<h2>Les arts du devenir terrestre</h2> <p align="justify"><span style="line-height:150%">Cette contribution &eacute;tudie trois prolongements esth&eacute;tiques donn&eacute;s aux derni&egrave;res suggestions de Bruno Latour, invitant les lecteurs d&rsquo;<i>O&ugrave; atterrir. Comment s&rsquo;orienter en politique </i>et d&rsquo;<i>O&ugrave; suis-je</i><sup><i><a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote1sym" name="sdfootnote1anc"><sup>1</sup></a></i></sup>, &agrave; devenir terrestres. Est terrestre qui prend conscience des multiples enchev&ecirc;trements qui rendent sa vie possible&nbsp;: enchev&ecirc;trements organiques avec d&rsquo;autres vivants, humains et non-humains, mais aussi avec les &eacute;l&eacute;ments, les objets, et les r&eacute;seaux de toutes factures.</span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%">L&rsquo;atelier <i>How to be terrestrial</i>, les ateliers organis&eacute;s par le collectif O&ugrave; atterrir et le r&eacute;seau des ZO&Ouml;P entreprennent tous d&rsquo;inviter les participants &agrave; un tel devenir terrestre. Ils constituent trois prolongements esth&eacute;tiques, plut&ocirc;t qu&rsquo;artistiques, de la pens&eacute;e latourienne, parce que les d&eacute;marches n&rsquo;entendent pas donner lieu &agrave; des &oelig;uvres d&rsquo;art, ni surtout des &oelig;uvres closes et achev&eacute;es. Certaines entendent &ecirc;tre politiques, tout en relevant de processus inspir&eacute;s par des modes de recherche artistique. Par ailleurs, toutes sont profond&eacute;ment ancr&eacute;es et d&eacute;pendantes du contexte dans lesquels s&rsquo;inscrivent les participant.e.s&nbsp;: elles montrent de ce fait comment nos diff&eacute;rents modes d&rsquo;action et de pens&eacute;e sont interreli&eacute;s en prenant appui sur une recherche cr&eacute;ative des interd&eacute;pendances qui font de chacun.e un.e terrestre. Apr&egrave;s un rapide retour sur les visions latouriennes de ce devenir, l&rsquo;article &eacute;tudiera les diverses modalit&eacute;s d&eacute;velopp&eacute;es par chaque projet dans la singularit&eacute; de son contexte et de ses participant.e.s.</span></p> <h3>L&rsquo;art du devenir terrestre</h3> <p align="justify" style="margin-top:19px; margin-bottom:19px"><span style="line-height:150%">On peut consid&eacute;rer que le d&eacute;veloppement de sujets terrestres rel&egrave;ve d&rsquo;un art, de m&ecirc;me que la critique rel&egrave;ve d&rsquo;un art selon Michel Foucault. Les deux processus repr&eacute;sentent de fait un projet de subjectivation et de connaissance essentiel mais incertain, sans doute inachevable, &laquo;&nbsp;un moyen pour un avenir ou une v&eacute;rit&eacute; qu&rsquo;[ils] ne saur[ont] pas&nbsp;&raquo;<sup><a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote2sym" name="sdfootnote2anc"><sup>2</sup></a></sup>.</span></p> <p align="justify" style="margin-top:19px; margin-bottom:19px"><span style="line-height:150%">Latour en fait n&eacute;anmoins la r&eacute;ponse &agrave; ses questions nodales, que faire &laquo;&nbsp;face &agrave; Ga&iuml;a&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;o&ugrave; atterrir&nbsp;&raquo;, notamment &agrave; l&rsquo;issue de l&rsquo;ouvrage &eacute;ponyme qui entend donner des cl&eacute;s pour s&rsquo;orienter en politique. <font color="#000000">&laquo;&nbsp;Terrestre &raquo; est tout d&rsquo;abord un qualificatif aussi vaste et puissant que ce qu&rsquo;il comprend, c&rsquo;est un adjectif et un nom, nommant les agents qui vivent selon un état d&rsquo;être. &Ecirc;tre terrestre consisterait à &laquo; retrouv</font><font color="#000000"><font face="Symbol, serif"></font></font><font color="#000000">er</font><font color="#000000"><font face="Symbol, serif"></font></font><font color="#000000"> la matérialité et redonner de l&rsquo;autonomie, de la temporalité, de l&rsquo;histoire à toutes les puissances d&rsquo;agir et à leur distribution&nbsp;&raquo;</font><font color="#000000"><sup><a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote3sym" name="sdfootnote3anc"><sup>3</sup></a></sup></font><font color="#000000">. La puissance d&rsquo;agir ou </font><font color="#000000">agentivité est ce qui permet de reconsidérer les êtres autour de nous &ndash; d&rsquo;aucuns diraient de les revaloriser si le changement n&rsquo;&eacute;tait plus profond et n&rsquo;impliquait de reconfigurer nos relations avec eux. Dans&nbsp;</font><font color="#000000"><i>Face à Gaïa</i></font><font color="#000000"><sup><a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote4sym" name="sdfootnote4anc"><sup>4</sup></a></sup></font><font color="#000000">, le philosophe des sciences </font><font color="#000000">décrit notamment la puissance d&rsquo;agir d&rsquo;un fleuve, apr&egrave;s avoir montr&eacute; que dans le protocole scientifique, l&rsquo;observant découvre d&rsquo;abord des agissements et des effets avant de découvrir l&rsquo;entité responsable et de la nommer. La puissance d&rsquo;agir est ainsi constitutive de l&#39;existence de l&rsquo;entité. Une fois nommée toutefois, l&rsquo;entité est définie comme telle et ses puissances d&rsquo;agir dispara&icirc;traient dans sa description au profit d&rsquo;un nom isol&eacute; de son contexte, faisant ainsi disparaître une partie de ce qui la fait exister. Mais le fleuve serait &laquo;&nbsp;fleuve&nbsp;&raquo; parce qu&rsquo;il interagit en permanence avec une multiplicité d&rsquo;autres êtres qui existent dans et par cette relation. Latour s&rsquo;appuie plus largement sur l&rsquo;appr&eacute;hension de l&rsquo;être comme holobionte, notion théorisée par Lynn Margulis en 1991 pour décrire la relation entre l&rsquo;être humain et la multiplicité des bactéries qui l&rsquo;habitent et le co-constituent. Ces d&eacute;couvertes impliquent que les humains comme l&rsquo;ensemble des êtres vivants sont en constant et visc&eacute;ral état d&rsquo;interdépendance, ce qui décale le rapport que l&rsquo;être humain a eu culturellement tendance à instaurer dans son rapport d&rsquo;extran&eacute;it&eacute; au vivant et met par cons&eacute;quent fin au dualisme nature/culture &ndash; la nature &eacute;tant co-constituve de chacun.e et la culture faisant partie des multiples boucles de r&eacute;troaction par lesquelles le vivant ne cesse de se recomposer et de transformer ceux qui sont en interaction avec lui. De ce fait, cela implique une plus grande attention portée au vivant mais aussi aux &eacute;tants abiotiques, puisque tous sont une partie constituante de ce qui fait l&rsquo;être, en cela que le milieu fait partie intégrante de l&rsquo;individu et ne saurait constituer un d&eacute;cor.</font></span></p> <p align="justify" style="margin-top:19px; margin-bottom:19px"><span style="line-height:150%"><font color="#000000">Dans </font><i>O&ugrave; atterrir</i>, Latour propose<font color="#000000"> de &laquo;&nbsp;d&eacute;finir les terrains de vie comme ce dont un terrestre d&eacute;pend pour sa survie et en se demandant quels sont les autres terrestres qui se trouvent dans sa d&eacute;pendance&nbsp;&raquo;</font><font color="#000000"><sup><a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote5sym" name="sdfootnote5anc"><sup>5</sup></a></sup></font><font color="#000000">. </font><font color="#000000">Un processus pour devenir terrestre consisterait donc en une forme d&rsquo;enqu&ecirc;te r&eacute;pondant aux questions suivantes&nbsp;: &laquo;&nbsp;&agrave; quoi tenez-vous le plus&nbsp;? Avec qui pouvez-vous vivre&nbsp;? Qui d&eacute;pend de vous pour sa subsistance&nbsp;? Contre qui allez-vous devoir lutter&nbsp;? Comment hi&eacute;rarchiser l&rsquo;importance de tous ces agents&nbsp;?&nbsp;&raquo;</font><font color="#000000"><sup><a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote6sym" name="sdfootnote6anc"><sup>6</sup></a></sup></font><font color="#000000">. Une telle enqu&ecirc;te est inachevable mais doit &ecirc;tre entreprise pour se ressaisir de son terrain de vie, de ses capacit&eacute;s d&rsquo;action, en d&eacute;veloppant activement un r&eacute;seau d&rsquo;agents et d&rsquo;alliances, &agrave; partir de l&rsquo;existant ou de ses potentialit&eacute;s. Ce processus comprend un &laquo;&nbsp;rassemblement&nbsp;&raquo; de donn&eacute;es et d&rsquo;&ecirc;tres (&laquo;&nbsp;</font><font color="#000000"><i>gathering</i></font><font color="#000000">&nbsp;&raquo;) d&eacute;j&agrave; appel&eacute; de ses v&oelig;ux dans l&rsquo;article </font><font color="#000000"><i>Why has Critique Run Out of Steam - From matters of facts to matters of concern</i></font><font color="#000000"><sup><i><a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote7sym" name="sdfootnote7anc"><sup>7</sup></a></i></sup></font><font color="#000000">, qui produit du concernement en sus de la critique. Au-del&agrave; de ce rassemblement, les agents sont invit&eacute;s &agrave; faire preuve de cr&eacute;ativit&eacute; dans la reconfiguration de leurs relations. L&rsquo;acte cr&eacute;atif est &eacute;galement &eacute;mancipateur, amenant &agrave; &laquo;&nbsp;innover en profitant des limites&nbsp;&raquo;</font><font color="#000000"><sup><a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote8sym" name="sdfootnote8anc"><sup>8</sup></a></sup></font><font color="#000000"> et &agrave; faire alliance avec ce qui nous co-constitue. </font></span></p> <h3>How to be terrestrial</h3> <p>L&rsquo;atelier anim&eacute; par Mira Jo Hirtz est une &laquo;&nbsp;exp&eacute;rience fond&eacute;e sur le mouvement&nbsp;&raquo;<a href="#sdfootnote9sym" name="sdfootnote9anc">9</a>, propos&eacute;e dans le cadre de l&rsquo;exposition <em>Critical Zones. Observatories for Earthly Politics</em>, pr&eacute;sent&eacute;e au Zentrum f&uuml;r Kunst und Medien de Karlsruhe, et co-curator&eacute;e par Latour. Les observations se fondent sur ma participation [Eliane Beaufils] &agrave; l&rsquo;un des nombreux ateliers en ligne organis&eacute;s durant les deux ann&eacute;es d&rsquo;exposition en 2020-2021, et toujours con&ccedil;us de la m&ecirc;me mani&egrave;re.</p> <p>Mira Hirtz accueille les participants en leur pr&eacute;sentant un objet auquel elle tient, qui reste sur son bureau ou dans son tiroir depuis plus de dix ans&nbsp;: un petit oiseau bricol&eacute; associ&eacute; &agrave; de nombreux moments. Elle invite chacun.e &agrave; trouver dans la pi&egrave;ce une chose qui retient son int&eacute;r&ecirc;t. Puis les participants sont convi&eacute;s &agrave; se demander pourquoi ils s&rsquo;int&eacute;ressent &agrave; cet objet&nbsp;; ils ont ensuite plusieurs minutes pour retracer en pens&eacute;e l&rsquo;itin&eacute;raire de l&rsquo;objet jusqu&rsquo;&agrave; eux &ndash; depuis la collecte des mat&eacute;riaux &agrave; leur appartement, en passant par fabriques et circuits marchands. Apr&egrave;s ces exercices d&rsquo;imagination, Hirtz demande aux participants de se mettre en contact tactile avec l&rsquo;objet&nbsp;: quels gestes font-ils&nbsp;? peuvent-ils faire&nbsp;? Des gestes on passe &agrave; la sollicitation du corps entier, invit&eacute; &agrave; bouger avec l&rsquo;objet, &agrave; inventer des d&eacute;placements et manipulations qui ne correspondent pas aux usages. Cet exercice d&rsquo;imagination corporelle et chor&eacute;graphique am&egrave;ne chacun.e &agrave; se mouvoir dans son int&eacute;rieur de mani&egrave;re in&eacute;dite, et &agrave; d&eacute;couvrir le cas &eacute;ch&eacute;ant des configurations d&rsquo;objets, des polarit&eacute;s, des potentialit&eacute;s. L&rsquo;objet et le lieu sont ainsi sources d&rsquo;&eacute;nergie et d&rsquo;inspiration. Les participants peuvent clore la s&eacute;ance individuelle par un exercice d&rsquo;&eacute;criture libre, qui ne sera pas communiqu&eacute; aux autres.</p> <p>Les actes d&rsquo;imagination permettent, par l&rsquo;interm&eacute;diaire d&rsquo;un objet, de d&eacute;velopper une conscience aig&uuml;e de la complexit&eacute; des circuits de vie et de production contemporains. J&rsquo;ai pourtant choisi un vase en bois, qui n&rsquo;est pas pass&eacute; par un processus de fabrication manufacturi&egrave;re tr&egrave;s long ni tr&egrave;s compliqu&eacute;&nbsp;; mais je ne sais de quel bois il s&rsquo;agit, o&ugrave; il a &eacute;t&eacute; pr&eacute;lev&eacute;, quelle entreprise l&rsquo;a con&ccedil;u et r&eacute;alis&eacute;, ni o&ugrave; il a &eacute;t&eacute; vendu &ndash; il m&rsquo;a &eacute;t&eacute; offert. Les autres participants ne sont sans doute pas davantage capables de retracer l&rsquo;itin&eacute;raire de leur objet, du moins pas de mani&egrave;re pr&eacute;cise, ni de nommer les acteurs impliqu&eacute;s. La r&eacute;flexion tr&egrave;s simple &agrave; laquelle on est invit&eacute; fait percevoir l&rsquo;abstraction de notre monde, la d&eacute;connection entre ses agents, la complexit&eacute; des circuits de production et de commercialisation qui contribue &agrave; faire de l&rsquo;objet une entit&eacute; abstraite, principalement investie de sens par l&rsquo;acheteur et par les relations qu&rsquo;il va tisser avec elle. L&rsquo;atelier nous confronte ce faisant &agrave; ce que Jean-Luc Nancy et Aur&eacute;lien Barrau appellent la struction&nbsp;: l&rsquo;agencement de notre monde en une somme de mati&egrave;res et de r&eacute;seaux dans lesquels nous sommes pris et qui se sont d&eacute;velopp&eacute;s sur le mode de la diss&eacute;mination et de l&rsquo;adjonction, produisant parfois des dynamiques contradictoires, mais fonci&egrave;rement impossibles &agrave; saisir dans leur globalit&eacute;<a href="#sdfootnote10sym" name="sdfootnote10anc">10</a>. Par opposition &agrave; notre intrication dans les r&eacute;seaux immenses et ind&eacute;finis de la mondialisation, l&rsquo;atelier de terrestrialisation contribue &agrave; nous reterritorialiser, d&rsquo;autant que la partie chor&eacute;graphique montre l&rsquo;importance, au moins potentielle, de chaque objet et sa capacit&eacute; &agrave; transformer notre attitude et notre espace de vie&nbsp;: bien que je connaisse quelques moments de perplexit&eacute;, je d&eacute;veloppe des nouvelles manipulations et danses avec le vase, aussi ludiques qu&rsquo;elles semblent infinies.</p> <p>On pourrait &eacute;mettre l&rsquo;hypoth&egrave;se que l&rsquo;objet choisi renvoie peut-&ecirc;tre &agrave; des modes d&rsquo;existence singuliers, distincts de ceux d&rsquo;autres personnes. La jeune femme avec laquelle je suis invit&eacute;e &agrave; m&rsquo;entretenir en bin&ocirc;me apr&egrave;s les exercices individuels a opt&eacute; pour une petite Game Boy telle qu&rsquo;on les vendait au d&eacute;but des ann&eacute;es 2000. Elle a &eacute;t&eacute; socialis&eacute;e tr&egrave;s diff&eacute;remment de moi, qui suis plus &acirc;g&eacute;e et que les parents ont tenu &agrave; l&rsquo;&eacute;cart des appareils technologiques. L&rsquo;&eacute;change permet de prendre conscience des vari&eacute;t&eacute;s d&rsquo;objets &eacute;tudi&eacute;s, et de relations impliqu&eacute;es. En effet, mon interlocutrice a eu beaucoup de mal &agrave; inventer des interactions surprenantes avec sa Game Boy. On s&rsquo;aper&ccedil;oit qu&rsquo;un tel produit a &eacute;t&eacute; con&ccedil;u pour notre usage, ce qui s&rsquo;accompagne d&rsquo;effets de r&eacute;troaction&nbsp;: le petit appareil va de pair des affordances<a href="#sdfootnote11sym" name="sdfootnote11anc">11</a>, il sugg&egrave;re imm&eacute;diatement des utilisations et des fonctions. Il est peut-&ecirc;tre plus difficile alors d&rsquo;engager sa subjectivit&eacute; corporelle, et de reconfigurer les relations. Voil&agrave; qui fait &eacute;cho &agrave; l&rsquo;analyse des dispositifs contemporains selon le philosophe Giorgio Agamben. Celui-ci d&eacute;crit tous nos objets jusqu&rsquo;aux plus quotidiens comme des dispositifs, qui nous subjectivent&nbsp;et qui constituent &eacute;galement des formes d&rsquo;assujettissement, voire de conditionnement<a href="#sdfootnote12sym" name="sdfootnote12anc">12</a>. L&rsquo;&eacute;change avec ma partenaire, effectu&eacute; dans une salle zoom inaccessible aux autres et donc dans de bonnes conditions de confiance et d&rsquo;intimit&eacute;, est ainsi susceptible d&rsquo;&ecirc;tre tr&egrave;s instructif, compl&eacute;mentant l&rsquo;exp&eacute;rience de chaque participant.e et mettant en relief certaines conclusions. L&rsquo;atelier permet in fine de passer par l&rsquo;&eacute;preuve de nos limites, tant de repr&eacute;sentation des objets et des r&eacute;seaux, que de r&eacute;invention, tout en transmettant potentiellement la joie &eacute;prouv&eacute;e durant la danse. Il invite &agrave; r&eacute;imaginer les modalit&eacute;s de contact avec &laquo;&nbsp;nos&nbsp;&raquo; agents, et quels autres agents il est opportun ou non de consid&eacute;rer. S&rsquo;il peut pr&eacute;luder &agrave; un tri et &agrave; une r&eacute;invention &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle individuelle, il ne met pas cependant en capacit&eacute; de r&eacute;pondre aux d&eacute;fis de reconfiguration de la mondialisation. Pour opposer une action plus syst&eacute;mique &agrave; la struction, des activit&eacute;s esth&eacute;tiques plus collectives et complexes seraient sans doute &agrave; privil&eacute;gier.</p> <h3 align="justify"><a name="_heading=h.gjdgxs"></a><a name="_heading=h.30j0zll"></a> Ateliers <em>O&ugrave; atterrir &agrave; Sevran ?</em> par S-Composition</h3> <p>Bruno Latour a lui-m&ecirc;me tent&eacute; de mettre en place des ateliers collectifs qui iraient dans le sens d&rsquo;un devenir terrestre plus profond. En collaboration avec des artistes, il a impuls&eacute; les ateliers <em>O&ugrave; atterrir</em> au th&eacute;&acirc;tre de la Poudrerie &agrave; Sevran. Apr&egrave;s son intervention lors de la Biennale des arts participatifs de 2020 organis&eacute; par le th&eacute;&acirc;tre, des ateliers bi-mensuels ont &eacute;t&eacute; mis en place, men&eacute;s par la compagnie S-Composition avec Chlo&eacute; et Chantal Latour, Jean-Pierre Seyvos, tous trois membres du consortium O&ugrave; atterrir, en collaboration avec des habitant.e.s de Sevran. Cette &eacute;tude s&rsquo;appuie sur la participation de Nathan Vaurie aux ateliers et &agrave; la mise en sc&egrave;ne de l&rsquo;atelier-spectacle du 15 octobre 2022.</p> <h4 align="justify">Des ateliers au spectacle</h4> <p>Les participant.e.s se retrouvent d&rsquo;abord pour un temps d&rsquo;&eacute;chauffement consistant en pratiques &eacute;cosomatiques<a href="#sdfootnote13sym" name="sdfootnote13anc">13</a>&nbsp;: ces exercices corporels favorisent la concentration sur l&rsquo;instant pr&eacute;sent, sur le corps, et le resituent dans l&rsquo;espace. Suivent des &eacute;coutes de groupes. Le troisi&egrave;me temps est celui de l&rsquo;exploration des territoires de vie ou des restitutions d&rsquo;enqu&ecirc;tes. S-Composition propose aux habitant.e.s de faire des exp&eacute;riences sonores permettant de figurer m&eacute;taphoriquement des processus complexes li&eacute;s au fonctionnement de la zone critique<a href="#sdfootnote14sym" name="sdfootnote14anc">14</a>, d&rsquo;enqu&ecirc;ter sur leur terrain de vie soit pour se rendre compte de l&rsquo;important nombre de non-humains auxquels iels se relationnent ou desquels iels d&eacute;pendent au quotidien, et enfin de cr&eacute;er la &laquo;&nbsp;boussole de leur concernement&nbsp;&raquo;. Chlo&eacute; Latour et Jean-Pierre Seyvos pr&eacute;sentent le concernement comme un probl&egrave;me qui touche directement la personne, et qui emb&ecirc;te comme &laquo;&nbsp;un caillou dans la chaussure&nbsp;&raquo;<a href="#sdfootnote15sym" name="sdfootnote15anc">15</a>. A Sevran il y a par exemple : la disparition de la jacinthe des bois, celle des abeilles, les politiques li&eacute;es &agrave; l&rsquo;eau dans la communaut&eacute; d&rsquo;agglom&eacute;ration, le d&eacute;placement et les transports, la construction d&rsquo;une antenne en haut de l&rsquo;immeuble, la b&eacute;tonisation de la plaine Montceleux, dernier champ de la ville&hellip; La constitution de la boussole consiste en la d&eacute;couverte des agents humains ou non-humains dont d&eacute;pend le probl&egrave;me analys&eacute;, pour dessiner le paysage politique quotidien des participant.e.s. Ces agents sont ensuite r&eacute;partis sur la boussole : en son centre figure le concernement, par lequel passent deux axes. Le premier axe vertical repr&eacute;sente le temps (de l&rsquo;h&eacute;ritage au futur), le second va du plus positif (&agrave; droite) au n&eacute;gatif (&agrave; gauche). L&rsquo;habitante qui enqu&ecirc;te sur l&rsquo;eau a pu mieux comprendre et faire comprendre les institutions et les lois qui r&eacute;gissent la distribution de l&rsquo;eau ainsi que les probl&egrave;mes que cela impliquait en termes de pollution et de bien commun&nbsp;; elle a par exemple identifi&eacute; le Syndicat des eaux d&rsquo;Ile de France comme menace (&agrave; gauche au pr&eacute;sent). L&rsquo;habitant.e se fait ainsi expert.e d&rsquo;un sujet qui le.la concerne sur son territoire, et r&eacute;ussit &agrave; se r&eacute;approprier des m&eacute;canismes institutionnels jusque-l&agrave; opaques. Iel met &agrave; jour des dysfonctionnement syst&eacute;miques tr&egrave;s souvent li&eacute;s &agrave; des d&eacute;cisions politiques&nbsp;: m&ecirc;me dans le cas o&ugrave; ce sont des bailleurs priv&eacute;s qui sont identifi&eacute;s, les participant.e.s d&eacute;couvrent des lois ou des conflits d&#39;int&eacute;r&ecirc;ts issus de repr&eacute;sentants de l&rsquo;Etat ou d&rsquo;organismes d&eacute;pendants de l&rsquo;Etat. Iels r&eacute;v&egrave;lent des dysfonctionnements de l&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;Etat-Capital&nbsp;&raquo;<a href="#sdfootnote16sym" name="sdfootnote16anc">16</a>. Ces enqu&ecirc;tes permettent aussi de mettre &agrave; jour des acteur.ices qui vont permettre d&rsquo;am&eacute;liorer la situation (tel.le.s la nouvelle paysannerie, Cycle Terre usine de briques en terre crue sevranaise, le nouveau Lyc&eacute;e agricole, ou la Moret, un cours d&rsquo;eau sevranais).</p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><a name="_heading=h.3znysh7"></a> </span>Les ateliers <em>O&ugrave; atterrir ?</em> ont &eacute;t&eacute; repr&eacute;sent&eacute;s pendant la biennale 2022 des arts participatifs organis&eacute;s par le Th&eacute;&acirc;tre de la Poudrerie, lors d&rsquo;un &laquo;&nbsp;atelier-spectacle&nbsp;&raquo; dans la salle des f&ecirc;tes de Sevran le 15 octobre. La pi&egrave;ce &eacute;tait enti&egrave;rement utilis&eacute;e, des chaises &eacute;taient dispos&eacute;es en &icirc;lots dans toute la salle, parfois sur des estrades, en diff&eacute;rents groupes, et au centre se situait une boussole dessin&eacute;e au sol destin&eacute;e &agrave; accueillir l&rsquo;expression des concernements et de leurs r&eacute;seaux de d&eacute;pendances. Trois grands &eacute;crans dispos&eacute;s de part et d&rsquo;autre de la salle accueillaient des projections. Le spectacle &eacute;tait ponctu&eacute; de pi&egrave;ces musicales compos&eacute;es par Jean-Pierre Seyvos, qui tentent de mettre en sons certains syst&egrave;mes inh&eacute;rents &agrave; la zone critique (par exemple <em>Wetness</em> pour le cycle de l&rsquo;eau). Le public &eacute;tait pr&eacute;venu avant d&rsquo;entrer qu&rsquo;il allait participer &agrave; un atelier et il lui &eacute;tait fourni un livret d&rsquo;enqu&ecirc;te et un stylo. En entrant dans la salle, les 150 participant.e.s secondaires rencontraient les participant.e.s primaires<a href="#sdfootnote17sym" name="sdfootnote17anc">17</a>, post&eacute;.e.s &agrave; des places d&eacute;finies pour d&eacute;crire leur territoire de vie, les non-humains qu&rsquo;iels c&ocirc;toient au quotidien ou dont iels sont d&eacute;pendant.e.s. Puis les spectateur.ices suivaient le format d&rsquo;un atelier: &eacute;chauffement, description des terrains de vie, formulation d&rsquo;un concernement. L&rsquo;atelier &eacute;tait ponctu&eacute; d&rsquo;interventions des participant.e.s primaires qui partageaient le r&eacute;sultat de leurs enqu&ecirc;tes de mani&egrave;res artistiques (travail en choralit&eacute;, nuages de mots projet&eacute;s sur les &eacute;crans, monologues crois&eacute;s). Il est int&eacute;ressant d&rsquo;observer que le processus de cr&eacute;ation est repr&eacute;sent&eacute;, ce qui met d&rsquo;autant plus en valeur la nature processuelle de la cr&eacute;ation participative<a href="#sdfootnote18sym" name="sdfootnote18anc">18</a>. Le temps de la repr&eacute;sentation rev&ecirc;t donc deux fonctions : la mise en valeur du processus de cr&eacute;ation participative par le rejeu, et sa transmission<a href="#sdfootnote19sym" name="sdfootnote19anc">19</a>.</p> <p>L&rsquo;espace des ateliers et de la repr&eacute;sentation pourrait cependant para&icirc;tre probl&eacute;matique. Fait est qu&rsquo;ils se d&eacute;roulent dans une &laquo;&nbsp;bo&icirc;te noire&nbsp;&raquo;, une salle de spectacle contemporaine plong&eacute;e dans le noir et aux lumi&egrave;res artificielles. Si la pr&eacute;sence des non-humains, et la r&eacute;inscription de l&rsquo;&ecirc;tre humain dans les cycles des mondes qu&rsquo;on habite sont particuli&egrave;rement pr&eacute;sentes dans les ateliers <em>O&ugrave; atterrir?</em>, la d&eacute;connexion &agrave; ceux-ci est criante. L&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;interd&eacute;pendance entre les vivants mis en avant dans l&#39;&oelig;uvre de Latour avec la th&eacute;orie Ga&iuml;a<a href="#sdfootnote20sym" name="sdfootnote20anc">20</a> semble, dans la repr&eacute;sentation qui en est faite, &ecirc;tre une exp&eacute;rience mentale ou intellectuelle et &eacute;chapper &agrave; la dimension du v&eacute;cu. Dans les retours qui ont &eacute;t&eacute; faits au Th&eacute;&acirc;tre de la Poudrerie sur cette performance, on note le fait qu&rsquo;une grande partie du public &eacute;tait parisien et non pas sevranais alors que les Sevranais &eacute;taient les premier.&egrave;re.s concern&eacute;.e.s. Les th&eacute;ories en humanit&eacute;s environnementales mettent en exergue le fait de rendre leur agentivit&eacute; ou puissance d&rsquo;agir aux non-humains<a href="#sdfootnote21sym" name="sdfootnote21anc">21</a>, de les faire passer de d&eacute;cor &agrave; agents&nbsp;; ici on observe une limite quant &agrave; cette consid&eacute;ration. Cependant, le fait de formuler les relations que les participant.e.s tissent avec des non-humains qui leur sont chers est d&eacute;j&agrave; une &eacute;tape, en effet la reconsid&eacute;ration des liens (affectifs) en place fait partie du processus de reconnaissance des puissances d&rsquo;agir, puisque les participant.e.s reconnaissent le fait d&rsquo;&ecirc;tre litt&eacute;ralement &laquo;&nbsp;affect&eacute;.e.s&nbsp;&raquo; par les non-humains. L&#39;absence physique des non-humains dans les ateliers est aussi r&eacute;v&eacute;latrice de l&#39;absence ou de l&#39;&eacute;loignement des moyens de subsistance &agrave; la fois des villes de banlieues (paradoxalement anciens greniers de Paris) et de la pratique artistique. Cela est corr&eacute;latif de la mise en cause de l&#39;&eacute;cologie politique, pointant son absence des quartiers populaires et l&#39;ambigu&iuml;t&eacute; de sa position sociale.</p> <h4 align="justify"><a name="_heading=h.2et92p0"></a> Construction d&rsquo;une communaut&eacute; terrestre ?</h4> <p align="justify">Un des buts du consortium <em>O&ugrave; atterrir ?</em> est de commencer &agrave; cr&eacute;er par la participation &agrave; ces ateliers une communaut&eacute; de citoyen.ne.s terrestres qui red&eacute;finirait le paysage politique. La pratique de ces ateliers activerait un r&eacute;seau de terrestres dans toute la France capable de s&rsquo;entraider dans la formulation de nouvelles probl&eacute;matiques et le partage d&rsquo;informations relatives aux moyens de subsistance.</p> <p>Mais cette ambition se heurte &agrave; deux interrogations. D&rsquo;une part, se pose la question du passage de l&rsquo;information &agrave; l&rsquo;action politiques. En effet le reproche souvent formul&eacute; par les militants &eacute;cologistes &agrave; Bruno Latour s&rsquo;&eacute;tend &agrave; ces ateliers qui reprennent sa pens&eacute;e : apr&egrave;s avoir d&eacute;crit des faits, se pose la question de la mise en action. Le concernement de E. &eacute;tait au d&eacute;part celui des expulsions de migrants&nbsp;; apr&egrave;s une longue p&eacute;riode d&rsquo;&eacute;tude et de r&eacute;flexion, E. a port&eacute; son attention sur les Centres de R&eacute;tention Administrative (CRA), un &eacute;tablissement dont nombre de participant.e.s ignoraient l&rsquo;existence mais qui consiste &agrave; garder enferm&eacute;es des personnes migrantes en situation irr&eacute;guli&egrave;re le temps de la r&eacute;gularisation (ou non) de leur situation. Gr&acirc;ce au r&eacute;seau terrestre, &agrave; l&rsquo;aspect officiel de son enqu&ecirc;te, aux outils apport&eacute;s par S-Composition, elle a pu effectuer de nombreux entretiens et faire le portrait de la situation en CRA. A la fin des ateliers, elle a donn&eacute; le fruit de son travail extr&ecirc;mement pouss&eacute; et concret &agrave; des associations pour lesquelles elle est maintenant b&eacute;n&eacute;vole, et qui luttent pour la fermeture des CRA. Il y a donc un mouvement qui se dessine et qui tend &agrave; faire penser que ce processus peut ouvrir &agrave; l&rsquo;action.</p> <p>Cependant, en un an, peu de personnes sont pass&eacute;es &agrave; l&rsquo;action pour d&eacute;fendre ce &agrave; quoi elles tenaient. L&rsquo;atelier n&rsquo;accueille pas non plus de d&eacute;bats, il repose sur des descriptions factuelles ou une exp&eacute;rimentation sensible. Et alors que l&rsquo;un voit une solution int&eacute;ressante dans la densification des habitations pr&egrave;s des gares pour emp&ecirc;cher la b&eacute;tonisation d&rsquo;espaces pas encore recouverts, l&rsquo;autre pointe la d&eacute;gradation des conditions de vie li&eacute;es &agrave; cette m&ecirc;me densification&nbsp;: un d&eacute;bat strat&eacute;gique pourrait &ecirc;tre men&eacute; et conduire &agrave; des solutions. Mais les ateliers en restent &agrave; des descriptions et ne mettent pas en place &laquo;&nbsp;l&rsquo;agone&nbsp;&raquo;<a href="#sdfootnote22sym" name="sdfootnote22anc">22</a>:</p> <blockquote> <p>L&rsquo;agone d&eacute;signe le processus conflictuel permettant aux habitants d&rsquo;instituer les sc&egrave;nes agonistiques o&ugrave; ils pourront se ressaisir de leur lieu de vie, en mettant en sc&egrave;ne les conflits d&rsquo;usage et les conflits de mondes (les compositions relationnelles) qui les sous-tendent.<a href="#sdfootnote23sym" name="sdfootnote23anc">23</a></p> </blockquote> <p align="justify">Les ateliers tendent &agrave; ouvrir des br&egrave;ches depuis lesquelles peuvent se d&eacute;velopper ces processus agonistiques. &laquo; [Ils] sont juste le d&eacute;but d[&#39;un] processus [comme celui des cahiers de dol&eacute;ance]&raquo; dit Latour pour expliquer les intentions du Consortium <em>O&ugrave; atterrir ?</em><a href="#sdfootnote24sym" name="sdfootnote24anc">24</a>&nbsp;: l&rsquo;id&eacute;e est que le.la citoyen.ne se saisisse &agrave; nouveau des questions de territoires pour &laquo;&nbsp;red&eacute;finir les conditions d&rsquo;existence en situation de crise&nbsp;&raquo;, &laquo; tirer des le&ccedil;ons et des proc&eacute;dures, peut-&ecirc;tre m&ecirc;me une m&eacute;thodologie pour permettre &agrave; d&rsquo;autres qui le souhaitent d&rsquo;&eacute;tendre et de faire prolif&eacute;rer cette m&eacute;thode&nbsp;&raquo;.</p> <p>L&rsquo;autre grande question que pose le dispositif des ateliers <em>O&ugrave; atterrir</em> et qui peut &ecirc;tre li&eacute;e &agrave; la premi&egrave;re est la volont&eacute; de cr&eacute;ation de communaut&eacute;. Les artistes qui mettent en place des performances participatives ont souvent &eacute;t&eacute; critiqu&eacute;.e.s, par exemple par Zhong Mengual<a href="#sdfootnote25sym" name="sdfootnote25anc">25</a> :</p> <blockquote> <p><a name="_heading=h.tyjcwt"></a> &ecirc;tre inclus dans la soci&eacute;t&eacute; signifie participer au jeu &eacute;conomique en tant que travailleur consommateur [...] la politique sociale ne r&eacute;duit pas les in&eacute;galit&eacute;s mais met en place les conditions de participation au jeu &eacute;conomique qui est condition de croissance.</p> </blockquote> <p>De ce point de vue les performances participatives &agrave; vocation sociale seraient comme les institutions sociales les partenaires du n&eacute;o-lib&eacute;ralisme&nbsp;; elles contribueraient &agrave; la normalisation des citoyen.ne.s vers le parfait travailleur consommateur &ndash; surtout, peut-on ajouter, si elles ne mettent pas sur la voie de l&rsquo;action. Commentant le d&eacute;bat entre Kwon Miwon et Kevin Kester sur le sujet des communaut&eacute;s dans les arts participatifs, Marie Preston pr&eacute;vient par ailleurs que &laquo; l&rsquo;artiste collabore avec des agr&eacute;gats h&eacute;t&eacute;rog&egrave;nes dans l&rsquo;attente paternaliste qu&rsquo;il ou elle prenne le r&ocirc;le de repr&eacute;sentant et essaye de cr&eacute;er une conscience de communaut&eacute; &agrave; partir des d&eacute;chets sociaux atomis&eacute;s du capitalisme tardif<a href="#sdfootnote26sym" name="sdfootnote26anc">26</a>&nbsp;&raquo;. Dans la pratique, les ateliers <em>O&ugrave; atterrir ?</em> transmettent cependant des savoirs faire aux citoyen.ne.s. Il y a une id&eacute;e de passation et d&rsquo;autonomisation, d&rsquo;empouvoirement de l&rsquo;individu par sa pratique, ce qui n&rsquo;a rien de &laquo;&nbsp;paternaliste&nbsp;&raquo;:</p> <blockquote> <p><a name="_heading=h.3dy6vkm"></a> Ces dispositifs participatifs am&egrave;nent les personnes &agrave; d&eacute;placer leur comportement en m&ecirc;me temps que leur pens&eacute;e du comportement. Ils exploitent la force collective mais pourraient se d&eacute;ployer ind&eacute;pendamment de tout ancrage dans un groupe. <a href="#sdfootnote27sym" name="sdfootnote27anc">27</a></p> </blockquote> <p>L&rsquo;id&eacute;e pour les artistes de S-Composition n&rsquo;est pas r&eacute;ellement de &laquo; faire une communaut&eacute; &raquo;, mais plut&ocirc;t d&rsquo;armer le.la citoyen.ne avec des notions et des proc&eacute;d&eacute;s qui le.la mettent sur la voie du devenir terrestre de son propre chef. Une fois les citoyen.ne.s devenu.e.s terrestres par leur propre r&eacute;alisation, la communaut&eacute; terrestre appara&icirc;tra d&#39;elle-m&ecirc;me. L&rsquo;art peut donc aider &agrave; la cr&eacute;ation d&rsquo;une sensibilit&eacute;<a href="#sdfootnote28sym" name="sdfootnote28anc">28</a> et mettre en place des pratiques communes (et donc des savoirs) qui permettraient l&rsquo;&eacute;mergence d&rsquo;un devenir terrestre.</p> <h3>ZO&Ouml;P&nbsp;&ndash; l&rsquo;institutionnalisation du devenir terrestre</h3> <p>Le troisi&egrave;me projet analys&eacute; s&rsquo;implante &eacute;galement de mani&egrave;re tr&egrave;s locale, mais au lieu de sortir les habitant.e.s des espaces sociaux structur&eacute;s pour les inviter &agrave; penser-agir &agrave; partir du cadre sans bords de l&rsquo;art, il invite les membres d&rsquo;institutions, quelles qu&rsquo;elles soient, &agrave; op&eacute;rer une r&eacute;volution de l&rsquo;int&eacute;rieur<a href="#sdfootnote29sym" name="sdfootnote29anc">29</a>. Il travaille donc avec des communaut&eacute;s constitu&eacute;es et pose imm&eacute;diatement la question du passage &agrave; l&rsquo;action. Tout membre peut enqu&ecirc;ter sur les r&eacute;seaux terrestres de l&rsquo;institution et inviter cette derni&egrave;re &agrave; se transformer en ZO&Ouml;P visant &agrave; constituer une communaut&eacute; au service du vivant. Si l&rsquo;initiateur du concept Klaas Kuitenbrouwer est davantage inspir&eacute; par les ouvrages ant&eacute;rieurs &agrave; <em>O&ugrave; atterrir</em>, la place de la pens&eacute;e latourienne n&rsquo;en est pas moins pour lui &laquo;&nbsp;d&rsquo;une importance vitale&nbsp;&raquo;<a href="#sdfootnote30sym" name="sdfootnote30anc">30</a>&nbsp;; il souligne en particulier la n&eacute;cessit&eacute; de concevoir toute chose comme un agent ou une agr&eacute;gation d&rsquo;agents, qui fait l&rsquo;objet de rassemblements, de discussions et d&rsquo;un concernement (ici au sens o&ugrave; ils deviennent des <em>matters of concern</em>), ainsi que la n&eacute;cessit&eacute; de collaborer avec tous les corps (biotiques ou non) en pr&eacute;sence, afin de devenir terrestre et de contribuer &agrave; la vie<a href="#sdfootnote31sym" name="sdfootnote31anc">31</a>. D&rsquo;ailleurs l&rsquo;appellation ZO&Ouml;P est la contraction des deux principes actifs s&eacute;minaux, zo&eacute; et coop&eacute;ration. Pour rendre compte de ce projet, on prendra le parti de suivre les trois &eacute;tapes gr&acirc;ce auxquelles il est appel&eacute; &agrave; s&rsquo;implanter dans un nombre croissant d&rsquo;&eacute;tablissements, apr&egrave;s son lancement en 2022 &agrave; l&rsquo;institut d&rsquo;art et de design Het Nieuwe Instituut de Rotterdam, qui constituera &eacute;galement &laquo;&nbsp;une maison m&egrave;re&nbsp;&raquo; conseillant et soutenant les suivantes.</p> <h4>L&rsquo;atelier d&rsquo;initiation active</h4> <p align="justify">Le 10 d&eacute;cembre 2022 a eu lieu un atelier men&eacute; par Klaas Kuitenbrouwer &agrave; la Temporary Gallery de Cologne. Constituant une sorte d&rsquo;examen collaboratif de la galerie, pr&eacute;alable &agrave; sa transformation en ZO&Ouml;P, il s&rsquo;articule en cinq &eacute;tapes&nbsp;: un expos&eacute; th&eacute;orique permet d&rsquo;abord de pr&eacute;senter l&rsquo;ensemble du projet, les notions qui le guident (terrestre, entrelacements sans fin du vivant et des autres corps, zo&ouml;nomie ou n&eacute;cessit&eacute; de revenir &agrave; une &laquo;&nbsp;&eacute;conomie de la nature&nbsp;&raquo;<a href="#sdfootnote32sym" name="sdfootnote32anc">32</a> fond&eacute;e sur le respect et l&rsquo;&eacute;panouissement du vivant) et le fonctionnement de l&rsquo;institut &agrave; Rotterdam. Puis un premier exercice, majeur, est propos&eacute; aux participant.e.s r&eacute;parti.e.s en trois groupes&nbsp;: iels sont invit&eacute;.e.s &agrave; dresser la liste de tous les autres corps impliqu&eacute;s dans l&rsquo;existence de la galerie. Ces corps sont d&rsquo;abord ceux des vivants, sans lesquels aucune &eacute;conomie ne saurait subsister&nbsp;: humains, plantes d&rsquo;int&eacute;rieur, mais aussi insectes, lichens ou champignons.&nbsp;On prend &eacute;galement en compte les corps non anim&eacute;s : des murs aux diff&eacute;rents sols, en passant par le mobilier, les prises, canalisations, ou &oelig;uvres d&rsquo;art. Un troisi&egrave;me groupe liste les corps institutionnels dont d&eacute;pend la galerie&nbsp;: municipalit&eacute;, fondations, organe f&eacute;d&eacute;ral, associations d&rsquo;habitants, amis de la galerie. Une fois pass&eacute;e cette phase cruciale &laquo;&nbsp;d&rsquo;identification&nbsp;&raquo;, on passe &agrave; la phase de &laquo;&nbsp;caract&eacute;risation&nbsp;&raquo;&nbsp;en posant des questions qui rappellent les interrogations latouriennes&nbsp;: comment les corps se rapportent-ils l&#39;un &agrave; l&#39;autre&nbsp;? Sont-ils indiff&eacute;rents, leurs actions s&rsquo;opposent-elles ou se conjuguent-elles pour le vivant&nbsp;? Comment faire pour que ces deux corps se soutiennent l&#39;un l&#39;autre ? A la suite de cette exploration du terrain de vie de la galerie, ainsi plus &agrave; m&ecirc;me de devenir terrestre, les participants sortent &agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur pour effectuer des exercices d&rsquo;attention d&eacute;veloppant leur perception du milieu aff&eacute;rent &agrave; la galerie&nbsp;: course dans les rues avoisinantes, situation en un point de vie al&eacute;atoire (sur la chauss&eacute;e, un banc, un terrain vague), focalisations de plus en plus cibl&eacute;es sur un espace puis un objet puis un d&eacute;tail de cet objet. Comme dans les ateliers O&ugrave; atterrir, il s&rsquo;agit de pratiques &eacute;cosomatiques qui d&eacute;calent et lib&egrave;rent la perception, en g&eacute;n&eacute;ral inform&eacute;e par les habitus et orient&eacute;e vers une activit&eacute; &agrave; accomplir. De retour &agrave; la galerie, les participants sont convi&eacute;s &agrave; envisager de nouveaux modes de relation qui privil&eacute;gient l&rsquo;&eacute;panouissement du vivant dans l&rsquo;institution. Les propositions peuvent &ecirc;tre visionnaires et comprendre une part de fiction. Ainsi celle qui retient l&rsquo;attention du groupe fait jaillir quantit&eacute; d&rsquo;id&eacute;es&nbsp;: il est propos&eacute; de v&eacute;g&eacute;taliser le toit, lequel consiste en une &eacute;paisse plaque de b&eacute;ton dot&eacute;e d&rsquo;une splendide portance, et qui pourrait alors repr&eacute;senter une extension de la galerie en accueillant des &oelig;uvres d&rsquo;art ou des performances, sans oublier le d&eacute;veloppement de moments de convivialit&eacute; chers &agrave; l&rsquo;&eacute;tablissement, gr&acirc;ce &agrave; des plantations permaculturelles et des repas ou f&ecirc;tes estivaux<a href="#sdfootnote33sym" name="sdfootnote33anc">33</a>. Enfin, lors d&rsquo;une derni&egrave;re &eacute;tape, les participants sont invit&eacute;s &agrave; &laquo;&nbsp;atterrir dans le pragmatisme&nbsp;&raquo;, en r&eacute;fl&eacute;chissant aux modalit&eacute;s et &agrave; leur d&eacute;sir de mise en place de la ZO&Ouml;P.</p> <p>Ind&eacute;pendamment de la transformation future ou non de la galerie en ZO&Ouml;P, un tel atelier met les participants sur la voie du devenir terrestre. Il est en outre lib&eacute;rateur d&rsquo;imaginaires et de d&eacute;sirs, car il profite &agrave; nouveau de l&rsquo;espace de l&rsquo;art comme cadre &eacute;ph&eacute;m&egrave;re, &eacute;mancip&eacute; des contraintes de r&eacute;alisation imm&eacute;diate. Des moments de cr&eacute;ation collective similaires ont donn&eacute; lieu &agrave; la ZO&Ouml;P de Rotterdam depuis 2018, qui ne repr&eacute;sente plus un projet esth&eacute;tique, mais qui continue &agrave; reposer sur des m&eacute;thodes de recherche artistiques ou inspir&eacute;es de l&rsquo;art.</p> <h4 align="justify">Designer une zo&ouml;nomie</h4> <p>Le fonctionnement d&rsquo;une ZO&Ouml;P suit les principes du design participatif&nbsp;: c&rsquo;est un processus de conception (ici d&rsquo;un milieu de vie), men&eacute; &agrave; plusieurs, qui ne conna&icirc;t pas d&rsquo;aboutissement (id&eacute;al) mais qui s&rsquo;&eacute;panouit et doit surtout &ecirc;tre sauvegard&eacute; en lui-m&ecirc;me, &agrave; l&rsquo;instar des &eacute;cosyst&egrave;mes. Une fois que les membres d&rsquo;une institution se sont d&eacute;clar&eacute;s pr&ecirc;ts &agrave; soutenir le processus, un.e porte-parole (<em>a speaker</em>) se propose, son choix est avalis&eacute; par la fondation qui soutient toutes les ZO&Ouml;P et iel a dor&eacute;navant des droits et des devoirs&nbsp;: devoir de faire un compte-rendu annuel de l&rsquo;&eacute;tat des corps dont d&eacute;pend l&rsquo;existence de l&rsquo;institution (&agrave; l&rsquo;instar du travail effectu&eacute; au cours de l&rsquo;atelier en galerie)&nbsp;; devoir de proposer des mesures visant &agrave; am&eacute;liorer les coop&eacute;rations entre les corps et &agrave; servir l&rsquo;&eacute;panouissement de la vie&nbsp;; droit &agrave; assister en auditeur.rice libre aux s&eacute;ances de l&rsquo;organe d&eacute;cisionnel et &agrave; n&eacute;gocier avec lui&nbsp;; droit enfin &agrave; recevoir une r&eacute;tribution pour son travail, d&eacute;livr&eacute;e par la fondation en tant que m&eacute;ta-organisme ind&eacute;pendant des int&eacute;r&ecirc;ts particuliers de chaque institution.</p> <p align="justify">Le.la porte-parole s&rsquo;appuie sur le dialogue et les &eacute;changes avec des membres experts de tel domaine ou telle activit&eacute; de l&rsquo;institution. Un comit&eacute; peut l&rsquo;assister et se r&eacute;unir plusieurs fois par an, c&rsquo;est ce qu&rsquo;a d&eacute;cid&eacute; d&rsquo;organiser l&rsquo;artiste-jardini&egrave;re du Het Nieuwe Instituut qui est la <em>speaker</em> 2022-2023. Le &laquo;&nbsp;bilan terrestre&nbsp;&raquo; sert de la sorte des int&eacute;r&ecirc;ts tr&egrave;s r&eacute;els et pragmatiques, tout en amenant les membres de l&rsquo;institution &agrave; renouveler leur perception de ces int&eacute;r&ecirc;ts et de leurs interd&eacute;pendances quotidiennes, structurelles et souvent bien ignor&eacute;es. Parmi les am&eacute;nagements op&eacute;r&eacute;s, on peut mentionner un tiers jardin, un grand bac &agrave; compost, la d&eacute;perm&eacute;abilisation du parking goudronn&eacute;, d&eacute;sormais de surface r&eacute;duite, et converti en parking sur sol vitalis&eacute;, o&ugrave; les voitures stationnent sur des pav&eacute;s enfonc&eacute;s dans la terre. L&rsquo;&eacute;tang va &ecirc;tre entour&eacute; d&rsquo;herbes plus accueillantes pour la faune, et l&rsquo;eau agr&eacute;ment&eacute;e d&rsquo;algues et de plantes plus riches en nutriments pour les poissons. Dans le futur, le toit sera &eacute;galement v&eacute;g&eacute;talis&eacute; et servira de support &agrave; des panneaux solaires.</p> <p align="justify">Ainsi on observe le passage d&rsquo;un mode d&rsquo;institution (dominant) &agrave; un autre, proche du passage de ce que Gosselin et Bartoli appellent une institution-cadre vers une institution-m&eacute;tis: l&rsquo;&laquo;&nbsp;institution-cadre [est] &eacute;tatique[], faite[] de r&egrave;gles et de d&eacute;terminations logiques g&eacute;n&eacute;rales et surcod&eacute;es&nbsp;&raquo; tandis que l&rsquo;&laquo;&nbsp;institution-<em>m&eacute;tis</em> se caract&eacute;rise par sa souplesse, sa dynamique, sa localit&eacute; et son h&eacute;t&eacute;rog&eacute;n&eacute;it&eacute; [...] (situ&eacute;e, autonome et vernaculaire)&nbsp;&raquo;<a href="#sdfootnote34sym" name="sdfootnote34anc">34</a>.</p> <p align="justify">Bien que le r&eacute;sultat des premi&egrave;res enqu&ecirc;tes et actions terrestres soient tr&egrave;s prometteurs, l&rsquo;institut de Rotterdam continue &agrave; promouvoir des recherches-cr&eacute;ations men&eacute;es par des artistes ou des designeurs pour am&eacute;liorer la capacit&eacute; de diagnostic et d&rsquo;intervention des ZO&Ouml;P dans le futur.</p> <p>Ainsi l&rsquo;artiste Debra Solomon d&eacute;veloppe une<em>&nbsp;m&eacute;thodologie d&rsquo;observation radicale</em><a href="#sdfootnote35sym" name="sdfootnote35anc">35</a>, et pratique avec les personnes int&eacute;ress&eacute;es des exercices propices au d&eacute;c&egrave;lement des rapports entre les corps et &agrave; leur am&eacute;lioration. Un appareil-gardien de la biodiversit&eacute;, nomm&eacute; <em>DeepSteward</em>, a &eacute;t&eacute; &eacute;labor&eacute; par Ian Ingram and Theun Karelse, et sonde les formes de vie en se soustrayant au point de vue humain, tandis que Rick Perillo a d&eacute;clin&eacute; une panoplie d&rsquo;outils permaculturels susceptibles d&rsquo;&ecirc;tre d&eacute;velopp&eacute;s dans les ZO&Ouml;P, comprenant des id&eacute;es de plantations aussi bien que de monnaie locale et d&rsquo;urbanisme. Selon Kuitenbrouwer, il est essentiel que le projet continue &agrave; s&rsquo;appuyer sur des recherches artistiques, car les artistes sont les plus &laquo;&nbsp;capables de faire converger des savoirs, de travailler avec l&rsquo;ambig&uuml;it&eacute;, de produire des r&eacute;sultats impr&eacute;vus ou d&rsquo;y r&eacute;agir, et de se laisser mener par des objectifs mouvants ou pluriels&nbsp;&raquo;<a href="#sdfootnote36sym" name="sdfootnote36anc">36</a>.</p> <h4 align="justify">La r&eacute;invention de communs et de l&eacute;galit&eacute;s</h4> <p align="justify">Au-del&agrave; de chaque institution, le projet ambitionne d&rsquo;inventer un cadre l&eacute;gal en faveur de l&rsquo;expansion du terrestre dans les ZO&Ouml;P. Tout cadre l&eacute;gal rel&egrave;ve d&rsquo;abord d&rsquo;une fiction, ainsi que le rappelle l&rsquo;&eacute;crivain et juriste Camille de Toledo<a href="#sdfootnote37sym" name="sdfootnote37anc">37</a>. Il est n&eacute;anmoins strat&eacute;gique de faire passer l&rsquo;invention d&rsquo;une l&eacute;galit&eacute; dans l&rsquo;entendement commun, en l&rsquo;esp&egrave;ce de la juridiction commune. Si Kuitenbrouwer a renonc&eacute; &agrave; un concept global tel le parlement latourien, il a &eacute;labor&eacute; un mod&egrave;le contractuel d&rsquo;engagement d&rsquo;une ZO&Ouml;P. Chaque institution s&rsquo;engage par contrat &agrave; d&eacute;velopper une zo&ouml;nomie et &agrave; suivre les deux r&egrave;gles principales&nbsp;: favoriser le travail du.de la porte-parole et la remise du rapport annuel d&rsquo;une part&nbsp;; promouvoir le dialogue avec les instances d&eacute;cisionnelles et l&rsquo;am&eacute;lioration des conditions de vie intersp&eacute;cifiques chaque ann&eacute;e en r&eacute;alisant certaines des mesures n&eacute;goci&eacute;es. Si ces principes ne sont pas respect&eacute;s, l&rsquo;institution perd le statut de ZO&Ouml;P. L&rsquo;engagement de celle-ci est en premier lieu &eacute;thique, mais si elle choisit de publiciser cet engagement, le renoncement au statut ne manquerait pas d&rsquo;occasionner des retomb&eacute;es d&eacute;plaisantes sur sa r&eacute;putation.</p> <p align="justify">Une &eacute;tape suppl&eacute;mentaire a par ailleurs &eacute;t&eacute; franchie en mars 2023 lorsque l&#39;Office de l&#39;Union&nbsp;europ&eacute;enne&nbsp;pour la&nbsp;propri&eacute;t&eacute;&nbsp;intellectuelle (EUIPO) a accept&eacute; le principe d&rsquo;un certificat Zo&ouml;p ouvert &agrave; de tierces parties. Ce certificat a &eacute;t&eacute; extr&ecirc;mement d&eacute;licat &agrave; &eacute;laborer<a href="#sdfootnote38sym" name="sdfootnote38anc">38</a>, car il se soustrait au langage en vigueur de ces documents, qui s&rsquo;appuient en g&eacute;n&eacute;ral sur des objectifs pr&eacute;cis&eacute;ment quantifi&eacute;s et nomm&eacute;s &ndash; langage &agrave; rebours du d&eacute;veloppement processuel de vivants interreli&eacute;s suivant des modes pluriels, et des &eacute;volutions non d&eacute;terminables par avance. Une contribution annuelle &agrave; la fondation a &eacute;t&eacute; fix&eacute;e par ailleurs, qui servira au paiement des porte-paroles et de la plateforme de ressources communes, de m&ecirc;me que les statuts de ladite fondation supervisant toutes les personnes l&eacute;gales devenues ZO&Ouml;P.</p> <p>Ainsi le projet est susceptible de donner naissance non seulement &agrave; un r&eacute;seau d&rsquo;&eacute;tablissements n&eacute;erlandais mais europ&eacute;en, v&eacute;ritable laboratoire de nouveaux communs institutionnels, par ailleurs en &eacute;change les uns avec les autres et aptes &agrave; s&rsquo;enrichir r&eacute;ciproquement. Si ce r&eacute;seau est amen&eacute; &agrave; s&rsquo;inscrire &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur des paysages (culturels, juridiques, vivants) nationaux, il sera peut-&ecirc;tre en mesure de contribuer &agrave; la prise en compte du vivant dans les l&eacute;gislations nationales, comme cela a pu &ecirc;tre le cas d&eacute;j&agrave; en Nouvelle-Z&eacute;lande et d&rsquo;autres pays. A l&rsquo;inverse de la Nouvelle-Z&eacute;lande ou de pays d&rsquo;Am&eacute;rique du Sud, note Kuitenbrouwer, il est difficile aux populations occidentales de s&rsquo;appuyer sur une cosmogonie reposant sur des ontologies plates o&ugrave; n&rsquo;existe aucun rapport d&rsquo;ant&eacute;riorit&eacute; ni de hi&eacute;rarchie. Les pays occidentaux, notamment les Pays-Bas &eacute;rig&eacute;s sur des machines &agrave; pomper l&rsquo;eau, se sont selon lui trop form&eacute;s sur des bases anthropocentr&eacute;es &ndash; on note que la patrie des droits de l&rsquo;homme n&rsquo;est pas en reste de ce point de vue. Les droits des organismes ne peuvent donc se fonder sur une vision de la vie qui favorise une telle ontologie, raison pour laquelle le designer a jug&eacute; bon de mettre l&rsquo;accent sur le d&eacute;veloppement de nouvelles relationnalit&eacute;s, sur la base du devenir terrestre. La question se pose bien entendu de savoir si et dans quelle mesure de telles attitudes relationnelles se d&eacute;velopperont, dans le cadre des ZO&Ouml;P et en dehors d&rsquo;elles.</p> <p align="justify">Ainsi ce projet &eacute;labore des prolongements multiples, tant artistiques, institutionnels que juridiques, aux enqu&ecirc;tes et &eacute;changes imagin&eacute;s par Bruno Latour pour devenir terrestre, et peut &ecirc;tre con&ccedil;u comme laboratoire participatif d&rsquo;une r&eacute;forme d&rsquo;envergure &agrave; venir, de nos communaut&eacute;s de travail et peut-&ecirc;tre du droit europ&eacute;en.</p> <p>Les trois projets esth&eacute;tiques &eacute;tudi&eacute;s tentent de r&eacute;pondre &agrave; la n&eacute;cessit&eacute; de devenir terrestre par la combinaison de diff&eacute;rents &laquo;&nbsp;faire&nbsp;&raquo; qui sont autant des actes que des prol&eacute;gom&egrave;nes &agrave; de possibles actions futures&nbsp;: l&rsquo;enqu&ecirc;te, l&rsquo;imagination et l&rsquo;exp&eacute;rience incarn&eacute;e. Ils r&eacute;pondent tout d&rsquo;abord au v&oelig;u d&rsquo;enqu&ecirc;te latourien, qui cependant, du fait de son caract&egrave;re inachevable et des multiples entrelacements auquel il confronte, ou plut&ocirc;t, dans lesquels il &laquo;&nbsp;plonge&nbsp;&raquo;, doit &ecirc;tre relay&eacute; par l&rsquo;imagination. La mise en commun des enqu&ecirc;tes plus individuelles contribue notablement &agrave; nourrir l&rsquo;imagination et le concernement, ici entendu en son double sens de probl&egrave;me et de souci (subjectif). De ce fait, les ateliers collectifs r&eacute;pondent aussi &agrave; l&rsquo;appel de multiples autres penseur.se.s de l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne, telles Haraway ou de Stengers, r&eacute;sum&eacute; par Michael Haldrup&nbsp;: &laquo;&nbsp;nous avons besoin d&rsquo;histoires, d&rsquo;affects et de pratiques qui connectent les humains avec le monde naturel et les autres esp&egrave;ces, plut&ocirc;t qu&rsquo;ils ne les en s&eacute;parent. Et de ce fait, d&rsquo;actes qui rendent capable d&rsquo;imaginer les communs urbains en tant que communs intersp&eacute;cifiques&nbsp;&raquo;<a href="#sdfootnote39sym" name="sdfootnote39anc">39</a>. <em>Last but not least</em>, la dimension ancr&eacute;e des probl&egrave;mes, et surtout l&rsquo;exp&eacute;rience incarn&eacute;e contribuent &agrave; la subjectivation des participants. Elle l&rsquo;est peut-&ecirc;tre particuli&egrave;rement dans les premier et troisi&egrave;me projets o&ugrave; les participants sont appel&eacute;s &agrave; se saisir hic et nunc de leur imagination et &agrave; la d&eacute;velopper de mani&egrave;re pratique, pro-active, f&ucirc;t-elle dans&eacute;e ou tr&egrave;s pragmatique (am&eacute;nagement d&rsquo;&eacute;tang), la ZO&Ouml;P conviant par surcro&icirc;t &agrave; une &eacute;laboration collective. Dans tous les cas, l&rsquo;&eacute;cologie environnementale est &eacute;galement v&eacute;cue comme &eacute;cologie relationnelle et sociale, elle peut &ecirc;tre transmise comme r&eacute;cit et comme exp&eacute;rience aux autres humains, voire non-humains, de plus en plus v&eacute;cus comme pairs. Du moins &ndash; et parce que cette contribution fait suite &agrave; un colloque qui a permis de rassembler pour la premi&egrave;re fois &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle nationale de tr&egrave;s nombreux chercheur.e.s &eacute;galement int&eacute;ress&eacute;.e.s par les prolongements p&eacute;dagogiques qui peuvent &ecirc;tre donn&eacute;s en cette p&eacute;riode de crise sans pr&eacute;c&eacute;dent&nbsp;&ndash; les auteur.ice.s de cette contribution ont bon espoir que ces d&eacute;marches ont une qualit&eacute; p&eacute;dagogique. De ce point de vue, les pratiques artistiques ont toutes ind&eacute;niablement une port&eacute;e politique.</p> <p>&nbsp;</p> <div id="sdfootnote1"> <p style="border:none; padding:0cm"><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote1anc" name="sdfootnote1sym">1</a><sup></sup><font color="#000000"> </font></span></span><em>O&ugrave; atterrir. Comment s&rsquo;orienter en politique</em>, Paris, La D&eacute;couverte, 2017 et d&rsquo;<em>O&ugrave; suis-je. Le&ccedil;ons du confinement &agrave; l&rsquo;usage des terrestres</em>, Paris, Les Emp&ecirc;cheurs de tourner en rond, 2021.</p> <p style="border:none; padding:0cm"><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote2anc" name="sdfootnote2sym">2</a><sup></sup><font color="#000000"><font style="font-size:10pt"><font size="2"> </font></font></font></span></span>Michel Foucault, <em>Qu&rsquo;est-ce que la critique&nbsp;?</em> , Paris, Vrin, 2015, en particulier p. 33-75.</p> <p style="border:none; padding:0cm"><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote3anc" name="sdfootnote3sym">3</a><sup></sup><font color="#000000"><font style="font-size:10pt"><font size="2"> </font></font></font></span></span>Bruno Latour, <em>Face &agrave; Ga&iuml;a, huits conf&eacute;rences sur le nouveau r&eacute;gime climatique</em>, Paris, La D&eacute;couverte,2015, p.271. .</p> <p style="border:none; padding:0cm"><span style="background:#ffffff"><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote4anc" name="sdfootnote4sym">4</a><sup></sup><font color="#000000"> </font></span></span></span><em>Idem</em>, Conf&eacute;rence n&deg;2 &laquo;&nbsp;Comment ne pas (d&eacute;s)animer la nature&rdquo;&nbsp;&raquo;</p> <p style="border:none; padding:0cm"><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote5anc" name="sdfootnote5sym">5</a><sup></sup><font color="#000000"><font style="font-size:10pt"><font size="2"> </font></font></font></span></span>Latour, <em>O&ugrave; atterrir</em>, p. 120.</p> <p style="border:none; padding:0cm"><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote6anc" name="sdfootnote6sym">6</a><sup></sup><font color="#000000"> </font></span></span><em>Ibid</em>., p. 121.</p> <p style="border:none; padding:0cm"><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote7anc" name="sdfootnote7sym">7</a><sup></sup><font color="#000000"><font style="font-size:10pt"><font size="2"> </font></font></font></span></span>http://www.bruno-latour.fr/sites/default/files/89-CRITICAL-INQUIRY-GB.pdf</p> <p style="border:none; padding:0cm"><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote8anc" name="sdfootnote8sym">8</a><sup></sup><font color="#000000"><font style="font-size:10pt"><font size="2"> </font></font></font></span></span>Latour, <em>O&ugrave; atterrir</em>, p. 104.</p> <p style="border:none; padding:0cm"><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote9anc" name="sdfootnote9sym">9</a><sup></sup><font color="#000000"> </font></span></span>&laquo;&nbsp;A movement-based experiment&nbsp;&raquo;, voir <a href="https://zkm.de/de/fuehrung-workshop/2021/08/how-to-be-terrestrial">https://zkm.de/de/fuehrung-workshop/2021/08/how-to-be-terrestrial</a>.</p> <p style="border:none; padding:0cm"><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote10anc" name="sdfootnote10sym">10</a><sup></sup><font color="#000000"><font style="font-size:10pt"><font size="2"> </font></font></font></span></span>Aur&eacute;lien Barrau, Jean-Luc Nancy, <em>Dans quels mondes vivons-nous&nbsp;?</em>, Paris, Galil&eacute;e, 2011.</p> </div> <div id="sdfootnote11"> <p style="border:none; padding:0cm"><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote11anc" name="sdfootnote11sym">11</a><sup></sup><font color="#000000"><font style="font-size:10pt"><font size="2"> </font></font></font></span></span>Ce concept a &eacute;t&eacute; d&eacute;velopp&eacute; en premier lieu par J.G. Gibson dans son premier texte <em>The Theory of Affordances</em> (1977), approfondi dans <em>The Ecological Approach to Visual Perception</em>, Boston, Houghton Mifflin, 1979.</p> <p class="sdfootnote"><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote12anc" name="sdfootnote12sym">12</a><sup></sup><font color="#000000"><font style="font-size:10pt"><font size="2"> </font></font></font></span></span>Giorgio Agamben, <em>Qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;un dispositif</em>, Paris, Payot&amp;Rivages, 2006.</p> <p align="justify"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote13anc" name="sdfootnote13sym">13</a><sup></sup> </span>La racine <em>soma</em> renvoie au corps. L&rsquo;adjectif &laquo;&nbsp;&eacute;cosomatique&nbsp;&raquo; vient des pratiques analys&eacute;es dans l&rsquo;ouvrage dirig&eacute; par Marie Bardet, Joanne Clavel et Isabelle Ginot, <em>Ecosomatiques. Penser l&rsquo;&eacute;cologie depuis le geste</em>, Montpellier, Seconde &eacute;poque, 2019.</p> <p><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote14anc" name="sdfootnote14sym">14</a><sup></sup> </span></span>La zone critique est l&#39;environnement terrestre qui s&#39;&eacute;tend de l&#39;<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Atmosph%C3%A8re_terrestre">atmosph&egrave;re</a>, jusqu&#39;aux roches non alt&eacute;r&eacute;es. Ses composants, souvent &eacute;tudi&eacute;s par des disciplines diff&eacute;rentes, sont tous interconnect&eacute;s et li&eacute;s par des transformations &agrave; des &eacute;chelles de temps diff&eacute;rentes et embo&icirc;t&eacute;es (boucles de r&eacute;troactions). Elle abrite presque toute la vie continentale, dont l&#39;humanit&eacute;, et est la zone cl&eacute; dans le maintien de l&rsquo;habitabilit&eacute; de la Terre.</p> <p><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote15anc" name="sdfootnote15sym">15</a><sup></sup><font style="font-size:10pt"><font size="2"> </font></font></span></span>Expression qu&rsquo;utilisent Chlo&eacute; Latour et Jean-Pierre Seyvos pour vulgariser l&rsquo;id&eacute;e de concernement.</p> <p><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote16anc" name="sdfootnote16sym">16</a><sup></sup><font style="font-size:10pt"><font size="2"> </font></font></span></span>Sophie Gosselin, David G&eacute; Bartoli, <em>La condition terrestre</em>, Paris, Seuil, 2022, p.19&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;Etat et le capitalisme se sont distribu&eacute;s l&rsquo;exercice de ce pouvoir [capture sans pr&eacute;c&eacute;dent des forces terrestres] d&eacute;l&eacute;gant &agrave; l&rsquo;un la prise en charge de l&rsquo;esprit (les valeurs, l&rsquo;autorit&eacute; politique, les institutions repr&eacute;sentatives cens&eacute;es porter la voix du peuple, les opinions des individus qui la composent) pendant que l&rsquo;autre s&rsquo;occupe de l&rsquo;administration des corps (de leur mise au travail).&nbsp;&raquo;</p> <p><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote17anc" name="sdfootnote17sym">17</a><sup></sup><font style="font-size:10pt"><font size="2"> </font></font></span></span>Est ici fait la distinction entre les participant.e.s primaires, soit celleux qui ont suivi les ateliers toute l&rsquo;ann&eacute;e et les participant.e.s secondaires qui ne participent qu&rsquo;&agrave; la repr&eacute;sentation du 15 Octobre.</p> <p class="sdfootnote"><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote18anc" name="sdfootnote18sym">18</a><sup></sup><font style="font-size:10pt"><font size="2"> </font></font></span></span>Le fait que les performances collaboratives constituent un processus ouvert, repr&eacute;sente leur principale qualit&eacute; selon Estelle Zhong Mengual, <em>L&#39;art en commun : r&eacute;inventer les formes du collectif en contexte d&eacute;mocratique ; pr&eacute;face de Bruno Latour</em>, Dijon, Les presses du réel, 2018.</p> <p><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote19anc" name="sdfootnote19sym">19</a><sup></sup> </span>Notons que le savoir transmis par l&rsquo;exp&eacute;rience v&eacute;cue est situ&eacute; dans l&rsquo;espace et le temps, donc en partie non normalisable. Cet aspect li&eacute; &agrave; la non-reproductibilit&eacute; des &oelig;uvres participatives les am&egrave;ne &agrave; &eacute;chapper aux logiques de normalisation et de standardisation li&eacute;es &agrave; l&rsquo;Etat-Capital.</p> <p><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote20anc" name="sdfootnote20sym">20</a><sup></sup><font style="font-size:10pt"><font size="2"> </font></font></span></span>Bruno Latour, <em>Face &agrave; Ga&iuml;a</em>, op.cit.</p> <p><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote21anc" name="sdfootnote21sym">21</a><sup></sup><font style="font-size:10pt"><font size="2"> </font></font></span></span>Voir par exemple L&eacute;na Balaud, Antoine Chopot, <em>Nous ne sommes pas seuls</em>, Paris, Edition du Seuil, Collection Anthropoc&egrave;ne, 2021, ou Baptiste Morizot, <em>Raviver les braises du vivant</em>, Arles, Wildproject/Actes Sud, 2020.</p> <p><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote22anc" name="sdfootnote22sym">22</a><sup></sup><font style="font-size:10pt"><font size="2"> </font></font></span></span>Sophie Gosselin, David G&eacute; Bartoli, op. cit., p. 149&nbsp;: &laquo;&nbsp;En r&eacute;f&eacute;rence au concept grec de l&rsquo;ag&ocirc;n, signifiant &agrave; la fois le d&eacute;bat et le combat&nbsp;&raquo;.</p> <p><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote23anc" name="sdfootnote23sym">23</a><sup></sup> </span></span><em>Idem</em> p.155</p> <p><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote24anc" name="sdfootnote24sym">24</a><sup></sup><font style="font-size:10pt"><font size="2"> </font></font></span></span>https://vimeo.com/388956308?embedded=true&amp;source=vimeo_logo&amp;owner=84846220</p> <p><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote25anc" name="sdfootnote25sym">25</a><sup></sup><font color="#000000"><font face="Calibri, serif"><font style="font-size:10pt"><font size="2"> </font></font></font></font></span>Estelle Zhong Mengual, <em>op.cit.</em>, p. 243.</p> <p><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote26anc" name="sdfootnote26sym">26</a><sup></sup></span></span><q>artist collaborates with inchoate aggregate in the paternalist expectation that the artist will take on the delegate&rsquo;s role and attempt to literally create a community consciousness out of the atomized social detritus of late capitalism</q>, Marie Preston, &laquo; Du community based-art &agrave; l&rsquo;art de la co-cr&eacute;ation &raquo;, in Eliane Beaufils, Eva Holling (dir.), <em>Being-With in contemporary Performing Arts</em>, Berlin, Neofelis Verlag, 2018.</p> <p><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote27anc" name="sdfootnote27sym">27</a><sup></sup><font color="#000000"><font face="Calibri, serif"> </font></font></span>&Eacute;liane Beaufils, &laquo; L&rsquo;art participatif peut-il enfanter le citoyen-&agrave;-venir ? &raquo;, <em>Nectart</em>, vol. 9, no. 2, 2019, p. 136-145.</p> <p class="sdfootnote"><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote28anc" name="sdfootnote28sym">28</a><sup></sup> </span></span>Estelle Zhong Mengual, Baptiste Morizot, &laquo; L&rsquo;illisibilit&eacute; du paysage. Enqu&ecirc;te sur la crise &eacute;cologique comme crise de la sensibilit&eacute; &raquo;, <em>Nouvelle revue d&rsquo;esth&eacute;tique</em>, vol. 22, no. 2, 2018, p. 87-96.</p> <p style="border:none; padding:0cm"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote29anc" name="sdfootnote29sym">29</a><sup></sup> </span>Avec Sophie Gosselin et David G&eacute; Bartoli, nous entendrons &eacute;galement par institution &laquo;&nbsp;la capacit&eacute; &agrave; structurer un monde qui pr&eacute;&eacute;xiste et survit &agrave; chaque g&eacute;n&eacute;ration en forgeant des alliances permettant de r&eacute;activer et d&rsquo;inscrire dans le temps les relations constitutives d&rsquo;un peuple&nbsp;&raquo;, S. Gosselin, D. Bartoli,&nbsp;<em>op.cit</em>., p. 309.</p> <p style="border:none; padding:0cm"><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote30anc" name="sdfootnote30sym">30</a><sup></sup><font color="#000000"><font style="font-size:10pt"><font size="2"> </font></font></font></span></span>Cette partie s&rsquo;appuie sur le site internet du projet, l&rsquo;entretien men&eacute; avec Klaas Kuitenbrouwer le 17 janvier 2023 ainsi que sur l&rsquo;atelier dispens&eacute; le 10 d&eacute;cembre 2022 &agrave; la Temporary Gallery &agrave; Cologne. Voir <a href="https://research-development.hetnieuweinstituut.nl/en/research-projects/zoop?_gl=1*1bht13v*_ga*Njk0OTQ4NzIuMTY3Mzk0MDcwNg..*_ga_V5S51RQF7T*MTY3NDE0MDk5MC4zLjAuMTY3NDE0MDk5MC4wLjAuMA">https://research-development.hetnieuweinstituut.nl/en/research-projects/zoop?_gl=1*1bht13v*_ga*Njk0OTQ4NzIuMTY3Mzk0MDcwNg..*_ga_V5S51RQF7T*MTY3NDE0MDk5MC4zLjAuMTY3NDE0MDk5MC4wLjAuMA</a>..</p> <p style="border:none; padding:0cm"><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote31anc" name="sdfootnote31sym">31</a><sup></sup><font color="#000000"><font style="font-size:10pt"><font size="2"> </font></font></font></span></span>Les autres auteurs qui l&rsquo;ont inspir&eacute; se situent pour la plupart dans le prolongement de Latour, qu&rsquo;il s&rsquo;agisse de Brian Massumi ou de Tim Morton, ou en sont tr&egrave;s proches (Isabelle Stengers).</p> <p style="border:none; padding:0cm"><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote32anc" name="sdfootnote32sym">32</a><sup></sup><font color="#000000"><font style="font-size:10pt"><font size="2"> </font></font></font></span></span>Je reprends ici un terme francophone, d&eacute;velopp&eacute; par le philosophe Alain Deneault, <em>L&rsquo;&eacute;conomie de la nature</em>, Paris, Lux &eacute;diteurs, 2019.</p> <p class="sdfootnote"><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote33anc" name="sdfootnote33sym">33</a><sup></sup><font color="#000000"><font style="font-size:10pt"><font size="2"> </font></font></font></span></span>D&rsquo;autres propositions invitaient &agrave; occuper la place de parking et de l&rsquo;entr&eacute;e goudronn&eacute;e par des bacs de plantes, &agrave; proposer des visites et jeux &laquo;&nbsp;terrestres&nbsp;&raquo; aux riverains, et &agrave; s&rsquo;associer &agrave; d&rsquo;autres projets artivistes de la ville.</p> <p style="border:none; padding:0cm"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote34anc" name="sdfootnote34sym">34</a><sup></sup> </span>Gosselin, Bartoli, op.cit., p. 309-310. Les auteurs s&rsquo;appuient sur James C. Scott,&nbsp;<em>L&rsquo;Oeil de l&rsquo;Etat, Moderniser, uniformiser, d&eacute;truire</em>,&nbsp;traduit de l&rsquo;anglais (Etats-Unis) par Olivier Ruchet, Paris, La D&eacute;couverte, 2021.</p> <p style="border:none; padding:0cm"><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote35anc" name="sdfootnote35sym">35</a><sup></sup><font color="#000000"> </font></span></span><a href="https://whoiswe.hetnieuweinstituut.nl/en/research/radical-observation-exercise">https://whoiswe.hetnieuweinstituut.nl/en/research/radical-observation-exercise</a></p> <p style="border:none; padding:0cm"><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote36anc" name="sdfootnote36sym">36</a><sup></sup><font color="#000000"><font style="font-size:10pt"><font size="2"> </font></font></font></span></span>Entretien men&eacute; le 17 janvier 2023.</p> <p style="border:none; padding:0cm"><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote37anc" name="sdfootnote37sym">37</a><sup></sup><font color="#000000"><font style="font-size:10pt"><font size="2"> </font></font></font></span></span>Propos tenus lors d&rsquo;une lecture du texte &laquo;&nbsp;Les t&eacute;moins du futur&nbsp;&raquo; par son auteur Camille de Toledo, &agrave; la maison de la po&eacute;sie &agrave; Paris, le 9 mai 2019.</p> <p class="sdfootnote"><span style="line-height:100%"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote38anc" name="sdfootnote38sym">38</a><sup></sup><font color="#000000"><font style="font-size:10pt"><font size="2"> </font></font></font></span></span>L&rsquo;institut de Rotterdam a b&eacute;n&eacute;fici&eacute; de l&rsquo;aide de soci&eacute;t&eacute;s partenaires sp&eacute;cialis&eacute;es dans le droit, De Brauw Blackstone Westbroek, Future Law, NLO et Pro Bono Connect.</p> <p class="sdfootnote"><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote39anc" name="sdfootnote39sym">39</a><sup></sup> </span><q>We need stories, affections and practices that connect humans with the natural world and the other species, rather than separating them. Hence, to be able to imagine urban commons as a multispecies commons</q>, dans M. Haldrup, Kristine Samson, et Thomas Laurien, &laquo;&nbsp;Participatory design with more than human &raquo;, <a href="https://dl.acm.org/doi/proceedings/10.1145/3537797" target="PDC '22: Proceedings of the Participatory Design Conference 2022 - Volume 2">PDC &#39;22: Proceedings of the Participatory Design Conference 2022 - Volume 2</a>, August 2022, p. 14&ndash;19, <a href="https://dl.acm.org/doi/10.1145/3537797.3537801">https://dl.acm.org/doi/10.1145/3537797.3537801</a> .</p> </div>