<h2>Contexte et probl&eacute;matique</h2> <p>En r&eacute;action &agrave; l&#39;urgence des enjeux climatiques et de l&#39;&eacute;rosion de la biodiversit&eacute;, plusieurs formes de militantisme se sont d&eacute;velopp&eacute;es et ne cessent de se diversifier dans leurs modes d&rsquo;action pour faire r&eacute;agir l&rsquo;opinion publique et les d&eacute;cideurs les plus influents. Des actions individuelles et collectives ont pour objectif la pr&eacute;servation du bien commun d&rsquo;une plan&egrave;te habitable, notre &laquo; o&iuml;kos &raquo;, fragile et menac&eacute; par nous-m&ecirc;mes. Elles empruntent parfois des voies mod&eacute;r&eacute;es&nbsp; (&laquo; militantisme existentiel<i> </i>&raquo;, ou encore voies &laquo; &eacute;cospirituelles<i> </i>&raquo;), ou d&rsquo;autres, bien plus&nbsp; radicales, comme la d&eacute;sob&eacute;issance civile et des actions juridiques relatives au climat.</p> <p>Le projet de recherche collectif PROSE (acronyme de PeRmaculture fOrme de militantiSme &Eacute;cologique) se propose de comprendre les diff&eacute;rentes trajectoires de militantisme &eacute;cologique. Ce projet regroupe plusieurs chercheurs d&rsquo;horizons diff&eacute;rents (des linguistes, des analystes de discours, des informaticiens, des &eacute;cologistes). Il s&#39;inscrit dans le champ pluridisciplinaire des &eacute;tudes sur les transitions (Escobar, 2018) et des humanit&eacute;s &eacute;cologiques (Bird-Rose &amp; Robin, 2004), en mobilisant l&#39;analyse de discours outill&eacute;e, le traitement automatique des langues et les m&eacute;thodes d&#39;observation participante.</p> <p>Rendre compte de la mani&egrave;re dont la question &eacute;cologique est v&eacute;cue &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle la plus locale, laquelle est aussi moins connue, car peu ou pas m&eacute;diatis&eacute;e, pr&eacute;sente un int&eacute;r&ecirc;t certain, d&egrave;s lors que des initiatives spontan&eacute;es, souvent en rupture avec les paradigmes traditionnels, sont aptes &agrave; proposer des alternatives innovantes et p&eacute;rennes. L&#39;objectif du projet PROSE est de documenter et d&rsquo;analyser le processus de transition &eacute;cologique en Occitanie, afin de rendre compte des diff&eacute;rentes formes d&rsquo;engagement &eacute;cologique des citoyens et des acteurs sociaux.</p> <p>L&#39;analyse linguistique porte notamment sur (i) l&rsquo;identification et la caract&eacute;risation des terminologies &eacute;mergentes, (ii) les syst&egrave;mes des normes et des valeurs, comme ressorts des choix et des actions des militants &eacute;cologistes, et indices des transformations soci&eacute;tales en cours, (iii) les repr&eacute;sentations des autres et de soi, en rapport &agrave; l&rsquo;intelligence collective et &agrave; la gouvernance, (iv) l&rsquo;incarnation gestuelle du discours militant (rapport : sens &ndash; &eacute;motion &ndash; geste).</p> <p>&nbsp;</p> <h2>Constitution des donn&eacute;es et m&eacute;thodologie</h2> <p>La collecte des donn&eacute;es s&rsquo;est construite &agrave; partir d&rsquo;une enqu&ecirc;te qualitative effectu&eacute;e sur la base d&rsquo;immersions, une d&eacute;marche ethnographique aupr&egrave;s d&rsquo;un r&eacute;seau de permaculture occitan, &laquo; les Semeurs de jardins &raquo;, ainsi que le r&eacute;seau d&rsquo;&laquo; Extinction Rebellion &raquo; &agrave; Montpellier, pendant trois ans. Cet engagement sur le terrain a permis par la suite de conduire douze entretiens semi-directifs, avec des acteurs de statuts diff&eacute;rents<sup>1</sup> (Permaculteur : P ; Extinction Rebellion : XR ; Se revendiquant &Eacute;cologiste : SE), d&rsquo;une dur&eacute;e moyenne d&rsquo;une heure, r&eacute;alis&eacute;s en majorit&eacute; pendant la crise sanitaire du Covid-19. Ces entretiens ont &eacute;t&eacute; men&eacute;s en utilisant le plateau technique de la MSH SUD, &agrave; Montpellier, &agrave; l&rsquo;aide d&rsquo;un dispositif de trois cam&eacute;ras, afin de constituer un corpus de qualit&eacute; (son et image), pour son exploitation en termes de gestualit&eacute;.</p> <p>Plus techniquement, les explorations des observables ont &eacute;t&eacute; facilit&eacute;es par l&rsquo;usage de plusieurs logiciels de traitement de l&rsquo;oral et de l&rsquo;&eacute;crit, tels que Clan (McWhinney, 2000), Praat (Boersma &amp; Weenink, 2022), Elan (Sloetjes &amp; Wittenburg, 2008) et TXM (Heiden et al., 2010). En ce qui concerne l&rsquo;oral, l&rsquo;attention s&rsquo;est port&eacute;e sur les gestes dans le discours des &eacute;cologistes. En effet, les gestes font partie du processus de g&eacute;n&eacute;ration du langage et rel&egrave;vent d&rsquo;un m&ecirc;me processus cognitif dans lequel ils interagissent constamment (McNeill, 1992)<sup>2</sup>. Le traitement des donn&eacute;es a respect&eacute; un protocole en plusieurs &eacute;tapes. Tout d&rsquo;abord, les logiciels Praat et Clan ont &eacute;t&eacute; utilis&eacute;s pour effectuer la transcription et la segmentation des entretiens. Comme le corpus est multimodal, l&rsquo;incarnation gestuelle du discours militant<sup>3</sup> a &eacute;t&eacute; analys&eacute;e avec le logiciel ELAN.</p> <p>Par ailleurs, l&rsquo;utilisation des techniques du traitement automatique des langues (TAL) a apport&eacute; un cadre formel aux analyses s&eacute;mantiques des discours transcrits. Les termes li&eacute;s au militantisme &eacute;cologique sont nombreux, disparates, &eacute;volutifs et soumis &agrave; des interpr&eacute;tations diverses. L&#39;appel &agrave; des techniques du TAL a aid&eacute; &agrave; se focaliser sur les termes ayant une charge axiologique, par l&#39;analyse automatique de leurs occurrences en corpus et le rep&eacute;rage de ceux qui pr&eacute;sentent une plus grande vari&eacute;t&eacute; de sens<sup>4</sup>. Cette approche a permis une projection sur la concordance du lexique organis&eacute; en plusieurs cat&eacute;gories.</p> <p>&nbsp;</p> <h2>Termes et mots de la pens&eacute;e &eacute;cologique : r&eacute;f&eacute;rentiel et analyses</h2> <h3>R&eacute;f&eacute;rentiel terminologique</h3> <p>Parall&egrave;lement &agrave; la cr&eacute;ation d&#39;un corpus d&#39;entretiens oraux (collect&eacute; dans le cadre de la th&egrave;se d&rsquo;Ali Wafdi), un dictionnaire de termes de la pens&eacute;e &eacute;cologique a &eacute;t&eacute; &eacute;labor&eacute;. Cette ressource est destin&eacute;e &agrave; constituer &agrave; la fois l&rsquo;objet et l&rsquo;outil d&rsquo;analyse. Elle permet d&rsquo;observer la formation des mots et l&rsquo;&eacute;volution du vocabulaire (n&eacute;ologismes, nominations &eacute;mergentes, formations oxymoriques, paradigmes et univers s&eacute;mantiques&hellip;). D&#39;autre part, ces lexiques peuvent &ecirc;tre d&eacute;ploy&eacute;s pour des explorations et annotations de corpus.</p> <p>Riche de 750 entr&eacute;es, la base de donn&eacute;es comporte des descripteurs classiques dictionnairiques et encyclop&eacute;diques, des descripteurs linguistiques, ainsi que des liens vers des r&eacute;f&eacute;rentiels terminologiques officiels disponibles sur le Web. Y sont consign&eacute;s des termes officiels et des n&eacute;ologismes d&rsquo;apparition r&eacute;cente ou employ&eacute;s localement, des termes analytiques et des termes descriptifs, des expressions nominales, verbales et adjectivales, simples ou expans&eacute;es, des expressions stabilis&eacute;es comme des expressions libres. &Eacute;volutive, cette base est amen&eacute;e &agrave; s&#39;enrichir gr&acirc;ce &agrave; l&#39;&eacute;tude de nouveaux corpus.</p> <p>Les mots et les expressions sont issues de plusieurs sources : (i) documents p&eacute;dagogiques et ouvrages de r&eacute;f&eacute;rence en permaculture et agro&eacute;cologie, (ii) conf&eacute;rences &laquo; Agir pour le vivant &raquo; (Arles, 2020-2022), (iii) ouvrages de r&eacute;f&eacute;rence sur le th&egrave;me de l&#39;&eacute;cologie et de la transition &eacute;cologique, notamment ceux dot&eacute;s de glossaires (<i>Manuel de la grande transition</i>&hellip;), (iv) le quotidien de l&rsquo;&eacute;cologie <i>Reporterre</i>.</p> <p>En tant qu&#39;outil d&rsquo;analyse, ce r&eacute;f&eacute;rentiel terminologique permet d&#39;&eacute;tudier la circulation et l&rsquo;&eacute;volution des concepts, &agrave; savoir leur &eacute;mergence, leur pic de popularit&eacute; et leur d&eacute;clin. Il sert &eacute;galement &agrave; observer l&rsquo;activit&eacute; &eacute;pilinguistique qui accompagne l&#39;apparition des expressions &eacute;mergentes (&quot;croissance verte&quot;) sources de pol&eacute;miques ou de controverses. Sa deuxi&egrave;me fonction est de guider des analyses de corpus, pour en identifier les th&eacute;matiques, les registres (savant, op&eacute;rationnel, pol&eacute;mique&hellip;) et les domaines (&eacute;conomie, agriculture, climat&hellip;). L&#39;observation des pratiques de nomination et de r&eacute;f&eacute;renciation dans diff&eacute;rents discours (Jackiewicz et al. 2019) est notamment attentive aux proc&eacute;d&eacute;s d&#39;euph&eacute;misation (de risques&hellip;), &agrave; la multiplication terminologique, &agrave; la m&eacute;taphorisation, aux degr&eacute;s de formatage et de stabilisation discursive, &agrave; l&#39;inad&eacute;quation s&eacute;mantique et pragmatique et aux formes d&#39;usure, aux oxymores, &agrave; la polarisation axiologique des &eacute;l&eacute;ments neutres, ou encore &agrave; l&#39;apparition de termes &agrave; vocation programmatique. Dans une collection d&#39;entretiens, ce lexique permet d&#39;observer les similarit&eacute;s et les diff&eacute;rences entre locuteurs, consid&eacute;r&eacute;s individuellement ou par cat&eacute;gories de personnes.</p> <p>&nbsp;</p> <h3>Parcours analytiques des entretiens transcrits</h3> <h4>Donn&eacute;es et traitements globaux</h4> <p>Le corpus comprend des interviews transcrites, utilis&eacute;es afin d&#39;alimenter des fichiers texte brut contenant chaque interview, avec quelques filtres pour &eacute;liminer les indications de gestualit&eacute; et d&#39;oralit&eacute; pour l&#39;analyse textuelle. Les transcriptions de chaque personne interview&eacute;e contiennent leurs tours de paroles ainsi que ceux de l&#39;interviewer, dont on consid&egrave;re qu&#39;ils sont partie int&eacute;grante de la conversation.</p> <p>Ce corpus a &eacute;t&eacute; analys&eacute; &agrave; l&#39;aide du logiciel d&#39;analyse textuelles TXM (Heiden et al., 2010), par personne interview&eacute;e et par cat&eacute;gorie d&#39;interview&eacute;s comme sous-parties du corpus. Les volumes se situent entre 6000 et 14000 mots par interview ; ils sont relativement &eacute;quilibr&eacute;s. Les sous-parties du corpus contiennent respectivement, 42888 mots pour les permaculteurs, 32722 mots pour Extinction Rebellion et 43801 mots pour les sympathisants &eacute;cologiques.</p> <p>Parmi les 20 premiers termes extraits par analyse des sp&eacute;cificit&eacute;s entre ces parties, on note la pr&eacute;sence de termes r&eacute;v&eacute;lateurs des th&eacute;matiques abord&eacute;es ou du style de langue. Pour les permaculteurs, les consid&eacute;rations li&eacute;es &agrave; la nature ressortent tr&egrave;s nettement : &quot;sol&quot;, &quot;jardins&quot;, &quot;terre&quot;, &quot;permaculture&quot;, &quot;arbres&quot;<i>. </i>Du c&ocirc;t&eacute; d&#39;Extinction Rebellion, on rel&egrave;ve un style moins soutenu et des mots r&eacute;v&eacute;lateurs de revendications : &quot;bah&quot;, &quot;quoi&quot;, &quot;juste&quot;, &quot;d&eacute;sob&eacute;issance&quot;, &quot;nous&quot;, &quot;ouai&quot;, &quot;confort&quot;<i>.</i> Enfin, chez les sympathisants &eacute;cologistes, on observe l&#39;&eacute;mergence de plus d&#39;incertitude et des th&eacute;matiques li&eacute;es &agrave; l&#39;impact des questions &eacute;cologiques sur le monde : &quot;disons&quot;, &quot;bon&quot;, &quot;progr&egrave;s&quot;, &quot;plan&egrave;te&quot;, &quot;alimentation&quot;, &quot;paysans<i>&quot;.</i></p> <p>&nbsp;</p> <h4>Parcours th&eacute;matiques guid&eacute;s par le r&eacute;f&eacute;rentiel</h4> <pla du="" r="" ressource="" terminologique=""> <p>156 mots du r&eacute;f&eacute;rentiel sont pr&eacute;sents dans l&#39;ensemble du corpus, pour pr&egrave;s de 2069 occurrences. Les 10 mots les plus fr&eacute;quents (&quot;vie&quot;, &quot;nature&quot;, &quot;politique&quot;, &quot;permaculture&quot;, &quot;syst&egrave;me&quot;, &quot;eau&quot;, &quot;jardin&quot;, &quot;plan&egrave;te&quot;, &quot;sol&quot;, &quot;environnement&quot;) repr&eacute;sentent un tiers des occurrences. Les 20 premiers mots correspondent &agrave; la moiti&eacute; des occurrences, signe d&#39;une relative homog&eacute;n&eacute;it&eacute; th&eacute;matique.</p> <p>Il est &agrave; noter que les termes &agrave; connotation n&eacute;gative sont peu nombreux et peu fr&eacute;quents (&quot;incendie&quot;, &quot;risque&quot;, &quot;extinction&quot;, &quot;d&eacute;r&egrave;glement climatique&quot;, &quot;mort&quot;, &quot;d&eacute;forestation&quot;, &quot;&eacute;co-anxi&eacute;t&eacute;&quot;, &quot;&eacute;pid&eacute;mie&quot;, &quot;inondation&quot;, &quot;greenwashing&quot;). Ils repr&eacute;sentent au total 4% des occurrences.</p> <p>Les extraits analys&eacute;s permettent de constater l&rsquo;absence d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments de langage pr&eacute;format&eacute;s : &quot;X durable&quot;, &quot;X vert&quot;, &quot;X propre&quot;, &quot;X responsable&quot;, &quot;X vertueux&quot;&hellip;, et aussi l&rsquo;absence de vocabulaire savant analytique. On peut remarquer en particulier que le mot &quot;nature&quot; et ses d&eacute;riv&eacute;s restent op&eacute;ratoires. Leur pertinence n&#39;est pas remise en question par les &eacute;cologistes interview&eacute;s.</p> <p>&nbsp;</p> <h4>Parcours axiologiques</h4> <p>L&#39;exploration des entretiens transcrits permet &eacute;galement d&#39;interroger les positionnements (choix, attitudes, valeurs, opinions&hellip;) des &eacute;cologistes interrog&eacute;s, pour mieux cerner les ressorts et les modalit&eacute;s de leurs engagements. Ce travail a &eacute;t&eacute; amorc&eacute; par une premi&egrave;re exploration guid&eacute;e par une ressource a priori, consistant &agrave; projeter sur la concordance un lexique de 70 adjectifs organis&eacute; en 8 cat&eacute;gories. Ces cat&eacute;gories renvoient &agrave; 8 ensembles de qualit&eacute;s &eacute;cologiques, &agrave; teneur positive ou neutre, nomm&eacute;es respectivement : &quot;commun&quot;, &quot;durable&quot;, &quot;naturel&quot;, &quot;local&quot;, &quot;juste&quot;, &quot;simple&quot;, &quot;pluriel&quot; et &quot;sensible&quot;. Outre la fr&eacute;quence des mots axiologiques et des cat&eacute;gories correspondantes, ce sont les objets cibles qui sont qualifi&eacute;s par les adjectifs (monnaie &quot;locale&quot;, croissance &quot;propre&quot;&hellip;) qui ont fait l&#39;objet de notre attention.</p> <p>Le r&eacute;sultat de l&#39;extraction (compos&eacute; de 181 passages) construit une concordance enrichie et structur&eacute;e, permettant d&rsquo;isoler termes, syntagmes et leurs environnements (tableau 1).</p> <p style="margin-bottom: 13px; text-align: center;"><img src="https://www.numerev.com/img/ck_2966_27_image-20230514205012-1.png" style="width: 870px; height: 190px;" /></p> <p style="margin-bottom: 13px; text-align: center;"><em>Tableau 1 : Concordance &eacute;tendue (locuteur, cat&eacute;gorie, terme, contexte gauche, terme et son support nominal, contexte droit)</em></p> <p>Trois ensembles de qualit&eacute;s ressortent largement, &agrave; savoir le commun, le local et le naturel. Au total, ils repr&eacute;sentent 81% des attestations. Les registres du juste (7%), du simple (5%), du pluriel (4%), du sensible et du durable (2% chacun), repr&eacute;sentatifs des paradigmes analytiques savants, se r&eacute;v&egrave;lent quant &agrave; eux de bien moindre importance.</p> <p>Des observations plus pouss&eacute;es peuvent &ecirc;tre men&eacute;es. Par exemple, on notera que le champ s&eacute;mantique du local se manifeste principalement en r&eacute;f&eacute;rence &agrave; l&#39;&eacute;conomie (&quot;monnaie locale&quot;, &quot;&eacute;conomie locale&quot;, &quot;producteurs locaux&quot;, &quot;produits locaux&quot;, &quot;associations locales&quot;&hellip;). Des explorations ult&eacute;rieures porteront sur l&#39;identification du lexique axiologique, sans r&eacute;f&eacute;rence &agrave; des cat&eacute;gories &agrave; priori, afin d&#39;observer plus finement de possibles changements dans les postures &eacute;thiques et les orientations d&eacute;fendues par diff&eacute;rentes cat&eacute;gories de personnes.</p> <p>&nbsp;</p> <h4>Postures et engagements des locuteurs</h4> <p>Les transcriptions et les extractions cibl&eacute;es peuvent servir &agrave; identifier ce qui unit et ce qui distingue entre elles les personnes interview&eacute;es ou les cat&eacute;gories de locuteurs. Ce type d&#39;observation permet de formuler des hypoth&egrave;ses.</p> <p align="center" style="text-align:center; margin-bottom:13px"><img src="https://www.numerev.com/img/ck_2966_27_image-20230514205012-2.png" style="width: 600px; height: 337px;" /></p> <p align="center" style="text-align:center; margin-bottom:13px"><em>Graphique 1 : Volumes des entretiens en nombre de mots</em></p> <p align="center" style="text-align:center; margin-bottom:13px"><img src="https://www.numerev.com/img/ck_2966_27_image-20230514205012-3.png" style="width: 600px; height: 301px;" /></p> <p align="center" style="text-align:center; margin-bottom:13px"><em>Graphique 2 : Pr&eacute;sence des mots du r&eacute;f&eacute;rentiel</em></p> <p>Comme on peut le noter sur les graphiques 1 et 2, les personnes les plus expertes et les plus &acirc;g&eacute;es (AL, P-D, P-M, CHAN) manipulent plus de termes de sp&eacute;cialit&eacute; (agro&eacute;cologie, permaculture, botanique). Leurs discours pr&eacute;sentent des signes de stabilisation et de s&eacute;dimentation terminologique. &Agrave; l&#39;oppos&eacute;, les jeunes militants d&#39;Extinction Rebellion pr&eacute;sentent un discours stylistiquement plus diversifi&eacute; et plus libre, &agrave; la subjectivit&eacute; assum&eacute;e, et th&eacute;matiquement plus centr&eacute; sur la politique. Les lexiques employ&eacute;s par chacun des locuteurs, r&eacute;v&egrave;lent &agrave; travers les univers s&eacute;mantiques dominants, les priorit&eacute;s et les positionnements : cr&eacute;ation de jardins et de potagers, plantations d&#39;arbres pour le permaculteur (AL), c&eacute;l&eacute;bration de la vie et du vivant pour la botaniste (CHAN), engagement politique en valeur de l&#39;&eacute;cologie, par la d&eacute;sob&eacute;issance, pour un militant d&#39;Extinction Rebellion (GAS).</p> <p>Dans le registre des valeurs (tableau 2), les permaculteurs marquent nettement leur attachement &agrave; l&rsquo;id&eacute;e du commun (&agrave; savoir, ce qui est collectif ou partag&eacute;). On le per&ccedil;oit en particulier dans le t&eacute;moignage de Pierre-M (mouvement collectif, cheminement collectif, chose commune&hellip;). Dans les discours des sympathisants (et tout particuli&egrave;rement chez Pierre-D), on rel&egrave;ve l&rsquo;importance du local (mobilisations locales, populations autochtones, fruits locaux&hellip;). La cat&eacute;gorie du naturel, dont la palette des significations est large (endroit sain, animaux sauvages, r&eacute;chauffement naturel&hellip;), domine chez les militants de XR (sans diff&eacute;rences significatives entre locuteurs). Cependant, compte tenu du faible nombre d&rsquo;attestations, ces tendances qu&rsquo;on vient d&rsquo;esquisser&nbsp; sont &agrave; prendre avec pr&eacute;caution.</p> <p align="center" style="text-align:center; margin-bottom:13px"><img src="https://www.numerev.com/img/ck_2966_27_image-20230514205012-5.png" style="width: 600px; height: 323px;" /></p> <p style="margin-bottom: 13px; text-align: center;"><em>Tableau 2 : Registres des valeurs ventil&eacute;s selon les cat&eacute;gories des militants</em></p> <h3>&nbsp;</h3> <h3>Deux &eacute;chelles et trois familles de valeurs</h3> <p>Dans l&#39;ensemble, les premiers r&eacute;sultats obtenus permettent de noter que les &eacute;cologistes interview&eacute;s manifestent dans leurs discours un double positionnement, &agrave; la fois global et local. Il s&#39;agit de prendre soin du vivant &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle globale, mais de vivre et d&#39;agir &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle locale, en cr&eacute;ant du commun. Les mots th&eacute;matiques les plus fr&eacute;quents renvoient aux communs plan&eacute;taires (&quot;biodiversit&eacute;&quot;, &quot;sol&quot;, &quot;eau&quot;, &quot;mers&quot;, &quot;animaux&quot;, &quot;insectes&quot;, &quot;for&ecirc;ts&quot;, &quot;arbres&quot;, &quot;plantes&quot;&hellip;). Les adjectifs attest&eacute;s r&eacute;v&egrave;lent un net attachement &agrave; ce qui est local, naturel, construit et partag&eacute; de mani&egrave;re collective (&quot;habitat collectif&quot;, &quot;logement social&quot;, &quot;verger potager partag&eacute;&quot;, &quot;jardins collectifs&quot;, &quot;financement participatif&quot;, &quot;&eacute;change de comp&eacute;tences&quot;, &quot;syst&egrave;mes communautaires<i>&quot;&hellip;</i>). Enfin, l&#39;exploration du lexique verbal employ&eacute;, faisant appara&icirc;tre l&#39;importance du lexique d&rsquo;action (&quot;recr&eacute;er&quot;, &quot;restaurer&quot;, &quot;revenir sur&quot;, &quot;r&eacute;parer&quot;, &quot;replanter&quot;, &quot;red&eacute;couvrir&quot;, &quot;se reconnecter&quot;, &quot;refaire vivre&quot;, &quot;r&eacute;investir&quot;) montre un d&eacute;sir manifeste de restauration de ce qui a &eacute;t&eacute; abim&eacute;, une volont&eacute; de prendre soin des communs vitaux (lesquels, et c&#39;est notable, ne sont pas qualifi&eacute;s de ressources) comme l&rsquo;atteste la forte pr&eacute;sence de la pr&eacute;fixation it&eacute;rative en -re : &quot;que le sol puisse redevenir fertile et retrouver de la vie&quot; ; &quot;recr&eacute;er au niveau de votre sol des ruissellements naturels&quot; ; &quot;recr&eacute;er des lieux de vie localement&quot; ; &quot;il faut vraiment retrouver une &eacute;conomie locale&quot; ; r&eacute;investir la politique au niveau local&quot;.</p> <p>&nbsp;</p> <h2>Une br&egrave;ve analyse de la gestualit&eacute;</h2> <p>L&rsquo;objectif de cette &eacute;tude est d&#39;observer comment la gestualit&eacute; des personnes interrog&eacute;es rend compte des &eacute;motions ressenties et des attitudes exprim&eacute;es. On a ainsi choisi de comparer les productions gestuelles d&rsquo;un militant d&rsquo;Extinction Rebellion (GA) et d&rsquo;un permaculteur (AL). Ce choix vise l&rsquo;&eacute;tude des nouvelles formes de militantisme &eacute;cologique, en termes d&rsquo;actions directes et indirectes. Pendant les entretiens pr&eacute;sent&eacute;s dans la partie n&deg;2, deux courtes vid&eacute;os ont &eacute;t&eacute; diffus&eacute;es &agrave; l&rsquo;ensemble des participants : la premi&egrave;re pr&eacute;sentant ce qu&rsquo;est la permaculture dans un contexte narratif et explicatif plut&ocirc;t positif (vid&eacute;o n&deg;1)<sup>5</sup>, et la seconde pr&eacute;sentant l&rsquo;ampleur des incendies en Amazonie et cherchant &agrave; susciter l&rsquo;indignation des spectateurs avec un fond sonore tr&egrave;s anxiog&egrave;ne (vid&eacute;o n&deg;2)<sup>6</sup>. Il leur &eacute;tait ensuite demand&eacute; de r&eacute;agir &agrave; chacune de ces vid&eacute;os. Notre analyse porte sur la comparaison des types de gestes r&eacute;alis&eacute;s dans ces deux contextes chez GA et AL. On commencera par pr&eacute;senter les r&eacute;sultats quantitatifs de GA, puis d&rsquo;AL, pour ensuite exposer rapidement une analyse qualitative de ces m&ecirc;mes donn&eacute;es.&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <h3>Donn&eacute;es de GA, un militant d&rsquo;Extinction Rebellion</h3> <p>Le taux gestuel de GA dans les deux vid&eacute;os (nombre de gestes divis&eacute; par le nombre de mots), est quasiment similaire dans les deux contextes (0,18 dans la vid&eacute;o 1 et 0,17 dans la vid&eacute;o 2). Le nombre de gestes en fonction de la dur&eacute;e totale de l&rsquo;extrait est en revanche plus &eacute;lev&eacute; dans la vid&eacute;o 1 que dans la vid&eacute;o 2 (0,75 dans la vid&eacute;o 1 et 0,57 dans la vid&eacute;o 2). Le nombre de gestes par minute est &eacute;galement plus &eacute;lev&eacute; dans la vid&eacute;o 1 que dans la vid&eacute;o 2 (45,45 dans la vid&eacute;o 1 et 34,21 dans la vid&eacute;o 2).&nbsp;</p> <p>En ce qui concerne le type de gestes, une pr&eacute;dominance de gestes m&eacute;taphoriques (utilis&eacute;s pour figurer des concepts abstraits) a &eacute;t&eacute; relev&eacute;e dans la vid&eacute;o 1 (90,2% soit 46 gestes sur 51), quelques gestes d&eacute;ictiques (utilis&eacute;s pour d&eacute;signer un r&eacute;f&eacute;rent concret ou abstrait, 7,8% soit 4 gestes sur 51) et un seul geste de recherche lexicale (2% soit 1 geste sur 51). Dans la vid&eacute;o 2, on rel&egrave;ve &eacute;galement une majorit&eacute; de gestes m&eacute;taphoriques (76%, soit 54 gestes sur 71) moins &eacute;lev&eacute;e que dans la vid&eacute;o 1, mais surtout une proportion plus grande de gestes d&eacute;ictiques (22,5%, soit 16 gestes sur 71) et un geste de recherche lexicale (1,5% soit 1 geste sur 71). Dans les deux vid&eacute;os, GA ne produit aucun geste iconique (un type de geste qui entretient une relation formelle tr&egrave;s proche du contenu s&eacute;mantique de la parole).</p> <p>On peut donc en conclure que chez GA, m&ecirc;me si le taux gestuel est &eacute;quivalent dans les deux vid&eacute;os si on les rapporte au nombre de mots, les gestes sont plus fr&eacute;quents dans la vid&eacute;o 1 que dans la vid&eacute;o 2 en termes de temps. Comment expliquer cette diff&eacute;rence ? Dans la vid&eacute;o 1, GA explique ce qu&rsquo;est la permaculture et ce qu&rsquo;il en pense, son discours est tr&egrave;s didactique et il a recours &agrave; de nombreux gestes, alors que dans la vid&eacute;o 2, il se pose davantage en tant que militant en accusant notamment le Br&eacute;sil de la situation, mais aussi le pr&eacute;sident Macron. Les gestes sont moins nombreux mais de diff&eacute;rents types. Ainsi, bien que ce soient les gestes m&eacute;taphoriques qui pr&eacute;dominent dans les deux vid&eacute;os, on rel&egrave;ve une augmentation de l&rsquo;utilisation des d&eacute;ictiques dans la vid&eacute;o 2 (associ&eacute;s &agrave; des mots comme <i>&quot;</i>cette vid&eacute;o&quot;, &quot;pr&eacute;sident&quot;, &quot;l&rsquo;&eacute;cran&quot;, &quot;moi&quot;, &quot;d&eacute;put&eacute;&quot;, &quot;Macron&quot;, etc.). La pr&eacute;sence de ces d&eacute;ictiques montre le degr&eacute; d&rsquo;implication de GA qui d&eacute;signe soit les responsables de cette situation selon lui (la for&ecirc;t d&rsquo;Amazonie en feu), soit son implication personnelle &agrave; changer les choses (gestes d&eacute;ictiques d&rsquo;auto-d&eacute;signation).</p> <p>&nbsp;</p> <h3>Donn&eacute;es d&rsquo;AL, un permaculteur</h3> <p>Le taux gestuel d&rsquo;AL dans la premi&egrave;re vid&eacute;o est plus &eacute;lev&eacute; que dans la deuxi&egrave;me vid&eacute;o (0,15 dans la vid&eacute;o 1 contre 0,07 dans la vid&eacute;o 2). Par ailleurs, le nombre de gestes en fonction de la dur&eacute;e totale dans la premi&egrave;re vid&eacute;o est le double compar&eacute; &agrave; la seconde vid&eacute;o (0,5 dans la vid&eacute;o 1 et 0,25 dans la vid&eacute;o 2). Le nombre de gestes par minute est &eacute;galement plus &eacute;lev&eacute; dans la vid&eacute;o 1 que dans la vid&eacute;o 2 (30 dans la vid&eacute;o 1 et 15,11 dans la vid&eacute;o 2).&nbsp;</p> <p>Concernant le type de gestes chez AL, on a relev&eacute; une pr&eacute;pond&eacute;rance des gestes iconiques dans la vid&eacute;o 1 (72,88% soit 43 gestes sur 59). AL, le permaculteur, a utilis&eacute; aussi des gestes m&eacute;taphoriques (18,64% soit 11 gestes sur 59), quelques gestes d&eacute;ictiques (5,08% soit 3 gestes sur 59) et deux gestes de recherche lexicale (3,4% soit 2 gestes sur 51). Dans la vid&eacute;o 2, on rel&egrave;ve &eacute;galement une forte utilisation des gestes iconiques (61,71%, soit 21 gestes sur 34) moins importante compar&eacute; &agrave; la vid&eacute;o 1. De surcro&icirc;t, AL a utilis&eacute; des gestes m&eacute;taphoriques (26,47% soit 9 gestes sur 34), des gestes d&eacute;ictiques (8,83%, soit 3 gestes sur 34) et un geste de recherche lexicale (2,94% soit 1 geste sur 34).</p> <p>AL, le permaculteur, a adopt&eacute;, dans les deux vid&eacute;os, un discours technique li&eacute; &agrave; la permaculture. Il se positionne en tant que permaculteur exp&eacute;riment&eacute; et n&#39;h&eacute;site pas &agrave; critiquer la pratique permacole utilis&eacute;e dans la premi&egrave;re vid&eacute;o. Le recours &agrave; des gestes iconiques pour d&eacute;signer des termes comme &laquo; parcelle, butte, racines, etc. &raquo; et m&eacute;taphoriques comme &laquo; photosynth&egrave;se, ombragement, gaz &agrave; effet de serre, etc. &raquo; par AL, dans les deux vid&eacute;os, montre que sa gestualit&eacute; vient appuyer un discours ancr&eacute; dans la r&eacute;alit&eacute; de la terre et du vivant. Il est notable que, dans la deuxi&egrave;me vid&eacute;o, AL a mobilis&eacute; moins de gestes, compar&eacute; &agrave; la premi&egrave;re, cela pourrait s&rsquo;expliquer par l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;&eacute;motion du militant, qui n&rsquo;a pas h&eacute;sit&eacute; &agrave; porter des critiques d&#39;ordre politique (notamment sur l&#39;inaction climatique au Br&eacute;sil).</p> <p>Dans cette analyse comparative de la gestualit&eacute; de deux locuteurs, l&rsquo;un militant (GA) et l&rsquo;autre permaculteur (AL), on a essay&eacute; de montrer la fa&ccedil;on dont le niveau non-verbal pouvait apporter des informations suppl&eacute;mentaires sur le type et le degr&eacute; d&rsquo;engagement de chacun de ces locuteurs. Une telle analyse est int&eacute;ressante car elle apporte un autre &eacute;clairage par rapport &agrave; l&rsquo;analyse de leur discours telle qu&rsquo;elle a &eacute;t&eacute; pr&eacute;sent&eacute;e plus haut. Ainsi, AL utilise une s&eacute;rie de gestes iconiques venant illustrer son degr&eacute; d&rsquo;expertise et de technicit&eacute;, notamment lorsqu&rsquo;il explique ce qu&rsquo;est la permaculture &agrave; son interlocuteur. Chez GA au contraire, on ne rel&egrave;ve aucun geste iconique, mais une grande proportion de gestes d&eacute;ictiques qui lui permettent d&rsquo;ancrer fortement son discours dans la situation d&rsquo;&eacute;nonciation (majorit&eacute; de gestes d&eacute;ictiques) et de traduire son fort degr&eacute; d&rsquo;implication personnelle et sa volont&eacute; de changer la situation d&eacute;nonc&eacute;e dans la 2&egrave;me vid&eacute;o (ici, la for&ecirc;t d&rsquo;Amazonie en feu). Le type de geste utilis&eacute; traduit donc chez ce locuteur son fort degr&eacute; d&rsquo;investissement et d&rsquo;affect par rapport &agrave; une situation qu&rsquo;il souhaite changer et cela constitue un v&eacute;ritable moteur de son militantisme et de l&rsquo;action engag&eacute;e au sein d&rsquo;XR. Cette analyse pr&eacute;liminaire de la gestualit&eacute; devra bien s&ucirc;r &ecirc;tre &eacute;tendue &agrave; la totalit&eacute; des locuteurs et des situations du corpus r&eacute;colt&eacute; dans le cadre de la th&egrave;se d&rsquo;Ali Wafdi (en cours) et, plus g&eacute;n&eacute;ralement, du projet PROSE.</p> <p>&nbsp;</p> <h2>Conclusion et pistes d&rsquo;ouverture</h2> <p>L&rsquo;analyse peut se prolonger par le croisement des parcours th&eacute;matiques et axiologiques &agrave; partir des diff&eacute;rents lexiques identifi&eacute;s et de la gestualit&eacute;, afin de caract&eacute;riser les discours tenus par les diff&eacute;rents militants en termes d&rsquo;ethos discursif. &Agrave; travers les t&eacute;moignages faisant &eacute;tat de choix existentiels, parfois radicaux, voire de luttes socio-&eacute;cologiques, les diff&eacute;rentes cat&eacute;gories d&#39;&eacute;cologistes expriment, de mani&egrave;res singuli&egrave;res, leurs pr&eacute;occupations actuelles et leurs visions d&#39;avenir. En effet, diff&eacute;rentes formes de militantisme &eacute;cologique se manifestent dans le discours des acteurs. &Agrave; travers la gestualit&eacute; et les lexiques employ&eacute;s, les locuteurs ont r&eacute;v&eacute;l&eacute; leurs positionnements et la divergence de leurs pr&eacute;occupations (cr&eacute;ation des espaces vivants pour les permaculteurs, se relier au vivant pour les personnes se revendiquant &eacute;cologistes, d&eacute;sob&eacute;issance civile sous forme d&rsquo;actions directes afin d&#39;imposer un rapport de force, un contre-pouvoir citoyen chez les activistes d&#39;XR). Se dessinent ainsi diff&eacute;rentes cat&eacute;gories d&rsquo;ethos et de postures engag&eacute;es, l&rsquo;une que l&rsquo;on peut qualifier d&rsquo;ethos d&rsquo;expert dans la mesure o&ugrave; toutes les personnes interview&eacute;es ont une connaissance fine des probl&eacute;matiques &eacute;cologiques, et qu&rsquo;elles mobilisent ce savoir expert pour tenir un discours, engag&eacute;, mais cr&eacute;dible, notamment aux yeux des interlocuteurs (essentiellement issus de la sph&egrave;re politique) qu&rsquo;ils cherchent &agrave; convaincre, selon leur appartenance &agrave; tel ou tel groupe. Dans ce processus de lutte sociale et de contre-pouvoir politique &eacute;merge une autre cat&eacute;gorie d&rsquo;ethos, avec un engagement affectif, attest&eacute; plus chez les activistes d&rsquo;XR &agrave; travers l&rsquo;utilisation d&rsquo;une gestuelle marqu&eacute;e par les d&eacute;ictiques (surtout dans la deuxi&egrave;me vid&eacute;o) et d&rsquo;un registre s&eacute;mantique qui fait r&eacute;f&eacute;rence &agrave; l&rsquo;urgence climatique (sensible, peur, effondrement, etc.). Par ailleurs, une autre cat&eacute;gorie, commune &agrave; tous les profils, li&eacute;e &agrave; cette nouvelle forme de militantisme, adoss&eacute; &agrave; une composante locale ou r&eacute;gionale forte, peut &ecirc;tre nomm&eacute;e &laquo; ethos d&rsquo;honn&ecirc;te homme &eacute;cologiste &raquo;. L&rsquo;&eacute;tude du lexique et celle de la gestualit&eacute; ont montr&eacute; que la palette axiologique est large et ne se situe pas n&eacute;cessairement dans le haut degr&eacute; d&rsquo;une forme de radicalit&eacute; qui serait sans nuance. Bien au contraire, l&rsquo;ethos discursif des &eacute;cologistes s&rsquo;affiche comme celui d&rsquo;un &laquo; honn&ecirc;te homme &raquo;, inform&eacute;, investi, et pr&ecirc;t &agrave; l&rsquo;action, mais soucieux de pr&eacute;server des valeurs &eacute;thiques fondamentales, et notamment celles du vivant, dans une approche de &laquo; restauration &raquo; plus que de &laquo; pr&eacute;servation &raquo;. La capacit&eacute; &agrave; utiliser un vocabulaire &eacute;largi et fort diversifi&eacute; d&eacute;montre cette face nouvelle du militantisme, o&ugrave; &agrave; la surdit&eacute; des politiques, les citoyens engag&eacute;s opposent une grande capacit&eacute; &agrave; discuter et &agrave; nuancer leurs propos et leurs actions. Tout cela, dans une constante pr&eacute;occupation du local, pour rappeler, non sans fermet&eacute;, que les enjeux &eacute;cologiques et militants sont, dans le domaine du vivant menac&eacute;, avant tout une praxis. Ils offrent ainsi une vision raisonn&eacute;e et passionn&eacute;e &agrave; la fois du militantisme &eacute;cologique, combinaison qui loin d&rsquo;&ecirc;tre v&eacute;cue comme antith&eacute;tique est pens&eacute;e comme la r&eacute;ponse la plus adapt&eacute;e &agrave; la crise &agrave; laquelle chacun de nous est confront&eacute;. L&rsquo;&eacute;tude de la gestualit&eacute; associ&eacute;e &agrave; celle du lexique permet de renouveler utilement les approches s&eacute;mantiques ou argumentatives plus traditionnelles. En effet, cette recherche, qui n&rsquo;a fait qu&rsquo;esquisser des pistes, ouvre la voie d&rsquo;une approche holistique des faits de langues dans le cadre g&eacute;n&eacute;ral de l&rsquo;analyse de discours, et permet ainsi de renouveler &eacute;galement les caract&eacute;risations des eth&ecirc; militants.</p> <p>&nbsp;</p> <h2>Bibliographie</h2> <p>Bird Rose, D. &amp; Robin, L. (2004). The Ecological Humanities in Action: An Invitation. <em>Australian Humanities</em>, Issue 31-32, April 2004.</p> <p>Boersma, Paul &amp; Weenink, David (2022). <em>Praat: doing phonetics by computer</em> [Computer program]. Version 6.3.03, retrieved 17 December 2022 from http://www.praat.org/</p> <p>Escobar, A. (2018). <em>Sentir-Penser avec la terre</em>. Paris : &Eacute;ditions du Seuil.</p> <p>Heiden, S., Magu&eacute;, J.-P. &amp; Pincemin, B. (2010). TXM : Une plateforme logicielle open-source pour la textom&eacute;trie &ndash; conception et d&eacute;veloppement. In:<i>JADT 2010: 10th International Conference on the Statistical Analysis of Textual Data</i>. Milan: LED, 1021-1032.</p> <p>Hopkins, R. (2014). <em>Ils changent le monde ! 1001 initiatives de transition &eacute;cologique</em>. Paris : &Eacute;ditions du Seuil.</p> <p>Jackiewicz, A., Bebeshina, N., Cassier, M., Frontini, F., Halftermeyer, A., Longhi, J., Luxardo, G., Nouvel, D. (2019). Vers une ontologie de la nomination et de la r&eacute;f&eacute;rence d&eacute;di&eacute;e &agrave; l&rsquo;annotation des textes, <i>Terminology &amp; Ontology : Theories and applications, </i>6-7th of June 2019, Chamb&eacute;ry France.</p> <p>McNeill, D. (1992). <em>Hand and Mind : What gestures reveal about thought</em>. Chicago: Chicago University Press.</p> <p>McWhinney, B. (2000). <em>The CHILDES Project: Tools for Analying Talk</em>. 3nd Edition. Mahwah, NJ: Lawrence Erlbaum Associates.</p> <p>Sloetjes, H., &amp; Wittenburg, P. (2008). Annotation by category - ELAN and ISO DCR. In: <em>Proceedings of the 6th International Conference on Language Resources and Evaluation</em> (LREC 2008).</p> <p>&nbsp;</p> <div align="center" style="text-align:center; margin-bottom:13px"> <hr align="center" size="2" width="100%" /></div> <p>[1] On retiendra le terme g&eacute;n&eacute;ral &quot;&eacute;cologistes&quot; (au sens &quot;partisans de la d&eacute;fense de la nature, de la qualit&eacute; de l&#39;environnement&quot;) pour d&eacute;signer l&#39;ensemble des personnes interrog&eacute;es.</p> <p>[2] Notons &agrave; ce niveau que nous avons utilis&eacute; la convention CHAT (McWhinney, 2000), afin de rendre la transcription lisible par des logiciels de traitement automatique du langage.</p> <p>[3] La proc&eacute;dure d&rsquo;annotation a &eacute;t&eacute; appliqu&eacute;e uniquement aux commentaires des interview&eacute;s concernant la vid&eacute;o neutre (avec un contexte positif pr&eacute;sentant les principes de la permaculture) et la vid&eacute;o &agrave; caract&egrave;re sensible (avec un contexte n&eacute;gatif pr&eacute;sentant la for&ecirc;t d&rsquo;Amazonie en train de br&ucirc;ler).</p> <p>[4] Nous avons document&eacute; en parall&egrave;le des ateliers de permaculture, &agrave; l&rsquo;aide d&rsquo;une cam&eacute;ra &agrave; 360&deg;, assur&eacute;s par le R&eacute;seau des Semeurs de Jardins. L&rsquo;objectif &eacute;tait de capter les &eacute;changes des militants au cours de leurs actions de mani&egrave;re spontan&eacute;e. La cam&eacute;ra 360&deg; &eacute;tant pos&eacute;e au centre du cercle d&rsquo;action, les participants finissaient par oublier sa pr&eacute;sence et se concentraient sur l&rsquo;atelier auquel ils prenaient part. Ainsi, les interactions spontan&eacute;es &eacute;taient d&rsquo;autant plus faciles &agrave; saisir.</p> <p>[5] La permaculture expliqu&eacute;e en 1 minute sur France 3 Normandie. Lien vers la vid&eacute;o :<a href="https://www.youtube.com/watch?v=rf1fLB8FoA0"> https://www.youtube.com/watch?v=rf1fLB8FoA0</a>, consult&eacute; le : 07/06/2020.</p> <p>[6] Incendies en Amazonie : la for&ecirc;t tropicale part en fum&eacute;e, reportage diffus&eacute; sur la chaine YouTube du <em>Parisien</em>. Lien vers la vid&eacute;o :<a href="https://www.youtube.com/watch?v=ZWQA2yT7lPM"> https://www.youtube.com/watch?v=ZWQA2yT7lPM</a>, consult&eacute; le : 07/06/2020.</p> <p>&nbsp;</p> </pla>