<h2>1. Introduction</h2> <blockquote> <p>La m&eacute;moire supposant la pr&eacute;sence de l&rsquo;absence reste le point de couture essentiel, entre pass&eacute; et pr&eacute;sent, de ce difficile dialogue entre le monde des morts et celui des vivants (Fran&ccedil;ois Dosse, 1998, p. 16).</p> </blockquote> <p>Qu&rsquo;est-ce que la Retirada<sup><a href="#_ftn1">[1]</a></sup> ? Que reste-t-il dans les discours contemporains des &eacute;v&egrave;nements et p&eacute;rip&eacute;ties des centaines de milliers d&#39;Espagnoles et d&#39;Espagnols qui ont travers&eacute; les Pyr&eacute;n&eacute;es &agrave; la fin des ann&eacute;es 30, et particuli&egrave;rement en 1939<sup><a href="#_ftn2">[2]</a></sup>, pour fuir le r&eacute;gime franquiste et sa r&eacute;pression?</p> <p>Dans ces lignes, la question n&#39;est pas pos&eacute;e d&#39;un point de vue historique. Il ne s&#39;agit pas de repr&eacute;senter avec justesse les &eacute;v&egrave;nements du pass&eacute; en &eacute;tayant le propos sur des sources et donn&eacute;es permettant de faire &eacute;merger l&#39;exactitude des faits. La d&eacute;marche vise &agrave; approcher ce qui fait m&eacute;moire, c&#39;est &agrave; dire la resignification situ&eacute;e dans le temps et dans l&#39;espace de ces &eacute;v&egrave;nements, leur reconstruction mobilisable par ceux qui ne les ont pas v&eacute;cus. Pour le dire autrement, le propos n&#39;est pas d&#39;expliciter ce qui a &eacute;t&eacute; mais de rep&eacute;rer ce qui &eacute;merge dans le complexe des discours comme un savoir m&eacute;moriel contemporain autour du terme Retirada.</p> <p>Pour la pr&eacute;ciser le cadre et la m&eacute;thode au lecteur, il est n&eacute;cessaire de commencer par pr&eacute;senter les liens entre discours et m&eacute;moire, avant d&#39;expliciter comment les donn&eacute;es m&eacute;diatiques permettent d&#39;actualiser et de structurer cette m&eacute;moire depuis un point de vue situ&eacute;.</p> <p>Dans un second temps, ces donn&eacute;es seront analys&eacute;es pour brosser le portrait de ce qui constitue la forme mainstream (inscrite dans des courants de pens&eacute;es dominants) contemporaine de la Retirada, pour les descendants des r&eacute;fugi&eacute;s (souvent confront&eacute;s au silence des acteurs) et les autres acteurs de la sph&egrave;re culturelle. Cette forme sera observ&eacute;e dans l&rsquo;espace du web fran&ccedil;ais constituant un dispositif d&rsquo;inscription m&eacute;morielle.</p> <p>Par-del&agrave; la diversit&eacute; des discours effectifs, collectifs ou individuels, les tensions id&eacute;ologiques et politico-historiques, il s&#39;agit donc d&#39;&eacute;clairer ce qui &eacute;merge comme fond culturel construit comme un h&eacute;ritage.</p> <h2>2. Positionnement: m&eacute;moire, histoire, discours</h2> <h3>2.1. M&eacute;moire et histoire</h3> <p>Au d&eacute;but du XX<sup>&egrave;me </sup>si&egrave;cle, Maurice Halbwachs a pos&eacute; la distinction entre <em>m&eacute;moire</em> et <em>histoire</em>: la premi&egrave;re est inscrite dans le v&eacute;cu, l&rsquo;affect, la fluctuation alors que la seconde est caract&eacute;ris&eacute;e par sa d&eacute;marche critique, conceptuelle. Cette dichotomie a notamment permis &agrave; Halbwachs de questionner la nature et le fonctionnement d&rsquo;une <em>m&eacute;moire collective</em>, qui influence la m&eacute;moire des individus en posant un cadre d&rsquo;intelligibilit&eacute; et d&rsquo;acceptation qui assure la coh&eacute;sion sociale. Cette m&eacute;moire collective est une reconfiguration du pass&eacute;, produite par la communaut&eacute; sociale qui reconstruit le souvenir en rassemblant des unit&eacute;s &eacute;parses cons&eacute;quentes du pass&eacute; selon une exigence de coh&eacute;rence surpassant l&rsquo;exigence de fid&eacute;lit&eacute;.</p> <p>Cette distinction s&rsquo;est av&eacute;r&eacute;e f&eacute;conde mais elle a par la suite &eacute;t&eacute; partiellement retravaill&eacute;e, voire remise en cause dans sa c&eacute;sure nette. Georges Duby, dans son &eacute;tude sur la bataille de Bouvines (1973), rappelle la dimension humaine de la discipline historique et explique que les traces m&eacute;morielles sont aussi le mat&eacute;riau de l&rsquo;histoire, au m&ecirc;me titre que l&rsquo;effectivit&eacute; de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement. De m&ecirc;me pour Philippe Joutard, &laquo;une recherche historiographique ne peut &ecirc;tre s&eacute;par&eacute;e d&rsquo;un examen des mentalit&eacute;s collective&raquo; (1977, p. 356) et Fran&ccedil;ois Dosse d&rsquo;ajouter que &laquo;la distance temporellen&rsquo;est plus alors un handicap mais un atout pour une appropriation des diverses stratifications de sens d&rsquo;&eacute;v&eacute;nements pass&eacute;s&raquo; (1998, p. 12).</p> <p>L&rsquo;observation de la m&eacute;moire suppose donc son rep&eacute;rage dans sa temporalit&eacute; et son espace social d&rsquo;&eacute;mergence, afin de saisir comment une communaut&eacute; reconstruit l&rsquo;histoire en <em>&eacute;v&eacute;nement</em>. Et Alban Bensa et Eric Fassin d&rsquo;&eacute;crire:</p> <blockquote> <p>Partout la m&eacute;moire, qu&rsquo;elle soit orale ou graphique, implicitement ou m&ecirc;me explicitement &eacute;voque en &eacute;cho l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement &ndash; ce choc qui, dans un pass&eacute; plus ou moins lointain, posa les conditions &agrave; partir desquelles l&rsquo;univers local devait se r&eacute;organiser (2002, p. 7).</p> </blockquote> <p>D&egrave;s lors, que reste-t-il du pass&eacute;?</p> <p>Des &eacute;l&eacute;ments saillants qui peuvent constituer des &eacute;v&eacute;nements, ces derniers &eacute;tant distincts des accidents en ce qu&rsquo;ils r&eacute;v&egrave;lent une transformation en cours, une inflexion &ndash; majeure ou mineure, dramatique ou anecdotique &ndash; dans le devenir de la communaut&eacute;. L&rsquo;&eacute;v&eacute;nement &laquo; r&eacute;sulte d&rsquo;une production, voire d&rsquo;une mise en sc&egrave;ne: il n&rsquo;existe pas en dehors de sa construction &raquo; (Bensa et Fassin, p. 8).</p> <h3>2.2. M&eacute;moire discursive et discours m&eacute;moriel</h3> <p>Cette construction rel&egrave;ve d&rsquo;une mise en <em>discours</em>.</p> <p>Les liens entre m&eacute;moire et discours ont &eacute;t&eacute; notablement &eacute;t&eacute; d&eacute;velopp&eacute;s dans le champ de l&rsquo;analyse du discours par Jean-Jacques Courtine qui a propos&eacute; le concept de <em>m&eacute;moire discursive</em>pour rappeler que tout discours s&rsquo;inscrit dans une cha&icirc;ne d&rsquo;autres discours, pass&eacute;s, pr&eacute;sents, anticip&eacute;s, dont il porte implicitement ou implicitement des traces :</p> <blockquote> <p>Toute formulation poss&egrave;de dans son &laquo; domaine associ&eacute; &raquo; d&rsquo;autres formulations, qu&rsquo;elle r&eacute;p&egrave;te, r&eacute;fute, transforme, d&eacute;nie&hellip;, c&rsquo;est-&agrave;-dire &agrave; l&rsquo;&eacute;gard desquelles elle produit des effets de m&eacute;moire sp&eacute;cifiques&raquo; (1981, p. 52).</p> </blockquote> <p>Cette m&eacute;moire discursive est en lien avec l&rsquo;<em>interdiscursivit&eacute; </em>: le fait que tout discours est tram&eacute; &ndash; de mani&egrave;re explicite ou implicite &ndash; d&rsquo;autres discours avec lesquels s&rsquo;&eacute;tablissent des rapports id&eacute;ologiques. Alain Lecomte (1981) proposera une vision <em>verticale</em> de ces rapports qui n&rsquo;est pas sans lien avec la m&eacute;moire:</p> <blockquote> <p>Nouvel axe, en quelque sorte, qui &eacute;merge, dans le projet de mise en perspective des processus discursifs: axe vertical o&ugrave; viennent interf&eacute;rer des discours d&eacute;j&agrave; tenus, des discours antagonistes ou des discours voisins, axe enfin o&ugrave; on s&rsquo;autorise &agrave; localiser une m&eacute;moire, en entendant par l&agrave;, non la facult&eacute; psychologique d&rsquo;un sujet parlant, mais ce qui se trouve et demeure en dehors des sujets, dans les mots qu&rsquo;ils emploient [&hellip;] (1981, p. 71-72).</p> </blockquote> <p>Le cadre trop sommairement pr&eacute;sent&eacute; ici<sup><a href="#_ftn3">[3]</a></sup> rappelle que tout discours est porteur de m&eacute;moire, et que dans leur maillage se dessine les contours d&rsquo;une m&eacute;moire collective. Cette m&eacute;moire est ainsi dispers&eacute;e dans diff&eacute;rents discours ou plut&ocirc;t dans une <em>interdiscursivit&eacute;</em>, sans pour autant &ecirc;tre dilu&eacute;e et n&rsquo;avoir pas de points de couture: pour Sophie Moirand, c&rsquo;est le mot qui, &laquo;habit&eacute; par les discours autres [&hellip;] constitue une m&eacute;moire&raquo; (2004, p. 49).</p> <p>La m&eacute;moire discursive n&rsquo;est donc confondue avec le discours m&eacute;moriel: si le second repose sur une r&eacute;miniscence explicite, la premi&egrave;re est inh&eacute;rente &agrave; toute prise de parole et rappelle le mat&eacute;riau id&eacute;ologique et historique de toute production langagi&egrave;re.</p> <p>Le pr&eacute;sent corpus est constitu&eacute; de discours m&eacute;moriels: le sujet m&ecirc;me implique un travail de l&rsquo;expos&eacute; de la m&eacute;moire, parfois dans des contextes de production d&eacute;di&eacute;s. Ainsi, de nombreuses pages ont &eacute;t&eacute; mises en ligne en 2019, &agrave; l&rsquo;occasion de la comm&eacute;moration des 80 ans de l&rsquo;exil: elles sont visit&eacute;es en novembre 2022 et elles explicitent l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement m&eacute;moriel. Au-del&agrave; de ces r&eacute;f&eacute;rences, la m&eacute;moire discursive d&eacute;signe le fait que dans toute production langagi&egrave;re, des &eacute;l&eacute;ments actualisent la m&eacute;moire, de mani&egrave;re implicite ou explicite, consciente ou inconsciente, des &eacute;l&eacute;ments autres et en mat&eacute;rialisent la m&eacute;moire. Par exemple le mot <em>Retirada</em> comporte une m&eacute;moire, qui est <em>situ&eacute;e</em> dans une exp&eacute;rience et une localisation (la France).</p> <p>C&rsquo;est cette <em>m&eacute;moire situ&eacute;e</em>(d&eacute;pendant de la position des acteurs) que Marie-Anne Paveau appr&eacute;hende :</p> <blockquote> <p>Ce que l&rsquo;on appelle &laquo; la &raquo; m&eacute;moire, collective ou individuelle, est constitu&eacute; d&rsquo;une constellation de m&eacute;moires situ&eacute;es qui tissent de mani&egrave;re complexe les fils des existences et des discours au pr&eacute;sent. Concernant les guerres et les traumas, la situation de la m&eacute;moire est cruciale, ces &eacute;v&eacute;nements attaquant profond&eacute;ment les syst&egrave;mes de repr&eacute;sentation et de symbolisation des sujets (2021, p. 33).</p> </blockquote> <p>Marie-Anne Paveau examine alors trois notions li&eacute;es &agrave; la m&eacute;moire et &agrave; l&rsquo;oubli: (1) les <em>oublis</em>, qui &laquo;ne sont plus des envers de la m&eacute;moire, mais constituent eux-m&ecirc;mes des m&eacute;moires situ&eacute;es&raquo;, (2) les <em>noms propres</em>, o&ugrave; s&rsquo;inscrivent des m&eacute;moires et qui ancrent les &laquo;conditions de vue et les exp&eacute;riences subjectives&raquo; et (3) l&rsquo;<em>am&eacute;moire</em>, qui r&eacute;f&egrave;re aux &laquo;silences des traumas ne sont pas seulement ceux des sujets traumatis&eacute;s, mais aussi ceux des sujets du monde ordinaire, qui ne peuvent ou ne veulent pas &eacute;couter le d&eacute;sastre&raquo; (2021, p. 34).</p> <p>Le caract&egrave;re situ&eacute; des discours contemporains sur la Retirada est h&eacute;t&eacute;rog&egrave;ne, parce que ces discours sont produits depuis plusieurs points de vue, plusieurs exp&eacute;riences: r&eacute;cits de r&eacute;fugi&eacute;s encore accessibles, pr&eacute;sentations plus ou moins expertes (des productions d&rsquo;historiens &agrave; celles d&rsquo;associations ou d&rsquo;institutions de souvenir), discussions ordinaires de descendants (&agrave; ce jour de 2<sup>&egrave;me</sup>, 3<sup>&egrave;me</sup> ou 4<sup>&egrave;me</sup> g&eacute;n&eacute;ration) ou d&rsquo;int&eacute;ress&eacute;s sans lien familial sur les r&eacute;seaux sociaux, etc.</p> <p>La Retirada, comme objet m&eacute;moriel, s&rsquo;inscrit de plus dans un pr&eacute;sent dont les liens au pass&eacute; (somme toute r&eacute;cent: il ne s&rsquo;agit pas de la bataille de Bouvines de Georges Duby) sont divers. La m&eacute;moire est tiss&eacute;e de <em>souvenirs</em> des acteurs ou t&eacute;moins d&rsquo;alors (ces derniers &eacute;tant d&eacute;sormais rares), des comm&eacute;morations r&eacute;centes, et de l&rsquo;<em>h&eacute;ritage</em> discursif en perp&eacute;tuelle reconstruction dans la soci&eacute;t&eacute; qui a accueilli massivement pr&egrave;s d&rsquo;un demi-million de r&eacute;fugi&eacute;s. La m&eacute;moire collective qui &eacute;merge en France est donc caract&eacute;ris&eacute;e par le bouleversement social des r&eacute;fugi&eacute;s comme par celui de leur terre d&rsquo;accueil<a href="#_ftn4">[4]</a>: il y a bien <em>&eacute;v&eacute;nement</em>. Elle est de plus marqu&eacute;e par le sentiment de d&eacute;faite des Espagnols arriv&eacute;s en Franceet l&rsquo;arrachement forc&eacute; &agrave; la terre d&rsquo;origine, entra&icirc;nant des diff&eacute;rences avec la m&eacute;moire qui s&rsquo;est d&eacute;ploy&eacute;e dans la soci&eacute;t&eacute; espagnole notamment. Ce mot m&eacute;moriel, d&rsquo;origine espagnole poss&egrave;de donc une acception et une charge m&eacute;morielle sp&eacute;cifique en France.</p> <h3>2.3. La m&eacute;moire en ligne</h3> <p>O&ugrave; observer et comment observer ces discours porteurs de m&eacute;moire? Comment les s&eacute;lectionner? Comment les aborder?</p> <p>La th&eacute;orie de l&rsquo;<em>agenda-setting</em>, d&eacute;velopp&eacute;e par Maxwell Mc Combs et Donald Shaw (1972) postule que les m&eacute;dias de masse, en privil&eacute;giant certains sujets, les rendant visibles et les hi&eacute;rarchisant, ont la capacit&eacute; d&rsquo;influencer le public dans ses contenus de pens&eacute;e (&agrave; quoi penser?) plus que dans ses attitudes (que penser de cela?). Sans pr&eacute;sager des influences effectives sur les individus (qui connaissent d&rsquo;autres sources d&rsquo;influence qu&rsquo;explorent, par exemple, diff&eacute;rentes approches de la r&eacute;ception), les m&eacute;dias de masse permettent d&rsquo;explorer certaines dimensions de ce qui est rendu accessible et mis en saillance dans l&rsquo;<em>actualit&eacute;</em>.</p> <p>Ces op&eacute;rations de mise en visibilit&eacute; sont &eacute;galement perceptibles dans le cadre des <em>archives</em> m&eacute;diatiques, innombrables depuis l&rsquo;av&egrave;nement du web. Des pages sp&eacute;cialis&eacute;es aux groupes de r&eacute;seaux sociaux, la toile constitue un espace de m&eacute;diation symbolique majeur dans lequel les r&eacute;cits et les points de vue s&rsquo;inscrivent entre tendance au consensus communautaire et espaces pol&eacute;miques.</p> <p>Certes, comme le souligne Val&eacute;rie Baudouin, &laquo;le web se reconfigure en permanence en d&eacute;truisant les traces de son pass&eacute;&raquo; (2019, p. 147), mais cette destruction est accompagn&eacute;e d&rsquo;une actualisation constante de la m&eacute;moire, en permanence travaill&eacute;e par les nouveaux &eacute;tats de la soci&eacute;t&eacute; qui les produits. D&egrave;s lors internet, comme dispositif sociotechnique, vient &laquo;s&rsquo;ins&eacute;rer dans ces pratiques m&eacute;morielles et vient [&hellip;] renouveler la mani&egrave;re de construire la m&eacute;moire collective&raquo; (Baudouin, p. 145).</p> <p>Certaines approches proposent de sonder les ph&eacute;nom&egrave;nes culturels et m&eacute;moriels en embrassant un maximum de donn&eacute;es sur le web (dans une perspective culturomique par exemple, Kalev H. Leetaru, 2011).</p> <p>Il est cependant possible de proc&eacute;der &agrave; une d&eacute;marche plus s&eacute;lective en observant la saillance de documents prioritairement accessibles. En effet, la somme d&rsquo;information &eacute;tant vertigineuse sur le web, elle n&rsquo;est accessible qu&rsquo;&agrave; travers des usages qui conduisent &agrave; ne s&eacute;lectionner que certains documents rendus visibles de mani&egrave;re privil&eacute;gi&eacute;e.</p> <p>Les moteurs de recherche constituent de ce point de vue le moyen le plus utilis&eacute; par les usagers pour parvenir &agrave; une s&eacute;lection. Cette accessibilit&eacute; va de pair avec la popularit&eacute;puisque le classement des sites affich&eacute;s (&laquo;ranking&raquo;) est li&eacute; au nombre de liens pointant vers eux et au nombre de visites de leurs pages. L&rsquo;agenda que constitue l&rsquo;affichage d&rsquo;un r&eacute;sultat de recherche est extr&ecirc;mement d&eacute;terminant puisque les statistiques montrent que les trois premiers liens condensent 80% des clics (55% pour le premier, 15% pour le deuxi&egrave;me et 10% pour le troisi&egrave;me).</p> <p>S&eacute;lectionner les documents &eacute;manant des premiers r&eacute;sultats des moteurs de recherche permet donc, en th&eacute;orie, de composer un corpus de productions populaires, privil&eacute;gi&eacute;es par les internautes et relevant d&rsquo;une culture <em>mainstream</em> (d&rsquo;un courant dominant). Cela permet notamment d&rsquo;atteindre les discours les plus saillants, comportant les &eacute;l&eacute;ments (mots, formules, images&hellip;), &laquo;sursignifi&eacute;s&raquo; &eacute;crirait Paul Ricoeur (1987), repr&eacute;sentatifs par leur insistance des formations m&eacute;morielles d&rsquo;un &eacute;v&eacute;nement, en m&ecirc;me temps qu&rsquo;ils constituent un cadre de la m&eacute;moire collective au moment o&ugrave; les &eacute;v&eacute;nements initiaux ne sont plus accessibles directement et n&eacute;cessitent une telle m&eacute;diatisation/m&eacute;diation.</p> <h2>3. D&eacute;marche et corpus</h2> <p>La pr&eacute;sente d&eacute;marche s&rsquo;inscrit dans cette perspective: elle s&rsquo;attache &agrave; observer dans les discours saillants, c&rsquo;est-&agrave;-dire apparaissant de mani&egrave;re privil&eacute;gi&eacute;e dans les r&eacute;sultats des moteurs de recherche, les &eacute;l&eacute;ments m&eacute;moriels les plus accessibles et visibles. Ainsi, les observations porteront sur des ph&eacute;nom&egrave;nes discursifs cristallisant des &eacute;l&eacute;ments populaires de la m&eacute;moire collective, &agrave; un moment et dans un espace culturel donn&eacute;s, constituant un savoir prioritairement recevable.</p> <h3>3.1. Les moteurs de recherche</h3> <p>Trois moteurs de recherche ont &eacute;t&eacute; retenus pour cette &eacute;tude:</p> <ul> <li>Google, le moteur de recherche le plus populaire au monde, qui est utilis&eacute; par plus de 80% des internautes fran&ccedil;ais;</li> <li>Bing, le moteur de recherche qui est install&eacute; par d&eacute;faut avec le syst&egrave;me d&rsquo;exploitation Windows qui est le plus r&eacute;pandu (il &eacute;quipait 75,88 % des ordinateurs en France en 2022, loin devant le syst&egrave;me d&rsquo;Apple qui arrive en deuxi&egrave;me position avec 18,17 % des parts de march&eacute;<sup><a href="#_ftn5">[5]</a></sup>).</li> <li>Qwant: le moteur de recherche fran&ccedil;ais (et soutenu par l&rsquo;Europe) dont la part de march&eacute; est largement confidentielle dans le monde mais qui est en constante croissance en France o&ugrave; il promeut une d&eacute;marche respectueuse des donn&eacute;es priv&eacute;es.</li> </ul> <p>Sur chacun de ces moteurs de recherche, les 10 premi&egrave;res pages de r&eacute;sultats sont relev&eacute;es (elles peuvent &ecirc;tre communes aux diff&eacute;rents moteurs). Ce sont ainsi 30 pages et tous leurs contenus directement accessibles sans autre action qui sont relev&eacute;s. Cela inclut les textes et les images. Cela exclut les vid&eacute;os et les &eacute;l&eacute;ments sonores pour lesquelles il faut r&eacute;aliser une action suppl&eacute;mentaire (si une image de la vid&eacute;o s&rsquo;affiche par d&eacute;faut, celle-ci est prise en compte. Cela exclut &eacute;galement les pages au bout des liens: il ne s&rsquo;agit pas d&rsquo;avoir une (illusoire) vis&eacute;e exhaustive de ce qui est mis en acc&egrave;s sur le net en suivant tous ces liens, ni d&rsquo;anticiper les parcours des lecteurs, forc&eacute;ment diff&eacute;rents et impr&eacute;visibles. La d&eacute;marche s&rsquo;attache &agrave; la partie la plus visible car premi&egrave;rement accessible des discours.</p> <p>&nbsp;</p> <p>Deux principaux biais sont rep&eacute;r&eacute;s dans cette d&eacute;marche.</p> <p>Le premier est li&eacute; &agrave; la disparit&eacute; de la popularit&eacute; des diff&eacute;rents moteur de recherche. En particulier l&rsquo;un d&rsquo;entre eux, Google, est tr&egrave;s largement populaire de mani&egrave;re quasi exclusive. Aussi les sites apparaissant sur celui-ci ont un impact plus &eacute;tendu, constituant un agenda renforc&eacute;. Les r&eacute;sultats sont trait&eacute;s &agrave; part (moteur par moteur) afin de v&eacute;rifier d&rsquo;&eacute;ventuelles disparit&eacute;s et les cons&eacute;quences qu&rsquo;elles pourraient avoir de ce point de vue. Pour autant, le traitement des donn&eacute;es issus des autres moteurs de recherche &agrave; l&rsquo;exposition (nettement) moindre n&rsquo;est pas sans int&eacute;r&ecirc;t car il permet de percevoir si les ingr&eacute;dients m&eacute;moriels dont partag&eacute;s et renforc&eacute;s ou si au contraire il y a des sp&eacute;cificit&eacute;s significatives selon les acc&egrave;s.</p> <p>Le deuxi&egrave;me biais n&eacute;cessitant une attention particuli&egrave;re et un traitement adapt&eacute; concerne la pr&eacute;sence d&rsquo;une page sur plusieurs moteurs de recherche. Sa pr&eacute;sence discursive de retrouve ainsi renforc&eacute;e car une page apparaissant sur tous les moteurs de recherche dans les tous premiers r&eacute;sultats aura une visibilit&eacute; plus forte qu&rsquo;une autre n&rsquo;apparaissant qu&rsquo;une fois en dixi&egrave;me position sur un seul moteur de recherche. Ainsi certaines pages (par exemple la page <em>Retirada</em> sur le site Wikip&eacute;dia) sont incontournables et constituent de fait des r&eacute;f&eacute;rences principales pour qui s&rsquo;informe sur le sujet. Les pages apparaissant sur plusieurs moteurs de recherche pr&eacute;sentent avec plus de force la m&eacute;moire de la Retirada en m&ecirc;me temps qu&rsquo;elles constituent des influences plus remarquables. De telles expositions renforc&eacute;es seront donc distingu&eacute;es.</p> <h3>3.2. Le corpus</h3> <p>Le corpus de donn&eacute;es est ainsi compos&eacute; de30 r&eacute;sultats de recherche. La r&eacute;colte a &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute;e le 30 novembre 2022, mais les dates de publication des diff&eacute;rentes pages sont bien s&ucirc;r diff&eacute;rentes: nombre d&rsquo;entre elles a &eacute;t&eacute; publi&eacute; en 2019, pour la comm&eacute;moration des 80 ans de l&rsquo;exil.</p> <p>2 pages apparaissent sur les trois moteurs de recherche:</p> <ul> <li>La page de l&rsquo;encyclop&eacute;die collaborative Wikip&eacute;dia: <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Retirada">https://fr.wikipedia.org/wiki/Retirada</a><a href="#_ftn6"><u><u>[6]</u></u></a></li> <li>Un article mis en ligne sur le site du journal Lib&eacute;ration le 10 f&eacute;vrier 2019, racontant l&rsquo;histoire d&rsquo;Antonio de la Fuente intern&eacute; dans un camp de r&eacute;fugi&eacute;s alors qu&rsquo;il avait 9 ans: <a href="https://www.liberation.fr/apps/2019/02/retirada-enfance-camps-francais/">https://www.liberation.fr/apps/2019/02/retirada-enfance-camps-francais/</a></li> </ul> <p>4 pages apparaissent dans les r&eacute;sultats de deux moteurs de recherche:</p> <ul> <li>Une annonce de manifestation publi&eacute;e sur le site de l&rsquo;Office Fran&ccedil;ais de Protection des R&eacute;fugi&eacute;s et des Apatrides (Ofpra): <a href="https://www.ofpra.gouv.fr/fr/histoire-archives/actualites-et-manifestations/la-retirada">https://www.ofpra.gouv.fr/fr/histoire-archives/actualites-et-manifestations/la-retirada</a> [Google et Bing]</li> <li>Une page sur le site du mus&eacute;e de l&rsquo;Histoire de l&rsquo;Immigration: <a href="https://www.histoire-immigration.fr/caracteristiques-migratoires-selon-les-pays-d-origine/la-retirada-ou-l-exil-republicain-espagnol-d-apres-guerre">https://www.histoire-immigration.fr/caracteristiques-migratoires-selon-les-pays-d-origine/la-retirada-ou-l-exil-republicain-espagnol-d-apres-guerre</a> [Google et Bing]</li> <li>Un article paru le mercredi 6 f&eacute;vrier 2019 sur le site du journal L&rsquo;Humanit&eacute;: <a href="https://www.humanite.fr/monde/guerre-despagne/histoire-la-retirada-ce-douloureux-exil-des-espagnols-en-france-667447">https://www.humanite.fr/monde/guerre-despagne/histoire-la-retirada-ce-douloureux-exil-des-espagnols-en-france-667447</a> [Bing et Qwant]</li> <li>Un article paru le mercredi 20 janvier 2019 sur le site du journal L&rsquo;Ind&eacute;pendant: <a href="https://www.lindependant.fr/2019/01/20/une-cartographie-animee-pour-mieux-comprendre-la-retirada,7961299.php">https://www.lindependant.fr/2019/01/20/une-cartographie-animee-pour-mieux-comprendre-la-retirada,7961299.php</a> [Bing et Qwant]</li> </ul> <p>&nbsp;</p> <p>16 pages n&rsquo;apparaissent que sur un seul moteur de recherche:</p> <p>Sur des sites de m&eacute;dias g&eacute;n&eacute;ralistes:</p> <ul> <li>https://www.arte.tv/fr/videos/101056-003-A/la-retirada-exode-espagnol-par-dela-les-pyrenees/ [Google]</li> <li>https://www.france24.com/fr/20190209-france-espagne-80-ans-retirada-refugies-republicains-espagnols-franco-camps [Google]</li> <li>https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-cours-de-l-histoire/retirada-les-republicains-sur-les-routes-de-l-exil-9046034 [Google]</li> <li>https://www.midilibre.fr/2019/02/10/dossier-midi-libre-la-retirada-ou-lexode-des-republicains-espagnols-en-roussillon,8005841.php [Bing]</li> <li>https://www.franceinter.fr/emissions/comme-un-bruit-qui-court/comme-un-bruit-qui-court-30-mars-2019 [Qwant]</li> </ul> <p>Sur des sites sp&eacute;cialis&eacute;s ou d&eacute;di&eacute;s (archives, associations, projets sur le sujet):</p> <ul> <li>https://www.archives.toulouse.fr/documents/10184/13573/Immigration_Retirada.pdf/9f982c2d-09b0-441f-be89-e26f442d93c2 [Google]</li> <li>http://www.archives82.fr/apprendre-et-se-cultiver/action-culturelle/expositions-itinerantes/retirada-lexil-des-republicains-espagnols.html [Google]</li> <li>http://retirada37.com/la-retirada-ou-lexil-republicain-espagnol-dapres-guerre/ [Bing]</li> <li>http://retirada37.com/ [Bing]</li> <li>https://www.campgurs.com/le-camp/lhistoire-du-camp/le-camp-cr%C3%A9ation/la-retirada/ [Google]</li> <li>http://laretirada.net/ [Qwant]</li> </ul> <p>Sur des sites culturels ou scientifiques g&eacute;n&eacute;ralistes:</p> <ul> <li>https://clio-cr.clionautes.org/la-retirada-exode-et-exil-des-republicains.html [Qwant]</li> <li>https://www.babelio.com/liste/5222/La-Retirada-Souvenirs-de-lexil [Qwant]</li> <li>https://videotheque.cnrs.fr/?id_doc=3776&amp;urlaction=doc [Qwant]</li> </ul> <p>Sur un site institutionnel (R&eacute;gion Occitanie):</p> <ul> <li>https://www.laregion.fr/La-Retirada [Qwant]</li> </ul> <p>Sur un dictionnaire en ligne li&eacute; au journal Le Parisien, reprenant des extraits de la page Wikip&eacute;dia:</p> <ul> <li>https://dictionnaire.sensagent.leparisien.fr/Retirada/fr-fr/ [Bing]</li> </ul> <p>En tenant compte de ces doublons et triplons, le corpus est compos&eacute; de 22 pages diff&eacute;rentes.</p> <p>D&rsquo;un point de vue purement quantitatif et statistique, le corpus est compos&eacute; de 52082 mots et 280 720 caract&egrave;res, ce qui &eacute;quivaut &agrave; la longueur d&rsquo;un roman de 200 pages environ. Les disparit&eacute;s sont importantes: la page la plus longue comporte 10019 mots (un ensemble de pr&eacute;sentations d&rsquo;ouvrages consacr&eacute;s au sujet sur le site Babelio) et la plus br&egrave;ve 22 (une pr&eacute;sentation de livre sur le site Clionaute). La moyenne est de 1730 mots.</p> <p>178 photographies ou infographies illustrent l&rsquo;ensemble, mais un seul site en condense 101 (couvertures des livres pr&eacute;sent&eacute;s sur Babelio) et un autre 31 (Archives de Toulouse). La plupart des sites ont une, deux ou trois illustrations et 6 n&rsquo;en ont aucune.</p> <h2>4. &Eacute;l&eacute;ments d&#39;analyse des discours sur la Retirada: les points de couture de la m&eacute;moire</h2> <p>Le corpus ainsi constitu&eacute; est vaste et n&eacute;cessite de faire des choix. Il sera explor&eacute; ainsi de diff&eacute;rentes mani&egrave;res, non exhaustives.</p> <p>La titraille sera analys&eacute;e en premier car elle constitue le ph&eacute;nom&egrave;ne le plus visible: elle apparait d&egrave;s la page de r&eacute;sultats. Les diff&eacute;rentes pages seront ensuite abord&eacute;es, particuli&egrave;rement en utilisant un logiciel de lexicom&eacute;trie pour faire &eacute;merger les &eacute;l&eacute;ments saillants de chacune d&rsquo;entre elles, des s&eacute;ries par moteur de recherche et de l&rsquo;ensemble. Enfin, les &eacute;l&eacute;ments iconographiques (photographies, illustrations, infographies, etc.) seront trait&eacute;s afin de d&eacute;gager les &eacute;l&eacute;ments r&eacute;currents et leurs significations.</p> <p>Avant cela, il faut apporter quelques pr&eacute;cisions sur l&rsquo;origine et les usages sp&eacute;cifiques du mot Retirada.</p> <h3>4.1. &laquo;Retirada&raquo;?</h3> <p>Le terme est circulant et semble s&rsquo;imposer (m&ecirc;me s&rsquo;il d&eacute;pla&icirc;t &agrave; certains parce qu&rsquo;il &eacute;voqu&eacute; une retraite, une d&eacute;faite) pour d&eacute;signer l&rsquo;exil massif des Espagnols fuyant le franquisme et la s&eacute;v&egrave;re r&eacute;pression phalangiste en 1939 et les conditions d&rsquo;accueil des r&eacute;fugi&eacute;s dans les camps d&rsquo;accueil fran&ccedil;ais (m&eacute;tropole et Afrique du nord). Il s&rsquo;agit donc d&rsquo;un nom propre d&eacute;signant, en fran&ccedil;ais, une p&eacute;riode historique: un chrononyme. Cependant, il ne figure pas les dictionnaires fran&ccedil;ais<a href="#_ftn7">[7]</a>. Les quelques rares occurrences que l&rsquo;on peut trouver dans les archives renvoient &agrave; une acception militaire (une retraite / <em>retirade</em> forme francis&eacute;e de <em>retirada</em>, comme dans l&rsquo;<em>Histoire de la langue Fran&ccedil;aise des origines &agrave; 1900</em>, de Ferdinand Brunot) ou une acception dans le domaine de la tauromachie (dernier combat du tor&eacute;ro avant sa retraite, dans la presse sp&eacute;cialis&eacute;e du XIX<sup>e</sup> et d&eacute;but du XX<sup>e</sup>). Mais rien concernant l&rsquo;&eacute;pisode historique dont il est question dans ces pages.</p> <p>Le terme est d&rsquo;origine espagnole mais il semble qu&rsquo;il se d&eacute;ploie particuli&egrave;rement comme chrononyme en France et dans la Catalogne frontali&egrave;re. Il est nom commun pour le dictionnaire de la Real academia espa&ntilde;ola(RAE) qui le d&eacute;finit comme l&rsquo;action ou l&rsquo;effet de (se) retirer ou poss&egrave;de des acceptions militaire (retraite), topologique (le retrait d&rsquo;un fleuve de son cours originel) ou un pas de danse.</p> <p>L&rsquo;acception retenue ici para&icirc;t &ecirc;tre une cr&eacute;ation initialement fran&ccedil;aise qui fait de &laquo;Retirada&raquo; un pivot lexical m&eacute;moriel sp&eacute;cifique et quelque peu exotique.</p> <p>Il n&rsquo;a pas &eacute;t&eacute; possible de trouver dans les archives disponibles (Gallica, Retronews) de la presse fran&ccedil;aise des ann&eacute;es 40 une occurrence du chrononyme, alors que certains consid&egrave;rent qu&rsquo;il est apparu &agrave; cette &eacute;poque. Pour Genevi&egrave;ve Dreyfuss-Armand, &laquo; [le] terme, depuis une vingtaine d&rsquo;ann&eacute;es, s&rsquo;est impos&eacute; en Espagne comme en France &raquo; (2019, p. 15).</p> <p>L&rsquo;&eacute;volution de la fr&eacute;quence du terme qui peut &ecirc;tre (partiellement) inf&eacute;r&eacute;e &agrave; part de la base de donn&eacute;es Google Livre (la plus grande base num&eacute;ris&eacute;e &agrave; ce jour au monde) semble montrer un d&eacute;ploiement si ce n&rsquo;est une apparition de l&rsquo;acception particuli&egrave;re plus tardive :</p> <p style="text-align: center;"><img height="256" src="https://www.numerev.com/img/ck_6_26_image-20240723190355-1.png" width="655" /></p> <p style="text-align: center;"><em>Fig. 1 Ngram du terme &laquo;retirada&raquo; avec et sans majuscule</em></p> <p>De nos jours, <em>retirada</em> (ou <em>Retirada</em>) renvoie exclusivement sur le web francophone &agrave; des documents li&eacute;s au chrononyme, accentuant l&rsquo;&eacute;cart entre consensus contemporain et origines encore myst&eacute;rieuses d&rsquo;un tel emploi. Ici, le lexique fonctionne bien comme point d&rsquo;ancrage m&eacute;moriel: il articule des savoirs construits dans le temps, r&eacute;solument contemporains bien que consid&eacute;r&eacute;s comme des donn&eacute;es originelles.</p> <p>C&rsquo;est donc &agrave; ce point d&rsquo;ancrage que s&rsquo;arriment les discours constituant le savoir accessible.</p> <h3>4.2. Topiques m&eacute;moriels dans les pages</h3> <p>Trois chemins sont emprunt&eacute;s qui permettent de parcourir le corpus. Ils conduisent &agrave; observer (1) les titres des pages, (2) leurs contenus textuels et (3) leurs contenus iconographiques.</p> <h4>4.2.1. Titrailles</h4> <p>Dans la page de r&eacute;sultats d&rsquo;un moteur de recherche comme dans chaque document qui la compose, le titre s&rsquo;impose par sa visibilit&eacute; premi&egrave;re (avec certaines photographies: nous y reviendrons plus loin). Ainsi, dans cette recherche du 19 janvier 2023:</p> <p style="text-align: center;"><img src="https://www.numerev.com/img/ck_6_26_image-20240723190433-2.png" style="width: 600px; height: 231px;" /></p> <p style="text-align: center;"><em><span style="background-color:#f1c40f;">Figure 2</span></em></p> <p style="text-align: center;">&nbsp;</p> <p>Le corpus est ainsi constitu&eacute; de 30 occurrences dont 22 sont diff&eacute;rentes compte-tenu des triplons et des doublons:</p> <p style="margin-left: 40px;">Trois occurrences:</p> <p style="margin-left: 40px;">Retirada [Google] [Bing] [Qwant]</p> <p style="margin-left: 40px;">IL Y A 80 ANS,LA RETIRADA UNE ENFANCE DANS LES CAMPSFRAN&Ccedil;AIS [Google] [Bing] [Qwant]</p> <p style="margin-left: 40px;">Deux occurrences:</p> <p style="margin-left: 40px;">La Retirada ou l&rsquo;exil r&eacute;publicain espagnol d&rsquo;apr&egrave;s-guerre [Google] [Bing]</p> <p style="margin-left: 40px;">1939 LA RETIRADA. Le grand exil des R&eacute;publicains espagnols [Google] [Bing]</p> <p style="margin-left: 40px;">Une cartographie anim&eacute;e pour mieux comprendre la Retirada [Bing] [Qwant]</p> <p style="margin-left: 40px;">Histoire. La Retirada, ce douloureux exil des Espagnols en France [Bing] [Qwant]</p> <p style="margin-left: 40px;">Une occurrence:</p> <p style="margin-left: 40px;">LA RETIRADA, f&eacute;vrier 1939 : SUR LES CHEMINS DE L&rsquo;EXIL [Google]</p> <p style="margin-left: 40px;">La Retirada, exode espagnol par-del&agrave; les Pyr&eacute;n&eacute;es [Google]</p> <p style="margin-left: 40px;">Les 80 ans de la Retirada: quand un demi-million de r&eacute;fugi&eacute;s espagnols arrivait en France [Google]</p> <p style="margin-left: 40px;">Retirada, les r&eacute;publicains sur les routes de l&rsquo;exil [Google]</p> <p style="margin-left: 40px;">Retirada : l&#39;exil des r&eacute;publicains espagnols [Google]</p> <p style="margin-left: 40px;">La &quot;Retirada&quot; [Google]</p> <p style="margin-left: 40px;">Retirada [Bing]</p> <p style="margin-left: 40px;">LA RETIRADA OU L&rsquo;EXIL R&Eacute;PUBLICAIN ESPAGNOL D&rsquo;APR&Egrave;S GUERRE [Qwant]</p> <p style="margin-left: 40px;">LE TROU DE M&Eacute;MOIRE DES JEUNES ESPAGNOLS [Bing]</p> <p style="margin-left: 40px;">La Retirada ou l&rsquo;exode des R&eacute;publicains espagnols en Roussillon [Bing]</p> <p style="margin-left: 40px;">La Retirada : Exode et exil des r&eacute;publicains [Bing]</p> <p style="margin-left: 40px;">La Retirada [Qwant]</p> <p style="margin-left: 40px;">&laquo; La Retirada &raquo;, une histoire de m&eacute;moire [Qwant]</p> <p style="margin-left: 40px;">La Retirada. Souvenirs de l&#39;exil [Qwant]</p> <p style="margin-left: 40px;">M&eacute;moires de la Retirada [Qwant]</p> <p style="margin-left: 40px;">La Retirada. Homenatge a l&#39;Exili [Qwant]</p> <p style="margin-left: 40px;">&nbsp;</p> <p>Que l&rsquo;on consid&egrave;re le corpus entier (30 occurrences) ou que l&rsquo;on supprime les doublons, les r&eacute;sultats sont les m&ecirc;mes qui voient se distinguer certains signifiants par crit&egrave;re de fr&eacute;quence: <em>retirada</em>, <em>exil</em>/<em>exode</em>, <em>espagnol</em> et <em>r&eacute;publicain</em><sup><a href="#_ftn8"><em><strong>[8]</strong></em></a></sup>.</p> <p><em>Retirada</em> fonctionne comme un signifiant pivot incontournable. Cela est en partie explicable parce qu&rsquo;il est mot de recherche mais certains articles sur le th&egrave;me pourraient y r&eacute;f&eacute;rer sans que le signifiant soit dans le titre (&agrave; contrario, nous verrons que dans les textes, le terme <em>retirada</em> n&rsquo;est pas le plus pr&eacute;sent dans les univers lexicaux r&eacute;v&eacute;l&eacute;s par l&rsquo;analyse). A contrario, cette omnipr&eacute;sence pourrait surprendre puisqu&rsquo;il n&rsquo;est attest&eacute; par aucun dictionnaire. Il est pr&eacute;sent dans 29/30 titres (corpus complet), l&rsquo;exception &eacute;tant dans le titre &laquo;Le trou de m&eacute;moire des jeunes espagnols&raquo;, article de Luis Reygada, publi&eacute; le 17 Octobre 2022 sur le site l&rsquo;Humanit&eacute;.fr (ce &laquo;trou de m&eacute;moire&raquo; allant jusqu&rsquo;&agrave; la disparition du signifiant!).</p> <p>Deux polarit&eacute;s caract&eacute;risent l&rsquo;emploi du terme <em>retirada</em>.Certains titres actualisent <em>retirada</em> dans une <em>perspective d&eacute;finitoire</em>: comme dans &laquo;Retirada : l&#39;exil des r&eacute;publicains espagnols&raquo; ou encore &laquo;1939 LA RETIRADA. Le grand exil des R&eacute;publicains espagnols&raquo;. D&rsquo;autres &ndash; supposant la d&eacute;finition connue du lecteur &ndash; l&rsquo;emploient comme <em>th&egrave;me d&rsquo;un &eacute;v&eacute;nement dont un aspect est d&eacute;velopp&eacute;</em>, par exemple &laquo;Une cartographie anim&eacute;e pour mieux comprendre la Retirada&raquo; ou &laquo;La Retirada. Souvenirs de l&#39;exil&raquo;. Le premier p&ocirc;le, d&eacute;finitoire, est le plus commun : il explique la fr&eacute;quence des autres signifiants.</p> <p><em>Exil </em>(13 occurrences/30 auquel peut s&rsquo;ajouter la forme &laquo;Exili&raquo; en catalan) et <em>exode </em>(3/30) figurent en deuxi&egrave;me position: ils apparaissent dans plus de la moiti&eacute; des titres. Si les deux termes ont une distinction s&eacute;mantique (l&rsquo;exil est impos&eacute; par une autorit&eacute; l&eacute;gale; l&rsquo;exode est motiv&eacute; par des circonstances particuli&egrave;res comme la guerre ou des conditions &eacute;conomiques), ils r&eacute;f&eacute;rent tous deux &agrave; l&rsquo;expatriation forc&eacute;e et dramatique.</p> <p>Ils sont g&eacute;n&eacute;ralement qualifi&eacute;s ou compl&eacute;t&eacute;s par les deux termes cl&ocirc;turant le quator de fr&eacute;quence: <em>espagnol </em>(12/30; 9/22) et <em>r&eacute;publicain </em>(8/30; 7/22), s&eacute;par&eacute;ment ou conjointement: &laquo;La Retirada ou l&rsquo;exode des R&eacute;publicains espagnols en Roussillon&raquo;, &laquo;La Retirada, exode espagnol par-del&agrave; les Pyr&eacute;n&eacute;es&raquo;, &laquo;La Retirada : Exode et exil des r&eacute;publicains&raquo;, etc.</p> <p>Ainsi, un sch&eacute;ma d&eacute;finitoire &eacute;merge dans les titres contemporains autour du chrononyme m&eacute;moriel:</p> <p style="text-align: center;"><img height="93" src="https://www.numerev.com/img/ck_6_26_image-20240723190544-3.png" width="460" /></p> <p style="text-align: center;"><em><span style="background-color:#f1c40f;">Figure 3</span></em></p> <p>Il est important de souligner que cette forme r&eacute;currente sous-jacente n&rsquo;est que partiellement juste puisque de nombreux r&eacute;fugi&eacute;s n&rsquo;&eacute;taient pas inscrits dans un combat r&eacute;publicain: ils pouvaient &ecirc;tre neutres ou d&rsquo;autres courants politiques, ou encore venir en France pour des raisons autres que politiques. Parmi ceux qui n&rsquo;&eacute;taient pas r&eacute;publicains, certains ont pu d&eacute;clarer l&rsquo;&ecirc;tre aupr&egrave;s des autorit&eacute;s fran&ccedil;aises pour obtenir le statut de r&eacute;fugi&eacute; politique.</p> <p>Dans tous les cas, l&rsquo;imaginaire m&eacute;moriel fran&ccedil;ais privil&eacute;gie le trait s&eacute;mantique <em>r&eacute;publicain</em> qui est particuli&egrave;rement valoris&eacute;, pour des raisons historiques, dans ce pays.</p> <p>Les autres &eacute;l&eacute;ments lexicaux sont moins nombreux (&lt; 3 occurrences / 30) et d&eacute;ploient le caract&egrave;re m&eacute;moriel de cette d&eacute;finition profonde (<em>histoire</em>, <em>m&eacute;moire</em>), les conditions dramatiques de d&eacute;part et d&rsquo;accueil (<em>camps, douloureux</em>), son ampleur (<em>le grand exil</em>, <em>un demi-million de r&eacute;fugi&eacute;s</em>) et les rep&egrave;res temporels (<em>1939</em>, <em>il y a 80 ans</em>).</p> <p>&nbsp;</p> <p>Les titres des publications s&rsquo;organisent ainsi autour d&rsquo;un signifiant omnipr&eacute;sent &ndash; <em>retirada</em> &ndash; et r&eacute;v&egrave;lent un sch&eacute;ma d&eacute;finitoire sous-jacent qui permettent de cerner un signifi&eacute; que n&rsquo;explicitent pas par ailleurs les outils linguistiques tels les dictionnaires.</p> <p>A ce premier niveau, la cha&icirc;ne des discours circonscrit l&rsquo;objet m&eacute;moriel <em>Retirada</em> &agrave; une p&eacute;riode donn&eacute;e (au moment de l&rsquo;&eacute;criture de ces lignes) dans un espace donn&eacute; (le web francophone accessible depuis la France). Ici et maintenant, la Retirada apparait comme un exode/exil des Espagnols r&eacute;publicains, en 1939. Ces traits d&eacute;finitoires retenus, parmi d&rsquo;autres, constituent un point de d&eacute;part vers les mat&eacute;rialit&eacute;s m&eacute;morielles que les pages qu&rsquo;ils annoncent d&eacute;veloppent.</p> <h4>4.2.2. Lexique et m&eacute;moire</h4> <p>Pour sonder la masse des discours retenus et faire &eacute;merger des traits saillants, les ressources du logiciel Iramuteq sont mobilis&eacute;es, en particulier un type d&rsquo;analyse d&eacute;velopp&eacute; par Max Reinert et connu sous son nom. Pour l&rsquo;auteur, &laquo; ce mod&egrave;le simplifi&eacute; de repr&eacute;sentation statistique d&rsquo;un discours suffit &agrave; mettre en &eacute;vidence, du moins dans l&rsquo;analyse de certains corpus, une tendance du vocabulaire &agrave; se distribuer dans des mondes lexicaux stabilis&eacute;s &raquo; (2008, p. 982). L&rsquo;analyse ne repose pas uniquement sur la fr&eacute;quence des mots mais int&egrave;gre les cooccurrences dans les &eacute;nonc&eacute;s d&rsquo;un corpus.</p> <blockquote> <p>Les mondes lexicaux &eacute;tant d&eacute;finis statistiquement, ils renvoient &agrave; des espaces de r&eacute;f&eacute;rence associ&eacute;s &agrave; un grand nombre d&#39;&eacute;nonc&eacute;s. Autrement dit, ils superposent, dans un m&ecirc;me &laquo; lieu &raquo;, diff&eacute;rents moments de l&#39;activit&eacute; du sujet, diff&eacute;rents &laquo;points de vue &raquo; [&hellip;] Dans le cas o&ugrave; ce sujet est collectif (cas de l&#39;&eacute;tude pr&eacute;sent&eacute;e ci-apr&egrave;s), ces &laquo; lieux &raquo; deviennent des sortes de &laquo;lieux communs&raquo; (&agrave; un groupe, une collectivit&eacute;, une &eacute;poque, etc.). De ce fait, ils peuvent s&#39;imposer davantage &agrave; l&#39;&eacute;nonciateur qu&#39;ils ne sont choisis par lui, m&ecirc;me si celui-ci les reconstruit, leur donne une coloration propre. Un recouvrement avec la notion de repr&eacute;sentations sociales appara&icirc;t donc ici assez clairement : dans les deux cas, ces notions &eacute;voquent un lieu situ&eacute; entre les repr&eacute;sentations individuelles et les pr&eacute;construits culturels (Reinert, 1993, p. 12).</p> </blockquote> <p>Ainsi, le lexique organis&eacute; en &laquo; mondes lexicaux &raquo; peut relever de repr&eacute;sentations sociales apparaissant &agrave; la crois&eacute;e des locuteurs (&laquo; sujet collectif &raquo;) qui les produisent en m&ecirc;me temps qu&rsquo;elles s&rsquo;imposent &agrave; eux.</p> <p>L&rsquo;analyse statistique permet d&rsquo;abord de r&eacute;v&eacute;ler les fr&eacute;quences d&rsquo;apparition des termes. Si la majorit&eacute; des termes apparaissent moins de dix fois dans l&rsquo;ensemble du corpus, quelques-uns se distinguent en &eacute;tant r&eacute;guli&egrave;rement employ&eacute;s. Ainsi, sur l&rsquo;ensemble des pages :</p> <p style="text-align: center;"><img height="276" src="https://www.numerev.com/img/ck_6_26_image-20240723190640-4.png" width="558" /></p> <p style="text-align: center;"><em>Fig. 4 Rapport fr&eacute;quence d&rsquo;apparition / nombre de formes concern&eacute;es</em></p> <p>Si on observe les 10 formes qui sont les plus fr&eacute;quentes, nous obtenons le classement suivant : <em>camp</em> et <em>espagnol</em> se distinguent (&gt; 400 occurrences), suivis de <em>r&eacute;fugi&eacute;</em>, <em>France</em>, <em>guerre</em>, <em>r&eacute;publicain</em> (entre 200 et 300 occurrences). <em>Fran&ccedil;ais</em>, <em>retirada</em>, <em>Espagne</em> et <em>civil</em> apparaissent entre 100 et 200 fois. Il est important de noter que les deux formes qui se d&eacute;gagent le plus (<em>camp</em> et <em>espagnol</em>) sont &eacute;galement en t&ecirc;te dans les r&eacute;sultats de chaque moteur de recherche : Google (<em>espagnol</em> : 173 ; <em>camp</em> : 152), Bing (<em>camp</em> : 140 ; <em>espagnol</em> : 136) et Qwant (<em>camp</em> : 203 et <em>espagnol</em> : 153). Il est remarquable que <em>retirada</em>, qui est le terme entr&eacute; dans le moteur de recherche, n&rsquo;apparait pas dans les toutes premi&egrave;res positions. Il est 8&egrave;me position sur l&rsquo;ensemble des pages (180 occurrences), 9&egrave;me sur Google (56), 8&egrave;me sur Bing (58) et 6&egrave;me sur Qwant (66).</p> <p style="text-align: center;"><img height="475" src="https://www.numerev.com/img/ck_6_26_image-20240723190701-5.png" width="856" /></p> <p style="text-align: center;"><em>Fig. 5 Termes les plus fr&eacute;quemment employ&eacute;s (et nombre d&rsquo;occurrences)</em></p> <p>Ces fr&eacute;quences ne constituent pas le c&oelig;ur de la m&eacute;thode Reinert qui prend en compte les cooccurrences d&rsquo;apparition et les regroupes par classes selon la proximit&eacute; des termes entre eux. Ainsi, apparaissent des &laquo;mondes lexicaux&raquo; stabilis&eacute;s repr&eacute;sentatifs de topiques m&eacute;moriels (ces topiques constituent des ensembles conceptuels qui se rapportent &agrave; un domaine macrotopique <em>retirada</em>, si l&rsquo;on s&rsquo;inspire de la grammaire cognitive de Ronald Langacker, 1991).</p> <p>Ces regroupements peuvent &ecirc;tres visualis&eacute;s avec une Analyse Factorielle des Correspondance (AFC) permettant de faire ressortir 3 ensembles<a href="#_ftn9">[9]</a>. Dans cette repr&eacute;sentation, la taille des termes est proportionnelle aux fr&eacute;quences, les couleurs indiquent les regroupements en classes et la proximit&eacute; des termes est relative &agrave; leur liens textuels.</p> <p>Cette m&eacute;thode permet de compl&eacute;ter une approche lexicale bas&eacute;e uniquement sur la fr&eacute;quence des termes. Un item (<em>France</em>) n&rsquo;est pas repr&eacute;sent&eacute; alors qu&rsquo;il figure parmi les 6 termes les plus fr&eacute;quents dans l&rsquo;ensemble du corpus(<em>camp</em> et <em>espagnol </em>&gt; 400; <em>refugi&eacute;s</em>, <em>France</em>, <em>guerre</em>, <em>r&eacute;publicain</em>: entre 200 et 300 occurrences). Il disparait au profit de termes plus sp&eacute;cifiques (toponymes r&eacute;f&eacute;rent &agrave; des villes ou des d&eacute;partements o&ugrave; &eacute;taient install&eacute;s des camps de concentration).</p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: center;"><img src="https://www.numerev.com/img/ck_6_26_image-20240723190727-6.png" style="width: 600px; height: 338px;" /></p> <p style="text-align: center;"><em>Fig. 6 AFC (Analyse Factorielle des Correspondances): groupements</em></p> <p>Trois groupements apparaissent:</p> <p style="margin-left: 40px;">(1) Le plus central, en vert, a trait au sort des r&eacute;publicains espagnols dans la guerre(des combats &agrave; la r&eacute;pression et &agrave; l&rsquo;exode). Il s&rsquo;organise autour d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments pr&eacute;dominants quantitativement (taille des termes <em>espagnol</em>, <em>guerre</em> et <em>r&eacute;publicain</em> en trio de t&ecirc;te) et par leur concentration &agrave; la crois&eacute;e des axes sur le graphique d&eacute;montrant qu&rsquo;ils sont en outre articulateurs centraux dans l&rsquo;ensemble du corpus. De ce double point de vue, <em>espagnol</em> apparait comme un signifiant articulateur assurant par ailleurs le lien avec le deuxi&egrave;me groupe.</p> <p style="margin-left: 40px;">(2) En bleu, un deuxi&egrave;me ensemble a trait &agrave; la vie aux conditions d&rsquo;accueil concentrationnaire des r&eacute;fugi&eacute;s. Les termes <em>camp</em> et <em>r&eacute;fugi&eacute;</em> se distinguent &agrave; leur tour; le second &eacute;tant articulateur des premiers mondes lexicaux dans son association &agrave; <em>espagnol</em>.</p> <p style="margin-left: 40px;">(3) Un troisi&egrave;me ensemble apparait, en rouge, moins intriqu&eacute; que les deux premiers, qui r&eacute;f&egrave;re aux travail de m&eacute;moire (<em>m&eacute;moire </em>et <em>histoire </em>se distinguent ici notamment).</p> <p>&nbsp;</p> <p>En rapprochant ces &laquo;mondes lexicaux&raquo; du sch&eacute;ma d&eacute;finitoire des titres, il est possible d&rsquo;inf&eacute;rer une composition macro-discursive culturelle (Royer et al. 2019).</p> <p>Ainsi, dans les titres s&rsquo;inscrivaient dans un sch&eacute;ma pr&eacute;gnant: retirada = (exil/exode) ― [(espagnol) et/ou (r&eacute;publicain)]. Les groupements &eacute;mergeants de l&rsquo;approche lexicom&eacute;trique s&rsquo;articulent &agrave; ce sch&eacute;ma pour faire &eacute;merger une structure d&rsquo;organisation discursive m&eacute;moriellequi lie de mani&egrave;re privil&eacute;gi&eacute;e:</p> <ul> <li>l&rsquo;univers li&eacute; ausort des r&eacute;publicains espagnols dans la guerre &agrave; la partie du sch&eacute;ma de titre [(espagnol) et/ou (r&eacute;publicain)];</li> <li>l&rsquo;univers attach&eacute; auxconditions d&rsquo;accueil concentrationnaire des r&eacute;fugi&eacute;s&raquo; &agrave; la partie du sch&eacute;ma de titre (exil/exode).</li> </ul> <p>Alors que les deux pr&eacute;c&eacute;dents univers sont intimes entre eux (via les pivots espagnol et r&eacute;fugi&eacute; proches dans le graphe) et chacun avec une partie du titre, l&rsquo;univers li&eacute; au travail de m&eacute;moire est g&eacute;n&eacute;rique semble relever d&rsquo;une autre temporalit&eacute;: celle du pr&eacute;sent dans lequel se reconstruisent justement les univers pr&eacute;c&eacute;dents qui sont ancr&eacute; dans une temporalit&eacute; du pass&eacute;.</p> <p style="text-align: center;"><img height="274" src="https://www.numerev.com/img/ck_6_26_image-20240723190843-7.png" width="612" /></p> <p style="text-align: center;"><em>Fig. 7 Synth&egrave;se des &eacute;l&eacute;ments de titraille et des corps des textes</em></p> <p style="text-align: center;">&nbsp;</p> <p>Ainsi se dessine un sch&eacute;ma macro-discursif o&ugrave; se construisent et se structurent les topiques m&eacute;morielles de la Retirada. A partir du signifiant <em>Retirada</em>, premier dans les titres et plus discret dans le corps des textes, se distribuent deux univers de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement et un univers li&eacute; au travail de cette m&eacute;moire.</p> <p>Mais les titres et les corps des textes ne sont pas seuls: des &eacute;l&eacute;ments iconographiques sont &eacute;galement au nombre des &eacute;l&eacute;ments discursifs prioritairement perceptibles.</p> <h4>4.2.3. Iconographie</h4> <p>Les &eacute;l&eacute;ments iconographiques apparaissent en nombre vari&eacute;s dans les pages. Au total 178 images sont pr&eacute;sentes dans le corpus(163 si l&rsquo;on ne compte qu&rsquo;une fois les images apparaissant sur plusieurs moteurs de recherche): 43 sur Google, 25 sur Bing et 110 sur Qwant. Le dernier nombre est &eacute;lev&eacute; car le moteur de recherche Qwant propose une page du site Babelio.com qui recense les ouvrages consacr&eacute;s &agrave; la Retirada: ce sont donc 101 couvertures qui sont reproduites. De m&ecirc;me, Google pr&eacute;sente une page comportant 31 illustrations (site des Archives de Toulouse). La majorit&eacute; des sites proposent au plus 3 illustrations:</p> <p style="text-align: center;"><img height="285" src="https://www.numerev.com/img/ck_6_26_image-20240723190904-8.png" width="421" /></p> <p style="text-align: center;"><em>Fig. 8 Nombre d&rsquo;illustrations par site</em></p> <p>&nbsp;</p> <p>Le mat&eacute;riau iconographique pr&eacute;sent dans le corpus est h&eacute;t&eacute;rog&egrave;ne et permet de d&eacute;gager une typologie sommaire. Trois classes &eacute;mergent qui sont pr&eacute;sent&eacute;es par ordre d&eacute;croissant de fr&eacute;quence.</p> <p style="text-align: center;"><img height="310" src="https://www.numerev.com/img/ck_6_26_image-20240723190917-9.png" width="604" /></p> <p style="text-align: center;"><em>Fig. 9 R&eacute;partition des &eacute;l&eacute;ments iconographiques</em></p> <p>&nbsp;</p> <p>― <em>Les photographies-t&eacute;moignages des &eacute;v&eacute;nements</em></p> <p>Plus de la moiti&eacute; des iconographies du corpus est compos&eacute; de photographies d&rsquo;&eacute;poque qui repr&eacute;sentent des &eacute;v&eacute;nements.</p> <p>Les captations de l&rsquo;<em>exil </em>sont les plus fr&eacute;quentes (la moiti&eacute; de cet ensemble). Elles sont en grande majorit&eacute; collectives (cort&egrave;ges), plus rarement individuelles. Par exemple:</p> <p style="text-align: center;"><img height="148" src="https://www.numerev.com/img/ck_6_26_image-20240723190931-10.png" width="880" /></p> <p style="text-align: center;"><em><span style="background-color:#f1c40f;">Figure 10</span></em></p> <p>D&rsquo;autres photographies (un tiers de cet groupe) repr&eacute;sentent la vie dans les camps fran&ccedil;ais, par exemple:</p> <p style="text-align: center;"><img height="181" src="https://www.numerev.com/img/ck_6_26_image-20240723190951-11.png" width="691" /></p> <p style="text-align: center;"><em><span style="background-color:#f1c40f;">Figure 11</span></em></p> <p>Les autres photographies, plus rares, ont trait &agrave; la guerre en Espagne qui peut &ecirc;tre diversement repr&eacute;sent&eacute;es: photographies de militaires ou de combats, une r&eacute;union de la Confederaci&oacute;n Nacional del Trabajo (CNT) ou encore la reproduction du tableau peint par Picasso apr&egrave;s le bombardement de la commune de Guernica en 1937.</p> <p style="text-align: center;"><img height="154" src="https://www.numerev.com/img/ck_6_26_image-20240723191012-12.png" width="868" /></p> <p style="text-align: center;"><em><span style="background-color:#f1c40f;">Figure 12</span></em></p> <p>&nbsp;</p> <p>― <em>Des productions comm&eacute;moratives et m&eacute;morielles contemporaines</em></p> <p>Un autre ensemble peut &ecirc;tre constitu&eacute; qui regroupe des &eacute;l&eacute;ments iconographiques contemporaines produits &agrave; fin d&rsquo;expliciter ou de repr&eacute;senter le travail de m&eacute;moire collectif.</p> <p>&nbsp;</p> <p>Dans ce groupe figurent d&rsquo;abord, d&rsquo;un point de vue quantitatif, des affiches d&rsquo;&eacute;v&eacute;nements scientifiques ou culturels, ou encore des couvertures d&rsquo;ouvrages li&eacute;s au sujet:</p> <p style="text-align: center;"><img height="174" src="https://www.numerev.com/img/ck_6_26_image-20240723191039-13.png" width="616" /></p> <p style="text-align: center;"><em><span style="background-color:#f1c40f;">Figure 13</span></em></p> <p>On trouvera &eacute;galement des photographies de monuments ou lieux m&eacute;moriaux, par exemple des st&egrave;les ou des constructions comm&eacute;moratives:</p> <p style="text-align: center;"><img height="166" src="https://www.numerev.com/img/ck_6_26_image-20240723191104-14.png" width="400" /></p> <p style="text-align: center;"><em><span style="background-color:#f1c40f;">Figure 14</span></em></p> <p>On trouvera enfin des infographies explicatives permettant de visualiser les lieux ou la chronologie des &eacute;v&eacute;nements:</p> <p style="text-align: center;"><img height="151" src="https://www.numerev.com/img/ck_6_26_image-20240723191123-15.png" width="580" /></p> <p style="text-align: center;"><em><span style="background-color:#f1c40f;">Figure 15</span></em></p> <p>&nbsp;</p> <p>― <em>Les photographies post-&eacute;v&eacute;nements</em></p> <p>Enfin, une derni&egrave;re cat&eacute;gorie regroupe quelques photographies d&rsquo;&eacute;v&eacute;nements ayant eu lieu entre l&rsquo;&eacute;pisode de la Retirada et le pr&eacute;sent. On retrouve ici des manifestations apparues apr&egrave;s la mort de Francisco Franco (en 1975) ou encore quelques rares sc&egrave;nes de vie de la communaut&eacute; des r&eacute;fugi&eacute;s apr&egrave;s leur inscription dans la soci&eacute;t&eacute; fran&ccedil;aise:</p> <p style="text-align: center;"><img height="148" src="https://www.numerev.com/img/ck_6_26_image-20240723191141-16.png" width="730" /></p> <p style="text-align: center;"><em><span style="background-color:#f1c40f;">Figure 16</span></em></p> <p>Le corpus de documents iconographiques peut ainsi &ecirc;tre r&eacute;parti en trois groupes: (1) photographies-t&eacute;moignages des &eacute;v&eacute;nements, (2) productions comm&eacute;moratives et m&eacute;morielles contemporaines et (3) photographies post-&eacute;v&eacute;nements. D&rsquo;in&eacute;gale importance quantitative, ce corpus permet de mettre &agrave; jour certains ph&eacute;nom&egrave;nes mis en saillance.</p> <p>D&rsquo;abord, il t&eacute;moigne d&rsquo;une forte tendance &agrave; la monstration tragique de l&rsquo;exil et des conditions d&rsquo;accueil des r&eacute;fugi&eacute;s &agrave; travers le groupe (1). Ainsi, l&rsquo;iconographie fait &eacute;cho au sch&eacute;ma radical des titres ([exil/exode] des [r&eacute;publicains] et/ ou [espagnols]) et aux deux univers de discours qui ont trait au pass&eacute; ([Sort des r&eacute;publicains espagnols dans la guerre] et [Conditions d&rsquo;accueil concentrationnaire des r&eacute;fugi&eacute;s]). Ensuite, le groupe (2), &agrave; th&eacute;matique comm&eacute;morative, r&eacute;sonne avec l&rsquo;univers discursif ancr&eacute; au pr&eacute;sent, li&eacute; au &laquo;travail de m&eacute;moire&raquo; relatif &agrave; cette monstration tragique. Le groupe (3) quant &agrave; lui ne croise aucun des &eacute;l&eacute;ments saillants des titres et corps textuels.</p> <p>Il apparait donc &ndash; d&rsquo;un point de vue quantitatif toujours &ndash; que le corpus iconographique comme les &eacute;l&eacute;ments du titre et ceux d&eacute;velopp&eacute;s dans les pages portent l&rsquo;accent sur le passage frontalier (l&rsquo;exil et l&rsquo;accueil en France), faisant passer au second plan les &eacute;l&eacute;ments relatifs &agrave; la guerre elle-m&ecirc;me (&eacute;pisodes, forces en pr&eacute;sence, conditions de vie en Espagne, etc.) d&rsquo;une part, et au devenir des exil&eacute;s en France d&rsquo;autre part (int&eacute;gration &agrave; moyen et long terme, organisations communautaires, etc.). Bien s&ucirc;r, l&rsquo;internaute pourra toujours trouver des informations compl&eacute;mentaires, mais &agrave; ce stade qui est celui de la visibilit&eacute; premi&egrave;re et maximale, ces derniers &eacute;l&eacute;ments sont en retrait par rapport &agrave; la monstration tragique du passage et de l&rsquo;accueil, constituant le noyau de la construction m&eacute;morielle.</p> <p style="text-align: center;"><img height="331" src="https://www.numerev.com/img/ck_6_26_image-20240723191205-17.png" width="831" /></p> <p style="text-align: center;"><em>Fig. 17 Synth&egrave;se des &eacute;l&eacute;ments de titrailles et des corps des pages&nbsp;(textes / illustrations)</em></p> <p>&nbsp;</p> <h2>5. El&eacute;ments de synth&egrave;se et de discussion</h2> <p>Comment se structure la m&eacute;moire (collective) de la Retirada dans les discours en ligne? Ou pour le dire plus pr&eacute;cis&eacute;ment: comment se constitue un noyau du complexe m&eacute;moriel qui &eacute;merge de mani&egrave;re privil&eacute;gi&eacute;e (c&rsquo;est-&agrave;-dire prioritairement accessible et r&eacute;currente et n&rsquo;excluant pas des &eacute;l&eacute;ments p&eacute;riph&eacute;riques moins prioritairement visibles) dans le premier espace de recherche d&rsquo;information que constitue le web accessible via les moteurs de recherche?</p> <p>La d&eacute;marche suivie dans ce travail permet de d&eacute;gager des &eacute;l&eacute;ments de circonscription discursivedu noyau m&eacute;moriel, li&eacute; &agrave; la <strong><em>monstration tragique</em></strong> de la Retirada. Ce qui apparaitra en premier lieu et de mani&egrave;re incontournable &agrave; l&rsquo;internaute, c&rsquo;est l&rsquo;arrachement au pays natal et les conditions d&rsquo;arriv&eacute;e en France.</p> <p>Ces &eacute;l&eacute;ments nucl&eacute;aires pourraient para&icirc;tre &eacute;vidents &agrave; celui qui dispose de quelques connaissances sur la Retirada. Cette &eacute;vidence ne tient pas &agrave; une fid&eacute;lit&eacute; d&rsquo;un discours qui respecterait de pr&eacute;alables hi&eacute;rarchies historiques des &eacute;pisodes (hi&eacute;rarchies discutables et soumises &agrave; interpr&eacute;tation tant les liens entre ses &eacute;pisodes sont nombreux et mutuellement d&eacute;terminants). Elle tient au fait que la m&eacute;moire repose de mani&egrave;re interactive sur ces discours qui s&eacute;lectionnent, hi&eacute;rarchisent, mettent en avant des &eacute;l&eacute;ments qui deviennent ainsi le c&oelig;ur m&eacute;moriel de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement. Ainsi, cette accentuation fait passer au second plan les causes de la guerre et les &eacute;pisodes des batailles d&rsquo;une part et les incidences &agrave; moyen et long termes (le devenir des r&eacute;fugi&eacute;s en France et dans le monde depuis 1939 jusqu&rsquo;&agrave; nos jours) au profit des cons&eacute;quences imm&eacute;diates (l&rsquo;exil) &agrave; forte valeur path&eacute;mique.</p> <p>Cette monstration tragique apparait &agrave; plusieurs niveaux ou dans diff&eacute;rents lieux des discours dont le pr&eacute;sent travail a essay&eacute; de pointer quelques &eacute;l&eacute;ments. Les diff&eacute;rents titres des articles s&rsquo;inscrivent dans une structure sous-jacente qui resserre la d&eacute;finition de la Retirada autour de l&rsquo;exil des R&eacute;publicains espagnols, encore une fois au d&eacute;triment d&rsquo;autres aspects que les historiens documentent. Les univers textuels des corps de textes sont principalement occup&eacute;s par une tension au pass&eacute; li&eacute;e au sort des R&eacute;publicains dans le guerre (qui les contraint &agrave; l&rsquo;exil) et aux conditions d&rsquo;accueil des r&eacute;fugi&eacute;s dans les camps de concentration. Les &eacute;l&eacute;ments iconographiques font quant &agrave; une part majeure aux photographies-t&eacute;moignages des &eacute;v&eacute;nements, en particulier aux cort&egrave;ges de r&eacute;fugi&eacute;s et aux conditions de vie dans les camps.</p> <p>Ainsi, le registre rh&eacute;torique majoritaire est celui du pathos, de l&rsquo;invitation &agrave; ressentir la d&eacute;tresse de ces r&eacute;fugi&eacute;s.</p> <p>Les incidences path&eacute;miques de cette monstration tragique sont accentu&eacute;es par un <strong><em>devoir de m&eacute;moire</em></strong> qui d&eacute;termine un autre rapport &agrave; ces &eacute;v&eacute;nements: une exigence de souvenir et de comm&eacute;moration. Outre le contenu m&eacute;moriel &eacute;voqu&eacute; dans les lignes supra, les discours insistent l&rsquo;importance de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement ainsi repr&eacute;sent&eacute; et sur la relation d&rsquo;attachement qui en d&eacute;coule aujourd&rsquo;hui. Cela est pr&eacute;sent dans les univers textuels des pages &agrave; travers les regroupements li&eacute;s au devoir de m&eacute;moire et dans le mat&eacute;riau iconographique pr&eacute;sentant en nombre les productions comm&eacute;moratives.</p> <p>&nbsp;</p> <p>Le web est aujourd&rsquo;hui le premier vecteur de savoirs partag&eacute;s et dans l&rsquo;innombrables quantit&eacute; de pages qui s&rsquo;y trouvent, la m&eacute;moire est dispers&eacute;e, diffuse, h&eacute;t&eacute;rog&egrave;ne. Pour autant, des op&eacute;rations d&rsquo;&eacute;mergence permettent de faire saillir de &eacute;l&eacute;ments:</p> <ul> <li>par une mise en accessibilit&eacute; accrue sur les moteurs de recherche, qui hi&eacute;rarchisent les contenus et proc&egrave;dent &agrave; une mise en agenda lors de chaque recherche;</li> <li>par la pr&eacute;gnance d&rsquo;un noyau discursif qui met en lumi&egrave;re des &eacute;l&eacute;ments au d&eacute;triment d&rsquo;autres et permettent aux internautes de trouver des &eacute;l&eacute;ments homog&egrave;nes de m&eacute;moire.</li> </ul> <p>La m&eacute;moire collective se construit ainsi en permanence et se mat&eacute;rialise non seulement &agrave; travers des productions explicitement comm&eacute;moratives mais aussi &ndash; et peut-&ecirc;tre surtout &ndash; &agrave; travers des discours vecteurs de m&eacute;moire. Ce travail en partage, r&eacute;ticulaire, repose ainsi sur une double configuration:</p> <ul> <li>configuration du pass&eacute;, &agrave; travers le r&eacute;cit de ce qui a &eacute;t&eacute;;</li> <li>configuration au pr&eacute;sent, dans le rapport &agrave; ces r&eacute;cits au moment de la r&eacute;ception sociale et individuelle.</li> </ul> <p>Les discours, dans leur diversit&eacute; mais unis par cette comp&eacute;tence langagi&egrave;re qui nous est propres, produisent ainsi cette m&eacute;moire collective des pages du web aux monuments comm&eacute;moratifs, des groupes de discussion en ligne aux &eacute;changes familiaux, des peintures de Chauvet aux vestiges des camps de concentration des r&eacute;fugi&eacute;s de la Retirada. Depuis que les humains se sont mis &agrave; parler, ils s&eacute;miotisent le monde, racontent leur pass&eacute; et projettent leur avenir &agrave; travers le langage qui configure le monde et ses habitants, lui donnant sens selon ses modalit&eacute;s propre &agrave; notre esp&egrave;ce.</p> <h2>6. Bibliographie</h2> <p>Beaudouin, V, (2019), &laquo; Comment s&rsquo;&eacute;labore la m&eacute;moire collective sur le web ? Une analyse qualitative et quantitative des pratiques d&rsquo;&eacute;criture en ligne de la m&eacute;moire de la Grande Guerre&raquo;, <em>R&eacute;seaux</em>, vol. 214-215, no. 2-3, pp. 141-169.</p> <p>Bensa, A. et Fassin, E., (2002), &laquo;Les sciences sociales face &agrave; l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement&raquo;, <em>Terrain</em>, n&deg;38, pp. 5-20.</p> <p>Camps, C. et Sagnes-Alem, N. (dir.), (2019,) <em>Les camps de r&eacute;fugi&eacute;s espagnols en France : 1939-1945</em>, Editions du Mont.</p> <p>Courtine, J.-J., (1981), &laquo; Quelques probl&egrave;mes th&eacute;oriques et m&eacute;thodologiques en analyse du discours. &Agrave; propos du discours communiste adress&eacute; aux chr&eacute;tiens &raquo;, <em>Langages</em> n&deg;62, &laquo; Analyse du discours politique &raquo;, Paris, Larousse, p. 9-128.</p> <p>Dosse, F., (1989), &laquo;Entre histoire et m&eacute;moire: une histoire sociale de la m&eacute;moire&raquo;, dans <em>Raison pr&eacute;sente</em>, n&deg;128, 4<sup>&egrave;me</sup> trimestre, pp. 5-24.</p> <p>Dreyfuss-Armand, G., (2019), &laquo; 1939, le grand exode des R&eacute;publicains espagnols : la Retirada &raquo;, dans <em>Les camps de r&eacute;fugi&eacute;s espagnols en France : 1939 &ndash; 1945</em>, C. Camps et N. Sagnes-Alem (dir.), Editions du Mont.</p> <p>Duby, G., (1973), <em>Le dimanche de Bouvines</em>, Paris, Gallimard.</p> <p>Halbwachs, M., (1925), <em>Les cadres sociaux de la m&eacute;moire</em>, Paris, Alcan.</p> <p>Halbwachs, M., (1950), <em>La m&eacute;moire collective</em>, Paris, PUF.</p> <p>Joutard, P., (1977), <em>La l&eacute;gende des camisards, une sensibilit&eacute; du pass&eacute;</em>, Gallimard.</p> <p>Langacker, R., (1991), <em>Foundations of Cognitive Grammar</em>, Stanford, California, Stanford University Press</p> <p>Leetaru K. H., (2011), &laquo;Culturomics 2.0: Forecasting large-scale human behavior using global news media tone in time and space&raquo;, <em>First Monday</em>, 16(9). <a href="https://doi.org/10.5210/fm.v16i9.3663">https://doi.org/10.5210/fm.v16i9.3663</a>.</p> <p>McCombs, M. E., Shaw, D. 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Cela sera discut&eacute; par la suite.</p> <p><sup><a href="#_ftnref2">[2]</a> </sup>certains limites aux premiers mois de cette ann&eacute;e le terme <em>Retirada</em>.</p> <p><sup><a href="#_ftnref3">[3]</a></sup> On lira notamment pour aller plus loin Marie-Anne Paveau: <a href="https://penseedudiscours.hypotheses.org/8027">https://penseedudiscours.hypotheses.org/8027</a></p> <p><sup><a href="#_ftnref4">[4]</a> </sup>Pour donner une &eacute;chelle: en mars 1939, 264 000 r&eacute;fugi&eacute;s survivent dans les camps des Pyr&eacute;n&eacute;es-Orientales dont la population compte 240 000 personnes.</p> <p><sup><a href="#_ftnref5">[5]</a> </sup>Source: https://gs.statcounter.com/</p> <p><sup><a href="#_ftnref6">[6]</a></sup> La page <u>https://dictionnaire.sensagent.leparisien.fr/Retirada/fr-fr/ </u>(Bing) reprend de plus des &eacute;l&eacute;ments de cette page Wikip&eacute;dia, renfor&ccedil;ant son poids dans l&rsquo;agenda.</p> <p><sup><a href="#_ftnref7">[7]</a></sup> Tr&eacute;sor de la langue fran&ccedil;aise, Larousse, Robert, Dictionnaire de l&rsquo;Acad&eacute;mie fran&ccedil;aise. Les bases de donn&eacute;es en ligne(du type Ortolang) n&rsquo;en font pas plus mention.</p> <p><sup><a href="#_ftnref8">[8]</a></sup> Les termes en italiques renvoient aux signifiants et non aux occurrences sp&eacute;cifiques qui sont entre guillemets et respectent la casse d&rsquo;impression ou d&rsquo;affichage.</p> <p><sup><a href="#_ftnref9">[9]</a></sup> Le nombre de groupements d&eacute;pend des param&egrave;tres s&eacute;lectionn&eacute;s par l&rsquo;utilisateur du programme et notamment, du seuil de fr&eacute;quence d&eacute;termin&eacute; (par exemple ne retenir que les formes apparaissant au moins X fois). L&rsquo;augmentation de ce seuil conduit &agrave; une extension du nombre de groupes qui restent cependant li&eacute;s et hi&eacute;rarchis&eacute;s entre eux. Ici le seuil retenu permet de visualiser les classes principales et g&eacute;n&eacute;riques.</p>