<p><br /> Introduction<br /> Contexte<br /> En l&rsquo;espace de 30 ans, la r&eacute;volution num&eacute;rique a boulevers&eacute; nos pratiques de recherche d&rsquo;informations. Entre les m&eacute;thodes des ann&eacute;es 90, date du rapport Martre, et les pratiques actuelles, il y a eu des changements majeurs. Ces changements sont caract&eacute;ris&eacute;s notamment par :<br /> - Une concentration extraordinaire des outils de recherche dans les mains de quelques acteurs de taille mondiale : les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft).<br /> - La fin de l&rsquo;anonymat des recherches, et le suivi des internautes dans toutes leurs interactions num&eacute;riques.<br /> - Des capacit&eacute;s in&eacute;gal&eacute;es d&rsquo;influence.</p> <p>Il est donc essentiel de r&eacute;fl&eacute;chir &agrave; ce que ces bouleversements vont entrainer.<br /> - Pour ce faire, nous allons nous concentrer sur un des acteurs majeurs de cette r&eacute;volution : Alphabet / Google. S&rsquo;il n&rsquo;est pas le seul &agrave; profiter de cette concentration des pouvoirs informationnels, il est n&eacute;anmoins un des plus pr&eacute;sents dans les actions de recherche d&rsquo;information des internautes. Dans cet article nous utiliserons par commodit&eacute; la marque Google comme un synonyme d&rsquo;Alphabet, le nom de l&rsquo;entit&eacute; qui coiffe l&rsquo;ensemble des produits de la firme de Montain View.<br /> - Nous allons aussi nous concentrer sur un public cible : les professionnels de l&rsquo;information : archivistes, documentalistes, veilleurs, professionnels de l&rsquo;intelligence &eacute;conomique (IE). Si ces acteurs ont bien &eacute;videmment des m&eacute;tiers tr&egrave;s diff&eacute;rents, tous ont en commun d&rsquo;avoir une vision tr&egrave;s fine de l&rsquo;importance de &laquo; l&rsquo;information &raquo;. L&rsquo;information est leur mati&egrave;re premi&egrave;re, que ce soit pour l&rsquo;archiver, la mettre &agrave; disposition, la surveiller, l&rsquo;utiliser comme outil d&rsquo;information ou la prot&eacute;ger.<br /> - Enfin, nous allons nous concentrer sur une partie des activit&eacute;s des professionnels de l&rsquo;informations : les actions de recherche et de veille. Nous allons laisser de c&ocirc;t&eacute; les actions qu&rsquo;ils peuvent mener en termes d&rsquo;influence, de s&eacute;curit&eacute; informationnelle (deux piliers des activit&eacute;s d&rsquo;IE), de documentation, d&rsquo;archivage ou d&rsquo;analyse.</p> <p>Objectifs poursuivis<br /> En partant de l&rsquo;observation des pratiques des professionnels de l&rsquo;information sur les aspects recherche d&rsquo;information et de veille, notre objectif est de comprendre la place de Google et d&rsquo;analyser comment ils se positionnent face &agrave; ce g&eacute;ant du num&eacute;rique.<br /> Notre hypoth&egrave;se est que le caract&egrave;re indispensable de Google dans les activit&eacute;s de recherche d&rsquo;informations pose un probl&egrave;me fondamental d&rsquo;autonomie informationnelle.</p> <p>M&eacute;thode de collecte<br /> Nous avons mis en place deux m&eacute;thodes de collecte.<br /> - Quantitative, avec un questionnaire en ligne&nbsp; qui a recueilli 306 r&eacute;ponses en date du 25 juin 2021. C&rsquo;est sur cette base que le pr&eacute;sent article a &eacute;t&eacute; &eacute;crit. A noter que le questionnaire sera disponible en ligne pendant plusieurs ann&eacute;es pour disposer, &agrave; terme, de l&rsquo;&eacute;chantillon le plus large possible.<br /> - Qualitative, avec 30 entretiens semi-directifs men&eacute;s avec des professionnels de l&rsquo;information : directeurs et responsables veille ou IE, veilleurs, analystes, consultants, professeurs. Le choix de ces personnes s&rsquo;est fait en fonction de deux crit&egrave;res :<br /> &nbsp;o Leur anciennet&eacute; dans le domaine de la gestion de l&rsquo;information. Nous avons privil&eacute;gi&eacute; ceux ayant une longue exp&eacute;rience et donc une possibilit&eacute; de comparaison avec le temps recul&eacute; o&ugrave; Google n&rsquo;&eacute;tait pas aussi pr&eacute;sent.<br /> &nbsp;o Leur activit&eacute;. Nous avons privil&eacute;gi&eacute; les personnes ayant un poste qui leur permet d&rsquo;avoir un recul critique sur les m&eacute;thodes de recherche.</p> <p>Les deux m&eacute;thodes retenues impliquent &eacute;videmment un risque de biais d&rsquo;&eacute;chantillon(Bronner, 2013), dont nous avons essay&eacute; de nous affranchir comme suit :<br /> - D&rsquo;abord au niveau du questionnaire : Pour &eacute;viter une surrepr&eacute;sentation des membres de notre r&eacute;seau relationnel&nbsp; (Marcon &amp; Moinet, 2000) de niveau 1 (contact direct) et de niveau 2 (contact de contact) nous avons mis en place deux actions :<br /> &nbsp;o Nous avons incit&eacute; les r&eacute;pondants au questionnaire &agrave; le renseigner de mani&egrave;re anonyme. Ceci pour leur permettre une prise de parole la plus libre possible.<br /> &nbsp;o Nous avons demand&eacute; &agrave; des r&eacute;seaux divers de relayer le questionnaire. Sa diffusion s&rsquo;est ainsi faite au travers de multiples canaux, notamment : Associations d&rsquo;anciens &eacute;l&egrave;ves (Via le Portail de l&rsquo;IE, Cell&rsquo;IE, Anciens du master IE de la Sorbonne, &hellip;). Les revues Archimag et Veille Magazine. L&rsquo;espace de communication de l&rsquo;ADBS. Le r&eacute;seau Interdoc. Ainsi que des relais en pays francophones comme la Suisse, la Belgique, le Canada, ou le Maroc, &hellip; Certains relais ont tr&egrave;s bien fonctionn&eacute;, comme les relais en Suisse d&rsquo;o&ugrave; 80 r&eacute;ponses sont parvenues.</p> <p>- Ensuite au niveau des interviews orales, pour lesquelles le risque de biais d&rsquo;&eacute;chantillon &eacute;tait encore plus important.<br /> &nbsp;o Pour minimiser ce biais, nous avons rappel&eacute; en amont de l&rsquo;interview l&rsquo;importance d&rsquo;un t&eacute;moignage le plus libre possible, et soulign&eacute; que l&rsquo;utilisation des propos &eacute;mis serait anonymis&eacute;e.</p> <p>Se pose d&egrave;s lors la question de la repr&eacute;sentativit&eacute; des r&eacute;ponses. Quelle est le pourcentage de r&eacute;pondants par rapport &agrave; la cible totale, repr&eacute;sent&eacute;e par l&rsquo;ensemble des professionnels de l&rsquo;information ?</p> <p>&nbsp;</p> <p><img height="262" src="https://www.numerev.com/img/ck_723_18_image-20210709144309-8.png" width="915" /></p> <p>Tableau 1</p> <p>&nbsp;</p> <p><img height="277" src="https://www.numerev.com/img/ck_723_18_image-20210709144335-9.png" width="879" /></p> <p>Tableau 2</p> <p>Nous nous sommes livr&eacute;s &agrave; une estimation du nombre de profils Linkedin. Nous avons interrog&eacute; Google avec des op&eacute;rateurs de recherche sp&eacute;cifiques. La requ&ecirc;te ci-dessous visait &agrave; rechercher ceux qui mentionnaient dans le titre de leur profil un des mots suivants : archiviste, documentaliste, analyste veille, responsable veille, directeur veille, directrice veille, veille marketing, veille commerciale, veille concurrentielle, veille communication, veille technologique, veille normative, veille juridique, veille strat&eacute;gique, intelligence &eacute;conomique, intelligence strat&eacute;gique (les requ&ecirc;tes sur Google sont limit&eacute;es &agrave; 32 mots).</p> <p>&nbsp;</p> <p><img height="242" src="https://www.numerev.com/img/ck_723_18_image-20210709144411-10.png" width="1085" /></p> <p>Tableau 3</p> <p><br /> Nous sommes bien s&ucirc;r conscients que cette estimation est imparfaite et comporte de nombreux biais :<br /> - Tous les professionnels de l&rsquo;information n&rsquo;ont pas un profil dans Linkedin.<br /> - Les profils des professionnels de l&rsquo;information peuvent tr&egrave;s bien ne pas comporter les mots cl&eacute;s recherch&eacute;s, et peuvent par exemple &ecirc;tre r&eacute;dig&eacute;s dans d&rsquo;autres langues.<br /> - Ces profils ont pu &ecirc;tre mal index&eacute;s par Google.<br /> - Les chiffres pr&eacute;sent&eacute;s par Google varient et ne sont pas fiables.<br /> - Le mot &laquo; veille &raquo; est polys&eacute;mique (utilis&eacute; comme synonyme de gardiennage, il est aussi un patronyme) et ne peut &ecirc;tre utilis&eacute; comme mot cl&eacute; seul.</p> <p>N&eacute;anmoins, &agrave; d&eacute;faut d&rsquo;un meilleur comptage, cela nous donne quand m&ecirc;me une estimation grossi&egrave;re : 20 000 profils de professionnels de l&rsquo;information francophones dans Linkedin. Apr&egrave;s quelques &eacute;changes avec des personnes du secteur il semblerait que nous puissions doubler ce chiffre. Ce qui fait que nous aurions environ 0,8% du public cible (306/40 000)</p> <p>Notre &eacute;chantillon ne peut donc pas &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute; comme repr&eacute;sentatif et l&rsquo;ensemble des &eacute;l&eacute;ments pr&eacute;sent&eacute;s ci-dessous doit donc &ecirc;tre interpr&eacute;t&eacute; avec pr&eacute;caution. Nous avons plac&eacute; un grand nombre de citations (verbatims), qui sont une des principales richesses de notre collecte. Dans les trois parties suivantes nous allons passer en revue les r&eacute;sultats obtenus en ce qui concerne l&rsquo;utilisation, la perception et le positionnement face &agrave; Google.</p> <p>Utilisation de Google<br /> Dans cette premi&egrave;re partie, nous allons &eacute;tudier l&rsquo;utilisation de trois produits Google particuli&egrave;rement utiles pour la recherche d&rsquo;information et la veille : le navigateur, le moteur de recherche et l&rsquo;outil d&rsquo;alerte.</p> <p>Navigateur Google Chrome<br /> Les professionnels de l&rsquo;information utilisent &agrave; plus de 40% le navigateur Firefox. Cela est nettement sup&eacute;rieur &agrave; la moyenne en France qui &eacute;tait de moins de 20% au comptage Statista&nbsp; en 2018.<br /> Cela peut &ecirc;tre interpr&eacute;t&eacute; comme une volont&eacute; de diversification des outils num&eacute;riques. On notera que cela place Firefox en premi&egrave;re utilisation, devant Chrome. On notera aussi l&rsquo;utilisation de Brave, Opera, Vivaldi ou Tor, qui t&eacute;moigne d&rsquo;une recherche de discr&eacute;tion et d&rsquo;anonymat (6% pour ces quatre navigateurs cumul&eacute;s).<br /> &nbsp;</p> <p><img height="297" src="https://www.numerev.com/img/ck_723_18_image-20210709144425-11.png" width="605" /><br /> Diagramme 1</p> <p>Moteur de recherche<br /> La diversification est plus compliqu&eacute;e pour le choix du moteur de recherche o&ugrave; Google est choisi dans pr&egrave;s de 70% des cas. Ce chiffre est impressionnant mais il est en dessous des statistiques nationales en France qui pr&eacute;sentent Google comme le moteur de recherche par d&eacute;faut sur ordinateur de plus de 83% des Fran&ccedil;ais selon webrankinfo .<br /> &nbsp;</p> <p><img height="379" src="https://www.numerev.com/img/ck_723_18_image-20210709144435-12.png" width="605" /><br /> Diagramme 2</p> <p>Dans le cadre des interviews, nous avons demand&eacute; les raisons de ce choix :<br /> - L&rsquo;argument majeur est la qualit&eacute; de l&rsquo;indexation de Google, qui est tr&egrave;s appr&eacute;ci&eacute;e des professionnels, tr&egrave;s naturellement exigeants en termes de pertinence des r&eacute;sultats.<br /> - Les biais de classement des r&eacute;sultats sont connus et accept&eacute;s.<br /> - Certains experts ont ajout&eacute; &laquo; l&rsquo;habitude &raquo;, voire &laquo; l&rsquo;addiction &raquo; :<br /> &nbsp;o &laquo; Et il y a aussi l&rsquo;habitude de l&rsquo;environnement de Google. Je sais qu&rsquo;il y a des biais avec des r&eacute;sultats en phase avec mes pr&eacute;c&eacute;dentes recherches, mais globalement, la place de Google dans la recherche est tr&egrave;s forte. Il y a une v&eacute;ritable addiction &raquo;. (Itw 16 )<br /> &nbsp;o &laquo; Je me rappelle tr&egrave;s bien ma premi&egrave;re rencontre avec Google. (&hellip;) Il y avait &agrave; l&rsquo;&eacute;poque beaucoup d&rsquo;outils, c&rsquo;&eacute;tait surcharg&eacute;. Ca clignotait de partout. Et l&agrave; Google propose un &eacute;cran blanc, la virginit&eacute;. C&rsquo;est pur, c&rsquo;est presque divin. Google n&rsquo;est pas une entreprise, c&rsquo;est une Eglise. (&hellip;) Cela a d&ucirc; jouer sur l&rsquo;addiction. Car c&rsquo;est une forme d&rsquo;addiction. &raquo; (Itw 23)<br /> - L&rsquo;utilisation de Google est souvent articul&eacute;e avec d&rsquo;autres outils, par exemple des bases de donn&eacute;es professionnelles. Google intervenant par exemple pour des recherches sur des nouveaux sujets l&agrave; o&ugrave; les bases existantes sont inop&eacute;rantes :<br /> &nbsp;o &laquo; J&rsquo;utilise Google pour un premier niveau de recherche quand je ne connais pas le sujet. J&rsquo;utilise aussi Scholar. Parfois il y a des perles. &raquo; (Itw8 )<br /> - Les professionnels connaissent les solutions alternatives :<br /> &nbsp;o &laquo; Mais toutes les recherche que je fais ne passent pas forc&eacute;ment par Google. Selon le degr&eacute; de confidentialit&eacute;, si le sujet est tr&egrave;s sensible, je passe par Duckduckgo via Tor &raquo;. (Itw 2)<br /> &nbsp;o &laquo; J&rsquo;utilise extr&ecirc;mement majoritairement Google. J&rsquo;ai fait des tests avec d&rsquo;autres moteurs pour des raisons presque id&eacute;ologiques. Mais je reviens toujours &agrave; Google. &raquo; (Itw 26) .</p> <p>L&rsquo;utilisation du r&eacute;seau relationnel est devenue le parent pauvre de la recherche comme le montre le graph suivant (Tableau 4 et Diagramme 3) :</p> <p>Question : Quelle est votre m&eacute;thodologie de recherche ?<br /> &nbsp;</p> <p><img height="241" src="https://www.numerev.com/img/ck_723_18_image-20210709144447-13.png" width="605" /><br /> Tableau 4<br /> &nbsp;</p> <p><img height="400" src="https://www.numerev.com/img/ck_723_18_image-20210709144457-14.png" width="605" /><br /> Diagramme 3</p> <p><br /> Le reflexe est pour pratiquement tous les r&eacute;pondants de rechercher sur Google. Seul deux interview&eacute;s d&eacute;plorent ouvertement l&rsquo;obsession de la recherche par mot cl&eacute; via les moteurs et l&rsquo;abandon des sources :<br /> &nbsp;o &laquo; Avec les moteurs de recherche, on a tendance &agrave; abandonner la notion essentielle de &laquo; sources &raquo;. On va tout de suite sur un moteur de recherche, en n&eacute;gligeant la r&eacute;flexion personnelle, pr&eacute;liminaire, et en n&eacute;gligeant de se poser cette question fondamentale : &laquo; qui a l&rsquo;information ? &raquo;. L&rsquo;abandon de Yahoo en tant que r&eacute;pertoire a &eacute;t&eacute; un signe pr&eacute;coce de l&rsquo;abandon de la source. L&rsquo;abandon de la maitrise de sources signifie de facto l&rsquo;abandon de l&rsquo;analyse de la source. &raquo; (Itw 14)</p> <p><br /> Outil de veille<br /> Google offre un outil de surveillance appel&eacute; Google Alerte. Mais qui est tr&egrave;s peu utilis&eacute; par les r&eacute;pondants.<br /> - Pr&egrave;s de 50% des r&eacute;pondants n&rsquo;en utilisent pas.<br /> - Pr&egrave;s de 40% ont moins de 20% d&rsquo;alertes Google dans leur veille.</p> <p>Les interviews viennent &eacute;clairer cette pratique :<br /> - L&rsquo;utilisation des Alertes Google est pratiquement nulle pour ceux qui ont une plateforme professionnelle ou des bases de donn&eacute;es. Parfois les Alertes Google sont la survivance d&rsquo;un ancien param&eacute;trage avant la mise en place de solutions plus professionnelles :<br /> &nbsp;o &laquo; J&rsquo;ai juste quelques alertes Google, mis en place il y a 7 ans, sur quelques sujets. &raquo; (Itw7)<br /> &nbsp;o &laquo; La part d&rsquo;Alertes Google dans mon syst&egrave;me de veille est pratiquement nulle. Actuellement il me reste 5 Google Alertes sur 1300 sources. La quasi-int&eacute;gralit&eacute; de mes sources sont des fils RSS et des sources Twitter. &raquo; (Itw 14)<br /> &nbsp;o &laquo; Je d&eacute;teste les alertes Google, je ne trouve pas cela efficace. Je ne trouve pas cela pertinent. En outre au bout d&rsquo;un moment il me semble que cela s&rsquo;amenuise &raquo; (Itw8 )<br /> - Au mieux Google est utilis&eacute; pour trouver des sources. La suite du process de veille est donc ind&eacute;pendante de Google Alerte.<br /> &nbsp;o &laquo; Je fais des recherches avec Google. Je trouve des sources pertinentes. Puis je mets la source sous surveillance. &raquo;<br /> - Par contre, les veilleurs peuvent avoir du mal &agrave; convaincre leurs coll&egrave;gues qui pensent que Google constitue l&rsquo;alpha et l&rsquo;om&eacute;ga de l&rsquo;utilisation du web.<br /> - Certains veilleurs peuvent quand m&ecirc;me avoir des Alertes Google pour trois raisons : Pour surveiller ce que leurs coll&egrave;gues obtiennent. Pour v&eacute;rifier qu&rsquo;ils n&rsquo;ont rien oubli&eacute; de flagrant. Pour surveiller les biais algorithmiques de Google dans sa s&eacute;lection des actualit&eacute;s.<br /> - Pour finir ce tour d&rsquo;horizon, il faut mentionner que les petites structures sont plus d&eacute;pendantes des Alertes Google car les outils de veille professionnels et les bases de donn&eacute;es sont on&eacute;reux.</p> <p>En conclusion de cette partie sur les pratiques, nous pouvons retenir que :<br /> - La recherche est tr&egrave;s li&eacute;e &agrave; Google.<br /> - Le choix du navigateur est plus libre.<br /> - La veille ne passe pratiquement pas par Google.<br /> Qu&rsquo;en est-il de la perception du g&eacute;ant de Montain View ?</p> <p>Perception de Google<br /> Dans cette seconde partie, nous allons essayer de mesurer la perception de Google par les professionnels de l&rsquo;information. Nous les avons interrog&eacute;s sur l&rsquo;efficacit&eacute; des outils, leur sentiment de d&eacute;pendance, d&rsquo;influence, et leur vision de l&rsquo;avenir.</p> <p>Efficacit&eacute;<br /> Pour mesurer l&rsquo;efficacit&eacute; et la satisfaction, nous avons pos&eacute; une question dans l&rsquo;enqu&ecirc;te en ligne :<br /> - Globalement, avez-vous le sentiment que les solutions Google/Alphabet vous AIDENT significativement pour votre activit&eacute; de gestion de l&#39;information ?<br /> &nbsp;o Oui&nbsp;&nbsp; &nbsp;&nbsp;&nbsp; &nbsp;&nbsp;&nbsp; &nbsp;62%<br /> &nbsp;o Non&nbsp;&nbsp; &nbsp;&nbsp;&nbsp; &nbsp;&nbsp;&nbsp; &nbsp;22,3<br /> &nbsp;o Je ne sais pas&nbsp;&nbsp; &nbsp;&nbsp;&nbsp; &nbsp;15,7</p> <p>Tous les interview&eacute;s ont t&eacute;moign&eacute; de l&rsquo;efficacit&eacute; per&ccedil;ue de Google :<br /> &nbsp;o &laquo; On a essay&eacute; de nous imposer Hedge / Bing en natif. On trouve tous Bing insupportable. On a test&eacute; sur les deux moteurs (Google / Bing). On a test&eacute; aussi Qwant. Google est le plus performant. &raquo; (Itw 17)</p> <p>D&eacute;pendance<br /> Pour mesurer la d&eacute;pendance dans la recherche, nous avons pos&eacute; trois questions dans le questionnaire :<br /> - Est-ce que le changement de mod&egrave;le &eacute;conomique de Google, et l&rsquo;obligation de payer pour les outils Google, pourrait impacter votre syst&egrave;me d&rsquo;information professionnel ? Pr&egrave;s de 60% ont d&eacute;clar&eacute; que l&rsquo;impact serait fort.<br /> - Est-ce que la disparition des produits Google pourrait impacter votre syst&egrave;me d&rsquo;information professionnel ? Pr&egrave;s de 50% ont d&eacute;clar&eacute; que l&rsquo;impact serait fort.<br /> - Est-ce que vous vous sentez d&eacute;pendant des produits Google ? 44% ont r&eacute;pondu oui.</p> <p>Les interviews pr&eacute;cisent ces positions :<br /> Il y a un sentiment de d&eacute;pendance dans la recherche pour la majorit&eacute; des r&eacute;pondants. Google a &eacute;clips&eacute; chez pratiquement tous les interview&eacute;s les diff&eacute;rents modes de recherche notamment l&rsquo;appel au r&eacute;seau relationnel.<br /> &nbsp;o &laquo; Avant on avait l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie du &laquo; gars qui savait tout &raquo;. On allait le voir. On a arr&ecirc;t&eacute; ce mode de recherche et on est pass&eacute; &agrave; un tout Google avec ses d&eacute;rives n&eacute;gatives. On ne se l&egrave;ve pas de sa chaise. On passe par un outil unique. On ne demande plus aux coll&egrave;ges. &raquo; (Itw 12)<br /> Google a aussi &eacute;cras&eacute; tous les moteurs concurrents. Comme vu plus haut, des exp&eacute;riences de changement d&rsquo;un moteur de recherche par d&eacute;faut permettent de mesurer la d&eacute;pendance.<br /> &nbsp;o &laquo; Clairement il n&rsquo;y a pas de sentiment de d&eacute;pendance. Sauf que l&rsquo;exp&eacute;rience du changement de moteur de recherche par d&eacute;faut vers Lilo a quand m&ecirc;me cr&eacute;&eacute; une lev&eacute;e de bouclier au d&eacute;part. Beaucoup de coll&egrave;gues ont enlev&eacute; Lilo comme moteur par d&eacute;faut pour remettre Google &raquo; (Itw7).<br /> &nbsp;o &laquo; Oui clairement, vu la puissance du moteur Google, s&rsquo;il n&rsquo;&eacute;tait plus l&agrave; ce serait compliqu&eacute;. De temps en temps je vais sur Bing. Mais je ne suis pas satisfait. Vu la pr&eacute;cision des r&eacute;ponses et la taille de l&rsquo;index de Google, je suis d&eacute;pendant du moteur. Mais je suis encore plus d&eacute;pendant de Gmail qui est devenu central pour moi. Il y a une vraie d&eacute;pendance en outil de recherche. &raquo; (Itw 24)</p> <p>Par contre il n&rsquo;y a aucun sentiment de d&eacute;pendance pour les activit&eacute;s de veille. Les Alertes &eacute;tant tr&egrave;s peu utilis&eacute;es comme vu pr&eacute;c&eacute;demment.</p> <p>Influence<br /> Pour mesurer l&rsquo;influence de Google dans la recherche, nous avons pos&eacute; une question dans le questionnaire :<br /> - Est-ce que vous vous sentez influenc&eacute; par Google ? 43,3% ont r&eacute;pondu &laquo; non &raquo;. 43% ont r&eacute;pondu &laquo; oui &raquo;. 13,7% ont r&eacute;pondu &laquo; Je ne sais pas &raquo;</p> <p>Les avis &eacute;mis durant les interviews sont tr&egrave;s polaris&eacute;s :<br /> - 43,3% ne se sentent pas influenc&eacute;s :<br /> &nbsp;o &laquo; Je pense que Google va continuer &agrave; se d&eacute;velopper. Je n&rsquo;ai pas une vision n&eacute;gative de Google, m&ecirc;me s&rsquo;il y a des exploitations de la data. Je ne suis pas na&iuml;ve, je connais leurs pratiques, mais je ne me sens pas manipul&eacute;e. Il y a un service de qualit&eacute;. Ils mettent les moyens. Je ne vais pas utiliser d&rsquo;autres moteurs moins pertinents juste pour une question de souverainet&eacute;. Je n&rsquo;ai pas du tout cette approche. S&rsquo;ils int&egrave;grent de nouvelles fonctionnalit&eacute;s, par exemple en intelligence artificielle, cela sera b&eacute;n&eacute;fique pour l&rsquo;utilisateur. Quand j&rsquo;ai une recherche confidentielle je ne la fais pas par Google, tout simplement. &raquo; (Itw 15).<br /> &nbsp;o &laquo; Je ne me sens pas du tout influenc&eacute; par Google. Par contre, la masse l&rsquo;est certainement. Je fais des recherches sur des entit&eacute;s nomm&eacute;es et je ne per&ccedil;ois pas de risque d&rsquo;influence. Par exemple je recherche dans Wikipedia ou Linkedin et Google me sert d&rsquo;interm&eacute;diaire. Il n&rsquo;y a pas d&rsquo;influence l&agrave;-dedans. &raquo; (Itw 25)<br /> - Pour 43% l&rsquo;influence est &eacute;vidente. Un interview&eacute; soul&egrave;ve que les Am&eacute;ricains ont leur propre syst&egrave;me de valeur, qui peut les amener &agrave; faire disparaitre des &eacute;l&eacute;ments qui peuvent &ecirc;tre pertinents, qui pourraient compl&eacute;ter notre vision et compr&eacute;hension du monde. Ces filtres cr&eacute;ent un biais dommageable.<br /> &nbsp;o &laquo; Sur la question des bulles de filtre, le fait qu&rsquo;il y a une compr&eacute;hension de plus en plus fine de notre recherche, c&rsquo;est un souci pour les veilleurs que nous sommes car nous devons faire les requ&ecirc;tes les plus neutres possibles. &raquo; (Itw 11)<br /> &nbsp;o &laquo; La vision du monde est personnalis&eacute;e. Ce que je trouve le plus g&ecirc;nant, c&rsquo;est que Google soit devenu un moteur de r&eacute;sultat, puis de publicit&eacute;, avec pour finir une vision &laquo; z&eacute;ro clic &raquo;. C&rsquo;est-&agrave;-dire que l&rsquo;on doit tout avoir sur la page Google. Ainsi c&rsquo;est vraiment la vision de Google qui s&rsquo;impose. Par exemple on va taper &laquo; France Portugal &raquo; &hellip; et va avoir les r&eacute;sultats du match comme Google veut bien les afficher. Et l&rsquo;internaute ne va pas aller sur d&rsquo;autres sites pour avoir un autre acc&egrave;s &agrave; la source de l&rsquo;information. Ces autres sites d&rsquo;information vont s&rsquo;appauvrir et d&eacute;p&eacute;rir. Google va organiser les r&eacute;sultats de la mani&egrave;re qui l&rsquo;arrange sans que l&rsquo;on s&rsquo;en rende compte. &raquo; (Itw 24)<br /> - Pr&egrave;s de 14% ne savent pas r&eacute;pondre. Lors des interviews nous avons men&eacute; le d&eacute;bat sur le possible formatage (mot qui va certes plus loin que l&rsquo;influence) de notre vision du monde par Google. Le terme &laquo; formatage &raquo; a &eacute;tonn&eacute; plusieurs de nos interlocuteurs :<br /> &nbsp;o &laquo; J&rsquo;avoue que je ne me suis pas pos&eacute; la question. &raquo; (Itw 8 )<br /> &nbsp;o &laquo; Avant de recevoir l&rsquo;enqu&ecirc;te je ne m&rsquo;&eacute;tais m&ecirc;me pas pos&eacute; la question. Avec le num&eacute;rique nous sommes en totale adaptation. Cette ann&eacute;e je travaille diff&eacute;remment de l&rsquo;ann&eacute;e derni&egrave;re et l&rsquo;ann&eacute;e prochaine sera pareil. On s&rsquo;adapte en permanence. La seule chose qui pourrait &ecirc;tre inqui&eacute;tante serait la disparition des outils ou le passage au payant. &raquo; (Itw 10)</p> <p>Prospective<br /> Nous avons essay&eacute; de mesurer la projection des professionnels de l&rsquo;information dans l&rsquo;avenir.</p> <p>A la question : &laquo; Pensez-vous que votre activit&eacute; professionnelle pourrait &ecirc;tre mise en danger par Google dans les 3 &agrave; 5 ans ? &raquo; Les r&eacute;ponses se r&eacute;partissent comme suit :<br /> - Non pour 52,3%<br /> - Je ne sais pas pour 24,5%<br /> - Oui pour 18,7%<br /> - Je ne comprends pas la question pour 4,5%</p> <p>La encore les interviews viennent &eacute;clairer ces statistiques.<br /> 52% envisagent une forme de statu quo. L&rsquo;argument principal est que Google ne sera jamais pr&eacute;sent dans le domaine de la veille car le march&eacute; n&rsquo;est pas int&eacute;ressant.<br /> &nbsp;o &laquo; Je suis assez confiante et je pense que Google ne sera jamais vraiment pr&eacute;sent au niveau de la veille car les professionnels de l&rsquo;information ne sont pas les cibles de Google. Je ne le vois pas se lancer dans cette dynamique. Par exemple Scholar pourrait &ecirc;tre am&eacute;lior&eacute;, leur moteur est mauvais. Et puis ils ont abandonn&eacute; Google Reader ! Je ne pense donc pas que cela soit une piste de d&eacute;veloppement. Nous ne sommes pas assez nombreux. Et nous sommes trop critiques, trop exigeants. &raquo; (Itw8 )<br /> - Dans cette cat&eacute;gorie, rares sont ceux qui pr&eacute;voient une chute de Google. Le t&eacute;moignage qui suit fait exception :<br /> &nbsp;o &laquo; Oui bien s&ucirc;r, c&rsquo;est un formatage &agrave; vocation purement marchande avec une recherche d&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie. Ce que je constate pour l&rsquo;instant, c&rsquo;est que cela marche plut&ocirc;t bien pour lui, &agrave; une nuance : Google va subir le m&ecirc;me mal que les autres supports : lassitude. Il n&rsquo;&eacute;chappera pas &agrave; la chute telle que d&eacute;finie par McLuhan concernant les m&eacute;dias (la presse &eacute;crite, la t&eacute;l&eacute;vision). Google va passer par cette phase de pic puis de baisse. Il n&rsquo;&eacute;chappera pas &agrave; cette chute. &raquo; (Itw 22)<br /> Pr&egrave;s de 25% ne savent pas :<br /> &nbsp;o &laquo; Jamais eu aucun message qui aille dans le sens d&rsquo;une autonomie informationnelle. Je ne me suis jamais pos&eacute; la question. Je ne sais pas. (&hellip;) Il y a probablement des choses &agrave; faire. Je ne sais pas. Le combat est plut&ocirc;t l&eacute;gitime et int&eacute;ressant. Mais est-ce que c&rsquo;est encore rattrapable ? On s&rsquo;interroge assez peu. &raquo; (Itw 10)<br /> Moins de 20% pensent que Google va &ecirc;tre plus pr&eacute;sent jusqu&rsquo;&agrave; repr&eacute;senter un danger pour la profession. M&ecirc;me s&rsquo;il y a un saut technologique, la vision est que le moteur Google en profitera et sera encore meilleur. Il indexera plus de donn&eacute;es, on pourra l&rsquo;interroger en langage naturel, et il sera encore plus sophistiqu&eacute;. Il fera corps avec nous.<br /> &nbsp;o &laquo; La phase suivante est un Google int&eacute;gr&eacute; en soi. Un compagnon, un &eacute;l&eacute;ment avec une porosit&eacute; totale avec soi. &raquo; (Itw 13)<br /> &nbsp;o &laquo; Je crois aussi que Google a les comp&eacute;tences pour &eacute;tendre et mailler son r&eacute;seau et que sa puissance de gestion des informations, et d&rsquo;interconnexion les objets et les humains est immense. &raquo; (Itw 26)<br /> &nbsp;o &laquo; Il aura une place monopolistique qui va tuer la diversit&eacute;. Si je me mets sur les bases du lib&eacute;ralisme, Google est un Golem qui est en train de bouffer le syst&egrave;me. Les GAFAM font des &laquo; killer acquisition &raquo;, ils sont tellement puissants qu&rsquo;ils ach&egrave;tent la concurrence pour les tuer dans l&rsquo;&oelig;uf. Si on n&rsquo;a pas cela en t&ecirc;te on va passer &agrave; c&ocirc;t&eacute; de quelque chose tr&egrave;s important. Les GAFAM ne vont pas s&rsquo;arr&ecirc;ter au moteur de recherche, leur boulimie va &ecirc;tre tout-azimut. C&rsquo;est tr&egrave;s dangereux pour l&rsquo;&eacute;conomie et pour la d&eacute;mocratie. &raquo; (Itw 21)</p> <p>En conclusion de cette partie, nous pouvons retenir que la perception de Google est positive pour la moiti&eacute; des r&eacute;pondants, mais qu&rsquo;un sentiment de d&eacute;pendance et une perception d&rsquo;un danger ne sont pas absents. Il est temps de d&eacute;finir les trois postures face &agrave; Google.<br /> Positionnement face &agrave; Google<br /> Dans cette derni&egrave;re partie, nous allons essayer de d&eacute;terminer les attitudes des professionnels de l&rsquo;information. A priori, trois se d&eacute;tachent : les satisfaits, les pragmatiques, les r&eacute;sign&eacute;s.</p> <p>Satisfaction assum&eacute;e<br /> Ce segment affiche une satisfaction assum&eacute;e et utilisent Google sans &eacute;tat d&rsquo;&acirc;me.<br /> &nbsp;o &laquo; Je suis un tr&egrave;s gros d&eacute;pendant de Google, m&ecirc;me un peu limite. Je suis tr&egrave;s favorable &agrave; Google. (&hellip;) Google joue le r&ocirc;le d&rsquo;un service public parfois m&ecirc;me mieux qu&rsquo;un service public &raquo;. (Itw 28).</p> <p>Pragmatisme opportuniste<br /> Ce segment a une vision ambivalente mais ne veut pas changer de m&eacute;thode.<br /> - &laquo; Je ne suis pas s&ucirc;r que ce soit que Google qui soit le probl&egrave;me : il y a 7 ou 10 soci&eacute;t&eacute;s qui sont probl&eacute;matiques, et elles ne sont pas connues. Ce sont notamment les grands brookers d&rsquo;informations. Google n&rsquo;est qu&rsquo;un des rouages. C&rsquo;est un probl&egrave;me syst&eacute;mique. Google en tant que tel pourrait &ecirc;tre probl&eacute;matique s&rsquo;il diffuse une vision du monde et fait de la politique. &raquo; (Itw 25)</p> <p>R&eacute;signation<br /> Ce segment voit dans Google une part de danger, mais utilise ses outils contraint et forc&eacute;.<br /> &nbsp;o &laquo; La monopolisation de la recherche par Google est emb&ecirc;tante, mais j&rsquo;ai fait le deuil des alternatives. &raquo; (Itw 29)<br /> &nbsp;o &laquo; Non je ne vais pas abandonner Google, car m&ecirc;me si l&rsquo;entreprise est probl&eacute;matique, les services que j&rsquo;utilise sont tr&egrave;s performants. Apr&egrave;s, j&rsquo;ai un recul critique :&nbsp; quand je vois certains r&eacute;sultats, je sais que c&rsquo;est affich&eacute; &agrave; leur mani&egrave;re, retravaill&eacute;. Mais je ne vois pas d&rsquo;outils alternatifs qui me feraient abandonner leurs outils avec leur puissance de recherche. &raquo; (Itw 24)<br /> &nbsp;o &laquo; Finalement c&rsquo;est une d&eacute;pendance accept&eacute;e. (&hellip;) C&rsquo;est une d&eacute;pendance lucide et accept&eacute;e. (&hellip;) Je sais que les Am&eacute;ricains regardent ce que l&rsquo;on rentre dans Google. Il y a un &eacute;quilibre entre b&eacute;n&eacute;fices et risques. &raquo; (Itw 30)<br /> &nbsp;o &laquo; Cette question est tr&egrave;s tr&egrave;s dure pour moi. C&rsquo;est tr&egrave;s flippant pour moi. Je ne sais pas trop. Ce que je sais, c&rsquo;est que le c&ocirc;t&eacute; toile d&rsquo;araign&eacute;e de Google (je suis full Google, mon tel, maps, drive, &hellip;) le c&ocirc;t&eacute; environnement o&ugrave; tout est connect&eacute; est flippant mais tellement pratique. M&ecirc;me si cela a des inconv&eacute;nients en termes d&rsquo;anonymat, on fait avec. &raquo; (Itw 17)</p> <p>Mais ceci &eacute;tant pos&eacute;, une lecture fine des r&eacute;sultats r&eacute;v&egrave;le chez beaucoup des r&eacute;pondants une position paradoxale qui transcende les trois cat&eacute;gories pr&eacute;sent&eacute;es ci-dessus.</p> <p>Paradoxes et dissonance cognitive<br /> Nous allons illustrer l&agrave; encore cette id&eacute;e avec une analyse des r&eacute;ponses au questionnaire et aux interviews. 68 r&eacute;pondants au questionnaire ont r&eacute;pondu oui &agrave; la question &laquo; Etes-vous d&eacute;pendant ? &raquo; et &laquo; Etes-vous influenc&eacute; ? &raquo; Sur la base de cet &eacute;chantillon, nous avons extrait les r&eacute;ponses &agrave; la question sur la perception de Google. Presque la moiti&eacute; ont n&eacute;anmoins une vision positive et tr&egrave;s positive.</p> <p><br /> &nbsp;<img height="210" src="https://www.numerev.com/img/ck_723_18_image-20210709144651-15.png" width="605" /><br /> Diagramme 4</p> <p><br /> 23 r&eacute;pondants ont dit &ecirc;tre d&eacute;pendant, influenc&eacute; et pensent que leur activit&eacute; professionnelle pourrait &ecirc;tre mise en danger par Google dans les 3 &agrave; 5 ans. N&eacute;anmoins environ un tiers a encore une vision positive ou tr&egrave;s positive de Google.<br /> <img height="195" src="https://www.numerev.com/img/ck_723_18_image-20210709144703-16.png" width="605" />&nbsp;<br /> Diagramme 5</p> <p><br /> Une question permettait de d&eacute;tecter les personnes tr&egrave;s sensibilis&eacute;es &agrave; la souverainet&eacute; num&eacute;rique. Sur ces 135 personnes, pr&egrave;s de 30% ont une vision positive ou tr&egrave;s positive de Google.<br /> <img height="250" src="https://www.numerev.com/img/ck_723_18_image-20210709144710-17.png" width="605" />&nbsp;<br /> Diagramme 6</p> <p>Une part significative voit donc Google positivement m&ecirc;me s&rsquo;ils se sentent d&eacute;pendant, influenc&eacute; et m&ecirc;me en danger. Les interviews viennent compl&eacute;ter ce constat.</p> <p>- On peut noter des contradictions r&eacute;guli&egrave;res dans les propos tenus, parfois au sein d&rsquo;une m&ecirc;me phrase, bien illustr&eacute;es avec ces verbatims :<br /> &nbsp;o &laquo; Effectivement, s&rsquo;il est trop monopolistique, m&ecirc;me si c&rsquo;est le cas aujourd&rsquo;hui, cela pourrait &ecirc;tre probl&eacute;matique &raquo; (Itw1).<br /> &nbsp;o &laquo; Non je n&rsquo;ai pas de sentiment de d&eacute;pendance, je connais d&rsquo;autres outils. (pause ) On atteint un niveau de d&eacute;pendance tr&egrave;s dangereux, voire m&ecirc;me bient&ocirc;t un point de non-retour. Les personnes, les entreprises, les pays seront bient&ocirc;t dans une bulle virtuelle g&eacute;r&eacute;e par Google. &raquo; (Itw 20).<br /> &nbsp;o &laquo; J&rsquo;ai des coll&egrave;gues dont l&rsquo;esprit est tr&egrave;s critique sur la confidentialit&eacute; et qui pourtant continuent &agrave; utiliser les solutions Google et &agrave; enseigner leur utilisation. Cela ne les emp&ecirc;che pas de continuer &agrave; faire comme si de rien n&rsquo;&eacute;tait. Je pense notamment &agrave; un coll&egrave;gue qui enseigne le droit de l&rsquo;information, l&rsquo;&eacute;thique, avec une tr&egrave;s grande lucidit&eacute; sur les questions informationnelles, mais qui utilise tout l&rsquo;&eacute;cosyst&egrave;me Alphabet. &raquo; (Itw 26)<br /> &nbsp;o En d&eacute;but d&rsquo;entretien : &laquo; Je suis tr&egrave;s favorable &agrave; Google &raquo;. En milieu d&rsquo;entretien : &laquo; Cette d&eacute;pendance me g&ecirc;ne. Je vis avec cette peur. &raquo; Et en fin d&rsquo;entretien &laquo; On va avoir dans l&rsquo;algorithme des &eacute;l&eacute;ments d&rsquo;id&eacute;ologie qui devient totalitaire. (&hellip;) Cela me rappelle le marxisme ou le fascisme. (&hellip;) Nous allons vers cette id&eacute;ologie totalitaire. &raquo; (Itw 28)<br /> &nbsp;o &laquo; Est-ce qu&rsquo;il y a un formatage des esprits ? pfff. Non, mais trois points de suspension . Car c&rsquo;est vrai que c&rsquo;est un outil, un service, un compagnon, que l&rsquo;on utilise tous, c&rsquo;est &laquo; big brother &raquo;. On sait bien en m&ecirc;me temps qu&rsquo;il utilise nos donn&eacute;es &hellip; comment faire sans &hellip; il n&rsquo;y a pas d&rsquo;alternative, si ce n&rsquo;est rester critique et lucide. Je laisse la question sans y r&eacute;pondre. &raquo; (Itw 30)<br /> - On peut noter aussi une forme de malaise illustr&eacute; par ces propos. Comme si exprimer le danger potentiel de Google faisait tomber dans la th&eacute;orie du complot.<br /> &nbsp;o &laquo; Je pense que Google est dangereux, m&ecirc;me si je ne veux pas sombrer dans une forme de complotisme. &raquo; (Itw4)<br /> &nbsp;o &laquo; Dans la recherche il y a de faibles probabilit&eacute;s pour que Google perde du terrain. L&rsquo;entreprise sera capable d&rsquo;&eacute;voluer pour &eacute;tendre son h&eacute;g&eacute;monie, il rach&egrave;tera d&rsquo;autres outils, il tissera sa toile. Il est trop loin pour se faire distancer. Les amendes ne suffiront pas. M&ecirc;me un Etat n&rsquo;a pas les moyens de r&eacute;tablir notre souverainet&eacute; sur l&rsquo;aspect recherche. Je suis limite complotiste sur ce sujet, &agrave; penser que Google a des plans que l&rsquo;on ne connait pas pour nous encercler toujours plus. Google chercher &agrave; conqu&eacute;rir le territoire complet. &raquo; (Itw 16)<br /> - Certains revendiquent totalement le paradoxe de bien comprendre le danger mais de l&rsquo;accepter. Un des meilleures traductions de ce positionnement est certainement ce verbatim particuli&egrave;rement int&eacute;ressant :<br /> &nbsp;o &laquo; Google n&rsquo;est absolument pas probl&eacute;matique. Tout syst&egrave;me issu d&rsquo;un groupe d&rsquo;Humain n&rsquo;est pas un probl&egrave;me et fait partie de l&rsquo;&eacute;volution. Je revendique d&rsquo;&ecirc;tre paradoxal : Si je disais que c&rsquo;&eacute;tait un probl&egrave;me, c&rsquo;est que je ne serai pas adapt&eacute;, et que ce serait moi le probl&egrave;me. &raquo; (Itw 13)</p> <p>L&rsquo;analyse des r&eacute;sultats du questionnaire et encore plus des interviews montrent donc un d&eacute;calage important entre la pratique (avec notamment une utilisation massive du moteur de recherche) et la perception de Google (vue comme un outil monopolistique, influent, voire dangereux, dont on est d&eacute;pendant).<br /> Ce type d&eacute;calage entre une perception et une pratique porte le nom de dissonance cognitive(Festinger, 1957). On peut lire dans Wikipedia &laquo; En psychologie sociale, la dissonance cognitive est la tension interne propre au syst&egrave;me de pens&eacute;es, croyances, &eacute;motions et attitudes (cognitions) d&#39;une personne lorsque plusieurs d&#39;entre elles entrent en contradiction l&#39;une avec l&#39;autre. Le terme d&eacute;signe &eacute;galement la tension qu&#39;une personne ressent lorsqu&#39;un comportement entre en contradiction avec ses id&eacute;es ou croyances. &raquo;</p> <p>Une partie des professionnels de l&rsquo;information interrog&eacute;s semblent tout &agrave; fait dans ce cas. Il est n&eacute;anmoins difficile de la quantifier pour l&rsquo;instant.</p> <p>Il y a trois techniques pour diminuer la dissonance :<br /> - Changer son comportement ou bien changer ses id&eacute;es ou croyances : Nous avons vu certains verbatims o&ugrave; l&rsquo;interview&eacute; reconnaissait que le monopole de Google pouvait &ecirc;tre un probl&egrave;me, mais statuait que ce monopole-l&agrave; n&rsquo;en &eacute;tait pas un.<br /> - Justifier un comportement ou ses id&eacute;es, am&eacute;nager la cognition conflictuelle : Pareillement, nous avons des t&eacute;moignages qui affirment qu&rsquo;ils utilisent Google, tout en sachant que les r&eacute;sultats peuvent &ecirc;tre biais&eacute;s, pour voir ce que leurs coll&egrave;gues voient ou pour essayer de d&eacute;crypter les biais de Google. Cela peut &ecirc;tre vu comme une forme &laquo; d&rsquo;am&eacute;nagement &raquo;.<br /> - Justifier son comportement en ajoutant de nouvelles r&egrave;gles : dans ce dernier cas de figure, nous avons des professionnels qui avancent qu&rsquo;ils n&rsquo;ont tout simplement pas le choix. La nouvelle r&egrave;gle sera dans ce cas &laquo; l&rsquo;obligation de performance &raquo;.</p> <p>Conclusion<br /> Comment les professionnels de l&rsquo;information appr&eacute;hendent-ils les outils Google / Alphabet ? L&rsquo;analyse des pratiques et de la perception d&rsquo;Alphabet nous montre que les professionnels de l&rsquo;information sont dans une situation difficile que l&rsquo;on pourrait appeler un pi&egrave;ge cognitif. Ils se doivent d&rsquo;utiliser les meilleurs outils de recherche, et sont donc oblig&eacute;s de passer par Google. Dont ils connaissent par ailleurs la position monopolistique, le potentiel d&rsquo;influence et de dangerosit&eacute;. Ils doivent ainsi am&eacute;nager une forme de dissonance cognitive.</p> <p>On peut se demander si ces am&eacute;nagements conscientis&eacute;s ne sont pas dangereux pour les professionnels de l&rsquo;information. Car leur r&ocirc;le fondamental est de g&eacute;rer les informations dans leur organisation, avoir un recul critique sur la r&eacute;volution num&eacute;rique en cours, former leurs collaborateurs, apporter du renseignement aux d&eacute;cideurs. Ils devraient donc logiquement &ecirc;tre les garants d&rsquo;une orthodoxie en mati&egrave;re de recul critique et d&rsquo;analyse des situations. Chose qu&rsquo;une partie d&rsquo;entre eux semble avoir du mal &agrave; faire vis-&agrave;-vis de Google. Abraham Maslow(Maslow, 1966) affirmait que si le seul outil que nous avons est un marteau, nous tendrons &agrave; voir tout probl&egrave;me comme un clou ! Si Google devient notre unique marteau, notre approche du monde aura la forme d&rsquo;un clou, ou pour dire les choses autrement, aura la forme que Google voudra bien lui donner.</p> <p>Mais ce n&rsquo;est pas Google qui en l&rsquo;occurrence est probl&eacute;matique. C&rsquo;est la pratique des professionnels de l&rsquo;information. Il semble n&eacute;cessaire de r&eacute;installer une pluralit&eacute; des modes de recherche d&rsquo;information pour le plus grand b&eacute;n&eacute;fice des professionnels qui, ce faisant, b&eacute;n&eacute;ficieront d&rsquo;une baisse de cette tension cognitive. Les dynamiques de souverainet&eacute; num&eacute;rique (Bellanger, 2014) vont justement dans ce sens. Laissons le mot de la fin &agrave; l&rsquo;un des interview&eacute;s, pour qui &laquo; Google, c&rsquo;est d&rsquo;abord une solution. Mais cela pourrait devenir un probl&egrave;me &raquo; ! (Itw 30)</p> <p>&nbsp;</p> <p><br /> Bibliographie</p> <p>Bellanger, P. La souverainet&eacute; num&eacute;rique. Stock. (2014).<br /> Bronner, G. La d&eacute;mocratie des cr&eacute;dules. Presses Universitaires de France. (2013).<br /> Festinger, L. A Theory of Cognitive Dissonance. Stanford University Press. (1957).<br /> Marcon, C., &amp; Moinet, N.. La strat&eacute;gie-r&eacute;seau : Essai de strat&eacute;gie. 00h00 Editions. (2000)<br /> Maslow, A. H.. The Psychology of Science : A Reconnaissance. Harper &amp; Row. (1966)<br /> Morozov, E. Pour tout r&eacute;soudre, cliquez ici : L&rsquo;aberration du solutionnisme technologique. FYP &eacute;ditions. (2014).</p> <p>&nbsp;</p>