<p style="margin-bottom: 13px;">L&rsquo;offensive de d&eacute;mant&egrave;lement du verbe n&eacute;o-lib&eacute;ral, &eacute;rig&eacute; en norme du monde socioprofessionnel bien au-del&agrave; des fronti&egrave;res de l&rsquo;entreprise &agrave; la faveur d&rsquo;une vaste &laquo;&nbsp;manag&eacute;rialisation de la soci&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo; (Pezet, 2010, p.142), a connu depuis une vingtaine d&rsquo;ann&eacute;es un d&eacute;ploiement sans pr&eacute;c&eacute;dent, dans des &eacute;crits qui, pour &ecirc;tre pol&eacute;miques, n&rsquo;en sont pas moins tr&egrave;s aff&ucirc;t&eacute;s au plan des concepts. Le linguiste Thierry Guilbert, dans ses deux ouvrages,<span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span style="vertical-align:baseline"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span style="color:black"> <i>Le Discours id&eacute;ologique ou la Force de l&rsquo;&eacute;vidence </i>(2008) et <i>L&rsquo;Evidence du discours n&eacute;olib&eacute;ral</i> <i>: analyse dans la presse &eacute;crite </i>(</span></span></span></span></span></span></span>2011) a &eacute;t&eacute; parmi les premiers &agrave; faire de cette question le c&oelig;ur de sa recherche, en l&rsquo;articulant &agrave; l&rsquo;analyse du discours. Les sociologues sont tout aussi soucieux de la question&nbsp;: le livre d&rsquo;Eric Hazan,<span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span style="vertical-align:baseline"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span style="color:black"><i> LQR. La propagande du quotidien </i>(2006) </span></span></span></span></span></span></span>ou l&rsquo;ouvrage d&rsquo;Alain Bihr, <span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span style="vertical-align:baseline"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span style="color:black"><i>La Novlangue n&eacute;olib&eacute;rale, La rh&eacute;torique du f&eacute;tichisme capitaliste </i>(2007), </span></span></span></span></span></span></span>s&rsquo;attachant pour ce dernier &agrave; &laquo;&nbsp;&eacute;tablir en quel sens, dans quelle mesure et pour quelles raisons ce discours ressortit &agrave; la cat&eacute;gorie orwellienne de la novlangue &raquo; (Bihr, 2007, p.2) ont connu une certaine fortune dans le milieu de la recherche et m&ecirc;me au-del&agrave;, le qualificatif de &laquo;&nbsp;novlangue&nbsp;&raquo; s&rsquo;&eacute;tant r&eacute;pandu &agrave; un tel point qu&rsquo;il est devenu un poncif au second degr&eacute;, comme le souligne malicieusement Fran&ccedil;ois B&eacute;gaudeau&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Novlangue</p> <p>Au creux des clich&eacute;s &eacute;pandus par l&rsquo;ordre germent des contre-clich&eacute;s.</p> <p>L&rsquo;ordre a sa langue, la contestation de l&rsquo;ordre a un mot-clich&eacute; pour nommer cette langue. Novlangue est ce mot [&hellip;] (B&eacute;gaudeau, 2003, p. 202).</p> </blockquote> <p>Dans son essai <span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span style="vertical-align:baseline"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span style="color:black"><i>Boniments, </i></span></span></span></span></span></span></span>paru en 2023, Fran&ccedil;ois B&eacute;gaudeau s&rsquo;attache &agrave; son tour &agrave; d&eacute;noncer les faux semblants du langage de l&rsquo;id&eacute;ologie en en examinant avec acuit&eacute; et humour les concepts cl&eacute;s, &eacute;gren&eacute;s au fil de l&rsquo;ouvrage &agrave; la mani&egrave;re d&rsquo;un dictionnaire des id&eacute;es re&ccedil;ues, tout en prenant ses distances avec la posture de l&rsquo;intellectuel ou du s&eacute;miologue qui pr&eacute;tendrait r&eacute;v&eacute;ler la v&eacute;rit&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;la langue du capitalisme ne doit pas &ecirc;tre d&eacute;masqu&eacute;e, elle doit &ecirc;tre pass&eacute;e au crible sec de la pr&eacute;cision&nbsp;&raquo; <span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span style="vertical-align:baseline"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span style="color:black">(<i>ibid.</i>). </span></span></span></span></span></span></span>Evoquer cette novlangue manag&eacute;riale n&rsquo;est-il pas devenu en effet une gageure, un exercice de style p&eacute;rilleux dans la mesure o&ugrave; un certain nombre de mots du contre-discours se sont pour ainsi dire fossilis&eacute;s, devenant ce qu&rsquo;il nomme &laquo;&nbsp;des contre-clich&eacute;s&nbsp;&raquo;, des mots tout aussi gel&eacute;s que le sabir manag&eacute;rial qu&rsquo;ils t&acirc;chent de d&eacute;jouer&nbsp;?</p> <p>Ce vaste ensemble d&rsquo;&oelig;uvres critiques &agrave; l&rsquo;&eacute;gard d&rsquo;un discours manag&eacute;rial devenu &laquo;&nbsp;norme&nbsp;&raquo;, standard de langue dissimulant son caract&egrave;re id&eacute;ologique, trouve aussi son pendant fictionnel, que ce soit au cin&eacute;ma<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title="">[1]</a>, dans le roman<a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title="">[2]</a> o&ugrave; se d&eacute;veloppent depuis les ann&eacute;es 2000 les romans d&rsquo;entreprise, et -c&rsquo;est ce qui nous int&eacute;resse ici- au th&eacute;&acirc;tre, le plus souvent dans la perspective plus globale d&rsquo;une d&eacute;nonciation de la violence du monde du travail actuel<a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title="">[3]</a>, dont la langue est un des aspects. Les tentatives th&eacute;&acirc;trales de d&eacute;faire cette rh&eacute;torique de &nbsp;l&rsquo;&eacute;vidence qui caract&eacute;rise le discours n&eacute;olib&eacute;ral, de la mettre en pi&egrave;ces, &agrave; tous les sens du terme,&nbsp; ne sont pas en reste&nbsp;: elles sont symptomatiques d&rsquo;un retour de la question sociale et d&rsquo;un d&eacute;sir de th&eacute;&acirc;tre politique qui anime une certaine sc&egrave;ne contemporaine fran&ccedil;aise depuis les ann&eacute;es 1990-2000, comme Muriel Plana et Olivier Neveu, principaux th&eacute;oriciens du th&eacute;&acirc;tre politique contemporain, s&rsquo;accordent &agrave; le dire<a href="#_ftn4" name="_ftnref4" title="">[4]</a>. Tout aussi symptomatique de ce th&eacute;&acirc;tre de l&rsquo;extr&ecirc;me contemporain est le regain d&rsquo;attention port&eacute; au verbe et &agrave; la langue, faisant suite &agrave; l&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;affaiblissement du verbal&nbsp;&raquo; (Plana, 1994, p.46) au profit de l&rsquo;image et du corps, caract&eacute;ristique du th&eacute;&acirc;tre postdramatique. Situer la d&eacute;marche de Solenn Jarniou, implique donc de proc&eacute;der au pr&eacute;alable &agrave; un rapide &eacute;tat des lieux de la question, dans le monde du th&eacute;&acirc;tre, des ann&eacute;es 1990 &agrave; 2020.</p> <p>Mais comment parler &laquo;&nbsp;en dehors&nbsp;&raquo; de la langue de l&rsquo;id&eacute;ologie&nbsp;? Comment op&eacute;rer &laquo;&nbsp;l&agrave; o&ugrave; &ccedil;a parle &agrave; notre place<a href="#_ftn5" name="_ftnref5" title="">[5]</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;? Comment, aussi, &eacute;chapper &agrave; un contre-discours qui, en un singulier retournement, se retrouve parfois tout aussi tiss&eacute; de formules st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;es&nbsp;que les st&eacute;r&eacute;otypes qu&rsquo;il entend d&eacute;faire ?</p> <p>Par-del&agrave; la diversit&eacute; des d&eacute;marches critiques imagin&eacute;es par les dramaturges en ce d&eacute;but de XXI&egrave;me si&egrave;cle, ces pi&egrave;ces concourent &agrave; produire un m&ecirc;me effet&nbsp;: celui d&rsquo;une d&eacute;familiarisation<a href="#_ftn6" name="_ftnref6" title="">[6]</a>, notion dont Chlovski (1990) est le concepteur et que Corinne Grenouillet identifie aussi dans certains romans d&rsquo;entreprise contemporains&nbsp;:<span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span style="vertical-align:baseline"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span style="color:black"> </span></span></span></span></span></span></span></p> <blockquote> <p>En d&rsquo;autres termes, l&rsquo;art (et il faut dans ce terme inclure la litt&eacute;rature) sert &agrave; voir vraiment une chose famili&egrave;re, c&rsquo;est-&agrave;-dire &agrave; la comprendre, et non &agrave; la retrouver telle que nous pensions la conna&icirc;tre. La sensation produite par l&rsquo;art/la litt&eacute;rature aboutit donc &agrave; une forme sp&eacute;cifique de connaissance. [Il s&rsquo;agit alors de] montrer comment la litt&eacute;rature, en d&eacute;familiarisant les discours de l&rsquo;&eacute;conomie et du management, les rend visibles (Grenouillet, 2015, p. 208).</p> </blockquote> <p>Au plan du travail de la langue, les moyens que se donne le th&eacute;&acirc;tre de parvenir &agrave; cette d&eacute;familiarisation nous semblent principalement de trois ordres&nbsp;: des proc&eacute;d&eacute;s de d&eacute;figuration, de montage ou de t&eacute;lescopage. Nicole Caligaris et Jacques Jouet nous paraissent repr&eacute;sentatifs de la premi&egrave;re tendance&nbsp;: dans L&rsquo;os du doute, Nicole Caligaris proc&egrave;de &agrave; une d&eacute;figuration du langage manag&eacute;rial par son &eacute;videment. Elle met en sc&egrave;ne la verve st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;e, masturbatoire et &eacute;trangement irr&eacute;elle de trois cadres, ma&icirc;tres du monde dont la langue semble tourner &agrave; vide, faisant du &laquo;&nbsp;blanc&nbsp;&raquo; la couleur et le th&egrave;me de cette pi&egrave;ce<a href="#_ftn7" name="_ftnref7" title="">[7]</a> en partie inspir&eacute;e du<span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span style="vertical-align:baseline"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span style="color:black"> <i>Strategor,</i> </span></span></span></span></span></span></span>manuel de strat&eacute;gie d&rsquo;entreprise. Sa d&eacute;marche consiste alors &agrave; creuser, &agrave; d&eacute;graisser &laquo;&nbsp;jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;os&nbsp;&raquo; ce langage pour en exhiber le vide s&eacute;mantique (rejoignant la th&eacute;matique des <span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span style="vertical-align:baseline"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span style="color:black"><i>bullshitsjobs,</i> l</span></span></span></span></span></span></span>itt&eacute;ralement &laquo;&nbsp;boulots &agrave; la con&nbsp;&raquo;, ces m&eacute;tiers du vide sans r&eacute;el int&eacute;r&ecirc;t r&eacute;el pour la soci&eacute;t&eacute; mais permettant de continuer &agrave; cr&eacute;er de l&rsquo;emploi dans un contexte o&ugrave; celui-ci tend &agrave; dispara&icirc;tre, &eacute;tudi&eacute;s par l&rsquo;anthropologue David Graeber dans l&rsquo;ouvrage du m&ecirc;me nom &ndash; Graeber, 2018). Jacques Jouet, dans Le March&eacute;, s&rsquo;inspire des exp&eacute;rimentations et de l&rsquo;&eacute;criture &agrave; contraintes de L&rsquo;Oulipo pour faire grimacer un peu diff&eacute;remment la langue manag&eacute;riale, effets de listes, contrep&egrave;teries, syllepses ou glissements de sens permettant de mettre &agrave; jour une violence d&rsquo;ordinaire souterraine (comme dans &laquo;&nbsp;Pan&nbsp;!&nbsp;&raquo;, sc&egrave;ne qui propose une variation sonore autour du son d&rsquo;un coup de feu &ndash; Jouet, 2020). Du c&ocirc;t&eacute; du montage de textes, on peut &eacute;voquer la d&eacute;marche de Jean-Charles Massera dans <span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span style="vertical-align:baseline"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span style="color:black"><i>United Problems of Co&ucirc;t de la Main d&rsquo;&oelig;uvre,</i> </span></span></span></span></span></span></span>qui ins&egrave;re des passages de son cru dans la v&eacute;ritable interview d&rsquo;un homme d&rsquo;affaires renomm&eacute;, F&eacute;lix Rohatyn<a href="#_ftn8" name="_ftnref8" title="">[8]</a>. Enfin, Fr&eacute;d&eacute;ric Lordon, dans<span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span style="vertical-align:baseline"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span style="color:black"> <i>D&rsquo;un retournement l&rsquo;autre, com&eacute;die s&eacute;rieuse sur la crise financi&egrave;re,</i> </span></span></span></span></span></span></span>fait le choix de couler le langage manag&eacute;rial dans le moule de l&rsquo;alexandrin pour produire un effet de &laquo;&nbsp;t&eacute;lescopage [&hellip;] &raquo; (Lordon, 2011, p.134) vivifiant entre deux langues. La pi&egrave;ce de Solenn Jarniou, <span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span style="vertical-align:baseline"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span style="color:black"><i>Le Manager les deux crapauds et l&rsquo;air du temps,</i> </span></span></span></span></span></span></span>cr&eacute;&eacute;e en 2014, avec la compagnie Acta Fabula, dans une mise en sc&egrave;ne o&ugrave; elle collabore avec Solange Malenfant, nous semble relever de ce type de strat&eacute;gie dans la mesure plut&ocirc;t o&ugrave; elle met en &oelig;uvre la repr&eacute;sentation de langages concurrents, marginaux, hors de la norme pour les confronter par t&eacute;lescopage au phras&eacute; manag&eacute;rial et produire des effets de d&eacute;calage. C&rsquo;est &agrave; cet &eacute;gard qu&rsquo;elle nous semble particuli&egrave;rement int&eacute;ressante.</p> <p>Form&eacute;e &agrave; l&rsquo;exigeante &eacute;cole du Th&eacute;&acirc;tre des Amandiers de Patrice Ch&eacute;reau &agrave; Nanterre, Solenn Jarniou poursuit son travail en marge des sc&egrave;nes nationales et des institutions ; elle ne se d&eacute;finit pas comme une dramaturge faisant &oelig;uvre et confesse avoir la sensation d&rsquo;&eacute;crire plut&ocirc;t &laquo;&nbsp;sur le coin de son frigidaire<a href="#_ftn9" name="_ftnref9" title="">[9]</a>&nbsp;&raquo;. Elle se pr&eacute;sente elle-m&ecirc;me comme &eacute;voluant dans une forme d&rsquo;atypie, fuyant le &laquo;&nbsp;monde des<span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span style="vertical-align:baseline"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span style="color:black"> <i>th&eacute;&acirc;treux</i></span></span></span></span></span></span></span><a href="#_ftn10" name="_ftnref10" title="">[10]</a><span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span style="vertical-align:baseline"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span style="color:black">&nbsp;&raquo;, s</span></span></span></span></span></span></span>elon ses propres termes. Cr&eacute;e en 2014 au festival off d&rsquo;Avignon, publi&eacute;e &agrave; compte d&rsquo;auteur et vendue &agrave; l&rsquo;issue de ses repr&eacute;sentations<span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span style="vertical-align:baseline"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span style="color:black">, <i>Le Manager, les deux crapauds et l&rsquo;air du temps</i>, p</span></span></span></span></span></span></span>arvient rapidement &agrave; se faire rep&eacute;rer du public parmi le capharna&uuml;m des mille-trois-cent spectacles repr&eacute;sent&eacute;s. Tandis que la premi&egrave;re ne compte que quatre spectateurs, la petite salle du grenier &agrave; sel voit rapidement affluer le public attir&eacute; par cette curiosit&eacute; linguistique, puis toutes les dates sont compl&egrave;tes. La troupe nantaise parvient ensuite &agrave; se faire programmer dans plusieurs salles fran&ccedil;aises, en particulier dans l&rsquo;Ouest. Le pari &eacute;conomique, toujours risqu&eacute; pour les aventuriers du<span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span style="vertical-align:baseline"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span style="color:black"> o<i>ff</i>, e</span></span></span></span></span></span></span>st alors gagn&eacute;. Le propos et le caract&egrave;re burlesque de la pi&egrave;ce sont parmi les composantes de ce succ&egrave;s.<span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span style="vertical-align:baseline"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span style="color:black"> <i>Le Manager, les deux crapauds et l&rsquo;air du temps</i> d</span></span></span></span></span></span></span>e Solenn Jarniou se propose en effet d&rsquo;aborder cette question de l&rsquo;atypie du discours &agrave; l&rsquo;aune des laiss&eacute;s pour compte du monde socioprofessionnel : elle fait du ch&ocirc;mage son sujet, mais sa particularit&eacute; est de l&rsquo;envisager comme un probl&egrave;me d&rsquo;abord linguistique. Dans la pi&egrave;ce, le monde du travail est ainsi observ&eacute;<span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span style="vertical-align:baseline"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span style="color:black"> <i>en hors champs,</i> pour emprunter au lexique du cin&eacute;ma, c&rsquo;est-&agrave;-dire par ses marges, du point de vue des naufrag&eacute;s du n&eacute;olib&eacute;ralisme, dont la langue constitue un</span></span></span></span></span></span></span> socle normatif tranchant, excluant. L&rsquo;atypie n&rsquo;a de sens que par rapport &agrave; une norme de r&eacute;f&eacute;rence&nbsp;: d&egrave;s le titre, cette norme est qualifi&eacute;e par l&rsquo;autrice d&rsquo;&laquo;air du temps&nbsp;&raquo;, au sens olfactif, un <span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span style="vertical-align:baseline"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span style="color:black"><i>je-ne-sais-quoi</i> a&eacute;rien et impalpable, comme un parfum qui flotte et nous impr&egrave;gne, ou au sens auditif (la pi&egrave;ce &eacute;tant par ailleurs jalonn&eacute;e de passages en parl&eacute;-chant&eacute; qui c&eacute;l&egrave;brent de fa&ccedil;on trop ostentatoire pour &ecirc;tre pris au premier degr&eacute;, les progr&egrave;s des deux &laquo;&nbsp;apprenants&nbsp;&raquo;) comme une rumeur, une ritournelle que l&rsquo;on fredonne machinalement et sans y penser, et qui colonise nos m&eacute;moires durablement. Le ch&ocirc;mage na&icirc;t pr&eacute;cis&eacute;ment d&rsquo;une inaptitude &agrave; entonner l&rsquo;air du temps en en parlant le dit &laquo;&nbsp;langage&nbsp;normal&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></span><a href="#_ftn11" name="_ftnref11" title="">[11]</a>,<span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span style="vertical-align:baseline"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span style="color:black"> manifestation d&rsquo;une non-conformit&eacute; aux codes du monde du travail&nbsp;et d&rsquo;une forme de d&eacute;viation : il est le r&eacute;sultat d&rsquo;une forme d&rsquo;atypie ou d&rsquo;inadaptation <i>discursive.</i></span></span></span></span></span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span style="vertical-align:baseline"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span style="color:black">La pi&egrave;ce s&rsquo;inscrit dans le respect des traditionnelles unit&eacute;s de temps et de lieu, et se d&eacute;roule &agrave; huis clos. Dans une agence de p&ocirc;le emploi, un Conseiller prend en charge deux ch&ocirc;meurs, ses deux premiers rendez-vous de la journ&eacute;e, qu&rsquo;il doit r&eacute;int&eacute;grer rapidement dans le monde du travail, sous peine d&rsquo;&ecirc;tre lui-m&ecirc;me licenci&eacute;. La pi&egrave;ce s&rsquo;attache &agrave; montrer que nul n&rsquo;&eacute;chappe &agrave; l&rsquo;injonction &agrave; ne travailler que pour les chiffres, rationalisation que l&rsquo;on appelle &laquo;&nbsp;<i>lean management</i>&nbsp;&raquo; o</span></span></span></span></span></span></span>u &laquo;&nbsp;management par les objectifs<a href="#_ftn12" name="_ftnref12" title="">[12]</a>&nbsp;&raquo; &ndash; pas m&ecirc;me les travailleurs du social comme les Conseillers p&ocirc;le-emploi &ndash;&nbsp;; nul n&rsquo;&eacute;chappe non plus &agrave; la pr&eacute;carit&eacute; qui caract&eacute;rise les nouvelles formes du travail &agrave; l&rsquo;&egrave;re n&eacute;olib&eacute;rale, selon le sociologue Serge Paugam (Paugam, 2000). Mais la t&acirc;che n&rsquo;est pas ais&eacute;e car tandis que la premi&egrave;re candidate, d&eacute;sign&eacute;e par le pronom &laquo;&nbsp;ELLE&nbsp;&raquo;, ne s&rsquo;exprime qu&rsquo;en argot, le second, d&eacute;sign&eacute; par le pronom &laquo;&nbsp;LUI&nbsp;&raquo;, ne parle qu&rsquo;en alexandrins. Le Conseiller P&ocirc;le emploi doit alors avoir recours au Manager, son fr&egrave;re jumeau, qui va s&rsquo;efforcer, par une formation acc&eacute;l&eacute;r&eacute;e et une s&eacute;rie d&rsquo;exercices quelque peu infantilisants, d&rsquo;apprendre aux deux ch&ocirc;meurs &agrave; s&rsquo;exprimer dans une langue dont ils ignorent absolument tout afin de parler la langue de la norme&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je vais vous demander de quitter peu &agrave; peu votre langage&nbsp;[&hellip;]&nbsp;Je vais vous dire une phrase dans votre langage, vous me la traduirez en langage normal &raquo; (Jarniou, 2014, p.24). Le choix du verbe &laquo;&nbsp;traduire&nbsp;&raquo; donne &agrave; entendre une confusion entre langue et langage&nbsp;: il est question de changer de langage comme on change de pays ou de peau, d&rsquo;une sorte de d&eacute;placement. Pas d&rsquo;issue possible au ch&ocirc;mage sans cette entreprise de standardisation de la langue, qui rel&egrave;ve d&rsquo;une forme de violence symbolique.</p> <p>Cet objet th&eacute;&acirc;tral quelque peu fantasque, qui raconte l&rsquo;entreprise de r&eacute;&eacute;ducation verbale de deux pr&eacute;tendants &agrave; l&rsquo;embauche tout &agrave; fait inadapt&eacute;s au monde du travail, semble un bon poste d&rsquo;observation &agrave; la fois des formes litt&eacute;raires que prend le langage atypique, qui re&ccedil;oit ici un traitement burlesque, mais aussi et surtout de l&rsquo;une de ses fonctions litt&eacute;raires&nbsp;: un dispositif de d&eacute;familiarisation satirique qui permet de questionner le caract&egrave;re construit et artificiel de cette &ndash; dite &ndash;&nbsp; normalit&eacute; socioprofessionnelle, et de discuter la pr&eacute;&eacute;minence de ce langage de r&eacute;f&eacute;rence et des rapports humains (ou inhumains) qu&rsquo;il engage.</p> <h2 style="margin-top: 7px;"><span style="font-size:14pt"><span style="line-height:150%"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-weight:bold"><span style="background:white"><span style="color:black">Langages crapauds&nbsp;: le traitement burlesque de l&rsquo;atypie discursive et sociale&nbsp;</span></span></span></span></span></span></span></h2> <p>On pourrait qualifier la pi&egrave;ce de &laquo;&nbsp;fable burlesque&nbsp;&raquo;&nbsp;: la d&eacute;familiarisation proc&egrave;de ici de ce que Jean-Pierre Sarrazac nomme le &laquo;&nbsp;d&eacute;tour &raquo;, d&eacute;tour d&rsquo;autant plus n&eacute;cessaire que la pi&egrave;ce porte sur le r&eacute;el le plus it&eacute;ratif qui soit, le monde du travail :</p> <blockquote> <p>L&rsquo;esprit de routine et de substitution soit nous fait trop coller &agrave; la r&eacute;alit&eacute; soit nous en coupe irr&eacute;m&eacute;diablement soit les deux &agrave; la fois&nbsp;: nous sommes dans un rapport de coalescence avec une r&eacute;alit&eacute; que nous ne voyons plus&nbsp;; nous nous engluons dans le &laquo;&nbsp;d&eacute;j&agrave; connu&nbsp;&raquo;. L&rsquo;esprit du d&eacute;tour, lui, nous ouvre le chemin d&rsquo;une reconnaissance&nbsp;: nous nous &eacute;loignons pour mieux nous rapprocher (Sarrazac, Naugrette, Kuntz, Losco et D. Lescot, 2004, p. 60).</p> </blockquote> <p>Le titre Le Manager, les deux crapauds et l&rsquo;air du temps &eacute;vocateur des apologues d&rsquo;Esope ou de l&rsquo;univers des <span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span style="vertical-align:baseline"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span style="color:black"><i>Fables </i>de La Fontaine, </span></span></span></span></span></span></span>s&rsquo;inspire des m&eacute;canismes de la fable&nbsp;: la pi&egrave;ce en reprend le principe de d&eacute;r&eacute;alisation par la charge, puisqu&rsquo;aucun des quatre personnages de la pi&egrave;ce n&rsquo;&eacute;chappe &agrave; sa caricature, les deux crapauds comme le Conseiller et le Manager, tous participant du comique de mots et de caract&egrave;re&nbsp;; de la fable, elle rejoue aussi le m&eacute;canisme du r&eacute;cit &laquo;&nbsp;&agrave; chute&nbsp;&raquo;, puisqu&rsquo;au d&eacute;nouement, s&rsquo;op&egrave;re un coup de th&eacute;&acirc;tre invraisemblable, les deux marginaux se convertissant au langage normal et &agrave; &laquo;&nbsp;l&rsquo;air du temps&nbsp;&raquo; dans un faussement joyeux parl&eacute;-chant&eacute; tandis que dans une ultime p&eacute;rip&eacute;tie le Conseiller p&ocirc;le emploi se suicide, s&rsquo;&eacute;tant vu confier une nouvelle et inabordable t&acirc;che par une note de service de sa direction. On est bien l&agrave; face &agrave; ce que Fr&eacute;d&eacute;ric Lordon nomme une entreprise de &laquo;&nbsp;surr&eacute;alisation&nbsp;&raquo;&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&nbsp;[&hellip;] imp&eacute;rieuse n&eacute;cessit&eacute; politique quand toutes les distensions temporelles du monde social tendent &agrave; la sous-r&eacute;aliser, et tous les efforts du discours dominant &agrave; la d&eacute;r&eacute;aliser.</p> <p>On comprendra mieux alors le parti-pris de ce th&eacute;&acirc;tre-l&agrave; s&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;abord de faire saillir la r&eacute;alit&eacute; [&hellip;]. Il n&rsquo;y est pas question des tourments de l&rsquo;existence individuelle, on n&rsquo;y sonde pas les psych&eacute;s, on n&rsquo;explore pas les tr&eacute;fonds. Les personnages sont g&eacute;n&eacute;riques et finalement simples (Lordon, 2011, p.134).</p> </blockquote> <p>Aux antipodes d&rsquo;un th&eacute;&acirc;tre psychologisant, ELLE et LUI sont des silhouettes &laquo;&nbsp;g&eacute;n&eacute;riques&nbsp;&raquo; sans profondeur et bouffonnes, tenantes d&rsquo;un th&eacute;&acirc;tre de &laquo; l&rsquo;ext&eacute;riorit&eacute;&nbsp;&raquo; (Lordon, 2011, p.134). L&rsquo;&oelig;uvre, dans une veine satirique, choisit pourtant d&rsquo;&eacute;voquer la question grave du ch&ocirc;mage et de la pr&eacute;tendue normalit&eacute; &agrave; atteindre, pour en sortir&nbsp;: c&rsquo;est par le d&eacute;tour du burlesque qu&rsquo;elle pose ici la question du lien entre langage et norme sociale. Comme s&rsquo;en explique la dramaturge, le choix du burlesque permet d&rsquo;aborder des questions fort s&eacute;rieuses de fa&ccedil;on plus incisive, plus cinglante, le comique fonctionnant comme une sorte de masque protecteur. La Fontaine n&rsquo;aurait sans doute pas d&eacute;savou&eacute; son propos. La d&eacute;rision apparait donc comme une r&eacute;ponse &agrave; un syst&egrave;me inqui&eacute;tant, la libert&eacute; joyeuse du propos n&rsquo;excluant nullement la profondeur.</p> <p>Le langage hors-norme(s), &agrave; travers la figure des &laquo;&nbsp;deux crapauds&nbsp;&raquo;, est celui de l&rsquo;anomie, de l&rsquo;inadaptation sociale&nbsp;: le spectateur est alors confront&eacute; &agrave; des personnages qui semblent tout ignorer des codes de l&rsquo;embauche, rest&eacute;s &agrave; cet &eacute;gard dans un &eacute;tat virginal et quasi adamique, pure fiction litt&eacute;raire &eacute;voquant la formule de Bakhtine :</p> <blockquote> <p>Seul l&rsquo;Adam mythique abordant avec sa premi&egrave;re parole un monde pas encore mis en question aurait &eacute;t&eacute; &agrave; m&ecirc;me de produire un discours soustrait au d&eacute;j&agrave; dit de la parole d&rsquo;autrui (Bakhtine, 1987, p.100).</p> </blockquote> <p>Le langage atypique des crapauds est d&rsquo;embl&eacute;e associ&eacute; au paroxysme de la laideur, le coassement, mais il est aussi pos&eacute; de fa&ccedil;on suggestive sous l&rsquo;angle de ses virtualit&eacute;s de transformation&nbsp;: il va s&rsquo;agir en effet de m&eacute;tamorphoser les deux crapauds en princes de l&rsquo;embauche. La laideur est aussi physique, le personnage d&rsquo;ELLE &eacute;tant fille d&rsquo;un p&egrave;re qui a &laquo;&nbsp;plus un physique de radio que de t&eacute;l&eacute;&nbsp;&raquo;, d&rsquo;un p&egrave;re &laquo;&nbsp;laid &agrave; faire rater une couv&eacute;e de singes&nbsp;&raquo; (Jarniou, 2014, p.29). Ces personnages de d&eacute;class&eacute;s sont rel&eacute;gu&eacute;s dans une forme d&rsquo;anormalit&eacute; et jug&eacute;s tellement inadaptables que le Conseiller p&ocirc;le emploi envisage d&rsquo;abord de les n&eacute;antiser, tout simplement&nbsp;: &laquo;&nbsp;je vous efface, je ne vous ai jamais vu, re&ccedil;u et surtout entendu&nbsp;&raquo; (Jarniou, 2014, p.13). Le bilan du Manager charg&eacute; de leur r&eacute;&eacute;ducation est lui aussi sans appel&nbsp;; apr&egrave;s un premier &laquo;&nbsp;diagnostic&nbsp;&raquo; (Jarniou, 2014, p.16), terme qui implique bien qu&rsquo;il les consid&egrave;re atteints d&rsquo;une v&eacute;ritable pathologie de langage, il &eacute;nonce un verdict sans appel&nbsp;: &laquo;&nbsp;Vous avez compris que votre probl&egrave;me vient de votre langage. Si vous voulez vous r&eacute;int&eacute;grer dans la soci&eacute;t&eacute; et trouver du travail, il faut parler comme tout le monde&nbsp;&raquo; (Jarniou, 2014, p.17).</p> <p>Dans le contexte tr&egrave;s normatif du monde du travail, chacun des deux &laquo;&nbsp;crapauds&nbsp;&raquo; fait donc grimacer ou coasser la norme, par le bas (l&rsquo;argot) ou par le haut (l&rsquo;alexandrin, la rime).</p> <p>Du c&ocirc;t&eacute; du &laquo;&nbsp;bas&nbsp;&raquo;, le langage hors-norme(s) du personnage d&rsquo;ELLE est une langue argotique et triviale, qui se confond ici avec une expression de soi qui confine au solipsisme, au point qu&rsquo;il soit besoin pour le d&eacute;chiffrer d&rsquo;un savoureux lexique pr&eacute;c&eacute;dant la pi&egrave;ce, sorte d&rsquo;antith&egrave;se d&rsquo;un<span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black"> <i>Dictionnaire des id&eacute;es re&ccedil;ues. </i>V</span></span></span></span></span></span></span></span>oici sa premi&egrave;re r&eacute;plique&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Allez surtout pas croire que je les ai palm&eacute;es, j&rsquo;ai de l&rsquo;atout croyez-moi, j&rsquo;en ai dans le tube, mais vous voyez, si j&rsquo;ai toujours &eacute;t&eacute; d&rsquo;&eacute;querre eh ben j&rsquo;ai presque le sang &agrave; bosser pour la maison repassman, et tant pis si je me retrouve trop pr&egrave;s du soleil, tant pis si &ccedil;a craint le jour, vous voyez ce que je veux dire&nbsp;? (Jarniou, 2014, p.9).</p> </blockquote> <p>&laquo;&nbsp;Pas bien non&nbsp;&raquo;, r&eacute;pond son Conseiller. Se pose en effet, d&rsquo;embl&eacute;e, au spectateur la question de la compr&eacute;hension de cette langue, dans la mesure o&ugrave; une partie des r&eacute;pliques pourrait &ecirc;tre compar&eacute;e &agrave; une langue &eacute;trang&egrave;re dont il ne nous est fourni aucune traduction, le spectateur se trouvant alors pour quelques temps lui-m&ecirc;me dans la posture de perplexit&eacute; qui est celle de l&rsquo;exclu verbal ou linguistique de ces personnages de d&eacute;class&eacute;s. Pour aider &agrave; la compr&eacute;hension du spectacle, un marque page comportant la traduction de certaines expressions est transmis au spectateur, en d&eacute;but de repr&eacute;sentation, r&eacute;duit &agrave; une dizaine de mots seulement par rapport au lexique pr&eacute;sent dans le texte &eacute;dit&eacute;&nbsp;; mais l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t est bien de produire un langage qui ne se r&eacute;sume pas &agrave; un acte de communication et qui n&rsquo;ait pas pour vis&eacute;e exclusive d&rsquo;&ecirc;tre compris, au sens rationnel du terme &nbsp;&mdash; par ailleurs, la p&eacute;nombre de la salle rend &eacute;videmment difficile la consultation du petit lexique en cours de spectacle. On apprend dans ce dernier que p&ocirc;le emploi sera &laquo;&nbsp;la planque &agrave; larbins&nbsp;&raquo;, le cimeti&egrave;re &laquo;&nbsp;le boulevard des allong&eacute;s&nbsp;&raquo;, que &laquo;&nbsp;nager dans l&rsquo;encre&nbsp;&raquo; signifiera &laquo;&nbsp;&ecirc;tre dans la mis&egrave;re&nbsp;&raquo;, et &laquo;&nbsp;truquer de la pogne&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;mendier&nbsp;&raquo; (Jarniou, 2014, p.6-7), une grande partie de ces expressions consistant &agrave; res&eacute;mantiser certains &eacute;l&eacute;ments du r&eacute;el en les d&eacute;signant par des p&eacute;riphrases m&eacute;taphoriques au caract&egrave;re truculent (qui ne sont pas sans &eacute;voquer les films de Jacques Audiard ou le dictionnaire de la langue verte de Delvaux). Solenn Jarniou, com&eacute;dienne incarnant &laquo;&nbsp;ELLE&nbsp;&raquo;, explique que ce langage atypique, dont elle est pourtant l&rsquo;inventeur.e., lui a d&rsquo;abord pos&eacute; un probl&egrave;me physique d&rsquo;&eacute;locution&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;ai eu beaucoup de mal parce que ma bouche ne voulait pas sortir cette enfilade de mots d&rsquo;argot, elle n&rsquo;&eacute;tait pas habitu&eacute;e, il a fallu la remuscler en quelque sorte<a href="#_ftn13" name="_ftnref13" title="">[13]</a>&nbsp;&raquo;. Mais il lui a fallu aussi accepter et apprendre &agrave; &laquo;&nbsp;ne pas avoir peur qu&rsquo;on ne comprenne pas ce que je dis. Et je me suis aper&ccedil;ue qu&rsquo;&agrave; la fin de la pi&egrave;ce, les gens me comprenaient alors qu&rsquo;ils ne me comprenaient pas- je pense que c&rsquo;est l&rsquo;&eacute;motion qui est derri&egrave;re, qui prime&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14" title="">[14]</a>&raquo;. Cette exp&eacute;rience paradoxale du comprendre sans comprendre, d&rsquo;une compr&eacute;hension par le spectateur de ce langage atypique qui passe par l&rsquo;&eacute;motion plut&ocirc;t que par un contenu de discours n&rsquo;est pas sans &eacute;voquer le &laquo;&nbsp;m&eacute;tro &eacute;motif&nbsp;&raquo; de Louis-Ferdinand C&eacute;line, une image qu&rsquo;il utilise pour qualifier son choix de l&rsquo;argot comme langue d&rsquo;&eacute;criture, c&rsquo;est-&agrave;-dire comme langue du narrateur&nbsp;: la qu&ecirc;te d&rsquo;une langue qui serait le v&eacute;hicule d&rsquo;une &eacute;motion. Solenn Jarniou affirme &agrave; cet &eacute;gard&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;aime la vulgarit&eacute; parce qu&rsquo;elle est proche d&rsquo;une v&eacute;rit&eacute;. Quand vous vous cognez le petit doigt de pied vous dites merde, et non &laquo;&nbsp;je souffre atrocement<a href="#_ftn15" name="_ftnref15" title="">[15]</a>&nbsp;&raquo;. Ainsi, c&rsquo;est dans cette langue verte, &agrave; peine intelligible, que le personnage d&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;ELLE&nbsp;&raquo; exprime la violence de son exclusion sociale et le grand vide douloureux du ch&ocirc;mage, sa lassitude et son profond d&eacute;sespoir existentiel lorsqu&rsquo;elle per&ccedil;oit lointainement la rumeur de ce monde &agrave; l&rsquo;&eacute;cart duquel on la rel&egrave;gue :</p> <blockquote> <p>Tous les chagrins du monde, y sont dans mon caisson. J&rsquo;ai jamais pu blairer les boucans d&rsquo;un patelin. Je sais qu&rsquo;ils sont ailleurs et que moi j&rsquo;y suis pas, ceux qui sont au turbin. Un chien qui japine au loin, la sir&egrave;ne de midi&hellip;Ma piaule c&rsquo;est Merogis et c&rsquo;est moi la ge&ocirc;li&egrave;re. Et le soir, &agrave; la tarde, le reflet de la luisante comme unique couvrante, l&agrave; je psychote &agrave; balle. Faut m&rsquo;excuser monsieur, mais l&agrave;, faut que je vide mon sac &agrave; bidoche. J&rsquo;crois pas au tapis bleu, j&rsquo;crois pas au p&egrave;re la tuile. Quand je serai macchab, escale chez Vivagel et direction le trou. J&rsquo;irai voir en dedans, boulevard des allong&eacute;s, effac&eacute;e mon ardoise, j&rsquo;aurai rendu les clefs. Parce que vous voyez, des fois, je vois qu&rsquo;une solution, m&rsquo;exploser le caisson (Jarniou, 2014, p.10).</p> </blockquote> <p>L&rsquo;argot est amen&eacute; &agrave; la sc&egrave;ne comme langue de la haine<a href="#_ftn16" name="_ftnref16" title="">[16]</a> ; il s&rsquo;agit de passer le monde au prisme de la violence, du d&eacute;sespoir mais aussi de l&rsquo;autod&eacute;rision qui poussent sur le terreau du d&eacute;classement social. Le langage hors-norme(s) des deux ch&ocirc;meurs proc&egrave;de donc ici non pas d&rsquo;un contre-discours sciemment choisi, mais bien plut&ocirc;t d&rsquo;un d&eacute;tachement, d&rsquo;une s&eacute;paration subie, indissociablement langagi&egrave;re, id&eacute;ologique et sociale. Jean-Pierre Sarrazac fait de ce d&eacute;tachement l&rsquo;un des paradigmes du sujet dans le th&eacute;&acirc;tre contemporain, &laquo;&nbsp;un&nbsp; homme s&eacute;par&eacute;&nbsp;&raquo; (Sarrazac, 2010, p.8), &agrave; la fois des autres, du corps social et de lui-m&ecirc;me, d&eacute;tachement qui est source de souffrance. Le choix de l&rsquo;argot est par ailleurs celui d&rsquo;un langage fortement connot&eacute; socialement : l&rsquo;argot est historiquement la langue de la gueuserie, comme le rappelle Denis Delaplace&nbsp;: &laquo;&nbsp;le mot&nbsp;Argot, on l&rsquo;a vu, est attest&eacute; pour la premi&egrave;re fois vers 1629 dans le&nbsp;Jargon ou Langage de l&rsquo;Argot reform&eacute;&nbsp;d&rsquo;Ollivier Chereau, qui l&rsquo;emploie pour d&eacute;signer le m&eacute;tier de(s) mendiant(s) organis&eacute; en corporation &raquo; (Delaplace, 2013, p.294).&nbsp;Mais battant en br&egrave;che l&rsquo;id&eacute;e commun&eacute;ment r&eacute;pandue que l&rsquo;argot serait &laquo;&nbsp;le vocabulaire pr&eacute;tendument secret du monde des malfaiteurs&raquo;, Denis Delaplace met surtout en &eacute;vidence l&rsquo;id&eacute;e que la cr&eacute;ation argotique est associ&eacute;e &agrave; un d&eacute;sir de subjectivit&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;la collecte fac&eacute;tieuse d&rsquo;un vocabulaire insolite expressif a d&eacute;bouch&eacute; sur une n&eacute;buleuse lexicale croissante aux contours difficiles &agrave; d&eacute;limiter, mais dont le centre est manifestement anim&eacute; par le besoin qu&rsquo;ont les &eacute;nonciateurs de s&rsquo;exprimer avec des mots &agrave; eux, porteurs de leur subjectivit&eacute; et attirant l&rsquo;attention sur elle&nbsp;&raquo; (Delpalace, 2013, p.293).&nbsp; Solenn Jarniou s&rsquo;inscrit ici dans la tradition de l&rsquo;argot litt&eacute;raire, profond&eacute;ment cr&eacute;ateur, qui remonte &agrave; Sue, &agrave; Balzac et &agrave; Hugo&nbsp;: s&rsquo;inspirant de l&rsquo;&eacute;nergie orale de l&rsquo;argot, de son caract&egrave;re m&eacute;taphorique, de la violence de ses images et de sa trivialit&eacute; aussi, <span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black"><i>imago agens</i> a</span></span></span></span></span></span></span></span>ux antipodes du langage gel&eacute; et ouat&eacute; du Conseiller p&ocirc;le emploi qui leur propose un &laquo;&nbsp;projet personnalis&eacute; d&rsquo;acc&egrave;s &agrave; l&rsquo;emploi<a href="#_ftn17" name="_ftnref17" title="">[17]</a>&nbsp;&raquo;.&nbsp; Cette invention est une v&eacute;ritable f&ecirc;te du langage, bizarrerie litt&eacute;raire jouissive pour le spectateur, proche de la pratique de la liste rabelaisienne, truculente, infinie, comme lorsqu&rsquo;ELLE &eacute;voque l&rsquo;argent&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je veux du taf. J&rsquo;ai besoin de m&eacute;tal, de mitraille, de zinc, de nickel, de carbure, de fraiche, de grisbi, d&rsquo;oseille, de talbins, de p&eacute;s&eacute;tas&hellip;&nbsp;&raquo; (Jarniou, 2014, p.13).</p> <p>&Agrave; l&rsquo;autre extr&eacute;mit&eacute; du spectre de l&rsquo;atypie, l&rsquo;alexandrin est la langue de LUI&nbsp;; vers classique et &laquo;&nbsp;noble&nbsp;&raquo; par excellence, mais aussi forme surann&eacute;e, l&rsquo;alexandrin exprime d&rsquo;abord dans la pi&egrave;ce le spleen du ch&ocirc;meur&nbsp;: &laquo;&nbsp;La d&eacute;pression transforme, et pas en ce qu&rsquo;on veut / C&rsquo;est la face cach&eacute;e qui exauce ses v&oelig;ux, / Celle qui le matin &eacute;coutant le journal / Invite<span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black"> <i>Mister Hide</i> e</span></span></span></span></span></span></span></span>t souhaite le mal &raquo; (Jarniou, 2014, p.12). &Agrave; l&rsquo;inverse du jaillissement spontan&eacute; de l&rsquo;argot, du c&ocirc;t&eacute; de la rapidit&eacute;, la langue de LUI rel&egrave;ve d&rsquo;une forme d&rsquo;atypie par sa lenteur, sa patiente &eacute;laboration&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je mets beaucoup de temps avant d&rsquo;ouvrir la bouche / Dans l&rsquo;espoir que mes mots et ma pens&eacute;e se touchent&nbsp;&raquo; (Jarniou, 2014, p.18), affirme LUI. L&agrave; encore, il s&rsquo;agit de mettre en &oelig;uvre une langue radicalement &eacute;trang&egrave;re au langage de la norme&nbsp;: Fr&eacute;d&eacute;ric Lordon, qui fait aussi le choix de l&rsquo;alexandrin dans sa pi&egrave;ce<span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black"> <i>D&rsquo;un retournement l&rsquo;autre,</i> q</span></span></span></span></span></span></span></span>uoique sa d&eacute;marche soit diff&eacute;rente (il choisit d&rsquo;y couler la phras&eacute;ologie capitaliste plut&ocirc;t que d&rsquo;en faire un langage concurrent), s&rsquo;exprime &agrave; ce sujet&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Et en alexandrins&hellip;Mais grands dieux, quelle id&eacute;e&nbsp;? Peut-&ecirc;tre d&rsquo;abord parce que les t&eacute;lescopages produisent des effets par eux-m&ecirc;mes, et que celui de la langue du th&eacute;&acirc;tre classique avec tout son univers de raffinement grand si&egrave;cle, et de l&rsquo;absolue vulgarit&eacute; du capitalisme contemporain se pose un peu l&agrave;. [&hellip;] Appliquer une forme, connue pour accompagner les grands sentiments moraux, aux plus mis&eacute;rables man&oelig;uvres de la finance en capilotade est peut-&ecirc;tre l&rsquo;un des moyens de ne pas c&eacute;der compl&egrave;tement au d&eacute;sespoir quand, pr&eacute;cis&eacute;ment, on voit dans la r&eacute;alit&eacute; ces man&oelig;uvres outrageusement triompher&nbsp;(Lordon, 2011, pp. 134-135).</p> </blockquote> <p>De m&ecirc;me, l&rsquo;ampleur de l&rsquo;alexandrin (que LUI d&eacute;clame aussi naturellement que l&rsquo;air qu&rsquo;il respire) offre des effets de contraste et de d&eacute;calage avec la m&eacute;diocrit&eacute;, la platitude it&eacute;rative de la condition journali&egrave;re du ch&ocirc;meur&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Se lever le matin ou plut&ocirc;t &agrave; l&rsquo;aurore</p> <p>Arpenter le pav&eacute;&hellip;merde &ccedil;a rime encore (Jarniou, 2014, p.26).</p> </blockquote> <p>Mais par-del&agrave; la diff&eacute;rence de registres qui semble opposer argot et alexandrin, ceux-ci sont ici surtout &agrave; envisager dans leurs points de contact. Tous deux se rejoignent en effet dans leur vocation au cratylisme secondaire, pour reprendre le titre du c&eacute;l&egrave;bre dialogue de Platon (Platon, 1998) : il s&rsquo;agit de chercher une langue capable de remotiver le signifiant pour qu&rsquo;il co&iuml;ncide avec le mouvement d&rsquo;une pens&eacute;e singuli&egrave;re. Pour le personnage de LUI, la parole est toujours une trahison de la pens&eacute;e, plus rapide que le langage, plus vibrante, compar&eacute;e &agrave; un &laquo;&nbsp;seau d&rsquo;anguilles&nbsp;&raquo; :</p> <blockquote> <p>Esp&eacute;rer que les mots traduisent la pens&eacute;e</p> <p>Autant traire une vache ou la faire valser</p> <p>Le Mot ne traduit pas. Face &agrave; ce qui jaillit</p> <p>&nbsp;Il se tra&icirc;ne, s&rsquo;essouffle, il abime ou trahit (Jarniou, 2014, p. 42).</p> </blockquote> <p><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">L</span></span></span></span></span></span></span></span>a pratique de l&rsquo;alexandrin de LUI comme celle de l&rsquo;argot d&rsquo;ELLE sont celles de langages qui confinent au baroque, excessivement ouvrag&eacute;s par rapport &agrave; la norme lisse, aplanissante de la &laquo;&nbsp;langue de coton&nbsp;&raquo;, langue neutre et ouat&eacute;e manifestant une &laquo;&nbsp;tendance &agrave; la standardisation&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18" title="">[18]</a> (Huygues, 2020). L&rsquo;alexandrin, dans l&rsquo;emploi qu&rsquo;en fait Solenn Jarniou, partage avec l&rsquo;argot un certain nombre de ses caract&eacute;ristiques et de ses figures : musicalit&eacute; et m&eacute;taphores exprimant le ch&acirc;timent social du ch&ocirc;meur (&laquo;&nbsp;C&rsquo;est l&rsquo;enfer qui vient l&agrave;, je vois son aileron / Quand il fondra sur moi, mes espoirs couleront&raquo; - Jarniou, 2014, p. 12), chiasme disant son ressentiment <span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">(&laquo;&nbsp;<i>Se r&eacute;jouit</i> </span></span></span></span></span></span></span></span>d&rsquo;une peine ou d&rsquo;un petit<span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black"> <i>malheur </i>/ A des <i>envies de tuer</i> qui nage en plein <i>bonheur</i>&raquo;-</span></span></span></span></span><span style="background:white"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black"> J</span></span></span></span></span></span>arniou, 2014, p. 12), inversions po&eacute;tiques appelant &agrave; l&rsquo;aide (&laquo;&nbsp;J&rsquo;ai besoin de votre aide ici<span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black"> <i>&agrave; l&rsquo;emploi p&ocirc;le</i>&raquo;</span></span></span></span></span><span style="background:white"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black"> - Jarniou, 2014, p. 12</span></span></span><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">), </span></span></span></span></span></span></span></span>mais aussi marques d&rsquo;oralit&eacute; (tournures cliv&eacute;es, n&eacute;gations &eacute;lid&eacute;es, termes familiers&hellip;) participant des effets de t&eacute;lescopage &eacute;voqu&eacute;s pr&eacute;c&eacute;demment.</p> <p>Alexandrin et argot sont en somme des langages qui proc&egrave;dent par expansion contrairement au langage du manager qui rel&egrave;ve le plus souvent de la r&eacute;duction&nbsp;: elles fonctionnent essentiellement dans la pi&egrave;ce sous le r&eacute;gime de la p&eacute;riphrase, mettant en &oelig;uvre une forme de copia, d&rsquo;abondance ou de d&eacute;bordement qui est celui de sujets qui ne trouvent pas &agrave; s&rsquo;int&eacute;grer dans un &laquo;&nbsp;cadre&nbsp;&raquo;. Ainsi dans la sc&egrave;ne o&ugrave; ELLE r&eacute;clame un verre d&rsquo;eau, celle-ci a recours &agrave; pas moins de sept formules diff&eacute;rentes<a href="#_ftn19" name="_ftnref19" title="">[19]</a>, sans jamais parvenir &agrave; la formulation &laquo;&nbsp;normale&nbsp;&raquo; attendue par son professeur. Le comique na&icirc;t donc moins du d&eacute;calage et de la confrontation abrupte entre ces deux langages atypiques (langage savant et langage populaire) que de leur commune confrontation au langage de la norme, qui produit bien le t&eacute;lescopage que nous &eacute;voquions pr&eacute;c&eacute;demment ; un choc des langages et des cultures, une guerre des langues mat&eacute;rialis&eacute;e sur sc&egrave;ne par un ring dans lequel entrent et sortent les personnages, selon qu&rsquo;ils acceptent ou non les r&egrave;gles du jeu social.</p> <h2 style="margin-top: 7px;"><span style="font-size:14pt"><span style="line-height:150%"><span style="break-after:avoid"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-weight:bold"><span style="background:white"><span style="color:black">L&rsquo;&oelig;il du crapaud&nbsp;: l&rsquo;atypie, dispositif de questionnement satirique de la norme</span></span></span></span></span></span></span></h2> <p>Face &agrave; l&rsquo;atypie verbale et sociale, la norme linguistique est port&eacute;e par les personnages du Conseiller et du Manager. Ces deux personnages sont incarn&eacute;s &agrave; la sc&egrave;ne par un m&ecirc;me com&eacute;dien, Christophe Gravouil&nbsp;; fa&ccedil;on de signifier au spectateur leur accointance mais aussi leur caract&egrave;re r&eacute;versible, &eacute;tant tout &agrave; la fois les garants de la doxa socioprofessionnelle (repr&eacute;sentation du manager, devenue r&eacute;currente au th&eacute;&acirc;tre, v&eacute;ritable &laquo;&nbsp;coach&nbsp;&raquo; en comportement et en langage) et les victimes des effets de la pr&eacute;carisation qui en est le n&eacute;cessaire apanage. A cet &eacute;gard, la pi&egrave;ce est assez comparable &agrave; la technique du regard &eacute;tranger, employ&eacute;e par les philosophes des Lumi&egrave;res<a href="#_ftn20" name="_ftnref20" title="">[20]</a>pour questionner le monde comme il va avec une feinte na&iuml;vet&eacute;. Ainsi les deux ing&eacute;nus vont poser un regard neuf sur les conventions de langage du monde socioprofessionnel, donnant peu &agrave; peu &agrave; la pi&egrave;ce les couleurs d&rsquo;une r&eacute;flexion linguistique.</p> <p>Le langage atypique des crapauds fonctionne en effet comme un dispositif qui permet de questionner la l&eacute;gitimit&eacute; et la violence de l&rsquo;endoctrinement &agrave; cette langue professionnellement &laquo;&nbsp;norm&eacute;e&nbsp;&raquo;, du c&ocirc;t&eacute; du pouvoir, tout au moins celui de l&rsquo;embaucheur. Le m&eacute;diologue Fran&ccedil;ois-Bernard Huygue distingue trois formes de langage pouvoir, qu&rsquo;il qualifie de &laquo;&nbsp;langues de censure&nbsp;&raquo; (Huygues, 2020, p.20)&nbsp;: le jargon, convention langagi&egrave;re d&rsquo;une minorit&eacute; qui produit sur les autres un effet de sid&eacute;ration&nbsp;; la novlangue, &laquo;&nbsp;parole officielle formalis&eacute;e et dont la r&eacute;p&eacute;tition s&rsquo;impose &agrave; tous&nbsp;&raquo; mais qui &laquo;&nbsp;s&rsquo;assume comme langue d&rsquo;autorit&eacute;&nbsp;&raquo;, et la langue de coton, qui s&rsquo;oppose &agrave; la rigueur id&eacute;ologique de la langue de bois, le coton &eacute;voquant le confort, langue &laquo;&nbsp;si consensuelle, si peu discriminante, si floue qu&rsquo;il n&rsquo;est plus possible de dire le contraire&raquo; (Huygues, 2020, p.21), du c&ocirc;t&eacute; du politiquement correct. D&rsquo;abord du c&ocirc;t&eacute; du langage jargon, le Manager auquel recourt le Conseiller p&ocirc;le emploi, d&eacute;sempar&eacute; par ses deux crapauds, entre en sc&egrave;ne fort de l&rsquo;aplomb que lui donne son sabir d&rsquo;abord truff&eacute; d&rsquo;anglicisme jusqu&rsquo;au grotesque. La fonction burlesque de la parodie, telle qu&rsquo;&eacute;voqu&eacute;e par Tomachevski<a href="#_ftn21" name="_ftnref21" title="">[21]</a> fonctionne &agrave; plein&nbsp;: il s&rsquo;agit de mettre &agrave; nu des proc&eacute;d&eacute;s m&eacute;canis&eacute;s.&nbsp; Le ridicule change de camp et le comique va na&icirc;tre alors des progr&egrave;s laborieux des deux ch&ocirc;meurs et de leurs rechutes r&eacute;guli&egrave;res dans l&rsquo;argot ou dans les rimes, de leurs r&eacute;sistances &agrave; ce formatage social, qui tendent &agrave; d&eacute;sesp&eacute;rer un Manager pourtant &eacute;nergique et soucieux de se mettre &agrave; la port&eacute;e de ses deux recrues, en adoptant d&rsquo;abord leur langage.</p> <p>Le premier exercice propos&eacute; par le Manager n&rsquo;est pas sans &eacute;voquer l&rsquo;entreprise de r&eacute;&eacute;ducation langagi&egrave;re souvent quelque peu humiliante que m&egrave;nent les v&eacute;ritables Conseillers en r&eacute;insertion professionnelle avec ceux qui &laquo;&nbsp;n&rsquo;ont pas les codes&nbsp;&raquo;, dont on peut trouver t&eacute;moignage par exemple, dans le film documentaire de Nora Philippe<span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black"> <i>P&ocirc;le emploi, ne quittez pas</i>&nbsp;!</span></span></span></span></span></span></span></span> (Philippe, 2013), faisant la chronique d&rsquo;un p&ocirc;le emploi du 93. Il s&rsquo;agit d&rsquo;apprendre &agrave; se pr&eacute;senter, &agrave; dire &laquo;&nbsp;bonjour&nbsp;&raquo;. Tout commence par l&rsquo;enseignement de ces mots qui parlent pour ne rien dire, autrement dit par ce que Jakobson nomme la &laquo;&nbsp;fonction phatique du langage<a href="#_ftn22" name="_ftnref22" title="">[22]</a>&nbsp;&raquo;, cette fonction qui vise seulement &agrave; &eacute;tablir ou &agrave; maintenir le contact entre locuteur et destinataire. Cet exercice faussement &laquo;&nbsp;simple comme bonjour&nbsp;&raquo; (Jarniou, 2014, p.20) (comme l&rsquo;affirme na&iuml;vement le Manager) devient pr&eacute;texte &agrave; un examen approfondi des conventions du langage normatif dans son plus simple appareil. On acc&egrave;de ici &agrave; une autre modalit&eacute; du discours hors-norme, consistant &agrave; se poser en dehors de la norme, en qualit&eacute; de spectateur (ce qui revient &agrave; refuser celle d&rsquo;acteur), tenant le discours de la norme pour un objet critique, pour reprendre la terminologie &eacute;tablie par Jacqueline Authier-Revuz pour caract&eacute;riser les formes d&rsquo;h&eacute;t&eacute;rog&eacute;n&eacute;it&eacute; discursives&nbsp;: du &laquo;&nbsp;dire sur un dire&nbsp;&raquo; (Authier-Revuz, 1984). Tandis que le manager s&rsquo;emploie &agrave; ce que ce &laquo;&nbsp;discours autre&nbsp;&raquo;, celui de la phras&eacute;ologie du monde socio-professionnel, devienne &laquo;&nbsp;discours source&nbsp;&raquo;, les deux crapauds dissidents en font au contraire un &laquo;&nbsp;discours objet&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;extrait du fil &eacute;nonciatif&nbsp;&raquo; comme un &laquo;&nbsp;corps &eacute;tranger d&eacute;limit&eacute;&nbsp;&raquo; (Authier-Revuz, 1984, p.105), pour lui appliquer un traitement critique&nbsp;:&nbsp;</p> <blockquote> <p>Et puis le mot bonjour signifie pas bonjour</p> <p>En tout cas pas souvent, en tout cas pas toujours (Jarniou, 2014, p.18).</p> </blockquote> <p>C&rsquo;est d&rsquo;abord l&rsquo;ad&eacute;quation du discours au r&eacute;el qui va &ecirc;tre examin&eacute;e par les crapauds, autrement dit la part de convention ou d&rsquo;hypocrisie sociale du code qui se trouve alors soumise &agrave; un minutieux examen, en lien avec les contextes d&rsquo;&eacute;nonciation de la parole. Et les deux ch&ocirc;meurs d&rsquo;&eacute;num&eacute;rer les situations de communication professionnelles dans lesquelles bonjour ne signifie pas bon jour : le bonjour de la prostitu&eacute;e qui s&rsquo;appr&ecirc;te &agrave; se vendre, celui autoritaire des policiers proc&eacute;dant &agrave; un contr&ocirc;le, celui du &laquo;&nbsp;gars du p&eacute;age&nbsp;&raquo; &laquo;&nbsp;pour qui le mot bonjour &ccedil;a rime avec d&eacute;gage&nbsp;&raquo; (Jarniou, 2014, p.19), et bien s&ucirc;r le SBAM, robotique et vide, de la caissi&egrave;re. La conclusion est sans appel&nbsp;: tout acte de communication pose, au d&eacute;part, le mot le &laquo;&nbsp;plus mensonger&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23" title="">[23]</a>&nbsp;&raquo; et le plus galvaud&eacute; qui soit, n&rsquo;&eacute;tant connect&eacute; &agrave; aucune intentionnalit&eacute;. D&eacute;ni et col&egrave;re du manager sont sources de comique&nbsp;: lui qui pensait mener une blitzkrieg t&acirc;che au lieu de cela de se d&eacute;p&ecirc;trer de cet examen m&eacute;talinguistique en ravalant leur d&eacute;monstration &agrave; un agr&eacute;gat d&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;exceptions&nbsp;&raquo;. Par ailleurs, dans un passage qui parodie la tirade des nez, LUI souligne que le mot rev&ecirc;t des significations tr&egrave;s diverses, selon le ton et le &laquo;&nbsp;volume&nbsp;&raquo; adopt&eacute;&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;Certains vont le crier, d&rsquo;autres le murmurer,</p> <p>On va l&rsquo;exag&eacute;rer ou s&rsquo;en d&eacute;barrasser,</p> <p>Et selon notre humeur ou bien notre intention</p> <p>Bonjour n&rsquo;aura jamais la m&ecirc;me traduction<a href="#_ftn24" name="_ftnref24" title="">[24]</a> (Rostand, 2009, I, 4).</p> </blockquote> <p>&nbsp;L&agrave; encore, les deux crapauds proc&egrave;dent &agrave; un travail d&rsquo;expansion en montrant de quel pluriel est fait le mot &laquo;&nbsp;bonjour&nbsp;&raquo;&nbsp;: &agrave; chaque situation d&rsquo;&eacute;nonciation sa signification, li&eacute;e &agrave; la posture de l&rsquo;&eacute;metteur, &agrave; son &eacute;tat affectif au moment o&ugrave; il l&rsquo;&eacute;nonce, &agrave; l&rsquo;autorit&eacute; de sa parole&nbsp;(d&rsquo;o&ugrave; je parle&nbsp;?) comme le sugg&egrave;re encore LUI quand il avance que le mot bonjour n&rsquo;a encore &laquo;&nbsp;pas la m&ecirc;me signification / Selon notre nature ou notre profession&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25" title="">[25]</a>. Parfois, le mot participe de cette &laquo;&nbsp;langue de coton&nbsp;&raquo; &eacute;voqu&eacute;e par Fran&ccedil;ois-Bernard Huygues, de celles qui masquent ou ouatent une violence sociale ou un rapport de force :</p> <blockquote> <p>Des fois on me salue, et c&rsquo;est vrai, je le jure</p> <p>Ce mot de bienvenue est proche de l&rsquo;injure (Jarniou, 2014, p.20)</p> </blockquote> <p>L&rsquo;artifice de langage n&rsquo;est d&rsquo;ailleurs pas si inoffensif qu&rsquo;il en a l&rsquo;air, le code normatif se retournant en outil de terreur d&egrave;s lors qu&rsquo;il est refus&eacute;&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&nbsp;Sans compter que ce mot, ce passage oblig&eacute;</p> <p>Il faut le respecter, sous peine de torgnoles,</p> <p>De sourires en coin, de regards de traviole&nbsp;(Jarniou, 2014, p.18).</p> </blockquote> <p>Contre l&rsquo;entreprise d&rsquo;aplanissement men&eacute;e par le Manager, ELLE et LUI rendent donc le mot &agrave; toute son &eacute;paisseur, et &agrave; ses implicites de conversation et&nbsp;de sous-conversation.</p> <p>Le second exercice consiste &agrave; charger son &laquo;&nbsp;bonjour&nbsp;&raquo; de diverses intentions, obtenues sur commande&nbsp;; on n&rsquo;est pas tr&egrave;s loin des formules d&rsquo;un atelier th&eacute;&acirc;tre en entreprise. ELLE et LUI se plient &agrave; l&rsquo;exercice et encha&icirc;nent vingt-quatre &laquo;&nbsp;bonjour&nbsp;&raquo; sur des humeurs diff&eacute;rentes&nbsp;: &laquo;&nbsp;souriant-timide-poli-heureux-triste-ravi-press&eacute;-minaudant-hilare-inquiet-chant&eacute;-sexy-fatigu&eacute;-apeur&eacute;-ivre-cri&eacute;-somnolent-terroris&eacute;-nerveux-naus&eacute;eux-de mauvaise humeur-en col&egrave;re-mena&ccedil;ant-hyst&eacute;rique&nbsp;&raquo; (Jarniou, 2014, p.20).</p> <p>Cet apprentissage de la fausset&eacute; et des artifices de communication est compl&eacute;t&eacute; d&rsquo;un cours de &laquo;&nbsp;savoir vivre&nbsp;&raquo;, destin&eacute; &agrave; enseigner au personnage l&rsquo;art de la &laquo;&nbsp;une vraie conversation&nbsp;&raquo;<span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black"> <a name="_Hlk145507973">(<i>ibid.</i>)</a>, </span></span></span></span></span></span></span></span>c&rsquo;est-&agrave;-dire &agrave; &eacute;changer des banalit&eacute;s dignes de<span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black"> <i>La Cantatrice chauve<a href="#_ftn26" name="_ftnref26" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><b><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">[26]</span></span></span></span></span></b></span></span></a>,</i> d</span></span></span></span></span></span></span></span>ans un langage neutre, vide et inconsistant, creux, le plus souvent mensonger&nbsp;: peu importe qu&rsquo;il s&rsquo;agisse de mensonge par invention ((Jarniou, 2014, p. 27&nbsp;- &laquo;&nbsp;Allez-y, parlez des v&ocirc;tres&nbsp;&raquo;, conseille la Manager &ndash; &laquo;&nbsp;On n&rsquo;en n&rsquo;a pas de v&ocirc;tres&nbsp;&raquo;, r&eacute;pondent elle et lui &laquo;&nbsp;On s&rsquo;en fout, allez-y inventez&raquo;, r&eacute;torque le Conseiller) ou de mensonge par omission (&laquo;Le Conseiller&nbsp;: &nbsp;Mais faut surtout pas le dire [&hellip;] alors surtout pas&nbsp;&raquo;), du moment que l&rsquo;on construit une image avantageuse de soi. On est ici proche des m&eacute;canismes de la novlangue tels qu&rsquo;ils ont pu &ecirc;tre &eacute;tudi&eacute;s par Alan Bihr dans <span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black"><i>La novlangue n&eacute;olib&eacute;rale, La rh&eacute;torique du f&eacute;tichisme capitaliste </i>: une entreprise d&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;oblit&eacute;ration&nbsp;&raquo; du sens (Bihr, 2007, p.14)&nbsp;, </span></span></span></span></span></span></span></span>mais aussi, en l&rsquo;occurrence, de soi.</p> <p>Dans un passage en parler-chant&eacute;, le Manager se lance finalement dans un &eacute;loge de l&rsquo;art de la conversation&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Parler causer</p> <p>S&rsquo;engager sur la voie de ce nouveau virage</p> <p>Parler causer</p> <p>Gare &agrave; nous gare &agrave; nous un nouvel aiguillage (Jarniou, 2014, p.35).</p> </blockquote> <p>&nbsp;&laquo;&nbsp;Parler&nbsp;&raquo; &eacute;quivaut &agrave; &laquo;&nbsp;causer&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est-&agrave;-dire &agrave; pratiquer une langue sans saveur et qu&rsquo;on ne<span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black"> <i>parle pas</i> </span></span></span></span></span></span></span></span>v&eacute;ritablement, tiss&eacute;e de truismes jusqu&rsquo;&agrave; la naus&eacute;e. Il s&rsquo;agit d&rsquo;apprendre une langue qui n&rsquo;&eacute;nonce rien&nbsp;: &laquo; L&rsquo;art de ne rien dire s&rsquo;apprend, et la langue est ainsi faite pour ne pas communiquer &raquo; (Huygue, 1991, p.10).</p> <p>Dans la mise en sc&egrave;ne de Solange Malenfan, ces cours de th&eacute;&acirc;tralit&eacute; sociale, v&eacute;ritables sc&egrave;nes de th&eacute;&acirc;tre dans le th&eacute;&acirc;tre, sont mat&eacute;rialis&eacute;s par une simple table, sc&egrave;ne sur la sc&egrave;ne sur laquelle grimpent alors les deux com&eacute;diens. Entrer dans le monde du travail &eacute;quivaut en effet &agrave; faire l&rsquo;apprentissage d&rsquo;une petite com&eacute;die sociale, o&ugrave; il convient de savoir jouer son r&ocirc;le et sa partie. Un film comme <span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black"><i>Les R&egrave;gles du jeu</i></span></span></span></span></span><b> </b><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">r&eacute;alis&eacute; par Claudine Bories et Patrice Chaignard en 2013, filmant le travail de professionnels de l&rsquo;insertion qui s&rsquo;occupent de jeunes demandeurs d&rsquo;emploi du Nord-Pas-de-Calais, parvient au m&ecirc;me constat par le biais du cin&eacute;ma documentaire&nbsp;: int&eacute;grer le monde du travail est plus qu&rsquo;une r&eacute;insertion. C&rsquo;est une r&eacute;&eacute;ducation, notamment linguistique, qui revient &agrave; ma&icirc;triser <i>les r&egrave;gles du jeu</i> s</span></span></span></span></span></span>ocial mais aussi &agrave; comprendre que toute v&eacute;rit&eacute; n&rsquo;est pas bonne &agrave; dire. Dans la pi&egrave;ce de Solenn Jarniou, cette th&eacute;&acirc;tralit&eacute; sociale mortif&egrave;re s&rsquo;oppose &agrave; une th&eacute;&acirc;tralit&eacute; vivante, qu&ecirc;te t&acirc;tonnante et adresse v&eacute;ritable &agrave; autrui, quoiqu&rsquo;elle soit du c&ocirc;t&eacute; des langages-crapauds. C&rsquo;est ainsi qu&rsquo;on peut expliquer le surgissement du c&eacute;l&egrave;bre monologue d&rsquo;Hamlet dans la bouche du Manager<span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span style="color:black"><a href="#_ftn27" name="_ftnref27" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">[27]</span></span></span></span></span></span></span></a>&nbsp;: &laquo;&nbsp;<i>To be, or not to be,</i>&nbsp;&raquo;, </span></span></span></span></span></span></span></span>dont le sens est li&eacute;, selon l&rsquo;auteure, &agrave; une question de ponctuation<a href="#_ftn28" name="_ftnref28" title="">[28]</a>&nbsp;: &laquo;&nbsp;non pas &ecirc;tre ou ne pas &raquo; mais &laquo;&nbsp;&ecirc;tre ou pas&nbsp;? Etre est la question&nbsp;&raquo;&nbsp;; non pas vivre ou mourir, mais vivre dans l&rsquo;&ecirc;tre ou dans le non-&ecirc;tre, faire le choix d&rsquo;&ecirc;tre ou de n&rsquo;&ecirc;tre pas, choix existentiel ici pr&eacute;sent&eacute; comme un choix de langue. La brusque conversion des deux crapauds &agrave; la vulgate du monde de l&rsquo;emploi ne trompe pas le spectateur&nbsp;: les passages en parl&eacute;-chant&eacute; qui c&eacute;l&egrave;brent leur m&eacute;tamorphose dans un enthousiasme b&eacute;at sont assur&eacute;ment un outil de d&eacute;rision, aussit&ocirc;t d&eacute;menti d&rsquo;ailleurs par la d&eacute;tonation qui retentit au d&eacute;nouement, suicide final du Conseiller p&ocirc;le emploi assur&eacute; de son licenciement prochain.</p> <h2>Conclusion</h2> <p>Solenn Jarniou met en sc&egrave;ne par le d&eacute;tour du burlesque la violence de cette normalisation professionnelle, qui doit en passer par l&rsquo;acclimatation ou l&rsquo;assimilation d&rsquo;une langue lisse et fade, certes apo&eacute;tique mais aussi en quelque sorte a-r&eacute;f&eacute;rentielle, la m&eacute;canique des &eacute;l&eacute;ments de langage prenant le pas sur le rapport du langage &agrave; la r&eacute;alit&eacute;. Battant en br&egrave;che l&rsquo;id&eacute;e assez commun&eacute;ment r&eacute;pandue que l&rsquo;acc&egrave;s au monde du travail permettrait l&rsquo;acc&egrave;s &agrave; une sociabilit&eacute; v&eacute;ritable, elle met en &oelig;uvre &agrave; travers la peinture de deux originaux l&rsquo;intuition que devenir &laquo;&nbsp;employable&nbsp;&raquo; implique une conversion &agrave; une norme discursive faite de mots gel&eacute;s, fig&eacute;s, lignifi&eacute;s, qui sont en d&eacute;finitive, et au contraire, un renoncement &agrave; une communication (et &agrave; une sociabilit&eacute;) v&eacute;ritables. La dramaturge rejoint ainsi l&rsquo;intuition d&rsquo;Olivier Neveux sur le monde du travail, qui n&rsquo;est pas tant l&rsquo;expression d&rsquo;un individualisme que d&rsquo;une d&eacute;s-individuation&nbsp;:</p> <blockquote> <p>La vulgate veut que &laquo;&nbsp;l&rsquo;individualisme&nbsp;&raquo; soit source des maux de l&rsquo;&eacute;poque. C&rsquo;est une blague lors m&ecirc;me qu&rsquo;une vaste op&eacute;ration pour rendre les &ecirc;tres, leurs d&eacute;sirs, leurs besoins et leurs existences interchangeables est en cours&nbsp;(Neveux, 2019, p.128).</p> </blockquote> <p>Dans cette perspective, l&rsquo;atypie du discours est valoris&eacute;e et pr&eacute;sent&eacute;e comme une modeste et joyeuse tentative de r&eacute;sistance &agrave; ce code discursif vide et standardis&eacute; qui est celui du (ou d&rsquo;un certain) march&eacute; du travail. Solenn Jarniou r&ecirc;ve ici au coassement musical d&rsquo;un langage plus vrai, grima&ccedil;ant et irr&eacute;gulier, invitant &agrave; percevoir ceux que manque, sans doute, notre &laquo;&nbsp;soci&eacute;t&eacute; de travailleurs &raquo;&nbsp;(Arendt, 1958) : les princes tapis sous les crapauds, ces &laquo;&nbsp;rossignol[s] de la boue&nbsp;&raquo; (Corbi&egrave;re, 1873).</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><b><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Bibliographie</span></span></span></span></span></b></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Arendt</span></span></span></span></span><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span style="font-variant:small-caps">, H. (1958). </span></span></span><i><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Condition de l&rsquo;Homme moderne,</span></span></i><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"> traduit par Georges Fradier. Paris&nbsp;: Calmann Levy, 1958.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:black">Authier-Revuz, </span></span></span></span></span><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span style="font-variant:small-caps">J.</span></span></span><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"> (mars 1984). H&eacute;t&eacute;rog&eacute;n&eacute;it&eacute;(s) &eacute;nonciative(s). Revue <i>Langages</i>, n&deg;73, &laquo;&nbsp;Les plans d&rsquo;&eacute;nonciation&nbsp;&raquo;, p. 98-111. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Bakhtine<span style="font-variant:small-caps">, M. (1987).</span> &laquo; Questions de litt&eacute;rature et d&#39;esth&eacute;tique &raquo;. <i>Esth&eacute;tique et th&eacute;orie du roman</i>, traduit par Olivier Daria, Paris&nbsp;: Gallimard, 1987. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Bastingel<span style="font-variant:small-caps">, T.</span> (2000). <i>Centrale. </i>Paris&nbsp;: Fayard, 2000.</span></span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Bastingel<span style="font-variant:small-caps">, T.</span> (2010). <i>Retour aux mots sauvages. </i>Paris&nbsp;: Fayard, 2010.</span></span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Begaudeau<span style="background:white"><span style="font-variant:small-caps"><span style="color:black">, F.</span></span></span><span style="background:white"><span style="color:black"> (2003)</span></span>.<i> Boniments</i>. Paris&nbsp;: Editions Amsterdam, 2003. </span></span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Bihr, <span style="font-variant:small-caps">A.</span> (2007). <i>La novlangue n&eacute;olib&eacute;rale, La rh&eacute;torique du f&eacute;tichisme capitaliste. </i>Lausanne&nbsp;: Editions Page Deux, 2007. </span></span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Bories,<span style="font-variant:small-caps"> C., &amp; </span>Chaignard<span style="font-variant:small-caps">, P.</span> (real.) (2013). <i>Les R&egrave;gles du jeu. </i>Paris&nbsp;: Agat Films- Ex nihilo, 2013.</span></span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Caligaris,<span style="font-variant:small-caps"> N. (2006)</span>. <i>L&rsquo;os du doute</i>. Paris&nbsp;: Gallimard. </span></span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Chlovski, <span style="font-variant:small-caps">V</span>. (1990). <i>Sur la th&eacute;orie de la prose,</i> traduit par Guy Verret. Lausanne&nbsp;: L&rsquo;&Acirc;ge d&rsquo;Homme. Corbi&egrave;res<span style="font-variant:small-caps">, T.</span> (1873). <i>Les Amours Jaunes.</i> Paris&nbsp;: Glady Fr&egrave;res, &eacute;dition accessible sur Gallica. </span></span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Delaplace,<span style="font-variant:small-caps"> D</span>. (2013). <i>L&rsquo;article &laquo;&nbsp;Argot&nbsp;&raquo; au fil des dictionnaires depuis le XVII&egrave;me si&egrave;cle.</i> Paris&nbsp;: Classiques Garnier.</span></span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Dujarier, <span style="font-variant:small-caps">M.-A.</span> (2015). <i>Le management d&eacute;sincarn&eacute;, Enqu&ecirc;te sur les nouveaux cadres du travail. </i>Paris&nbsp;:<i> </i>La D&eacute;couverte. </span></span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Graeber, <span style="font-variant:small-caps">D.</span> (2018).<i> Bullshit jobs,</i> traduit par Elise Roy. Paris&nbsp;: Les Liens qui lib&egrave;rent. </span></span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">&nbsp;Grenouillet,<span style="font-variant:small-caps"> C., &amp; </span>Vuillermot-Febvet, C. (2015). <i>La langue du management et de l&rsquo;Economie &agrave; l&rsquo;&egrave;re n&eacute;o-lib&eacute;rale</i>. <i>Formes sociales et litt&eacute;raires.</i> Strasbourg&nbsp;: Presses universitaires de Strasbourg.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Guilbert<span style="background:white"><span style="font-variant:small-caps"><span style="color:black">, T.</span></span></span><span style="background:white"><span style="color:black"> (2008). </span></span><i>Le Discours id&eacute;ologique ou la force de l&rsquo;&eacute;vidence. </i>Paris&nbsp;: L&rsquo;Harmattan. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Guilbert<span style="background:white"><span style="font-variant:small-caps"><span style="color:black">, T.</span></span></span><span style="background:white"><span style="color:black"> (2011).</span></span> <i>L&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;Evidence&nbsp;&raquo; du discours n&eacute;olib&eacute;ral&nbsp;: analyse dans la presse &eacute;crite.</i> Bellecombe-en-Bauges&nbsp;: Editions du Croquant. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Hazan<span style="font-variant:small-caps">, E.</span> (2006). <i>LQR. La propagande du quotidien. </i>Paris&nbsp;: Raisons d&rsquo;agir.</span></span></span></span></span></p> <p style="margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Huygue<span style="font-variant:small-caps">, F.-B. (2020).</span> Novlangue, langue de coton et autres langues de censure. Revue <i>Constructif,</i> n&deg;56. Huygue,<span style="font-variant:small-caps"> F.-B</span>. (1991). <i>La</i> <i>langue de coton. </i>Paris&nbsp;: Laffont. </span></span></span></span></span></p> <p style="margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Ionesco,<span style="font-variant:small-caps"> E. (2009).</span> <i>La Cantatrice chauve.</i> Paris&nbsp;: Belin Gallimard.</span></span></span></span></span></p> <p style="margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Jarniou, <span style="font-variant:small-caps">S.</span> (2014). <i>Le Manager, les deux crapauds et l&rsquo;air du temps. </i>Nantes&nbsp;: Plus plus prod. </span></span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Jouet,<span style="font-variant:small-caps"> J. (2020).</span><i> Le March&eacute;. </i>Pantin&nbsp;: esse que Editions. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Labadie<span style="font-variant:small-caps">, A.</span> (2016). <i>Le roman d&rsquo;entreprise au tournant du XXI&egrave;me si&egrave;cle.</i> Paris&nbsp;: Presses de la Sorbonne Nouvelle. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Lordon, <span style="font-variant:small-caps">F. (2011).</span> in &laquo;&nbsp;Post scriptum&nbsp;: Surr&eacute;alisation de la crise&nbsp;&raquo;, <i>D&rsquo;un retournement l&rsquo;autre, Com&eacute;die s&eacute;rieuse sur la crise financi&egrave;re en quatre actes et en alexandrins.</i> Paris&nbsp;: Seuil.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Massera<span style="font-variant:small-caps">, J.-C</span>. (2002). <i>United emmerdements of New Order,</i> pr&eacute;c&eacute;d&eacute; <i>de United Problems of Co&ucirc;t de la Main-d&rsquo;&oelig;uvre</i>. Paris&nbsp;: P.O.L. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Neveux<span style="font-variant:small-caps">, O.</span> (2007).<i> Th&eacute;&acirc;tre en lutte. Le th&eacute;&acirc;tre militant en France des ann&eacute;es 1960 &agrave; aujourd&rsquo;hui. </i>Paris&nbsp;: La D&eacute;couverte, collection &laquo;&nbsp;Cahiers libres&nbsp;&raquo;. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Neveux, <span style="font-variant:small-caps">O.</span> (2019). <i>Contre le th&eacute;&acirc;tre politique.</i> Paris&nbsp;: La Fabrique &eacute;ditions. </span></span></span></span></span></p> <p style="margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Paugam, <span style="font-variant:small-caps">S.</span> (2000). <i>Le Salari&eacute; de la Pr&eacute;carit&eacute;, Les nouvelles formes de l&rsquo;int&eacute;gration professionnelle.</i> Paris&nbsp;: Presses Universitaires de France. </span></span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Pezet, <span style="font-variant:small-caps">A.</span> (2010). <i>La Soci&eacute;t&eacute; manag&eacute;riale, Essais sur les nanotechnologies de l&rsquo;&eacute;conomique et du social.</i> Paris&nbsp;: La ville br&ucirc;le. </span></span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Philippe<span style="font-variant:small-caps">, N.</span> (real.) (2013). <i>P&ocirc;le emploi, ne quittez pas&nbsp;!. </i>Paris&nbsp;: Gloria Films Productions, Les Films de l&rsquo;air.</span></span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">&nbsp;Plana<span style="font-variant:small-caps">, M.</span> (1994). <i>Th&eacute;&acirc;tre et politique, mod&egrave;le et concepts, tome I.</i>Paris&nbsp;: Orizons. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Platon.</span></span><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span style="font-variant:small-caps"> (1998).</span></span></span><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"> <i>Cratyle. </i>Paris&nbsp;: Garnier Flammarion Philosophie n&deg;954. </span></span></span></span></span></p> <p style="margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Rostand<span style="font-variant:small-caps">, E.</span> (2009). <i>Cyrano de Bergerac.</i> Paris&nbsp;: Nathan, Carr&eacute;s classiques.</span></span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Sarrazac<span style="font-variant:small-caps">,</span> J.-P. (2004). <i>Jeux de r&ecirc;ves et autres d&eacute;tours</i>. Paris&nbsp;: Circ&eacute;. </span></span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Sarrazac</span></span><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span style="font-variant:small-caps">, </span></span></span></span></span></span>J.-P., Naugrette C., Kuntz H., Losco M. et Lescot,<span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span style="font-variant:small-caps"> D.</span></span></span><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"> (2010).<i> Lexique du drame moderne et contemporain.</i> Paris&nbsp;: Circ&eacute;. </span></span></span></span></span></p> <p style="margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%">Tomachevski<span style="background:white"><span style="font-variant:small-caps"><span style="color:black">, B.</span></span></span><span style="background:white"><span style="color:black"> (1966). &laquo;&nbsp;Th&eacute;matique&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;<em><span calibri="" style="font-family:">Th&eacute;orie de la litt&eacute;rature</span></em>, Textes des formalistes russes r&eacute;unis et traduits par Tzvetan Todorov. Paris&nbsp;: Seuil.</span></span></span></span></span></span></span></p> <p style="margin-bottom:13px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:13px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:13px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:13px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:13px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:13px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:13px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:13px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:13px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:13px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:13px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:13px">&nbsp;</p> <p align="center" style="text-align:center; text-indent:35.45pt; margin-bottom:13px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:13px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:13px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:13px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:13px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:13px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:13px">&nbsp;</p> <p style="margin-bottom:13px">&nbsp;</p> <div>&nbsp; <hr align="left" size="1" width="33%" /> <div id="ftn1"> <p style="text-align:justify; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:11.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[1]</span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"> Pour ne citer que les plus c&eacute;l&egrave;bres, on pourrait &eacute;voquer ici <i>Violence des &eacute;changes en milieu temp&eacute;r&eacute;</i> de Jean-Marc Moutou (2004), <i>Ressources humaines</i> de Laurent Cantet (1999) et, pour le cin&eacute;ma documentaire, <i>J&rsquo;ai tr&egrave;s mal au travail</i> de Jean-Michel Carr&eacute; (2007) ou <i>Attention danger travail</i> Pierre Carles, Christophe Coello et St&eacute;phane Goxe (2003). Le tr&egrave;s riche Festival &laquo;&nbsp;Filmer le travail&nbsp;&raquo;, qui se d&eacute;roule chaque ann&eacute;e depuis 2009, &agrave; Poitiers, atteste aussi du succ&egrave;s de ce th&egrave;me au cin&eacute;ma.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn2"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[2]</span></span></span></span></span></a> On peut penser par exemple aux romans de Thierry Bastingel,<i> Centrale</i> (2000) et surtout <i>Retour aux mots sauvages</i> (2010) qui place la question du langage manag&eacute;rial au c&oelig;ur de ses pr&eacute;occupations. Pour une &eacute;tude critique, voir par exemple Aurore Abadie,&nbsp; <i>Le roman d&rsquo;entreprise fran&ccedil;ais au tournant du XXI&egrave;me si&egrave;cle (</i>2016).</span></span></p> </div> <div id="ftn3"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[3]</span></span></span></span></span></a> Ainsi, dans ma th&egrave;se de doctorat, en cours de r&eacute;daction, j&rsquo;ai pu recenser un ensemble de plus de quatre-vingt pi&egrave;ces, fran&ccedil;aises ou port&eacute;es &agrave; la sc&egrave;nes fran&ccedil;aise entre 2000 et 2020, adoptant, pour une tr&egrave;s grande majorit&eacute; d&rsquo;entre elles, une perspective critique sur le monde du travail actuel.</span></span></p> </div> <div id="ftn4"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[4]</span></span></span></span></span></a> &laquo;&nbsp;[D]e partout dans le domaine th&eacute;&acirc;tral, ressurgissent depuis une dizaine d&rsquo;ann&eacute;es des injonctions &agrave; la politique, r&eacute;surgence heureuse apr&egrave;s la longue restauration esth&eacute;tique des ann&eacute;es 1980 &ndash; lorsque art et politique &eacute;taient sciemment d&eacute;solidaris&eacute;s &ndash; mais aussi suspecte par le flou qui la caract&eacute;rise.&nbsp;&raquo; &nbsp;(Neveux,<i> </i>2007, p.6)</span></span></p> <p style="margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-size:10.0pt">&laquo;&nbsp;[&hellip;] nous partageons le jugement d&rsquo;Olivier Neveux lorsqu&rsquo;il diagnostique la r&eacute;surgence d&rsquo;un d&eacute;sir politique au th&eacute;&acirc;tre depuis les ann&eacute;es 2000&raquo; (Plana, 1994, p.51).</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn5"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref5" name="_ftn5" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[5]</span></span></span></span></span></a> Formule de Jean-Charles Massera, auteur multisupports, dans &laquo;&nbsp;<i>A cauchemar is born</i>&nbsp;&raquo;, cit&eacute; par Corinne Grenouillet et Catherine Vuillermot-Febvet (2015).</span></span></p> </div> <div id="ftn6"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref6" name="_ftn6" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[6]</span></span></span></span></span></a> Ph&eacute;nom&egrave;ne &eacute;galement rep&eacute;r&eacute; par Corinne Grenouillet (2015) dans le roman contemporain&nbsp;: &laquo;&nbsp;Faut-il en rire&nbsp;? La d&eacute;familiarisation des discours du management et du n&eacute;o-lib&eacute;ralisme dans trois romans contemporains&nbsp;&raquo; (Grenouillet, 2015).</span></span></p> </div> <div id="ftn7"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref7" name="_ftn7" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[7]</span></span></span></span></span></a> &laquo;&nbsp;Tout est blanc. D&rsquo;un blanc qui te p&eacute;n&egrave;tre les narines. D&rsquo;un blanc terrible, ni gris ni rien, qui te suffoque. Pas moyen de savoir si c&rsquo;est liquide ou gazeux, tu te d&eacute;bats, en apn&eacute;e, tu te d&eacute;bats sous la surface, tu remues comme tu peux&nbsp;&raquo; (Nicole Caligaris, 2006, p.54).</span></span></p> </div> <div id="ftn8"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref8" name="_ftn8" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[8]</span></span></span></span></span></a> Voir &agrave; cet &eacute;gard les analyses de Corinne Grenouillet (Grenouillet, 2015, p.218) </span></span></p> </div> <div id="ftn9"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref9" name="_ftn9" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[9]</span></span></span></span></span></a> Je retranscris ici un entretien que j&rsquo;ai pu mener avec Solenn Jarniou le 16 juin 2022.</span></span></p> </div> <div id="ftn10"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref10" name="_ftn10" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[10]</span></span></span></span></span></a> <i>Ibid</i>.</span></span></p> </div> <div id="ftn11"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref11" name="_ftn11" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[11]</span></span></span></span></span></a> Le terme revient &agrave; plusieurs reprises dans la bouche du Manager&nbsp;: &laquo;&nbsp;bonjour, c&rsquo;est un code, une marque de politesse, de civilit&eacute;, qui signifie&nbsp;: je suis normal&nbsp;&raquo; ou, plus tard &laquo;&nbsp;OK, alors vous allez parler de votre difficult&eacute; de trouver du travail, mais dans un langage normal.&nbsp;&raquo; (Jarniou, 2014, p. 17 et 25)</span></span></p> </div> <div id="ftn12"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref12" name="_ftn12" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[12]</span></span></span></span></span></a> Type de management examin&eacute; notamment par la sociologue Marie-Anne Dujarier (Dujarier, 2015). Elle dissocie la t&acirc;che prescrite du travail r&eacute;el, qu&rsquo;elle nomme &laquo;&nbsp;activit&eacute;&nbsp;&raquo;. Sa th&egrave;se consiste notamment &agrave; montrer que le caract&egrave;re d&eacute;sincarn&eacute; de ce type de management par les chiffres vient de la prolif&eacute;ration de dispositifs con&ccedil;us par la &laquo;&nbsp;main invisible des planeurs&nbsp;&raquo; (Dujarier, 2015, p. 69). Elle examine notamment les conditions de travail d&rsquo;une assistante sociale.</span></span></p> </div> <div id="ftn13"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref13" name="_ftn13" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[13]</span></span></span></span></span></a>Je retranscris ici &agrave; nouveau un extrait de l&rsquo;entretien que j&rsquo;ai pu mener avec Solenn Jarniou le 16 juin 2022. </span></span></p> </div> <div id="ftn14"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref14" name="_ftn14" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[14]</span></span></span></span></span></a> <i>Ibid.</i></span></span></p> </div> <div id="ftn15"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref15" name="_ftn15" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[15]</span></span></span></span></span></a> <i>Ibid.</i></span></span></p> </div> <div id="ftn16"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref16" name="_ftn16" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[16]</span></span></span></span></span></a> Elle&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je vais chercher du taf en tenant dans mes mains mon CV et ma haine &raquo; <span style="background:white"><span style="color:black">(Jarniou, 2014, p.26).</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn17"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref17" name="_ftn17" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[17]</span></span></span></span></span></a> &nbsp;&laquo;&nbsp;Bon, pour que nous puissions d&eacute;velopper ensemble un projet personnalis&eacute; d&rsquo;acc&egrave;s &agrave; l&rsquo;emploi, je dois vous poser quelques questions&nbsp;&raquo; (Jarniou, 2014, p.10).</span></span></p> </div> <div id="ftn18"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref18" name="_ftn18" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[18]</span></span></span></span></span></a> Pour la d&eacute;finition de la &laquo;&nbsp;langue de coton&nbsp;&raquo;, voir le d&eacute;veloppement qui suit dans &laquo;&nbsp;L&rsquo;&oelig;il du crapaud&nbsp;: l&rsquo;atypie, dispositif de questionnement satirique de la norme&nbsp;&raquo;.</span></span></p> </div> <div id="ftn19"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref19" name="_ftn19" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[19]</span></span></span></span></span></a> &laquo;&nbsp;J&rsquo;ai le fanal en feu&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;Il fait sec&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;C&rsquo;est pas de la mousseline&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;Aboule la flotte&nbsp;&raquo;&nbsp;; File m&rsquo;en please&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;Donne z&rsquo;en m&rsquo;en&nbsp;&raquo;&nbsp;; et le savoureux &laquo;&nbsp;Je suis en pleine pyrolyse et tu viens me secouer la pulpe du fond&nbsp;&raquo; (Jarniou, 2014, pp. 28-29).</span></span></p> </div> <div id="ftn20"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref20" name="_ftn20" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[20]</span></span></span></span></span></a> Voir pour les exemples les plus c&eacute;l&egrave;bres d&rsquo;ouvrages ayant recours &agrave; cette d&eacute;marche Montesquieu dans les <i>Lettres Persanes</i> (1721), Voltaire, dans<i> Microm&eacute;gas</i> (1752)<i> </i>ou&nbsp; <i>L&rsquo;ing&eacute;nu</i> (1767).</span></span></p> </div> <div id="ftn21"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref21" name="_ftn21" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[21]</span></span></span></span></span></a> &laquo;&nbsp;<span style="font-size:8.0pt"><span style="background:white"><span style="font-family:" verdana=""><span style="color:black">Ainsi les proc&eacute;d&eacute;s naissent, vivent, vieillissent et meurent. Au fur et &agrave; mesure de leur application, ils deviennent m&eacute;caniques, ils perdent leur fonction, ils cessent d&rsquo;&ecirc;tre actifs. Pour combattre la m&eacute;canisation du proc&eacute;d&eacute;, on le renouvelle gr&acirc;ce &agrave; une nouvelle fonction ou &agrave; un sens nouveau. Le renouvellement du proc&eacute;d&eacute; est analogue &agrave; la citation d&rsquo;un auteur ancien dans un contexte nouveau et avec une signification nouvelle.&nbsp;&raquo; (Tomachevski, 1966, &laquo;&nbsp;Th&eacute;matique&nbsp;&raquo;, p.&nbsp;301).</span></span></span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn22"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref22" name="_ftn22" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[22]</span></span></span></span></span></a> Une des six fonctions du langage &eacute;voqu&eacute;es par Jakobson dans son c&eacute;l&egrave;bre sch&eacute;ma de communication visant &agrave; analyser le proc&egrave;s linguistique.</span></span></p> </div> <div id="ftn23"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref23" name="_ftn23" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[23]</span></span></span></span></span></a> &ldquo;De tous les mots, bonjour, d&rsquo;apr&egrave;s ce que je sais / C&rsquo;est le pire qui soit, c&rsquo;est le plus mensonger&nbsp;&raquo; (Jarniou, 2014, p.18)</span></span></p> </div> <div id="ftn24"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref24" name="_ftn24" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[24]</span></span></span></span></span></a> Solenn Jarniou,<i> op. cit., </i>p. 20.</span></span></p> </div> <div id="ftn25"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref25" name="_ftn25" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[25]</span></span></span></span></span></a> <i>Ibid</i>, p. 21.</span></span></p> </div> <div id="ftn26"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref26" name="_ftn26" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[26]</span></span></span></span></span></a> Eug&egrave;ne Ionesco, dans sa pi&egrave;ce <i>La Cantatrice chauve,</i> cr&eacute;&eacute;e en 1954, m&egrave;ne le m&ecirc;me travail d&rsquo;exhibition du vide des conversations mondaines et de la soci&eacute;t&eacute; bourgeoise, reflet d&rsquo;une crise plus g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;e du sens. Voir par exemple la sc&egrave;ne premi&egrave;re o&ugrave; Monsieur et Madame Smith &eacute;voquent, entre autres banalit&eacute;s, la teneur de leur repas et &laquo;&nbsp;le yaourt&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;bon pour l&rsquo;estomac&nbsp;&raquo; (Ionesco, 2009, p. 13.)</span></span></p> </div> <div id="ftn27"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref27" name="_ftn27" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[27]</span></span></span></span></span></a> <span lang="EN-US" style="font-variant:small-caps">Jarniou,</span> 2014, p.43: &laquo;&nbsp;Le Manager: <i>To be, or not to be, that is the question. </i><i>Wether&rsquo;tis nobler in the mind to suffer</i>&rdquo;</span></span></p> </div> <div id="ftn28"> <p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref28" name="_ftn28" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span calibri="" style="font-family:">[28]</span></span></span></span></span></a> Ce qu&rsquo;elle m&rsquo;a confi&eacute; lors de notre entretien.</span></span></p> </div> </div>