<h3>Abstract</h3> <p>A house in the forest, a roaming wolf, a little girl of nine years old, ‒&nbsp;going on twelve, who suddenly turns eighty-three, a neglecting father. It&rsquo;s a fairy tale, a nursery rhyme, a violent current event, a dream play that received a great success when first produced in 1988. One of the greatest achievments of dramatist Fran&ccedil;ois Billetdoux.</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p>theatre, Billetdoux, dream play, tale, wolf, dramaturgy, <em>R&eacute;veille-toi Philadelphie!</em></p> <p>&nbsp;</p> <p>Ce titre &eacute;clatant et cryptique est celui de la pi&egrave;ce de Fran&ccedil;ois Billetdoux qui marque son retour &agrave; la sc&egrave;ne et son dernier succ&egrave;s. Elle est cr&eacute;&eacute;e au Th&eacute;&acirc;tre national de la Colline le 7 octobre 1988 et se joue jusqu&rsquo;au 18 novembre dans une mise en sc&egrave;ne de Jorge Lavelli. Ce dernier vient de prendre la direction de ce nouveau lieu th&eacute;&acirc;tral, construit dans le 20e&nbsp;arrondissement de Paris par J. Fabre et V. Perrottet, qui attire l&rsquo;attention par sa programmation brillante&nbsp;:&nbsp;<em>Le Public</em>&nbsp;de Federico Garcia Lorca,&nbsp;<em>Une visite inopportune</em>&nbsp;de Copi et, pour cette premi&egrave;re saison compl&egrave;te, l&rsquo;&oelig;uvre de Billetdoux qui re&ccedil;oit le prix du Syndicat de la critique pour la meilleure cr&eacute;ation d&rsquo;une pi&egrave;ce en langue fran&ccedil;aise et le Moli&egrave;re du meilleur auteur (1989)&nbsp;; l&rsquo;interpr&eacute;tation de Denise Gence suscite &eacute;galement beaucoup d&rsquo;enthousiasme. La distribution est la suivante&nbsp;:</p> <ul> <li>Victor Velt&nbsp;: Claude Rich</li> <li>Hildegarde&nbsp;: Anna Prucnal</li> <li>Philadelphie 1&nbsp;: Marie-Eug&eacute;nie Mar&eacute;chal&nbsp;(ou Barbara Planchon ou Anne Meson Poliakoff)</li> <li>Le Pr&eacute;fet&nbsp;: Max Vialle</li> <li>Abiga&iuml;l&nbsp;: Myriam Boyer</li> <li>Philadelphie 2&nbsp;: Denise Gence</li> <li>Le docteur Corn&eacute;lius&nbsp;: Henri Garcin</li> </ul> <p>La pi&egrave;ce est publi&eacute;e aux &eacute;ditions Actes Sud-Papiers en 1988. Il existe &agrave; la BnF un important fonds Fran&ccedil;ois Billetdoux qui regroupe des notes pr&eacute;paratoires et des brouillons, le manuscrit autographe de la pi&egrave;ce, la version r&eacute;vis&eacute;e de l&rsquo;acte 3, sc&egrave;ne 7 et une correspondance adress&eacute;e par Jorge Lavelli.</p> <hr /> <p>Pourquoi ce succ&egrave;s&nbsp;?</p> <p>D&rsquo;abord parce que la pi&egrave;ce est tr&egrave;s habilement construite pour susciter l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t&nbsp;: un premier acte en 5 sc&egrave;nes pour poser la situation et les personnages, un acte II en 7 sc&egrave;nes qui commence par une surprise consid&eacute;rable dont les cons&eacute;quences occupent le reste du temps, un entracte n&eacute;cessaire apr&egrave;s tant de volubilit&eacute; langagi&egrave;re puis un acte III en 7 sc&egrave;nes qui &eacute;largit le jeu sc&eacute;nique &agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur pour aboutir &agrave; un effet de bouclage final &agrave; la fois apaisant et ironique.</p> <p>L&rsquo;intrigue est localis&eacute;e dans une maison &laquo;&nbsp;en automne dans quelque for&ecirc;t noire.&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;13) Les deux espaces de la maison et de la for&ecirc;t semblent s&rsquo;interp&eacute;n&eacute;trer.</p> <p>Un nombre r&eacute;duit de personnages&nbsp;: un p&egrave;re et sa fille, une nurse, une amie, un pr&eacute;fet, un docteur, permet de maintenir subtilement l&rsquo;&eacute;quilibre entre action et dialogue. L&rsquo;auteur fait feu de tout bois pour croiser les registres entre drame familial, satire sociale et conte enfantin avec des trouvailles constantes et un brio d&rsquo;&eacute;criture remarquable.</p> <p>La structure narrative s&rsquo;appuie sur un fait divers&nbsp;: un animal mena&ccedil;ant d&eacute;cime les troupeaux. Dans la masse des notes et brouillons de Billetdoux on trouve un texte dactylographi&eacute; relatant des faits et un feuillet manuscrit, dat&eacute; du 12-10-1979, disant&nbsp;: &laquo;&nbsp;Voici le document concernant la &ldquo;B&ecirc;te de Vosges&rdquo; transmis par Antoine Reille producteur de l&rsquo;&eacute;mission de Marylise de la Grange. Apparemment le loup court toujours&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>C&rsquo;est &agrave; partir de cet &eacute;v&eacute;nement que se d&eacute;ploie l&rsquo;action principale. Le pr&eacute;dateur est signal&eacute; et pist&eacute;. Les services publics s&rsquo;organisent. Le Pr&eacute;fet vient voir Velt puisque la b&ecirc;te se dirige vers sa propri&eacute;t&eacute;&nbsp;; c&rsquo;est l&rsquo;objet de la sc&egrave;ne 3 de l&rsquo;acte 1&nbsp;:</p> <blockquote> <p><em>Le Pr&eacute;fet&nbsp;:</em>&nbsp;Bien. Comme vous ne le savez pas, j&rsquo;esp&egrave;re, le bilan actuel du carnage est catastrophique, en tout cas pour l&rsquo;opinion&nbsp;: sept moutons &eacute;gorg&eacute;s en septembre, quatre-vingt-treize &agrave; la fin octobre&nbsp;; la courbe de la hausse est statistiquement sensible. Plus onze vaches et une pouliche victimes d&rsquo;une agression sp&eacute;cifique. Plus&nbsp;: trente et une poules, trois canards et un dindon, pass&eacute;s &agrave; tr&eacute;pas ou &agrave; la casserole. (p.&nbsp;31)</p> </blockquote> <p>La traque est organis&eacute;e pour attirer la b&ecirc;te dans la for&ecirc;t du domaine mais on devine, lors d&rsquo;un &eacute;change &agrave; l&rsquo;acte 3 entre Corn&eacute;lius et le Pr&eacute;fet, que ce dernier est pr&ecirc;t &agrave; tout pour se d&eacute;barrasser du probl&egrave;me y compris &agrave; liquider Velt et sa fille comme victimes expiatoires.</p> <blockquote> <p><em>Le Pr&eacute;fet</em>&nbsp;: [&hellip;] Comme je ne crois gu&egrave;re que le monsieur pourra nous livrer la d&eacute;froque d&rsquo;un animal acceptable pour calmer les populations, autant se r&eacute;soudre &agrave; un carnage anonyme. Puis on nommera une commission d&rsquo;enqu&ecirc;te. On pourra lui raconter tout ce qu&rsquo;on voudra, tout sera not&eacute;, donc exact. Puis comme en l&rsquo;occurrence, nous n&rsquo;avons pas besoin de coupable, &agrave; part le loup, on oubliera. Avec le temps. (p.&nbsp;79)</p> </blockquote> <p>Gr&acirc;ce au fait divers l&rsquo;auteur tisse une trame socio-politique en arri&egrave;re-plan de son intrigue qu&rsquo;il inscrit dans une dur&eacute;e limit&eacute;e puisqu&rsquo;il y a urgence. Il faut agir vite.</p> <p>Puisque loup il y a, pr&eacute;sent et invisible, cela entra&icirc;ne l&rsquo;utilisation sur sc&egrave;ne d&rsquo;objets concrets qui servent d&rsquo;appui de jeu et acqui&egrave;rent aussi une fonction symbolique. C&rsquo;est le cas du fusil qui passe de mains en mains, instrument de mort et de pouvoir&nbsp;; plusieurs coups de feu, trois, sont tir&eacute;s. C&rsquo;est aussi le pi&egrave;ge &agrave; loup qui se referme, comme pour l&rsquo;accuser, sur le pied de Velt, &agrave; l&rsquo;acte 3, sc&egrave;ne 4.</p> <blockquote> <p><em>Velt (se mordant le poing)&nbsp;</em>: &hellip; Hou ou aou&nbsp;! Surtout ne pas cri-aye-ier&nbsp;! Non. Que c&rsquo;est b&ecirc;te&nbsp;! [&hellip;] Pourquoi maman mon pied gauche&nbsp;?</p> <p>Pourquoi le mien &agrave; moi qui suis si gentil le dimanche&nbsp;?</p> <p>aouh maman le pi&egrave;ge me tire jusqu&rsquo;aux souriceaux&nbsp;!</p> <p>Quel est l&rsquo;idiot qui m&rsquo;a foutu cette bricole &agrave; denture dans l&rsquo;herbage de ma for&ecirc;t&nbsp;? (p.&nbsp;96)</p> </blockquote> <p>C&rsquo;est &eacute;galement la peau du loup qu&rsquo;il faut pouvoir exhiber. Philadelphie s&rsquo;en empare &agrave; l&rsquo;acte 3, sc&egrave;ne 5.</p> <blockquote> <p><em>Elle sort vivement du mirador</em></p> <p><em>la peau du loup</em></p> <p><em>referme avec pr&eacute;caution</em></p> <p><em>puis s&rsquo;installe sur les marches</em></p> <p>La la la&nbsp;! Ne pas s&rsquo;en faire&nbsp;!</p> <p>Il est venu, il est venu&nbsp;!</p> <p>Oh maman est-il venu&nbsp;?</p> <p>Comme il est r&acirc;peux&nbsp;!</p> <p>Pourquoi ne le voulait-il pas l&rsquo;enlever, maman, son costume&nbsp;? (p.&nbsp;100)</p> </blockquote> <p>Elle confie la d&eacute;pouille &agrave; Hildegarde qui la porte sur son dos.</p> <p>Au d&eacute;but de la sc&egrave;ne finale, Velt repara&icirc;t et, selon les didascalies&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Il porte sa gibeci&egrave;re, son fusil et</em>&nbsp;le pardessus noir du loup&nbsp;<em>qu&rsquo;il accroche &agrave; des pat&egrave;res&nbsp;&raquo; (</em>p.&nbsp;110). Le pelage est devenu costume. Att&eacute;nuation ou constatation de la proximit&eacute; entre humains et animaux&nbsp;?</p> <p>Une partition sonore s&rsquo;organise d&egrave;s l&rsquo;acte 1, sc&egrave;ne 4&nbsp;: &laquo;<em>&nbsp;La lune se l&egrave;ve. Au loin le premier hurlement du loup&nbsp;</em>&raquo; (p.37). Et ainsi tout au long de la pi&egrave;ce, par exemple acte 3, sc&egrave;ne 2&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Au loin le loup hurle&nbsp;</em>&raquo; (p.91) Le point culminant est atteint &agrave; la fin de l&rsquo;acte 3, sc&egrave;ne 6&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Tout alentour &eacute;clate un concert de hurlements qui ne sont pas que d&rsquo;animaux, les hommes &eacute;tant si b&ecirc;tes parfois</em>&nbsp;&raquo; (p.109). C&rsquo;est l&rsquo;une des morales de l&rsquo;histoire. Elle est d&rsquo;autant plus troublante que l&rsquo;on ne voit jamais le loup, m&ecirc;me si tout au long de cette sc&egrave;ne 6 on l&rsquo;entend remuer, g&eacute;mir et que son ombre se pr&eacute;cise.</p> <p>Crainte, peur et sang, tous les &eacute;l&eacute;ments sont l&agrave; pour imposer la sensation d&rsquo;une menace de mort. Qui sera tu&eacute;, par qui&nbsp;?</p> <hr /> <p>&Agrave; l&rsquo;instar du personnage d&rsquo;Hildegarde qui tente obstin&eacute;ment de rappeler la l&eacute;gende du loup du nord, Billetdoux organise sa pi&egrave;ce comme un conte. Les r&eacute;f&eacute;rences abondent&nbsp;; d&egrave;s l&rsquo;acte 1, sc&egrave;ne 2, le &laquo;&nbsp;Petit chaperon rouge&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;20) est mentionn&eacute;. Dans ses notes pr&eacute;paratoires&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>, l&rsquo;auteur &eacute;voque la Belle au bois dormant, Blanche neige endormie et il fait allusion &agrave; Bruno Bettelheim dont le livre&nbsp;<em>La psychanalyse des contes de f&eacute;es&nbsp;</em><a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>&nbsp;conna&icirc;t un grand succ&egrave;s dans les ann&eacute;es 1976-1981 qui correspondent &agrave; la gestation de l&rsquo;&oelig;uvre. Bien entendu on per&ccedil;oit des &eacute;chos de la c&eacute;l&egrave;bre comptine &laquo;&nbsp;Promenons-nous dans les bois pendant que le loup n&rsquo;y est pas&nbsp;&raquo; qui est utilis&eacute;e directement p.&nbsp;89.</p> <p>Billetdoux s&rsquo;interroge sur ses personnages et sur ce qu&rsquo;ils repr&eacute;sentent comme symboles.</p> <blockquote> <p>&nbsp;Philadelphie &ndash;&nbsp;n&rsquo;a pas d&rsquo;arri&egrave;re-pens&eacute;es, ne calcule pas</p> <p>&ndash;&nbsp;elle est amoureuse de tout ce qui vit, en tant que m&eacute;tamorphose dont la mort fait partie, ainsi que le vieillissement et elle souffre sans cesse de tout ce qui emp&ecirc;che l&rsquo;amour</p> <p>&ndash;&nbsp;elle est dr&ocirc;le parce qu&rsquo;elle dit &laquo;&nbsp;ce qui est&nbsp;&raquo; comme elle le voit et l&rsquo;entend.</p> <p>Velt est un &eacute;norme peureux qui cherche sans cesse &agrave; rassurer par &laquo;&nbsp;bon sens&nbsp;&raquo;.</p> <p>Le Dr Corn&eacute;lius est un &laquo;&nbsp;puits de sciences&nbsp;&raquo; qui ne sait rien, que par &laquo;&nbsp;savoirs&nbsp;&raquo;.</p> <p>Mme Abiga&iuml;l est une &laquo;&nbsp;consommatrice&nbsp;&raquo;, elle cherche l&rsquo;avoir. C&rsquo;est une ogresse de l&rsquo;amour sexuel, de l&rsquo;argent, du pouvoir (la r&eacute;ussite).</p> <p>Hildegarde est une &laquo;&nbsp;ordonn&eacute;e&nbsp;&raquo;, une sorte d&rsquo;insecte humain qui accepte tout ce qui est &laquo;&nbsp;dans l&rsquo;ordre&nbsp;&raquo;.</p> <p>Le Pr&eacute;fet est un repr&eacute;sentant en principe du pouvoir, du gouvernement, du peuple mais en fait de quelque chose qui n&rsquo;existe pas et change tout le temps&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;l&rsquo;opinion publique&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>.&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p>Il dessine ainsi le sch&eacute;ma d&rsquo;une s&eacute;rie de situations qui sont comme autant d&rsquo;&eacute;tapes d&rsquo;un conte.</p> <p>Ainsi donc, il &eacute;tait une fois un Monsieur Victor Velt qui avait ramen&eacute; du pensionnat dans sa maison foresti&egrave;re sa fille unique et souffrante Philadelphie. Il lui avait donn&eacute; une nurse Hildegarde. Et il avait pour amante la s&eacute;ductrice Abiga&iuml;l. On le voit, Billetdoux est dou&eacute; pour l&rsquo;onomastique. Il s&rsquo;en amuse dans son texte&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Velt&nbsp;:&nbsp;</em>[&hellip;] Mon nom d&rsquo;origine est Weltanschaung. Mais loin, loin. Puis Weltang. Enfin Welt. Avec double V. Aujourd&rsquo;hui n&rsquo;en reste qu&rsquo;un. Avec le temps.&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;29)</p> <p>Philadelphie c&eacute;l&egrave;bre l&rsquo;amour fraternel et sororal&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>. Abiga&iuml;l &eacute;voque l&rsquo;exultation du p&egrave;re.</p> <p>Il y a dans la maison une double menace, celle du loup, ext&eacute;rieure, celle du p&egrave;re irrit&eacute;, int&eacute;rieure. La petite fille de neuf ans d&eacute;clare que le loup vient la chercher. Elle demande &agrave; son p&egrave;re de le prot&eacute;ger. Le pacte est assorti d&rsquo;une menace.</p> <blockquote> <p><em>Philadelphie</em>&nbsp;: Mais si tu pars avec ton fusil</p> <p>D&egrave;s que tu auras ferm&eacute; la porte</p> <p>&Agrave; chaque heure qui passera</p> <p>Je vieillirai d&rsquo;une ann&eacute;e.</p> <p><em>Velt&nbsp;:</em>&nbsp;Ah mon petit comme on t&rsquo;a bourr&eacute;e de contes&nbsp;!</p> <p>Il faudra que j&rsquo;y rem&eacute;die.</p> <p><em>Philadelphie</em>&nbsp;: Si tu reviens &agrave; minuit tapante</p> <p>J&rsquo;aurai presque mes dix-huit ans</p> <p>Je saurai si je suis jolie.</p> <p>Mais si c&rsquo;est seulement demain &agrave; midi</p> <p>J&rsquo;en aurai trente oh mon papa</p> <p>je serai vieille fille</p> <p>sans avoir fait de b&ecirc;tises.</p> <p>Jure promesse s&rsquo;il te pla&icirc;t</p> <p>d&rsquo;accorder ta sauvegarde</p> <p>&agrave; mon loup tout &eacute;perdu&nbsp;!</p> <p><em>Velt&nbsp;:</em>&nbsp;C&rsquo;est promis.&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;23-24)</p> </blockquote> <p>Mais la promesse n&rsquo;est pas tenue. Et lorsque Velt rentre au logis apr&egrave;s trois jours et quatre nuits de chasse, la petite a quatre-vingt-trois ans&nbsp;! L&rsquo;effet th&eacute;&acirc;tral est puissant. Il impose un changement d&rsquo;interpr&egrave;te tr&egrave;s soigneusement &eacute;labor&eacute; puisque et le public et les personnages mettent longtemps, jusqu&rsquo;&agrave; la sc&egrave;ne 5 de l&rsquo;acte 2, &agrave; voir vraiment l&rsquo;apparence de Philadelphie.</p> <blockquote> <p><em>Entre Philadelphie-v&ecirc;tue en jeune fille de pensionnat, dans un v&ecirc;tement de sa m&egrave;re-tenant son gros oreiller qu&rsquo;elle ne l&acirc;chera pas.</em></p> <p><em>Philadelphie (faisant r&eacute;v&eacute;rence)&nbsp;</em>: Oh le bonjour docteur Corn&eacute;lius&nbsp;! Me voil&agrave; debout&nbsp;! &ccedil;a vous &eacute;baubit&nbsp;!</p> <p><em>Corn&eacute;lius (rendu stupide &agrave; son tour)&nbsp;</em>: Non ne m&rsquo;embrassez pas&nbsp;! Euh je suis bourr&eacute; de microbes&nbsp;!&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;53)</p> </blockquote> <p>Ce jeu de bascule exacerbe soudain les relations entre les personnages et ajoute au th&egrave;me de la fascination effray&eacute;e pour le loup, celui du conflit des g&eacute;n&eacute;rations.</p> <p>Comme le remarque Billetdoux dans son avant-propos&nbsp;: &laquo; Le th&eacute;&acirc;tre sert &agrave; retrouver ce sens de la vie que l&rsquo;on renifle dans l&rsquo;adolescence, au-dehors et au-dedans, puis que l&rsquo;on perd vers la quarantaine dans &ldquo;l&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute; du concret&rdquo;, en d&eacute;couvrant avec plus ou moins de bonheur la conscience d&rsquo;une solitude&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;7).</p> <p>D&egrave;s lors on comprend que le sujet principal de la pi&egrave;ce est la confrontation du P&egrave;re et de sa Fille. L&rsquo;enfant abandonn&eacute;e, ignor&eacute;e, mal aim&eacute;e, annonce son mariage &agrave; l&rsquo;assembl&eacute;e &eacute;bahie&nbsp;: &laquo;&nbsp;Devinez avec qui&nbsp;? Devinez&nbsp;!&hellip;Vous ne pourrez pas le croire&nbsp;! Avec le loup&nbsp;! Oui, qui se nomme Lupus Lazuli&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;54).</p> <p>Les r&ocirc;les li&eacute;s &agrave; l&rsquo;&acirc;ge &eacute;tant renvers&eacute;s, les adultes perdent pied et s&rsquo;allongent sur le sol. &laquo;&nbsp;Bient&ocirc;t trois des grandes personnes seront couch&eacute;es par terre, en grappe, avec Velt accroupi, sous l&rsquo;&oelig;il &eacute;tonn&eacute; de Philadelphie qui se tient &agrave; distance, son oreiller contre elle&nbsp;&raquo; (p.60).</p> <p>Un des moments les plus importants se situe &agrave; l&rsquo;acte 3.&nbsp;<em>&laquo; Dans la luminosit&eacute; bleue de la nuit&nbsp;: le mirador</em>&nbsp;<em>b&acirc;ti dans</em><em>&nbsp;les&nbsp;</em><em>branches d&rsquo;un vieil arbre immense plant&eacute; sur une colline en clairi&egrave;re, surplombant la for&ecirc;t profonde&nbsp;&raquo;&nbsp;</em>(p.81). Billetdoux en a fait un dessin dans ses notes pr&eacute;paratoires. C&rsquo;est une cabane enfantine o&ugrave; Philadelphie apporte des objets de m&eacute;nage minuscules qui sont des jouets.</p> <p>C&rsquo;est aussi un lieu suspendu&nbsp;qui illustre le combat symbolique du haut et du bas, de l&rsquo;esprit et du corps, du ciel et de la terre, de l&rsquo;innocence et de la compromission. Billetdoux esquisse un sch&eacute;ma du conflit dans ses notes&nbsp;:</p> <blockquote> <p>esprit</p> <p>Lucifer en haut Mirador</p> <p>VELT</p> <p>Philadelphie Abiga&iuml;l</p> <p>&Acirc;me Animal Corps</p> <p>dedans en bas dehors&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a></p> </blockquote> <p>&Agrave; ce moment l&agrave; Velt se trouve tout &agrave; fait d&eacute;connect&eacute; de sa fille et incapable de communiquer avec elle. Il la vouvoie, l&rsquo;appelle Madame, s&rsquo;emporte. Les &eacute;changes entre eux sont semi- d&eacute;lirants.</p> <blockquote> <p>&nbsp;<em>Velt&nbsp;:</em>&nbsp;Comment croire oh comment croire que tu es Philadelphie&nbsp;?</p> <p><em>Philadelphie&nbsp;:</em>&nbsp;Je le suis comme la graine et l&rsquo;&oelig;uf et le nuage. J&rsquo;en donne mon petit doigt &agrave; couper.</p> <p><em>Velt&nbsp;:</em>&nbsp;Quel changement quand m&ecirc;me&nbsp;! Et pour quel profit&nbsp;?</p> <p><em>Philadelphie&nbsp;:</em>&nbsp;&Ccedil;a c&rsquo;est le secret du papillon multicolore. Mais oh mon papa, moi c&rsquo;est moi&nbsp;! C&rsquo;est moi&nbsp;!</p> <p><em>Elle se coupe le petit doigt.</em></p> <p><em>Au loin le loup hurle.&nbsp;</em>(p.&nbsp;91)</p> </blockquote> <p><em>&nbsp;</em>Culpabilit&eacute;, col&egrave;re, menace et d&eacute;sarroi. Qui va &ecirc;tre sacrifi&eacute;&nbsp;? Qui va &ecirc;tre sauv&eacute;&nbsp;?</p> <p>On devine du coup le sens cach&eacute; du titre de la pi&egrave;ce. &Agrave; plusieurs reprises dans ses notes Billetdoux fait allusion &agrave; &laquo;&nbsp;la fille de Ja&iuml;re&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>&nbsp;&raquo;. Dans son texte il indique que Philadelphie a neuf ans, bient&ocirc;t douze (p.&nbsp;21, 101, 110). Dans la Bible (Marc 5&nbsp;: 21-43, Matthieu 9&nbsp;:18-26, Luc 8&nbsp;:40-56), il est rapport&eacute; que J&eacute;sus a ramen&eacute; &agrave; la vie la fille de Ja&iuml;re , &acirc;g&eacute;e de douze ans, en pronon&ccedil;ant ces paroles, en aram&eacute;en, &laquo;&nbsp;Talitha Koumi&nbsp;&raquo;, ce qui veut dire&nbsp;: &laquo;&nbsp;Jeune fille r&eacute;veille-toi&nbsp;&raquo;.</p> <p>La pi&egrave;ce nous fait suivre &agrave; sa mani&egrave;re la mise &agrave; l&rsquo;&eacute;preuve initiatique de Velt, le p&egrave;re et de Philadelphie sa fille, qui se transforme et change d&rsquo;&acirc;ge.</p> <hr /> <p>&laquo;&nbsp;Qui r&ecirc;ve qu&rsquo;il dort&nbsp;?&nbsp;&raquo; lance Philadelphie &agrave; Hildegarde lors de leur confrontation &agrave; l&rsquo;acte 3, sc&egrave;ne 5 (p.&nbsp;101). Billetdoux compose avec soin une pi&egrave;ce onirique, ce qui lui donne une grande libert&eacute; de langage et d&rsquo;invention sc&eacute;nique. C&rsquo;est probablement pour cela qu&rsquo;il met en exergue &agrave; son texte d&rsquo;introduction une citation d&rsquo;<em>Arcane 17</em>&nbsp;d&rsquo;Andr&eacute; Breton (p.&nbsp;7).</p> <p>Une grande partie de l&rsquo;action se d&eacute;roule au cr&eacute;puscule ‒&nbsp;acte 1 ou en pleine nuit ‒&nbsp;acte 3 sauf la sc&egrave;ne finale. Au cours de la sc&egrave;ne 5 de l&rsquo;acte 1, on assiste &agrave; l&rsquo;endormissement progressif d&rsquo;Hildegarde et de Philadelphie qui va commencer sa transformation.</p> <blockquote> <p><em>Philadelphie&nbsp;:</em>&nbsp;[&hellip;] mais &agrave; quoi je sers en ce monde</p> <p>Si je ne peux m&ecirc;me plus m&ecirc;me</p> <p>Faire danser mes petits doigts&nbsp;?</p> <p><em>Elle essaie en vain de remuer les mains</em></p> <p><em>au-dessus des couvertures</em></p> <p><em>dans la lumi&egrave;re en provenance du miroir-sorci&egrave;re.&nbsp;</em>(p.&nbsp;39)</p> </blockquote> <p>L&rsquo;ambition de l&rsquo;auteur est de constituer &laquo;&nbsp;un R&Ecirc;VE VRAI&nbsp;&raquo;, il &eacute;crit ces mots en majuscules dans ses brouillons&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>. Il consulte un livre sur les cauchemars de l&rsquo;enfant&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>. Il note des remarques comme venues du subconscient qui peuvent servir de soubassement &agrave; l&rsquo;histoire racont&eacute;e&nbsp;: &laquo;&nbsp;Un r&ecirc;ve vrai. Une petite fille qui ne veut pas dormir/mourir, exsangue, qui &eacute;touffe d&rsquo;interdits, qui veut croire&nbsp;&raquo; et qui souhaite &laquo;&nbsp;se faire re-conna&icirc;tre comme personne par le p&egrave;re&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>&nbsp;&raquo;. Fran&ccedil;ois Billetdoux r&eacute;dige aussi quelques notes par ci par l&agrave; sous la rubrique&nbsp;&laquo;&nbsp;pour moi p&egrave;re&nbsp;&raquo; et s&rsquo;appuie sur sa propre exp&eacute;rience avec ses filles.</p> <p>Il r&egrave;gne un climat de divagation comme si les personnages ne contr&ocirc;laient pas leurs discours et leurs comportements, un m&eacute;lange tr&egrave;s bien dos&eacute; d&rsquo;inqui&eacute;tude, d&rsquo;humour, de po&eacute;sie et d&rsquo;interrogation finement d&eacute;finie par la citation de Goethe plac&eacute;e avant le texte&nbsp;: &laquo;&nbsp;Quel est le secret le plus important&nbsp;? Celui qui se r&eacute;v&egrave;le&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;11).</p> <p>Avec sa partition sonore foresti&egrave;re, ses jeux d&rsquo;ombres fantasmagoriques, ses corps qui se cherchent, ses paroles claires et confuses port&eacute;es par une langue vive et l&eacute;g&egrave;re travers&eacute;e par le mod&egrave;le des comptines enfantines, la sc&egrave;ne est le lieu de l&rsquo;entrecroisement des r&ecirc;ves.</p> <p>La s&eacute;quence finale a &eacute;t&eacute; r&eacute;&eacute;crite en juillet 1988 pour les repr&eacute;sentations&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>. De fa&ccedil;on plus nette que dans la version pr&eacute;c&eacute;dente de 1981, elle propose une sortie de l&rsquo;&eacute;preuve, de l&rsquo;obscurit&eacute; et donne &agrave; voir, au petit matin, les retrouvailles entre Velt, qui &laquo;&nbsp;<em>arrive en fort mauvais &eacute;tat avec un gros pied pl&acirc;tr&eacute;</em>&nbsp;&raquo; et Philadelphie redevenue petite fille&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Philadelphie ‒&nbsp;neuf ans bient&ocirc;t douze&nbsp;‒ appara&icirc;t noircie de fum&eacute;e dans sa longue chemise d&eacute;chiquet&eacute;e et une &ldquo;poup&eacute;e&rdquo; au petit doigt.&nbsp;</em>&raquo; (p.&nbsp;110-111). Nouvelle permutation d&rsquo;interpr&egrave;te, et amorce d&rsquo;un dialogue de r&eacute;conciliation.</p> <blockquote> <p><em>Velt&nbsp;:</em>&nbsp;Ah Phila philon philou&nbsp;! Je veux t&rsquo;embrasser. Mais je n&rsquo;ose pas.</p> <p><em>Philadelphie&nbsp;:</em>&nbsp;C&rsquo;est que je suis encore bien d&eacute;penaill&eacute;e.</p> <p><em>Velt&nbsp;:</em>&nbsp;Certes. Moi de m&ecirc;me. Mais juste un tout petit peu dans le cou&nbsp;!</p> <p><em>Elle tend le cou. Il y pose un baiser.</em></p> <p><em>Je ne sais s&rsquo;il vient &agrave; mordre&nbsp;</em>(p&nbsp;112)</p> </blockquote> <p><em>&nbsp;</em>Le sort jet&eacute; s&rsquo;en est all&eacute;. Comme si tout le monde avait dormi et r&ecirc;v&eacute; ce qui vient de se passer. Restent un p&egrave;re et sa fille qui refont connaissance. Et le loup en chacun de nous.</p> <p>Supr&ecirc;me &eacute;l&eacute;gance, le &laquo;&nbsp;je&nbsp;&raquo; dans la didascalie finale. &Agrave; nous d&rsquo;imaginer.</p> <hr /> <p>C&rsquo;est une bien belle pi&egrave;ce que Fran&ccedil;ois Billetdoux a &eacute;crite presque au terme de sa carri&egrave;re de dramaturge. Elle appartient &agrave; cette cat&eacute;gorie des &oelig;uvres qui parlent de l&rsquo;adolescence et s&rsquo;inspirent des contes. On peut &eacute;voquer parmi ses contemporains Romain Weingarten, auteur de&nbsp;<em>L&rsquo;&Eacute;t&eacute;&nbsp;</em>(1966<em>)&nbsp;</em>et aujourd&rsquo;hui Jo&euml;l Pommerat qui aime raconter &agrave; sa fa&ccedil;on&nbsp;<em>Le Petit chaperon</em>&nbsp;<em>rouge</em>&nbsp;(2004),&nbsp;<em>Pinocchio</em>&nbsp;(2008) ou&nbsp;<em>Cendrillon</em>&nbsp;(2011).</p> <p>Par chance Billetdoux a rencontr&eacute; un metteur en sc&egrave;ne qui a su avec son &eacute;quipe trouver le bon registre et le juste &eacute;quilibre pour donner &agrave; la pi&egrave;ce sa pleine force. Du coup nous souhaitons laisser la parole finale &agrave; Jorge Lavelli qui lorsqu&rsquo;il a re&ccedil;u le manuscrit ‒&nbsp;donc bien avant de se lancer dans la cr&eacute;ation, lui a &eacute;crit depuis Marbella, le 28 ao&ucirc;t 1986&nbsp;:</p> <p>[&hellip;] C&rsquo;est du plus beau th&eacute;&acirc;tre qui soit&nbsp;; celui qui embrasse dans un m&ecirc;me mouvement la r&eacute;alit&eacute; et le r&ecirc;ve, le mythe et la fable, le quotidien et l&rsquo;all&eacute;gorie et tout cela avec une simplicit&eacute; et une &eacute;l&eacute;gance surprenantes. Les personnages sont sensibles et touchants et l&rsquo;humour, toujours pr&eacute;sent, ne cesse pas de les accompagner&nbsp;: ils finissent par nous s&eacute;duire et envahir nos pens&eacute;es&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>.</p> <h3>Document</h3> <p>Texte de la derni&egrave;re sc&egrave;ne de la pi&egrave;ce, acte 3, sc&egrave;ne 7 dans la version du manuscrit de 1981. BnF, fonds Billetdoux 4-COL-162 (329).</p> <p><em>Dans la grande chambre</em></p> <p><em>qui a l&rsquo;air encore plus immense que d&rsquo;habitude</em></p> <p><em>Velt entre fatigu&eacute;, sale, dans une tenue de chasse</em></p> <p><em>avec un gros pied pl&acirc;tr&eacute;.</em></p> <p><em>Velt&nbsp;:</em>&nbsp;Phila&nbsp;! ma Delphine&nbsp;! Hop c&rsquo;est l&rsquo;heure&nbsp;! Voil&agrave; ton papa du matin chagrin qui s&rsquo;en vient sonner ton r&eacute;veil&nbsp;!..</p> <p>Quelle est donc dongue don la vilaine qui ne veut pas quitter son lit&nbsp;?..</p> <p>Mon dieu, mon dieu&nbsp;! rien qu&rsquo;un polochon dans les couvertures&nbsp;! Encore un malheur&nbsp;!</p> <p>Et les gouttes de sang partout&nbsp;! partout&nbsp;!</p> <p><em>Philadelphie (off)&nbsp;:&nbsp;</em>Hou hou hou&nbsp;!</p> <p><em>Velt&nbsp;:&nbsp;</em>O&ugrave; es-tu&nbsp;?</p> <p><em>Philadelphie&nbsp;:&nbsp;</em>Dans la chemin&eacute;e&nbsp;! Je me fais voir les &eacute;toiles.</p> <p><em>Velt&nbsp;:&nbsp;</em>En plein jour&nbsp;?</p> <p><em>Philadelphie ‒&nbsp;9 ans bient&ocirc;t douze&nbsp;‒ appara&icirc;t noircie de fum&eacute;e</em></p> <p><em>dans une longue chemise d&eacute;chiquet&eacute;e</em></p> <p><em>et une &laquo;&nbsp;poup&eacute;e&nbsp;&raquo; au petit doigt.</em></p> <p><em>Philadelphie (faisant r&eacute;v&eacute;rence)&nbsp;:&nbsp;</em>Le bonjour, mon papa. Je ne t&rsquo;attendais pas de si t&ocirc;t.</p> <p><em>Velt&nbsp;:&nbsp;</em>Vous m&rsquo;avez bien petite mine&nbsp;!</p> <p><em>Philadelphie&nbsp;:&nbsp;</em>En votre absence, je m&rsquo;avais coup&eacute; mon petit doigt qui dit tout.</p> <p>Mais il m&rsquo;a repouss&eacute; la nuit dans le ruisseau</p> <p>qui s&rsquo;en va lon laire.</p> <p><em>Velt&nbsp;:</em>&nbsp;Et que vous dit-il de neuf&nbsp;?</p> <p><em>Philadelphie&nbsp;:</em>&nbsp;Ah &ccedil;a c&rsquo;est encore un secret tralala.</p> <p><em>Velt&nbsp;:</em>&nbsp;Nous reprendrons cette conversation plus tard.</p> <p><em>Philadelphie&nbsp;:</em>&nbsp;Non mon papa n&rsquo;entre pas dans la salle de bains. Elle est occup&eacute;e.</p> <p><em>Velt&nbsp;:</em>&nbsp;Ah oui j&rsquo;avais oubli&eacute; Hildegarde.</p> <p><em>Philadelphie&nbsp;:</em>&nbsp;Oh elle a bien du tintouin. Elle est plong&eacute;e dans les dictionnaires, sous la tonnelle d&rsquo;aristoloche. Ce qu&rsquo;on se demande, c&rsquo;est si on pourra te garder.</p> <p><em>Velt&nbsp;:</em>&nbsp;C&rsquo;est &agrave; dire&nbsp;?</p> <p><em>Philadelphie&nbsp;:</em>&nbsp;Supporteras-tu de vivre dans une maison de verre&nbsp;?</p> <p><em>Velt&nbsp;:</em>&nbsp;Ah &ccedil;a quand m&ecirc;me comme allusion c&rsquo;est trop&nbsp;! S&rsquo;il y a quelqu&rsquo;un mon petit qui a toujours eu horreur du mensonge, eh bien je ne sais pas qui c&rsquo;est&nbsp;!</p> <p><em>Philadelphie&nbsp;:</em>&nbsp;Et &agrave; quoi lui sert-il ce gros pied-l&agrave; qu&rsquo;il a&nbsp;?</p> <p><em>Velt&nbsp;:</em>&nbsp;&Agrave; battre la mesure&nbsp;! pan pan pan tireli relan&nbsp;!</p> <p>Mais &agrave; quel moment, ma petite maman, aurai-je l&rsquo;autorisation d&rsquo;acc&eacute;der &agrave; mon lieu de toilette&nbsp;?</p> <p><em>Philadelphie&nbsp;:</em>&nbsp;Pas avant quarante jours.</p> <p><em>Velt&nbsp;:</em>&nbsp;Simple curiosit&eacute;&nbsp;! Je peux me laver dans le vieil abreuvoir. Mais qui est donc dans la salle de bains&nbsp;?</p> <p><em>Philadelphie&nbsp;:</em>&nbsp;Oh &agrave; peu pr&egrave;s personne&nbsp;! Si minuscule&nbsp;! On se demande qui c&rsquo;est. Il n&rsquo;a pas dit son nom.</p> <p><em>Velt&nbsp;:</em>&nbsp;Et que fait-il&nbsp;?</p> <p><em>Philadelphie&nbsp;:</em>&nbsp;Oh il flotte&nbsp;! Il est dans la baignoire. Oh papa, mon papa, je n&rsquo;ai pas pu faire autrement&nbsp;!</p> <p><em>Velt&nbsp;:</em>&nbsp;Et d&rsquo;o&ugrave; nous vient-il&nbsp;?</p> <p><em>Philadelphie&nbsp;:</em>&nbsp;Du ruisseau, je pense. Ah ne lui fais pas peur&nbsp;! Il est encore sauvage&nbsp;!</p> <p><em>Velt&nbsp;:</em>&nbsp;Ah bon&nbsp;?</p> <p><em>Elle le conduit en catimini</em></p> <p><em>vers la porte de la salle de bains</em></p> <p><em>qu&rsquo;elle ouvre avec pr&eacute;caution.</em></p> <p><em>Philadelphie&nbsp;:</em>&nbsp;C&rsquo;est un enfant loup, mon papa&nbsp;! Mais un peu loup de mer.</p> <p><em>On entend le vilain cri</em></p> <p><em>D&rsquo;une sorte de b&eacute;b&eacute; phoque</em></p> <p><em>Velt&nbsp;:</em>&nbsp;Ra ro roh&nbsp;! Comme il me ressemble&nbsp;!</p> <p>Fran&ccedil;ois Billetdoux. 13 ao&ucirc;t 1981</p> <h3><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h3> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a>&nbsp;Bnf, D&eacute;partement des Arts du spectacle, fonds Billetdoux, 4-COL-162 (328), brouillons manuscrits, feuillets 92-110.</p> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a>&nbsp;BnF, fonds Billetdoux, 4-COL-162 (327) feuillet 32.</p> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a>&nbsp;Bruno Bettelheim,&nbsp;<em>La psychanalyse des contes de f&eacute;es</em>, Paris, Robert Laffont, 1976.</p> <p><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a>&nbsp;BnF, fonds Billetdoux, 4-COL-162 (327) feuillet 31.</p> <p><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;Philadelphie&nbsp;: fraternit&eacute;. Reconna&icirc;tre l&rsquo;autre quel que soit l&rsquo;&acirc;ge&nbsp;&raquo; (BnF, fonds Billetdoux 4-COL-162 (327) feuillet 34).</p> <p><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a>&nbsp;BnF, fonds Billetdoux, 4-COL-162(328) feuillet 59.</p> <p><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a>&nbsp;BnF, fonds Billetdoux 4-COL-162 (328) feuillets 128 et 195.</p> <p><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a>&nbsp;Id., feuillet 59.</p> <p><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a>&nbsp;Id., feuillet 287.</p> <p><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a>&nbsp;BnF, fonds Billetdoux 4-COL-162 (327) feuillet 34.</p> <p><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a>&nbsp;BnF, fonds Billetdoux 4-COL-162 (330).</p> <p><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a>&nbsp;BnF, fonds Billetdoux 4-COL-162 (756)</p> <h3>Bibliographie<br /> &nbsp;</h3> <p>BILLETDOUX, Fran&ccedil;ois,&nbsp;<em>R&eacute;veille-toi, Philadelphie&nbsp;!</em>, Paris, Actes Sud-Papiers, 1988.</p> <p>BnF Archives et manuscrits, Fonds Billetdoux, Fran&ccedil;ois.&nbsp;Sous-unit&eacute;s de description&nbsp;:</p> <p>4-COL-162 (326) Notes pr&eacute;paratoires et brouillons</p> <p>4-COL-162 (327) Contenu d&rsquo;une chemise intitul&eacute;e&nbsp;&laquo;&nbsp;Aspects g&eacute;n&eacute;raux&nbsp;&raquo; notes pr&eacute;paratoires manuscrites autographes</p> <p>4-COL-162 (328) Brouillons manuscrits</p> <p>4-COL-162 (329) Texte manuscrit autographe de la pi&egrave;ce</p> <p>4-COL-162 (330) Version r&eacute;vis&eacute;e de l&rsquo;acte III, sc&egrave;ne 7</p> <p>4-COL-162 (756) Correspondance adress&eacute;e &agrave; Fran&ccedil;ois Billetdoux par Jorge Lavelli.</p> <p>Gallica (site BnF) montre 37 photographies du spectacle par Daniel Cande, 1988.</p> <p>Le Th&eacute;&acirc;tre national de la Colline donne acc&egrave;s sur son site, &agrave; la rubrique archives, &agrave; quelques photos du spectacle, &agrave; l&rsquo;affiche et au programme de salle.</p> <h3>Auteur</h3> <p>Professeur &eacute;m&eacute;rite en &eacute;tudes th&eacute;&acirc;trales &agrave; l&rsquo;universit&eacute; Paul Val&eacute;ry Montpellier.</p> <p>Ses recherches portent sur l&rsquo;histoire et l&rsquo;esth&eacute;tique du th&eacute;&acirc;tre&nbsp;:&nbsp;<em>Gaston Baty</em>, Actes Sud-Papiers, 2004&nbsp;;&nbsp; participation &agrave; l&rsquo;&eacute;dition du&nbsp;<em>Th&eacute;&acirc;tre complet</em>&nbsp;de Jean Cocteau, Gallimard, Biblioth&egrave;que de la Pl&eacute;iade, 2003&nbsp;; contribution &agrave; l&rsquo;anthologie&nbsp;<em>Le</em>&nbsp;<em>Th&eacute;&acirc;tre du XX&deg; si&egrave;cle, Histoire, textes choisis, mises en sc&egrave;ne</em>, Avant-sc&egrave;ne th&eacute;&acirc;tre, 2011.</p> <p>Il travaille r&eacute;guli&egrave;rement comme dramaturge, particuli&egrave;rement avec le metteur en sc&egrave;ne Jacques Nichet, &nbsp;voir son livre&nbsp;<em>Je veux jouer toujours,</em>&nbsp;Milan, 2007 et&nbsp;<em>Dramaturgies, m&eacute;langes offerts &agrave; G. L.,</em>&nbsp;Espaces 34, 2013.</p> <h3><strong>Copyright</strong></h3> <p>Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p>