&rsquo;information et de la communication</em>, 20(1), 5-23.</p> <p>Guibert, G., Rebillard, F. et Rochelandet, F. (2016). <em>M&eacute;dias, culture et num&eacute;rique&nbsp;: Approches socio&eacute;conomiques</em>. Paris&nbsp;: Armand Colin.</p> <p>Koenig, G. (2012). Le concept d&rsquo;&eacute;cosyst&egrave;me d&rsquo;affaires revisit&eacute;. <em>M@n@gement</em>, 15, 209-224.</p> <p>Le&nbsp;Diberder, A. (2019). <em>La nouvelle &eacute;conomie de l&rsquo;audiovisuel</em>. Paris&nbsp;: La D&eacute;couverte.</p> <p>Mi&egrave;ge, B. (2017). Les industries culturelles et cr&eacute;atives face &agrave; l&rsquo;ordre de l&rsquo;information et de la communication. Grenoble&nbsp;: PUG.</p> <p>M&oelig;glin, P. (dir.) (1998). <em>L&rsquo;industrialisation de la formation&nbsp;: &eacute;tat de la question</em>. Paris&nbsp;: Centre national de documentation p&eacute;dagogique.</p> <p>M&oelig;glin, P. (2007). Des mod&egrave;les socio-&eacute;conomiques en mutation. Dans Bouquillion, P. et Comb&egrave;s, Y. (dir.), <em>Les industries de la culture et de la communication en mutation</em>. Paris :&nbsp;L&rsquo;Harmattan, 151-162.</p> <p>M&oelig;glin, P. (2012). Une th&eacute;orie pour penser les industries culturelles et informationnelles&nbsp;?.&nbsp;<em>Revue fran&ccedil;aise des sciences de l&rsquo;information et de la communication</em>, 1&nbsp;|&nbsp;2012. Rep&eacute;r&eacute; &agrave; https://journals.openedition.org/rfsic/130</p> <p>Moore, J. F. (1993).&nbsp;Predators and Prey: A New Ecology of Competition. <em>Harvard Business Review</em>, 71&nbsp;(3), 75-86.</p> <p>P&eacute;nard, T. et Rallet, A. (2014). De l&rsquo;&eacute;conomie des r&eacute;seaux aux services en r&eacute;seaux&nbsp;: Nouveau paradigme, nouvelles orientations. <em>R&eacute;seaux</em>, 184-185, 71-93.</p> <p>Perticoz, L. (2011). Envisager le jeu vid&eacute;o comme une fili&egrave;re des industries culturelles et m&eacute;diatiques. <em>Les Enjeux de l&rsquo;information et de la communication</em>, 12(1), 125-142. Rep&eacute;r&eacute; &agrave; https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2011/varia/09-envisager-le-jeu-video-comme-une-filiere-des-industries-culturelles-et-mediatiques/</p> <p>Perticoz, L. (2019). Fili&egrave;re de l&rsquo;audiovisuel et plateformes SVOD&nbsp;: une analyse crois&eacute;e des strat&eacute;gies de Disney et Netflix.&nbsp;<em>tic&amp;soci&eacute;t&eacute;</em>, Vol. 13, N&deg; 1-2&nbsp;|&nbsp;-1, 323-353. Rep&eacute;r&eacute; &agrave;&nbsp;https://journals.openedition.org/ticetsociete/3470</p> <p>Shapiro C. et Varian H. R. (1999). &Eacute;conomie de l&rsquo;information, guide strat&eacute;gique de l&rsquo;&eacute;conomie des r&eacute;seaux. Paris&nbsp;: De&nbsp;Boeck.</p> <p>Taillibert, C. (2020). <em>Vid&eacute;o &agrave; la demande&nbsp;: une nouvelle m&eacute;diation&nbsp;? R&eacute;flexions autour des plateformes cin&eacute;philes fran&ccedil;aise</em>. Paris&nbsp;: L&rsquo;Harmattan.</p> <p>Thuillas, O. et Wiart, L. (2019). Plateformes alternatives et coop&eacute;ration d&rsquo;acteurs&nbsp;: quels mod&egrave;les d&rsquo;acc&egrave;s aux contenus culturels&nbsp;?. <em>tic&amp;soci&eacute;t&eacute;</em>, Vol. 13, N&deg; 1-2&nbsp;|&nbsp;-1, 13-41. Rep&eacute;r&eacute; &agrave;&nbsp;https://journals.openedition.org/ticetsociete/3043</p> <p>Tremblay, G. et Lacroix, J.-G. (1991). <em>T&eacute;l&eacute;vision Deuxi&egrave;me Dynastie</em>. Qu&eacute;bec&nbsp;: PUQ.</p> <p>Vitali-Rosati, M. (2020). Pour une th&eacute;orie de l&rsquo;&eacute;ditorialisation.&nbsp;<em>Humanit&eacute;s num&eacute;riques</em>, 1&nbsp;|&nbsp;2020. Rep&eacute;r&eacute; &agrave; https://journals.openedition.org/revuehn/371</p> <p>Wiart, L. (2021). Comment Netflix b&acirc;tit son empire. <em>Nectart</em>, 13, 124-133.</p> <p><br /> <sup><a href="#body_1" name="bas_1">[1]</a></sup> <q>Un mod&egrave;le d&rsquo;affaires (business model) d&eacute;crit la mani&egrave;re dont une organisation cr&eacute;e, d&eacute;livre et s&rsquo;approprie de mani&egrave;re coh&eacute;rente de la valeur &eacute;conomique&nbsp;[...].&nbsp;Il s&rsquo;agit d&rsquo;une m&eacute;thode d&rsquo;expansion, de combinaison et d&rsquo;exploitation de ressources afin de cr&eacute;er et de commercialiser des biens et des services innovants, dont la valeur surpasse ce qu&rsquo;offrent d&eacute;j&agrave; les concurrents et dont les revenus g&eacute;n&egrave;rent une profitabilit&eacute; &agrave; l&rsquo;entreprise qui l&rsquo;adopte</q> (Guibert, Rebillard et Rochelandet, 2016).</p> <p><sup><a href="#body_2" name="bas_2">[2]</a></sup>&nbsp;Au 31 d&eacute;cembre 2018, T&euml;nk &eacute;tait quasiment &agrave; l&rsquo;&eacute;quilibre financier, ce qui lui permis de lancer les pr&eacute;achats. Ainsi, en France, les plateformes SVOD sont encadr&eacute;es par un arr&ecirc;t&eacute; de 2018 qui impliquent qu&rsquo;elles ne peuvent pas &ecirc;tre coproductrices des &oelig;uvres qu&rsquo;elles diffusent et peuvent uniquement les pr&eacute;acheter. En d&rsquo;autres termes, T&euml;nk ne peut pas &ecirc;tre propri&eacute;taire des droits d&rsquo;exploitation commerciale des &oelig;uvres qu&rsquo;elle diffuse sur sa plateforme et qu&rsquo;elle pr&eacute;ach&egrave;te. Le statut juridique de T&euml;nk, en droit fran&ccedil;ais, rel&egrave;ve de celui des SMAD (Service de M&eacute;dias Audiovisuels &agrave; la Demande) qui ne peuvent donc qu&rsquo;&ecirc;tre pr&eacute;-acheteurs.</p> <p><sup><a href="#body_3" name="bas_3">[3]</a></sup>Depuis la rentr&eacute;e 2022, T&euml;nk est disponible via son application t&eacute;l&eacute;chargeable pour Android TV et Apple TV, ce qui lui permet de pallier en partie ce probl&egrave;me de visibilit&eacute; / accessibilit&eacute; de son offre.</p>