<h3>Abstract</h3> <p>This major play by Billetdoux shows the surprising capacity of its author to reinvent himself, five years after the creation of&nbsp;<em>Tchin-Tchin</em>, by exploring the musicality of language in a different way, but also by renewing the dramatic composition. Indeed, acts are replaced by movements, the progression gets more sonorous, the characters establish themselves through their voice. The stage directions are really precise, and one can talk here about &ldquo;ballet&rdquo;, &ldquo;acceleration&rdquo;, about characters who find themselves &ldquo;out of the action&rdquo;, like &ldquo;orchestra musicians waiting for their turn to play&rdquo;. The play resembles a &ldquo;multiple song&rdquo; (according to Jean-Jacques Gautier) that we try to make people hear.</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p>Fran&ccedil;ois Billetdoux, <em>Il faut passer par les nuages</em>, sound experimentation, dramatic composition, choreography</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>Cinq ans apr&egrave;s&nbsp;<em>Tchin-Tchin</em>, cr&eacute;&eacute; au Th&eacute;&acirc;tre de Poche-Montparnasse, l&rsquo;Od&eacute;on-Th&eacute;&acirc;tre de France accueille&nbsp;<em>Il faut passer par les nuages</em>, dans une mise en sc&egrave;ne de Jean-Louis Barrault. La pi&egrave;ce est cr&eacute;&eacute;e le 22 octobre 1964. L&rsquo;heure de la cons&eacute;cration semble venue. Madeleine Renaud joue le r&ocirc;le de Claire, le personnage principal, dont elle est aussi le mod&egrave;le&nbsp;: Billetdoux, qui voit en elle &laquo;&nbsp;ce qu&rsquo;il y a de plus typiquement d&eacute;mesur&eacute; dans l&rsquo;&ecirc;tre occidental et qui est fran&ccedil;ais&nbsp;: la folle passion d&eacute;sordonn&eacute;e du raisonnable&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>&nbsp;&raquo;, a &eacute;crit la pi&egrave;ce non seulement en pensant &agrave; elle, mais en l&rsquo;<em>entendant</em>&nbsp;: &laquo;&nbsp;[&hellip;] dites &agrave; Madeleine que je l&rsquo;ai dans l&rsquo;oreille, je crois, &agrave; une virgule pr&egrave;s, et que c&rsquo;est bien agr&eacute;able cette mani&egrave;re de dire qu&rsquo;elle a, elle rappelle la fl&ucirc;te chez Mozart&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>.&nbsp;&raquo; Quant au choix d&rsquo;&laquo;&nbsp;une petite ville du Sud-Ouest de la France, pr&egrave;s de Bordeaux, en l&rsquo;ann&eacute;e 1963&nbsp;&raquo; pour situer l&rsquo;intrigue d&rsquo;une action contemporaine de l&rsquo;&eacute;criture de la pi&egrave;ce, on notera que le Sud-Ouest est avant tout pour l&rsquo;auteur une r&eacute;gion &laquo;&nbsp;o&ugrave; l&rsquo;on aime encore prononcer&nbsp;&raquo; et il veut que ses personnages en aient l&rsquo;accent, &laquo;&nbsp;pour le jeu des mots, pour le plaisir de les dire&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>&nbsp;&raquo;. Pr&eacute;cis&eacute;ment, il est beaucoup question de son, de rythme, de musique dans cette pi&egrave;ce, divis&eacute;e en cinq parties appel&eacute;es non pas&nbsp;<em>actes</em>&nbsp;mais&nbsp;<em>mouvements</em>&nbsp;et o&ugrave; la r&eacute;f&eacute;rence &agrave; la musique est vite explicite par les indications apport&eacute;es au d&eacute;but de chacun de ces mouvements&nbsp;: Billetdoux invite &agrave; jouer le premier, qualifi&eacute; aussi d&rsquo;Ouverture,&nbsp;<em>allegro ma non troppo&nbsp;</em>; divise le deuxi&egrave;me en deux &laquo;&nbsp;moments dramatiques&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>&nbsp;&raquo; &agrave; jouer&nbsp;<em>andantino</em>&nbsp;le premier,&nbsp;<em>grave</em>&nbsp;le second, simultan&eacute;ment d&eacute;crit comme un&nbsp;<em>scherzo</em>&nbsp;; fait du troisi&egrave;me mouvement un&nbsp;<em>allegro path&eacute;tique&nbsp;</em>; invite &agrave; jouer le quatri&egrave;me&nbsp;<em>molto vivace&nbsp;</em>; et propose pour finir, avec le cinqui&egrave;me et dernier, une&nbsp;<em>aubade</em>. Dans des notes pr&eacute;paratoires, l&rsquo;auteur parle aussi de &laquo;&nbsp;composition musicale&nbsp;&raquo; et de &laquo;&nbsp;symphonie&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>&nbsp;&raquo;. Cette approche sonore de la pi&egrave;ce, c&rsquo;est en fait celle qu&rsquo;il a du th&eacute;&acirc;tre plus g&eacute;n&eacute;ralement au moment o&ugrave; il &eacute;crit&nbsp;<em>Il faut passer par les nuages</em>, comme il l&rsquo;explicite dans une lettre &agrave; son metteur en sc&egrave;ne Jean-Louis Barrault&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Or, &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rience, le th&eacute;&acirc;tre devient pour moi le lieu musical o&ugrave; rappeler physiquement et m&eacute;taphysiquement &agrave; la fois ce qu&rsquo;il y a d&rsquo;immuable et ce qu&rsquo;il y a de changeant dans l&rsquo;homme et pour l&rsquo;homme et o&ugrave; le rappeler r&eacute;ellement au pr&eacute;sent, non tant par les significations de la parole ou de l&rsquo;argument qui sont des ingr&eacute;dients ‒&nbsp;que par l&rsquo;orchestration et la chor&eacute;graphie, cette part vivante qu&rsquo;aucune notation ne saurait transcrire sur la plus pr&eacute;cise partition&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>.</p> </blockquote> <p>&laquo;&nbsp;Chor&eacute;graphie&nbsp;&raquo; est un mot utilis&eacute; aussi dans la premi&egrave;re didascalie du Premier Mouvement et que reprend le philosophe et remarquable critique dramatique Henri Gouhier dans un article sur la pi&egrave;ce en 1964&nbsp;: &laquo;&nbsp;En fait,&nbsp;<em>Il faut passer par les nuages</em>&nbsp;est une &oelig;uvre o&ugrave; l&rsquo;imagination chor&eacute;graphique n&rsquo;est pas seulement invit&eacute;e &agrave; inventer un accompagnement visuel mais participe &agrave; la cr&eacute;ation du drame&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>Tentons donc ici de lire &laquo;&nbsp;chor&eacute;graphiquement&nbsp;&raquo; la pi&egrave;ce et sa construction dramatique.</p> <h2><strong>1. De la musique &agrave; la sc&egrave;ne</strong><br /> &nbsp;</h2> <p>Si la chor&eacute;graphie d&eacute;signe l&rsquo;art de composer et r&eacute;gler danses ou ballets&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>, on comprend que Billetdoux utilise le mot pour parler des mouvements des personnages dans une pi&egrave;ce qui non seulement &laquo;&nbsp;a vraiment besoin de la repr&eacute;sentation pour exister&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>&nbsp;&raquo;, mais o&ugrave; les indications musicales syst&eacute;matiquement associ&eacute;es aux &laquo;&nbsp;mouvements&nbsp;&raquo; donnent un rythme &agrave; chaque fois diff&eacute;rent aux mouvements des personnages sur la sc&egrave;ne.</p> <h3><strong>1.1. Premier mouvement</strong></h3> <p>Pour commencer, l&rsquo;<em>allegro ma non troppo&nbsp;</em>du premier mouvement donne lieu, lit-on, &agrave; &laquo;&nbsp;<em>un continuel ballet fourmillant, de personnages, d&rsquo;accessoires et d&rsquo;effets lumineux</em>&nbsp;[&hellip;]&nbsp;&raquo;. La didascalie pr&eacute;cise&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Le principal de ce ballet int&eacute;resse le rituel en pratique dans la maison de Claire Verduret-Balade, o&ugrave; se centralise l&rsquo;action. Le reste est d&rsquo;utilit&eacute;, pour permettre &agrave; la fois de situer les autres lieux et d&rsquo;a&eacute;rer la sc&egrave;ne aux proportions d&rsquo;une petite ville active</em>.&nbsp;&raquo;</p> <p>Le d&eacute;cor de ce premier tableau doit nous permettre de parcourir la petite ville, selon les notes de Billetdoux &agrave; Ren&eacute; Allio. Le souci de r&eacute;alisme semble encore dominant, dans son d&eacute;sir de &laquo;&nbsp;fixer les images&nbsp;&raquo;&nbsp;:</p> <blockquote> <p>L&rsquo;un de mes propos primaires dans cette pi&egrave;ce consiste&nbsp;<u>d&rsquo;abord</u>&nbsp;&agrave;&nbsp;<u>pr&eacute;senter au public une vision naturaliste des choses</u>&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>&nbsp;correspondant &agrave; ses habitudes actuelles&hellip;</p> <p>Id&eacute;alement disons que le public devrait avoir la sensation qu&rsquo;on lui pr&eacute;sente l&rsquo;inventaire des signes habituels de la bourgeoisie [&hellip;]&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p>Et Billetdoux ajoute, anticipant sur la progression de l&rsquo;&oelig;uvre, que le public doit aussi avoir la sensation &laquo;&nbsp;que nous l&rsquo;invitons &agrave; abandonner ce quotidien-l&agrave;, ces meubles et ces immeubles, dont son esprit est encore occup&eacute;, en entrant dans la salle de th&eacute;&acirc;tre.&nbsp;[&hellip;] ce serait le premier &eacute;tat de notre &eacute;puration&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>.</p> <p>Le &laquo;&nbsp;rythme rapide&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>&nbsp;&raquo; fix&eacute; pour ce premier mouvement &agrave; &laquo;&nbsp;la vivacit&eacute; aigu&euml;&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>&nbsp;&raquo; doit donc donner lieu sur sc&egrave;ne &agrave; de nombreux d&eacute;placements relatifs au train de vie d&rsquo;une maison bourgeoise, &agrave; son personnel, mais aussi au contexte provincial et anim&eacute; d&rsquo;un cadre plus large. Une certaine vivacit&eacute; sans exc&egrave;s doit caract&eacute;riser le premier temps/tempo de la pi&egrave;ce.</p> <h3><strong>1.2. Deuxi&egrave;me mouvement</strong></h3> <p>Au d&eacute;but du deuxi&egrave;me mouvement, le tempo se ralentit, mais sans exc&egrave;s l&agrave; encore, sans aller jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;<em>andante</em>. Billetdoux pr&eacute;cise&nbsp;:</p> <blockquote> <p>[&hellip;] en v&eacute;rit&eacute;, ce Mouvement devrait avoir la mod&eacute;ration d&rsquo;un&nbsp;<em>andante</em>, il n&rsquo;implique aucun exc&egrave;s de la part des personnages, il doit &ecirc;tre jou&eacute; &laquo;&nbsp;&agrave; l&rsquo;aise&nbsp;&raquo;, il expose et d&eacute;veloppe le th&egrave;me de Claire jusque dans ses harmoniques.&nbsp;Mais la composition veut qu&rsquo;il soit&nbsp;<u>un peu &laquo;&nbsp;press&eacute;</u>&nbsp;&raquo;. D&rsquo;o&ugrave; la d&eacute;composition en deux Moments&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>.</p> </blockquote> <p>L&rsquo;<em>andantino</em>&nbsp;du Moment I trouve une traduction spatiale dans le ralenti de l&rsquo;action qui s&rsquo;ouvre sur &laquo;&nbsp;la &ldquo;tourn&eacute;e&rdquo; de Claire en duo avec Clos-Martin&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>&nbsp;&raquo;. La didascalie liminaire indique&nbsp;: les personnages, tous en sc&egrave;ne, sont &laquo;&nbsp;dispos&eacute;s comme dans une fresque, mais en grisaille. Ils ne s&rsquo;animeront significativement qu&rsquo;&agrave; l&rsquo;instant de parler. Sinon, ils prendront une position d&rsquo;attente simple, sans expressionnisme ni autre formulation esth&eacute;tique.&nbsp;&raquo; Une immobilit&eacute; sobre est privil&eacute;gi&eacute;e avant et apr&egrave;s les prises de parole qui animent un temps les personnages. L&rsquo;agitation sc&eacute;nique a disparu, le ballet a c&eacute;d&eacute; la place au tableau.</p> <p>Peu de changements en apparence au d&eacute;but du Moment II, d&eacute;fini (paradoxalement) comme un&nbsp;<em>scherzo grave</em>&nbsp;: on y retrouve l&rsquo;attente et l&rsquo;immobilit&eacute; du moment pr&eacute;c&eacute;dent. on pourrait se croire dans un autre&nbsp;<em>andantino</em>&nbsp;: &laquo;&nbsp;D&rsquo;abord ils attendent, [&hellip;] dispos&eacute;s comme des pions sur un &eacute;chiquier&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>.&nbsp;&raquo; Deux indices cependant sugg&egrave;rent une progression&nbsp;: les personnages &agrave; pr&eacute;sent &laquo;&nbsp;s&rsquo;observent&nbsp;&raquo;, et sont compar&eacute;s aux pions d&rsquo;un &eacute;chiquier, ce qui implique un mouvement que &laquo;&nbsp;fresque&nbsp;&raquo;, &agrave; propos du moment dramatique pr&eacute;c&eacute;dent, n&rsquo;induisait pas. La didascalie fait attendre ce mouvement&nbsp;: &laquo;&nbsp;[&hellip;] quelles vont &ecirc;tre les r&eacute;actions des principaux protagonistes&nbsp;? [&hellip;] Lequel va bouger et comment&nbsp;?&nbsp;&raquo; Les didascalies qui introduisent chaque sc&egrave;ne de ce deuxi&egrave;me &laquo;&nbsp;moment&nbsp;&raquo; d&eacute;crivent ensuite le d&eacute;placement des pions&nbsp;:</p> <ol start="2"> <li><em>Jeannot rejoint Josiane.</em></li> <li><em>Lucas rejoint Manceau. Verduret rejoint Pierre. Lucas rejoint Pierre. Clotilde apporte &agrave; Verduret sa valise. Il s&rsquo;en va.</em></li> <li><em>Madame Aubin-Lacoste a rejoint Jeannot. Jeannot rejoint Couillard. Jeannot rejoint Adeline. (Benjamin) s&rsquo;en va vivement. Clotilde apporte &agrave; Jeannot sa valise. Il s&rsquo;en va.</em></li> <li><em>Manceau rejoint Couillard. Ma&icirc;tre Couillard rejoint Pierre. &laquo;&nbsp;</em>[&hellip;]<em>&nbsp;un piquet de gr&egrave;ve, se formant&nbsp;&raquo;. Ma&icirc;tre Couillard rejoint Clotilde.</em></li> <li><em>Le personnel de la fabrique, Max et M&eacute;m&eacute; (etc.) lentement se r&eacute;pandent en sc&egrave;ne&nbsp;</em>[&hellip;]<em>&nbsp;Pierre rejoint Clotilde. Des CRS apparaissent. Pierre rejoint Manceau. La foule se disperse.</em></li> <li><em>Claire appara&icirc;t&nbsp;</em>[&hellip;]<em>&nbsp;Lucas dispara&icirc;t en douce.</em></li> </ol> <p>Le mouvement le plus fr&eacute;quent est le rapprochement de deux personnages, avec onze occurrences du verbe &laquo;&nbsp;rejoindre&nbsp;&raquo;. Mais on trouve aussi deux apparitions et une disparition, trois d&eacute;parts, un rassemblement, une invasion et une dispersion. Il y a donc une grande vari&eacute;t&eacute; de mouvements, une animation du plateau justifiant la caract&eacute;risation de&nbsp;<em>scherzo</em>. Billetdoux dit avoir pens&eacute; ce &laquo;&nbsp;moment&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;qui indique les effets, les &eacute;chos de la tourn&eacute;e&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>&nbsp;&raquo; de Claire) comme &laquo;&nbsp;enlev&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>,&nbsp;&raquo; &laquo;&nbsp;vif et gai&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>&nbsp;&raquo;. Les d&eacute;parts et les coups de feu qui &eacute;clatent expliquent sans doute pour leur part le qualificatif de &laquo;&nbsp;grave&nbsp;&raquo;. Autre explication possible&nbsp;: l&rsquo;auteur parle aussi &laquo;&nbsp;des r&eacute;sonances douloureuses&nbsp;&raquo; de ce morceau, m&ecirc;me si &laquo;&nbsp;les p&eacute;rip&eacute;ties en sont positives&nbsp;: ce sont les fruits de l&rsquo;action conduite pr&eacute;c&eacute;demment par Claire et venus &agrave; maturation, proprement dit des r&eacute;actions&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>&nbsp;&raquo;. Quoi qu&rsquo;il en soit, l&rsquo;appellation paradoxale, contradictoire, de &laquo;&nbsp;<em>scherzo grave</em>&nbsp;&raquo; est bien dans le ton de l&rsquo;auteur.</p> <p>Dans ses notes &agrave; Ren&eacute; Allio, Billetdoux indique que l&rsquo;on s&rsquo;&eacute;loigne dans ce deuxi&egrave;me mouvement du r&eacute;alisme au profit de &laquo;&nbsp;simplifications&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;[&hellip;] l&rsquo;action se concentrant en un nombre restreint de lieux sc&eacute;niques, ceux-ci b&eacute;n&eacute;ficient d&rsquo;un certain &ldquo;grossissement&rdquo; [&hellip;]&nbsp;&raquo;</p> <p>Ce mouvement est une &eacute;tape d&rsquo;un projet th&eacute;&acirc;tral visant &agrave; sortir &agrave; mesure le spectateur de sa routine, du r&eacute;alisme de l&rsquo;Ouverture, pour &laquo;&nbsp;[&hellip;] l&rsquo;entra&icirc;ner, par d&eacute;composition progressive et variations dans les approches, au c&oelig;ur des choses, jusqu&rsquo;au bord d&rsquo;un premier &eacute;tat de conscience claire&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>.&nbsp;&raquo; Billetdoux con&ccedil;oit la progression dramatique comme une &laquo;&nbsp;qu&ecirc;te en profondeur&nbsp;&raquo;, un &laquo;&nbsp;passage du figuratif &agrave; l&rsquo;abstrait&nbsp;&raquo;, qu&rsquo;il choisit de nommer &laquo;&nbsp;d&eacute;figuration&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>&nbsp;&raquo; et qui, entreprise avec le deuxi&egrave;me mouvement, se poursuit et s&rsquo;ach&egrave;ve avec le troisi&egrave;me. Cette &laquo;&nbsp;d&eacute;figuration&nbsp;&raquo; se traduit par des &laquo;&nbsp;changements d&rsquo;axe&nbsp;&raquo; dont la promenade de Claire est un exemple&nbsp;: &laquo;&nbsp;[&hellip;] le Moment I du deuxi&egrave;me Mouvement [&hellip;] n&rsquo;est pas pris sous le m&ecirc;me angle, ni du m&ecirc;me point de vue que le premier Mouvement, bien que les m&ecirc;mes lieux soient utilis&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>.&nbsp;&raquo; Il &laquo;&nbsp;s&rsquo;ensuit la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;une vaste gamme de perspectives&nbsp;&raquo;, on pourrait dire aussi de multiples variations&hellip;</p> <h3><strong>1.3. Troisi&egrave;me mouvement</strong></h3> <p>Dans l&rsquo;<em>allegro path&eacute;tique&nbsp;</em>(autre quasi oxymore) du troisi&egrave;me mouvement, les personnages sont de nouveau nombreux en sc&egrave;ne mais plus au complet et n&rsquo;ont plus la place pr&eacute;cise qu&rsquo;ils occupaient sur l&rsquo;&eacute;chiquier du&nbsp;<em>scherzo grave</em>&nbsp;: &laquo;&nbsp;ils ne sont plus situ&eacute;s en des lieux concr&egrave;tement d&eacute;finis&nbsp;&raquo;. L&rsquo;&eacute;chiquier c&egrave;de par ailleurs sa place &laquo;&nbsp;&agrave; une carte en relief de la ville et des environs&nbsp;&raquo;, puis &agrave; &laquo;&nbsp;une salle de ventes&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>&nbsp;&raquo;. Billetdoux entend ici explorer &laquo;&nbsp;ce qu&rsquo;il y a de fatal dans la joie&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>&nbsp;&raquo;. Les personnages semblent ne plus se rejoindre pour se parler comme ils le faisaient dans le moment pr&eacute;c&eacute;dent, la communication devient plus difficile&nbsp;: &laquo;&nbsp;[&hellip;] c&rsquo;est &agrave; distance qu&rsquo;ils s&rsquo;adresseront la parole [&hellip;]&nbsp;&raquo;</p> <p>Du c&ocirc;t&eacute; des personnages, on retrouve la situation d&rsquo;attente pr&eacute;sente dans les deux moments dramatiques du deuxi&egrave;me mouvement, mais alors qu&rsquo;elle leur permettait surtout de s&rsquo;observer les uns les autres, elle devient maintenant l&rsquo;occasion de s&rsquo;&eacute;couter les uns les autres, comme si la vue ne pouvait plus suffire, comme si l&rsquo;oreille devait davantage entrer en jeu, ce que confirme la comparaison des personnages avec des musiciens&nbsp;: &laquo;&nbsp;[&hellip;] lorsqu&rsquo;ils sont hors de l&rsquo;action, ils demeurent dans une certaine tension, &eacute;coutant, comme les musiciens d&rsquo;un orchestre en attente d&rsquo;intervenir&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>Le r&eacute;alisme du d&eacute;cor semble encore plus mis &agrave; mal que dans le mouvement pr&eacute;c&eacute;dent, pour lui permettre de s&rsquo;agrandir&nbsp;: &laquo;&nbsp;Quant au d&eacute;cor, nous avons l&rsquo;impression qu&rsquo;il s&rsquo;est &eacute;tendu et il ressemble &agrave; une carte en relief o&ugrave; apparaissent en maquettes fort r&eacute;duites les &ldquo;Propri&eacute;t&eacute;s&rdquo; de Claire [&hellip;].&nbsp;&raquo;</p> <p>On se souvient qu&rsquo;il restait assez r&eacute;aliste au premier mouvement, situant l&rsquo;action dans la maison bourgeoise d&rsquo;une petite ville tr&egrave;s active. Au deuxi&egrave;me mouvement, les lieux demeuraient les m&ecirc;mes, mais &laquo;&nbsp;leur apparence r&eacute;aliste (&eacute;tait) simplifi&eacute;e&nbsp;&raquo;, tout comme le &laquo;&nbsp;temps r&eacute;el&nbsp;&raquo; de plusieurs semaines subissait des &laquo;&nbsp;contractions, acc&eacute;l&eacute;rations et effets chronologiques&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>&nbsp;&raquo; Il semble qu&rsquo;au troisi&egrave;me mouvement le d&eacute;cor tende vers une stylisation, qu&rsquo;il cherche &agrave; appara&icirc;tre comme artificiel, qu&rsquo;il s&rsquo;affiche comme tel.</p> <p>Ce processus de &laquo;&nbsp;d&eacute;figuration&nbsp;&raquo; constitue les trois premiers mouvements en premi&egrave;re partie de la pi&egrave;ce. Dans les deux suivants, constitu&eacute;s en seconde partie par un entracte d&ucirc;ment indiqu&eacute;, Billetdoux propose &laquo;&nbsp;des images &eacute;pur&eacute;es proprement de soucis r&eacute;alistes&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>&nbsp;&raquo; et demande &agrave; Allio d&rsquo;en tenir compte dans son d&eacute;cor. Au d&eacute;corateur tent&eacute; de penser &agrave; &laquo;&nbsp;la facilit&eacute; pour changer rapidement de lieux&nbsp;&raquo;, &agrave; la fa&ccedil;on de transcrire sc&eacute;niquement &laquo;&nbsp;l&rsquo;ubiquit&eacute;&nbsp;&raquo;, il demande de s&rsquo;int&eacute;resser aux &laquo;&nbsp;rapports&nbsp;&raquo; entre les personnages&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Ce qui m&rsquo;int&eacute;resse l&agrave; [&hellip;] ce sont&nbsp;<em>les rapports</em>, ce qu&rsquo;il y a d&rsquo;inconnu et d&rsquo;inanalysable (de nos jours) entre deux ou plusieurs &ecirc;tres dans un m&ecirc;me temps, et tandis qu&rsquo;ils ne sont pas en pr&eacute;sence les uns des autres et qu&rsquo;ils ne sont ni dans les m&ecirc;mes humeurs ni dans la m&ecirc;me pr&eacute;occupation&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>.</p> </blockquote> <p>Et c&rsquo;est au vocabulaire musical qu&rsquo;il recourt de nouveau pour exprimer le sens de la simultan&eacute;it&eacute; spatiale voulue dans les deux derniers mouvements&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il s&rsquo;agit pr&eacute;cis&eacute;ment d&rsquo;un &ldquo;concert&rdquo;, ou si l&rsquo;on pr&eacute;f&egrave;re&nbsp;: de la mise en train pour une &laquo;&ldquo;jam-session&rdquo; impr&eacute;vue&nbsp;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <h3><strong>1.4. Quatri&egrave;me mouvement</strong></h3> <p>Dans le quatri&egrave;me mouvement, &laquo;&nbsp;<em>molto vivace</em>&nbsp;&raquo;, la sc&egrave;ne semble gagner encore en artifice en se d&eacute;naturant, en s&rsquo;ouvrant &agrave; une autre &laquo;&nbsp;sc&egrave;ne&nbsp;&raquo;, &agrave; un autre espace&nbsp;: celui d&rsquo;une piste de cirque. &laquo;&nbsp;Un vaste c&ocirc;ne lumineux vibrant de lumi&egrave;re jaune&nbsp;&raquo; est cens&eacute; la faire appara&icirc;tre&nbsp;: &laquo;&nbsp;[Il] d&eacute;crit sur le plateau cet apparent ovale d&rsquo;un cirque, r&eacute;duisant la sc&egrave;ne &agrave; ce lieu d&rsquo;exhibition et de combat&nbsp;<a href="#_ftn32" name="_ftnref32">[32]</a>.&nbsp;&raquo; L&rsquo;action se veut plus clairement conflictuelle, et l&rsquo;on pense plus encore &agrave; un ring ou &agrave; l&rsquo;ar&egrave;ne des gladiateurs qu&rsquo;&agrave; une piste de cirque&hellip; &Agrave; moins que le cirque soit plus proche du cercle qui permet, en y p&eacute;n&eacute;trant, de faire &laquo;&nbsp;l&rsquo;&eacute;preuve du vide&nbsp;&raquo;, comme le sugg&egrave;re Jean-Marie-Lh&ocirc;te&nbsp;<a href="#_ftn33" name="_ftnref33">[33]</a>.</p> <p>L&rsquo;emplacement des personnages reste sensiblement le m&ecirc;me qu&rsquo;au troisi&egrave;me mouvement, mais ils semblent moins visibles hors de l&rsquo;ovale lumineux&nbsp;; ils deviennent &laquo;&nbsp;ombres dans l&rsquo;ombre&nbsp;&raquo;. Ils ne semblent plus seulement s&rsquo;observer ou s&rsquo;&eacute;couter&nbsp;: ils sont absorb&eacute;s &laquo;&nbsp;par l&rsquo;action qui sera la leur&nbsp;&raquo; soit pour se pr&eacute;parer &agrave; l&rsquo;accomplir, soir parce qu&rsquo;ils &laquo;&nbsp;h&eacute;sitent au bord de l&rsquo;ar&egrave;ne&nbsp;&raquo;.</p> <p>Agir est signifi&eacute; par l&rsquo;entr&eacute;e dans le cirque, mais Billetdoux laisse au metteur en sc&egrave;ne le choix de la tradition &agrave; adopter, des indications &agrave; donner &agrave; l&rsquo;acteur&nbsp;: &laquo;&nbsp;tragique, tauromachique, clownesque, etc.&nbsp;&raquo; Et la sc&egrave;ne, paradoxalement, dans cet espace de convention, semble refonder le r&eacute;alisme pour que l&rsquo;acteur se soucie exclusivement &laquo;&nbsp;d&rsquo;exacerber sa sinc&eacute;rit&eacute;, en prenant appui sur le drame r&eacute;aliste de son r&ocirc;le&nbsp;<a href="#_ftn34" name="_ftnref34">[34]</a>.&nbsp;&raquo; C&rsquo;est un peu comme une mise &agrave; nu qui doit se faire, dans cet espace con&ccedil;u pour prendre des risques. L&rsquo;action semble ici atteindre son paroxysme, ce que confirme Billetdoux lui-m&ecirc;me&nbsp;: &laquo;&nbsp;[&hellip;] c&rsquo;est la sc&egrave;ne centrale de la pi&egrave;ce, la plus haute et la plus pure, hors du temps, paroxystique, dans l&rsquo;ar&egrave;ne. C&rsquo;est l&agrave; o&ugrave; le d&eacute;cor peut &ecirc;tre le plus nu et le plus abstrait&nbsp;<a href="#_ftn35" name="_ftnref35">[35]</a>. &raquo;</p> <h3><strong>1.5. Cinqui&egrave;me mouvement</strong></h3> <p>&laquo;&nbsp;&Eacute;veil sous un nouveau jour&nbsp;<a href="#_ftn36" name="_ftnref36">[36]</a>&nbsp;&raquo;, l&rsquo;<em>aubade</em>&nbsp;du cinqui&egrave;me mouvement confirme pleinement ce retour &agrave; un certain r&eacute;alisme en m&ecirc;me temps que l&rsquo;espace se resserre sur un cimeti&egrave;re, &laquo;&nbsp;une fosse fra&icirc;che ([qui y] est creus&eacute;e.&nbsp;&raquo; Billetdoux l&rsquo;a envisag&eacute;e comme un temps de fusion entre les r&egrave;gnes animal, v&eacute;g&eacute;tal et min&eacute;ral, un moment de r&eacute;conciliation&nbsp;<a href="#_ftn37" name="_ftnref37">[37]</a>&nbsp;quasi cosmique. La lumi&egrave;re jaune du mouvement pr&eacute;c&eacute;dent laisse la place &agrave; &laquo;&nbsp;un petit jour gris&nbsp;&raquo;. La sc&egrave;ne est d&eacute;peupl&eacute;e, pour ne donner la parole qu&rsquo;&agrave; Pitou, Claire et Paupiette. Une impression d&rsquo;apaisement se d&eacute;gage de cette aubade tr&egrave;s courte et qui fait &eacute;cho au &laquo;&nbsp;petit jour qui se (levait)&nbsp;<a href="#_ftn38" name="_ftnref38">[38]</a>&nbsp;&raquo; du d&eacute;but de la pi&egrave;ce, comme si l&rsquo;intrigue trouvait l&agrave; une mani&egrave;re assez naturelle de se boucler.</p> <p>Quelle place pouvait bien trouver la musique de sc&egrave;ne de Serge Baudo dans une composition dramatique aussi fortement musicalis&eacute;e&nbsp;? Elle semble avoir jou&eacute; un r&ocirc;le secondaire, Billetdoux en parle comme &laquo;&nbsp;le compl&eacute;ment d&eacute;coratif que constitue la bande sonore&nbsp;<a href="#_ftn39" name="_ftnref39">[39]</a>&nbsp;&raquo;. Elle ne semble gu&egrave;re plus importante que &laquo;&nbsp;l&rsquo;utilisation des comparses dans le maniement chor&eacute;graphique du mobilier et des accessoires&nbsp;<a href="#_ftn40" name="_ftnref40">[40]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <h2><strong>2. La parole ou la difficult&eacute; de sortir du &laquo;&nbsp;solo&nbsp;&raquo;</strong><br /> &nbsp;</h2> <h3><strong>2.1. Une &laquo;&nbsp;fugue d&rsquo;apparents monologues&nbsp;&raquo;</strong></h3> <p>On a pu d&eacute;j&agrave; remarquer en analysant les didascalies ouvrant les divers mouvements que l&rsquo;adresse &agrave; l&rsquo;autre &eacute;tait incertaine en raison de l&rsquo;&eacute;loignement des personnages entre eux. On trouve ainsi au d&eacute;but du troisi&egrave;me mouvement&nbsp;: &laquo;&nbsp;c&rsquo;est &agrave; distance qu&rsquo;ils s&rsquo;adresseront la parole&nbsp;&raquo;. Gouhier le note d&eacute;j&agrave; en 1964&nbsp;: &laquo;&nbsp;[&hellip;] dans&nbsp;<em>Il faut passer par les nuages</em>, le monologue est, en quelque sorte, la cellule dramatique&nbsp;<a href="#_ftn41" name="_ftnref41">[41]</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;[&hellip;] le plus souvent, les personnages s&rsquo;adressent &agrave; un autre, mais tellement &ldquo;autre&rdquo; que sa r&eacute;ponse importe peu. Ce sont seulement des gens qui disent tout haut ce qu&rsquo;ils pensent&nbsp;<a href="#_ftn42" name="_ftnref42">[42]</a>.&nbsp;&raquo; Et de rapprocher la pi&egrave;ce de Billetdoux d&rsquo;un roman par lettres&hellip;</p> <p>Dans la lettre d&eacute;j&agrave; cit&eacute;e &agrave; Jean-Louis Barrault, l&rsquo;auteur pr&eacute;cise sa conception du dialogue&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Je voudrais arriver &agrave; ne faire prononcer aux personnages que ce qu&rsquo;ils diraient d&rsquo;essentiel dans une sc&egrave;ne au point le plus nou&eacute; de la crise, soit sous forme de tirade, de monologue, de confession, de d&eacute;claration, de lecture, etc. Et que le dialogue se reconstitue d&rsquo;une part dans le rapport entre telle tirade et tel monologue, d&rsquo;autre part dans le traitement visuel de ce rapport&nbsp;<a href="#_ftn43" name="_ftnref43">[43]</a>.</p> </blockquote> <p>Et c&rsquo;est une &laquo;&nbsp;suite&nbsp;&raquo;, une &laquo;&nbsp;fugue d&rsquo;apparents monologues&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;une entreprise concertante&nbsp;&raquo; qu&rsquo;il invite Barrault &agrave; imaginer.</p> <p>&laquo;&nbsp;Fugue&nbsp;&raquo; est ici un mot important&nbsp;: comme on le voit tr&egrave;s vite en effet, le monologue n&rsquo;est pas seulement la cellule dramatique &eacute;voqu&eacute;e par Gouhier, il compte autant, sinon davantage, pour sa valeur sonore, musicale. Les mots seraient d&rsquo;abord des notes, et leur sens serait mis en retrait pour mieux participer &agrave; un ensemble, &agrave; une &laquo;&nbsp;composition&nbsp;&raquo;. En grand amateur et connaisseur de jazz qu&rsquo;il est, Billetdoux semble r&ecirc;ver d&rsquo;une langue qui ne soit que musique&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les musiciens sont bien veinards de n&rsquo;avoir pas &agrave; formuler en usant de la petite monnaie du parler&nbsp;<a href="#_ftn44" name="_ftnref44">[44]</a>.&nbsp;&raquo; Cette langue aurait une justesse sonore qui lui rendrait la justesse s&eacute;mantique qu&rsquo;elle a perdue selon Billetdoux&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&rsquo;&eacute;tait savoir vivre autrefois que de bien nommer les choses, de les baptiser chaque fois en leur donnant leur vrai nom&nbsp;<a href="#_ftn45" name="_ftnref45">[45]</a>.&nbsp;&raquo; Elle se rapprocherait sans doute de &laquo;&nbsp;la plus ancienne des langues, celle o&ugrave; avant l&rsquo;apparition du progr&egrave;s mat&eacute;riel les sentiments trouvaient dans la voix, le geste, un prolongement spontan&eacute;. [&hellip;] C&rsquo;est ainsi que na&icirc;tra le&nbsp;<em>mouvement</em>&nbsp;d&rsquo;un chant de piroguiers&nbsp;; que la pens&eacute;e parl&eacute;e deviendra&nbsp;<em>m&eacute;lodie&nbsp;</em><a href="#_ftn46" name="_ftnref46">[46]</a><em>&nbsp;</em>&raquo; Une langue qui gardait la m&eacute;moire du corps, qui le prolongeait&hellip;</p> <p>Penser l&rsquo;&eacute;criture dramatique comme une chor&eacute;graphie, c&rsquo;est peut-&ecirc;tre compenser cette perte du sens v&eacute;ritable des mots, du d&eacute;calage entre eux et leurs r&eacute;f&eacute;rents, leur redonner une signification par le mouvement d&rsquo;ensemble, les rendre de nouveau compr&eacute;hensibles.</p> <p>&Eacute;voquant Shakespeare avec Barrault, Billetdoux le dit &laquo;&nbsp;devenu &ldquo;imparlable&rdquo; pour les spectateurs des ann&eacute;es 60. S&rsquo;il continue &agrave; int&eacute;resser le public, c&rsquo;est selon lui &laquo;&nbsp;parce que ses actions dramatiques demeurent lisibles chor&eacute;graphiquement&nbsp;<a href="#_ftn47" name="_ftnref47">[47]</a>.&nbsp;&raquo; Ce souci du sonore se retrouve dans son d&eacute;sir d&rsquo;&laquo;&nbsp;am&eacute;liorer [s]a m&eacute;trique, en douce&nbsp;&raquo;, &agrave; l&rsquo;occasion de l&rsquo;&eacute;criture d&rsquo;<em>Il faut passer par les nuages</em>&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il me semble que l&rsquo;octosyllabe peut donner une base convenable &agrave; un phras&eacute; en correspondance avec le langage parl&eacute; d&rsquo;aujourd&rsquo;hui&nbsp;<a href="#_ftn48" name="_ftnref48">[48]</a>.&nbsp;&raquo; Le personnage doit pouvoir ainsi faire entendre sa musique. Il est consid&eacute;r&eacute; comme un instrument dont l&rsquo;intervention doit &ecirc;tre cadr&eacute;e, comme l&rsquo;est une image au cin&eacute;ma&nbsp;: &laquo;&nbsp;[&hellip;] chaque personnage est &agrave; un certain degr&eacute; de tension int&eacute;rieure. Orchestralement, pour un enregistrement sonore, nous chercherions &agrave; &ldquo;sortir&ldquo; tel instrument parce que sa m&eacute;lodie est la plus riche&nbsp;; au cin&eacute;ma ce serait un gros plan&nbsp;<a href="#_ftn49" name="_ftnref49">[49]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>Madeleine Renaud rappelait d&eacute;j&agrave; &agrave; Billetdoux &laquo;&nbsp;la fl&ucirc;te chez Mozart&nbsp;&raquo;, mais c&rsquo;est &agrave; tous les acteurs qu&rsquo;il revient de jouer leur partition&nbsp;: &laquo;&nbsp;[&hellip;] l&rsquo;acteur serait l&rsquo;instrumentiste capable de traduire et de reproduire les &eacute;motions re&ccedil;ues et transcrites par l&rsquo;auteur afin de les provoquer &agrave; neuf chez le spectateur au niveau du ventre, de la poitrine ou de l&rsquo;esprit.&nbsp;&raquo;</p> <p>Le d&eacute;cor id&eacute;al devrait &ecirc;tre ainsi enti&egrave;rement au service de ces acteurs-musiciens&nbsp;: &laquo;&nbsp;Pratiquement, de ce fait, le mat&eacute;riel d&eacute;coratif ne devrait-il &ecirc;tre qu&rsquo;un outillage propre &agrave; aider le com&eacute;dien dans son expression, soit l&rsquo;<em>&eacute;quivalent d&rsquo;un mat&eacute;riel d&rsquo;orchestre.&nbsp;</em>&raquo;</p> <p>L&rsquo;ouverture de la pi&egrave;ce semble faite en effet pour que chaque personnage (im)pose sa voix dans une longue prise de parole &agrave; laquelle personne ne r&eacute;plique&nbsp;:</p> <ul> <li>Marielle (s&eacute;quence 1)</li> <li>Monsieur Verduret (s&eacute;quence 2)</li> <li>Paupiette (s&eacute;quence 3)</li> <li>Clotilde (s&eacute;quence 4)</li> <li>Jeannot Pouldu (s&eacute;quence 5)</li> <li>M&eacute;m&eacute; Luciole (s&eacute;quence 6)</li> <li>Clos-Martin (s&eacute;quence 6)</li> </ul> <p>Ce n&rsquo;est qu&rsquo;avec la seconde prise de parole de M&eacute;m&eacute; Luciole, &agrave; la s&eacute;quence 6, qu&rsquo;un &eacute;change avec Maximilien s&rsquo;engage, et d&rsquo;ailleurs tr&egrave;s bri&egrave;vement. Il est vrai que l&rsquo;on quitte alors les lieux ferm&eacute;s des cinq premi&egrave;res s&eacute;quences (mansarde de Marielle dans la maison Verduret-Balade, chambre de Verduret dans la m&ecirc;me maison, salle de bain de l&rsquo;h&ocirc;tel particulier Balade, int&eacute;rieur de la maison Verduret-Balade, confessionnal) pour un lieu plus ouvert, la promenade, &laquo;&nbsp;sous les tilleuls peut-&ecirc;tre&nbsp;&raquo;, selon les indications de Billetdoux &agrave; Allio&nbsp;<a href="#_ftn50" name="_ftnref50">[50]</a>.</p> <p>Ces sortes de monologues introductifs avaient d&eacute;concert&eacute; certains critiques, comme Jean-Jacques Gautier, lors de la cr&eacute;ation en 1964, qui loin d&rsquo;y percevoir un &laquo;&nbsp;<em>allegro ma non troppo</em>&nbsp;&raquo;, &eacute;voquait &laquo;&nbsp;un assez long temps de d&eacute;marrage&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;une mise en place volontairement lente&nbsp;&raquo;, exigeant du spectateur &laquo;&nbsp;une accoutumance&nbsp;&raquo; pour &laquo;&nbsp;admettre et supporter ces soliloques fragment&eacute;s dont on ne sait o&ugrave; ils vont&nbsp;&raquo;. Son ennui se percevait quand il parlait des &laquo;&nbsp;dix ou douze &ldquo;flashes&rdquo;&nbsp;&raquo; &agrave; subir&nbsp;<a href="#_ftn51" name="_ftnref51">[51]</a>&hellip;</p> <h3><strong>2.2. Voix</strong></h3> <p>Comment caract&eacute;riser les voix mises en place&nbsp;?</p> <p>Le parler de Marielle, &laquo;&nbsp;la jeune bonne&nbsp;&raquo;, dans sa lettre &agrave; son amie Paulette, a les couleurs, la familiarit&eacute; de son &acirc;ge et des ann&eacute;es 1960&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je suis vachement contente. Me voil&agrave; tomb&eacute;e devine chez qui&nbsp;? Oui, Mademoiselle&nbsp;: chez la Verduret-Balade [&hellip;] tu vois le genre [&hellip;] j&rsquo;ai pr&eacute;f&eacute;r&eacute; me racoucougner sous mon &eacute;dredon [&hellip;] mais je m&rsquo;en fiche.&nbsp;&raquo; Elle est la voix d&rsquo;une fille assez d&eacute;lur&eacute;e, qui a d&eacute;j&agrave; &laquo;&nbsp;couch&eacute;&nbsp;&raquo;, comme elle le confie.</p> <p>Verduret fait entendre &agrave; Clotilde sa col&egrave;re contre elle dans une accumulation d&rsquo;exclamatives, comme&nbsp;: &laquo;&nbsp;Si vous avez un temp&eacute;rament d&rsquo;intellectuel, n&rsquo;&eacute;pousez jamais une veuve&nbsp;! Elle a toujours de l&rsquo;arri&eacute;r&eacute;&nbsp;!&nbsp;&raquo; Il est la voix de celui qui a aval&eacute; quantit&eacute; de couleuvres et n&rsquo;accepte pas la derni&egrave;re provocation de sa femme, qui enterre, malgr&eacute; son interdiction, un homme qu&rsquo;elle a aim&eacute; dans sa jeunesse. Il sera la voix de l&rsquo;homme faible devant sa femme, devant ses &eacute;l&egrave;ves, de l&rsquo;homme sans caract&egrave;re.</p> <p>Paupiette s&rsquo;adresse &agrave; son mari Peter, en train de se raser, en femme attentive aux obligations, &agrave; l&rsquo;apparence, aux ambitions politiques de son mari. Elle est la voix du conformisme bourgeois.</p> <p>Clotilde<strong>,</strong>&nbsp;la &laquo;&nbsp;vieille gouvernante familiale&nbsp;&raquo;, donne ses instructions &agrave; Marielle et multiplie les tournures &agrave; valeur imp&eacute;rative. Elle est la voix de l&rsquo;autorit&eacute;, de la domination d&rsquo;un &ecirc;tre sur un autre, se mettant sur le m&ecirc;me plan que sa ma&icirc;tresse en disant &agrave; Marielle que la pr&eacute;c&eacute;dente bonne &eacute;tait &laquo;&nbsp;trop d&eacute;sordre pour nous&nbsp;&raquo;. Elle ma&icirc;trise les rituels de cette grande maison bourgeoise.</p> <p>Jeannot Pouldu se confesse &agrave; l&rsquo;abb&eacute; Mamiran et lui avoue son &laquo;&nbsp;incapacit&eacute; d&rsquo;accomplir avec ferveur [s]a m&eacute;ditation matinale&nbsp;&raquo;, sa tentation de &laquo;&nbsp;la chair la plus v&eacute;nale&nbsp;&raquo;, son incapacit&eacute; &agrave; y r&eacute;sister malgr&eacute; ses efforts asc&eacute;tiques, et surtout son attirance pour une coll&egrave;gue de travail. Il est au mieux la voix du d&eacute;chirement entre la chair et l&rsquo;esprit, au pire la voix de l&rsquo;hypocrisie, de la tartufferie.</p> <p>M&eacute;m&eacute; Luciole raconte le pass&eacute; &agrave; Maximilien&nbsp;: celui de Clos-Martin, le d&eacute;funt dont le corbillard passe, celui de Claire quand elle n&rsquo;&eacute;tait qu&rsquo;une &laquo;&nbsp;rien du tout&nbsp;&raquo;. Elle &eacute;voque leurs familles respectives, la liaison entre Clos-Martin et Claire. Elle est la voix de la m&eacute;moire, de la m&eacute;disance, des ragots &eacute;galement&nbsp;; la&nbsp;<em>vox populi</em>&nbsp;en fait, la voix des lieux communs.</p> <p>Clos-Martin semble d&rsquo;abord se parler &agrave; lui seul avant de s&rsquo;adresser &agrave; Claire. Il &eacute;voque son retour au village, sa recherche de Claire, leurs retrouvailles. Il est la voix de &laquo;&nbsp;la nostalgie d&rsquo;un autre monde<strong>&nbsp;</strong>&raquo;, du souvenir heureux o&ugrave; l&rsquo;on r&ecirc;vait &laquo;&nbsp;un baiser au bord de la bouche&nbsp;&raquo;.</p> <p>La reprise de la parole par M&eacute;m&eacute; Luciole semble mettre un terme &agrave; cette juxtaposition de sept longues tirades, mais en r&eacute;alit&eacute; le dialogue a du mal &agrave; se mettre en place et de nouvelles voix se font entendre confortablement, tant l&rsquo;interlocuteur reste silencieux ou lointain.</p> <p>Celle de Lucas, le benjamin de Claire, cherchant &agrave; se lib&eacute;rer des gendarmes qui l&rsquo;ont arr&ecirc;t&eacute;. Il est le mauvais gar&ccedil;on, celui qui manie le couteau, qui s&rsquo;endette au jeu, qui fait la f&ecirc;te et a des d&eacute;m&ecirc;l&eacute;s avec la police. Il est la voix de l&rsquo;enfant prodigue qui implore sa m&egrave;re de l&rsquo;accepter tel qu&rsquo;il est, sans se soucier de &laquo;&nbsp;l&rsquo;opinion d&rsquo;une ville&nbsp;&raquo;. Il est la voix de la marginalit&eacute;, de la violence (il injurie, menace) et de la libert&eacute; (il s&rsquo;enfuit).</p> <p>Claire surgissant pour donner des ordres &agrave; Clotilde (&agrave; propos de Verduret, de Jeannot, du d&eacute;jeuner du lendemain) est la voix de la r&eacute;gisseuse, de celle qui semble commander au monde entier et dominer le personnel bien s&ucirc;r mais aussi tous les membres de sa famille, mari compris. Elle est comme un autre metteur en sc&egrave;ne.</p> <p>Benjamin Carcasson est la voix du d&eacute;lateur plein de remords, transpirant abondamment&hellip; &agrave; Claire, il parle de l&rsquo;&laquo;&nbsp;exc&egrave;s de contention&nbsp;&raquo; de Jeannot, mais aussi de sa fr&eacute;quentation des p&eacute;ripat&eacute;ticiennes et, par la suite, son amour pour Adeline et la fa&ccedil;on dont il la pers&eacute;cute.</p> <p>Adeline confie &agrave; ses coll&egrave;gues le comportement sadique de Jeannot avec elle, la haine qu&rsquo;elle &eacute;prouve, son d&eacute;sir de d&eacute;missionner. Elle est la voix de l&rsquo;amoureuse contrari&eacute;e, pr&ecirc;te &agrave; se venger.</p> <p>En femme qui a v&eacute;cu et qui conna&icirc;t les hommes, Madame Aubin-Lacotte conseille sa fille en larmes. Elle l&rsquo;invite &agrave; la patience avant de choisir un mari. Elle est la voix de la sagesse de convention.</p> <p>Pierre Peter entra&icirc;nant sa m&egrave;re au tennis et s&rsquo;adressant &agrave; elle en charmeur, en homme plus qu&rsquo;en fils, voulant &ecirc;tre trait&eacute; par elle en fr&egrave;re, sollicitant ses confidences sur Clos-Martin, est la voix de la complicit&eacute; tendre et filiale.</p> <p>Manceau informe Claire des d&eacute;g&acirc;ts caus&eacute;s sur le personnel des conserveries par son fils Lucas, qui d&eacute;tourne les apprentis du s&eacute;rieux, du travail, et les politise contre son fr&egrave;re Pierre, en alimentant leurs revendications. Il est la voix du responsable, de l&rsquo;homme attach&eacute; &agrave; l&rsquo;ordre social.</p> <p>Ma&icirc;tre Couillard pr&eacute;sente les comptes &agrave; Claire en se mettant en valeur, en la flattant, en lui apprenant que ses affaires vont trop bien, qu&rsquo;ils sont trop riches. Il y a n&eacute;cessit&eacute; &agrave; reconvertir, &agrave; faire peau neuve. Il est la voix du comptable aveugl&eacute; par ses comptes, le messager du changement sans le savoir.</p> <p>Le docteur Couffin raconte &agrave; Pierre au t&eacute;l&eacute;phone sa visite m&eacute;dicale &agrave; sa m&egrave;re, sa difficult&eacute; &agrave; la soigner, &agrave; lui parler. Il est la voix de la lucidit&eacute;, de la distance critique et pleine d&rsquo;humour, de la complicit&eacute; amicale par ailleurs</p> <p>L&rsquo;abb&eacute; Mamiran en pri&egrave;re confie &agrave; Dieu son d&eacute;sarroi, son &eacute;garement devant la d&eacute;cision de Claire de tout abandonner. Il est la voix de l&rsquo;incompr&eacute;hension path&eacute;tique.</p> <p>&Agrave; la fin du premier mouvement, si l&rsquo;on excepte Pitou qui n&rsquo;appara&icirc;t qu&rsquo;au cinqui&egrave;me mouvement, et le comp&egrave;re de M&eacute;m&eacute; Luciole r&eacute;duit au r&ocirc;le de son faire-valoir, tous les personnages principaux de la pi&egrave;ce ont pu poser leur voix en une longue tirade. Tous sont bien caract&eacute;ris&eacute;s par leurs propos, aucun d&rsquo;eux ne fait double emploi aussi bien sur le plan dramatique que sur le plan sonore. On per&ccedil;oit une grande diversit&eacute; de r&ocirc;les et de voix.</p> <p>Pour autant, le &laquo;&nbsp;ballet fourmillant&nbsp;&raquo; voulu par Billetdoux n&rsquo;est pas si sensible que cela &agrave; la lecture et a bien besoin de la mise en sc&egrave;ne pour s&rsquo;incarner (apparition et d&eacute;placements des personnages, des accessoires, jeux de lumi&egrave;re). La juxtaposition des prises de parole garde un aspect assez statique (&agrave; peine sept pages de dialogue sur les trente-et-une que compte le mouvement). Le rituel de la maison bourgeoise est surtout &eacute;voqu&eacute; par les propos de Clotilde et de Claire, et la pr&eacute;sence de la petite ville provinciale existe essentiellement dans ceux de M&eacute;m&eacute; Luciole. L&rsquo;a&eacute;ration voulue par Billetdoux n&rsquo;est pas tr&egrave;s sensible car l&rsquo;essentiel se passe dans des lieux ferm&eacute;s (maisons, &eacute;glise, banque, usine). La promenade n&rsquo;appara&icirc;t que dans les s&eacute;quences 6 et 19, les autres &laquo;&nbsp;ext&eacute;rieurs&nbsp;&raquo; &eacute;tant le court de tennis pr&egrave;s de la fabrique de conserves &agrave; la s&eacute;quence 14, la nuit o&ugrave; d&eacute;ambulent Jeannot et Benjamin &agrave; la s&eacute;quence 21 et la rue sous les fen&ecirc;tres de l&rsquo;appartement de Pierre &agrave; la s&eacute;quence 23. Soit cinq s&eacute;quences sur les vingt-six du mouvement en comptant la s&eacute;quence 9bis. La petite ville en elle-m&ecirc;me reste le plus souvent &laquo;&nbsp;au loin&nbsp;&raquo;, comme &agrave; la s&eacute;quence 21 o&ugrave; Jeannot et Benjamin se dirigent vers elle. L&agrave; encore, ce sera au d&eacute;corateur de lui donner une existence physique. La dimension r&eacute;aliste ou naturaliste, la pr&eacute;sence des signes de la bourgeoisie, sont quant &agrave; eux bien perceptibles d&egrave;s la lecture.</p> <p>Voyons d&egrave;s lors comment les indications musicales peuvent se justifier par le texte.</p> <h3><strong>2.3. Rythmes</strong></h3> <h4><strong>2.3.1.&nbsp;<em>Allegro ma non troppo</em></strong></h4> <p>Qu&rsquo;en est-il du rythme rapide, de la &laquo;&nbsp;vivacit&eacute; aigu&euml;&nbsp;&raquo; impliqu&eacute;e par la mention &laquo;&nbsp;<em>allegro ma non troppo</em>&nbsp;&raquo;<em>&nbsp;</em>: quelles s&eacute;quences, quels personnages les font le mieux percevoir&nbsp;?</p> <p>L&rsquo;exposition par Marielle est pleine de fra&icirc;cheur, de gaiet&eacute; (s&eacute;quence 1)&nbsp;; l&rsquo;animation vaine de Verduret est savoureuse tant il fait figure de mari de com&eacute;die (s&eacute;quence 2)&nbsp;; le go&ucirc;t du pouvoir chez Paupiette confirme l&rsquo;installation dans une &oelig;uvre moqueuse, satirique (s&eacute;quence 3), comme la duplicit&eacute; de Jeannot dans sa confession (s&eacute;quence 4)&hellip; On est bien dans une atmosph&egrave;re assez joyeuse, savoureuse, et l&rsquo;enterrement de Clos-Martin, porteur de scandale et de ragots, ne saurait en rien l&rsquo;assombrir.</p> <p>Les moments o&ugrave; le rythme est le plus all&egrave;gre sont peut-&ecirc;tre ceux qui mettent en sc&egrave;ne Lucas, sa verve et ses provocations &agrave; l&rsquo;&eacute;gard des autorit&eacute;s quelles qu&rsquo;elles soient (s&eacute;quences 6 et 23), les fanfaronnades de Ma&icirc;tre Couillard (s&eacute;quence 15), le discours de Claire &agrave; son m&eacute;decin (s&eacute;quence 17) et le rapport que ce dernier fait de sa visite &agrave; Pierre (s&eacute;quence 18).</p> <p>Mais cette vivacit&eacute; est sans doute contenue, &agrave; la fois par les interventions nostalgiques de Clos-Martin, les effets de son &laquo;&nbsp;retour&nbsp;&raquo; sur Claire et les confidences qu&rsquo;elle fait &agrave; l&rsquo;abb&eacute; Mamiran.</p> <p>L&rsquo;<em>allegro</em>&nbsp;est donc bien l&agrave;, mais il demeure mesur&eacute;, &laquo;&nbsp;<em>non troppo</em>&nbsp;&raquo;.</p> <h4><strong>2.3.2. Andantino puis Scherzo grave</strong></h4> <p>A priori, le deuxi&egrave;me mouvement s&rsquo;ouvre de mani&egrave;re vive par un v&eacute;ritable dialogue anim&eacute; entre Clotilde et Marielle, entre deux g&eacute;n&eacute;rations qui ont du mal &agrave; s&rsquo;entendre (s&eacute;quence 1). Mais le rythme se ralentit d&egrave;s la s&eacute;quence suivante avec la longue prise de parole de Claire recevant Ma&icirc;tre Couillard, silencieux. Elle lui annonce qu&rsquo;elle a r&eacute;fl&eacute;chi &agrave; la &laquo;&nbsp;reconversion&nbsp;&raquo; et qu&rsquo;elle &laquo;&nbsp;passe la main&nbsp;&raquo; en c&eacute;dant ses actions, titres de propri&eacute;t&eacute; et autres &laquo;&nbsp;biens&nbsp;&raquo; &agrave; son mari et ses trois fils pour qu&rsquo;ils s&rsquo;occupent eux-m&ecirc;mes de la reconversion (p.&nbsp;212). Claire entame ensuite une s&eacute;rie de visites, accompagn&eacute;e de Clos-Martin, celui qui guide ses pas et son action, inspire son &laquo;&nbsp;r&eacute;veil&nbsp;&raquo;&nbsp;:</p> <p>‒ &agrave; Pierre (usine), pour lui donner procuration l&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;autorisant &agrave; tout traiter &agrave; (sa) place&nbsp;&raquo;.</p> <p>&Agrave; Jeannot (banque), pour l&rsquo;aider &agrave; obtenir un pr&ecirc;t afin d&rsquo;acheter une grande ferme et plusieurs hectares de terrain en se portant &laquo;&nbsp;aval&nbsp;&raquo;.</p> <p>‒ &agrave; Lucas (troquet), pour soutenir sa cause et lui annoncer qu&rsquo;elle se met en retrait de ses dettes, de ses ennuis avec les autorit&eacute;s, qu&rsquo;il n&rsquo;aura plus aucun droit sur la fortune de sa m&egrave;re, qu&rsquo;elle les d&eacute;gage l&rsquo;un et l&rsquo;autre des servitudes morales, de tout privil&egrave;ge. Et elle licencie un jeune ouvrier qui proteste.</p> <p>‒ &agrave; Verduret (universit&eacute;) pour lui apprendre qu&rsquo;elle allait instituer une Fondation Verduret dans leur maison pour lui permettre de mener plus confortablement ses recherches.</p> <p>‒ &agrave; Paupiette (chez Pierre) pour la dispenser de ses grimaces &agrave; son &eacute;gard et lui faire admettre qu&rsquo;elles ne s&rsquo;aiment pas.</p> <p>‒ &agrave; Adeline (dans la rue) pour lui raconter de fa&ccedil;on indirecte son histoire d&rsquo;amour avec Clos-Martin, sa jeunesse, son pass&eacute; et l&rsquo;encourager &agrave; se remuer pour obtenir ce qu&rsquo;elle d&eacute;sire, &agrave; faire l&rsquo;&eacute;loge de sa m&egrave;re aupr&egrave;s de Jeannot.</p> <p>‒ &agrave; Manceau (chez lui) pour l&rsquo;encourager &agrave; favoriser l&rsquo;action des groupements ouvriers, &agrave; les pousser vers co et autogestion.</p> <p>‒ aux commer&ccedil;ants Palpitard et Commertou (boutique) pour y commander une robe de mari&eacute;e en guise de tenue de deuil discret&hellip;</p> <p>Comme on peut le deviner, avec cette tourn&eacute;e de Claire, dont la plupart des &eacute;tapes sont ponctu&eacute;es par une intervention de Clos-Martin, le tempo du mouvement se ralentit et conduit au choix de l&rsquo;enfermement dans sa chambre &agrave; la s&eacute;quence 12. D&rsquo;une part, le personnage figure dans la plupart des s&eacute;quences (10 sur les 13), d&rsquo;autre part le sc&eacute;nario de la tourn&eacute;e a quelque chose de syst&eacute;matique, de r&eacute;p&eacute;titif, qui ralentit la progression dramatique. Claire semble constituer en effet, comme le voulait l&rsquo;auteur, un th&egrave;me musical qui se d&eacute;ploie paisiblement sur tout le Moment I. Mais l&rsquo;encha&icirc;nement assez rapide (&laquo;&nbsp;un peu press&eacute;&nbsp;&raquo;) des rencontres explique que l&rsquo;on reste dans un&nbsp;<em>andantino</em>&nbsp;sans aller jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;<em>andante</em>.</p> <p>Le Moment II semble impliquer une animation, soulign&eacute;e comme on sait dans ses didascalies initiales.</p> <p>D&egrave;s la premi&egrave;re s&eacute;quence, la plupart des personnages rencontr&eacute;s par Claire au Moment I sont rassembl&eacute;s par Ma&icirc;tre Couillard (Pierre, Jeannot, Lucas, Verduret, Manceau). Ne manquent que Paupiette et Adeline, mais qui ne sont pas concern&eacute;es directement par les d&eacute;cisions de Claire&nbsp;; tout comme les commer&ccedil;ants. Une autre &eacute;tape semble &ecirc;tre franchie &agrave; la s&eacute;quence 2, acc&eacute;l&eacute;rant le rythme, quand on voit alternativement Jeannot en compagnie d&rsquo;une prostitu&eacute;e qu&rsquo;il se propose d&rsquo;installer, et Adeline parlant &agrave; Benjamin de Jeannot, puis Jeannot se justifiant aupr&egrave;s de Benjamin et ce dernier demandant &agrave; la m&egrave;re d&rsquo;Adeline d&rsquo;intervenir au plus vite.De toute &eacute;vidence la structure de la s&eacute;quence se complexifie, s&rsquo;anime, et le&nbsp;<em>scherzo</em>&nbsp;s&rsquo;impose de diverses fa&ccedil;ons&nbsp;:</p> <p>‒ des prises de parole adress&eacute;es &agrave; des interlocuteurs diff&eacute;rents se multiplient dans une m&ecirc;me s&eacute;quence, comme dans la 3, amor&ccedil;ant un ballet que l&rsquo;on attendait dans le premier mouvement.</p> <p>‒ des d&eacute;cisions impr&eacute;vues se prennent&nbsp;: Verduret choisit de partir en voyage, Jeannot renonce &agrave; la prostitu&eacute;e pour faire retraite chez les Trappistes, Manceau se range du c&ocirc;t&eacute; de Lucas et des ouvriers en gr&egrave;ve, Pierre renonce &agrave; devenir d&eacute;put&eacute;&hellip;</p> <p>‒&nbsp; tout un monde s&rsquo;&eacute;croule en l&rsquo;absence de Claire et la gr&egrave;ve &agrave; l&rsquo;usine est pr&egrave;s de d&eacute;g&eacute;n&eacute;rer&hellip;</p> <p>‒&nbsp; le retour de Lucas &agrave; la maison n&rsquo;a rien de rassurant et tout ce d&eacute;sordre conduit Claire &agrave; sortir la t&ecirc;te du sable.</p> <p>Ce Moment II est domin&eacute; par un sentiment de d&eacute;sordre, d&rsquo;agitation qui explique le terme &laquo;&nbsp;scherzo&nbsp;&raquo;, mais il n&rsquo;est pas d&eacute;nu&eacute; de gravit&eacute; car on sent que tous ces personnages priv&eacute;s de Claire sont au bord de la noyade, sous des formes diff&eacute;rentes.</p> <h4><strong>2.3.3. Allegro path&eacute;tique</strong></h4> <p>&Agrave; l&rsquo;ouverture du troisi&egrave;me mouvement, Ma&icirc;tre Couillard synth&eacute;tise pour Claire les liquidations effectu&eacute;es ou &agrave; venir. La d&eacute;mesure des ventes, n&rsquo;&eacute;pargnant pas les conserveries, Pierre doit apprendre &agrave; se d&eacute;fendre et il envisage de faire interner sa m&egrave;re. Paupiette s&rsquo;appr&ecirc;te &agrave; le quitter pour un autre. De nouveau la sc&egrave;ne est fortement peupl&eacute;e et Claire, revenue, manifeste son enthousiasme &agrave; liquider ses biens, &agrave; se moquer des r&eacute;sistances de Ma&icirc;tre Couillard. Tous les deux sont r&eacute;unis dans la quasi-totalit&eacute; des s&eacute;quences car cette fois on passe &agrave; l&rsquo;acte de vendre dans ce qu&rsquo;il a concret et de syst&eacute;matique, jusqu&rsquo;&agrave; transformer la sc&egrave;ne en salle des ventes pour les deux derni&egrave;res s&eacute;quences. La derni&egrave;re s&rsquo;ouvrira d&rsquo;ailleurs sur le public appel&eacute; &agrave; contribuer &agrave; la liquidation.</p> <p>Ce nouveau mouvement est assez joyeux ‒&nbsp;Claire renonce aux tracas de la possession pour se faire plaisir (p.&nbsp;249), Marielle a fait l&rsquo;amour avec Lucas et a &laquo;&nbsp;beaucoup aim&eacute; &ccedil;a&nbsp;&raquo;&nbsp;‒ et le terme d&rsquo;<em>allegro</em>&nbsp;semble appropri&eacute;, mais cette joie se traduit par des abandons, des renoncements, une d&eacute;possession qui semble ne pas &ecirc;tre que mat&eacute;rielle (&laquo;&nbsp;C&rsquo;est moi qui me d&eacute;poss&egrave;de&nbsp;&raquo;, p.&nbsp;250). On per&ccedil;oit que certains biens ont une histoire pour Claire, qu&rsquo;elle a un lien affectif avec eux, comme cette berg&egrave;re qu&rsquo;elle ne veut pas c&eacute;der &agrave; n&rsquo;importe qui.</p> <p>Ce n&rsquo;est pas un hasard si Clos-Martin vient ici dire adieu &agrave; Claire, s&rsquo;il est sur le d&eacute;part.</p> <p>La maison va &ecirc;tre expos&eacute;e au public &laquo;&nbsp;comme si le ventre de la bourgeoisie s&rsquo;ouvrait.&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;251).</p> <p>L&rsquo;<em>allegro&nbsp;</em>est assombri, un peu mena&ccedil;ant, d&rsquo;o&ugrave; l&rsquo;emploi du terme &laquo;&nbsp;path&eacute;tique&nbsp;&raquo; pour le qualifier.</p> <h4><strong>2.3.4. Molto vivace</strong></h4> <p>Le quatri&egrave;me mouvement &eacute;volue &agrave; la mani&egrave;re d&rsquo;un tourbillon.</p> <p>Claire est d&rsquo;abord seule &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur du cirque, mesurant le vide qu&rsquo;elle a fait autour d&rsquo;elle, ses cons&eacute;quences sur elle&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je vous ai repouss&eacute;s, d&eacute;sunis, &eacute;parpill&eacute;s, mais c&rsquo;est moi qui me sens d&eacute;faite.&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;259)</p> <p>Elle ne r&ecirc;ve cependant pas d&rsquo;un retour en arri&egrave;re, mais de poursuivre la destruction jusqu&rsquo;&agrave; celle de sa maison.</p> <p>Elle subit cette fois le d&eacute;part de Clotilde pour un asile de vieillards, elle essaye de la retenir en vain. Elle n&rsquo;a pas non plus l&rsquo;initiative du divorce avec Verduret et doit se r&eacute;signer &agrave; voir Jeannot &eacute;pouser la m&egrave;re d&rsquo;Adeline, &agrave; &ecirc;tre gifl&eacute;e par lui. Elle est vol&eacute;e par Lucas avant qu&rsquo;il parte en compagnie de Marielle. Quant &agrave; Clos-Martin, il part cette fois &laquo;&nbsp;en fum&eacute;e&nbsp;&raquo;.</p> <p>Mais c&rsquo;est encore elle qui cong&eacute;die Ma&icirc;tre Couillard, qui demande &agrave; Marielle de partir.</p> <p>Quoi qu&rsquo;il en soit, elle est devenue m&eacute;connaissable quand elle s&rsquo;offre &agrave; l&rsquo;abb&eacute; Mamiran, s&rsquo;humilie devant lui.</p> <p>Il semble ne lui rester que Pierre, qui a perdu femme et travail, mais celui-ci a &laquo;&nbsp;d&eacute;couvert qu&rsquo;[il] ne [s]&rsquo;int&eacute;ressai[t] pas&nbsp;&raquo; en se regardant dans un miroir (p.&nbsp;283) et met fin &agrave; ses jours.</p> <p>Claire sombre alors dans un cauchemar o&ugrave; les personnages de la pi&egrave;ce interviennent sous un jour monstrueux, en tenant des propos sibyllins, dans un &eacute;trange d&eacute;cousu.</p> <p>Si ce mouvement est bien &laquo;&nbsp;<em>molto vivace</em>&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est &agrave; la fa&ccedil;on d&rsquo;une tornade tragique emportant tout ce qui restait &agrave; Claire, jusqu&rsquo;&agrave; sa raison, peut-&ecirc;tre.</p> <h4><strong>2.3.5. Aubade</strong></h4> <p>Quand Claire r&eacute;appara&icirc;t au cimeti&egrave;re dans le cinqui&egrave;me mouvement, pour l&rsquo;enterrement de Pierre, elle semble avoir du mal &agrave; entendre et comprendre Pitou. Elle est comme &eacute;gar&eacute;e.<br /> Pitou lui sert de guide et a besoin de son aide pour &eacute;chapper aux autres membres de la famille et &agrave; la pension o&ugrave; ils veulent le mettre.</p> <p>Ses efforts semblent porter leurs fruits et on voit Claire tenir t&ecirc;te &agrave; tous les autres dans sa derni&egrave;re r&eacute;plique, les mena&ccedil;ant de parler d&rsquo;eux en public, les contraignant &agrave; prendre la fuite.</p> <p>Pitou peut bien danser&nbsp;: un nouveau jour va se lever. C&rsquo;est le temps de l&rsquo;<em>aubade</em>.</p> <hr /> <p>Dans&nbsp;<em>Il faut passer par les nuages</em>, la dimension musicale et rythmique est incluse &agrave; la fois dans les timbres et mouvements de la parole, dans sa distribution entre les personnages et au fil de l&rsquo;action, et dans la composition m&ecirc;me de la pi&egrave;ce, dans la structure de sa progression dramatique. Les analogies musicales sous-tendent en permanence l&rsquo;&eacute;criture, elles l&rsquo;<em>informent</em>, imposant l&rsquo;&eacute;vidence que le sens doit na&icirc;tre du son. Le travail fait par Billetdoux, tr&egrave;s savant, d&rsquo;une grande pr&eacute;cision, r&eacute;v&egrave;le un auteur particuli&egrave;rement attentif &agrave; ce que le texte devient dans l&rsquo;oreille, &agrave; la fa&ccedil;on dont on doit l&rsquo;<em>entendre.&nbsp;</em>Jamais peut-&ecirc;tre ce verbe n&rsquo;a eu autant qu&rsquo;ici son double sens d&rsquo;<em>&eacute;coute&nbsp;</em>et de&nbsp;<em>compr&eacute;hension</em>&hellip;</p> <p>Toutefois ces analogies musicales appellent plus que jamais la mise en sc&egrave;ne, laquelle seule peut donner &agrave; une telle pi&egrave;ce sa pleine dimension sonore et faire entendre ses &laquo;&nbsp;port&eacute;es&nbsp;&raquo;.</p> <h3><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h3> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a>&nbsp;Lettre de F. Billetdoux &agrave; J.-L. Barrault du 16 mars 1963, in&nbsp;<em>Cahiers de la Compagnie Renaud-Barrault</em>, n&deg;46, octobre 1964, p.&nbsp;13.</p> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;14.</p> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;17.</p> <p><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a>&nbsp;Billetdoux emploie l&rsquo;expression p.&nbsp;211 de notre &eacute;dition (<em>Th&eacute;&acirc;tre 2</em>, Paris, La Table ronde, 1964).</p> <p><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a>&nbsp;F.&nbsp;Billetdoux, &nbsp;&laquo;&nbsp;Po&eacute;tique du d&eacute;cor&nbsp;&raquo; (Notes pour Ren&eacute; Allio), in&nbsp;<em>Cahiers de la compagnie Renaud-Barrault</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;24 et 29.</p> <p><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a>&nbsp;Lettre &agrave; J.-L. Barrault du 16 mars 1963,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;14-15.</p> <p><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a>&nbsp;Henri Gouhier, &laquo;&nbsp;Pour arriver aux r&eacute;gions de lumi&egrave;re&hellip;&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Cahiers de la compagnie Renaud-Barrault</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;5.</p> <p><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a>&nbsp;Henri Gouhier parle de &laquo;&nbsp;ballet sans danseurs&nbsp;&raquo; &agrave; propos de la pi&egrave;ce (<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;5.). Il est pr&eacute;cis&eacute; qu&rsquo;une musique (de Serge Baudo) intervenait &agrave; la cr&eacute;ation, mais il n&rsquo;est fait mention que de Barrault pour la mise en sc&egrave;ne.</p> <p><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a>&nbsp;Henri Gouhier, &laquo;&nbsp;Pour arriver aux r&eacute;gions de lumi&egrave;re&hellip;&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;6.</p> <p><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a>&nbsp;Soulign&eacute; par l&rsquo;auteur.</p> <p><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a>&nbsp;F.&nbsp;Billetdoux, &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique du d&eacute;cor&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;21.</p> <p><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;27.</p> <p><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;28.</p> <p><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;29.</p> <p><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a>&nbsp;<em>Ibid.&nbsp;</em>Soulign&eacute; par l&rsquo;auteur.</p> <p><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em></p> <p><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a>&nbsp;<em>Il faut passer par les nuages</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;227.</p> <p><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a>&nbsp;F.&nbsp;Billetdoux, &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique du d&eacute;cor&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;29.</p> <p><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em></p> <p><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;30.</p> <p><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em></p> <p><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;22.</p> <p><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em></p> <p><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;23.</p> <p><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;21.</p> <p><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;30.</p> <p><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a>&nbsp;<em>Il faut passer par les nuages</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;242.</p> <p><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;211.</p> <p><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a>&nbsp;F.&nbsp;Billetdoux, &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique du d&eacute;cor&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;22.</p> <p><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em></p> <p><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;23.</p> <p><a href="#_ftnref32" name="_ftn32">[32]</a>&nbsp;<em>Il faut passer par les nuages</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;258.</p> <p><a href="#_ftnref33" name="_ftn33">[33]</a>&nbsp;Jean-Marie LH&Ocirc;TE,&nbsp;<em>Mise en jeu Fran&ccedil;ois Billetdoux, L&rsquo;arbre et l&rsquo;oiseau</em>, Arles, Actes Sud-Papiers, 1988, p.&nbsp;166.</p> <p><a href="#_ftnref34" name="_ftn34">[34]</a>&nbsp;<em>Il faut passer par les nuages</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;258.</p> <p><a href="#_ftnref35" name="_ftn35">[35]</a>&nbsp;F.&nbsp;Billetdoux, &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique du d&eacute;cor&nbsp;&raquo;,<em>&nbsp;op. cit.</em>, p.&nbsp;31.</p> <p><a href="#_ftnref36" name="_ftn36">[36]</a>&nbsp;<em>Id.</em>&nbsp;p.&nbsp;32.</p> <p><a href="#_ftnref37" name="_ftn37">[37]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em></p> <p><a href="#_ftnref38" name="_ftn38">[38]</a>&nbsp;<em>Il faut passer par les nuages</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;181.</p> <p><a href="#_ftnref39" name="_ftn39">[39]</a>&nbsp;F.&nbsp;Billetdoux, &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique du d&eacute;cor&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;23.</p> <p><a href="#_ftnref40" name="_ftn40">[40]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em></p> <p><a href="#_ftnref41" name="_ftn41">[41]</a>&nbsp;Henri Gouhier, &laquo;&nbsp;Pour arriver aux r&eacute;gions de lumi&egrave;re&hellip;&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;6.</p> <p><a href="#_ftnref42" name="_ftn42">[42]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em></p> <p><a href="#_ftnref43" name="_ftn43">[43]</a>&nbsp;Lettre &agrave; J.-L. Barrault du 16 mars 1963,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;15.</p> <p><a href="#_ftnref44" name="_ftn44">[44]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;16&nbsp;; &laquo;&nbsp;[&hellip;] le jazz m&rsquo;apprit en douce qu&rsquo;il existait une couleur de l&rsquo;&acirc;me d&eacute;sol&eacute;e vers laquelle tendre&nbsp;: la&nbsp;<em>note bleue</em>&nbsp;&raquo; (F.&nbsp;Billetdoux, &laquo;&nbsp;Une id&eacute;e de n&egrave;gre&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Petits drames comiques,</em>&nbsp;Arles, Actes Sud-Papiers, 1987).</p> <p><a href="#_ftnref45" name="_ftn45">[45]</a>&nbsp;Lettre &agrave; J.-L. Barrault du 16 mars 1963,&nbsp;<em>op. cit.</em>, &nbsp;p.&nbsp;16.</p> <p><a href="#_ftnref46" name="_ftn46">[46]</a>&nbsp;Herbert Pepper,&nbsp;<em>Essai de d&eacute;finition d&rsquo;une grammaire musicale noire</em>, cit&eacute; par Billetdoux dans &laquo;&nbsp;Une id&eacute;e de n&egrave;gre&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>op. cit.</em>.</p> <p><a href="#_ftnref47" name="_ftn47">[47]</a>&nbsp;Lettre &agrave; J.-L. Barrault du 16 mars 1963,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;16.</p> <p><a href="#_ftnref48" name="_ftn48">[48]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;17.</p> <p><a href="#_ftnref49" name="_ftn49">[49]</a>&nbsp;F.&nbsp;Billetdoux, &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique du d&eacute;cor&nbsp;&raquo;,<em>&nbsp;op. cit.</em>, &nbsp;p.&nbsp;23.</p> <p><a href="#_ftnref50" name="_ftn50">[50]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;28.</p> <p><a href="#_ftnref51" name="_ftn51">[51]</a>&nbsp;In&nbsp;<em>L&rsquo;Avant-Sc&egrave;ne</em>, n&deg; 332, 15 avril 1965, p.&nbsp;42.</p> <p>&nbsp;</p> <h3>Auteur</h3> <p><strong>Jean Bardet</strong>, professeur agr&eacute;g&eacute; de Lettres modernes, longtemps charg&eacute; de cours &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; de Paris Est/Marne-la-Vall&eacute;e, est l&rsquo;auteur des huit notices&nbsp;consacr&eacute;es aux&nbsp;&oelig;uvres dramatiques de Fran&ccedil;ois Billetdoux dans le&nbsp;<em>Dictionnaire des pi&egrave;ces de th&eacute;&acirc;tre fran&ccedil;aises du XXe si&egrave;cle</em>&nbsp;(Jeanyves Gu&eacute;rin (dir.), Champion,&nbsp;2005), et de sept &eacute;ditions critiques parues aux &eacute;ditions Gallimard, dont celles du&nbsp;<em>Paradoxe sur le com&eacute;dien</em>&nbsp;de Diderot (folioplus classiques n&deg;180) et de la com&eacute;die&nbsp;<em>Poil de Carotte</em>&nbsp;de Jules Renard (folioplus classiques n&deg;261).</p> <h3><strong>Copyright</strong></h3> <p>Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p>