<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;, serif">Bonjour Fran&ccedil;ois TADDEI, merci d&#39;avoir accept&eacute; de me recevoir ici &agrave; Paris, au <a href="https://www.learningplanetinstitute.org/" style="color:blue; text-decoration:underline"><i>Learning Planet Institute</i></a><i> </i>pour r&eacute;aliser cette interview dont une partie sera diffus&eacute;e dans le cadre de la F&ecirc;te de la Science &agrave; l&#39;universit&eacute; Paul-Val&eacute;ry &ndash; Montpellier 3 et une autre qui sera publi&eacute;e dans la nouvelle revue scientifique <w:sdt id="1278683759" sdttag="goog_rdk_3">LHUMAINE.</w:sdt> Par nos &eacute;changes, l&#39;id&eacute;e est de contribuer &agrave; la d&eacute;finition du positionnement des travaux men&eacute;s par les diff&eacute;rents membres de notre unit&eacute; dans la dynamique actuelle des unit&eacute;s des humanit&eacute;s num&eacute;riques. Avec mes coll&egrave;gues, Nathalie Auger et Chrysta P&eacute;lissier, compte tenu de vos responsabilit&eacute;s au sein du d&eacute;partement fronti&egrave;re du vivant et de l&rsquo;apprendre, nous avons pris le parti de construire cette interview sur cette id&eacute;e de &laquo;&nbsp;fronti&egrave;re&nbsp;&raquo; qui, selon nous, transpara&icirc;t dans plusieurs de vos activit&eacute;s. En effet, Fran&ccedil;ois Taddei, vous avez un parcours et un profil de chercheur et de penseur que je caract&eacute;riserais &agrave; la fois d&rsquo;acad&eacute;mique et de non acad&eacute;mique. Aujourd&#39;hui, vous &ecirc;tes directeur de recherche &agrave; l&#39;Inserm en <i>G&eacute;n&eacute;tique mol&eacute;culaire, &eacute;volutif et m&eacute;dical</i>, mais aussi en <i>Education</i>. Avec Ariel Lindner, vous avez cofond&eacute; le CRI (Centre de Recherche<w:sdt id="90912095" sdttag="goog_rdk_7">s</w:sdt> Interdisciplinaire<w:sdt id="-618218825" sdttag="goog_rdk_8">s</w:sdt>) en 200<w:sdt id="1400943407" sdttag="goog_rdk_9">6</w:sdt>, devenu le <i>Learning Planet Institute</i><w:sdt id="-241022801" sdttag="goog_rdk_11"><i> en 2021</i></w:sdt>, et vous avez notamment conduit des r&eacute;flexions &agrave; propos des approches &eacute;ducatives innovantes en sciences, comme par exemple les &laquo;&nbsp;<i>Savanturiers</i><w:sdt id="382375409" sdttag="goog_rdk_13"><i>, &eacute;cole de la recherche&nbsp;&raquo;</i></w:sdt>.</span></span></span><br /> &nbsp;</p> <p style="margin-bottom:11px">&nbsp;</p> <p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;, serif"><b><span style="font-variant:small-caps">FRONTI&Egrave;RE, INTERDISCIPLINARIT&Eacute; ET CHERCHEURS INDISCIPLIN&Eacute;S</span></b></span></span></span></p> <p style="margin-bottom:11px">&nbsp;</p> <p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;, serif"><a name="_heading=h.gjdgxs"></a><b>LHUMAINE&nbsp;: </b><i>Dans un premier temps, j&#39;aimerais aborder avec vous l&#39;importance de l&#39;interdisciplinarit&eacute; dans la recherche scientifique universitaire qui nous pr&eacute;occupe tous beaucoup, notamment dans l&rsquo;unit&eacute; de recherche </i>LHUMAIN<i> qui </i><w:sdt id="-1567034023" sdttag="goog_rdk_14"><i>a cet</i></w:sdt><i> objectif d&#39;encourager les travaux interdisciplinaires. En premi&egrave;re question, &laquo;&nbsp;Et si nous&nbsp;&raquo;</i> <w:sdt id="-1419642241" sdttag="goog_rdk_20"><i>faisions</i></w:sdt><i> de la recherche scientifique en r&eacute;elle interdisciplinarit&eacute;, dans une d&eacute;marche collaborative ? Comment aborder, consid&eacute;rer les fronti&egrave;res entre les disciplines acad&eacute;miques, mais aussi entre le monde universitaire, le monde &eacute;conomique et local, au niveau national et international.</i><br /> <br /> <b>Fran&ccedil;ois TADDEI&nbsp;:</b> Vaste<w:sdt id="1162736184" sdttag="goog_rdk_21"> et belle</w:sdt> question<w:sdt id="-1387335179" sdttag="goog_rdk_22"> &agrave; laquelle j</w:sdt>e ne suis pas s&ucirc;r d&#39;avoir la r&eacute;ponse, mais ce qui est s&ucirc;r, c&#39;est qu&rsquo;il faut probablement changer de regard parce que les disciplines, classiquement, ont tendance &agrave; chacune &oelig;uvrer dans leur tour d&#39;ivoire. Il n&#39;est pas compl&egrave;tement &eacute;vident de d&eacute;passer les fronti&egrave;res quand on est dans le mod&egrave;le historique. Si par contre, on prend un probl&egrave;me un tant soit peu complexe, qu&#39;il soit local, national ou global, on obtient des probl&eacute;matiques qui sont enchev&ecirc;tr&eacute;es, quasi fractale entre ces niveaux de l&#39;intime, parfois jusqu&#39;au global. On peut prendre jusqu&#39;&agrave; la crise climatique, la crise d&eacute;mocratique ou la crise sanitaire que l&rsquo;on vit. On voit bien que toutes ces crises impactent l&#39;ensemble de ces dimensions. Mais aucune de ces crises ne peut &ecirc;tre pens&eacute;e par une seule discipline. Pour penser l&#39;ensemble des dimensions qui seraient n&eacute;cessaires &agrave; prendre en compte pour appr&eacute;hender ces crises de mani&egrave;re suffisamment <w:sdt id="1668056959" sdttag="goog_rdk_27">syst&eacute;mique</w:sdt> et holistique pour pr&eacute;tendre &agrave; au moins une description, si ce n&#39;est une capacit&eacute; &agrave; les penser et &eacute;ventuellement &agrave; les r&eacute;soudre, ce qui est ultimement ce dont nous aurions besoin collectivement. Si on veut, ne serait-ce qu&rsquo;aborder ces sujets, on ne pourra pas le faire uniquement sous des angles disciplinaires classiques. Il va falloir inventer d&#39;autres mani&egrave;res de faire, quitte &agrave; d&eacute;passer une partie des contraintes du syst&egrave;me actuel. Or on conna&icirc;t tous ces contraintes et elles ne nous encouragent pas &agrave; sortir des cadres de pens&eacute;e historiques.<br /> <br /> <b>LHUMAINE : </b><i>Ce &laquo;&nbsp;d&eacute;passement&nbsp;&raquo; est-il synonyme d&#39; &laquo;&nbsp;innovation&nbsp;&raquo; ? Avec le fait d&#39;envisager, par exemple, un nouveau positionnement &eacute;thique, puisqu&#39;on parle de plus en plus des enjeux &eacute;thiques, par exemple dans les d&eacute;marches scientifiques d&#39;aujourd&#39;hui&nbsp;?</i><br /> <br /> <b>Fran&ccedil;ois TADDEI&nbsp;:</b> Les questions &eacute;thiques sont effectivement toujours plus essentielles. En m&ecirc;me temps, c&#39;est peut-&ecirc;tre parce qu&#39;on les a oubli&eacute;es pendant trop longtemps. Pour Aristote, par exemple, il y avait trois formes de connaissance&nbsp;: <i>Epist&eacute;m&egrave;</i>, <i>Techn&egrave;</i> et <i>Phronesis</i>.&nbsp; L&rsquo;<i>Epist&eacute;m&egrave;</i>, c&#39;est la connaissance du monde, &ccedil;a a donn&eacute;, la Science, l&#39;&eacute;pist&eacute;mologie. La <i>Techn&egrave;</i>, a donn&eacute; la technologie, la capacit&eacute; &agrave; agir sur le monde. La <i>Phronesis</i>, a donn&eacute; l&#39;&eacute;thique de l&#39;action. Mais o&ugrave; est-elle enseign&eacute;e ? Ou est-elle travaill&eacute;e ? D&#39;autant plus que l&#39;&eacute;thique de l&#39;action est plus complexe aujourd&#39;hui qu&#39;au temps d&#39;Aristote, puisque, au temps d&#39;Aristote, on pouvait s&#39;interroger sur l&#39;impact<w:sdt id="-409852625" sdttag="goog_rdk_30"> de nos actions</w:sdt> sur soi et sur les autres. Mais aujourd&#39;hui, il faut en plus le faire sur des temps longs. Il faut le faire non seulement sur des &eacute;chelles locales, mais aussi sur des &eacute;chelles globales. Notre empreinte carbone &agrave; tous aura des impacts sur le temps long et &agrave; l&#39;&eacute;chelle globale. Ainsi, il n&rsquo;est pas facile de penser cette &laquo;&nbsp;&eacute;thique climatique&nbsp;&raquo;, voire une &eacute;thique interg&eacute;n&eacute;rationnelle. Bien entendu, cela ne peut se faire sans <i>Epist&eacute;m&egrave;</i> ni <i>Techn&egrave;</i>. Nous avons besoin des rapports du GIEC pour &ecirc;tre capable<w:sdt id="212006828" sdttag="goog_rdk_32">s</w:sdt> de comprendre les enjeux climatiques et pour avoir une r&eacute;flexion &eacute;thique sur le sujet. Ces besoins &eacute;thiques sont toujours plus n&eacute;cessaires. Or, ils ne sont pas enseign&eacute;s et il y a trop peu de recherches sur ces sujets. La plupart des recherches sur ces th&eacute;matiques sont descriptives. Elles ne sont pas prescriptives. Ce n&#39;est pas ainsi que l&#39;on va r&eacute;soudre ces probl&egrave;mes globaux. Il faut donc <i>a minima</i> &ecirc;tre capable<w:sdt id="-301305671" sdttag="goog_rdk_33">s</w:sdt> de d&eacute;crire l&#39;ensemble des implications &eacute;thiques de nos actions, de nos r&eacute;flexions, de nos mod&egrave;les de pens&eacute;e, de nos mod&egrave;les d&#39;organisation de la soci&eacute;t&eacute; pour &ecirc;tre capable d&#39;&eacute;ventuellement proposer<w:sdt id="-819267521" sdttag="goog_rdk_34"> et exp&eacute;rimenter</w:sdt> d&#39;autres choses, les tester, les valider ou les invalider.<br /> <br /> <b>LHUMAINE :</b> <i>Vous </i><w:sdt id="1213774536" sdttag="goog_rdk_36"><i>vous </i></w:sdt><i>r&eacute;f&eacute;rez souvent &agrave; la Phronesis d&#39;Aristote. Les chercheurs en qu&ecirc;te de connaissances nouvelles manqueraient-ils de temps et de prudence ? Quel est votre point de vue par rapport &agrave; un manque de vigilance ? </i><br /> <br /> <b>Fran&ccedil;ois TADDEI&nbsp;:</b> Je pense que le manque de temps est probablement une maladie de notre &eacute;poque parce qu&#39;on est aspir&eacute; &agrave; la fois dans des contraintes professionnelles o&ugrave; on a &eacute;norm&eacute;ment de choses &agrave; faire, mais aussi des contraintes sociales, politiques et &eacute;conomiques. La capacit&eacute; &agrave; prendre du recul, la capacit&eacute; &agrave; s&#39;interroger sur d&#39;autres mani&egrave;res de faire&nbsp;? Puis-je prendre du temps pour discuter avec des coll&egrave;gues qui, <i>a priori</i>, sont loin de moi et qui n&eacute;anmoins font des choses compl&eacute;mentaires de ce que j&#39;ai &agrave; faire pour justement pouvoir aborder ces grands enjeux personnels, locaux et globaux et les questions d&#39;&eacute;thique et de <i>phronesis</i> sous-jacentes. Nous sommes aujourd&rsquo;hui incit&eacute;s &agrave; participer &agrave; une course pour nos carri&egrave;res ou pour nos financements. Nous ne sommes donc pas dans une logique <w:sdt id="-1674875925" sdttag="goog_rdk_39">o&ugrave; on</w:sdt> peut prendre ce recul. D&#39;autant qu&rsquo;une bonne partie de notre carri&egrave;re est &eacute;valu&eacute;e de mani&egrave;re mono-disciplinaire. Prendre du temps pour s&#39;ouvrir &agrave; l&#39;autre, aux autres regards, aux autres disciplines n&#39;est absolument pas favoris&eacute;. Or, on a besoin de &ccedil;a. Edgar Morin, qui est quand m&ecirc;me une figure tut&eacute;laire pour nous tous, l&#39;avait bien compris et depuis bien longtemps. N&eacute;anmoins, le syst&egrave;me a trop peu &eacute;volu&eacute; et ce besoin de r&eacute;inventer l&#39;Universit&eacute; me para&icirc;t essentiel. Pour moi, l&#39;Universit&eacute; a plusieurs sp&eacute;cificit&eacute;s par rapport au reste de la soci&eacute;t&eacute;. Tout d&rsquo;abord, citons l&#39;intelligence de l&#39;ensemble des chercheurs et de l&#39;ensemble des disciplines qui y sont repr&eacute;sent&eacute;es, avec le cloisonnement qui est un probl&egrave;me mais qui pourrait &ecirc;tre d&eacute;pass&eacute; si on s&#39;en donnait les moyens. Mais ce n&#39;est pas simple parce qu&#39;il y a toujours plus d&#39;endroits o&ugrave; il y a des chercheurs avec de plus en plus de disciplines&nbsp;: par exemple, le CNRS concentre des chercheurs de tous horizons, et certaines grandes entreprises ont d&#39;excellents chercheurs dans beaucoup de domaines, en particulier sur les interfaces entre l&#39;humain et le num&eacute;rique. Ensuite, l&#39;Universit&eacute;, elle, a aussi une jeunesse qui n&#39;est pas l&agrave; par hasard&nbsp;: une jeunesse qui est l&agrave; pour apprendre, pour s&#39;engager, pour comprendre. La question est alors&nbsp;: est-ce qu&#39;on est capable de faire &eacute;voluer nos universit&eacute;s avec les besoins de cette jeunesse et avec les capacit&eacute;s que le monde acad&eacute;mique peut leur offrir ? Est-ce qu&#39;on peut fabriquer les universit&eacute;s et les laboratoires du monde de demain ? Tr&egrave;s honn&ecirc;tement, je ne vois pas d&#39;autres lieux pour inventer le monde de demain que l&#39;Universit&eacute;&nbsp;; ou s&#39;il en existe d&#39;autres comme la Silicon Valley, je ne suis pas certain qu&#39;on arrive &agrave; des solutions humanistes, inclusives et qui &oelig;uvrent dans le sens de l&#39;int&eacute;r&ecirc;t g&eacute;n&eacute;ral.<br /> <br /> <b>LHUMAINE&nbsp;:</b> Il semble exister une certaine forme de comp&eacute;tition et de concurrence au niveau des chercheurs. On nous demande sans arr&ecirc;t de faire des dossiers d&#39;&eacute;valuation, parfois pour de bonnes raisons finalement, mais cela engendre une pression psychologique g&eacute;n&eacute;rale. On peut alors se demander s&#39;il est possible de penser une recherche humaniste, justement, qui pourrait par exemple int&eacute;grer ce qu&#39;on pourrait appeler la complexit&eacute; de chacun. Une d&eacute;marche o&ugrave; le revers de la m&eacute;daille serait au moins att&eacute;nu&eacute;, voire secondaire.<br /> <br /> <b>Fran&ccedil;ois TADDEI&nbsp;:</b> En fait, je pense, &agrave; titre personnel et plus collectivement, que nous sommes les fruits d&#39;une comp&eacute;tition scolaire, universitaire et scientifique&hellip; Cette comp&eacute;tition qu&rsquo;on n&#39;est pas seul &agrave; subir, est &eacute;galement une comp&eacute;tition &eacute;conomique et une comp&eacute;tition d&eacute;mocratique. Il existe beaucoup de formes de comp&eacute;tition dans le sport et dans la Soci&eacute;t&eacute;. Mais pour gagner dans cette comp&eacute;tition, on est incit&eacute; &agrave; <w:sdt id="-1168474725" sdttag="goog_rdk_44">se </w:sdt>concentrer sur les pratiques qui favorisent notre succ&egrave;s. Or, si vous &ecirc;tes dans cette comp&eacute;tition-l&agrave;, vous oubliez tout ce qui n&#39;est pas mesur&eacute; parce qu&#39;on a tous un temps fini. Le temps que vous passez alors dans le cadre de cette comp&eacute;tition, vous ne le passez pas &agrave; prendre soin de vous ou &agrave; prendre soin des autres, &agrave; prendre soin de la plan&egrave;te. Cette logique-l&agrave; est forc&eacute;ment probl&eacute;matique. C&#39;est vrai &agrave; l&#39;<w:sdt id="-1569257188" sdttag="goog_rdk_46"></w:sdt><w:sdt id="-1224677713" sdttag="goog_rdk_47"></w:sdt>universit&eacute;, mais aussi dans l&#39;&eacute;conomie. Cela est vrai dans divers endroits, parce que s&rsquo;il n&#39;y a que l&#39;argent qui compte et non les impacts sur la soci&eacute;t&eacute; ou sur l&#39;environnement, cela engendre diff&eacute;rents probl&egrave;mes qui nous menacent tous aujourd&#39;hui. Cela est vrai &agrave; toutes les &eacute;chelles et il faut prendre du recul pour s&#39;interroger sur le bien-fond&eacute;, si ce n&#39;est de la comp&eacute;tition, du moins des m&eacute;triques qui sont utilis&eacute;es dans la comp&eacute;tition&nbsp;: est-ce qu&#39;on a vraiment besoin d&#39;une comp&eacute;tition exacerb&eacute;e ? Est-ce qu&#39;on peut imaginer des formes de coop&eacute;ration ? Est-ce qu&#39;on peut imaginer m&ecirc;me des formes nouvelles de comp&eacute;tition, ce qui est le cas dans les sports collectifs, par exemple ? Cela n&#39;a rien de tr&egrave;s original, mais on peut vraiment se poser ces questions. Est-ce qu&#39;on cr&eacute;e des biens publics ou des biens priv&eacute;s ? Est-ce que l&#39;on favorise des succ&egrave;s pour les individus ou pour le<w:sdt id="687805718" sdttag="goog_rdk_52">(s)</w:sdt> collectif<w:sdt id="1025438858" sdttag="goog_rdk_53">(s)</w:sdt>&nbsp;? Si on est dans cette logique d&#39;ultra comp&eacute;tition, on finit <w:sdt id="-2074184391" sdttag="goog_rdk_55">par s&#39;</w:sdt><w:sdt id="1811663238" sdttag="goog_rdk_56">auto </w:sdt><w:sdt id="2036545296" sdttag="goog_rdk_57">exploiter</w:sdt><w:sdt id="1389991587" sdttag="goog_rdk_58"><w:sdt id="-1460412113" sdttag="goog_rdk_59"></w:sdt></w:sdt>. Par voie de cons&eacute;quence, on exploite les autres et la Nature sans scrupules, alors qu&#39;aujourd&#39;hui on a besoin fondamentalement d&#39;apprendre &agrave; prendre soin de soi, des autres et de la plan&egrave;te. Si on veut prendre en compte diff&eacute;rentes dimensions d&#39;un probl&egrave;me, les m&eacute;triques unimodales, unidimensionnelles, vont avoir du mal &agrave; comprendre en compte la complexit&eacute;, car si, par exemple, vous ne prenez qu&#39;une seule m&eacute;trique, si vous ne regardez que l&#39;argent ou que les publications, vous ne regardez pas les impacts sur la Soci&eacute;t&eacute;. Nous avons donc besoin d&#39;autres m&eacute;triques et &eacute;ventuellement d&#39;autres syst&egrave;mes d&#39;incitation. On peut par exemple consid&eacute;rer bien d&#39;autres syst&egrave;mes que ceux qui sont dominants aujourd&#39;hui. On parle beaucoup de la cit&eacute; de la connaissance, mais dans la cit&eacute; de la connaissance, on a besoin d&#39;une forme de reconnaissance. Connaissance et reconnaissance, <i>knowledge</i> et <i>reknowledge</i>, <i>cognition</i> et <i>recognition</i>&hellip; <w:sdt id="-1975523909" sdttag="goog_rdk_62">Tous</w:sdt> ces mots n&rsquo;ont pas &eacute;volu&eacute; par hasard. On a besoin de ces deux facettes. l&#39;Universit&eacute; classique, c&#39;est la reconnaissance des apprentissages des &eacute;tudiants&nbsp;: ce sont les dipl&ocirc;mes&nbsp;; et la reconnaissance du travail des chercheurs&nbsp;: ce sont les publications, les postes, etc. On conna&icirc;t tous ce jeu-l&agrave;. Il a des vertus, on en a tous b&eacute;n&eacute;fici&eacute; d&#39;une mani&egrave;re ou d&#39;une autre. Mais il a aussi beaucoup de d&eacute;fauts et il faut apprendre &agrave; au moins en prendre conscience pour commencer &agrave; en d&eacute;battre et &eacute;ventuellement s&#39;interroger sur quelles alternatives sont possibles. Je ne sais pas s&#39;il faut les d&eacute;cider d&rsquo;en haut ou au contraire, <w:sdt id="1969618724" sdttag="goog_rdk_64">essayer</w:sdt> d&#39;imaginer d&#39;autres syst&egrave;mes. Mais on a besoin de s&#39;ouvrir &agrave; ce questionnement, parce qu&#39;autrement on ne prendra pas en compte cette complexit&eacute;. Quelle autre forme de connaissance et de reconnaissance&nbsp;? En prenant les &eacute;tudiants et leurs apprentissages, on peut d&rsquo;abord pr&eacute;ciser que la formation se d&eacute;roule tout au long de la vie, et plus simplement sous la forme d&rsquo;un dipl&ocirc;me en formation initiale. On apprend pendant toute sa vie et on doit pouvoir obtenir des formes de reconnaissance pour ces apprentissages. On peut imaginer des <i>open badges</i> parce que nos apprentissages ont &eacute;t&eacute; document&eacute;s par nos apprentissages, par exemple quand on a contribu&eacute; &agrave; Wikip&eacute;dia ou rendu une information ou une connaissance disponible pour l&#39;ensemble de la communaut&eacute; (&ccedil;a existe dans beaucoup de domaines). Je pense que cela peut fonctionner, y compris dans le domaine scientifique et acad&eacute;mique. C&#39;est d&rsquo;ailleurs d&eacute;j&agrave; le cas, par exemple, en informatique&nbsp;: si vous &ecirc;tes un codeur, on va regarder au moins autant vos contributions sur des plateformes comme <i>GitHub</i> ou <i>Stack Overflow</i>, et non seulement vos publications uniquement ou <i>a fortiori</i> vos dipl&ocirc;mes qui dateraient de 10, 20 ou 30 ans. Ces <w:sdt id="1071158596" sdttag="goog_rdk_71">dynamiques</w:sdt> sont donc d&eacute;j&agrave; &agrave; l&#39;&oelig;uvre dans certains domaines. En fait, il peut y avoir diff&eacute;rentes formes de reconnaissance. Il y a d&eacute;j&agrave; la reconnaissance que l&#39;on apporte &agrave; son propre travail, &agrave; ses propres apprentissages. Cette capacit&eacute; &agrave; s&#39;auto&eacute;valuer est d&eacute;j&agrave; fondamentale mais elle n&#39;est pas enseign&eacute;e, ou alors tr&egrave;s peu. Il y a la reconnaissance par ses pairs, les pairs du monde acad&eacute;mique pour des universitaires, mais cela peut &ecirc;tre &eacute;galement des pairs dans diff&eacute;rents domaines, comme dans le monde de la musique ou en informatique. Il peut y avoir une reconnaissance par le public qui b&eacute;n&eacute;ficie de ce que vous avez fait. Cela est par exemple tr&egrave;s important pour les musiciens, mais il existe d&rsquo;autres domaines dans lesquels &ccedil;a peut &ecirc;tre vrai. Si vous avez fait quelque chose qui est utile socialement, certaines personnes peuvent vous reconna&icirc;tre. Ensuite, il peut y avoir une reconnaissance par la preuve tangible de ce que vous avez produit&nbsp;: un morceau de musique, un film, un g&acirc;teau, une maison. Ce que vous avez produit est visible, les gens peuvent se l&#39;approprier et porter un regard dessus. Enfin, il y a la reconnaissance acad&eacute;mique, avec le poids de l&#39;institution<w:sdt id="-1250800747" sdttag="goog_rdk_76">,</w:sdt> qui est int&eacute;ressante et qu&#39;il ne faut pas n&eacute;gliger, mais qui n&#39;a pas forc&eacute;ment l&#39;exclusivit&eacute; de cette forme de reconnaissance. Elle peut d&rsquo;ailleurs elle-m&ecirc;me &eacute;ventuellement reconna&icirc;tre d&#39;autres dimensions comme celles que j&#39;ai &eacute;nonc&eacute;es pr&eacute;c&eacute;demment. Les doctorats <i>honoris causa</i> sont une forme de reconnaissance que le monde acad&eacute;mique donne &agrave; des gens g&eacute;n&eacute;ralement pas issus du monde acad&eacute;mique, mais qui ont contribu&eacute;, par leurs r&eacute;flexions ou leurs actions, &agrave; avoir un impact positif sur le monde en g&eacute;n&eacute;ral et sur l&#39;Universit&eacute; en particulier. Je pense que ces dimensions-l&agrave; sont tr&egrave;s int&eacute;ressantes. Est-ce qu&#39;on peut imaginer, par exemple, d&#39;autres dipl&ocirc;mes <i>honoris causa</i>, ou d&#39;autres formes de reconnaissances <i>honoris causa</i>, plus graduelles, plus fines pour ce genre de choses ? Pourquoi pas ? On a le droit de se questionner <i>a minima</i>. Est-ce que seules les universit&eacute;s doivent donner des doctorats <w:sdt id="-500969852" sdttag="goog_rdk_77"><i>honoris caus</i></w:sdt><w:sdt id="1838429013" sdttag="goog_rdk_80"><i>a</i></w:sdt>&nbsp;? Est-ce que &ccedil;a peut &ecirc;tre plus granulaire ? On peut se poser beaucoup de <w:sdt id="449595988" sdttag="goog_rdk_82">questions : est-ce qu&#39;une</w:sdt> UFR, une UMR, etc. pourrait &eacute;ventuellement faire ce genre de choses ? On voit bien qu&#39;il y a un besoin de se questionner sur ces sujets, parce que si l&rsquo;on veut vraiment comprendre la complexit&eacute; du monde, on ne peut le faire seul. Par contre, dans un collectif, qui s<w:sdt id="1771741966" sdttag="goog_rdk_86">au</w:sdt>rait se parler<w:sdt id="-19851554" sdttag="goog_rdk_88">,</w:sdt> qui s<w:sdt id="-1843690609" sdttag="goog_rdk_89">au</w:sdt>rait prendre le temps d&#39;int&eacute;grer ces diff&eacute;rents regards, je pense que des choses deviennent possibles. On en a presque le devoir, en tout cas si on veut aborder cette complexit&eacute;. Je ne vois pas tr&egrave;s bien comment on peut faire autrement que d&#39;inventer d&#39;autres mani&egrave;res d&#39;offrir de la reconnaissance pour ceux qui vont prendre le temps d&#39;aborder cette complexit&eacute;.<br /> <br /> <b>LHUMAINE&nbsp;:</b> Cela me fait penser &agrave; ce que vous d&eacute;veloppez dans votre dernier ouvrage<w:sdt id="1844744057" sdttag="goog_rdk_91">,</w:sdt> quand vous parlez d&#39;<i>intelligence collective</i> et de l&#39;importance des enjeux justement de la mettre en pratique, c&rsquo;est-&agrave;-dire de &laquo;&nbsp;permettre une intelligence collective&nbsp;&raquo;. <w:sdt id="186191536" sdttag="goog_rdk_93">E</w:sdt>n vous &eacute;coutant, je me dis peut-&ecirc;tre que ce serait une voie possible. Peut-&ecirc;tre pas une &laquo;&nbsp;m&eacute;thode&nbsp;&raquo; au sens strict, mais disons une direction &agrave; prendre pour aboutir &agrave; tous ces aspects.<br /> <br /> <b>Fran&ccedil;ois TADDEI&nbsp;:</b> Oui, l&#39;intelligence collective est une mani&egrave;re de dire qu&#39;ensemble on est capable de comprendre des choses qu&#39;on ne saurait comprendre seul. En fait, il y a diff&eacute;rentes formes d&#39;intelligence collective. Il y a des formes assez classiques parce que le monde acad&eacute;mique, si chacun d&#39;entre nous voit plus loin, c<w:sdt id="-139810646" sdttag="goog_rdk_95"></w:sdt><w:sdt id="-634563118" sdttag="goog_rdk_96"></w:sdt>&#39;est parce qu&#39;on gravit sur les &eacute;paules de g&eacute;ants, on le sait depuis le Moyen &Acirc;ge&hellip; On voit bien qu&#39;on a appris des autres g&eacute;n&eacute;rations. Mais en fait, comme il y a 100 fois plus de publications tous les 100 ans depuis 300 ans, on a tendance &agrave; se concentrer sur les quelques publications dans notre champ, qui n&rsquo;est souvent qu&rsquo;un &laquo;&nbsp;sous sous champ&nbsp;&raquo; disciplinaire. On n&#39;a alors plus le temps de lire l&#39;int&eacute;gralit&eacute; d&#39;un champ disciplinaire et encore moins d&#39;autres champs disciplinaires. Au mieux, dans cette logique, on va aborder un <w:sdt id="-1672488087" sdttag="goog_rdk_98">sous-ensemble</w:sdt> de questions complexes n&eacute;cessaires. Par contre, si on prend le temps de discuter avec des coll&egrave;gues et d&#39;int&eacute;grer des regards diff&eacute;rents, de mobiliser l&#39;intelligence collective, y compris de savoirs non-acad&eacute;miques, on peut mieux d&eacute;crire la complexit&eacute; des probl&egrave;mes. Je prends juste un exemple&nbsp;: l&#39;Institut de recherche sur le d&eacute;veloppement, l&rsquo;IRD, a un programme que je trouve tr&egrave;s int&eacute;ressant, dans lequel on travaille non seulement sur les grands bouleversements du monde, le changement climatique, l&#39;&eacute;rosion de la biodiversit&eacute; et toutes leurs cons&eacute;quences, mais &eacute;galement sur un projet que je trouve tr&egrave;s int&eacute;ressant, qui demande &agrave; des jeunes d&#39;interviewer leur grands-parents sur &laquo;&nbsp;c&rsquo;&eacute;tait comment, une ou deux g&eacute;n&eacute;rations plus t&ocirc;t&nbsp;?&nbsp;&raquo;. &laquo;&nbsp;O&ugrave; &eacute;tait le d&eacute;sert ? O&ugrave; &eacute;taient les glaciers ? O&ugrave; en &eacute;tait le littoral, la for&ecirc;t, la ville, la pollution etc. Aujourd&#39;hui, les chercheurs de l&rsquo;IRD, quand ils pr&eacute;sentent leurs travaux dans des conf&eacute;rences internationales, ils pr&eacute;sentent &agrave; la fois les chiffres mais aussi les r&eacute;cits des humains sur leurs objets d&rsquo;&eacute;tude. Cette capacit&eacute; &agrave; contraster les points de vue scientifiques et les points de vue v&eacute;cus par les populations locales <w:sdt id="244303263" sdttag="goog_rdk_101">permet</w:sdt> de donner un autre regard sur des sujets qu&#39;il faut bien entendu aborder scientifiquement, mais pas seulement. Il est n&eacute;cessaire de bien prendre en compte les impacts sur les humains, si on veut &agrave; nouveau prendre en compte cette complexit&eacute; et &eacute;viter que ces populations ne se sentent compl&egrave;tement abandonn&eacute;es face aux difficult&eacute;s qu&#39;elles ressentent. Il faut <i>a minima</i> les entendre et id&eacute;alement co-construire avec elles non seulement du savoir, mais &eacute;ventuellement des solutions. En fait, on a besoin de solutions car ces populations<w:sdt id="-168959030" sdttag="goog_rdk_103"> en</w:sdt> ont besoin. On ne peut plus se contenter d&#39;une trajectoire par d&eacute;faut <w:sdt id="1751853622" sdttag="goog_rdk_107">o&ugrave;</w:sdt> les Lumi&egrave;res, le progr&egrave;s, arriveraient et nous sauveraient tous. Ce n&#39;est pas la trajectoire qu&#39;on est en train de prendre. On a donc besoin d&#39;une vraie capacit&eacute; &agrave; s&#39;interroger et &eacute;ventuellement &agrave; interroger les paradigmes dans lesquels on travaille jusqu&#39;&agrave; aujourd&rsquo;hui. Ces paradigmes ont &eacute;t&eacute; <w:sdt id="2136903971" sdttag="goog_rdk_110">f&eacute;conds.</w:sdt> Autrement, on ne les aurait pas. Mais on sait tous qu&rsquo;un paradigme donn&eacute; ne voit que ce qu&#39;il a envie de voir. De m&ecirc;me qu&#39;on a des biais cognitifs en tant qu&#39;&ecirc;tres humains dot&eacute;s d&#39;un cerveau, on a aussi des biais acad&eacute;miques et les deux ne sont &eacute;videmment pas exclusifs. On passe ainsi &agrave; c&ocirc;t&eacute; de beaucoup de dimensions de cette complexit&eacute;. On a donc besoin de cette intelligence collective et, par exemple, de sciences participatives pour &eacute;couter le point de vue des citoyens sur ces enjeux. On a besoin d&#39;interroger la nouvelle g&eacute;n&eacute;ration, par exemple, sur quel avenir elle souhaite avoir. Or, on peut d&eacute;j&agrave; commencer &agrave; faire cela &agrave; notre &eacute;chelle. Par exemple, pourquoi ne pas r&eacute;inventer l&rsquo;Universit&eacute; avec nos &eacute;tudiants ? <w:sdt id="-890564465" sdttag="goog_rdk_113">Pourquoi ne pas</w:sdt> leur demander ce qu&#39;ils attendent de nous, de ce lieu si singulier et si embl&eacute;matique<w:sdt id="2005165220" sdttag="goog_rdk_115">,</w:sdt> de la possibilit&eacute; de r&eacute;fl&eacute;chir &agrave; la possibilit&eacute; de se questionner ? Mais si on ne questionne pas la mani&egrave;re-m&ecirc;me dont on se questionne, on risque de reproduire le syst&egrave;me &agrave; l&#39;identique. Si on s&rsquo;int&eacute;resse aux universit&eacute;s &agrave; travers les &acirc;ges, elles ont souvent contribu&eacute; au progr&egrave;s intellectuel, mais pas toujours. Pendant les Lumi&egrave;res, les universit&eacute;s fran&ccedil;aises n&#39;ont pas jou&eacute; un r&ocirc;le essentiel. Je ne suis pas exactement <w:sdt id="1309275263" sdttag="goog_rdk_116">ce qu&rsquo;il en &eacute;tait pour</w:sdt> Montpellier, mais la Sorbonne n&rsquo;avait pas tr&egrave;s bonne r&eacute;putation, &agrave; tel point qu&#39;elle a ferm&eacute; apr&egrave;s la R&eacute;volution fran&ccedil;aise. Mais ce n&#39;est pas une fatalit&eacute; parce que les universit&eacute;s &eacute;cossaises ont clairement jou&eacute; un r&ocirc;le tr&egrave;s progressiste &agrave; la m&ecirc;me &eacute;poque. Cette capacit&eacute; &agrave; explorer que les universit&eacute;s ont<w:sdt id="501006401" sdttag="goog_rdk_118">,</w:sdt> &agrave; se r&eacute;inventer pour contribuer aux transformations du monde de mani&egrave;re positive, pas simplement pour les analyser et les d&eacute;noncer, mais &eacute;ventuellement pour proposer des alternatives. Cela suppose donc de mobiliser ce collectif, ce regard multidimensionnel, et d&rsquo;int&eacute;grer le point de vue des jeunes. Il ne s&rsquo;agit pas de leur donner les cl&eacute;s, mais de r&eacute;fl&eacute;chir avec cette g&eacute;n&eacute;ration&nbsp;: quelles sont leurs attentes ? Qu&#39;est-ce qu&#39;on peut inventer ensemble ? Fort de notre compr&eacute;hension de l&#39;histoire, de savoir d&#39;o&ugrave; on vient, savoir o&ugrave; on est, pour mieux r&eacute;fl&eacute;chir &agrave; &laquo;&nbsp;o&ugrave; on va&nbsp;&raquo;.<br /> <br /> <b>LHUMAINE&nbsp;:</b> Il y a aussi toute l&#39;influence de la soci&eacute;t&eacute;, notamment des religions, avant la R&eacute;volution fran&ccedil;aise. A Montpellier l&rsquo;histoire de la facult&eacute; de m&eacute;decine est assez importante et les m&eacute;decins chr&eacute;tiens ne pouvaient pas faire d&#39;autopsies sur les cadavres. Il y avait donc un syst&egrave;me de tunnels sous la ville, entre la Fac<w:sdt id="-1184828580" sdttag="goog_rdk_121">ult&eacute;</w:sdt> de m&eacute;decine et d&#39;autres endroits pour que des m&eacute;decins musulmans puissent les pratiquer, car eux n&#39;avaient pas de contre-indications par leur religion. Les m&eacute;decins chr&eacute;tiens faisaient alors passer les cadavres pour que leurs coll&egrave;gues <w:sdt id="-259450395" sdttag="goog_rdk_123">musulmans </w:sdt>puissent pratiquer et &eacute;tudier. Vous avez parl&eacute; de la trajectoire et de l&#39;histoire de la pens&eacute;e, des courants, des &eacute;coles. Qu&#39;est ce qui peut faire avancer &laquo;&nbsp;un peu&nbsp;&raquo; la connaissance ? C&#39;est parfois le fait de changer son regard, de faire un pas de c&ocirc;t&eacute; par rapport &agrave; un objet de pens&eacute;e. Votre parcours me fait penser &agrave; deux personnes que j&#39;aime particuli&egrave;rement pour des raisons diff&eacute;rentes&nbsp;: Jean Piaget et Edgar Morin. Jean Piaget, parce qu&#39;au d&eacute;part il &eacute;tait botaniste, il n&#39;&eacute;tait pas psychologue de formation. <w:sdt id="-1434119849" sdttag="goog_rdk_124"></w:sdt>Edgar Morin, lui, <w:sdt id="-1371764991" sdttag="goog_rdk_125"></w:sdt>a pass&eacute; deux ann&eacute;es aux &Eacute;tats-Unis en travaillant avec des biologistes, des physiciens en thermodynamique, ce qui l&rsquo;a conduit &agrave; r&eacute;fl&eacute;chir &agrave; ce qui allait devenir <i>La M&eacute;thode</i>. Cela a &eacute;norm&eacute;ment nourri sa pens&eacute;e. Or, je trouve que vous &ecirc;tes dans cette trajectoire, entre le parcours d&#39;ing&eacute;nieur, le parcours de sp&eacute;cialiste des bact&eacute;ries dans un laboratoire CNRS, tout cela pour arriver sur le terrain de l&#39;&eacute;ducation. Au<w:sdt id="-930806059" sdttag="goog_rdk_126">-</w:sdt>del&agrave; de la trajectoire de l&#39;histoire, de la pens&eacute;e, des disciplines, il y a les trajectoires des personnes, tout simplement. Je voudrais alors savoir quel regard vous portez sur votre parcours, de mani&egrave;re introspective ? Est-ce que vous pensez que les caract&eacute;ristiques de votre parcours de formation, d&#39;&eacute;volution sont parties prenantes, compl&egrave;tement ou partiellement sur votre mani&egrave;re de penser aujourd&#39;hui de tout ce que vous avez construit depuis plusieurs ann&eacute;es maintenant&nbsp;?<br /> <br /> <b>Fran&ccedil;ois TADDEI&nbsp;:</b> Il est certain qu&rsquo;on est le fruit de son histoire et que je ne suis pas une exception par rapport &agrave; &ccedil;a. En fait, je pense que je suis profond&eacute;ment curieux et que, &agrave; ce titre, j&#39;aime comprendre. Par exemple, je me souviens de mes cours de physique de seconde o<w:sdt id="717938216" sdttag="goog_rdk_128">&ugrave;</w:sdt> tout d&#39;un coup, on nous parlait de &laquo;&nbsp;dynamique&nbsp;&raquo;. Jusque-l&agrave;, on avait une description du monde assez statique, en particulier en SVT et m&ecirc;me en physique. Et l&agrave;, comprendre les trajectoires, les acc&eacute;l&eacute;rations, pouvoir mettre des math&eacute;matiques derri&egrave;re, les forces et les &eacute;nergies de toutes ces relations... Tout cela a &eacute;t&eacute; tr&egrave;s fondateur pour moi et je me souviens que je me suis int&eacute;ress&eacute; &agrave; la biologie <w:sdt id="-965740236" sdttag="goog_rdk_130">pendant </w:sdt>une partie<w:sdt id="-2097781636" sdttag="goog_rdk_132"> seulement</w:sdt> de la Terminale. Quand on a commenc&eacute; &agrave; parler de g&eacute;n&eacute;tique, on a parl&eacute; de physiologie, <i>de facto</i>, des choses qui sont dynamiques&hellip; Ensuite, j&#39;ai fait des &eacute;tudes en classe pr&eacute;pa et <w:sdt id="1319775519" sdttag="goog_rdk_133"></w:sdt>j&#39;ai suivi beaucoup d&rsquo;enseignements en Math&eacute;matiques et en Physique. Puis, j&#39;ai fait mon service militaire, ce qui a &eacute;t&eacute; un moment un peu particulier parce que si le mot &laquo;&nbsp;autorit&eacute;&nbsp;&raquo;, au sens de Michel Serres, &laquo;&nbsp;qui fait grandir&nbsp;&raquo;, ne me pose pas de probl&egrave;me<w:sdt id="-909314203" sdttag="goog_rdk_134">,</w:sdt> et mes parents m&#39;ont permis de grandir tr&egrave;s nettement &agrave; ce niveau-l&agrave;, <w:sdt id="1090893340" sdttag="goog_rdk_135"></w:sdt>pendant mon service militaire, j&#39;avais du mal &agrave; comprendre l&#39;autoritarisme. Si on ne m&#39;expliquait pas la raison, j&#39;avoue que ce n&#39;&eacute;tait pas simple pour moi. J&#39;avais d&rsquo;ailleurs pass&eacute; les tests psychom&eacute;triques &agrave; l&rsquo;entr&eacute;e <w:sdt id="-608885062" sdttag="goog_rdk_136">de Polytechnique</w:sdt>. Or, je n&#39;&eacute;tais pas <w:sdt id="-1429426522" sdttag="goog_rdk_138">dans la &laquo;&nbsp;norme&nbsp;&raquo; </w:sdt>par rapport &agrave; la communaut&eacute; &agrave; laquelle j&#39;appartenais quant &agrave; ma capacit&eacute; &agrave; ob&eacute;ir &agrave; l&#39;autorit&eacute;. Mais si j&#39;ai fait beaucoup de jours d&#39;arr&ecirc;t, je le dois probablement &agrave; cette incapacit&eacute; &agrave; ob&eacute;ir sans comprendre. Voil&agrave; une de mes caract&eacute;ristiques. Mais ce qui &eacute;tait int&eacute;ressant &agrave; Polytechnique, c&rsquo;&eacute;tait que, qu&#39;on le veuille ou non, on &eacute;tait oblig&eacute; de prendre des cours dans <w:sdt id="-1609271267" sdttag="goog_rdk_141">de nombreuses </w:sdt>disciplines, non seulement en Math&eacute;matiques, en Physique, mais en Chimie, en Economie, en Biologie, en M&eacute;canique, en Informatique, mais aussi en Sciences humaines et en Sport. Je suis rentr&eacute; major en sport, parce qu&rsquo;apr&egrave;s deux ou trois ans de pr&eacute;pas, peu ont su garder une activit&eacute; physique digne de ce nom. Pour les Sciences humaines, on avait une demi-journ&eacute;e consacr&eacute;e &agrave; cela. En fait, il y avait deux promos sur un plateau et ce n&#39;&eacute;tait pas les m&ecirc;mes demi-journ&eacute;es. Ce que je faisais, c&#39;est que je s&eacute;chais des cours de <w:sdt id="2121175835" sdttag="goog_rdk_143">m&eacute;canique</w:sdt> pour prendre des cours de Sciences humaines. J&#39;ai donc eu le droit &agrave; une double dose de Sciences humaines &agrave; ce moment-l&agrave;. Il se trouve qu&#39;en plus, j&#39;ai un p&egrave;re qui vient des Sciences humaines. J&#39;ai donc &agrave; la fois une culture personnelle familiale et une culture acad&eacute;mique o&ugrave; on avait quand m&ecirc;me des professeurs <w:sdt id="1992060060" sdttag="goog_rdk_145">exceptionnels&nbsp;: Marc</w:sdt> Ferro en Histoire, Elisabeth Badinter en Psychologie, Herv&eacute; Le Bras en D&eacute;mographie... Ces enseignants m&#39;ont aid&eacute; &agrave; m&#39;ouvrir et &agrave; penser d&#39;autres sujets. En outre, on avait des cours d&#39;anglais, d&#39;espagnol et de portugais, ce qui m&#39;a ouvert &agrave; d&#39;autres pays. Par <w:sdt id="1820230892" sdttag="goog_rdk_147">exemple, en cours</w:sdt> d&#39;anglais, j&#39;avais des cours de cin&eacute;ma am&eacute;ricain et on a travaill&eacute; sur Hitchcock, et faire un expos&eacute; sur <w:sdt id="-1029183989" sdttag="goog_rdk_149">ce r&eacute;alisateur</w:sdt>, ce qui ouvre l&#39;esprit.&nbsp; J&#39;ai &eacute;galement beaucoup voyag&eacute; parce qu&rsquo;en plus, on est pay&eacute; en tant qu&#39;&eacute;tudiant. J&#39;en ai donc profit&eacute; pour explorer de nouveaux horizons. C&#39;est vrai qu&#39;on avait &eacute;norm&eacute;ment de chance. Puis aux Eaux et For&ecirc;ts, on a continu&eacute; &agrave; nous ouvrir au monde avec des dimensions plus appliqu&eacute;es, en particulier les implications sur l&#39;agriculture, mais aussi sur l&#39;&eacute;conomie, l&#39;&eacute;cologie. On avait d&eacute;j&agrave; des ouvertures int&eacute;ressantes La possibilit&eacute; que j&#39;ai trouv&eacute;e extraordinaire entre mon arriv&eacute;e &agrave; Polytechnique et ma th&egrave;se est que j&#39;ai visit&eacute; 80 laboratoires de recherche dans une dizaine de domaines de disciplines diff&eacute;rentes. On avait nos propres financements de th&egrave;ses et donc on &eacute;tait bien re&ccedil;us par &agrave; peu pr&egrave;s tous les chercheurs. Il y a alors eu une tr&egrave;s grande ouverture &agrave; ce moment-l&agrave;. J&#39;ai chang&eacute; quatre fois de sujet de th&egrave;se en quatre ans, donc j&#39;ai abord&eacute; diff&eacute;rents th&egrave;mes. Alors, la plupart des gens disent qu&#39;il ne faut pas le faire. Ma th&egrave;se n&rsquo;&eacute;tait pas extraordinaire, mais je m&#39;en suis sorti correctement. Je n&#39;ai pas arr&ecirc;t&eacute; de r&eacute;fl&eacute;chir, de me questionner. J&rsquo;ai pu rencontrer ici ou l&agrave; des personnes pour m&#39;interroger sur ce que je souhaitais faire. <w:sdt id="-1962787781" sdttag="goog_rdk_152"></w:sdt>Pui un an plus tard, j&#39;ai pu publier dans de tr&egrave;s bonnes revues scientifiques, ce qui m&#39;a permis d&rsquo;obtenir des prix. Je pense donc avoir pris du temps &agrave; la fois pendant mes &eacute;tudes et dans ces circonstances tr&egrave;s particuli&egrave;res pour aborder des questions un peu plus ouvertes et discuter avec des personnes tr&egrave;s diff&eacute;rente, ce qui m&#39;a &eacute;t&eacute; tr&egrave;s utile intellectuellement, scientifiquement, personnellement. Ensuite, j&#39;ai continu&eacute;&hellip; Quand j&#39;ai<w:sdt id="-113141688" sdttag="goog_rdk_155"> re&ccedil;u</w:sdt> ces prix, &ccedil;a m&#39;a ouvert des portes. Des gens m&#39;ont rencontr&eacute; et m&#39;ont donn&eacute; des moyens. Je me souviens que quand j&rsquo;ai eu mon premier prix, le <i>Prix de recherche fondamentale</i> &agrave; l&#39;Inserm, j&#39;avais demand&eacute; &agrave; Christian Richaud, qui &eacute;tait Directeur G&eacute;n&eacute;ral de l&#39;Inserm, pourquoi j&#39;avais obtenu ce prix<w:sdt id="1757171880" sdttag="goog_rdk_157">,</w:sdt> <w:sdt id="1397246960" sdttag="goog_rdk_159"><w:sdt id="1354385331" sdttag="goog_rdk_160"></w:sdt></w:sdt>il m&rsquo;a dit<w:sdt id="2111006615" sdttag="goog_rdk_163"> que c&rsquo;&eacute;tait parce que j&rsquo;avais fait de l&rsquo;interdisciplinarit&eacute;. </w:sdt>&nbsp;Je lui ai dit <w:sdt id="-1268303805" sdttag="goog_rdk_166">que </w:sdt>les grandes publications scientifiques en &eacute;taient pleines, qu&rsquo;il n&#39;y avait rien de tr&egrave;s original. Et il m&rsquo;a alors r&eacute;pondu que peu de gens en France en avait fait autant. A l&#39;&eacute;poque, nous &eacute;tions peu &agrave; nous int&eacute;resser &agrave; l&rsquo;interdisciplinarit&eacute;. Cela a un peu chang&eacute; quand m&ecirc;me, mais on &eacute;tait en 2002 et je lui ai dit que je connaissais beaucoup de jeunes qui voulaient travailler ainsi. Ayant obtenu un poste de chercheur &agrave; l&#39;Inserm, je n&#39;avais pas d&#39;obligations d&#39;enseignement. J&#39;enseignais donc &agrave; l&#39;Institut Pasteur, le premier endroit o&ugrave; j&rsquo;ai enseign&eacute;. Puis j&#39;ai enseign&eacute; &agrave; l&rsquo;ENS, &agrave; l&rsquo;Agro, &agrave; l&rsquo;ESPCI&hellip; J&rsquo;ai enseign&eacute; en fac &agrave; chaque fois de mani&egrave;re assez ponctuelle, c&#39;&eacute;tait plut&ocirc;t des interventions. Mais &agrave; l&rsquo;ENS en math&eacute;matiques, on m&#39;avait demand&eacute; de faire le cours d&#39;initiation &agrave; la biologie pour les <w:sdt id="-1421025669" sdttag="goog_rdk_169"></w:sdt>sp&eacute;cialistes en math&eacute;matiques de l&#39;ENS, plut&ocirc;t des &eacute;tudiants brillants. Je leur donnais des papiers de <i>Nature</i> qui venaient de sortir, et je leur disais&nbsp;: &laquo;&nbsp;Voil&agrave;, il y a un peu de bio, mais il y a des maths. R&eacute;fl&eacute;chissez<w:sdt id="1701894176" sdttag="goog_rdk_170">-</w:sdt>y<w:sdt id="-1211498665" sdttag="goog_rdk_172">,</w:sdt> <w:sdt id="-1062326399" sdttag="goog_rdk_174">et</w:sdt> dites-moi ce qui vous int&eacute;resse&nbsp;&raquo;. Leur examen consistait &agrave; choisir un article, &agrave; raconter ce qu&rsquo;il y avait d&#39;int&eacute;ressant dedans. C&rsquo;&eacute;tait donc d&eacute;j&agrave; de la formation par la recherche et cela fonctionnait. Ils en voulaient toujours plus. C&rsquo;&eacute;tait la g&eacute;n&eacute;ration Internet. Moi j&rsquo;ai soutenu ma th&egrave;se en 1995 et entre 95 et 2002, j&#39;ai enseign&eacute; ici et l&agrave;. Cette g&eacute;n&eacute;ration d&rsquo;&eacute;tudiants n&rsquo;avait m&ecirc;me plus besoin de courir d&#39;une biblioth&egrave;que &agrave; l&#39;autre ce que j&#39;avais fait, moi, pendant ma th&egrave;se, entre diff&eacute;rentes disciplines. Il y a des biologistes qui font des maths, des physiciens qui font de l&#39;informatique. Certains voulaient aborder des probl&egrave;mes complexes en utilisant des outils de diff&eacute;rentes disciplines et je leur disais qu&rsquo;en fait, c&#39;&eacute;tait possible. D&#39;ailleurs, c&rsquo;&eacute;tait ce que j&#39;avais fait et eux aussi pouvaient le faire. Progressivement est n&eacute; un petit collectif, de ce petit collectif, a &eacute;t&eacute; cr&eacute;&eacute; un s&eacute;minaire d&#39;une semaine pour voir ce qu&#39;on pouvait faire dans un collectif interdisciplinaire. J&#39;avais &eacute;t&eacute; inspir&eacute; par un coll&egrave;gue am&eacute;ricain qui prenait des petits groupes d&#39;&eacute;tudiants et les invitait &agrave; &eacute;crire leurs propres projets de th&egrave;se et leurs propres projets de recherche. On a donc fait &ccedil;a de mani&egrave;re compl&egrave;tement interdisciplinaire&nbsp;: il y avait des <w:sdt id="1031384804" sdttag="goog_rdk_176"></w:sdt>math&eacute;maticiens, des physiciens, des chimistes, des biologistes, des m&eacute;decins, des gens des sciences humaines et on &eacute;tait parti<w:sdt id="-1781406687" sdttag="goog_rdk_177">s</w:sdt> pour une semaine. 20 ans plus tard, la trajectoire a continu&eacute; parce que chacun d&#39;entre eux en a voulu plus. D&#39;autres nous ont rejoints et on a d&eacute;marr&eacute; comme &ccedil;a, avec une quinzaine d&#39;&eacute;tudiants et quelques chercheurs qui avaient r&eacute;ussi par l&#39;interdisciplinarit&eacute; malgr&eacute; le syst&egrave;me. Mais le syst&egrave;me les reconnaissait. Moi j&#39;&eacute;tais Prix INSERM, il y avait des prix CNRS, des m&eacute;dailles de bronze, d&#39;argent, etc. et on s&#39;est rendu compte que ce qui &eacute;tait d&eacute;conseill&eacute; &eacute;tait <i>in fine</i> prim&eacute;. Il y avait donc une esp&egrave;ce d&#39;incoh&eacute;rence dans le syst&egrave;me et une volont&eacute; d&#39;essayer autre chose. On a d&eacute;marr&eacute; sans aucune ressource. <w:sdt id="1047342045" sdttag="goog_rdk_178"></w:sdt><w:sdt id="-85008531" sdttag="goog_rdk_179"></w:sdt>Moi, j&#39;avais eu un prix et j&#39;ai utilis&eacute; un peu de l&#39;argent de la Fondation Bettencourt pour d&eacute;marrer. Ensuite, l&#39;Inserm m&#39;a encourag&eacute; &agrave; continuer. Puis le doyen de la facult&eacute; de m&eacute;decine. Et toujours plus de gens qui disaient&nbsp;: &laquo;&nbsp;La m&eacute;decine g&eacute;n&egrave;re des donn&eacute;es beaucoup plus vite que les m&eacute;decins ne sauront jamais les analyser. On a besoin de m&eacute;thodes, on a besoin d&#39;informaticiens, on a besoin de physiciens, on a besoin d&#39;ing&eacute;nieurs, on a besoin de gens ayant un autre regard, y compris venant des sciences humaines&nbsp;&raquo;. Voil&agrave; comment on a grandi. On a eu des petits financements ici et l&agrave; pour commencer. Puis la Fondation Bettencourt nous a aid&eacute;s. Elle a financ&eacute; 60&nbsp;% de ce qu&#39;on a fait depuis 2006, et elle s&rsquo;est engag&eacute; jusqu&#39;en 2024. On a donc eu cette chance de faire grandir ces projets mais, honn&ecirc;tement, rien n&#39;&eacute;tait pr&eacute;m&eacute;dit&eacute;. Il y avait simplement une demande et une envie de faire autre chose. On a essay&eacute;. &Ccedil;a a plut&ocirc;t march&eacute;, puis &ccedil;a a grandi. Maintenant, on a 7000 m&egrave;tres carr&eacute;s, on a des dipl&ocirc;mes de licence, de master, de doctorat, une UMR et une chaire Unesco. On a toute une dynamique qui s&rsquo;est enclench&eacute;e progressivement. &Agrave; ma grande surprise&hellip; Mais pour un biologiste de l&#39;&eacute;volution, finalement, c&#39;est assez naturel parce que tout &ccedil;a a &eacute;volu&eacute;. J&#39;ai beaucoup travaill&eacute; sur la coop&eacute;ration, sur l&#39;&eacute;change d&#39;informations et sur la co&eacute;volution des deux, mais aussi sur <w:sdt id="-1726296415" sdttag="goog_rdk_180">l&#39;&eacute;volutivit&eacute;,</w:sdt> sur la d&eacute;g&eacute;n&eacute;rescence des syst&egrave;mes complexes. Quand on prend un peu de recul sur les syst&egrave;mes biologiques et qu&#39;on travaille sur leur dynamique et sur leur &eacute;volution et sur leur <w:sdt id="-553464794" sdttag="goog_rdk_182"></w:sdt>&eacute;volutivit&eacute; qui est encore un autre niveau de dynamique, c&#39;est une d&eacute;riv&eacute;e suppl&eacute;mentaire dans les &eacute;quations. On se rend compte que le monde, notre soci&eacute;t&eacute;, nos syst&egrave;mes &eacute;voluent et, il y a un principe que Lewis Carroll a &eacute;t&eacute; le premier &agrave; bien d&eacute;crire, mais que Darwin avait compris, &agrave; peu pr&egrave;s &agrave; la m&ecirc;me &eacute;poque d&#39;ailleurs, c&#39;est le principe de la Reine Rouge. La Reine Rouge est ce personnage de Lewis Carroll qui court tr&egrave;s vite avec Alice, mais elle ne bouge pas du pied d&#39;un arbre. Alice est un peu surprise et lui dit &laquo;&nbsp;je ne comprends pas pourquoi on n&#39;a pas boug&eacute; alors qu&#39;on a beaucoup couru&nbsp;&raquo;. Et la reine lui dit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Mais dans mon pays, il faut courir au moins aussi vite que l&#39;on peut pour rester sur place. Et si on veut aller ailleurs, il faut courir encore deux fois plus vite&nbsp;&raquo;. On est donc dans un monde en acc&eacute;l&eacute;ration constante, on est dans ce monde de la <w:sdt id="-459496699" sdttag="goog_rdk_184"></w:sdt>Reine Rouge. Si on est une institution qui &eacute;volue moins vite que le monde, est ce qu&#39;on ne risque pas de devenir obsol&egrave;te ? &Ccedil;a, c&#39;est une loi de l&#39;&eacute;volution, c&#39;est donc un risque av&eacute;r&eacute;. Mais par contre, vers quoi on court ? Pourquoi <w:sdt id="1532144121" sdttag="goog_rdk_185">o</w:sdt>n court ? Est-ce qu&#39;on court vers l&#39;ab&icirc;me ? Est ce qu&#39;on court vers le &laquo;&nbsp;mieux&nbsp;&raquo; ? Forc&eacute;ment, on est amen&eacute; &agrave; s&#39;interroger sur ces sujets-l&agrave;. C&#39;est donc un m&eacute;lange de volont&eacute;, depuis l&#39;enfance, de jouer, parce que j&#39;aime beaucoup, beaucoup jouer, des petits chevaux &agrave; quatre ans, jusqu&#39;&agrave; aux &eacute;checs et &agrave; plein d&#39;autres jeux, y compris scientifiques par la suite&hellip; Comprendre par le jeu et les dynamiques, les &eacute;volutions du monde, pour essayer de prendre un regard un peu r&eacute;flexif sur, non seulement ma trajectoire, mais aussi celle de ce que je voyais autour de moi, avec des &eacute;v&eacute;nements qui m&#39;ont fait sortir de ma tour d&rsquo;ivoire. Le 11 septembre 2001, j&rsquo;&eacute;tais &agrave; New York. Je <w:sdt id="1811590344" sdttag="goog_rdk_187">vois les</w:sdt> <w:sdt id="-1829593326" sdttag="goog_rdk_189">t</w:sdt>ours <w:sdt id="-899754051" sdttag="goog_rdk_191">jumelles </w:sdt>tomber. Forc&eacute;ment, je m&#39;interroge&hellip; Vu le temps qu&#39;il faut pour construire des choses et le temps qu&#39;il faut pour les d&eacute;truire, je m&#39;interroge sur cette asym&eacute;trie fondamentale. La crise COVID est pour moi un autre moment important <w:sdt id="236366714" sdttag="goog_rdk_193"></w:sdt>de prise de conscience. L&#39;ensemble de l&#39;&eacute;conomie, la soci&eacute;t&eacute; peuvent s&#39;arr&ecirc;ter. &nbsp;Plus le changement climatique... Cette compr&eacute;hension de nos vuln&eacute;rabilit&eacute;s &agrave; la fois individuelle et collective permet, comme le disait tr&egrave;s bien Confucius, de garder &agrave; l&rsquo;esprit qu&rsquo;on a deux vies et que la deuxi&egrave;me vie commence quand on sait qu&#39;on en a qu&#39;une. C&rsquo;est vrai des individus, c&#39;est vrai de nos soci&eacute;t&eacute;s, de nos institutions, voire de notre esp&egrave;ce et de notre civilisation. Si on ne prend pas soin de soi, des autres et de la plan&egrave;te, de nos institutions et des lieux que l&#39;on appr&eacute;cie, si on n&#39;est pas capable &agrave; la fois de prendre soin tout en comprenant et en se r&eacute;interrogeant sur le sens de nos individualit&eacute;s, de nos collectiv<w:sdt id="1516416628" sdttag="goog_rdk_195">it&eacute;</w:sdt>s, de nos institutions, de nos soci&eacute;t&eacute;s, on va droit dans le mur. Quand on prend conscience du fait que la trajectoire par d&eacute;faut va dans le mur, on ne sait pas faire autrement que questionner. C&#39;est pour &ccedil;a que j&#39;ai &eacute;crit ce deuxi&egrave;me livre qui s&#39;appelle <i>Et si nous&nbsp;?</i> et qui est une invitation au questionnement collectif. On sait depuis Socrate que c&#39;est un peu &agrave; la base de tout. En m&ecirc;me temps, on sait que ce n&#39;est pas aussi encourag&eacute; que &ccedil;a pourrait l&#39;&ecirc;tre dans nos soci&eacute;t&eacute;s, y compris dans nos d&eacute;mocraties. Si encore on &eacute;tait une dictature, on pourrait comprendre. Quand on me dit &agrave; propos de mon fils qui &agrave; l&#39;&eacute;poque avait six ans et qui entrait en CP&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il est charmant, mais il pose des questions&nbsp;&raquo;. Honn&ecirc;tement, pour moi, &ccedil;a a &eacute;t&eacute; un tournant absolu. Nous ne sommes pas invit&eacute;s &agrave; questionner ne serait-ce que nos universit&eacute;s depuis l&#39;int&eacute;rieur de nos universit&eacute;s, ne serait-ce que nos sch&eacute;mas de pens&eacute;es &eacute;conomiques, soci&eacute;taux, intellectuels. On n&rsquo;accepte m&ecirc;me pas de se faire questionner par la nouvelle g&eacute;n&eacute;ration alors qu&#39;on sait, et &ccedil;a a &eacute;t&eacute; prouv&eacute; scientifiquement, que le pic de questionnement est tr&egrave;s jeune, vers quatre<w:sdt id="-372228876" sdttag="goog_rdk_198">,</w:sdt> cinq ans, que le pic de cr&eacute;ativit&eacute; commence &agrave; cet &acirc;ge-l&agrave; et va jusqu&#39;&agrave; l&#39;adolescence. On a donc besoin d&#39;accepter de se faire questionner, <i>a fortiori</i> quand ce que nos g&eacute;n&eacute;rations ont fait am&egrave;ne les g&eacute;n&eacute;rations montantes dans le mur. On a besoin d&#39;un questionnement en profondeur. Je pense que, si en tant que chercheur on ne se questionne pas, qui va le faire et quand ?</span></span></span></p> <p style="margin-bottom:11px">&nbsp;</p> <p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:&quot;Times New Roman&quot;, serif">Vous pouvez retrouver la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=r32ieP7DFoI&amp;t=2041s" style="color:blue; text-decoration:underline">suite de l&rsquo;entrevue</a> en vid&eacute;o sur la <w:sdt id="503098305" sdttag="goog_rdk_200">cha&icirc;ne</w:sdt> YouTube de <i>L&nbsp;H&nbsp;U&nbsp;M&nbsp;A&nbsp;I&nbsp;N</i>.</span></span></span><br /> &nbsp;</p>