<p>Face au discours &eacute;crit et au discours oral,&nbsp;le discours int&eacute;rieur appara&icirc;t comme un laiss&eacute; pour compte des investigations linguistiques. Le langage int&eacute;rieur d&eacute;signe selon S. Smadja ce qui rel&egrave;ve des signes int&eacute;rieurs, qu&rsquo;il s&rsquo;agisse de mots, d&rsquo;images et de sons (Smadja, vol. I, 2021). Dans cette &eacute;tude, nous entendrons par <em>discours int&eacute;rieur</em>, l&rsquo;ensemble des productions mentales verbales non-ext&eacute;rioris&eacute;es, qui poss&egrave;de ses propres modalit&eacute;s de production dans une situation &eacute;nonciative donn&eacute;e, et qui se distingue ainsi des autres types de discours que sont le discours &eacute;crit et le discours oral. &nbsp;</p> <p>L&rsquo;analyse du discours int&eacute;rieur se caract&eacute;rise par ce que G. Philippe nomme &laquo;&nbsp;un double paradoxe &eacute;nonciatif&nbsp;endophasique &raquo; (G. Philippe 2001&nbsp;: 96) qui l&rsquo;extrait des normes discursives. Le premier tient au fait qu&rsquo;&eacute;nonciateur et destinataire ne fassent qu&rsquo;un. Pourquoi se parle-t-on &agrave; soi-m&ecirc;me&nbsp;? Le deuxi&egrave;me paradoxe est li&eacute; &agrave; l&rsquo;inaccessibilit&eacute; du corpus, qui ne peut &ecirc;tre per&ccedil;u par autrui, sinon au titre de reconstructions et repr&eacute;sentations secondes. Ces deux sp&eacute;cificit&eacute;s font du discours int&eacute;rieur un discours qui &eacute;chappe &agrave; la norme, au sens de Dubois et al.&nbsp;: &laquo;&nbsp;Tout ce qui est d&#39;usage commun et courant dans une communaut&eacute; linguistique&nbsp;; la norme correspond alors &agrave; l&#39;institution sociale que constitue la langue. &raquo; (Dubois et al., 1973&nbsp;:&nbsp; 342). Le discours int&eacute;rieur, &nbsp;&eacute;tant par d&eacute;finition insaisissable, ne peut &ecirc;tre soumis &agrave; des ph&eacute;nom&egrave;nes de normalisation par une institution, qu&rsquo;elle soit une institution ext&eacute;rieure au langage ou encore une institution d&rsquo;ordre langagi&egrave;re r&eacute;gie par des normes prescriptives (grammaire, morphosyntaxe, lexique&hellip;). L&rsquo;analyse du discours int&eacute;rieur ne peut se faire qu&rsquo;&agrave; condition de renoncer &agrave; l&rsquo;analyse directe de cet objet qui &eacute;chappe, par essence, &agrave; l&rsquo;observation. Il faut accepter les limites de ce projet d&rsquo;analyse, et recourir &agrave; l&rsquo;analyse des repr&eacute;sentations ext&eacute;rioris&eacute;es des productions int&eacute;rieures. Dans cette perspective, les repr&eacute;sentations litt&eacute;raires du discours int&eacute;rieur peuvent &eacute;clairer les ph&eacute;nom&egrave;nes qui s&rsquo;y passent dans et par le langage.&nbsp;</p> <p>Dans l&rsquo;&oelig;uvre de H. Broch (1945) <em>Der Tod des Vergil</em>, l&rsquo;auteur fait le r&eacute;cit des dix-huit derni&egrave;res heures de la vie du po&egrave;te Virgile, qui se livre dans un monologue int&eacute;rieur &agrave; la 3e&nbsp;personne&nbsp;du singulier &agrave; une m&eacute;ditation sur le r&ocirc;le de l&rsquo;art o&ugrave; se m&ecirc;lent conversations, r&ecirc;ves, r&eacute;alit&eacute; et r&eacute;miniscences. Dans cette &oelig;uvre, se d&eacute;ploie un flot de parole int&eacute;rieure continu qui s&lsquo;&eacute;tend sur pr&egrave;s de cinq cent&nbsp;pages tout en pr&eacute;sentant un mode de textualisation particuli&egrave;rement hors-normes, original et d&eacute;routant. Les phrases les plus longues s&rsquo;&eacute;tendent sur plus de huit&nbsp;pages et ne pr&eacute;sentent aucune segmentation en paragraphes, ce qui rend la lecture et l&rsquo;intelligibilit&eacute; de ces passages tr&egrave;s ardus. En l&rsquo;absence de la norme typographique n&eacute;cessaire au balisage cognitif de la lecture, ni l&rsquo;unit&eacute; phrastique, ni l&rsquo;unit&eacute; paragraphique ne semblent &ecirc;tre des unit&eacute;s linguistiques pertinentes pour appr&eacute;hender le discours endophasique. Il convient donc au lecteur de s&rsquo;abstraire des normes habituelles du contrat de communication entre le lecteur et l&rsquo;auteur que P. Charaudeau d&eacute;finit comme &laquo;&nbsp;la condition pour que les partenaires d&rsquo;un acte de langage se comprennent un minimum et puissent interagir en co-construisant du sens&nbsp;&raquo; (Charaudeau 2002&nbsp;: 138). Cette &oelig;uvre semble donc se passer de toute norme linguistique et textuelle.</p> <p>Nous verrons en quelle mesure le discours int&eacute;rieur fait appara&icirc;tre des ph&eacute;nom&egrave;nes de textualisation hors-normes. Nous verrons d&rsquo;abord que (1) si le caract&egrave;re hors-normes est une caract&eacute;ristique inh&eacute;rente du discours endophasique, cette absence de normativit&eacute; reste un enjeu fondamental (2) dont les cons&eacute;quences apparaissent dans la r&eacute;ception de l&rsquo;&oelig;uvre de Hermann Broch. Nous verrons enfin (3) de quelle mani&egrave;re l&rsquo;auteur repousse les normes afin de pallier les &eacute;l&eacute;ments de textualisation du discours et comment ce discours parvient &agrave; &laquo;&nbsp;faire texte&nbsp;&raquo; (Adam 2015).</p> <h2>Le discours int&eacute;rieur : un discours qui &eacute;chappe fondamentalement &agrave; la norme</h2> <h3>Le discours endophasique : un discours longtemps marginalis&eacute; dans les champs de la linguistique</h3> <p>Le discours int&eacute;rieur est un objet d&rsquo;&eacute;tudes pluridisciplinaire de longue tradition dont les premi&egrave;res investigations remontent &agrave; l&rsquo;Antiquit&eacute;. Le foisonnement des d&eacute;nominations de ce type de discours en fran&ccedil;ais (<em>&laquo;&nbsp;parole int&eacute;rieure&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;langage int&eacute;rieur&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;endophasie&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;parole subvocalis&eacute;e&nbsp;&raquo;&hellip;), en anglais (&laquo;&nbsp;inner speech&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;self-directed speech&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;subvocal&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;covert or acommunicative speech&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;internal dialog or monolog&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;sub-vocalisations&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;self-statements&nbsp;&raquo;&hellip;</em>) ou en allemand (<em>&laquo;&nbsp;innere Rede&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;inneres Sprechen&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;innere Sprache&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;innerer ou interner Dialog&nbsp;&raquo;&hellip;</em>) refl&egrave;te d&rsquo;embl&eacute;e les difficult&eacute;s de classement de ce type de discours, son absence de normativatisation, et est caract&eacute;ristique de l&rsquo;absence d&rsquo;int&eacute;gration de ce sujet dans les champs scientifiques.</p> <p>Si ses premi&egrave;res investigations concernent majoritairement les champs de philosophie du langage durant l&rsquo;Antiquit&eacute;, les questionnements sur le discours int&eacute;rieur conna&icirc;tront un regain d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t durant le Moyen-&Acirc;ge, dans une conception du verbe int&eacute;rieur comme le lieu o&ugrave; Dieu habite l&rsquo;homme. La rencontre entre ces traditions conduira au XIII&egrave;me si&egrave;cle &agrave; une interpr&eacute;tation Ockhamiste du discours mental th&eacute;oris&eacute; pour la premi&egrave;re fois comme une forme de langage naturel premier universel et structur&eacute; (Panaccio 1999).</p> <p>Le pivot majeur dans l&rsquo;historiographie du discours int&eacute;rieur concerne le XIX&egrave;me si&egrave;cle. Peu &agrave; peu, la question du discours int&eacute;rieur contaminera d&rsquo;autres disciplines comme la litt&eacute;rature, la psychologie ou encore la m&eacute;decine, mais elle restera n&eacute;anmoins un grand absent dans les &eacute;tudes de linguistique et de sciences du langage, disciplines qui pourtant sembleraient impliqu&eacute;es au premier chef (Bergounioux 2001). Les premi&egrave;res investigations scientifiques sur le discours int&eacute;rieur apparaissent &agrave; la&nbsp;fin du XIX&egrave;me si&egrave;cle par le biais de la m&eacute;decine, sous l&rsquo;initiative de Broca et sa d&eacute;couverte de l&rsquo;aire du langage articul&eacute;, prouvant &eacute;galement l&rsquo;existence de la parole int&eacute;rieure par l&rsquo;&eacute;tude de l&rsquo;aphasie. En 1881, le philosophe V. Egger publie la premi&egrave;re monographie sur le discours endophasique <em>La parole int&eacute;rieure</em>. Le terme &laquo;&nbsp;endophasie&nbsp;&raquo; sera cr&eacute;&eacute; par le clinicien G. Saint-Paul dans sa th&egrave;se de m&eacute;decine intitul&eacute;e <em>Essais sur le langage int&eacute;rieur</em> en 1892, pour d&eacute;signer la facult&eacute; de penser en mots, que ce soit de mani&egrave;re auditive, visuelle ou motrice (Saint-Paul&nbsp;1892 : 43).</p> <p>Au-del&agrave; des domaines de la philosophie et de la linguistique clinique, la litt&eacute;rature s&rsquo;est tr&egrave;s t&ocirc;t empar&eacute;e de la question de la repr&eacute;sentation de la vie int&eacute;rieure. Mais au XX&egrave;me si&egrave;cle, face &agrave; la crise du sujet et &agrave; la remise en question du statut de narrateur, de nouvelles formes d&rsquo;endophasie sont explor&eacute;es, que ce soit par le biais de l&rsquo;&eacute;criture automatique ou par le monologue int&eacute;rieur.&nbsp;Le monologue int&eacute;rieur n&rsquo;est reconnu qu&rsquo;en 1920 &agrave; la parution de l&rsquo;&oelig;uvre de Joyce, <em>Ulysses</em>, puis avec le regain d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t que celui-ci porte &agrave; l&rsquo;ouvrage de Dujardin <em>Les lauriers sont coup&eacute;s</em> (1887). La d&eacute;finition du monologue int&eacute;rieur, comme le rappelle D. Cohn, oscille entre la technique narrative d&rsquo;une part qui permet la restitution par citation exacte des pens&eacute;es du personnage, et d&rsquo;autre part le genre narratif constitu&eacute; des pens&eacute;es silencieuses d&rsquo;un personnage&nbsp;(Cohn 1981&nbsp;: 30). Il existe ainsi une opposition entre les tenants de la conception de monologue int&eacute;rieur qui serait une forme concurrente du discours rapport&eacute; permettant de rendre compte des pens&eacute;es, mais qui se d&eacute;ploie en dehors de toute situation &eacute;nonciative effective, face &agrave; la conception d&rsquo;un monologue int&eacute;rieur qui serait, comme le d&eacute;veloppe Banfield, non seulement un discours rapport&eacute; concernant l&rsquo;expression des paroles, mais au-del&agrave;, l&rsquo;expression des pens&eacute;es sans paroles (Banfield 1973). Pour J. Authier-Revuz, les &laquo;&nbsp;dires int&eacute;rieurs&nbsp;&raquo; rel&egrave;vent d&rsquo;une vari&eacute;t&eacute; de repr&eacute;sentation du discours autre, qui peut appara&icirc;tre en discours direct, en discours indirect ou encore dans un discours &laquo;&nbsp;bivocal&nbsp;&raquo; ou discours indirect libre&nbsp;&raquo; (Authier-Revuz&nbsp;2020:45). Dans cette tradition des &laquo;&nbsp;phrases sans parole&nbsp;&raquo; s&rsquo;ins&egrave;re &eacute;galement la notion de point de vue d&eacute;velopp&eacute;e par A. Rabatel (1998), permettant de faire appara&icirc;tre une source &eacute;nonciative subjective prenant en charge l&rsquo;&eacute;nonc&eacute; en l&rsquo;absence d&rsquo;un jugement explicite sur les objets du discours, y compris en l&rsquo;absence de la mention explicite de la source &eacute;nonciative.</p> <p>La prise en compte du discours int&eacute;rieur comme ph&eacute;nom&egrave;ne linguistique a longtemps &eacute;t&eacute; marginale, mais on voit r&eacute;appara&icirc;tre aujourd&rsquo;hui l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t pour cet objet d&rsquo;&eacute;tudes au sein des sciences du langage, que ce soit gr&acirc;ce &agrave; G. Bergounioux (2001, 2004), A. Rabatel (1998, 2001, 2021) ou encore S.&nbsp;Smadja (2021, 2022). Cette activit&eacute; verbale continue est estim&eacute;e par Bergounioux comme &eacute;tant notre activit&eacute; langagi&egrave;re principale au quotidien&nbsp;: &laquo;&nbsp;seize heures de fonctionnement endophasique (environ 60 000 secondes), &agrave; raison de dix phon&egrave;mes par seconde, c&rsquo;est plus d&rsquo;un demi-million de phon&egrave;mes par jour. Encore la parole int&eacute;rieure, plus vive, plus syncop&eacute;e, plus elliptique, doit-elle atteindre des valeurs sensiblement plus &eacute;lev&eacute;es&nbsp;&raquo; (Bergounioux 2004&nbsp;: 23). Malgr&eacute; la pr&eacute;dominance de ce type d&rsquo;activit&eacute; verbale, on constate pourtant au sein des &eacute;tudes linguistiques que cet objet d&rsquo;&eacute;tude est pourtant largement marginalis&eacute; en sciences du langage. Lorsqu&rsquo;il est mentionn&eacute;, ce n&rsquo;est que dans une description en n&eacute;gatif du discours profess&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Quant au discours non ext&eacute;rioris&eacute;, non prononc&eacute;, ce qu&#39;on appelle le langage int&eacute;rieur, ce n&#39;est qu&#39;un substitut elliptique et allusif du discours explicite et ext&eacute;rioris&eacute;. D&#39;ailleurs, le dialogue soutient m&ecirc;me le discours int&eacute;rieur, comme l&#39;ont d&eacute;montr&eacute; une s&eacute;rie d&#39;observations, de Peirce &agrave; Vygotski.&nbsp;&raquo; (Jakobson [1952]&nbsp;: 32). Le discours int&eacute;rieur est alors per&ccedil;u seulement comme une forme inachev&eacute;e du discours ext&eacute;rioris&eacute;. L&rsquo;&eacute;tude du discours int&eacute;rieur peut n&eacute;anmoins apporter des &eacute;clairages fondamentaux pour l&rsquo;&eacute;tude du langage en g&eacute;n&eacute;ral, et constitue ce que G. Bergounioux nomme &laquo;&nbsp;l&rsquo;envers non formalisable du projet scientifique de la linguistique.&nbsp;&raquo; (2004&nbsp;: 60).</p> <p>Si l&rsquo;&oelig;uvre de Hermann Broch <em>La Mort de Virgile</em> a &eacute;t&eacute; class&eacute;e dans la tradition allemande comme un monologue int&eacute;rieur continu sur plus de 500 pages, une lecture approfondie nous permet de voir que la technique du monologue int&eacute;rieur, en l&rsquo;absence d&rsquo;un narrateur explicite, et en r&eacute;alit&eacute; relativement peu pr&eacute;sente. Dans cette &oelig;uvre, il s&rsquo;agit davantage d&rsquo;explorations syntaxiques, lexicales et &eacute;nonciatives permettant de reconstituer la vie int&eacute;rieure du personnage et de mod&eacute;liser la restitution de la pens&eacute;e int&eacute;rieure en formation.</p> <h3>Un type de discours qui &eacute;chappe &agrave; la normativisation</h3> <p>Le discours int&eacute;rieur est un discours a-normal qui, bien qu&rsquo;il puisse &ecirc;tre vu comme un continuum du langage ext&eacute;rioris&eacute;, poss&egrave;de un fonctionnement qui lui est propre qui &eacute;chappe &agrave; toute tentative de st&eacute;r&eacute;otypisation. Comme l&rsquo;explique S. Smadja dans ses travaux, il existe autant de discours int&eacute;rieur&nbsp;qu&rsquo;il n&rsquo;existe d&rsquo;individus, voire m&ecirc;me plusieurs variations de discours int&eacute;rieur&nbsp;chez un m&ecirc;me individu (2021c&nbsp;: 25). Afin de rendre compte de la diversit&eacute; de ces formes, sur le plan syntaxique, il convient davantage de recourir &agrave; une description scalaire variant entre les deux mod&egrave;les oppos&eacute;s que sont d&rsquo;une part la forme pr&eacute;dicative, et d&rsquo;autre part la forme en expansion.</p> <p>Le mod&egrave;le Vygotski-Egger semble encore la position dominante aujourd&rsquo;hui. Ainsi dans le champ des sciences cognitives et de la psychologie, Alain Morin repr&eacute;sente ainsi la syntaxe de la parole int&eacute;rieure en 2012&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&nbsp;The semantic aspect of speech becomes most prominent as its syntactic and phonological dimensions move to the background. Unlike social speech, inner speech is predicative: it is syntactically compressed, condensed, and abbreviated. [&hellip;] the predicative nature of inner speech explains why it is experienced as a series of fragmented units &ndash; not as a smooth sequence of fully developed verbal images.&nbsp;(Morin 2012 : 429)</p> </blockquote> <p>Cette conception de la parole endophasique comme &eacute;tant r&eacute;duite &agrave; sa dimension s&eacute;mantique, au d&eacute;triment de ses caract&eacute;ristiques syntaxiques et phonologiques, s&rsquo;appuie ici implicitement sur la conception Vygotskienne d&rsquo;une parole endophasique r&eacute;duite &agrave; la pr&eacute;dication condens&eacute;e et abr&eacute;g&eacute;e.</p> <p>En parall&egrave;le, une autre conception s&rsquo;&eacute;labore dans le champ de la psychologie anglo-saxonne, celle du postulat de l&rsquo;existence de plusieurs mod&egrave;les endophasiques, &agrave; savoir une forme syncop&eacute;e et une forme en expansion (Fernyhough 2013&nbsp;cit&eacute; par S. Smadja 2021(b)&nbsp;: 15-16), reprise &eacute;galement par Gilles Philippe &laquo;&nbsp;le monologue sera con&ccedil;u soit comme un flux ininterrompu et donnera lieu &agrave; un travail sur la phrase longue, soit comme un discours par bribes, et donnera lieu &agrave; un travail sur la phrase courte.&nbsp;&raquo; (Philippe 2009&nbsp;: 103).</p> <p>Ainsi le discours int&eacute;rieur est un discours hors-normes par excellence qui &eacute;chappe &agrave; l&rsquo;entreprise de formalisation. Dans <em>Der Tod des Vergil</em>, Hermann Broch repr&eacute;sente le discours int&eacute;rieur comme un ph&eacute;nom&egrave;ne continu comme une voix sous-jacente qui est constamment pr&eacute;sente, qui se d&eacute;ploie dans un flux ininterrompu, s&rsquo;&eacute;tendant sur pr&egrave;s de dix pages, sans interruption. Sur le plan syntaxique, la phrase Brochienne se d&eacute;ploie sous la forme d&rsquo;une hyperhypotaxe, dans une expansion des subordonn&eacute;es &agrave; droite de la phrase.</p> <h3>La double contradiction inh&eacute;rente au discours int&eacute;rieur</h3> <p>Le discours int&eacute;rieur est un type de discours contradictoire, hors-normes sur le plan de la doxa logique. En effet, la premi&egrave;re contradiction endophasique appara&icirc;t dans l&rsquo;impossible constitution de corpus de ce discours. Selon D. Bottineau, le langage int&eacute;rieur fait partie des &laquo;&nbsp;ph&eacute;nom&egrave;nes inobservables et exp&eacute;rimentalement instables&nbsp;&raquo; (2012&nbsp;: 44) si bien que son analyse ne peut &ecirc;tre r&eacute;alis&eacute;e qu&rsquo;&agrave; condition de renoncer aux d&eacute;marches exp&eacute;rimentales traditionnelles. Face &agrave; ce paradoxe, seule une mod&eacute;lisation du discours int&eacute;rieur, simul&eacute;e de mani&egrave;re ext&eacute;rioris&eacute;e, &agrave; l&rsquo;oral ou &agrave; l&rsquo;&eacute;crit, est envisageable. Les &oelig;uvres de fiction qui pr&eacute;tendent rendre compte du discours int&eacute;rieur offrent alors au linguiste une base d&rsquo;&eacute;tude non n&eacute;gligeable, puisqu&rsquo;elles reposent sur une conscience &eacute;pilinguistique. Le discours int&eacute;rieur litt&eacute;raire s&rsquo;appuie sur un rapport personnel &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rience endophasique comme fondements &agrave; la r&eacute;alisation d&rsquo;une stylisation litt&eacute;raire de la parole endophasique. La d&eacute;marche scientifique est limit&eacute;e&nbsp;: on ne peut remonter de la repr&eacute;sentation romanesque &agrave; la r&eacute;alit&eacute; psychique. Cependant cette &eacute;tude nous permet de voir comment une communaut&eacute; culturelle a pu concevoir cette r&eacute;alit&eacute; psycholinguistique &agrave; un certain moment, tout en permettant de r&eacute;aliser une enqu&ecirc;te sur l&rsquo;imaginaire linguistique de cette &eacute;poque. C&rsquo;est &eacute;galement la position de D. Cohn qui estime que la repr&eacute;sentation du discours int&eacute;rieur est une sp&eacute;cificit&eacute; litt&eacute;raire (1981). La repr&eacute;sentation fictionnelle est une mod&eacute;lisation de la pens&eacute;e int&eacute;rieure repr&eacute;sent&eacute;e dans le roman, selon un ensemble de partis pris et proc&eacute;d&eacute;s qui fondent sa coh&eacute;rence. L&rsquo;analyse en contexte litt&eacute;raire fonctionne alors comme un laboratoire de mod&eacute;lisation du discours int&eacute;rieur ouvrant &agrave; l&rsquo;&eacute;tude d&rsquo;un ensemble de marqueurs significatifs d&rsquo;ordre morpho-syntaxique, rythmique ou micro-ph&eacute;nom&eacute;nologiques permettant de faire reconna&icirc;tre un &eacute;nonc&eacute; comme relevant du discours int&eacute;rieur.</p> <p>La deuxi&egrave;me contradiction du discours endophasique, qui en fait aussi un discours hors-normes, est l&rsquo;absence suppos&eacute;e de l&rsquo;allocuteur. L&rsquo;absence d&rsquo;allocuteur renforce la complexit&eacute; de ce type de discours non-adress&eacute; ou auto-adress&eacute;, car pourquoi se parler &agrave; soi-m&ecirc;me si l&rsquo;on n&rsquo;a rien &agrave; communiquer qui ne soit d&eacute;j&agrave; su&nbsp;? C&rsquo;est justement cette particularit&eacute; qui justifie l&rsquo;&eacute;tude du discours int&eacute;rieur comme un discours atypique, qui ne reprend pas n&eacute;cessairement les codes de l&rsquo;oralit&eacute; (con&ccedil;u comme plus informel). Ce type de discours se d&eacute;ploie en dehors des normes communicationnelles.&nbsp;En effet un moyen de lever cette contradiction est, pour reprendre G. Philippe (2001&nbsp;: 97) la tension qui existe entre primat communicationnel et primat cognitif du langage. Pour l&rsquo;appr&eacute;hender, il convient de renoncer au primat communicationnel du langage, c&rsquo;est-&agrave;-dire prendre en compte que la langue n&rsquo;a pas n&eacute;cessairement pour vocation premi&egrave;re la communication. La fonction communicationnelle peut toutefois demeurer si le discours int&eacute;rieur se d&eacute;veloppe sous la forme d&rsquo;une dialogisation int&eacute;rieure (&agrave; soi-m&ecirc;me, &agrave; un autre, ou &agrave; personne mais comme si on parlait &agrave; un autre). Mais une deuxi&egrave;me fonction essentielle du discours int&eacute;rieur est la fonction cognitive du langage. L&rsquo;acte de nommer ou de pr&eacute;diquer reste premier, ce qui t&eacute;moigne d&rsquo;un processus mental qui viendrait avant la fonction communicative. Le discours int&eacute;rieur, concerne &agrave; la fois l&rsquo;intimit&eacute; et le rapport du sujet aux normes ext&eacute;rieures. Ce ph&eacute;nom&egrave;ne affecte ainsi &eacute;galement le proc&eacute;d&eacute; de textualisation en cours dans l&rsquo;&oelig;uvre.</p> <h2>Les enjeux de la complexit&eacute; textuelle du discours int&eacute;rieur chez H. Broch</h2> <h3>L&#39;illisibilit&eacute; du discours int&eacute;rieur</h3> <p>Le discours litt&eacute;raire se pr&eacute;vaut de ses qualit&eacute;s hors-normes. Comme l&rsquo;explicite S. Bikialo, &laquo;&nbsp;Le discours litt&eacute;raire est un discours hors-normes en puissance&nbsp;&raquo; (S. Bikialo,&nbsp;2019 : 11). Le discours litt&eacute;raire est cens&eacute; renouveler et repousser les normes, ou se doit parfois de recr&eacute;er une nouvelle norme. Les formes hors-normes servent alors de signal d&rsquo;alarme dans l&rsquo;&oelig;uvre pour mettre en relief le joug de la normativit&eacute; du langage.</p> <p>Dans l&rsquo;&oelig;uvre de H. Broch, <em>Der Tod des Vergil (dTdV</em> plus loin), la complexit&eacute; de l&rsquo;&oelig;uvre fait appara&icirc;tre des ph&eacute;nom&egrave;nes hors-normes qui conduisent &agrave; l&rsquo;illisibilit&eacute;. Le plus long paragraphe de l&rsquo;&oelig;uvre (12 pages en allemand) contient diff&eacute;rents &eacute;pisodes narratifs, descriptifs ainsi que des dialogues. Il se d&eacute;ploie dans l&rsquo;absence de &laquo;&nbsp;ponctuation blanche&nbsp;&raquo; (Favriaud 2011) en un seul paragraphe sans alin&eacute;a. Cette forme correspond &agrave; une vision du discours int&eacute;rieur comme parole d&eacute;pourvue d&rsquo;allocuteur, qui s&rsquo;effectue en bloc sans pr&eacute;occupation des recoupages en blocs de sens qui seraient n&eacute;cessaires dans le cadre du contrat de communication. La r&eacute;alit&eacute; psychologique du paragraphe est affirm&eacute;e depuis 1969 par Koen, Becker et Young, qui parviennent &agrave; d&eacute;montrer dans leurs travaux empiriques que la segmentation en paragraphes facilite la lecture et permet de regrouper des ensembles et unit&eacute;s de sens pour faciliter le travail de m&eacute;morisation et pour acc&eacute;der plus facilement &agrave; l&rsquo;organisation topique du texte. La ponctuation et les marqueurs de segmentation&nbsp;d&rsquo;un texte sont souvent envisag&eacute;es, avant les fonctions esth&eacute;tiques du texte (rythmiques, stylistiques&hellip;) comme ayant une fonction normative li&eacute;e &agrave; la clart&eacute; du discours, &agrave; son organisation, &agrave; sa hi&eacute;rarchisation, son ordonnancement. Elles correspondent &agrave; la fonction normative du langage. Toute pr&eacute;sence de ponctuation t&eacute;moigne d&rsquo;une internalisation des normes.</p> <p>Chez Broch en revanche, la complexit&eacute; textuelle est renforc&eacute;e par une &laquo;&nbsp;hyper-coh&eacute;sion&nbsp;&raquo;. Nous entendons par hyper-coh&eacute;sion&nbsp;la surrepr&eacute;sentation des marques de coh&eacute;sion dans une syntaxe phrastique pourtant coh&eacute;rente, mais produisant l&rsquo;effet inverse&nbsp;: une absence de segmentation du texte qui s&rsquo;&eacute;labore dans un continuum infini qui entrave la lisibilit&eacute; du texte. La mauvaise r&eacute;ception de cette &oelig;uvre dans la sph&egrave;re germanique s&rsquo;explique notamment par le style herm&eacute;tique de l&rsquo;&oelig;uvre, la longueur et la complexit&eacute; des phrases. Dans la sph&egrave;re germanique, plusieurs travaux se sont attel&eacute;s &agrave; la mesure de la lisibilit&eacute; d&rsquo;un texte en fonction de la longueur des mots, du nombre de mots et de la complexit&eacute; des phrases en allemand (Klare 1963&nbsp;; Groeben 1978). Ces auteurs estiment que la longueur moyenne des phrases allemandes complexes s&rsquo;effectue autour d&rsquo;une trentaine de mots pour un texte de sp&eacute;cialit&eacute;, alors que les phrases les plus longues chez H. Broch contiennent pr&egrave;s de 540 mots par phrase. M&ecirc;me si une mesure chiffr&eacute;e de la longueur d&rsquo;une phrase est insuffisante pour faire appara&icirc;tre un degr&eacute; de difficult&eacute; de texte, l&rsquo;&eacute;cart significatif entre la phrase brochienne et une phrase allemande dite standard reste un marqueur explicite. L&rsquo;absence de segmentation phrastique, d&rsquo;espaces et de &laquo;&nbsp;ponctuation blanche&nbsp;&raquo; remet ainsi en question l&rsquo;&eacute;chelle de l&rsquo;unit&eacute; textuelle pertinente pour aborder l&rsquo;analyse du discours int&eacute;rieur.</p> <h3>L&#39;influence de la complexit&eacute; normative sur la r&eacute;ception de l&#39;oeuvre&nbsp;</h3> <p>La publication de l&rsquo;&oelig;uvre originale en 1945 a souffert d&rsquo;une tr&egrave;s mauvaise r&eacute;ception dans la sph&egrave;re germanique en raison de son style jug&eacute; trop herm&eacute;tique&nbsp;: Paul Goodman, sp&eacute;cialiste du roman anglais, d&eacute;finit <em>Der Tod des Vergil </em>comme &laquo;&nbsp;une logorrh&eacute;e qui dissimulait mal le vide de la pens&eacute;e&nbsp;&raquo; (cit&eacute; par Bier 1974&nbsp;: 241). La tr&egrave;s grande complexit&eacute; de la lisibilit&eacute;&nbsp;a &eacute;galement renforc&eacute; le sentiment hors-normes de l&rsquo;&oelig;uvre, dont son classement g&eacute;n&eacute;rique n&rsquo;est, jusqu&rsquo;&agrave; aujourd&rsquo;hui, toujours pas stabilis&eacute;, oscillant entre le classement en tant que po&eacute;sie ou que roman.</p> <p>Les effets de l&rsquo;absence de segmentation textuelle et de l&rsquo;hyper-coh&eacute;sion sont &eacute;galement visibles notamment dans l&rsquo;&eacute;tude des traductions de cette &oelig;uvre, par l&rsquo;ajout de marques, de segmentation&nbsp;typographiques, comme le montre la figure suivante&nbsp;:</p> <p style="text-align: center;"><img height="438" src="https://www.numerev.com/img/ck_2801_28_image-20230802211242-1.png" width="571" /></p> <p style="text-indent: 35.45pt; text-align: center;"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#44546a">Figure 1&nbsp;: fin de paragraphe signifi&eacute; par un ast&eacute;risque dans l&rsquo;&eacute;dition fran&ccedil;aise</span></span></span></span></span></span></p> <p>Tandis que le paragraphe le plus long est s&eacute;par&eacute;, dans l&rsquo;&eacute;dition allemande, par un simple alin&eacute;a (sans saut de ligne), l&rsquo;&eacute;dition fran&ccedil;aise de <em>La Mort de Virgile&nbsp;(MdV) </em>quant &agrave; elle pr&eacute;sente un saut de lignes et une d&eacute;marcation par un ast&eacute;risque avant le texte. Il s&rsquo;agit ici d&rsquo;une forte modification par rapport &agrave; l&rsquo;original, d&rsquo;un changement majeur qui affecte toute la lecture de l&rsquo;&oelig;uvre. L&rsquo;&eacute;dition traduite fran&ccedil;aise fait ainsi le choix d&rsquo;a&eacute;rer visuellement l&rsquo;&oelig;uvre, permettant ainsi de faciliter la lecture du texte, modifiant ainsi la r&eacute;ception de l&rsquo;&oelig;uvre et l&rsquo;exp&eacute;rience immersive de lecture. Cette recomposition &eacute;ditoriale dans la version fran&ccedil;aise qui a pour volont&eacute; de pallier cette hyper-coh&eacute;sion, t&eacute;moigne de ce fait la difficult&eacute; d&rsquo;appr&eacute;hender ce texte qui s&rsquo;affranchit de tout balisage textuel et des normes textuelles traditionnelles. Si la textualit&eacute; paraphrastique n&rsquo;est pas ici visuelle, elle repose en revanche sur des ph&eacute;nom&egrave;nes d&rsquo;&eacute;coute.</p> <h2>Une textualit&eacute; rythmique pour repousser les normes du langage</h2> <p>Le discours endophasique poss&egrave;de une textualit&eacute; qui repose sur des ph&eacute;nom&egrave;nes d&rsquo;&eacute;coute du langage et conduisent &agrave; une s&eacute;mantique du rythme (Meschonnic&nbsp;1982 :210) qui prime sur le mot. La complexit&eacute;&nbsp;voire l&rsquo;illisibilit&eacute; de l&rsquo;&oelig;uvre sont des signaux d&rsquo;alerte m&eacute;talinguistique&nbsp;qui indiquent que le langage ne permet plus de dire le r&eacute;el. L&rsquo;auteur cherche dans cette repr&eacute;sentation de parole int&eacute;rieure &agrave; repousser les limites du langage humain, ce qui dans <em>Der Tod des Vergil</em> va &ecirc;tre mis en exergue par l&rsquo;utilisation de certains ph&eacute;nom&egrave;nes morphosyntaxiques qui d&eacute;rogent &agrave; la norme.</p> <h3>L&#39;attaque rh&eacute;matique comme moule rythmique</h3> <p>L&rsquo;attaque rh&eacute;matique est une forme de topicalisation sur-repr&eacute;sent&eacute;e dans <em>Der Tod des Vergil</em> qui conduit &agrave; une rythmique particuli&egrave;re. Ce choix de lin&eacute;arisation met en exergue le pr&eacute;dicat (le rh&egrave;me) avant le sujet de la phrase, comme dans la phrase &laquo;&nbsp;bleu est le ciel&nbsp;&raquo;, par exemple. Selon la dynamique communicationnelle (Firbas, 1964), l&rsquo;&eacute;nonc&eacute; affirmatif non‑marqu&eacute; s&rsquo;ouvre habituellement sur l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment connu et le moins informatif d&rsquo;un &eacute;nonc&eacute;, le th&egrave;me, et se cl&ocirc;t par le constituant qui v&eacute;hicule l&rsquo;information nouvelle la plus essentielle, le rh&egrave;me. En allemand, l&rsquo;attaque rh&eacute;matique est un type de topicalisation qui construit une lin&eacute;arisation marqu&eacute;e (Schanen et Confais, 1989&nbsp;: 923) dans laquelle la premi&egrave;re position de l&rsquo;&eacute;nonc&eacute; est occup&eacute;e par l&rsquo;unit&eacute; la plus dynamique, qui porte l&rsquo;accent contrastif de la phrase. Bien que la structure syntaxique allemande accepte tout type d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments situ&eacute;s dans le <em>Vorfeld</em>, qu&rsquo;ils soient th&eacute;matiques ou rh&eacute;matiques, sans que l&rsquo;interpr&eacute;tation de l&rsquo;&eacute;nonc&eacute; n&rsquo;en soit affect&eacute;e, le placement de constituants rh&eacute;matiques en attaque d&rsquo;&eacute;nonc&eacute; t&eacute;moigne en revanche d&rsquo;une lin&eacute;arisation qui s&rsquo;accompagne d&rsquo;une accentuation et qui est un renversement de la lin&eacute;arisation neutre. Dans l&rsquo;&oelig;uvre de Hermann Broch, l&rsquo;omnipr&eacute;sence de ce moule syntaxique combin&eacute;e &agrave; la r&eacute;p&eacute;tition de m&ecirc;mes attaques rh&eacute;matiques conduisent &agrave; une focalisation de cette topicalisation.</p> <blockquote> <p>(1a) <strong>Leiser</strong> rieselten die Gew&auml;sser, <strong>leiser</strong> die Brunnen, <strong>und sehr leise </strong>fl&uuml;sterte es in seiner Seele, in seinem Herzen, in seinem Atem, <strong>sehr leise</strong> fl&uuml;sterte es in ihm und aus ihm: &laquo;Ich liebe dich.&raquo;-&laquo;Ich liebe dich&raquo;, kam es so unh&ouml;rbar zur&uuml;ck, als sei es blo&szlig; ein stummer Druck ihrer H&auml;nde. (DTdV: 279) [mise en forme par K.D]</p> </blockquote> <blockquote> <p>(1b) <strong>Plus silencieusement </strong>ruisselaient les eaux, <strong>plus silencieusement</strong> les fontaines, et <strong>tr&egrave;s silencieusement</strong> un murmure s&rsquo;&eacute;leva dans son c&oelig;ur, dans son souffle, <strong>tr&egrave;s silencieusement </strong>un murmure s&rsquo;&eacute;leva en lui et s&rsquo;&eacute;chappa de lui : &laquo;&nbsp;Je t&rsquo;aime. &ndash; Je t&rsquo;aime &raquo;, lui fut-il r&eacute;pondu, r&eacute;ponse inaudible, comme si elle n&rsquo;&eacute;tait qu&rsquo;une pression muette de leurs mains.<a name="_ftnref1"></a><a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title="">[1]</a></p> </blockquote> <p>En (1a), la r&eacute;p&eacute;tition des adverbes &laquo;&nbsp;leiser&nbsp;&raquo; plac&eacute;s en attaque rh&eacute;matique cr&eacute;ent un rythme binaire, amplifi&eacute; par la variation par l&rsquo;adjonction d&rsquo;un intensif &laquo;&nbsp;sehr leise&nbsp;&raquo;. Sur le plan s&eacute;mantique, on constate ici que la triplication de l&rsquo;adjectif au degr&eacute; 1 signifiant &laquo;&nbsp;plus silencieusement&nbsp;&raquo; est ici, contrairement &agrave; sa signification, martel&eacute;, et mis en position saillante en attaque rh&eacute;matique, cr&eacute;ant ainsi une figure sonore contradictoire. La r&eacute;p&eacute;tition conduit &agrave; un rythme musical, port&eacute; d&rsquo;une part par l&rsquo;accent de phrase sur &laquo;&nbsp;leiser&nbsp;&raquo;, et d&rsquo;autre part par la triplication, qui, comme l&rsquo;a d&eacute;velopp&eacute; le Groupe Mu, est un seuil &agrave; partir duquel la r&eacute;p&eacute;tition peut se faire rythme (Groupe &micro;, 1977). En effet, le rythme na&icirc;t &agrave; la fois de la r&eacute;p&eacute;tition et de l&rsquo;attente de cet &eacute;l&eacute;ment r&eacute;p&eacute;t&eacute;, une attente qui devient &laquo;&nbsp;une anticipation rythmique&nbsp;&raquo; (Groupe&nbsp;&micro;, 1977 :149-150). A partir du triolet, le son prend le pas sur l&rsquo;intellection. Ce ph&eacute;nom&egrave;ne est mis en exergue par la topicalisation qui met en exergue un &eacute;l&eacute;ment fondamental du discours int&eacute;rieur&nbsp;: les &laquo;&nbsp;subjectiv&egrave;mes&nbsp;&raquo; (Kerbrat‑Orecchioni, 1999&nbsp;: 99). En effet, selon G. Bergounioux, le discours int&eacute;rieur n&rsquo;a pas seulement pour vocation de nommer ou d&eacute;nommer&nbsp;: &laquo;&nbsp;l&rsquo;usage de la langue est moins requis pour dire le monde qu&rsquo;elle n&rsquo;est la fa&ccedil;on de le produire&nbsp;&raquo; (2004&nbsp;: 148-149). S&rsquo;il y a certes une forme de d&eacute;terminisme linguistique dans notre repr&eacute;sentation du monde, le langage participe &eacute;galement &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rience perceptive du monde.</p> <p>Par le moule syntaxique et rythmique choisi en allemand par H. Broch pour caract&eacute;riser l&rsquo;endophasie, il fait advenir en premi&egrave;re position le pr&eacute;dicat, soit des &eacute;l&eacute;ments perceptifs, au comparatif, ce qui renforce encore l&rsquo;expression de la subjectivit&eacute; de l&rsquo;&eacute;nonciateur, puisqu&rsquo;il nous fait parvenir un point de vue subjectif de la source &eacute;nonciative Virgile qui prend en charge la description. L&rsquo;omnipr&eacute;sence de ces attaques rh&eacute;matiques cr&eacute;e une r&eacute;gularit&eacute; rythmique qui parvient &agrave; une structuration rythmique du paragraphe.</p> <h3>Cr&eacute;ation d&#39;un idiolecte int&eacute;rieur qui repose sur des ph&eacute;nom&egrave;nes de r&eacute;p&eacute;tition</h3> <p>Dans cette &oelig;uvre qui comporte une tr&egrave;s forte coh&eacute;sion, la r&eacute;p&eacute;tition joue un r&ocirc;le de liage micro-textuel et m&eacute;so-textuel. On peut qualifier de &laquo;&nbsp;r&eacute;p&eacute;tition r&eacute;ticulaire&nbsp;&raquo; (Prak-Derrington 2021) l&rsquo;ensemble des r&eacute;p&eacute;titions phon&eacute;tiques, lexicales ou syntaxiques qui assurent la coh&eacute;sion de l&rsquo;&oelig;uvre, car la r&eacute;p&eacute;tition fonctionne comme une seule macro-figure et non comme plusieurs figures isol&eacute;es. Selon E.&nbsp;Prak‑Derrington (2021&nbsp;: 137-170), la r&eacute;p&eacute;tition organise le discours en unit&eacute;s sonores et produit une coh&eacute;sion rythmique. La r&eacute;p&eacute;tition d&rsquo;un lex&egrave;me, qu&rsquo;elle soit s&eacute;mantique ou non, remotive la texture sonore du signifiant. La cr&eacute;ation lexicale en allemand, par le jeu des r&eacute;p&eacute;titions et de la composition lexicale cr&eacute;e un r&eacute;seau de r&eacute;p&eacute;tition qui va assurer une coh&eacute;sion textuelle. C&rsquo;est le cas par exemple du mot &laquo;&nbsp;nackt&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;nu&nbsp;&raquo;), qui r&eacute;appara&icirc;t dans l&rsquo;&oelig;uvre &agrave; pr&egrave;s de 89 reprises&nbsp;:</p> <blockquote> <p>(2a)&bdquo;<u>Nackt</u> ist das Menschliche, wo immer es durchbricht, <u>nackt</u> ist sein Anfang und Ende, und auf <u>nacktwunder</u> Haut scheuern die Fesseln der Pflicht; doch <u>nackt</u> ist selbst der Titan, <u>Nacktheit</u> sein Heldenmut, und tritt er dem Vater entgegen, es geschieht ohne H&uuml;lle und Wehr, <u>nacktbrennend</u> sind seine H&auml;nde, in denen zur Erde hernieder das entrissene Feuer er tr&auml;gt.&nbsp;(dTdV : 252)</p> </blockquote> <blockquote> <p>(2b) L&rsquo;humanit&eacute; est <u>nue</u>, en quelque lieu qu&rsquo;elle &eacute;merge, <u>nus</u> son commencement et sa fin, et les cha&icirc;nes du devoir &eacute;corchent la peau <u>nue</u> et bless&eacute;e ; mais <u>nu</u> est le Titan lui-m&ecirc;me, nudit&eacute; son h&eacute;ro&iuml;sme ; et quand il affronte son p&egrave;re, il le fait sans bouclier ni d&eacute;fense, <u>nues</u> et br&ucirc;lantes sont les mains dans lesquelles il fait descendre sur terre le feu arrach&eacute;.&nbsp;(MdV: 335)</p> </blockquote> <p>En (2a), les six r&eacute;p&eacute;titions du lex&egrave;me &laquo;&nbsp;nackt&nbsp;&raquo; construisent ce passage en unit&eacute; sonore, dans laquelle la rythmique prend le pas sur le sens. Ici encore les &eacute;l&eacute;ments r&eacute;p&eacute;t&eacute;s sont ins&eacute;r&eacute;s en position saillante en attaque rh&eacute;matique. Cette r&eacute;p&eacute;tition cr&eacute;e une macro-figure qui se d&eacute;ploie dans toute l&rsquo;&oelig;uvre, conduisant &agrave; des formes de composition lexicales ad hoc dont le sens est assez flou&nbsp;comme &laquo;&nbsp;nackwund&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;nacktbrennend&nbsp;&raquo; &agrave; comprendre comme des compos&eacute;s parataxiques. Cette macro-figure r&eacute;appara&icirc;t une trentaine de pages plus loin, dans deux compos&eacute;s ad-hoc dont l&rsquo;interpr&eacute;tation est encore une fois incertaine&nbsp;(3) &laquo;&nbsp;in der unmittelbaren Wirklichkeitsnacktheit des Geschehens gab es kein [...] &Uuml;berlegen, und in n&auml;mlicher nackt-durchsichtiger Unmittelbarkeit dr&auml;ngte Plotia (dTdV : 283)&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title="">[2]</a>. L&rsquo;auteur joue ici avec les normes de la langue, utilisant la facilit&eacute; de la langue allemande &agrave; cr&eacute;er des compos&eacute;s lexicaux, sans pour autant en expliciter le sens. Les difficult&eacute;s de lecture de cet idiolecte hors-normes est lev&eacute; par l&rsquo;endophasie. En effet, comme explicit&eacute; pr&eacute;c&eacute;demment (1.2.), un mod&egrave;le tr&egrave;s influent et pourtant incomplet de repr&eacute;sentation de discours int&eacute;rieur est le mod&egrave;le Vygotski-Egger repr&eacute;sentant l&rsquo;endophasie sous une forme condens&eacute;e et abr&eacute;g&eacute;e, par une syntaxe pr&eacute;dicative. Ce mod&egrave;le correspond &agrave; la repr&eacute;sentation de parole int&eacute;rieure qu&rsquo;en fait Hermann Broch par son utilisation de la composition lexicale qui fait appara&icirc;tre des compos&eacute;s de type parataxique (<em>nackt-durchsichtig</em>), c&rsquo;est-&agrave;-dire des compos&eacute;s dans lesquels les deux &eacute;l&eacute;ments du mot n&rsquo;ont pas de rapport de d&eacute;termination entre eux, soit un type de compos&eacute; pourtant largement minoritaire dans la langue allemande face aux compos&eacute;s lexicaux hypotaxiques. L&rsquo;&eacute;conomie de langage de la composition s&rsquo;adapte particuli&egrave;rement bien au discours endophasique puisqu&rsquo;elle permet d&rsquo;exprimer une concentration de sensations. Ces compos&eacute;s cr&eacute;ent des ph&eacute;nom&egrave;nes de &laquo;&nbsp;condensation endophasique&nbsp;&raquo; (Smadja&nbsp;2021 :&nbsp; 584), soit des processus de condensation d&rsquo;exp&eacute;riences sensorielles, m&eacute;morielles ou &eacute;motionnelles. Il parvient &eacute;galement &agrave; simuler la rapidit&eacute; du discours int&eacute;rieur, par l&rsquo;&eacute;vocation de la collocation lexicale &bdquo;<em>die nackte Wirklichkeit</em>&ldquo; subsum&eacute;e dans le compos&eacute; &bdquo;<em>Wirklichkeitsnacktheit</em>&ldquo;. Ces compos&eacute;s r&eacute;sument en un mot des ph&eacute;nom&egrave;nes v&eacute;cus, ou renvoient &agrave; ce qu&rsquo;on a dit avant, sans devoir le r&eacute;p&eacute;ter. Ainsi dans la phrase (4) &bdquo;<em>es stanken die sterbenden Nacktgreise in den schwarzen Kerkerkammern</em><a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title="">[3]</a>&ldquo; (dTdV : 396), le compos&eacute; est une forme d&rsquo;auto-dialogisme, reprenant la description d&rsquo;un vieillard nu issue du d&eacute;but de l&rsquo;&oelig;uvre. Ce compos&eacute; qui est &agrave; comprendre comme un substantif et son adjectif, fait &eacute;cho au souvenir de la vue des mis&egrave;res de la rue, et consacre simultan&eacute;ment le personnage en figure all&eacute;gorique de la pauvret&eacute;. La plasticit&eacute; de la langue allemande et sa capacit&eacute; &agrave; cr&eacute;er des lex&egrave;mes compos&eacute;s est utilis&eacute;e &agrave; des fins textuelles. Les r&eacute;p&eacute;titions lexicales dont les variations successives permettent de cr&eacute;er un r&eacute;seau, font &eacute;merger une nouvelle s&eacute;mantique des lex&egrave;mes, et renforcent la coh&eacute;sion du discours. Cette coh&eacute;sion rythmique de la r&eacute;p&eacute;tition qui est une coh&eacute;sion sonore et perceptive est en ad&eacute;quation avec une repr&eacute;sentation sonore de l&rsquo;endophasie, de la voix int&eacute;rieure qui r&eacute;sonne en nous. La tension qui existe entre normes de productions langagi&egrave;res et la forme anormale du discours dans <em>Der Tod des Vergil </em>de Hermann Broch est ainsi lev&eacute;e par l&rsquo;endophasie, qui reconstruit une norme qui est celle d&rsquo;une mat&eacute;rialit&eacute; sonore, et non d&rsquo;une mat&eacute;rialit&eacute; textuelle visuelle.</p> <h2>Conclusion</h2> <p>L&rsquo;endophasie est par d&eacute;finition un discours hors-normes &agrave; la fois en tant qu&rsquo;objet d&rsquo;&eacute;tude longtemps marginalis&eacute; dans les champs de la linguistique, mais &eacute;galement en tant que type de discours dont l&rsquo;analyse m&ecirc;me n&eacute;cessite d&rsquo;abandonner toute ambition normative. L&rsquo;&eacute;tude de l&rsquo;endophasie met en exergue des ph&eacute;nom&egrave;nes linguistiques, &eacute;nonciatifs, textuels, stylistiques et prosodiques qui sont &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre dans toute production langagi&egrave;re, mais elle requiert &eacute;galement l&rsquo;&eacute;laboration d&rsquo;outils scientifiques qui s&rsquo;&eacute;cartent du cadre m&eacute;thodologique traditionnel de l&rsquo;analyse du discours communicationnel oral et/ou &eacute;crit. Face &agrave; ce discours insaisissable pour autrui comme pour soi-m&ecirc;me, il convient d&rsquo;accepter qu&rsquo;il ne puisse y avoir qu&rsquo;un acc&egrave;s indirect &agrave; ce type discours, et que l&rsquo;&eacute;tude de ses repr&eacute;sentations est &agrave; consid&eacute;rer comme objet d&rsquo;analyse l&eacute;gitime. Au-del&agrave;, l&rsquo;&eacute;tude du discours int&eacute;rieur permet de mettre en relief l&rsquo;absence de normes qui r&eacute;gissent l&rsquo;envers du langage.</p> <p>Si le refus de la norme est une propri&eacute;t&eacute; habituellement valoris&eacute;e de l&rsquo;&oelig;uvre litt&eacute;raire, la repr&eacute;sentation endophasique qu&rsquo;&eacute;labore H. Broch dans <em>Der Tod des Vergil,</em> t&eacute;moigne des difficult&eacute;s de lisibilit&eacute; de ce type de discours, par la remise en question des conventions textuelles et morphosyntaxiques. Face &agrave; l&rsquo;absence de &laquo;&nbsp;ponctuation blanche&nbsp;&raquo; et de segmentation paragraphique, il convient au lecteur de placer les normes ailleurs. Ni le paragraphe, ni la phrase ne semblent ainsi les unit&eacute;s linguistiques pertinentes pour l&rsquo;analyse de l&rsquo;endophasie, qui n&rsquo;est pas organis&eacute;e autour de normes visuelles, mais autour de ph&eacute;nom&egrave;nes d&rsquo;&eacute;coute (polyphonie, rythme, souffle). Le discours int&eacute;rieur est ainsi une repr&eacute;sentation de la gen&egrave;se de la pens&eacute;e sous la forme d&rsquo;une voix int&eacute;rieure qui se parle et qui s&rsquo;&eacute;coute.</p> <h2>Bibliographie</h2> <p>Adam, J.-M. (Ed.). (2015). <em>Faire texte: fronti&egrave;res textuelles et op&eacute;rations de textualisation,</em> Besan&ccedil;on, France: Presses universitaires de Franche-Comt&eacute;.</p> <p>Adam, J.-M. (2018). <em>Le paragraphe: entre phrases et texte</em>, Malakoff, France: Armand Colin.</p> <p>Authier-Revuz, J. (2020). <em>La repr&eacute;sentation du discours autre: principes pour une description</em>, Berlin ; Boston: De Gruyter.</p> <p>Bergounioux, G. (2001). 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