<h3>Abstract</h3> <p>Following the same experimental line which began with&nbsp;<em>Ne m&rsquo;attendez pas ce soir</em>&nbsp;(1971), Fran&ccedil;ois Billetdoux, in&nbsp;<em>Les Veuves</em>&nbsp;(1972), brings together Jacques Voyet&rsquo;s puppets, their manipulators and actors on the same stage. A close study of these two plays, including preparatory versions of&nbsp;<em>Les Veuves</em>, reveals a complex dramaturgy where non-verbal elements (sound effects, pictures, sculptures) interact with the traditional components of drama. While the characters&rsquo; identity can split into different bodies and voices, puppets are used to play the parts of beings who stand on the threshold between life and death. In both plays, the complicated dramaturgical structure, the author&rsquo;s presence on stage (playing the protagonist&rsquo;s part) and the combination of puppets, puppeteers and actors serve a theatrical autofiction.</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p>Billetdoux, <em>Les Veuves</em>, Jacques Voyet, puppets, visual dramaturgy, autofiction, total theatre</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: right;">&laquo;&nbsp;Ah&nbsp;! j&rsquo;en ai cru&nbsp;! j&rsquo;en ai cru des choses&nbsp;!&hellip;<br /> Tout en allant comme un jeune homme<br /> vers tout ce qu&rsquo;on me racontait&nbsp;!&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: right;">Fran&ccedil;ois Billetdoux,&nbsp;<em>Les Veuves.</em></p> <p>Il est toujours frappant de constater combien l&rsquo;histoire la plus r&eacute;cente, parce qu&rsquo;elle n&rsquo;est pas tout &agrave; fait &eacute;crite, comporte d&rsquo;oublis et de distorsions. Encore proche en cela de la m&eacute;moire humaine, elle s&eacute;lectionne, occulte, transforme, selon des crit&egrave;res difficilement identifiables mais qui ont surtout pour effet de donner l&rsquo;illusion aux nouvelles g&eacute;n&eacute;rations qu&rsquo;elles d&eacute;couvrent, &agrave; chaque pas, un monde in&eacute;dit. C&rsquo;est pourquoi il est p&eacute;riodiquement n&eacute;cessaire de revenir aux archives, de confronter les t&eacute;moignages et d&rsquo;examiner toutes les traces des activit&eacute;s pass&eacute;es, non pas seulement pour rendre &agrave; chacun les inventions qui lui sont dues &ndash;&nbsp;l&rsquo;historien, si l&rsquo;on en croit l&rsquo;&eacute;tymologie, joue le r&ocirc;le d&rsquo;un arbitre&nbsp;&ndash;, mais aussi pour mieux conna&icirc;tre le chemin qui conduit au pr&eacute;sent, les &eacute;tapes d&eacute;j&agrave; parcourues et le mouvement qui, tel l&rsquo;<em>Angelus novus&nbsp;</em>peint par Paul Klee, nous emporte irr&eacute;pressiblement vers l&rsquo;avenir.</p> <p>Retraversant aujourd&rsquo;hui l&rsquo;&oelig;uvre th&eacute;&acirc;trale de Fran&ccedil;ois Billetdoux, prenant la mesure des exp&eacute;rimentations dramaturgiques et sc&eacute;niques qui l&rsquo;ont accompagn&eacute;e, on peut en effet l&eacute;gitimement s&rsquo;&eacute;tonner de la faible place qu&rsquo;elle occupe dans l&rsquo;histoire de la sc&egrave;ne contemporaine. Je ne prendrai ici que deux exemples&nbsp;:&nbsp;<em>Les Veuves</em>&nbsp;et&nbsp;<em>Ne m&rsquo;attendez pas ce soir</em>, pi&egrave;ces &eacute;crites au seuil des ann&eacute;es 1970, r&eacute;unissant toutes deux acteurs et marionnettes en une configuration puissamment originale, mais qui restent g&eacute;n&eacute;ralement ignor&eacute;es de l&rsquo;historiographie des arts de la marionnette tout comme de celle de l&rsquo;&eacute;criture th&eacute;&acirc;trale. Engageant en ce moment une r&eacute;flexion sur la place du th&eacute;&acirc;tre de figure dans l&rsquo;&eacute;mergence de dramaturgies complexes, au sein desquelles la narration repose conjointement sur des &eacute;l&eacute;ments verbaux et non verbaux, j&rsquo;ai &eacute;t&eacute; frapp&eacute; de d&eacute;couvrir dans l&rsquo;&oelig;uvre de Fran&ccedil;ois Billetdoux des manifestations particuli&egrave;rement riches et pr&eacute;coces de ce ph&eacute;nom&egrave;ne. C&rsquo;est donc &agrave; cette lumi&egrave;re, celle de l&rsquo;articulation du dicible et du visible dans l&rsquo;&eacute;criture th&eacute;&acirc;trale &laquo;&nbsp;avec marionnettes&nbsp;&raquo; de la fin du 20<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, que je voudrais ici examiner ces deux &oelig;uvres.</p> <p>Cet examen n&rsquo;est qu&rsquo;une invitation &agrave; poursuivre plus avant la recherche, car plusieurs zones d&rsquo;ombre subsistent autour de ces deux pi&egrave;ces, et des&nbsp;<em>Veuves</em>&nbsp;tout particuli&egrave;rement&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>. Il faudrait en particulier comparer plus syst&eacute;matiquement que je ne l&rsquo;ai fait le texte des&nbsp;<em>Veuves</em>, tel qu&rsquo;il a &eacute;t&eacute; publi&eacute; par son auteur dans&nbsp;<em>L&rsquo;Avant-sc&egrave;ne&nbsp;</em><a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>, avec les versions manuscrite et multigraphi&eacute;e conserv&eacute;es &agrave; la Biblioth&egrave;que nationale de France, dans le Fonds Fran&ccedil;ois Billetdoux du D&eacute;partement des Arts du spectacle&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>. Outre le fait que la publication dans&nbsp;<em>L&rsquo;Avant-sc&egrave;ne</em>&nbsp;r&eacute;crit int&eacute;gralement le texte destin&eacute; &agrave; la sc&egrave;ne en le faisant basculer du mode dramatique au mode narratif, la pi&egrave;ce prenant la forme d&rsquo;un conte moderne, des d&eacute;placements de r&eacute;pliques, des changements d&rsquo;identit&eacute; des personnages, de larges coupes ainsi qu&rsquo;un profond remaniement des derni&egrave;res sc&egrave;nes ont &eacute;t&eacute; effectu&eacute;s par Fran&ccedil;ois Billetdoux&nbsp;: il y a donc lieu de se demander si le texte jou&eacute; en 1972 &eacute;tait encore proche de ces &eacute;tats manuscrit et multigraphi&eacute; ou bien s&rsquo;il comportait d&eacute;j&agrave; certaines des transformations de la version publi&eacute;e dans&nbsp;<em>L&rsquo;Avant-sc&egrave;ne</em>. Mais une &eacute;tude r&eacute;ellement approfondie des&nbsp;<em>Veuves</em>&nbsp;devrait prendre en compte d&rsquo;autres variantes encore, en amont et en aval de la r&eacute;alisation sc&eacute;nique, car la pi&egrave;ce de Fran&ccedil;ois Billetdoux a connu un parcours singulier&nbsp;: depuis une premi&egrave;re lecture radiophonique jusqu&rsquo;&agrave; une mise en sc&egrave;ne, puis une adaptation pour la radio, suivant un double mouvement d&rsquo;&eacute;mergence du visible puis de replong&eacute;e dans l&rsquo;invisible qui serait des plus int&eacute;ressants &agrave; &eacute;tudier.</p> <h2>1. Le &laquo;&nbsp;cycle des poup&eacute;es&nbsp;&raquo; de Fran&ccedil;ois Billetdoux<br /> &nbsp;</h2> <p>Un premier &eacute;tat des&nbsp;<em>Veuves</em>&nbsp;a en effet &eacute;t&eacute; enregistr&eacute; le 26 juin 1972 &agrave; l&rsquo;Auditorium 102 de la Maison de la Radio&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>. Une reprise (peut-&ecirc;tre sous le titre&nbsp;<em>Le Chapeau-soleil</em>&nbsp;?) a lieu quelques semaines plus tard, le 18 juillet 1972, dans le cadre du Festival de Vaison-la-Romaine-Carpentras&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>, en coproduction avec France Culture-ORTF. La v&eacute;ritable cr&eacute;ation sc&eacute;nique, &laquo;&nbsp;en nouvelle version&nbsp;&raquo; comme le pr&eacute;cise l&rsquo;auteur&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>, se fait &agrave; l&rsquo;automne &agrave; Paris, le 25 octobre 1972, pour 50 repr&eacute;sentations &agrave; l&rsquo;Espace Pierre Cardin. Une seule reprise a lieu un peu plus d&rsquo;un an et demi plus tard dans la Round House &agrave; Londres, pour dix repr&eacute;sentations (du 29 mai au 18 juin 1974), avec le concours de l&rsquo;Association Fran&ccedil;aise d&rsquo;Action Artistique. Des changements de distribution sont effectu&eacute;s entre ces diff&eacute;rentes dates, le plus notable concernant le r&ocirc;le de l&rsquo;Oncle Rouge-et-or qui, interpr&eacute;t&eacute; par Fran&ccedil;ois Billetdoux &agrave; l&rsquo;Espace Pierre Cardin, est confi&eacute; &agrave; Olivier Hussenot &agrave; la Round House. En 1981, une adaptation radiophonique r&eacute;alis&eacute;e par Georges Gravier est diffus&eacute;e sur France Culture.</p> <p><a href="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/10/Les-Veuves_r%C3%A9p%C3%A9tition-%C3%A0-lEspace-Cardin-1972.jpg"><img alt="Les Veuves_répétition à l'Espace Cardin, 1972" height="613" loading="lazy" sizes="(max-width: 836px) 100vw, 836px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/10/Les-Veuves_r%C3%A9p%C3%A9tition-%C3%A0-lEspace-Cardin-1972-300x220.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/10/Les-Veuves_répétition-à-lEspace-Cardin-1972-300x220.jpg 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/10/Les-Veuves_répétition-à-lEspace-Cardin-1972-1024x751.jpg 1024w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/10/Les-Veuves_répétition-à-lEspace-Cardin-1972-810x594.jpg 810w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2015/10/Les-Veuves_répétition-à-lEspace-Cardin-1972-1140x836.jpg 1140w" width="836" /></a></p> <p><small>Doc. 1&nbsp;‒&nbsp;R&eacute;p&eacute;tition des&nbsp;<em>Veuves</em>&nbsp;&agrave; l&rsquo;Espace Cardin, avec Fran&ccedil;ois Billetdoux, 1972. Photographie : Michel-Jean Robin.</small></p> <p>Par ailleurs, comme le remarque Jean-Pierre Miquel dans l&rsquo;introduction qu&rsquo;il r&eacute;dige pour sa publication dans&nbsp;<em>L&rsquo;Avant-sc&egrave;ne</em>,&nbsp;<em>Les Veuves</em>&nbsp;est l&rsquo;aboutissement d&rsquo;un bref &laquo;&nbsp;cycle des poup&eacute;es&nbsp;&raquo; commenc&eacute; un an plus t&ocirc;t avec&nbsp;<em>Ne m&rsquo;attendez pas ce soir</em>, &laquo;&nbsp;po&egrave;me-spectacle&nbsp;&raquo; de Fran&ccedil;ois Billetdoux cr&eacute;&eacute; le 20 octobre 1971 au Petit Od&eacute;on &agrave; l&rsquo;invitation de Miquel qui en assurait la programmation. Je cite ce dernier&nbsp;:</p> <blockquote> <p>[&hellip;] pour la premi&egrave;re fois, je crois, Billetdoux avait donn&eacute; plus d&rsquo;importance &agrave; l&rsquo;image qu&rsquo;au texte. Il s&rsquo;&eacute;tait laiss&eacute; provoquer par une grande poup&eacute;e de Jacques Voyet, par d&rsquo;autres objets et par des sons. Il avait &eacute;tabli des relations entre lui, trois acteurs, des musiques et des objets d&rsquo;art&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>.</p> </blockquote> <p>Ces deux &oelig;uvres,&nbsp;<em>Ne m&rsquo;attendez pas ce soir</em>&nbsp;et&nbsp;<em>Les Veuves</em>, ont en effet bien des points en commun, lesquels ne se r&eacute;duisent pas &agrave; la seule pr&eacute;sence des marionnettes de Jacques Voyet. L&rsquo;un d&rsquo;eux est la citation, en filigrane, des derniers mots &eacute;crits par G&eacute;rard de Nerval &agrave; sa tante avant de se suicider&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ne m&rsquo;attends pas ce soir, car la nuit sera noire et blanche&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>.&nbsp;&raquo; La premi&egrave;re pi&egrave;ce y fait clairement allusion en reprenant dans son titre, sous une forme l&eacute;g&egrave;rement modifi&eacute;e, la premi&egrave;re partie de la citation, compl&eacute;t&eacute;e et restitu&eacute;e &agrave; Nerval sur la page de titre de l&rsquo;&eacute;dition de 1994&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>. Dans&nbsp;<em>Les Veuves</em>, la formule d&rsquo;adieu du po&egrave;te appara&icirc;t dans le texte m&ecirc;me de la pi&egrave;ce, sous la forme d&rsquo;un t&eacute;l&eacute;gramme adress&eacute; par l&rsquo;Oncle Rouge-et-or aux trois jeunes filles qui lui ont demand&eacute; de revenir au village&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ne-m&rsquo;attendez-pas-ce-soir-car-la-nuit-sera-noire-et-blanche&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p>Un autre point commun entre ces deux &oelig;uvres est la pr&eacute;sence d&rsquo;un protagoniste masculin interpr&eacute;t&eacute; par Fran&ccedil;ois Billetdoux lui-m&ecirc;me, Bonaventure dans&nbsp;<em>Ne m&rsquo;attendez pas ce soir</em>&nbsp;et l&rsquo;Oncle Rouge-et-or dans&nbsp;<em>Les Veuves</em>, personnages &eacute;tranges et comme d&eacute;cal&eacute;s par rapport &agrave; leur environnement&nbsp;: Bonaventure porte m&ecirc;me un masque de clown. Ces figures d&eacute;l&eacute;gu&eacute;es de l&rsquo;auteur sur la sc&egrave;ne, interpr&eacute;t&eacute;es par l&rsquo;&eacute;crivain en personne, sont en outre sujettes &agrave; des d&eacute;doublements. Dans&nbsp;<em>Ne m&rsquo;attendez pas ce soir</em>, un Enfant Rouge repr&eacute;sente Bonaventure enfant, entra&icirc;nant la pi&egrave;ce dans un long retour en arri&egrave;re. &Agrave; la fin des<em>&nbsp;Veuves</em>, l&rsquo;Oncle Rouge-et-or reconna&icirc;t dans l&rsquo;enfant Poussi&egrave;re comme un prolongement de lui-m&ecirc;me. C&rsquo;est assez dire que ces deux pi&egrave;ces peuvent &ecirc;tre lues comme des autofictions th&eacute;&acirc;trales, l&rsquo;auteur se projetant dans la diversit&eacute; de ces figures pour revisiter les souvenirs de son enfance ou sa relation avec ses propres filles. Analysant la place que Rapha&euml;le Billetdoux, en 4<sup>e</sup>&nbsp;de couverture de son r&eacute;cit autobiographique&nbsp;<em>Ch&egrave;re Madame ma fille cadette</em>, donne &agrave; une photographie de son p&egrave;re dans&nbsp;<em>Ne m&rsquo;attendez pas ce soir</em>, Nicole Tr&ecirc;ves confirme cette interpr&eacute;tation&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Cette photo nous offre l&rsquo;&eacute;quivalent visuel de la toute premi&egrave;re phrase de&nbsp;<em>Ch&egrave;re Madame ma fille cadette&nbsp;</em>: &ldquo;Mon p&egrave;re &eacute;tait auteur dramatique. Personne &agrave; part cela ne peut dire qui il &eacute;tait.&rdquo; (p. 11). Enfin, faire surgir (mais d&rsquo;une mani&egrave;re si allusive, en ins&eacute;rant la photo du p&egrave;re y jouant un r&ocirc;le) le titre de sa pi&egrave;ce&nbsp;<em>Ne m&rsquo;attendez pas ce soir</em>, n&rsquo;est-ce pas rappeler, ou tout simplement revivre pour soi-m&ecirc;me, intimement et d&rsquo;une mani&egrave;re cach&eacute;e, cette composante primordiale de la relation avec un p&egrave;re sur la pr&eacute;sence duquel on ne pouvait gu&egrave;re souvent compter&nbsp;? Combien de fois dans la vie quotidienne Fran&ccedil;ois n&rsquo;a-t-il pas annonc&eacute; aux siens &ldquo;Ne m&rsquo;attendez pas ce soir&rdquo;&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>&nbsp;?</p> </blockquote> <p>Un dernier point commun, enfin, est l&rsquo;&eacute;quipe artistique rassembl&eacute;e autour de ces deux cr&eacute;ations&nbsp;; la part importante qu&rsquo;y occupent les arts plastiques, tout d&rsquo;abord&nbsp;: dans&nbsp;<em>Ne m&rsquo;attendez pas ce soir</em>, sont pr&eacute;sents sur la sc&egrave;ne une sculpture de Louis Chavignier, l&rsquo;<em>&Eacute;pouvantail aux miroirs</em>, un tableau de Jacques Voyet,&nbsp;<em>Quatre jeunes filles en bleu</em>, un portrait de&nbsp;<em>L&rsquo;Enfant Rouge</em>&nbsp;&laquo;&nbsp;par Adrienne Bx&nbsp;&raquo; (Adrienne Billetdoux, m&egrave;re de Fran&ccedil;ois), ainsi qu&rsquo;une grande marionnette de Jacques Voyet, la Figure. Dans&nbsp;<em>Les Veuves</em>, nous trouvons 21 grandes marionnettes de Jacques Voyet, celle plus petite de l&rsquo;enfant Poussi&egrave;re ainsi que (sur les versions manuscrite et multigraphi&eacute;e) deux &eacute;nigmatiques &laquo;&nbsp;t&ecirc;tes aux voiles&nbsp;&raquo;.</p> <p>Le travail sonore est lui aussi tr&egrave;s important, Fran&ccedil;ois Billetdoux s&rsquo;entourant notamment de collaborateurs artistiques, ing&eacute;nieurs du son&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>&nbsp;et musiciens, qu&rsquo;il a pu rencontrer dans son travail pour la radio. Significativement, la liste des personnages est remplac&eacute;e, dans&nbsp;<em>Ne m&rsquo;attendez pas ce soir</em>, par une &laquo;&nbsp;Instrumentation&nbsp;&raquo; o&ugrave; apparaissent, en plus des protagonistes de la pi&egrave;ce, des &eacute;l&eacute;ments de d&eacute;cor, un &laquo;&nbsp;rythme lumineux&nbsp;&raquo;, mais aussi un &laquo;&nbsp;objet sonore&nbsp;&raquo;, le Vroum, &laquo;&nbsp;une suite de bruitages en st&eacute;r&eacute;ophonie&nbsp;&raquo;, ainsi qu&rsquo;un chant d&rsquo;Ir&egrave;ne Pappas sur une musique compos&eacute;e par Vangelis Papathanassiou. Dans&nbsp;<em>Les Veuves</em>, nous retrouvons la musique de Vangelis, mais le chant est celui de Katharina Renn, com&eacute;dienne d&rsquo;origine allemande et collaboratrice de longue date de Fran&ccedil;ois Billetdoux, puisqu&rsquo;elle a jou&eacute; dans&nbsp;<em>Tchin-tchin</em>&nbsp;en 1959. Surtout, sont pr&eacute;sentes sur la sc&egrave;ne des structures sonores de Bernard et Fran&ccedil;ois Baschet, sur lesquelles improvise Alain Bouchaux. Les fr&egrave;res Baschet sont des facteurs d&rsquo;instruments qui ont beaucoup travaill&eacute; dans le domaine de la musique concr&egrave;te, en collaborant par exemple avec le Groupe de Recherche Musicale de Pierre Schaeffer &agrave; l&rsquo;ORTF. On reconna&icirc;t en particulier sur les photographies publi&eacute;es dans&nbsp;<em>L&rsquo;Avant-sc&egrave;ne</em>&nbsp;une &laquo;&nbsp;t&ocirc;le &agrave; voix&nbsp;&raquo; des fr&egrave;res Baschet, que le texte de la pi&egrave;ce d&eacute;signe comme une &laquo;&nbsp;croix sonore&nbsp;&raquo;, diffusant les messages-t&eacute;l&eacute;grammes &laquo;&nbsp;aux quatre vents&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p>On voit donc que, pour ces deux productions, Fran&ccedil;ois Billetdoux s&rsquo;&eacute;carte des modes de composition dramatique qu&rsquo;il avait pr&eacute;alablement suivis, ceux d&rsquo;un th&eacute;&acirc;tre fond&eacute; sur la parole, pour explorer les voies d&rsquo;une &eacute;criture sc&eacute;nique enrichie, bas&eacute;e sur la mise en jeu d&rsquo;une &laquo;&nbsp;instrumentation&nbsp;&raquo; qui serait tout &agrave; la fois sonore, plastique, lumineuse et po&eacute;tique. En cela, il suit le pas de son &eacute;poque&nbsp;: du&nbsp;<em>Livre de Christophe Colomb</em>&nbsp;de Paul Claudel mis en sc&egrave;ne par Jean-Louis Barrault jusqu&rsquo;aux exp&eacute;rimentations de Jacques Poli&eacute;ri, des happenings de l&rsquo;avant-garde am&eacute;ricaine jusqu&rsquo;au Th&eacute;&acirc;tre Panique de Fernando Arrabal, Roland Topor et Alejandro Jodorowsky, du&nbsp;<em>Regard du sourd</em>&nbsp;de Robert Wilson jusqu&rsquo;aux spectacles du Bread and Puppet, les ann&eacute;es 1960 et le d&eacute;but des ann&eacute;es 1970 ont vu se multiplier les transferts de charge du dicible au visible et, plus g&eacute;n&eacute;ralement, les nouveaux modes d&rsquo;agencement entre les composants verbaux et non-verbaux de l&rsquo;action th&eacute;&acirc;trale. En France tout particuli&egrave;rement, l&rsquo;id&eacute;e de &laquo;&nbsp;th&eacute;&acirc;tre total&nbsp;&raquo; ou de &laquo;&nbsp;spectacle total&nbsp;&raquo;, suscite &agrave; cette &eacute;poque d&rsquo;innombrables d&eacute;bats et prises de position&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>.</p> <p>Il est rare, cependant, de voir un auteur de th&eacute;&acirc;tre associer si intimement &agrave; son &eacute;criture les &eacute;l&eacute;ments d&rsquo;une dramaturgie visuelle et sonore, et surtout de pr&eacute;senter ceux-ci &agrave; &eacute;galit&eacute; avec les personnages humains de sa pi&egrave;ce&nbsp;: des &laquo;&nbsp;fils de perspective ouvrant l&rsquo;espace&nbsp;&raquo; ou un &laquo;&nbsp;morceau de porte ouvrag&eacute;e&nbsp;&raquo; ne sont-ils pas int&eacute;gr&eacute;s dans l&rsquo;&laquo;&nbsp;Instrumentation&nbsp;&raquo; de&nbsp;<em>Ne m&rsquo;attendez pas ce soir</em>&nbsp;au m&ecirc;me titre, par exemple, qu&rsquo;&Eacute;vang&eacute;line ou l&rsquo;Entrepreneur de d&eacute;molition&nbsp;? Les &eacute;l&eacute;ments musicaux, quant &agrave; eux, sont directement associ&eacute;s &agrave; la production du sens, comme le montrent les didascalies des versions manuscrite et multigraphi&eacute;e des&nbsp;<em>Veuves&nbsp;</em>; on y lit, par exemple&nbsp;:</p> <blockquote> <p>De tr&egrave;s courtes interventions</p> <p>signifiant musicalement&nbsp;: attente,</p> <p>de temps en temps,</p> <p>et qui seront de moins en moins espac&eacute;es&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>&hellip;</p> </blockquote> <p>Ces choix n&rsquo;impliquent pas seulement une forme de r&eacute;volution copernicienne pour le th&eacute;&acirc;tre dramatique dans les rapports hi&eacute;rarchiques de la parole th&eacute;&acirc;trale avec les composants visuels et sonores de la repr&eacute;sentation, mais aussi un renversement du temps de l&rsquo;&eacute;criture par rapport &agrave; celui du plateau. L&rsquo;&eacute;criture de la pi&egrave;ce, en effet, ne pr&eacute;c&egrave;de plus la mise en sc&egrave;ne, anticipant sur son devenir sc&eacute;nique potentiel par le biais des didascalies, mais elle vise &agrave; consigner les traces du spectacle tel qu&rsquo;il a r&eacute;ellement eu lieu et qu&rsquo;il s&rsquo;est invent&eacute;, au moins partiellement, dans le temps des r&eacute;p&eacute;titions. Comment &eacute;crire, par exemple, &laquo;&nbsp;<em>Bonaventure se retourne et l&rsquo;&Eacute;pouvantail aux miroirs semble devenir un manteau de bronze dont il se rev&ecirc;t&nbsp;</em><a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>&nbsp;&raquo; si l&rsquo;on n&rsquo;a pas d&eacute;j&agrave; pu v&eacute;rifier, sur le plateau, comment jouer avec la sculpture de Louis Chavignier&nbsp;? Fran&ccedil;ois Billetdoux l&rsquo;affirme d&rsquo;ailleurs dans un bref pr&eacute;ambule au texte des&nbsp;<em>Veuves</em>&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Ce spectacle a &eacute;t&eacute; compos&eacute; sans &eacute;criture pr&eacute;alable, par invention de &ldquo;moments&rdquo; visuels et sonores, s&rsquo;inscrivant directement dans l&rsquo;espace sc&eacute;nique et model&eacute;s par approches jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;architecture finale&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>.</p> </blockquote> <p>Le t&eacute;moignage de Virginie Billetdoux le confirme&nbsp;: son p&egrave;re n&rsquo;avait pas achev&eacute; la r&eacute;daction de son texte au moment de commencer les r&eacute;p&eacute;titions, mais disposait seulement d&rsquo;un canevas &laquo;&nbsp;tr&egrave;s serr&eacute;&nbsp;&raquo; qu&rsquo;il a &laquo;&nbsp;remani&eacute; et amplifi&eacute;&nbsp;&raquo; &agrave; partir des essais r&eacute;alis&eacute;s avec l&rsquo;&eacute;quipe artistique&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>. C&rsquo;est donc dans le va-et-vient entre le temps du travail sc&eacute;nique et celui de la consignation &eacute;crite que s&rsquo;est progressivement construite cette &laquo;&nbsp;tapisserie lyrique&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>&nbsp;&raquo;, selon un processus qu&rsquo;il est convenu aujourd&rsquo;hui d&rsquo;appeler une &laquo;&nbsp;&eacute;criture de plateau&nbsp;&raquo;. Ce processus, certes, n&rsquo;est pas neuf&nbsp;: c&rsquo;est celui de tous les auteurs habitu&eacute;s &agrave; travailler avec une troupe, de Shakespeare &agrave; Moli&egrave;re. H&eacute;l&egrave;ne Cixous (avec le Th&eacute;&acirc;tre du Soleil), Didier-Georges Gabily, Wajdi Mouawad ou Jo&euml;l Pommerat l&rsquo;ont pratiqu&eacute; ou continuent de le faire &agrave; des degr&eacute;s divers. Mais cette pratique est plut&ocirc;t rare au d&eacute;but des ann&eacute;es 1970, sur une sc&egrave;ne th&eacute;&acirc;trale encore largement domin&eacute;e par le prestige des auteurs dramatiques, et plus encore lorsque l&rsquo;&eacute;criture renonce &agrave; la toute-puissance du langage pour convoquer la musique et les arts plastiques. Genevi&egrave;ve Latour, dans la notice biographique qu&rsquo;elle consacre &agrave; l&rsquo;&eacute;crivain sur le site internet de l&rsquo;Association de la R&eacute;gie Th&eacute;&acirc;trale, a donc raison de caract&eacute;riser cette p&eacute;riode du travail th&eacute;&acirc;tral de Fran&ccedil;ois Billetdoux comme celle de &laquo;&nbsp;la recherche de formes sc&eacute;niques in&eacute;dites&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <h2>2. Des marionnettes &laquo;&nbsp;shamanes&nbsp;&raquo;<br /> &nbsp;</h2> <p>Je voudrais maintenant examiner de plus pr&egrave;s la place qu&rsquo;occupent les marionnettes de Jacques Voyet dans ces deux textes. Un mot sur leur cr&eacute;ateur, d&rsquo;abord.</p> <p>Jacques Voyet est un dessinateur, peintre et sculpteur discret, secret m&ecirc;me. Ses tableaux baignent dans une lumi&egrave;re &eacute;trange, trembl&eacute;e, &agrave; la limite du fantastique, m&ecirc;me lorsqu&rsquo;on le voit r&eacute;interpr&eacute;ter &agrave; sa fa&ccedil;on des th&egrave;mes de Balthus, de Vermeer ou d&rsquo;Edward Hopper. Selon le t&eacute;moignage de Michel-Jean Robin, assistant de Fran&ccedil;ois Billetdoux pour la mise en sc&egrave;ne des&nbsp;<em>Veuves</em>, c&rsquo;est son travail de dessinateur, en particulier avec la technique du fusain, qui lui donne le d&eacute;sir de r&eacute;aliser des marionnettes&nbsp;: amen&eacute; &agrave; dessiner une com&eacute;dienne couch&eacute;e dans un cercueil, il est gagn&eacute; du d&eacute;sir de voir s&rsquo;animer les traits qu&rsquo;il a form&eacute;s sur le papier. Son travail de sculpteur, aussi, int&egrave;gre des figures proches de la poup&eacute;e ou de la marionnette, en aluminium ou en tissu, par exemple.</p> <p>Avant de rencontrer Fran&ccedil;ois Billetdoux, Jacques Voyet a &eacute;t&eacute; d&eacute;corateur de th&eacute;&acirc;tre pour des spectacles de Guy Suar&egrave;s &agrave; la Com&eacute;die de la Loire &agrave; Tours (<em>Zoo Story</em>&nbsp;d&rsquo;Edward Albee et&nbsp;<em>Chant fun&egrave;bre pour Ignacio Sanchez Meijas</em>&nbsp;de Federico Garc&iacute;a Lorca, 1968). C&rsquo;est pour&nbsp;<em>Le Damn&eacute;</em>&nbsp;de Ren&eacute; de Obaldia, spectacle cr&eacute;&eacute; &agrave; la Com&eacute;die de la Loire en f&eacute;vrier 1969 dans une mise en sc&egrave;ne de Guy Suar&egrave;s&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>, qu&rsquo;il construit ses premi&egrave;res marionnettes. Mais c&rsquo;est d&rsquo;abord comme peintre qu&rsquo;il participe &agrave; la cr&eacute;ation de l&rsquo;espace sc&eacute;nique de&nbsp;<em>Ne m&rsquo;attendez pas ce soir</em>, avec un tableau intitul&eacute;&nbsp;<em>Quatre jeunes filles en bleu</em>&nbsp;qui, comme le portrait de&nbsp;<em>L&rsquo;Enfant rouge</em>&nbsp;peint par Adrienne Billetdoux, s&rsquo;&eacute;claire par instants pour donner vie aux personnages repr&eacute;sent&eacute;s. Il semble bien que ce soit aussi pour ce spectacle qu&rsquo;il r&eacute;alise sa premi&egrave;re marionnette de taille humaine, &laquo;&nbsp;la Figure&nbsp;&raquo; faite en tissu. Bien que les documents iconographiques manquent pour avoir une id&eacute;e pr&eacute;cise des &oelig;uvres ainsi r&eacute;unies sur la sc&egrave;ne, tableaux et marionnette font vraisemblablement contraste avec la sculpture en bronze de Louis Chavignier, l&rsquo;<em>&Eacute;pouvantail aux miroirs&nbsp;</em>qui n&rsquo;est pas, elle, attach&eacute;e pr&eacute;cis&eacute;ment &agrave; un personnage.</p> <p>Pour&nbsp;<em>Les Veuves</em>, Voyet r&eacute;alise 21 grandes &laquo;&nbsp;marionnettes-shamanes&nbsp;&raquo;, selon son expression&nbsp;: elles font presque 2 m&egrave;tres de haut et sont manipul&eacute;es par l&rsquo;arri&egrave;re, par des marionnettistes v&ecirc;tus et cagoul&eacute;s de noir, tels ceux du Bunraku japonais qu&rsquo;on a pu voir pour la premi&egrave;re fois &agrave; Paris au festival du Th&eacute;&acirc;tre des Nations, en avril 1968. Le personnage du jeune enfant Poussi&egrave;re, quant &agrave; lui, est repr&eacute;sent&eacute; par un petit pantin en tissu qu&rsquo;anime notamment Virginie Billetdoux.</p> <p>Ces premiers pas dans le m&eacute;tier de marionnettiste se prolongeront par la cr&eacute;ation d&rsquo;une compagnie, le Th&eacute;&acirc;tre de marionnettes Jacques Voyet, qui cr&eacute;era notamment&nbsp;<em>La Mort blanche</em>, adaptation d&rsquo;un conte japonais pr&eacute;sent&eacute;e au Festival de Nancy,&nbsp;<em>Une messe pour Barbe-Bleue</em>&nbsp;aux III<sup>e</sup>&nbsp;Rencontres Internationales d&rsquo;Art Contemporain de La Rochelle (1975),&nbsp;<em>Les Poss&eacute;d&eacute;es</em>&nbsp;au Th&eacute;&acirc;tre national de Chaillot &agrave; l&rsquo;invitation d&rsquo;Antoine Vitez en 1984&nbsp;: le metteur en sc&egrave;ne, en effet, a fait installer un th&eacute;&acirc;tre de marionnettes dans le grand foyer du th&eacute;&acirc;tre, o&ugrave; jouent r&eacute;guli&egrave;rement Alain Recoing ou Pierre Blaise.</p> <p>&Agrave; propos de ce dernier spectacle, &eacute;vocation des &laquo;&nbsp;poss&eacute;d&eacute;es de Loudun&nbsp;&raquo; (ville dont Jacques Voyet est originaire), un spectateur &eacute;crit ce compte-rendu&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Splendide&nbsp;! Un rituel magique conduit par dix officiants. Pas une parole, une musique de bal port&eacute;e &agrave; son paroxysme. Des poup&eacute;es&hellip; non des femmes&hellip; hypnotiques. En g&eacute;n&eacute;ral, de la taille du manipulateur, mais d&rsquo;autres soit plus petites, soit totem d&eacute;mesur&eacute;, selon la symbolique impliqu&eacute;e. Manipulation &agrave; la japonaise, une main &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de la t&ecirc;te, l&rsquo;autre r&eacute;gissant les bras ou le corps. Le manipulateur, v&ecirc;tu de noir, visage d&eacute;couvert totalement investi par son personnage. &ldquo;Recherche des possibilit&eacute;s du com&eacute;dien face &agrave; son double avec l&rsquo;intention de montrer la force d&rsquo;envo&ucirc;tement des sosies et leur pouvoir&rdquo;, lisons-nous sur le programme. Ballet hallucin&eacute; et hallucinant o&ugrave; le manipulateur &eacute;treint &agrave; bras le corps la manipul&eacute;e, o&ugrave; la manipul&eacute;e violente le manipulateur dans une rixe de d&eacute;sir et d&rsquo;amour. La tension int&eacute;rieure est si forte qu&rsquo;&agrave; certains moments on ne sait plus qui manipule l&rsquo;autre&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>&nbsp;!</p> </blockquote> <p>Ce t&eacute;moignage nous permet de deviner pourquoi Jacques Voyet appelle &laquo;&nbsp;marionnettes-shamanes&nbsp;&raquo; les figures qu&rsquo;il construit pour&nbsp;<em>Les Veuves</em>. L&rsquo;&eacute;tranget&eacute; de ces interpr&egrave;tes, surtout lorsqu&rsquo;elles approchent de la taille humaine, le fascine. Silhouettes inqui&eacute;tantes qui &eacute;mergent de l&rsquo;obscurit&eacute; du plateau pour y replonger ensuite, selon le t&eacute;moignage de Michel-Jean Robin, ces marionnettes semblent manipul&eacute;es par leur ombre ou leur double, le com&eacute;dien v&ecirc;tu de noir qui accompagne et guide leurs mouvements. Leur pr&eacute;sence est d&rsquo;autant plus troublante qu&rsquo;elles restent longuement muettes et immobiles, semblant ainsi, comme la grande Figure de&nbsp;<em>Ne m&rsquo;attendez pas ce soir</em>, s&rsquo;extraire des espaces de la mort pour revenir un instant &agrave; la vie. Ces consid&eacute;rations ne sont pas seulement celles de Jacques Voyet. L&rsquo;auteur des&nbsp;<em>Veuves</em>, si l&rsquo;on en croit Agn&egrave;s Pierron, les partage&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Pour Fran&ccedil;ois Billetdoux, [&hellip;] les rapports du com&eacute;dien et de la marionnette sont troubles. Ils sont li&eacute;s aux degr&eacute;s d&rsquo;existence des com&eacute;diens et des marionnettes, dans le rapport de forces qui s&rsquo;&eacute;tablit entre eux, les marionnettes &eacute;tant forc&eacute;ment &ndash;&nbsp;pour lui&nbsp;&ndash; les plus fortes, parce qu&rsquo;elles sont muettes&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>.</p> </blockquote> <p>Cette puissance de la marionnette ne se mesure pas seulement dans la relation imaginaire qu&rsquo;entretient avec elle le manipulateur&nbsp;: elle s&rsquo;&eacute;tend aussi &agrave; l&rsquo;ensemble des interpr&egrave;tes pr&eacute;sents sur le plateau puisque, dans&nbsp;<em>Ne m&rsquo;attendez pas ce soir</em>&nbsp;comme dans&nbsp;<em>Les Veuves</em>, les acteurs ont &agrave; composer et &agrave; jouer avec ces autres &laquo;&nbsp;degr&eacute;s d&rsquo;existence&nbsp;&raquo;, ces pr&eacute;sences &agrave; peine incarn&eacute;es, comme creus&eacute;es par l&rsquo;absence. C&rsquo;est pourquoi je voudrais, dans un dernier temps, examiner quel mode de construction dramaturgique r&eacute;git les rapports des uns et des autres.</p> <h2>3. Glissement et diffraction des identit&eacute;s<br /> &nbsp;</h2> <p>Le point de d&eacute;part de&nbsp;<em>Ne m&rsquo;attendez pas ce soir</em>&nbsp;est, en apparence, des plus t&eacute;nus&nbsp;: homme d&eacute;j&agrave; vieillissant, Bonaventure a longuement crois&eacute; le regard d&rsquo;une jeune fille, &Eacute;vang&eacute;line, ce qui a produit chez l&rsquo;un comme chez l&rsquo;autre une forme d&rsquo;&eacute;branlement intime. Tous deux pr&eacute;sents sur la sc&egrave;ne, mais dans des espaces distincts, ils repensent &agrave; cet instant. Celui-ci a d&eacute;clench&eacute; chez Bonaventure une forme de r&ecirc;verie m&eacute;lancolique, r&eacute;v&eacute;latrice du difficile renoncement aux jeux de s&eacute;duction qu&rsquo;implique l&rsquo;accumulation des ann&eacute;es, tandis qu&rsquo;en &eacute;cho &Eacute;vang&eacute;line, couch&eacute;e dans un hamac, laisse vagabonder ses pens&eacute;es et son d&eacute;sir. Puis, &agrave; la fin de la premi&egrave;re s&eacute;quence, la r&ecirc;verie de Bonaventure se fait rem&eacute;moration et l&rsquo;on voit appara&icirc;tre un Enfant rouge, figur&eacute; par un portrait peint qui repr&eacute;sente le vieil homme lorsqu&rsquo;il &eacute;tait enfant. Dans la deuxi&egrave;me s&eacute;quence, la pr&eacute;sence de l&rsquo;Enfant rouge se compl&egrave;te d&rsquo;une voix, tandis que des souvenirs de l&rsquo;enfance de Bonaventure dans les ann&eacute;es 1930 commencent de se mat&eacute;rialiser, souvenirs auxquels il assiste comme au spectacle de sa propre m&eacute;moire, les commentant parfois au micro. Les s&eacute;quences suivantes voient ces images se faire de plus en plus consistantes, puis les deux strates temporelles, celle du pr&eacute;sent et celle du souvenir, se m&ecirc;ler. Au centre de ces souvenirs, il est question d&rsquo;une grande maison au bord de l&rsquo;oc&eacute;an, promise &agrave; la d&eacute;molition (l&rsquo;un des personnages est d&rsquo;ailleurs nomm&eacute; l&rsquo;Entrepreneur de d&eacute;molition), de la rencontre d&rsquo;un personnage masculin, l&rsquo;Homme Qui, avec la m&egrave;re de l&rsquo;Enfant rouge, Rosalie, et de leur idylle naissante mais aussit&ocirc;t repouss&eacute;e, tandis que l&rsquo;enfant est emmen&eacute; en promenade automobile par le chauffeur de l&rsquo;Homme Qui. La derni&egrave;re s&eacute;quence, qui entrem&ecirc;le les voix et les identit&eacute;s, montre le retour de l&rsquo;Homme Qui aupr&egrave;s de Rosalie&nbsp;: retour r&ecirc;v&eacute; ou retour v&eacute;ritable, il est impossible d&rsquo;en d&eacute;cider.</p> <p>La Figure (elle ne porte pas d&rsquo;autre nom), grande marionnette construite par Jacques Voyet, est pr&eacute;sente sur la sc&egrave;ne mais presque toujours immobile, plac&eacute;e sur un reposoir &laquo;&nbsp;comme un amas de chiffons&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>&nbsp;&raquo;. &Agrave; plusieurs reprises, et notamment dans la derni&egrave;re s&eacute;quence, elle appara&icirc;t comme la mat&eacute;rialisation sc&eacute;nique de Rosalie&nbsp;: c&rsquo;est bien &agrave; elle que l&rsquo;Homme Qui s&rsquo;adresse dans le dialogue amoureux, et c&rsquo;est elle qu&rsquo;il ram&egrave;ne &agrave; la vie, sous ses caresses, &agrave; la toute fin de la pi&egrave;ce.</p> <p>Cependant, de m&ecirc;me que l&rsquo;identit&eacute; de Bonaventure se partage, sur la sc&egrave;ne, entre la pr&eacute;sence physique de Fran&ccedil;ois Billetdoux incarnant le personnage vieillissant, un tableau de l&rsquo;Enfant rouge et une Voix de l&rsquo;enfant rouge, celle de Rosalie se diffracte aussi en plusieurs r&eacute;gimes de pr&eacute;sence&nbsp;: la Figure, la voix d&rsquo;&Eacute;vang&eacute;line (ou plus exactement celle de l&rsquo;actrice jouant &Eacute;vang&eacute;line, Virginie Duvernoy) et, &agrave; la fin, un chant enregistr&eacute; d&rsquo;Ir&egrave;ne Pappas. La derni&egrave;re didascalie, en effet, d&eacute;crit ce moment comme suit&nbsp;:</p> <blockquote> <p><em>Sort de la Figure qui peu &agrave; peu se rel&egrave;ve et rena&icirc;t sous les caresses de l&rsquo;Homme Qui, le chant terrible d&rsquo;Ir&egrave;ne Pappas avec ses longs cris de jouissance et de naissance&nbsp;</em><a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>.</p> </blockquote> <p>Nous nous trouvons donc devant un dispositif dramaturgique particuli&egrave;rement complexe, puisque deux op&eacute;rations inverses s&rsquo;y conjuguent&nbsp;: d&rsquo;une part, un m&ecirc;me personnage peut se manifester sous plusieurs modes d&rsquo;incarnation distincts, visuels ou sonores, anim&eacute;s ou inanim&eacute;s (tableau, acteur, marionnette, voix). D&rsquo;autre part, une actrice peut, tout en conservant son propre personnage, endosser fugitivement un autre r&ocirc;le. Dans certains cas, l&rsquo;<em>&Eacute;pouvantail aux miroirs</em>, la sculpture de Louis Chavignier, sert d&rsquo;op&eacute;rateur pour ces changements d&rsquo;identit&eacute;, en refl&eacute;tant dans un miroir les visages successifs de Bonaventure et de l&rsquo;Enfant rouge. Dans d&rsquo;autres cas, cependant, c&rsquo;est le jeu des com&eacute;diens qui doit seul le permettre, comme lorsque l&rsquo;Homme Qui, apr&egrave;s avoir &eacute;t&eacute; &eacute;conduit par Rosalie, s&rsquo;adresse &agrave; Bonaventure pr&eacute;sent sur la sc&egrave;ne comme s&rsquo;il &eacute;tait encore l&rsquo;Enfant rouge. Ainsi les deux protagonistes sont-ils tous deux travers&eacute;s par des voix venues du pass&eacute;, celle de sa propre enfance pour Bonaventure, celle de la m&egrave;re de Bonaventure pour &Eacute;vang&eacute;line.</p> <p>Le dispositif dramaturgique des&nbsp;<em>Veuves</em>, par comparaison, est plus simple, les identit&eacute;s y apparaissant mieux stabilis&eacute;es&nbsp;: d&rsquo;une part trois petites filles, Chrysalide, Marie-Ch&acirc;taigne et Petite-Mis&egrave;re, jou&eacute;es chacune par une actrice&nbsp;; d&rsquo;une autre leurs tantes les Veuves, femmes pr&eacute;matur&eacute;ment vieillies d&rsquo;un village dont Virginie Billetdoux pr&eacute;cise qu&rsquo;il est construit &agrave; partir de souvenirs li&eacute;s &agrave; la grand-m&egrave;re maternelle, d&rsquo;origine corse, qui a &eacute;lev&eacute; son p&egrave;re, ces Veuves &eacute;tant repr&eacute;sent&eacute;es par les 21 &laquo;&nbsp;marionnettes-shamanes&nbsp;&raquo; de Jacques Voyet&nbsp;; puis l&rsquo;Oncle Rouge-et-or, jou&eacute; par Fran&ccedil;ois Billetdoux&nbsp;; enfin les &laquo;&nbsp;crapaudines&nbsp;&raquo;, interpr&eacute;t&eacute;es par quatre com&eacute;diennes qui incarnent les servantes des vieilles femmes&nbsp;: &eacute;tranges pr&eacute;sences elles aussi, presque muettes, v&ecirc;tues de longues robes de bure jaune, vo&ucirc;t&eacute;es malgr&eacute; leurs jeunes visages, et qui semblent plut&ocirc;t sortir de la for&ecirc;t de Broc&eacute;liande que d&rsquo;un village des montagnes corses. Billetdoux les d&eacute;crit en ces termes&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Mais survient une&nbsp;<em>crapaudine</em>, ce genre de personne dont on se demande ce que c&rsquo;est dans les campagnes&nbsp;: de l&rsquo;animal ou du v&eacute;g&eacute;tal, des sortes d&rsquo;entre-deux encore embourb&eacute;s, avec une figure, et dont on ne s&rsquo;aper&ccedil;oit pas qu&rsquo;elles sont l&agrave; ou pas l&agrave;, et qui servent &agrave; tout&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>.</p> </blockquote> <p>Dans ce village, tous les hommes sont morts ou bien partis&nbsp;; la seule pr&eacute;sence masculine est celle de Poussi&egrave;re, &laquo;&nbsp;un gar&ccedil;on fragile, fait de silence et de tremblement, qui n&rsquo;avait pas encore atteint l&rsquo;&acirc;ge de raison&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>&nbsp;&raquo;. Le sort de cet orphelin, de p&egrave;re et m&egrave;re inconnus, pr&eacute;occupe les trois petites filles qui appellent &agrave; la rescousse l&rsquo;Oncle Rouge-et-or&nbsp;: un homme qui autrefois a v&eacute;cu dans ce village, qui y a s&eacute;duit (ou r&ecirc;v&eacute; de s&eacute;duire) quelques-unes de celles qui sont aujourd&rsquo;hui les Veuves, qui y a aim&eacute; une &eacute;nigmatique Dame-de-midi au &laquo;&nbsp;chapeau-soleil&nbsp;&raquo; et qui s&rsquo;est enfui pour parcourir le monde. Aujourd&rsquo;hui, il h&eacute;site encore &agrave; revenir sur les lieux de son pass&eacute;, tarde un peu, puis se d&eacute;cide enfin. Faisant le tour des Veuves, &eacute;chappant &agrave; leurs appels, les interrogeant sur la disparition de tous les hommes, l&rsquo;Oncle Rouge-et-or reparcourt les lieux de son enfance, retrouve Poussi&egrave;re qui avait disparu, songe &agrave; repartir avec lui et les trois petites filles, mais finit &eacute;touff&eacute; entre les corps des Veuves. La fin cependant reste ouverte&nbsp;: les trois petites filles entourent de leurs soins Poussi&egrave;re qui apprend &agrave; marcher, r&eacute;p&eacute;tant &laquo;&nbsp;Commen&ccedil;ons recommen&ccedil;ons&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>.</p> <p>Si les identit&eacute;s sont clairement dessin&eacute;es, si la fable est plus imm&eacute;diatement lisible que celle de&nbsp;<em>Ne m&rsquo;attendez pas ce soir</em>, on voit qu&rsquo;une certaine ombre de fantastique s&rsquo;&eacute;tend aussi sur cette pi&egrave;ce. La pr&eacute;sence des Veuves, d&rsquo;abord, est souvent fuyante&nbsp;: elles ne sortent dans la lumi&egrave;re que pour replonger parfois imm&eacute;diatement dans l&rsquo;ombre, telle la nonne qui &laquo;&nbsp;s&rsquo;enfuit comme si elle n&rsquo;existait pas&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>&nbsp;&raquo;. Toujours fragmentaires, les souvenirs rapport&eacute;s par les uns et les autres suscitent plus de questions qu&rsquo;ils ne permettent de deviner ce qui s&rsquo;est pass&eacute; entre l&rsquo;Oncle et toutes ces femmes. Toutes semblent garder derri&egrave;re leurs v&ecirc;tements de deuil, leur mutisme et leurs grands yeux noirs de lourds secrets, celui de leurs relations avec l&rsquo;Oncle Rouge-et-or, mais aussi celui de la disparition de leurs maris, ce qui pousse Marie-Ch&acirc;taigne &agrave; demander&nbsp;: &laquo;&nbsp;Est ce que ce ne sont pas les Veuves qui les tuent&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>&nbsp;?&nbsp;&raquo;</p> <p>Enfin, les voix semblent parfois se d&eacute;tacher des corps pour flotter, invisibles, dans l&rsquo;air, ou bien encore une fois pour prendre possession d&rsquo;un autre corps. Dans les versions manuscrite et multigraphi&eacute;e de la pi&egrave;ce, il est &agrave; plusieurs reprises pr&eacute;cis&eacute; que des voix prolongent en &eacute;cho, dans diff&eacute;rentes langues, les r&eacute;pliques prononc&eacute;es sur la sc&egrave;ne, et l&rsquo;on voit aussi l&rsquo;interpr&egrave;te d&rsquo;une crapaudine dire une r&eacute;plique &laquo;&nbsp;au nom de l&rsquo;Aveugle rouge&nbsp;&raquo;, l&rsquo;une des Veuves. La myst&eacute;rieuse Dame-de-midi, dont l&rsquo;Oncle &eacute;tait amoureux, prend la parole apr&egrave;s la mort de celui-ci&nbsp;: bien que le texte publi&eacute; dise qu&rsquo;elle appara&icirc;t alors &laquo;&nbsp;tranquille et enlumin&eacute;e sur son tr&ocirc;ne d&rsquo;or vert&nbsp;&raquo;, elle ne figure pas dans la distribution et ne semble donc pas avoir &eacute;t&eacute; incarn&eacute;e sur la sc&egrave;ne. L&rsquo;insistance sur sa voix, &laquo;&nbsp;sur une seule corde, avec un accent pas d&rsquo;ici&nbsp;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a>&nbsp;&raquo; invite &agrave; formuler une hypoth&egrave;se&nbsp;: sans doute s&rsquo;agit-il de la voix enregistr&eacute;e de Katharina Renn, mentionn&eacute;e dans la pr&eacute;sentation du spectacle &ndash;&nbsp;les versions manuscrite et multigraphi&eacute;e renforcent d&rsquo;ailleurs cette hypoth&egrave;se puisqu&rsquo;elles pr&eacute;voyaient, au lieu de cette Dame-de-midi, une Dame-Reine s&rsquo;exprimant en allemand. Le moment le plus &eacute;trange, cependant, est celui o&ugrave;, dans la sc&egrave;ne finale, la &laquo;&nbsp;grosse voix retenue<a href="#_ftn32" name="_ftnref32">[32]</a>&nbsp;&raquo; de l&rsquo;Oncle Rouge-et-or vient se substituer &agrave; celle de l&rsquo;enfant Poussi&egrave;re, vite relay&eacute;e par celle de la Dame-de-midi&nbsp;: il semble alors que le&nbsp;<em>dibbouk</em>&nbsp;de l&rsquo;oncle mort, doubl&eacute; par celui de la femme dont il &eacute;tait amoureux, prenne possession du fr&ecirc;le corps de l&rsquo;enfant-pantin&hellip;</p> <hr /> <p>Au terme de cette premi&egrave;re enqu&ecirc;te, beaucoup de questions restent non r&eacute;solues, on le voit. Il me semble cependant que deux grandes directions du travail d&rsquo;interpr&eacute;tation peuvent d&eacute;j&agrave; appara&icirc;tre.</p> <p>La premi&egrave;re, c&rsquo;est que les marionnettes de Jacques Voyet viennent s&rsquo;ins&eacute;rer dans une composition th&eacute;&acirc;trale d&rsquo;une grande complexit&eacute;, tant pour ce qui concerne la vari&eacute;t&eacute; des &eacute;l&eacute;ments visuels et sonores mis en jeu que pour les glissements d&rsquo;identit&eacute; venant affecter les personnages principaux. Parce qu&rsquo;elle implique la dissociation du corps et de la voix, parce qu&rsquo;elle appara&icirc;t elle-m&ecirc;me comme une figure double, bord&eacute;e par son ombre, ce manipulateur v&ecirc;tu de noir, la marionnette devient ici un instrument privil&eacute;gi&eacute; dans l&rsquo;exp&eacute;rimentation que fait Fran&ccedil;ois Billetdoux d&rsquo;une &eacute;criture sc&eacute;nique &laquo;&nbsp;totale&nbsp;&raquo;, pour reprendre le vocabulaire des ann&eacute;es 1960 &ndash; 1970&nbsp;: une dramaturgie qui ne serait pas fond&eacute;e sur la simple addition des moyens sc&eacute;niques, mais sur leur d&eacute;composition et recomposition en une &oelig;uvre puissamment originale. Anticipant sur des dispositifs th&eacute;&acirc;traux aujourd&rsquo;hui familiers, mais qui &eacute;taient alors presque enti&egrave;rement in&eacute;dits, l&rsquo;auteur va jusqu&rsquo;&agrave; faire quitter leur r&ocirc;le d&rsquo;instrumentistes presque invisibles aux manipulateurs des marionnettes pour les ins&eacute;rer fugitivement, &agrave; deux reprises, dans l&rsquo;univers fictionnel&nbsp;; une premi&egrave;re fois, pour faire d&rsquo;un marionnettiste le spectre du mari de l&rsquo;une des Veuves&nbsp;:</p> <blockquote> <p><em>Soudain l&rsquo;oncle d&eacute;signe Rosalie&nbsp;:</em></p> <p>&ndash; Et qu&rsquo;est devenu No&euml;l</p> <p>No&euml;l Martinetti</p> <p>qui &eacute;tait amoureux de toi&nbsp;?</p> <p><em>Rosalie se sent fautive</em></p> <p><em>et se jette pour pleurer</em></p> <p><em>de bras en bras.</em></p> <p><em>&nbsp;</em></p> <p><em>Son manipulateur</em></p> <p><em>‒ No&euml;l, cens&eacute;ment &ndash;</em></p> <p><em>se d&eacute;tache et va</em></p> <p><em>vers le b&acirc;tis d&rsquo;&eacute;chelles.</em></p> </blockquote> <p>Une deuxi&egrave;me fois pour le faire tomber sous les coups de ses propres marionnettes&nbsp;:</p> <blockquote> <p><em>Un manipulateur</em></p> <p><em>aux prises avec trois Veuves</em></p> <p><em>se d&eacute;bat</em></p> <p><em>‒ comme s&rsquo;il avait pris parti pour l&rsquo;Oncle.</em></p> <p><em>On l&rsquo;&eacute;touffe.</em></p> <p><em>On le jette &agrave; terre&nbsp;</em><a href="#_ftn33" name="_ftnref33">[33]</a><em>.</em></p> </blockquote> <p>La deuxi&egrave;me direction d&rsquo;interpr&eacute;tation, elle, n&rsquo;a &eacute;t&eacute; &eacute;voqu&eacute;e qu&rsquo;en filigrane&nbsp;: c&rsquo;est la capacit&eacute; de la marionnette &agrave; mettre en sc&egrave;ne les questionnements les plus intimes, les plus radicaux, les plus douloureux &ndash;&nbsp;ici, ceux de l&rsquo;auteur sur lui-m&ecirc;me. Les &eacute;l&eacute;ments autobiographiques sont nombreux dans ces deux pi&egrave;ces&nbsp;: la simple d&eacute;cision que prend Fran&ccedil;ois Billetdoux d&rsquo;accrocher sur la sc&egrave;ne un portrait de lui enfant, r&eacute;alis&eacute; par sa m&egrave;re disparue lorsqu&rsquo;il avait sept ans, nous laisse deviner quel n&oelig;ud de souvenirs personnels trouve sa transposition th&eacute;&acirc;trale dans&nbsp;<em>Ne m&rsquo;attendez pas ce soir</em>, jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;image finale de la Figure maternelle ressuscitant, naissant et jouissant dans un m&ecirc;me cri. De m&ecirc;me&nbsp;<em>Les Veuves</em>, avec cet Oncle Rouge-et-or parcourant le monde, retardant le moment de revenir au village o&ugrave; l&rsquo;attendent trois petites filles, donne-t-elle &agrave; Fran&ccedil;ois Billetdoux la possibilit&eacute; de &laquo;&nbsp;revivre pour soi-m&ecirc;me, intimement et d&rsquo;une mani&egrave;re cach&eacute;e&nbsp;&raquo; (pour reprendre la formule de Nicole Tr&ecirc;ves), mais aussi de fa&ccedil;on tout &agrave; la fois plaisante et grave, sa propre difficult&eacute; &agrave; vivre sous le toit familial, parmi les siens.</p> <p>La complexit&eacute; du dispositif dramaturgique dans ces deux pi&egrave;ces, leurs jeux de masques et de d&eacute;doublements, leurs comp&eacute;n&eacute;trations du pr&eacute;sent et du souvenir, trouvent tr&egrave;s certainement l&rsquo;une de leurs principales raisons d&rsquo;&ecirc;tre dans l&rsquo;exposition publique qu&rsquo;y fait l&rsquo;auteur de ses f&ecirc;lures intimes. C&rsquo;est en cela, aussi, que les marionnettes sont &laquo;&nbsp;shamanes&nbsp;&raquo;&nbsp;: dans leur capacit&eacute; &agrave; faire revenir les fant&ocirc;mes du pass&eacute;.</p> <h3>Notes<br /> &nbsp;</h3> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a>&nbsp;Je tiens ici &agrave; remercier les personnes qui ont eu la gentillesse de r&eacute;pondre &agrave; mes questions et de m&rsquo;aider &agrave; mieux comprendre les informations et les documents que j&rsquo;ai commenc&eacute; de rassembler&nbsp;: en particulier Virginie Billetdoux, fille de l&rsquo;auteur et com&eacute;dienne dans&nbsp;<em>Les Veuves</em>, o&ugrave; elle jouait le r&ocirc;le de Marie-Ch&acirc;taigne, Michel-Jean Robin, qui a jou&eacute; dans les deux spectacles et assist&eacute; Fran&ccedil;ois Billetdoux pour la mise en sc&egrave;ne des&nbsp;<em>Veuves</em>, ainsi que Jean-Jacques Martin et Alain Irlandes, amis proches du peintre et marionnettiste Jacques Voyet, collaborateur de Fran&ccedil;ois Billetdoux sur ces deux spectacles.</p> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a>&nbsp;Fran&ccedil;ois Billetdoux, &laquo;&nbsp;Les Veuves&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>L&rsquo;Avant-sc&egrave;ne th&eacute;&acirc;tre</em>, n&deg;571, 15 septembre 1975.</p> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a>&nbsp;Sous les cotes Ms 4-COL-162 (314) pour le manuscrit et Ms 4-COL-162 (315-316) pour deux exemplaires de la version multigraphi&eacute;e. Cette derni&egrave;re met au propre la version manuscrite, mais comporte quelques l&eacute;g&egrave;res modifications, soit dactylographi&eacute;es, soit sous forme de corrections manuscrites.</p> <p><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a>&nbsp;Le Fonds Fran&ccedil;ois Billetdoux de la Biblioth&egrave;que nationale de France conserve en effet deux bandes magn&eacute;tiques de ces enregistrements, malheureusement non communicables (Ms. ASPBAN 4763 et ASPBAN 4764 &ndash; &laquo;&nbsp;<em>Les Veuves. Bande 3</em>&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;<em>Les Veuves. Bande 4. 6e s&eacute;quence. 7e s&eacute;quence</em>&nbsp;&raquo;&nbsp;: enregistrements sonores, 1972).</p> <p><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a>&nbsp;<em>L&rsquo;Avant-sc&egrave;ne</em>, num&eacute;ro cit&eacute;, p.&nbsp;19, donne le titre des&nbsp;<em>Veuves</em>&nbsp;pour cette production. Mais le catalogue du Fonds F. Billetdoux indique pour sa part le 14 juillet 1972 comme date de cr&eacute;ation de&nbsp;<em>Chapeau-soleil</em>, de m&ecirc;me que&nbsp;<em>Pizzicati pour un pingouin</em>&nbsp;(deux volets d&rsquo;un diptyque intitul&eacute;&nbsp;<em>On dira que c&rsquo;est le vent</em>), qu&rsquo;il classe parmi les &oelig;uvres radiophoniques de l&rsquo;auteur.</p> <p>Par ailleurs l&rsquo;Association de la R&eacute;gie Th&eacute;&acirc;trale indique pour le 18 ao&ucirc;t, au programme de ce m&ecirc;me Festival de Vaison-la-Romaine &ndash; Carpentras, la cr&eacute;ation du&nbsp;<em>Chapeau-soleil</em>&nbsp;(en ligne&nbsp;<a href="http://www.regietheatrale.com/index/index/thematiques/auteurs/Billetdoux/francois-billetdoux-11.html" target="_blank">ici</a>).&nbsp;Comme l&rsquo;expression &laquo;&nbsp;chapeau-soleil&nbsp;&raquo; se rattache &agrave; un personnage des&nbsp;<em>Veuves</em>&nbsp;(&laquo;&nbsp;N&rsquo;avez-vous pas connu la Dame-de-Midi&nbsp;? / celle qui savait tout / sous son chapeau-soleil&nbsp;?&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>ibid</em>., p.&nbsp;29) il s&rsquo;agit peut-&ecirc;tre d&rsquo;une premi&egrave;re version de cette pi&egrave;ce, mais cela reste (comme la date) &agrave; v&eacute;rifier&hellip;</p> <p><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a>&nbsp;<em>L&rsquo;Avant-sc&egrave;ne</em>, num&eacute;ro cit&eacute;, p.&nbsp;19.</p> <p><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a>&nbsp;Jean-Pierre Miquel, &laquo;&nbsp;Le grand auteur fran&ccedil;ais de sa g&eacute;n&eacute;ration&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>L&rsquo;Avant-sc&egrave;ne</em>, num&eacute;ro cit&eacute;, p.&nbsp;20.</p> <p><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a>&nbsp;G&eacute;rard de Nerval, lettre &agrave; Mme Alexandre Labrunie, 24 janvier 1855,&nbsp;<em>&OElig;uvres compl&egrave;tes</em>, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que de la Pl&eacute;iade&nbsp;&raquo;, tome 1, 1956, p.&nbsp;1134.</p> <p><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a>&nbsp;Fran&ccedil;ois Billetdoux,&nbsp;<em>Ne m&rsquo;attendez pas ce soir</em>, Arles, Actes Sud &ndash; Papiers, 1994.</p> <p><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a>&nbsp;F. Billetdoux, &laquo;&nbsp;Les Veuves&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>L&rsquo;Avant-sc&egrave;ne</em>, num&eacute;ro cit&eacute;, p.&nbsp;26.</p> <p><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a>&nbsp;Nicole Tr&egrave;ves, &laquo;&nbsp;<em>Ch&egrave;re Madame ma fille cadette</em>&nbsp;de Rapha&euml;le Billetdoux&nbsp;: biographie, autobiographie ou livre inclassable&nbsp;?&nbsp;&raquo;, dans Michael Bishop &amp; Christopher Elson (dir.),&nbsp;<em>French Prose in 2000</em>, Amsterdam / New-York, Rodopi, 2002, p.&nbsp;107.</p> <p><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a>&nbsp;Madeleine Sola et Nicole Prat dans&nbsp;<em>Les Veuves</em>.</p> <p><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a>&nbsp;F. Billetdoux, &laquo;&nbsp;Les Veuves&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>loc. cit</em>., p.&nbsp;24.</p> <p><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a>&nbsp;Voir par exemple le dossier r&eacute;uni sous ce titre dans&nbsp;<em>Le Th&eacute;&acirc;tre dans le monde</em>, 14<sup>e</sup>&nbsp;ann&eacute;e, n<sup>o</sup>&nbsp;6, novembre 1965, et Andr&eacute; Boll,&nbsp;<em>Le Th&eacute;&acirc;tre total</em>, Paris, Olivier Perrin, 1971. L&rsquo;expression est r&eacute;currente sous la plume de Jean-Louis Barrault.</p> <p><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a>&nbsp;F. Billetdoux,&nbsp;<em>Les Veuves</em>, Biblioth&egrave;que nationale de France, D&eacute;partement des Arts du spectacle, Fonds Billetdoux, Ms 4-COL-162 (314) et Ms 4-COL-162 (315-316).</p> <p><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a>&nbsp;F. Billetdoux,&nbsp;<em>Ne m&rsquo;attendez pas ce soir</em>, p.&nbsp;19.</p> <p><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a>&nbsp;F. Billetdoux, &laquo;&nbsp;Les Veuves&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>L&rsquo;Avant-sc&egrave;ne</em>, num&eacute;ro cit&eacute;, p.&nbsp;23.</p> <p><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a>&nbsp;Entretiens t&eacute;l&eacute;phoniques, 3 avril et 3 septembre 2015.</p> <p><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a>&nbsp;C&rsquo;est le sous-titre des&nbsp;<em>Veuves</em>.</p> <p><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a>&nbsp;Genevi&egrave;ve Latour, &laquo;&nbsp;Fran&ccedil;ois Billetdoux ou Un magicien du th&eacute;&acirc;tre&nbsp;&raquo;, Association de la R&eacute;gie Th&eacute;&acirc;trale, &nbsp;en ligne&nbsp;<a href="http://www.regietheatrale.com/index/index/thematiques/auteurs/Billetdoux/francois-billetdoux-6.html" target="_blank">ici</a>.</p> <p><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a>&nbsp;Entretien t&eacute;l&eacute;phonique avec Jean-Jacques Martin, 9 avril 2015.</p> <p><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a>&nbsp;Marc Chevalier, &laquo;&nbsp;&Agrave; l&rsquo;&eacute;cole de la marionnette&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Marionnette et th&eacute;rapie</em>, bulletin trimestriel 84-2, Paris, 2<sup>e</sup>&nbsp;trimestre 1984, p.&nbsp;2.</p> <p><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a>&nbsp;Agn&egrave;s Pierron, &laquo;&nbsp;De la marionnette aux formes anim&eacute;es&nbsp;&raquo;, dans Paul Fournel (dir.),&nbsp;<em>Les Marionnettes</em>, Paris, Bordas, 1982, p.&nbsp;91. L&rsquo;une des marionnettes des&nbsp;<em>Veuves</em>&nbsp;est aussi appel&eacute;e &laquo;&nbsp;la Shamane&nbsp;&raquo; par l&rsquo;auteur (versions manuscrite et multigraphi&eacute;e).</p> <p><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a>&nbsp;F. Billetdoux,&nbsp;<em>Ne m&rsquo;attendez pas ce soir</em>, p.&nbsp;9.</p> <p><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;60.</p> <p><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a>&nbsp;F. Billetdoux, &laquo;&nbsp;Les Veuves&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>loc. cit</em>., p.&nbsp;24.</p> <p><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.&nbsp;23.</p> <p><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a>&nbsp;La fin des versions manuscrite et multigraphi&eacute;e voit quant &agrave; elle une Dame-Reine parlant allemand, et qui accompagne l&rsquo;Oncle Rouge-et-or dans un r&eacute;quisitoire contre l&rsquo;humanit&eacute;, coupable d&rsquo;avoir rendu la Terre &laquo;&nbsp;malade&nbsp;&raquo;. Les derniers instants de la pi&egrave;ce, toutefois, rejoignent la version publi&eacute;e.</p> <p><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a>&nbsp;F. Billetdoux, &laquo;&nbsp;Les Veuves&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>loc. cit</em>., p.&nbsp;28.</p> <p><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a>&nbsp;<em>Ibidem.</em></p> <p><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.&nbsp;38.</p> <p><a href="#_ftnref32" name="_ftn32">[32]</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.&nbsp;40.</p> <p><a href="#_ftnref33" name="_ftn33">[33]</a>&nbsp;F. Billetdoux,&nbsp;<em>Les Veuves</em>, BnF, Fonds Billetdoux, Ms 4-COL-162 (314) et Ms 4-COL-162 (315-316).</p> <h3>Auteur</h3> <p><strong>Didier Plassard</strong> est professeur en &eacute;tudes th&eacute;&acirc;trales &agrave; l&rsquo;universit&eacute; Paul-Val&eacute;ry de Montpellier. Ses travaux portent sur le th&eacute;&acirc;tre contemporain (mise en sc&egrave;ne, dramaturgie), le th&eacute;&acirc;tre et les autres arts, le th&eacute;&acirc;tre de marionnettes. Principales publications&nbsp;:&nbsp;<em>L&rsquo;Acteur en effigie</em>&nbsp;(L&rsquo;Age d&rsquo;homme, 1992),&nbsp;<em>Les Mains de lumi&egrave;re</em>&nbsp;(Institut International de la Marionnette, 1996, 2005), Edward Gordon Craig,&nbsp;<em>Le Th&eacute;&acirc;tre des fous</em>&nbsp;(L&rsquo;Entretemps, 2013),&nbsp;<em>Mises en sc&egrave;ne d&rsquo;Allemagne(s) de 1968 &agrave; nos jours</em>&nbsp;(&Eacute;ditions du CNRS, 2014). Il a aussi dirig&eacute; la revue en ligne&nbsp;<em>Prospero European Review</em>&nbsp;(2010-2013), le num&eacute;ro 20 (<em>Humain / Non humain</em>) de&nbsp;<em>Puck &ndash; La marionnette et les autres arts</em>&nbsp;(avec Cristina Grazioli, 2014) et le num&eacute;ro 37 (<em>La marionnette sur toutes les sc&egrave;nes</em>)&nbsp;<em>d&rsquo;Art Press 2</em>&nbsp;(avec Carole Guidicelli, 2015).</p> <p>Il a re&ccedil;u le Prix Georges-Jamati d&rsquo;esth&eacute;tique th&eacute;&acirc;trale (1990), la Sir&egrave;ne d&rsquo;or du festival Arrivano dal mare&nbsp;! (2012) et &eacute;t&eacute; nomm&eacute; chevalier des Arts et des Lettres (2015).</p> <h3><strong>Copyright</strong></h3> <p>Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p>