<h3>Abstract</h3> <p>Tiers Livre of Fran&ccedil;ois Bon is a site that is part of a digital story, but also a history of writing and thought. By offering a reading of the site, one can identify a true &ldquo;ecosystem of writing&rdquo;, understood as infinite space for experimentation and dynamics of writing.</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p>Fran&ccedil;ois Bon, digital reading,&nbsp;plasticity,&nbsp;constellation, process,&nbsp;ecosystem, Charles Baudelaire, Walter Benjamin</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>On peut lire Fran&ccedil;ois Bon sur le web depuis 1997. C&rsquo;est &eacute;crit sur la page d&rsquo;accueil du site, comme un clin d&rsquo;&oelig;il, comme l&rsquo;affirmation d&rsquo;une v&eacute;ritable exp&eacute;rience d&rsquo;&eacute;criture.</p> <p><a href="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-1.jpg"><img alt="Doc. 1 ‒ Page d’accueil de Tiers Livre, un des bandeaux de 2013." loading="lazy" sizes="(max-width: 827px) 100vw, 827px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-1-300x99.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-1-300x99.jpg 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-1.jpg 640w" style="width: 827px; height: 273px;" /></a></p> <p><small>Doc. 1&nbsp;‒ Page d&rsquo;accueil de Tiers Livre, un des bandeaux de 2013.</small></p> <p>La question n&rsquo;est pas celle de la lecture sur num&eacute;rique mais de la lecture dans le num&eacute;rique. Et donc de la lecture du num&eacute;rique. Le probl&egrave;me ne doit donc pas &ecirc;tre pos&eacute; en termes de support mais bien en termes de lecture. Accepter le site comme milieu d&rsquo;&eacute;criture, comme exp&eacute;rience de lecture, comme mode d&rsquo;acc&egrave;s &agrave; une &eacute;criture. La lecture num&eacute;rique est une exp&eacute;rience de la mobilit&eacute;. Cette mobilit&eacute; litt&eacute;raire est plus&nbsp;<em>r&eacute;-invent&eacute;e</em>&nbsp;qu&rsquo;invent&eacute;e. Pour moi, l&rsquo;id&eacute;e de&nbsp;<em>r&eacute;-invention</em>&nbsp;est importante car elle permet de tenir un double discours sur le num&eacute;rique&nbsp;: &agrave; la fois tracer une g&eacute;n&eacute;alogie et d&eacute;finir des sp&eacute;cificit&eacute;s. Pour l&rsquo;&eacute;criture comme mobilit&eacute;, on peut lire Rabelais, Montaigne, Proust ou Claude Simon&hellip; c&rsquo;est-&agrave;-dire tracer des filiations et des g&eacute;n&eacute;alogies, mani&egrave;re de casser des &eacute;tanch&eacute;it&eacute;s id&eacute;ologiques toujours &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre et &agrave; la man&oelig;uvre. Des liens et de la g&eacute;n&eacute;alogie, certes, mais aussi des sp&eacute;cificit&eacute;s. C&rsquo;est ce &agrave; quoi invite&nbsp;<a href="https://www.tierslivre.net/" target="_blank">Tiers Livre</a>&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>.</p> <p>Il s&rsquo;agira donc de tenter des incursions &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de Tiers Livre pour cerner les contours d&rsquo;une lecture. Et d&rsquo;ores et d&eacute;j&agrave; de souligner la singularit&eacute;, la valeur ind&eacute;termin&eacute;e du d&eacute;terminant&nbsp;: une lecture. Donc pour tenter cette approche, il faudra se forger quelques outils et projeter quelques hypoth&egrave;ses.Je partirai d&rsquo;un constat simple&nbsp;: le site Tiers Livre s&rsquo;&eacute;largit. Au fur et &agrave; mesure de son &eacute;volution, Tiers Livre s&rsquo;&eacute;paissit. Il faut tenter de r&eacute;pondre &agrave; cette question impossible&nbsp;: comment d&eacute;crire ce mouvement&nbsp;? Comment cerner une &eacute;paisseur num&eacute;rique&nbsp;?Une approche intuitive serait de proposer l&rsquo;analyse d&rsquo;une navigation et d&rsquo;en d&eacute;duire quelques aspects. Mais si l&rsquo;on veut envisager Tiers Livre comme un syst&egrave;me en d&eacute;placement occupant un espace-temps, il faut tenter un autre geste&nbsp;: esquisser une morphologie du site pour des modes de lecture.</p> <p>La vie du num&eacute;rique est d&rsquo;abord con&ccedil;ue par la verticalit&eacute;. La lecture et la navigation sont d&rsquo;abord verticales&nbsp;: verticalit&eacute; de la page et premier d&eacute;placement du haut vers le bas de la page. La navigation est verticale avant d&rsquo;&ecirc;tre spatialis&eacute;e par le passage d&rsquo;une page &agrave; l&rsquo;autre selon une logique num&eacute;rale, puis par le lien hypertexte qui densifie l&rsquo;espace num&eacute;rique, lui donne une &eacute;paisseur et ouvre la structure logique &agrave; la possibilit&eacute; de la perte. Cependant la perte num&eacute;rique est relative, la logique de la navigation comme perte reste subordonn&eacute;e aux coordonn&eacute;es de la navigation enregistr&eacute;e par la machine et les serveurs &agrave; partir desquels on navigue&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>.</p> <p>La question devient celle de la strat&eacute;gie d&rsquo;architecture du site et du dispositif de lecture qu&rsquo;il propose. De nombreux sites sont des blogs et des blogs sont des sites. La distinction me semble toujours op&eacute;rante pour affiner les lectures. L&agrave; o&ugrave; le blog a une logique d&rsquo;empilement vertical avec l&rsquo;infini mouvement de l&rsquo;ascenseur num&eacute;rique, le site, lui, d&eacute;veloppe une logique d&rsquo;arborescence (laquelle n&rsquo;emp&ecirc;che pas d&rsquo;accueillir en son sein un blog). L&rsquo;histoire de Tiers Livre me semble relever de cette double articulation&nbsp;<em>et</em>&nbsp;de son d&eacute;placement.</p> <h2>1. Tiers Livre, quelle logique de lecture&nbsp;?<br /> &nbsp;</h2> <p>Il y a dans le d&eacute;veloppement de Tiers Livre, une le&ccedil;on de l&rsquo;exp&eacute;rience de&nbsp;<em>remue.net</em>. M&ecirc;me seul (Tiers Livre est le site d&rsquo;un auteur), le num&eacute;rique n&rsquo;est pas solitaire. Tiers Livre s&rsquo;articule dans son histoire &agrave; l&rsquo;aventure de&nbsp;<em>remue</em>, au moment de sa grande ouverte au collectif. C&rsquo;est ce qui a permis &agrave; Fran&ccedil;ois Bon d&rsquo;affirmer cette nouvelle aventure personnelle et ce &agrave; trois niveaux&nbsp;:</p> <ul> <li>une base solide pour une aventure collective qui perdure&nbsp;;</li> <li>le d&eacute;veloppement d&rsquo;un espace personnel pour de nouvelles activit&eacute;s et exp&eacute;rimentations (elles &eacute;taient parall&egrave;le &agrave; remue bien avant l&rsquo;affirmation de Tiers Livre)&nbsp;;</li> <li>la mise en place de Tiers Livre prend acte de la fin de la structure d&rsquo;empilement : c&rsquo;est aussi parce que&nbsp;<em>remue</em>&nbsp;est devenu collectif que la fonction accumulative et verticale ne faisait plus sens tant d&rsquo;un point de vue technique (passage sous spip) que d&rsquo;un point de vue &eacute;ditorial. N&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;une nouvelle arborescence et d&rsquo;une nouvelle logique de lecture. Tiers Livre prend ce chemin pour inventer ses propres formes d&rsquo;&eacute;criture.</li> </ul> <p>C&rsquo;est pourquoi Tiers Livre subvertit la logique de verticalit&eacute; par celle de l&rsquo;horizontalit&eacute;. On peut y voir une sorte d&rsquo;<em>effet Baudelaire</em>. Baudelaire a des effets num&eacute;riques. Qu&rsquo;on se souvienne de la logique des &laquo;&nbsp;correspondances&nbsp;&raquo;&nbsp;: pour Baudelaire, la recherche d&rsquo;une unit&eacute; perdue de la Nature dans la po&eacute;sie repose sur un principe analogique. D&rsquo;o&ugrave; chez lui un r&eacute;seau po&eacute;tique s&rsquo;&eacute;laborant sur une perspective verticale (du visible &agrave; l&rsquo;invisible) et une perspective horizontale (&eacute;cho des sens formant dans le texte une sorte d&rsquo;unit&eacute; dans le confus)&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>. Cette po&eacute;tique des correspondances est &eacute;videmment un motif. Je l&rsquo;extrais de l&rsquo;esth&eacute;tique baudelairienne pour n&rsquo;en garder qu&rsquo;une trame, un pr&eacute;texte m&eacute;thodologique pour lire Tiers Livre avec tout de m&ecirc;me cette double arri&egrave;re-pens&eacute;e baudelairienne&nbsp;: la figure du po&egrave;te est pr&eacute;sente dans tout Tiers Livre (bien avant les pas de danse de&nbsp;<em>Proust est une fiction</em>) et surtout&nbsp;<em>Les Fleurs du mal</em>&nbsp;fait partie des premiers gestes de mise en ligne par correspondances&nbsp;: recopier et mettre en ligne le po&egrave;te a &eacute;t&eacute; un de ses premiers gestes d&rsquo;&eacute;crivain num&eacute;rique. C&rsquo;est un c&oelig;ur (vif et nu) num&eacute;rique, un geste g&eacute;n&eacute;alogique dont on devrait mesurer les traces dans la structure m&ecirc;me du site.</p> <p>D&rsquo;o&ugrave; cette tension entre verticalit&eacute; et horizontalit&eacute;&hellip; Historiquement, le site bouge sa page d&rsquo;accueil, casse ses marge, s&rsquo;&eacute;tire par les c&ocirc;t&eacute;s. La fonction horizontale contrarie la logique verticale. C&rsquo;est le premier renversement de lecture. Pour voir ce renversement de la verticalit&eacute; par l&rsquo;horizontalit&eacute; et le foisonnement int&eacute;rieur, il suffit de parcourir l&rsquo;histoire des pages d&rsquo;accueil depuis 2005. Ci-dessous 13 images des pages d&rsquo;accueil entre avril 2005 et octobre 2013.</p> <p><a href="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-2_avril-2005.jpg"><img alt="Doc. 2 ‒ Page d’accueil de Tiers Livre, avril 2005." loading="lazy" sizes="(max-width: 200px) 100vw, 200px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-2_avril-2005-200x300.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-2_avril-2005-200x300.jpg 200w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-2_avril-2005.jpg 320w" style="width: 200px; height: 300px;" /></a></p> <p><small>Doc. 2 ‒ Page d&rsquo;accueil de Tiers Livre, avril 2005.</small></p> <p><a href="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-3_2006.jpg"><img alt="Doc. 3 ‒ Page d’accueil de Tiers Livre, 2006." loading="lazy" sizes="(max-width: 228px) 100vw, 228px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-3_2006-228x300.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-3_2006-228x300.jpg 228w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-3_2006.jpg 365w" style="width: 228px; height: 300px;" /></a></p> <p><small>Doc. 3 ‒ Page d&rsquo;accueil de Tiers Livre, 2006.</small></p> <p><a href="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-4_avril-2008.jpg"><img alt="Doc. 4 ‒ Page d’accueil de Tiers Livre, avril 2008." loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-4_avril-2008-300x171.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-4_avril-2008-300x171.jpg 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-4_avril-2008.jpg 640w" style="width: 300px; height: 171px;" /></a></p> <p><small>Doc. 4 ‒ Page d&rsquo;accueil de Tiers Livre, avril 2008.</small></p> <p><a href="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-5_septembre-2008.jpg"><img alt="Doc. 5 ‒ Page d’accueil de Tiers Livre, septembre 2008." loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-5_septembre-2008-300x141.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-5_septembre-2008-300x141.jpg 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-5_septembre-2008.jpg 640w" style="width: 300px; height: 141px;" /></a></p> <p><small>Doc. 5 ‒ Page d&rsquo;accueil de Tiers Livre, septembre 2008.</small></p> <p><a href="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-6_f%C3%A9vrier-2009.jpg"><img alt="Doc. 6 ‒ Page d’accueil de Tiers Livre, février 2009." loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-6_f%C3%A9vrier-2009-300x115.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-6_février-2009-300x115.jpg 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-6_février-2009.jpg 640w" style="width: 300px; height: 115px;" /></a></p> <p><small>Doc. 6 ‒ Page d&rsquo;accueil de Tiers Livre, f&eacute;vrier 2009.</small></p> <p><a href="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-7_novembre-2009.jpg"><img alt="Doc. 7 ‒ Page d’accueil de Tiers Livre, novembre 2009." loading="lazy" sizes="(max-width: 211px) 100vw, 211px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-7_novembre-2009-211x300.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-7_novembre-2009-211x300.jpg 211w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-7_novembre-2009.jpg 337w" style="width: 211px; height: 300px;" /></a></p> <p><small>Doc. 7 ‒ Page d&rsquo;accueil de Tiers Livre, novembre 2009.</small></p> <p><a href="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-8_juin-2010.jpg"><img alt="Doc. 8 ‒ Page d’accueil de Tiers Livre, juin 2010." loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-8_juin-2010-300x300.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-8_juin-2010-300x300.jpg 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-8_juin-2010-150x150.jpg 150w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-8_juin-2010.jpg 482w" style="width: 300px; height: 300px;" /></a></p> <p><small>Doc. 8 ‒ Page d&rsquo;accueil de Tiers Livre, juin 2010.</small></p> <p><a href="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-9_d%C3%A9cembre-2010.jpg"><img alt="Doc. 9 ‒ Page d’accueil de Tiers Livre, décembre 2010." loading="lazy" sizes="(max-width: 211px) 100vw, 211px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-9_d%C3%A9cembre-2010-211x300.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-9_décembre-2010-211x300.jpg 211w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-9_décembre-2010.jpg 338w" style="width: 211px; height: 300px;" /></a></p> <p><small>Doc. 9 ‒ Page d&rsquo;accueil de Tiers Livre, d&eacute;cembre 2010.</small></p> <p><a href="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-10_juin-2011.jpg"><img alt="Doc. 10 ‒ Page d’accueil de Tiers Livre, juin 2011." loading="lazy" sizes="(max-width: 213px) 100vw, 213px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-10_juin-2011-213x300.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-10_juin-2011-213x300.jpg 213w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-10_juin-2011.jpg 341w" style="width: 213px; height: 300px;" /></a></p> <p><small>Doc. 10 ‒ Page d&rsquo;accueil de Tiers Livre, juin 2011.</small></p> <p><a href="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-11_d%C3%A9cembre-2011.jpg"><img alt="Doc. 11 ‒ Page d’accueil de Tiers Livre, décembre 2011." loading="lazy" sizes="(max-width: 245px) 100vw, 245px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-11_d%C3%A9cembre-2011-245x300.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-11_décembre-2011-245x300.jpg 245w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-11_décembre-2011.jpg 392w" style="width: 245px; height: 300px;" /></a></p> <p><small>Doc. 11 ‒ Page d&rsquo;accueil de Tiers Livre, d&eacute;cembre 2011.</small></p> <p><a href="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-12_juillet-2012.jpg"><img alt="Doc. 12 ‒ Page d’accueil de Tiers Livre, juillet 2012." loading="lazy" sizes="(max-width: 212px) 100vw, 212px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-12_juillet-2012-212x300.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-12_juillet-2012-212x300.jpg 212w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-12_juillet-2012.jpg 339w" style="width: 212px; height: 300px;" /></a></p> <p><small>Doc. 12 ‒ Page d&rsquo;accueil de Tiers Livre, juillet 2012.</small></p> <p><a href="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-13_d%C3%A9cembre-2012.jpg"><img alt="Doc. 13 ‒ Page d’accueil de Tiers Livre, décembre 2012." loading="lazy" sizes="(max-width: 213px) 100vw, 213px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-13_d%C3%A9cembre-2012-213x300.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-13_décembre-2012-213x300.jpg 213w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-13_décembre-2012.jpg 341w" style="width: 213px; height: 300px;" /></a></p> <p><small>Doc. 13 ‒ Page d&rsquo;accueil de Tiers Livre, d&eacute;cembre 2012.</small></p> <p><a href="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-14_octobre-2013.jpg"><img alt="Doc. 15 ‒ Page d’accueil de Tiers Livre, octobre 2013." loading="lazy" sizes="(max-width: 214px) 100vw, 214px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/S%C3%A9bastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-14_octobre-2013-214x300.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-14_octobre-2013-214x300.jpg 214w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/06/Sébastien-Rongier_TiersLivre_Illustration-14_octobre-2013.jpg 343w" style="width: 214px; height: 300px;" /></a></p> <p><small>Doc. 15 ‒ Page d&rsquo;accueil de Tiers Livre, octobre 2013.</small></p> <p>Second renversement, ce que j&rsquo;appelle la logique asymptotique&nbsp;: il y a un principe de profusion, de multiplication d&rsquo;exp&eacute;riences et de modes d&rsquo;&eacute;criture qui tiennent toutes ensemble (journal image, notation, texte en &eacute;criture, en reprise d&rsquo;&eacute;criture, etc.). L&rsquo;asymptote est ici m&eacute;taphore de l&rsquo;infini, comme le site, lui, ne cesse de se multiplier, de se re-configurer. Comment, dans cette circonstance du mouvant, tenter une morphologie&nbsp;? En faisant appel &agrave; une branche des math&eacute;matiques qui a eu son heure de gloire &agrave; la fin des ann&eacute;es 1960 et 1970, la morphogen&egrave;se. Il ne s&rsquo;agit certes pas d&rsquo;entrer dans des consid&eacute;rations math&eacute;matiques dont je ne suis pas capable, mais de saisir par la m&eacute;taphore des &eacute;l&eacute;ments de la d&eacute;marche, pour d&eacute;crire des topologies instables et penser la dynamique instable.</p> <p>Le sens g&eacute;n&eacute;ral de la morphogen&egrave;se est celui d&rsquo;un processus cr&eacute;ateur (et destructeur) de formes. La question g&eacute;n&eacute;rale pos&eacute;e par Ren&eacute; Thom est de comprendre la dynamique de stabilit&eacute; dans une discontinuit&eacute;, donc de mettre en jeu une stabilit&eacute; structurelle et un processus d&rsquo;&eacute;volution induisant une instabilit&eacute; (l&rsquo;action d&rsquo;une singularit&eacute;). Bref, il s&rsquo;agit de penser un mod&egrave;le dynamique, et pour nous de dire l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;une forme discontinue que serait Tiers Livre car, comme le rappelle Ren&eacute; Thom, &laquo;&nbsp;ce qu&rsquo;on appelle usuellement une forme, c&rsquo;est toujours en derni&egrave;re analyse, une discontinuit&eacute; qualitative sur un certain fond continu&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>&nbsp;&raquo;. Cette prise en consid&eacute;ration de la dynamique et de l&rsquo;instabilit&eacute; ouvre la pens&eacute;e &agrave; une dimension apor&eacute;tique contre les mod&eacute;lisations syst&eacute;miques reposant sur la stricte stabilit&eacute; et sur la reproductibilit&eacute;.</p> <p>Comment trouver son chemin dans l&rsquo;immensit&eacute; de Tiers Livre, comment essayer d&rsquo;embrasser ces exp&eacute;riences multiples, en mouvement constant, sinon en acceptant d&rsquo;abord l&rsquo;id&eacute;e de ce mouvement, c&rsquo;est-&agrave;-dire son caract&egrave;re infini et sa dimension apor&eacute;tique&nbsp;: c&rsquo;est l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;une tension comme exp&eacute;rience critique qui d&eacute;joue les formes de dominations (id&eacute;alistes ou syst&eacute;matisantes).</p> <h2>2. Un espace d&rsquo;intensification&nbsp;: constellation et process<br /> &nbsp;</h2> <p>Il y a les textes, leurs repentirs, leurs apparitions et leurs disparitions (le&nbsp;<em><a href="http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article3413" target="_blank">Proust</a></em>&nbsp;en trace un exemple apr&egrave;s la publication papier, en attendant une nouvelle&nbsp;<em>autre</em>&nbsp;vie dans quelques temps). L&rsquo;espace d&rsquo;&eacute;criture retrouve avec le num&eacute;rique sa mobilit&eacute;. Elle n&rsquo;a jamais &eacute;t&eacute; perdue mais elle a souvent &eacute;t&eacute; oubli&eacute;e parce qu&rsquo;on a le livre comme mod&egrave;le unique (et ferm&eacute;). Or la lecture de Tiers Livre demande de quitter le mod&egrave;le du livre et la logique baudelairienne des &laquo;&nbsp;correspondances&nbsp;&raquo;, reposant sur la relation d&rsquo;horizontalit&eacute;/verticalit&eacute;, pour une autre logique, qui est celle de la constellation. La constellation est un ensemble h&eacute;t&eacute;rog&egrave;ne maintenu dans son h&eacute;t&eacute;rog&eacute;n&eacute;it&eacute;. C&rsquo;est un syst&egrave;me ouvert qui repose sur une absence de p&ocirc;le d&rsquo;attraction. C&rsquo;est une forme qui s&rsquo;expose sans fin (&agrave; la diff&eacute;rence de la configuration qui est une totalit&eacute; ferm&eacute;e). La totalisation est impossible. Il faut se r&eacute;soudre, en lisant Tiers Livre, &agrave; l&rsquo;irr&eacute;solution. Impossible pour le lecteur &ndash; comme pour l&rsquo;auteur &ndash; d&rsquo;embrasser la totalit&eacute; du site. Ce sera donc une vue et une exp&eacute;rience fragmentaire qui se proposent &agrave; lui.</p> <p>Tiers Livre est aussi une exp&eacute;rience de relecture. Je ne parle ici pas du fait de lire et relire un auteur, un site, etc. mais du fait que le site de Fran&ccedil;ois Bon se nourrit de la reprise de textes publi&eacute;s en volume, par exemple le travail en cours&nbsp;<em><a href="https://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article3547" target="_blank">Tous les mots sont adultes</a>&nbsp;</em><a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>. Le site ressaisit la forme initiale papier du texte&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>, et proc&egrave;de &agrave; une nouvelle &eacute;ditorialisation, par l&rsquo;inscription du travail dans le site, l&rsquo;ajout de photographies, de pr&eacute;sentations, de quelques liens, ou la possibilit&eacute; du commentaire. &nbsp;Exemple, pris dans le premier cercle du livre&nbsp;: &laquo;&nbsp;fen&ecirc;tre le classique de Raymond Bozier&nbsp;&raquo;. Au moment o&ugrave; s&rsquo;&eacute;crit ce article, pas d&rsquo;entr&eacute;e d&rsquo;activ&eacute;e mais trois exemples propos&eacute;s&nbsp;: un&nbsp;premier lien&nbsp;renvoie vers un texte d&rsquo;atelier &agrave; Argenteuil publi&eacute; en 2004 (avec page d&rsquo;&eacute;poque)&nbsp;; un&nbsp;<a href="https://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article66" target="_blank">deuxi&egrave;me</a>&nbsp;&agrave; un atelier &agrave; l&rsquo;IUFM de Paris publi&eacute; en 2005&nbsp;; un&nbsp;<a href="https://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article691" target="_blank">troisi&egrave;me</a>&nbsp;&agrave; un atelier en Indre-et-Loire publi&eacute; en 2007 sur le site. Ces renvois ne viennent pas du livre mais appartiennent au site. Ils sont d&eacute;sormais partie int&eacute;grante de la r&eacute;criture num&eacute;rique de&nbsp;<em>Tous les mots sont adultes</em>.</p> <p>Comme cet exemple le montre, la d&eacute;marche num&eacute;rique op&egrave;re donc un changement de paradigme&nbsp;: le passage de l&rsquo;&eacute;criture comme&nbsp;<em>work in progress</em>&nbsp;&agrave; celui d&rsquo;une &eacute;criture comme&nbsp;<em>work in process</em>. L&agrave; o&ugrave; le&nbsp;<em>work in progress</em>&nbsp;peut afficher une finalit&eacute; (une t&eacute;l&eacute;ologie, quasiment) qui d&eacute;signe une &eacute;tape vers un objet fini, achev&eacute;, une totalit&eacute; peut-&ecirc;tre&hellip; le&nbsp;<em>work in process</em>&nbsp;rend compte d&rsquo;une activit&eacute; spatio-temporelle qui n&rsquo;en finit pas, qui avance et s&rsquo;ex&eacute;cute en red&eacute;finissant constamment ses proc&eacute;dures et &eacute;tapes de fonctionnement.&nbsp;<em>In process</em>&nbsp;signifie que le syst&egrave;me organise son activit&eacute; en transformant les ressources &agrave; sa disposition. Le double travail d&rsquo;invention et de reconfiguration induit que le produit n&rsquo;est plus fini mais infini. L&rsquo;&eacute;criture num&eacute;rique de Tiers Livre est l&rsquo;exp&eacute;rience de cet infini.</p> <p>Il faut pointer une pratique d&rsquo;&eacute;criture sp&eacute;cifique de Fran&ccedil;ois Bon, &agrave; savoir la&nbsp;<em>m&agrave;j</em>&nbsp;‒&nbsp;la mise &agrave; jour de ses textes. Il n&rsquo;est pas rare de voir un texte remonter &agrave; la Une du site, et &ecirc;tre compl&eacute;t&eacute;. Fran&ccedil;ois Bon ajoute une note qui donne un nouvel &eacute;clairage, redonne une actualit&eacute; &agrave; un texte plus ancien, r&eacute;pondant &agrave; une double fonction&nbsp;:</p> <ul> <li>une fonction arch&eacute;ologique&nbsp;: le site revisite sa propre histoire des pratiques num&eacute;riques, regarde la distance parcourue (ou non), &eacute;value les &eacute;volutions. Je pense par exemple au r&eacute;cent &laquo;&nbsp;<a href="https://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article949" target="_blank">facebook mode d&rsquo;emploi</a>&nbsp;&raquo;, 1&egrave;re mise en ligne 15 septembre 2007 et derni&egrave;re modification le 19 novembre 2013<em>.&nbsp;</em>Fran&ccedil;ois Bon n&rsquo;efface rien mais ajoute des chapeaux introductifs pour mettre en perspective ou amender.</li> <li>une fonction transformatrice&nbsp;: dans son environnement num&eacute;rique, le texte acquiert un autre statut. Il prend une dimension processuelle. La logique de &laquo;&nbsp;mise &agrave; jour&nbsp;&raquo; inscrit le texte dans un &eacute;cosyst&egrave;me num&eacute;rique. Sa logique est celle du logiciel, rompant avec une stricte logique chronologique pour un principe d&rsquo;&eacute;volution interne, inscrivant sa temporalit&eacute; (temps de l&rsquo;&eacute;criture et des retours) dans la vie m&ecirc;me du texte. Chaque texte est potentiellement vou&eacute; &agrave; sa propre infinit&eacute;.</li> </ul> <p>C&rsquo;est le paradigme temporel du texte et de l&rsquo;&eacute;criture qui est ici d&eacute;plac&eacute;. La pr&eacute;sence du texte renverse la logique du pr&eacute;sentisme (qui accompagne souvent la critique du num&eacute;rique) pour une forme de pr&eacute;sent par d&eacute;bordement. Le pr&eacute;sent s&rsquo;oppose au&nbsp;<em>pr&eacute;sentisme</em>&nbsp;d&eacute;crit par Fran&ccedil;ois Hartog &laquo;&nbsp;comme [un] renfermement sur le seul pr&eacute;sent et [un] point de vue du pr&eacute;sent sur lui-m&ecirc;me&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>&nbsp;&raquo;. Entendu comme temps de l&rsquo;aplatissement m&eacute;diatique et de la consommation &eacute;v&eacute;nementielle, le pr&eacute;sentisme est, chez Hartog, la description d&rsquo;un &laquo;&nbsp;r&eacute;gime d&rsquo;historicit&eacute;&nbsp;&raquo; c&rsquo;est-&agrave;-dire, selon Jean-Fran&ccedil;ois Hammel, un mod&egrave;le d&rsquo;intellection du temps d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute;, un &laquo;&nbsp;mode d&rsquo;&ecirc;tre au temps propre &agrave; une soci&eacute;t&eacute; [qui] rend compte des relations du pass&eacute; et du futur dans chaque pr&eacute;sent de l&rsquo;histoire&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p>L&rsquo;&eacute;criture exp&eacute;riment&eacute;e avec Tiers Livre renverse la logique du pr&eacute;sentisme pour une pr&eacute;sence en reconfiguration, un pr&eacute;sent de la reconfiguration. Pour donner un nouvel exemple de l&rsquo;articulation entre constellation et&nbsp;<em>process</em>&nbsp;: que serait une lecture de la page d&rsquo;accueil&nbsp;? Quelle serait sa morphologie&nbsp;? La page d&rsquo;accueil de Tiers Livre est le bord de ce qui n&rsquo;en a pas. Elle s&rsquo;abolit dans sa dynamique m&ecirc;me. La bordure num&eacute;rique qu&rsquo;invente le num&eacute;rique n&rsquo;est pas une fronti&egrave;re ou une s&eacute;paration&nbsp;: c&rsquo;est la ligne instable du passage. La bordure devient le signe morphologique de ce d&eacute;centrement&nbsp;: la page d&rsquo;accueil est une invitation au d&eacute;centrement, une ligne mobile toujours outrepass&eacute;e par elle-m&ecirc;me. L&rsquo;hypoth&egrave;se topographique devient celle d&rsquo;un espace sans dehors ni dedans. La fronti&egrave;re est ind&eacute;cidable. Et la lecture num&eacute;rique de Tiers Livre, jointe &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rience mobile de l&rsquo;&eacute;criture qui se reconfigure sans cesse, construisent un espace dont le bord n&rsquo;existe qu&rsquo;&agrave; condition de son d&eacute;bordement.</p> <h2>3. Un espace-carrefour&nbsp;: &eacute;cosyst&egrave;me, plasticit&eacute; et connectivit&eacute;<br /> &nbsp;</h2> <p>Walter Benjamin, dans&nbsp;<em>L&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;art &agrave; l&rsquo;&egrave;re de sa reproductibilit&eacute; technique</em>, envisage deux temps historiques de l&rsquo;art&nbsp;:</p> <ul> <li>un premier temps qui est celui de la tradition, d&rsquo;un art artisanal et/ou monumental reposant sur l&rsquo;authenticit&eacute; d&rsquo;un original produisant sa valeur auratique (ce qu&rsquo;il appelle &laquo;&nbsp;l&rsquo;autorit&eacute; de la chose&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>&nbsp;&raquo;).</li> <li>un second temps de l&rsquo;art, d&eacute;fini comme &laquo;&nbsp;moderne&nbsp;&raquo;, qui permet de cerner les enjeux du contemporain dans un sens que j&rsquo;ai d&eacute;j&agrave; abord&eacute;&nbsp;: c&rsquo;est l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;un art comme processus&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>.</li> </ul> <p>Benjamin s&rsquo;appuie sur la notion de reproductibilit&eacute; pour expliquer ce changement de paradigme, qui induit l&rsquo;articulation de l&rsquo;esth&eacute;tique au technologique. &Agrave; l&rsquo;&egrave;re du num&eacute;rique, la question s&rsquo;est &eacute;largie autant qu&rsquo;elle s&rsquo;est intensifi&eacute;e, mais la d&eacute;marche de Benjamin reste op&eacute;rante pour nous. Il faut d&rsquo;abord rappeler que Benjamin n&rsquo;a jamais une lecture binaire mais dialectique&nbsp;: ce qu&rsquo;il pointe, c&rsquo;est la perte de l&rsquo;aura, pas la disparition de l&rsquo;&oelig;uvre. C&rsquo;est un changement de paradigme qui me semble &eacute;clairer la situation de l&rsquo;&eacute;criture contemporaine avec le num&eacute;rique, et celle de Fran&ccedil;ois Bon en particulier. Le livre est un moment de l&rsquo;&eacute;cosyst&egrave;me de l&rsquo;&eacute;criture&nbsp;: ainsi la question n&rsquo;est plus de penser son &eacute;criture comme une rencontre avec un objet, f&ucirc;t-il num&eacute;rique, mais de l&rsquo;envisager comme un processus qui aboutit ‒ selon l&rsquo;expression de Benjamin&nbsp;‒ &laquo;&nbsp;&agrave; un puissant &eacute;branlement de la tradition&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p>La question du processus &eacute;claire l&rsquo;id&eacute;e que l&rsquo;&eacute;criture et le texte sont d&eacute;plac&eacute;s par les pratiques num&eacute;riques. Il n&rsquo;est qu&rsquo;&agrave; voir les formes mobiles que prennent les aventures textuelles de Tiers Livre entre &eacute;criture, &eacute;dition, diffusion, reprise et transformation. Exemple avec&nbsp;<em><a href="https://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article322" target="_blank">Rolling Stones, une biographie</a></em>.&nbsp;Avant d&rsquo;&ecirc;tre un livre (Fayard, septembre 2002),&nbsp;<em>Rolling Stones, une biographie</em>&nbsp;a &eacute;t&eacute; un feuilleton radiophonique sur France Culture (r&eacute;guli&egrave;rement rediffus&eacute;). Premi&egrave;re r&eacute;vision au moment de l&rsquo;&eacute;dition de poche en 2004 (Livre de Poche, avec une postface). Prolongements et compl&eacute;ments sur Tiers Livre avec un dossier complet (textes, ressources, compl&eacute;ments dont le&nbsp;<em>Conservations avec Keith Richards&nbsp;</em><a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>)&hellip; Il n&rsquo;y a pas&nbsp;<em>un</em>&nbsp;livre, mais un processus qui ne se termine pas avec cette description. Le texte devient une navigation dont les contours sont instables et souvent renouvel&eacute;s.</p> <p>Le num&eacute;rique n&rsquo;invente pas ce jeu de reprise. Il suffit de lire &agrave; ce sujet ce qu&rsquo;&eacute;crit Fran&ccedil;ois Bon dans&nbsp;<em>Apr&egrave;s le livre</em>, au sujet de Baudelaire qui &laquo;&nbsp;n&rsquo;a jamais &eacute;crit&nbsp;<em>Les Fleurs du&nbsp;</em><em>mal&nbsp;</em><a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>&nbsp;&raquo;. Le num&eacute;rique n&rsquo;invente donc pas ce jeu de reprise, mais il l&rsquo;intensifie et lui donne une nouvelle l&eacute;gitimit&eacute;. Il l&rsquo;explore en approfondissant la logique processuelle. En s&rsquo;appropriant cette possibilit&eacute; d&rsquo;&eacute;cosyst&egrave;me, la morphologie est celle de la plasticit&eacute;. Il faut alors envisager l&rsquo;&eacute;criture num&eacute;rique en termes de plasticit&eacute;, vue comme une &laquo; structure diff&eacute;rentielle de la forme&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>&nbsp;&raquo;. Le terme de plasticit&eacute; est d&rsquo;abord esth&eacute;tique, puis didactique&nbsp;:&nbsp;<em>Plassein</em>, c&rsquo;est fa&ccedil;onner, modeler, et, au sens figur&eacute;, former, &eacute;duquer. Le terme devient philosophique avec Hegel qui l&rsquo;&eacute;voque dans&nbsp;<em>La Ph&eacute;nom&eacute;</em><em>nologie de l&rsquo;Esprit</em>&nbsp;pour d&eacute;finir la subjectivit&eacute;&nbsp;: la plasticit&eacute; traduit le sujet, c&rsquo;est-&agrave;-dire pour Hegel recevoir et former son propre contenu, c&rsquo;est-&agrave;-dire s&rsquo;auto-diff&eacute;rencier. La plasticit&eacute; est ici le trait g&eacute;n&eacute;ral de la mall&eacute;abilit&eacute;, un espace de tension qui fait tenir ensemble l&rsquo;h&eacute;t&eacute;rog&egrave;ne.</p> <h2>Conclusion<br /> &nbsp;</h2> <p>R&eacute;fl&eacute;chissant sur l&rsquo;aura, Walter Benjamin d&eacute;finit l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;art comme &laquo;&nbsp;une singuli&egrave;re trame d&rsquo;espace et de temps&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est ce que nous donne &agrave; lire Tiers Livre&nbsp;:</p> <ul> <li>une singularit&eacute;&nbsp;: son auteur est diffract&eacute;, l&rsquo;&eacute;criture est en constellation et le processus est plastique&nbsp;;</li> <li>un espace-temps&nbsp;: c&rsquo;est la tentative de penser les dimensions du num&eacute;rique (horizontalit&eacute; / verticalit&eacute; / profondeur-&eacute;paisseur) comme espace infini&nbsp;;</li> <li>une trame&nbsp;: l&rsquo;image peut renvoyer &agrave; l&rsquo;id&eacute;e du texte-tissu. Elle me semble &eacute;galement induire une id&eacute;e de carrefour, un espace de crois&eacute;e des chemins et des exp&eacute;riences qui font &eacute;galement de Tiers Livre un espace-temps ouvert. L&rsquo;attention aux autres sites et aux autres exp&eacute;riences num&eacute;riques (sur le mode de l&rsquo;admiration aussi bien que de la pol&eacute;mique), l&rsquo;attention aux supports et &agrave; leurs pratiques quotidiennes, les invitations &agrave; lire et &agrave; aller voir qui font du site un espace pour aller ailleurs&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>. Tiers Livre est aussi l&rsquo;occasion d&rsquo;autres sites, d&rsquo;autres exp&eacute;riences&hellip; un pr&eacute;texte pour s&rsquo;en &eacute;chapper afin de mieux le retrouver (publie.net, Nerval, mais avant et toujours d&rsquo;autres formes cach&eacute;es). Fran&ccedil;ois Bon ne cesse n&rsquo;inventer ce mouvement et ce dialogue dialectique avec son site. Il transforme son site en ses sites afin de prolonger l&rsquo;infini du bord absent. Et bien s&ucirc;r les r&eacute;seaux sociaux offrent d&rsquo;autres prolongements et espaces d&rsquo;exp&eacute;rimentation.</li> </ul> <h2>Notes<br /> &nbsp;</h2> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a>&nbsp;<a href="http://http%20//www.tierslivre.net/">Ici</a>.</p> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a>&nbsp;M&ecirc;me si on voit se d&eacute;velopper des contre-d&eacute;marches d&rsquo;&eacute;vanescence&nbsp;: v. Snapchat ou de certains sites comme&nbsp;<em><a href="http://desordre.net/" target="_blank">D&eacute;sordre</a>.</em></p> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a>&nbsp;Pour une analyse pointue, voir notamment Patrick Labarthe, &laquo; Une po&eacute;tique ambigu&euml; : les &laquo;&nbsp;correspondances&nbsp;&raquo;, in <em>Les Fleurs du mal</em>. Colloque de la Sorbonne, Andr&eacute; Guyaux&nbsp;&amp;&nbsp;Bertrand Marchal (dir.), Paris, Presses de l&rsquo;Universit&eacute; de Paris-Sorbonne, 2003, p. 121-142.</p> <p><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a>&nbsp;Ren&eacute; Thom,&nbsp;<em>Pr&eacute;dire n&rsquo;est pas expliquer</em>, Paris, Champ-Flammarion, 1993, p. 35. Voir &eacute;galement Ren&eacute; Thom,&nbsp;<em>Mod&egrave;les math&eacute;matiques de la morphogen&egrave;se</em>, Paris, Christian Bourgois, 1981.</p> <p><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a>&nbsp;<a href="http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article3547">Ici</a>.</p> <p><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a>&nbsp;2000 puis 2005&hellip; cette forme papier &eacute;tant d&eacute;j&agrave; la trace d&rsquo;une constellation de pratiques ant&eacute;rieures.</p> <p><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a>&nbsp;Fran&ccedil;ois Hartog,&nbsp;<em>R&eacute;gimes d&rsquo;historicit&eacute;. Pr&eacute;sentisme et exp&eacute;rience du temps</em>, Paris, Seuil, 2003, p.&nbsp;210-211.</p> <p><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a>&nbsp;Jean-Fran&ccedil;ois Hammel,&nbsp;<em>Revenances de l&rsquo;histoire</em>, Paris, Les &eacute;ditions de minuit, 2006, p.&nbsp;27.</p> <p><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a>&nbsp;Walter Benjamin,&nbsp;<em>L&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;art &agrave; l&rsquo;&egrave;re de sa reproductibilit&eacute; technique</em>, trad. Maurice de Gandillac, revue par Rainer Rochlitz, Paris, Folio, 2001, p. xxx.</p> <p><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a>&nbsp;V. &agrave; ce sujet la traduction et les analyses de Rainer Rochlitz,&nbsp;<em>&eacute;d. cit.</em></p> <p><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p. 276.</p> <p><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a>&nbsp;Qui devient &eacute;galement un livre num&eacute;rique avec une premi&egrave;re existence sur Twitter, ainsi qu&rsquo;une publication d&rsquo;une nouvelle &eacute;dition de&nbsp;<em>Rolling Stones, une biographie&nbsp;</em>en 2013 (revue en mai 2013) pour&nbsp;<em>publie.net</em>&nbsp;avec ajout, modifications et compl&eacute;ments.</p> <p><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a>&nbsp;<em>Apr&egrave;s le livre</em>, Seuil, 2011, p. 67 et suivantes.</p> <p><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a>&nbsp;Catherine Malabou,&nbsp;<em>La Plasticit&eacute; au soir de l&rsquo;&eacute;criture. Dialectique, destruction, d&eacute;construction</em>, Paris, &Eacute;ditions L&eacute;o Scheer, 2005, p. 16.</p> <p><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a>&nbsp;Walter Benjamin,&nbsp;<em>L&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;art &agrave; l&rsquo;&egrave;re de sa reproductibilit&eacute; technique</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p. 278.</p> <p><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a>&nbsp;Tiers Livre est aussi un site con&ccedil;u pour qu&rsquo;on s&rsquo;en &eacute;chappe.</p> <h3>Auteur</h3> <p><strong>S&eacute;bastien Rongier</strong> est &eacute;crivain et essayiste. Membre du comit&eacute; de r&eacute;daction de&nbsp;<a href="http://remue.net/" target="_blank">remue.net</a>, il anime &eacute;galement son propre site&nbsp;<a href="http://sebastienrongier.net/" target="_blank">sebastienrongier.net</a>.&nbsp;Derni&egrave;res parutions&nbsp;:&nbsp;<em>Cin&eacute;mati&egrave;re. Arts et cin&eacute;ma</em>, Klincksieck, 2015 et&nbsp;<em>Th&eacute;orie des fant&ocirc;mes. Pour une arch&eacute;ologie des images</em>, Les Belles Lettres, octobre 2015, ainsi qu&rsquo;un roman:&nbsp;<em>78</em>, Fayard, septembre 2015.</p> <p><strong>Copyright</strong></p> <p>Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p>