<h3>Abstract</h3> <p>The article addresses the question raised by the expression &ldquo;bedroom farce author&rdquo; about Billetdoux and some plots&nbsp;of his theatre&nbsp;as falling within the &ldquo;vaudeville&rdquo;. In that perspective,&nbsp;<em>Tchin-Tchin</em>&nbsp;(1959), which is probably the most responsible for the misunderstanding, is chosen as main object, with incursions into&nbsp;<em>Le Comportement des &eacute;poux Bredburry</em>&nbsp;(1960) that also questions the couple&rsquo;s life, and into&nbsp;<em>Il faut passer par les nuages</em>&nbsp;(1964), which is an epic about the middle-class. The aim is to show how the principles of the boulevard are twisted and made fun of, and how the expected principles of bedroom-farce theatre get more internalized to virtually become a stark initiatory ritual that is very remote from the conventions of bedroom farce theatre.</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p>vaudeville, Billetdoux, boulevard, <em>Tchin-Tchin</em>, <em>Le Comportement des &eacute;poux Bredburry</em>, <em>Il faut passer par les nuages</em></p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: right;"><em>&laquo;&nbsp;&hellip; tenter d&rsquo;accommoder luxueusement et abruptement<br /> quelques formes traditionnelles du spectacle<br /> aux nouvelles mani&egrave;res de saisir le temps qui passe.&nbsp;&raquo;</em></p> <p style="text-align: right;">(Lettre &agrave; Jean-Louis Barrault, 16 mars 1963)</p> <p>Fran&ccedil;ois Billetdoux est pr&eacute;sent&eacute; comme un &laquo;&nbsp;auteur de boulevard&nbsp;&raquo; dans l&rsquo;encyclop&eacute;die que Bordas consacre au th&eacute;&acirc;tre en 1980, tandis que le&nbsp;<em>Petit Robert&nbsp;</em>parle de &laquo;&nbsp;vaudeville traditionnel&nbsp;&raquo; pour caract&eacute;riser l&rsquo;intrigue de ses pi&egrave;ces. L&rsquo;aurions-nous mal lu&nbsp;? Pour le v&eacute;rifier, nous avons choisi de revenir &agrave; sa pi&egrave;ce&nbsp;<em>Tchin-Tchin</em>, la plus populaire et boulevardi&egrave;re en apparence, cr&eacute;&eacute;e en 1959 au Th&eacute;&acirc;tre de Poche-Montparnasse &agrave; Paris, traduite dans dix-neuf langues, repr&eacute;sent&eacute;e dans vingt-huit pays. Il y est question de l&rsquo;&eacute;pouse d&rsquo;un chirurgien au nom assez ridicule, Mrs Pam&eacute;la Puffy-Picq, qui fait la rencontre d&rsquo;un homme, entrepreneur en b&acirc;timent, autour de verres consomm&eacute;s sans mod&eacute;ration. On pense alors &agrave; du th&eacute;&acirc;tre bourgeois, convenu et sans surprise. On semble loin de l&rsquo;&eacute;pop&eacute;e m&eacute;taphysique de&nbsp;<em>Comment va le monde, M&ocirc;ssieu ? Il tourne, M&ocirc;ssieu !&nbsp;</em>donn&eacute;e &agrave; voir quelques ann&eacute;es plus tard (1964). La programmation&nbsp;de la pi&egrave;ce en novembre 1962 dans une tourn&eacute;e Karsenty, avec Daniel G&eacute;lin et Madeleine Robinson dans les r&ocirc;les principaux, peut accr&eacute;diter encore cette impression. Mais alors, comment comprendre la reprise de la pi&egrave;ce par Peter Brook, assist&eacute; de Maurice B&eacute;nichou, au Th&eacute;&acirc;tre Montparnasse vingt-cinq ans plus tard, en 1984 (avec dans la distribution un certain Marcello Mastroianni&hellip;)&nbsp;? Cela invite &agrave; aller au-del&agrave; des apparences. Autour de&nbsp;<em>Tchin-Tchin</em>, deux autres pi&egrave;ces nous permettront d&rsquo;&eacute;largir nos analyses et de questionner davantage l&rsquo;appellation d&rsquo;auteur de boulevard&nbsp;:&nbsp;<em>Le Comportement des &eacute;poux Bredburry</em>, qui date de 1960, et&nbsp;<em>Il faut passer par les nuages</em>&nbsp;(1964).</p> <h2><strong>1.&nbsp;Premiers &eacute;carts g&eacute;n&eacute;riques</strong><br /> &nbsp;</h2> <p>Dans le vaudeville, et plus largement dans le th&eacute;&acirc;tre de boulevard, le personnage n&rsquo;a pas d&rsquo;identit&eacute; propre, tant il est &laquo;&nbsp;d&eacute;pourvu de substance&nbsp;&raquo; pour jouer le r&ocirc;le &laquo;&nbsp;d&rsquo;un instrument destin&eacute; &agrave; mettre en &oelig;uvre l&rsquo;intrigue&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>&nbsp;&raquo;. Comme l&rsquo;&eacute;crit Michel Corvin, les personnages du boulevard &laquo;&nbsp;sont les rouages &ndash;&nbsp;somme toute secondaires&nbsp;&ndash; d&rsquo;un dispositif agenc&eacute; pour les besoins d&rsquo;une d&eacute;monstration&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>&nbsp;&raquo;. Beaucoup d&rsquo;entre eux sont interchangeables et s&rsquo;apparentent &agrave; des types r&eacute;currents d&rsquo;une &oelig;uvre &agrave; l&rsquo;autre, voire &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur d&rsquo;une m&ecirc;me pi&egrave;ce. Que l&rsquo;on songe ainsi aux deux pr&eacute;tendants d&rsquo;Henriette dans&nbsp;<em>Le Voyage de monsieur Perrichon</em>&nbsp;(1860) d&rsquo;Eug&egrave;ne Labiche (1815-1888), aux sc&egrave;nes 3 et 4 de l&rsquo;acte I. Comme le fait remarquer Corvin &agrave; propos d&rsquo;une pi&egrave;ce de Guitry&nbsp;: &laquo;&nbsp;l&rsquo;amant ne saurait &ecirc;tre qu&rsquo;amant, la femme qu&rsquo;infid&egrave;le &agrave; son mari et ma&icirc;tresse de l&rsquo;amant, le mari que cocu&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>&hellip;&nbsp;&raquo;</p> <p>Leur classe sociale est secondaire par rapport &agrave; leur m&eacute;tier ou &agrave; leur statut familial. Certes, ils appartiennent pour la plupart d&rsquo;entre eux &agrave; l&rsquo;univers de la bourgeoisie, sans remettre en question son fonctionnement. Mais on ne saurait y voir pour autant une peinture fid&egrave;le de cette classe. Le pr&eacute;tendre, comme le fait Philippe Soupault &agrave; propos de Labiche&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>, c&rsquo;est faire selon Henri Gidel &laquo;&nbsp;un contresens total&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>&nbsp;&raquo;. Car le bourgeois, dans ce th&eacute;&acirc;tre, n&rsquo;est &laquo;&nbsp;nullement d&eacute;fini par son appartenance &agrave; un groupe social d&eacute;termin&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>&raquo;, mais par opposition &agrave; &laquo;&nbsp;l&rsquo;artiste&nbsp;&raquo;, peu soucieux du conformisme et des biens mat&eacute;riels. Le bourgeois sur sc&egrave;ne doit r&eacute;pondre &agrave; une esth&eacute;tique th&eacute;&acirc;trale, &ecirc;tre un anti-h&eacute;ros, une source de comique. Il n&rsquo;a que tr&egrave;s peu de &laquo;&nbsp;r&eacute;alit&eacute; sociologique&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>&nbsp;&raquo;. Et il en est de m&ecirc;me chez Feydeau&nbsp;: &laquo;&nbsp;On aurait tort [&hellip;] de chercher dans cette &oelig;uvre [&hellip;] une peinture, m&ecirc;me caricaturale, de la soci&eacute;t&eacute; de la &ldquo;Belle &Eacute;poque&rdquo;&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>Quant &agrave; l&rsquo;espace, il &laquo;&nbsp;est tr&egrave;s g&eacute;n&eacute;ralement figuratif&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>&nbsp;&raquo;, soucieux d&rsquo;illusion r&eacute;aliste pour installer le spectateur dans un cadre bourgeois, un salon tr&egrave;s souvent&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&rsquo;est que l&rsquo;espace dans les pi&egrave;ces de Boulevard est un lieu de passage et de rencontres&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>&nbsp;[&hellip;]&nbsp;&raquo; Comme les personnages, le lieu est au service de l&rsquo;action, tout particuli&egrave;rement dans le vaudeville o&ugrave; les portes peuvent se multiplier sur sc&egrave;ne jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;invraisemblance. Michel Corvin proposait d&rsquo;ailleurs de donner &agrave; cette forme th&eacute;&acirc;trale &laquo;&nbsp;le titre g&eacute;n&eacute;rique de &ldquo;Les portes claquent&rdquo;&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p>L&rsquo;intrigue cependant s&rsquo;installe rarement dans une &eacute;poque donn&eacute;e, elle n&rsquo;a pas le souci d&rsquo;un ancrage historique tant elle fait appel aux clich&eacute;s, aux conventions qui traversent le temps. Comme le fait remarquer l&rsquo;encyclop&eacute;die Larousse en ligne (article sur le th&eacute;&acirc;tre de boulevard)&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&rsquo;est l&rsquo;inactualit&eacute; m&ecirc;me des pi&egrave;ces de Guitry (nul n&rsquo;a moins que lui refl&eacute;t&eacute; son &eacute;poque) qui fut le gage de leur succ&egrave;s.&nbsp;&raquo;</p> <p>Sacha Guitry illustre bien par ailleurs une autre caract&eacute;ristique du th&eacute;&acirc;tre de boulevard et la principale fonction sc&eacute;nique des personnages&nbsp;: l&rsquo;&eacute;change de bons mots. C&rsquo;est en effet &laquo;&nbsp;un th&eacute;&acirc;tre de la parole&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>&nbsp;&raquo;. Michel Corvin parle &agrave; son propos de &laquo;&nbsp;conversation sous un lustre&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>&nbsp;&raquo;. Le comique de mots y occupe une large place&nbsp;: &laquo; [&hellip;] le spectateur assiste souvent &agrave; une v&eacute;ritable f&ecirc;te du langage&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>&nbsp;&raquo;. Et les mots d&rsquo;auteur s&rsquo;y multiplient. Il s&rsquo;agit de faire rire &agrave; tout prix.</p> <p>La pi&egrave;ce&nbsp;<em>Tchin-Tchin</em>&nbsp;et les deux autres &oelig;uvres convoqu&eacute;es, r&eacute;pondent-elle &agrave; ces crit&egrave;res g&eacute;n&eacute;riques? C&rsquo;est ce que nous nous proposons de mesurer.</p> <p>Notons d&eacute;j&agrave; un premier &eacute;cart avec le Boulevard&nbsp;: le cadre temporel de la pi&egrave;ce semble en d&eacute;calage avec les attentes sur cette forme th&eacute;&acirc;trale. L&rsquo;action est situ&eacute;e &laquo;&nbsp;&agrave; Paris en 1958&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;&agrave; l&rsquo;&eacute;poque de la conception de l&rsquo;ouvrage&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>&raquo;. Et cela se traduit par une couleur locale pr&eacute;cise dans le texte lui-m&ecirc;me&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Alors, les tagliatelles&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>&nbsp;faisaient figure de nouveaut&eacute;, les pizzerias &eacute;tant peu nombreuses, le whisky ne se vendait pas dans les &eacute;piceries arabes et la nuit, les Halles&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>, pour les gens de toute esp&egrave;ce et les rats et au petit matin les oiseaux, &eacute;taient encore le lieu le plus enchanteur au c&oelig;ur de la capitale, qui cette ann&eacute;e-l&agrave; perdait la t&ecirc;te&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>.</p> </blockquote> <p>Le contexte historique est plus affirm&eacute; encore dans&nbsp;<em>Il faut passer par les nuages</em>. Non seulement l&rsquo;action est de nouveau situ&eacute;e &agrave; l&rsquo;&eacute;poque de l&rsquo;&eacute;criture de la pi&egrave;ce, &laquo;&nbsp;en l&rsquo;ann&eacute;e 1963, au long des quatre saisons&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>&nbsp;&raquo;, mais certaines r&eacute;flexions semblent annoncer mai 1968 et des formes de vie en vogue dans ces ann&eacute;es-l&agrave;. Cela est sensible dans les propos de Jeannot&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Si maman avait une ferme, je m&rsquo;y retirerais, j&rsquo;exploiterais, j&rsquo;exp&eacute;rimenterais les nouveaux proc&eacute;d&eacute;s en mati&egrave;re d&rsquo;&eacute;levage, je ferais le pain moi-m&ecirc;me, je vivrais du produit de mon travail, un bol de lait de ch&egrave;vre au r&eacute;veil, un &oelig;uf &agrave; la coque et une pomme &agrave; midi, puis la vie en plein vent [&hellip;] (p.&nbsp;197)</p> </blockquote> <p>Marielle, la jeune bonne de seize ans (p.&nbsp;240), fait allusion pour sa part &agrave; une c&eacute;l&egrave;bre chanson de 1962 en faisant la vaisselle&nbsp;: &laquo;&nbsp;Zut&nbsp;! L&rsquo;assiette est cass&eacute;e. O&ugrave; est-ce qu&rsquo;est la poubelle, belle, belle&nbsp;? &raquo; (p.&nbsp;198). &Agrave; la fin du premier &laquo;&nbsp;mouvement&nbsp;&raquo; passent des jeunes gens &laquo;&nbsp;<em>qui chantent et dansent un twist</em>&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;209).</p> <p>Le d&eacute;sir d&rsquo;&eacute;mancipation sociale est lui aussi perceptible dans cette &oelig;uvre de 1964, quand Claire incite Manceau &agrave; &laquo;&nbsp;favoriser l&rsquo;action des divers groupements ouvriers qui militent au sein de notre &eacute;tablissement afin qu&rsquo;ils en arrivent &agrave; revendiquer tr&egrave;s vite la co-gestion, puis l&rsquo;auto-gestion&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;223). De m&ecirc;me, les craintes sur l&rsquo;importance donn&eacute;e &agrave; l&rsquo;&laquo;&nbsp;automation&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;234), &agrave; la modernisation, nous replongent bien, elles aussi, dans les ann&eacute;es 1960. La grande Histoire fait m&ecirc;me une discr&egrave;te apparition avec la guerre d&rsquo;Alg&eacute;rie, o&ugrave; Lucas &laquo;&nbsp;abandonnait sa faction pour s&rsquo;&eacute;garer dans le d&eacute;sert vivre au milieu des Arabes [&hellip;] &raquo; (p.&nbsp;274).</p> <p>Par leurs r&eacute;f&eacute;rences historiques, les pi&egrave;ces de Billetdoux ne rel&egrave;veraient donc pas du boulevard.</p> <p>Qu&rsquo;en est-il du trio traditionnel constitu&eacute; par le mari, la femme et l&rsquo;amant, et de la structure en trois actes r&eacute;currente dans cette forme de com&eacute;die&nbsp;?</p> <p>La structure des pi&egrave;ces de Billetdoux retenues dans notre champ d&rsquo;&eacute;tude est soit en quatre, soit en cinq temps, donc bien distincte du rythme habituel du vaudeville (les vaudevilles de Labiche en cinq actes, peu nombreux, sont per&ccedil;us comme des &eacute;carts par rapport &agrave; cette norme).</p> <p>Quant &agrave; l&rsquo;intrigue, aucune de ces pi&egrave;ces ne repose sur l&rsquo;infid&eacute;lit&eacute; conjugale&nbsp;: celle-ci est ext&eacute;rieure &agrave; l&rsquo;action dans&nbsp;<em>Tchin-Tchin</em>, esquiss&eacute;e sans &ecirc;tre v&eacute;cue dans&nbsp;<em>Le Comportement des &eacute;poux Bredburry</em>, et l&rsquo;amant potentiel dans&nbsp;<em>Il faut passer par les nuages</em>&nbsp;appartient au royaume des ombres&hellip; Certes, l&rsquo;institution du mariage est questionn&eacute;e, tourn&eacute;e plusieurs fois en d&eacute;rision, comme dans&nbsp;<em>Le Comportement des &eacute;poux Bredburry</em>&nbsp;:</p> <blockquote> <p>R&eacute;becca. [&hellip;] Sait-on jamais qui on &eacute;pouse&nbsp;! On regrette toujours&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>.</p> <p>L&rsquo;inspecteur. [&hellip;] Les &eacute;v&eacute;nements se pr&eacute;cipitent sur nous et nous en sommes tout &eacute;tonn&eacute;s.</p> <p>John. Je pense que vous donnez l&agrave; une juste d&eacute;finition du mariage. (p.&nbsp;29)</p> <p>John. Je suppose qu&rsquo;ils sont malheureux tous les deux, puisqu&rsquo;ils sont mari&eacute;s ensemble. (p.&nbsp;37)</p> </blockquote> <p>Mais cette approche du mariage n&rsquo;en reste pas moins elle-m&ecirc;me d&rsquo;une tonalit&eacute; plus grin&ccedil;ante, plus cynique, que celle que l&rsquo;on rencontre d&rsquo;ordinaire dans un vaudeville.</p> <h2><strong>2. L&rsquo;accueil critique de&nbsp;<em>Tchin-Tchin</em></strong><br /> &nbsp;</h2> <p>Ce qui est certain, c&rsquo;est qu&rsquo;&agrave; la cr&eacute;ation de&nbsp;<em>Tchin-Tchin</em>&nbsp;en 1959, la critique th&eacute;&acirc;trale ne per&ccedil;oit ni th&eacute;&acirc;tre de boulevard, ni vaudeville. Marcelle Capron salue dans&nbsp;<em>Combat</em>&nbsp;la d&eacute;couverte d&rsquo;un auteur &laquo;&nbsp;d&egrave;s les premi&egrave;res r&eacute;pliques, d&egrave;s les premiers silences, d&egrave;s ce long presque-monologue de C&eacute;sario Grimaldi [&hellip;] &raquo; Elle se dit saisie &laquo;&nbsp;par la nouveaut&eacute; du ton, par sa qualit&eacute; aussi&nbsp;&raquo;. Elle dit son enthousiasme pour cette &laquo;&nbsp;voix encore in-entendue&nbsp;&raquo; qui parle d&rsquo;un amour &laquo;&nbsp;qui vous porte plus loin que dans un lit&nbsp;&raquo;, d&rsquo;un village &laquo;&nbsp;o&ugrave; les femmes sont en deuil d&rsquo;on ne sait quoi parmi les rochers&nbsp;&raquo;. Ce sont pour elle &laquo;&nbsp;des mots tout neufs, des images toutes neuves&nbsp;&raquo; d&rsquo;un &laquo;&nbsp;jeune dramaturge-po&egrave;te&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>&nbsp;&raquo;. Georges Lerminier, dans&nbsp;<em>Le Parisien lib&eacute;r&eacute;</em>, per&ccedil;oit l&rsquo;auteur comme &laquo;&nbsp;&eacute;norm&eacute;ment spirituel, vaguement inqui&eacute;tant&nbsp;&raquo; et juge sa pi&egrave;ce &laquo;&nbsp;am&egrave;rement humaine&nbsp;&raquo;. Il pr&eacute;cise le ton en ajoutant &laquo;&nbsp;qu&rsquo;il y entre pas mal de pr&eacute;ciosit&eacute;, une pr&eacute;ciosit&eacute; ironique, tr&egrave;s consciente&nbsp;&raquo;, cela &agrave; c&ocirc;t&eacute; d&rsquo;un humour qui reste dominant. Jean-Jacques Gautier, dans&nbsp;<em>Le Figaro</em>, croit &laquo;&nbsp;d&eacute;celer dans son ouvrage une n&eacute;cessit&eacute; int&eacute;rieure&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;cette immanence si rare au th&eacute;&acirc;tre&nbsp;!&nbsp;&raquo; et invite ses lecteurs &agrave; aller voir la pi&egrave;ce, malgr&eacute; son &eacute;c&oelig;urement &agrave; voir des personnages &laquo;&nbsp;qui se pochardent&raquo;. Prolongeant cette derni&egrave;re remarque, Jean Vigneron dans&nbsp;<em>La Croix</em>, qui s&rsquo;attendait justement &agrave; voir &laquo;&nbsp;un vaudeville&nbsp;&raquo; ou une autre forme th&eacute;&acirc;trale r&eacute;pertori&eacute;e dans l&rsquo;histoire litt&eacute;raire, n&rsquo;y voit que l&rsquo;emploi de l&rsquo;alcool comme &laquo;&nbsp;nouveau ressort dramatique&nbsp;&raquo; (et confie s&rsquo;&ecirc;tre profond&eacute;ment ennuy&eacute; face &agrave; une &oelig;uvre &laquo;&nbsp;o&ugrave; se m&ecirc;lent humour noir et consid&eacute;rations pessimistes&nbsp;&raquo;). Gabriel Marcel salue pour sa part dans&nbsp;<em>Les Nouvelles Litt&eacute;raires</em>&laquo;&nbsp;un talent indiscutable&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;une des bonnes surprises de cette saison&nbsp;&raquo;, m&ecirc;me s&rsquo;il trouve la pi&egrave;ce &laquo;&nbsp;g&ecirc;nante&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;d&rsquo;un bout &agrave; l&rsquo;autre&nbsp;&raquo;. Il ne peut que remarquer un dialogue &laquo;&nbsp;d&rsquo;une qualit&eacute; exceptionnelle. Serr&eacute;, incisif&nbsp;&raquo;, et la nouveaut&eacute; d&rsquo;une &oelig;uvre qui &laquo;&nbsp;sort absolument de l&rsquo;ordinaire&nbsp;&raquo;. Morvan Lebesque ira m&ecirc;me jusqu&rsquo;&agrave; parler, dans&nbsp;<em>Carrefour</em>, de &laquo;&nbsp;chef-d&rsquo;&oelig;uvre, [d&rsquo;]un miracle de tendresse et d&rsquo;ironie&nbsp;&raquo;, nous maintenant en permanence entre rire et larmes. Il s&rsquo;&eacute;merveille de la performance consistant &agrave; avoir b&acirc;ti &laquo;&nbsp;une pi&egrave;ce avec deux personnages qui ne se quittent jamais et ce, sans aucune &laquo;&nbsp;astuce&nbsp;&raquo;, sans le moindre d&eacute;crochement sc&eacute;nique&nbsp;&raquo;. Il ne fait aucun doute, pour lui, qu&rsquo;un &laquo;&nbsp;nouveau po&egrave;te de th&eacute;&acirc;tre&nbsp;&raquo; est apparu avec ce &laquo;&nbsp;spectacle qui tranche sur tout ce qui nous a &eacute;t&eacute; offert depuis le d&eacute;but de la saison&nbsp;&raquo;.</p> <p>Si l&rsquo;on synth&eacute;tise cette rapide revue de presse, on notera l&rsquo;insistance sur la nouveaut&eacute; de l&rsquo;&oelig;uvre aux yeux de ces critiques, sur le talent de son auteur. Ils y per&ccedil;oivent tous une forme de rupture plut&ocirc;t qu&rsquo;une mani&egrave;re de s&rsquo;inscrire dans une tradition, quelle qu&rsquo;elle soit. Cette modernit&eacute; est associ&eacute;e &agrave; un ton qu&rsquo;il semble difficile de caract&eacute;riser, o&ugrave; l&rsquo;humour se teinte d&rsquo;amertume de fa&ccedil;on troublante, mais aussi &agrave; une langue originale et tr&egrave;s soign&eacute;e, voire pr&eacute;cieuse, et &agrave; des dialogues d&rsquo;une extr&ecirc;me pr&eacute;cision. La dimension humaine et po&eacute;tique de l&rsquo;&oelig;uvre est soulign&eacute;e, m&ecirc;me si elle passe par l&rsquo;ironie. Les premiers critiques nous conduisent donc bien loin des conventions du boulevard et de la m&eacute;canique du vaudeville.</p> <h2><strong>3. Le couple autrement menac&eacute;</strong><br /> &nbsp;</h2> <p>Ce qui retient l&rsquo;attention d&egrave;s qu&rsquo;on entre dans&nbsp;<em>Tchin-Tchin</em>, c&rsquo;est le d&eacute;calage install&eacute; par Billetdoux dans la situation initiale elle-m&ecirc;me. Nous sommes mis en pr&eacute;sence d&rsquo;un couple improbable, lui entrepreneur en b&acirc;timent d&rsquo;origine italienne, C&eacute;sar&eacute;o Grimaldi, elle femme de chirurgien d&rsquo;origine anglaise, Mrs Pam&eacute;la Puffy-Picq, dans un salon de th&eacute; de &laquo;&nbsp;genre anglais&nbsp;&raquo; que l&rsquo;entrepreneur en b&acirc;timent ne doit pas habituellement fr&eacute;quenter. Ils se reconnaissent &agrave; la photo que chacun a apport&eacute;e, celle de leurs conjoints respectifs. Nous comprenons assez vite que ces conjoints forment eux-m&ecirc;mes un couple ill&eacute;gitime et que la pi&egrave;ce nous met en pr&eacute;sence des exclus, des d&eacute;laiss&eacute;s de cette histoire d&rsquo;amour. En cela, nous n&rsquo;avons nullement le couple traditionnel du boulevard et les amants resteront absents de la pi&egrave;ce. Le troisi&egrave;me personnage ici sera Bobby, le fils que Pam&eacute;la a eu avec son mari chirurgien.</p> <p>Le d&eacute;calage se manifeste aussi d&egrave;s la premi&egrave;re r&eacute;plique en fran&ccedil;ais de C&eacute;sar&eacute;o, par la fantaisie de ses encha&icirc;nements, ou plut&ocirc;t, de la discontinuit&eacute; de ses propos&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je ne connais que quelques mots anglais. Mother, father, kitchen, good bye, pencil. Et ceux que je vous ai dits, bien s&ucirc;r. Et Shakespeare.&nbsp;&raquo; La r&eacute;f&eacute;rence &agrave; cet auteur introduit imm&eacute;diatement une rupture avec la vraisemblance. Certes, il n&rsquo;est pas impossible qu&rsquo;un entrepreneur en b&acirc;timent connaisse Shakespeare, au moins de nom, mais le surgissement de ce nom a un effet inattendu, d&eacute;routant, que la r&eacute;plique suivante du personnage, citant un po&egrave;me de Christina Georgina Rossetti (1830-1894) mis en musique par Charles Wood en 1916, confirme&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;entends la musique&nbsp;! &ldquo;What is white? A swan is white, sailing in the light&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>&rdquo;. Le nord&nbsp;! Le vent marin&nbsp;! Parlez-vous italien&nbsp;?&nbsp;&raquo;</p> <p>Une forme de d&eacute;cousu semble s&rsquo;installer o&ugrave; le son, la musicalit&eacute; des mots l&rsquo;emportent, au profit des images qu&rsquo;ils font surgir et qui semblent &eacute;loigner l&rsquo;interlocutrice, comme si C&eacute;sar&eacute;o s&rsquo;adressait moins &agrave; elle qu&rsquo;&agrave; lui-m&ecirc;me.&nbsp;Ce d&eacute;but de texte montre que le dialogue est en lui-m&ecirc;me probl&eacute;matique, pas seulement parce qu&rsquo;il faut d&eacute;cider en quelle langue se fera la conversation, mais parce que chaque r&eacute;plique semble inventer un langage, une musique, qui isolent celui qui la prof&egrave;re et rendent la communication difficile, incertaine. Certes, ce n&rsquo;est pas la forme d&rsquo;incommunicabilit&eacute; qui caract&eacute;rise le th&eacute;&acirc;tre de l&rsquo;absurde, car le personnage garde ici une pr&eacute;sence, d&rsquo;autant plus forte qu&rsquo;elle est sonore, tr&egrave;s intime. Mais le dialogue semble en quelque sorte&nbsp;<em>min&eacute;&nbsp;</em>par une tendance au monologue, plus exactement au soliloque (pour reprendre la distinction que Jean-Marie Lh&ocirc;te propose de ces deux termes&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>), renfor&ccedil;ant du m&ecirc;me coup la solitude des personnages.</p> <p>Cette parole qui semble avoir du mal &agrave; parvenir jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;autre, peut prendre un air exalt&eacute;, se perdre dans une d&eacute;mesure un peu inqui&eacute;tante, ainsi de cet &eacute;change, apr&egrave;s avoir bu du vin fran&ccedil;ais qui &laquo;&nbsp;&eacute;veille des d&eacute;licatesses&nbsp;&raquo;&nbsp;:</p> <blockquote> <p>C&eacute;sar&eacute;o. [&hellip;] Tenez&nbsp;! Vous me paraissez jolie dans ma brume. Dites-moi que je suis beau et fruit&eacute;.</p> <p>Pam&eacute;la. No&nbsp;! No&nbsp;!</p> <p>C&eacute;sar&eacute;o. Je suis vilain, vilain, vilain&nbsp;! Soyez joyeuse, madame, s&rsquo;il vous pla&icirc;t&nbsp;! Entra&icirc;nez-moi&nbsp;! Jouez de la cornemuse&nbsp;! Mais ne restez pas plant&eacute;e l&agrave;, pleine de jugements, d&rsquo;id&eacute;es, de lois, de drapeaux&nbsp;! Allons boire, que diable&nbsp;! (p.&nbsp;18)</p> </blockquote> <p>La parole, autant sinon plus que l&rsquo;alcool, conduit &agrave; des vertiges&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>&nbsp;qui malm&egrave;nent les certitudes, les identit&eacute;s. Au fil de la pi&egrave;ce, Mrs Puffy-Picq est de moins en moins l&rsquo;&eacute;pouse d&rsquo;Adrien, le chirurgien&nbsp;; elle se r&eacute;duit de plus en plus &agrave; Pam&eacute;la, engag&eacute;e dans une &eacute;trange relation avec le mari de la ma&icirc;tresse du sien.</p> <p>Pour autant, le nouveau couple en construction n&rsquo;&eacute;chappera pas &agrave; la solitude, et on les verra m&ecirc;me &laquo;&nbsp;soliloquer&nbsp;&raquo; chacun de son c&ocirc;t&eacute; &agrave; l&rsquo;acte III (p.&nbsp;40-41), prendre conscience de leur commune solitude un peu plus tard (&laquo;&nbsp;Pam&eacute;la. Comme nous sommes seuls&nbsp;!&nbsp;&raquo;, p.&nbsp;50), tenter de dialoguer avec une chaise, avec les choses (p.&nbsp;47)&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>&nbsp;(car &laquo;&nbsp;il faut bien parler &agrave; quelqu&rsquo;un&nbsp;!&nbsp;&raquo;), s&rsquo;adresser &agrave; l&rsquo;autre sans &ecirc;tre entendu de lui&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Pam&eacute;la. [&hellip;] Il y a quelques ann&eacute;es &agrave; peine, j&rsquo;&eacute;tais adolescente et je savais qu&rsquo;il y avait quelque chose de miraculeux &agrave; atteindre.</p> <p>C&eacute;sar&eacute;o. Vous me parliez&nbsp;?</p> <p>Pam&eacute;la. Oui.</p> <p>C&eacute;sar&eacute;o. Je n&rsquo;ai pas entendu. (p.&nbsp;51)</p> </blockquote> <p>Il est vrai que Pam&eacute;la vient d&rsquo;&eacute;voquer un pass&eacute; proche mais r&eacute;volu, qu&rsquo;elle prend conscience de la distance parcourue depuis. Or ce pass&eacute; est devenu&nbsp;<em>inaudible</em>, il ne parvient pas &agrave; l&rsquo;oreille de C&eacute;sar&eacute;o.</p> <p>Dans&nbsp;<em>Il faut passer par les nuages</em>, c&rsquo;est m&ecirc;me un revenant des ann&eacute;es 1920 qui exprime, pour Claire seule, leur bonheur d&rsquo;autrefois&nbsp;: &laquo; [&hellip;] nous nous en irons promener notre vieil air de jeunesse &agrave; pas lents, partout o&ugrave; nous aurons r&ecirc;v&eacute; un baiser au bord de la bouche [&hellip;] &raquo; (p.&nbsp;186). On ne peut s&rsquo;&eacute;tonner de retrouver dans les r&eacute;pliques du personnage le d&eacute;cousu constat&eacute; dans celles de C&eacute;sar&eacute;o&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Oh n&rsquo;ayez plus de pudeurs sottes&nbsp;! Il y a la guerre, il y a la guerre, comprenez-vous&nbsp;? Partout&nbsp;! Le monde est ouvert&nbsp;! Aboli le temps qui dure&nbsp;! Mon p&egrave;re est mort hier du c&ocirc;t&eacute; des Ardennes. Et le v&ocirc;tre, o&ugrave; est-il&nbsp;? Vous ne me l&rsquo;avez jamais dit&nbsp;! Je veux faire l&rsquo;amour avec vous. (p.&nbsp;203-204)</p> </blockquote> <p>Des vivants, Claire a elle aussi du mal &agrave; &ecirc;tre entendue&nbsp;: &laquo;&nbsp;[&hellip;] je ne connais autour de moi que des personnes sans oreilles&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;207). Et son acharnement &agrave; tout vendre ne peut d&eacute;guiser ce qu&rsquo;elle ressent&nbsp;: &laquo;&nbsp;Savez-vous que je suis bien seule&nbsp;?&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;251).</p> <p>Dans&nbsp;<em>Le Comportement des &eacute;poux Bredburry</em>, R&eacute;becca tente de son c&ocirc;t&eacute; de pr&eacute;ciser sa difficult&eacute; &agrave; communiquer avec son mari&nbsp;: &laquo;&nbsp;On ne s&rsquo;entend pas. Au d&eacute;but, on cherche en t&acirc;tonnant. On ne dit trop rien. Puis on essaie des phrases, l&rsquo;un et l&rsquo;autre. Puis on s&rsquo;aper&ccedil;oit qu&rsquo;on dit les m&ecirc;mes mots et qu&rsquo;ils ne signifient pas la m&ecirc;me chose&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;24). Elle en est convaincue&nbsp;: &laquo; [&hellip;] personne ne dit rien &agrave; personne.&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;65). Et Jonathan confirme plus tard son impression&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Notre solitude nous devient un peu plus sensible. Nous vieillissons face &agrave; face au lieu de vieillir c&ocirc;te &agrave; c&ocirc;te. Chacun voit dans les yeux de l&rsquo;autre non pas la sottise de l&rsquo;esp&eacute;rance, mais une attente qui n&rsquo;a pas de nom et qui est peut-&ecirc;tre la seule expression de l&rsquo;amour. (p.&nbsp;34-35).</p> </blockquote> <p>Aussi, quand Elsbeth lui d&eacute;clare qu&rsquo;ils &eacute;taient faits pour s&rsquo;aimer elle et lui, il s&rsquo;insurge&nbsp;: &laquo;&nbsp;Non&nbsp;! Non, vous vous trompez, ch&egrave;re amie. Personne n&rsquo;est fait pour quelqu&rsquo;un&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;59).</p> <p>Dans les trois pi&egrave;ces retenues, la relation &agrave; l&rsquo;autre est difficile, douloureuse, tant elle fait mesurer la solitude de chacun.</p> <h2><strong>4. Boire pour redessiner la carte du Tendre</strong><br /> &nbsp;</h2> <p>Bien s&ucirc;r, l&rsquo;effet de l&rsquo;alcool explique partiellement l&rsquo;exaltation fr&eacute;quente de la parole dans&nbsp;<em>Tchin-Tchin</em>, si l&rsquo;on veut conserver &agrave; la pi&egrave;ce une part de r&eacute;alisme. Il peut permettre &agrave; Pam&eacute;la d&rsquo;&ecirc;tre &laquo;&nbsp;sans retenue&nbsp;&raquo;, si elle est &laquo;&nbsp;ivre morte&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;30-31). Il n&rsquo;a pas le pouvoir de rendre heureux, selon C&eacute;sar&eacute;o, seulement celui de mettre en mouvement l&rsquo;int&eacute;riorit&eacute; d&rsquo;un &ecirc;tre&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ce qui compte, c&rsquo;est ce quelque chose que &ccedil;a permet d&rsquo;&eacute;veiller quelquefois par l&agrave;-dedans&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;32). Mais la boisson semble avoir un r&ocirc;le bien plus important encore. Ici, comme le dit C&eacute;sar&eacute;o, on ne boit pas &laquo;&nbsp;pour oublier&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;54), mais &laquo;&nbsp;pour donner des couleurs&nbsp;&raquo;, pour lib&eacute;rer l&rsquo;imaginaire, pour voir la r&eacute;alit&eacute; autrement, la revisiter culturellement&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Et ce soir, par exemple, Mrs Puffy-Picq, je voudrais que vous soyez une n&eacute;gresse, mafflue et toute nue, dans un d&eacute;sert aux broussailles rares, et nous chanterions sous la lune pour conjurer les esprits.&nbsp;&raquo; Cela ne l&rsquo;emp&ecirc;che pas de mesurer les r&eacute;sistances de sa partenaire, &laquo;&nbsp;imp&eacute;rialiste sans empire&nbsp;[&hellip;] refusant les mirages et les oasis. (p.&nbsp;18)</p> </blockquote> <p>Mais c&rsquo;est bien d&rsquo;une qu&ecirc;te int&eacute;rieure qu&rsquo;il s&rsquo;agit &agrave; travers les verres consomm&eacute;s et qui fait &eacute;cho &agrave; la phrase du mage Krishnamurti mise en exergue de la nouvelle &eacute;dition de 1986&nbsp;: &laquo;&nbsp;Tant que l&rsquo;esprit est &agrave; la recherche de sa satisfaction, il n&rsquo;y a pas une grande diff&eacute;rence entre la boisson et Dieu.&nbsp;&raquo;</p> <p>Cette dimension spirituelle prend la forme d&rsquo;un d&eacute;pouillement, d&rsquo;un rituel, o&ugrave; il s&rsquo;agit de se d&eacute;lester d&rsquo;une vie pass&eacute;e, apparemment tr&egrave;s heureuse pour C&eacute;sar&eacute;o et Pam&eacute;la, mais qui semble compromise pour l&rsquo;un et l&rsquo;autre depuis que leurs conjoints sont en couple.</p> <p>Certes, le renoncement n&rsquo;est pas facile, et ce n&rsquo;est pas pour lui que C&eacute;sar&eacute;o et Pam&eacute;la se retrouvent, initialement, mais pour mettre sur pied une strat&eacute;gie, une contre-attaque. Comme le d&eacute;clare Pam&eacute;la&nbsp;: &laquo;&nbsp;Nous avons d&eacute;cid&eacute; de s&eacute;parer votre Marguerite et mon Adrien&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;19). Ils veulent encore y croire, Pam&eacute;la du moins. C&eacute;sar&eacute;o pour sa part para&icirc;t assez vite pr&ecirc;t &agrave; capituler&nbsp;(&laquo;&nbsp;Quelle importance&nbsp;! Si elle ne me pr&eacute;f&egrave;re pas &agrave; n&rsquo;importe quel inconnu&nbsp;!&nbsp;&raquo;), avant de r&ecirc;ver de reconqu&ecirc;te&nbsp;: &laquo;&nbsp;Nous les retirerons de la circulation, nous les isolerons comme des fleurs pr&eacute;cieuses. Marguerite, je l&rsquo;emm&egrave;nerai chez moi, dans mon village, o&ugrave; les femmes sont toutes en deuil d&rsquo;on ne sait quoi, parmi les rochers. Et je l&rsquo;enfermerai&nbsp;!&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;20). Il oscille entre son envie de la reprendre, de &laquo;&nbsp;bramer&nbsp;&raquo; sa peine, son amour pour Marguerite, et son d&eacute;sir de se sacrifier pour le bonheur&nbsp;de sa femme&nbsp;:</p> <blockquote> <p>[&hellip;] dire &agrave; toute une rue que j&rsquo;aime Marguerite&nbsp;! Que je pleure Marguerite, que l&rsquo;on m&rsquo;a prise parce qu&rsquo;une Anglaise pr&eacute;voyante n&rsquo;a pas su retenir son mari dans son lit&nbsp;! Pour dire que je suis tragique et que &ccedil;a ne me va pas du tout, &agrave; moi, pauvre homme&nbsp;! qui aime Marguerite comme le pain, parce que c&rsquo;est bon et n&eacute;cessaire, et que je comprends trop bien que quelqu&rsquo;un d&rsquo;autre aime le pain&nbsp;! (p.&nbsp;20-21)</p> </blockquote> <p>Et&nbsp;: &laquo;&nbsp;Alors, je me dis qu&rsquo;il est bien triste qu&rsquo;une femme aussi belle que Marguerite et un homme aussi glorieux que votre &eacute;poux ne vivent pas ensemble un amour admirable.&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;24).</p> <p>D&egrave;s l&rsquo;observation des photos apport&eacute;es par l&rsquo;un et l&rsquo;autre au d&eacute;but de la pi&egrave;ce, il s&rsquo;&eacute;tait exclam&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Franchement&nbsp;! [&hellip;] Et regardez-les, l&rsquo;un &agrave; c&ocirc;t&eacute; de l&rsquo;autre&nbsp;! Comme ils sont beaux&nbsp;! C&rsquo;est &agrave; pleurer&nbsp;!&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;16). Pam&eacute;la, comme le lecteur ou le spectateur, s&rsquo;en &eacute;tonne&nbsp;: &laquo;&nbsp;&Ecirc;tes-vous en train de dire que nous devons accepter [&hellip;] Et les b&eacute;nir&nbsp;?&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;24) C&eacute;sar&eacute;o confirme son d&eacute;sir &agrave; pr&eacute;sent de &laquo;&nbsp;les laisser libres, oui&nbsp;&raquo;, pour qu&rsquo;ils &laquo;&nbsp;soient capables d&rsquo;un amour &eacute;norme&nbsp;&raquo;&hellip; Une telle g&eacute;n&eacute;rosit&eacute;, un tel don de soi et de ce que l&rsquo;on ch&eacute;rit serait d&eacute;plac&eacute; dans un vaudeville qui fonctionne avec des r&eacute;actions attendues, les passions humaines ordinaires. Billetdoux choisit de toute &eacute;vidence une autre fa&ccedil;on de faire sourire son destinataire.</p> <h2><strong>5.&nbsp;Aimer bien au-del&agrave; du lit</strong><br /> &nbsp;</h2> <p>&Agrave; contrepied du boulevard, l&rsquo;homme et la femme r&eacute;unis dans&nbsp;<em>Tchin-Tchin</em>&nbsp;ne forment pas un couple d&rsquo;amants, au sens o&ugrave; on l&rsquo;entend d&rsquo;ordinaire.</p> <p>D&rsquo;une part, l&rsquo;un et l&rsquo;autre aiment profond&eacute;ment celle et celui qui les ont d&eacute;laiss&eacute;s. La jalousie, si elle peut appara&icirc;tre, reste tr&egrave;s ponctuelle, &eacute;ph&eacute;m&egrave;re, et n&rsquo;est pas suffisante pour que l&rsquo;entreprise de s&eacute;parer les amants aboutisse. Ce sont eux qui l&rsquo;&eacute;prouveront, une fois install&eacute;s dans leur vie de couple (acte IV, sc&egrave;ne 2, p.&nbsp;58). Le plan est vite abandonn&eacute; au profit d&rsquo;une nouvelle relation &agrave; nouer entre Pam&eacute;la et C&eacute;sar&eacute;o.</p> <p>D&rsquo;autre part, ils ne cherchent pas &agrave; profiter de la situation, en se vengeant de leurs conjoints par une autre liaison adult&eacute;rine. Quand ils se retrouvent dans une chambre d&rsquo;h&ocirc;tel de cat&eacute;gorie B (acte III, sc&egrave;ne 2), c&rsquo;est d&rsquo;abord pour faire des &eacute;conomies en consommations, loin du Harry&rsquo;s Bar (p.&nbsp;29) qui avait remplac&eacute; le salon de th&eacute; de leur rencontre&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&eacute;sar&eacute;o. [&hellip;] Savez-vous combien nous avons d&eacute;pens&eacute; dans les caf&eacute;s le mois dernier&nbsp;? J&rsquo;ai fait le calcul&nbsp;!&nbsp;&raquo; (<em>ibid.</em>). En cela, il l&rsquo;affirme, ils reprennent une pratique connue ailleurs qu&rsquo;en France&nbsp;: &laquo;&nbsp;Dans tous les pays civilis&eacute;s, il existe des clubs sp&eacute;cialis&eacute;s o&ugrave; l&rsquo;on peut louer des chambres uniquement pour y boire&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;30). Rien de tr&egrave;s original &agrave; cela, selon lui. Ce d&eacute;calage d&rsquo;emploi de la chambre d&rsquo;h&ocirc;tel ne doit pas &ecirc;tre interpr&eacute;t&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ne faites pas une aventure d&rsquo;un &eacute;v&eacute;nement tout &agrave; fait banal. Buvons et bavardons&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;31). Le fils de Pamela, Bobby, est donc dans l&rsquo;erreur quand il d&eacute;clare &agrave; C&eacute;sar&eacute;o&nbsp;: &laquo; [&hellip;] je ne sais pas ce que vous fricotiez avec elle [&hellip;] &raquo; (p.&nbsp;33). Contresens bien naturel, bien facile. Il se croit dans le th&eacute;&acirc;tre de boulevard et C&eacute;sar&eacute;o doit lui ouvrir les yeux en disant &agrave; Bobby comment il voit sa m&egrave;re&nbsp;: comme une autre Jeanne d&rsquo;Arc&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&rsquo;est exactement le m&ecirc;me genre de personne. Absolue, excessive, militaire&nbsp;! Alors reconnaissez qu&rsquo;on a lieu par moments de se montrer r&eacute;ticent. La grandeur, &agrave; la longue, &ccedil;a fatigue&nbsp;!&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;34). Elle ne peut donc pas &ecirc;tre aim&eacute;e &laquo;&nbsp;comme on doit aimer une femme&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;35)&nbsp;:</p> <blockquote> <p>[&hellip;] c&rsquo;est une personne qui regarde haut, elle, et pour qui l&rsquo;amour n&rsquo;est pas une occupation ni une situation, mais une raison de vivre&nbsp;! Et ce n&rsquo;est pas de la morale, &ccedil;a&nbsp;! Car cet amour-l&agrave; ne vous &eacute;trique pas, ne vous limite pas, mais il vous porte et pas seulement dans un lit, mais plus loin, beaucoup plus loin. (<em>ibid.</em>)</p> </blockquote> <p>Il y a une forme de ressemblance entre C&eacute;sar&eacute;o et Pam&eacute;la, plus &laquo;&nbsp;fr&egrave;re et s&oelig;ur&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;52) qu&rsquo;amants, car on devine que C&eacute;sar&eacute;o parle davantage ici de son amour pour Marguerite, qu&rsquo;on est de nouveau proche du soliloque. De ce fait, quand C&eacute;sar&eacute;o fait sa d&eacute;claration &agrave; Pam&eacute;la, on ne peut la croire vraiment sinc&egrave;re et authentique, non seulement parce qu&rsquo;il est ivre mort et s&rsquo;&eacute;croule sur un lit d&egrave;s qu&rsquo;il l&rsquo;a termin&eacute;e, mais aussi car son lyrisme a la particularit&eacute; de mettre en sc&egrave;ne une forme d&rsquo;abolition du Moi, une dissolution, o&ugrave; l&rsquo;objet aim&eacute; ne compte pas en lui-m&ecirc;me mais pour la fusion avec le monde qu&rsquo;il permet&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Je vous aime&nbsp;! Vous &ecirc;tes monstrueusement belle et vulgaire&nbsp;! Comme une foule dans l&rsquo;all&eacute;gresse des victoires&nbsp;! Je vous aime&nbsp;! Vous &ecirc;tes immense, immens&eacute;ment immense et chaude et bleue comme la M&eacute;diterran&eacute;e. Emportez-moi&nbsp;! Noyez-moi&nbsp;! Respirons, respirons de toute la puissance de cette &eacute;paisseur bleue, toute remu&eacute;e de poissons &eacute;normes et d&rsquo;algues effrayantes&nbsp;! Roulons-nous&nbsp;! [&hellip;] Je vous aime et je vous salue&nbsp;! Et je vous dis que je vous aime, mais ce n&rsquo;est pas moi qui parle&nbsp;! C&rsquo;est le vent&nbsp;! Et vous &ecirc;tes l&rsquo;herbe&nbsp;! Je vous caresse et ce n&rsquo;est pas vous seulement que je caresse, c&rsquo;est la terre&nbsp;! Et ce n&rsquo;est pas nous qui sommes l&agrave;, c&rsquo;est un tourbillon&nbsp;! (p.&nbsp;32)</p> </blockquote> <p>Cette conception po&eacute;tique de l&rsquo;amour n&rsquo;a rien &agrave; voir, on en conviendra, avec l&rsquo;usage qui est fait de ce sentiment dans des &oelig;uvres commerciales et faciles.</p> <h2><strong>6. Un r&eacute;alisme mis &agrave; mal, une fantaisie de langage parfois plus convenue</strong><br /> &nbsp;</h2> <p>En fait, la pi&egrave;ce s&rsquo;&eacute;carte trop du r&eacute;alisme pour s&rsquo;apparenter au boulevard ou au vaudeville.</p> <p>Par le personnage de C&eacute;sar&eacute;o d&eacute;j&agrave;, qui peut d&eacute;clarer &agrave; Pam&eacute;la&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je ne suis pas fait pour ce monde-l&agrave;&nbsp;! Je ne suis pas r&eacute;aliste, moi. Je suis b&ecirc;te, b&ecirc;te.&nbsp;&raquo; Il lui &eacute;voque ses enthousiasmes d&rsquo;enfant &agrave; l&rsquo;annonce d&rsquo;une nouvelle naissance&nbsp;(&laquo;&nbsp;Et moi, je me roulais par terre&nbsp;!&nbsp;&raquo;), son besoin de &laquo;&nbsp;vivre passionn&eacute;ment&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;28). De Marguerite, il peut dire&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je la voulais heureuse et d&eacute;bordante comme je veux le monde br&ucirc;lant autour de moi&nbsp;!&nbsp;&raquo; (<em>ibid.</em>). Sa vie, il pr&eacute;f&egrave;re la r&ecirc;ver quand elle ne r&eacute;pond pas &agrave; ses attentes, ce que lui reproche Pam&eacute;la&nbsp;: &laquo;&nbsp;Vous r&ecirc;vez, vous r&ecirc;vez, vous r&ecirc;vez&nbsp;! Vous passez votre temps &agrave; r&ecirc;ver au lieu d&rsquo;agir&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;23). Il est &agrave; des lieues de l&rsquo;homme qu&rsquo;elle esp&eacute;rait trouver en lui&nbsp;: &laquo; [&hellip;] vous devez vous battre pour d&eacute;fendre ce que vous aimez [&hellip;] Votre affaire est de vous montrer &agrave; la hauteur de ce que vous &ecirc;tes, pour r&eacute;duire votre adversaire sur un terrain qu&rsquo;il n&rsquo;a pas choisi&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;22). Ses accusations &agrave; son &eacute;gard s&rsquo;&eacute;cartent elles aussi des propos attendus dans un tel cas&nbsp;: &laquo;&nbsp;Vous, vous &ecirc;tes faible, vous &ecirc;tes complaisant, vous &ecirc;tes chanteur, vous &ecirc;tes ch&egrave;vre et chou, gris&nbsp;!&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;46).</p> <p>La langue, une nouvelle fois, d&eacute;tone avec fantaisie, soucieuse de sa sonorit&eacute; (&laquo;&nbsp;ch&egrave;vre et chou&nbsp;&raquo;), de sa libert&eacute; po&eacute;tique, sans souci de sa vraisemblance. Cette libert&eacute; se manifeste pleinement quand C&eacute;sar&eacute;o d&eacute;cline les diverses fa&ccedil;ons de dire &laquo;&nbsp;boire un verre&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;49-50), rappelant au passage le go&ucirc;t de Billetdoux pour le parler populaire, r&eacute;gional, paysan (&laquo;&nbsp;chopinons&nbsp;&raquo;). Sa longue r&eacute;plique prend l&rsquo;allure d&rsquo;un petit cours sur la langue fran&ccedil;aise, ses niveaux de langue, son histoire, sa conjugaison. On le voit recourir au dictionnaire pour constater son insuffisance&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il n&rsquo;y a rien dans le dictionnaire. Des mots&nbsp;! Des mots&nbsp;! Des mots&nbsp;! Il faut dire&nbsp;: &ldquo;&Agrave; boire&nbsp;!&rdquo; Il faut dire &ldquo;Je br&ucirc;le&rdquo;, il faut dire &ldquo;Hop&rdquo;, n&rsquo;importe quoi&nbsp;!&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;50). Il avait pr&eacute;c&eacute;demment cherch&eacute; en vain le juste mot pour d&eacute;finir Pam&eacute;la avant de capituler&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il y a trop de mots dans ce dictionnaire&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;46).</p> <p>Cette interrogation explicite sur la langue, on la retrouve plus discr&egrave;tement dans&nbsp;<em>Il faut passer par les nuages</em>&nbsp;quand Verduret se reprend, apr&egrave;s son emploi troublant d&rsquo;un verbe&nbsp;: &laquo;&nbsp;Lorsque tu m&rsquo;as engag&eacute;, je veux dire&nbsp;: quand nous nous sommes &eacute;pous&eacute;s&hellip; En anglais, c&rsquo;est en anglais, il me semble, que l&rsquo;on utilise le verbe &laquo;&nbsp;engager&nbsp;&raquo; pour l&rsquo;autre [&hellip;] &raquo; (p.&nbsp;205).</p> <p>La d&eacute;marche de Bobby vers C&eacute;sar&eacute;o, dans&nbsp;<em>Tchin-Tchin</em>, est elle aussi &eacute;loign&eacute;e de tout r&eacute;alisme, quand il vient le trouver parce que depuis un mois Pam&eacute;la &laquo;&nbsp;reste enferm&eacute;e toute la journ&eacute;e et a [&hellip;] abandonn&eacute; toutes ses activit&eacute;s [&hellip;] ne s&rsquo;occupe m&ecirc;me plus de la maison, des repas ni de rien et [&hellip;] a mis la bonne &agrave; la porte&nbsp;&raquo;, tout cela, sans doute, pour se saouler (p.&nbsp;33). Le voil&agrave; donc qui, pour sauver sa m&egrave;re et parce qu&rsquo;il n&rsquo;aime pas les ennuis, vient l&rsquo;offrir &agrave; C&eacute;sar&eacute;o&nbsp;: &laquo;&nbsp;&Agrave; mon avis, vous l&rsquo;&eacute;pouseriez, vous ne feriez pas une mauvaise affaire et moi, &ccedil;a ne me d&eacute;rangerait pas. En ce moment, elle est un peu remu&eacute;e, mais c&rsquo;est une femme pas mal&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;35). Billetdoux installe ses pi&egrave;ces dans un univers de fantaisie o&ugrave; l&rsquo;improbable peut sans cesse se produire. Cette fantaisie se traduit aussi par un humour tr&egrave;s fr&eacute;quent, qui concerne les situations comme celle que nous venons d&rsquo;&eacute;voquer, mais aussi le langage lui-m&ecirc;me, des r&eacute;parties surprenantes ou des propos paradoxaux. C&eacute;sar&eacute;o apprenant de Bobby que son p&egrave;re va se remarier, lui r&eacute;plique&nbsp;: &laquo;&nbsp;Eh oui&nbsp;! un homme mari&eacute; n&rsquo;est pas fait pour vivre seul&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;34).</p> <p>Quand Pam&eacute;la et lui d&eacute;cident de s&rsquo;enfermer ensemble, C&eacute;sar&eacute;o se pr&eacute;sente comme &laquo;&nbsp;un homme faible qui sait ce qu&rsquo;il veut&hellip;&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;37).</p> <p>On trouvera encore de ces notations plaisantes dans&nbsp;<em>Il faut passer par les nuages</em>, dans la bouche de Verduret&nbsp;: &laquo;&nbsp;Si vous avez un temp&eacute;rament d&rsquo;intellectuel, n&rsquo;&eacute;pousez jamais une veuve&nbsp;!&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;180), ou dans celle de Paupiette parlant de lui&nbsp;: &laquo;&nbsp;Si ton beau-p&egrave;re avait du caract&egrave;re au lieu d&rsquo;avoir des id&eacute;es&hellip;&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;181-182). Mais c&rsquo;est Claire qui l&rsquo;emporte dans ce domaine aussi, lorsqu&rsquo;elle &eacute;voque son mari&nbsp;: &laquo; [&hellip;] mon pauvre Verduret le soir feuillette quelque ouvrage ingrat, oubliant qu&rsquo;il peut encore effeuiller la marguerite [&hellip;] &raquo; (p.&nbsp;203).</p> <p>Un comique des &eacute;vidences se manifeste dans&nbsp;<em>Le Comportement des &eacute;poux Bredburry</em>, dans la bouche de l&rsquo;inspecteur Coockle&nbsp;: &laquo;&nbsp;Si vous n&rsquo;avez rien &agrave; me cacher, ne cherchez pas &agrave; me cacher quelque chose, car je m&rsquo;en apercevrais&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;17)&nbsp;; &laquo;&nbsp;Parce qu&rsquo;il y a des situations inadmissibles&nbsp;; je ne les admettrai pas&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;18). On y d&eacute;couvre aussi des encha&icirc;nements d&eacute;routants&nbsp;dans les propos de R&eacute;becca&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&rsquo;est ce jour-l&agrave; qu&rsquo;il a d&eacute;moli la porte du garage &agrave; coups de hache. Nous avons v&eacute;cu de bons moments tous les deux.&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;23).</p> <p>Il y a dans ces usages humoristiques du langage une forme de pr&eacute;ciosit&eacute; qui n&rsquo;est pas sans faire penser &agrave; Jean Giraudoux. Toutefois, l&rsquo;usage qui est fait du langage, quand il devient moins po&eacute;tique, moins lyrique, plus soucieux de la phrase qui fait mouche, qui rappelle le &laquo;&nbsp;clou&nbsp;&raquo; cher aux auteurs de vaudeville, peut permettre de mieux comprendre pourquoi Billetdoux a pu &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute; comme un auteur de boulevard. Il y a bien, ponctuellement, dans ses &oelig;uvres, cet &eacute;change de bons mots caract&eacute;ristique du genre. Il n&rsquo;autorise pas pour autant une appellation qui demeure abusive, et ce point commun est sans doute lui aussi illusoire. Ne faut-il pas y voir plut&ocirc;t, de la part de Billetdoux, un simple clin d&rsquo;&oelig;il &agrave; un th&eacute;&acirc;tre qui n&rsquo;est pas le sien, et accorder plus de cr&eacute;dit &agrave; sa propre d&eacute;claration&nbsp;: &laquo;&nbsp;[&hellip;] tenter d&rsquo;accommoder luxueusement et abruptement quelques formes traditionnelles du spectacle aux nouvelles mani&egrave;res de saisir le temps qui passe &raquo; (Lettre &agrave; Jean-Louis Barrault, 16 mars 1963)&nbsp;?</p> <h2><strong>7.&nbsp;Repartir &agrave; z&eacute;ro</strong><br /> &nbsp;</h2> <p>L&rsquo;enfermement ensemble que choisissent C&eacute;sar&eacute;o et Pam&eacute;la &agrave; la fin de l&rsquo;acte II de&nbsp;<em>Tchin-Tchin&nbsp;</em>n&rsquo;est qu&rsquo;une &eacute;tape dans le d&eacute;pouillement qu&rsquo;ils ont entrepris et qui s&rsquo;accomplira pleinement &agrave; l&rsquo;acte III. Jean-Marie Lh&ocirc;te le dit &laquo;&nbsp;fond&eacute; sur les r&egrave;gles franciscaines, o&ugrave; r&egrave;gne la volont&eacute; de d&eacute;pouillement, ce principe de pauvret&eacute;, le premier des&nbsp;<em>B&eacute;atitudes&nbsp;</em><a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>&nbsp;&raquo;. C&eacute;sar&eacute;o se met ensuite &agrave; &eacute;crire quotidiennement &agrave; Marguerite pour l&rsquo;accabler de reproches et l&rsquo;injurier, avant de s&rsquo;en lasser avec brutalit&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;On ne parle pas &agrave; un volatile, on le consomme&nbsp;!&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;43). Il rompt les ponts par le m&ecirc;me moyen avec ses fr&egrave;res et s&oelig;urs et d&eacute;cide de ne plus leur donner un sou. Il remet la direction de son entreprise &laquo;&nbsp;au comit&eacute; ouvrier qui assurera le partage des b&eacute;n&eacute;fices&nbsp;&raquo; (<em>ibid.</em>). Quant &agrave; la &laquo;&nbsp;totalit&eacute; de (ses) parts d&rsquo;actionnaire&nbsp;&raquo;, il la place entre les mains de son ancienne femme de m&eacute;nage. Le personnel de son entreprise est licenci&eacute;, le bilan d&eacute;pos&eacute;, et le capital est revers&eacute; &agrave; un organisme philanthropique. Le voil&agrave; ruin&eacute;, &laquo;&nbsp;quinze ann&eacute;es d&rsquo;efforts &eacute;limin&eacute;s en quelques mots&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;44). On est loin d&eacute;j&agrave; de celui qui voulait s&rsquo;efforcer &laquo;&nbsp;de gagner beaucoup d&rsquo;argent pour &ecirc;tre prot&eacute;g&eacute; de tout&nbsp;&raquo;, qui se r&ecirc;vait &laquo;&nbsp;hygi&eacute;nique et capitonn&eacute;&raquo; (p.&nbsp;28)&nbsp;! Pam&eacute;la et lui ont fait le vide autour d&rsquo;eux, la rupture avec la soci&eacute;t&eacute; est g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;e&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Oui, qui nous reste&nbsp;? Nous avons injuri&eacute; les voisins, le concierge, votre &eacute;poux, mon &eacute;pouse, mes beaux-parents, mes fr&egrave;res et s&oelig;urs, le pasteur anglican, mon cur&eacute;, mon adjoint, mon ancien capitaine, le commissaire du quartier &ndash;&nbsp;anonymement, mais quoi&nbsp;!&nbsp;&ndash;, quelques amis familiers et nos relations les plus hupp&eacute;es. Bon. Qui nous reste&nbsp;? (p.&nbsp;45)</p> </blockquote> <p>Ce progressif d&eacute;pouillement de tout se retrouve dans&nbsp;<em>Il faut passer par les nuages</em>. Le titre de la pi&egrave;ce est en lui-m&ecirc;me significatif. Emprunt&eacute; &agrave; Joubert, il sugg&egrave;re une forme d&rsquo;&eacute;preuve n&eacute;cessaire, salutaire&nbsp;: &laquo;&nbsp;Pour arriver aux r&eacute;gions de lumi&egrave;re, il faut passer par les nuages. Les uns s&rsquo;arr&ecirc;tent l&agrave;&nbsp;; mais d&rsquo;autres savent passer outre&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;169). D&egrave;s la s&eacute;quence 15 du premier &laquo;&nbsp;mouvement&nbsp;&raquo;, Ma&icirc;tre Couillard l&rsquo;annonce sans le savoir, en s&rsquo;adressant &agrave; Claire &laquo;&nbsp;dans le priv&eacute; de (sa) t&ecirc;te&nbsp;&raquo;&nbsp;:</p> <blockquote> <p>[&hellip;] vous aimez gagner, vous savez perdre, vos victoires vous ennuient, vos d&eacute;faites vous profitent [&hellip;] les affaires de ma petite Madame se portent beaucoup trop bien [&hellip;] nous sommes trop riches [&hellip;] nous ne pouvons plus que perdre beaucoup d&rsquo;argent [&hellip;] Il faut reconvertir, oui, ch&egrave;re Madame. Nous devons tout reconsid&eacute;rer &agrave; z&eacute;ro, sacrifier la routine [&hellip;] Peau neuve&nbsp;! Peau neuve&nbsp;! Il n&rsquo;y a pas d&rsquo;autre solution. (p.&nbsp;200-201)</p> </blockquote> <p>Et c&rsquo;est &agrave; lui, tout naturellement, que Claire confie d&egrave;s le d&eacute;but du deuxi&egrave;me mouvement la &laquo;&nbsp;reconversion&nbsp;&raquo; de ses biens au profit de son mari et de ses fils, &agrave; savoir ses &laquo;&nbsp;quatre volont&eacute;s [&hellip;] testamentaires&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je vous prie simplement d&rsquo;&eacute;tudier la fa&ccedil;on la plus avantageuse de leur c&eacute;der la plupart des actions, titres de propri&eacute;t&eacute;s ou autres qui d&eacute;pendaient jusqu&rsquo;alors de ma disposition exclusive&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;214). Renoncer &agrave; sa fortune se veut ici un acte pleinement g&eacute;n&eacute;reux et lib&eacute;rateur &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de sa famille. Claire veut aider ses proches &agrave; se &laquo;&nbsp;d&eacute;coconner&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;246) de son influence, en faisant en particulier que Jeannot devienne Jean (p.&nbsp;268-269)&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je voudrais que chacun d&rsquo;eux soit assur&eacute; des moyens d&rsquo;accomplir son r&ecirc;ve profond&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;215)&nbsp;; &laquo;&nbsp;Je veux faire cadeau &agrave; mon fils de quelques raisons de se battre&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;245). Couillard, en &laquo;&nbsp;comptable de ses biens&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;235), ne pourra que d&eacute;sapprouver en vain ce &laquo;&nbsp;confusionnisme sentimental&nbsp;&raquo; conduisant &agrave; &laquo;&nbsp;jeter l&rsquo;&eacute;ponge, se lancer dans l&rsquo;improvisation et saborder son navire&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;228)&nbsp;: il est hors-jeu, &laquo;&nbsp;il confond l&rsquo;argent et l&rsquo;amour&nbsp;&raquo; comme le dit Claire (p.&nbsp;241). Quand il fait le bilan des ventes effectu&eacute;es, Claire l&rsquo;encourage &agrave; poursuivre &laquo;&nbsp;la chanson de ce qui reste &agrave; vendre&raquo; (p.&nbsp;244)&nbsp;: &laquo;&nbsp;Oui, oui, oui, liquidons.&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;243).</p> <p>Mais ce d&eacute;pouillement, l&agrave; encore, est une fa&ccedil;on de retrouver une identit&eacute;, de s&rsquo;appauvrir pour se conna&icirc;tre, s&rsquo;&eacute;lever&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Je transforme des murs en argent, de la terre en papier-monnaie, je n&rsquo;enl&egrave;ve rien &agrave; personne, &agrave; qui suis-je en train de sucer le sang&nbsp;? Ce que j&rsquo;ai fait, je le d&eacute;fais, o&ugrave; est le mal&nbsp;? Au nom de quoi m&rsquo;accusez-vous&nbsp;? C&rsquo;est moi qui me d&eacute;poss&egrave;de. Laissez-moi donc au bout du compte prendre des ailes comme il me pla&icirc;t. Une personne de mon &acirc;ge a bien le droit de s&rsquo;envoler. (p.&nbsp;250)</p> </blockquote> <p>L&rsquo;abb&eacute; Mamiran ne s&rsquo;y trompe pas quand il confie &agrave; Dieu qu&rsquo;il croit que &laquo;&nbsp;cette femme est tent&eacute;e par la saintet&eacute;&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;253-254). Ni Lucas quand il la voit essayer &laquo;&nbsp;de transformer le bordel en reposoir&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;254). Elle ne se veut rien d&rsquo;autre &laquo;&nbsp;qu&rsquo;une pauvresse&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;258) et deviendra &agrave; la fin de l&rsquo;&oelig;uvre une nouvelle &laquo;&nbsp;madone &agrave; l&rsquo;enfant&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;295).</p> <p>Pour Pam&eacute;la et C&eacute;sar&eacute;o, une fois la page de leurs vies pass&eacute;es tourn&eacute;e, la relation avec Bobby compte encore. Mais celui-ci veut partir, et son d&eacute;part serait pour Pam&eacute;la le signe d&rsquo;un complet &eacute;chec&nbsp;:</p> <blockquote> <p>J&rsquo;ai sacrifi&eacute; mon &eacute;poux, ma vie de femme, les ann&eacute;es, ma fureur&nbsp;; les promesses de ma jeunesse, je ne les ai pas tenues, &agrave; cause de lui. Je lui ai donn&eacute; raison contre tout et contre moi-m&ecirc;me, il est encore accroch&eacute; l&agrave;, et aujourd&rsquo;hui il me juge et il s&rsquo;en va&nbsp;! Je ne veux pas qu&rsquo;il s&rsquo;en aille&nbsp;! (p.&nbsp;38)</p> </blockquote> <p>Ce sentiment d&rsquo;&eacute;chec se retrouvera chez Claire dans&nbsp;<em>Il faut passer par les nuages</em>&nbsp;: &laquo;&nbsp;Monsieur l&rsquo;abb&eacute;, je n&rsquo;ai rien su faire de ma vie.&nbsp;J&rsquo;ai couru, sans savoir au juste apr&egrave;s quoi, b&acirc;tissant des murs et des murs, &eacute;tendant toujours mes domaines&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;207). &laquo;&nbsp;[&hellip;] je n&rsquo;ai pas fait ce que je dois pour moi-m&ecirc;me ni pour quiconque [&hellip;]&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;208). Et sa lucidit&eacute; annonce celle, plus tardive, de Pam&eacute;la&nbsp;: &laquo;&nbsp;[&hellip;] mon p&egrave;re, je n&rsquo;ai jamais aim&eacute;. Il me faut tout recommencer ou bien peut-&ecirc;tre dispara&icirc;tre. Ce soir j&rsquo;ai d&eacute;sir de crier.&nbsp;[&hellip;] Je voudrais devenir absente [&hellip;]&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;209).</p> <p>Dans&nbsp;<em>Tchin-Tchin</em>, Bobby se retrouve un temps enferm&eacute; dans un placard (on veut l&rsquo;emp&ecirc;cher de quitter le foyer)&nbsp;: c&rsquo;est un fils, non un amant, qui s&rsquo;y cache &agrave; pr&eacute;sent. Mais cette d&eacute;tention ne peut emp&ecirc;cher son d&eacute;part, d&egrave;s que C&eacute;sar&eacute;o le lib&egrave;re (p.&nbsp;48-49). Il reviendra n&eacute;anmoins pour emprisonner sa m&egrave;re &agrave; son tour, l&rsquo;emp&ecirc;cher de revoir C&eacute;sar&eacute;o, avec aussi peu de succ&egrave;s&nbsp;: ils se retrouvent tous les deux pour vivre dans la rue. Et quand Bobby sera chass&eacute; de chez son p&egrave;re pour avoir couch&eacute; avec Marguerite, quand il sera trouv&eacute; ivre mort sur les quais par sa m&egrave;re et C&eacute;sar&eacute;o, c&rsquo;est sa m&egrave;re qui lui fera les poches et lui d&eacute;robera son portefeuille&nbsp;: il n&rsquo;est plus alors son enfant, mais un gamin qui a r&eacute;ussi.</p> <p>Ce d&eacute;tachement total du lien maternel &eacute;tait annonc&eacute; par Pam&eacute;la &agrave; l&rsquo;acte pr&eacute;c&eacute;dent&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je n&rsquo;aime pas Bobby. Je ne t&rsquo;aime pas, Bobby&nbsp;! Je ne suis pas capable d&rsquo;&ecirc;tre enti&egrave;rement occup&eacute;e de Bobby comme je l&rsquo;ai &eacute;t&eacute;.&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;46). Moins lucide sur elle-m&ecirc;me et ses sentiments, le personnage avait encore des exigences quand il mena&ccedil;ait de la quitter&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il doit ob&eacute;issance &agrave; sa m&egrave;re&nbsp;! Gratitude&nbsp;! Amour&nbsp;! Il doit la vie &agrave; sa m&egrave;re&nbsp;! On ne renie pas sa propre source&nbsp;!&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;38). Elle ne mesurait pas alors qu&rsquo;elle ne parlait que d&rsquo;elle-m&ecirc;me, de la &laquo;&nbsp;m&egrave;re douloureuse&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;39) dont elle se voulait l&rsquo;image &agrave; tout prix, au d&eacute;triment de son propre enfant.</p> <p>Si Bobby a voulu se lib&eacute;rer de sa m&egrave;re, c&rsquo;est elle en fait qui consomme la rupture en en faisant un &eacute;tranger &agrave; sa vie, en mettant &agrave; nu son &eacute;go&iuml;sme. Tout comme le fera Claire Verduret-Balade dans&nbsp;<em>Il faut passer par les nuages</em>, quand elle parviendra &agrave; &laquo;&nbsp;se d&eacute;gager de ses petits&nbsp;&raquo; et qu&rsquo;ils iront &laquo;&nbsp;s&rsquo;affronter au monde librement&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;173).</p> <p>Un certain pessimisme sur la vie et les relations humaines finit parfois par dominer, bien illustr&eacute; par cet &eacute;change entre Jonathan et Elsbeth dans&nbsp;<em>Le Comportement des &eacute;poux Bredburry</em>&nbsp;: &laquo;&nbsp;Elsbeth. Comment vit-on alors&nbsp;? En se s&eacute;parant de ceux qu&rsquo;on aime&nbsp;? Jonathan. Oui, madame. En se s&eacute;parant de ceux qu&rsquo;on aime&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;59).</p> <p>Au dernier acte de&nbsp;<em>Tchin-Tchin</em>, r&eacute;duits &agrave; l&rsquo;&eacute;tat de clochards, pass&eacute;s du vouvoiement au tutoiement, C&eacute;sar&eacute;o et Pam&eacute;la reviennent dans le quartier des Halles qu&rsquo;ils avaient fr&eacute;quent&eacute; quand ils avaient nou&eacute; connaissance, ou errent sur les quais en bord de Seine. Leur vie pourrait s&rsquo;arr&ecirc;ter l&agrave;, mais ils font au contraire des projets de d&eacute;part, sans savoir leur destination pr&eacute;cise&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&eacute;sar&eacute;o. Demain, on prend la route, Pam&eacute;la. Par la porte d&rsquo;Italie&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;61). Et l&rsquo;on ne peut &ecirc;tre surpris qu&rsquo;&agrave; la question &laquo;&nbsp;O&ugrave; on va&nbsp;?&nbsp;&raquo; de Pam&eacute;la, C&eacute;sar&eacute;o r&eacute;ponde tout &agrave; la fin de la pi&egrave;ce&nbsp;: &laquo;&nbsp;O&ugrave; on veut&nbsp;&raquo; (<em>ibid.</em>). Ils r&eacute;alisent ainsi le projet formul&eacute; l&rsquo;&eacute;t&eacute; pr&eacute;c&eacute;dent par Pam&eacute;la&nbsp;: &laquo;&nbsp;Vendons tout ce qui peut se vendre ici et partons. Nous rencontrerons peut-&ecirc;tre des gens agr&eacute;ables&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;52). Une perspective s&rsquo;ouvre alors pour eux, comme pour Jonathan et R&eacute;becca &agrave; la fin du&nbsp;<em>Comportement des &eacute;poux Bredburry</em>. On les quitte alors qu&rsquo;ils se sont retrouv&eacute;s et sont partis &laquo;&nbsp;voir tomber le soleil&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;81). Quant &agrave; Claire, elle semble bien avoir travers&eacute; les nuages en conservant Pitou pr&egrave;s d&rsquo;elle, en le sauvant de la pension o&ugrave; les autres voulaient le placer&hellip;</p> <hr /> <p>Que reste-t-il du boulevard, du vaudeville, apr&egrave;s notre exploration&nbsp;?</p> <p>Bien s&ucirc;r, les pi&egrave;ces &eacute;tudi&eacute;es en ont vaguement l&rsquo;apparence&nbsp;: les signes d&rsquo;un univers bourgeois, dans le statut initial des personnages, dans leur cadre de vie &ndash;&nbsp;m&ecirc;me s&rsquo;il ne se r&eacute;duit pas &agrave; un salon aux portes qui claquent&nbsp;&ndash;, une relation de couple souvent compliqu&eacute;e, un adult&egrave;re parfois au lointain, des r&eacute;parties vives et brillantes propices &agrave; s&eacute;duire l&rsquo;oreille&hellip;</p> <p>Mais les personnages, comme on a pu le voir, n&rsquo;ont rien de fantoches interchangeables, sans &eacute;paisseur psychologique, au simple service du mouvement comique. Rien de ces figures color&eacute;es et sommaires, propices &agrave; d&eacute;clencher le rire par leur na&iuml;vet&eacute; ou leur stupidit&eacute;. L&rsquo;intrigue ne comporte pas non plus ces rebondissements convenus, avec d&eacute;couverte de celui qui se cachait, confusion sur son identit&eacute;, courses-poursuites, qui ont fait la saveur du th&eacute;&acirc;tre de boulevard.</p> <p>De toute &eacute;vidence, l&rsquo;essentiel ici est ailleurs&nbsp;: dans un rituel qui se met en place &agrave; l&rsquo;&eacute;cart de tout r&eacute;alisme v&eacute;ritable, une m&eacute;canique non des chass&eacute;s-crois&eacute;s et des quiproquos, mais celle, bien plus originale, d&rsquo;une relation en plusieurs saisons, o&ugrave; chacun cherche, gr&acirc;ce &agrave; l&rsquo;autre, &agrave; devenir lui-m&ecirc;me, et cela en d&eacute;pit d&rsquo;une communication complexe, menac&eacute;e en permanence de renforcer les solitudes&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>.</p> <p><em>Tchin-Tchin</em>&nbsp;plus de cinquante ans apr&egrave;s sa cr&eacute;ation, continue &agrave; nous surprendre, &agrave; nous d&eacute;router, &agrave; nous d&eacute;ranger. C&rsquo;est bien le signe de sa vitalit&eacute;. Certes, la pi&egrave;ce ne s&rsquo;inscrit pas dans la radicalit&eacute; du th&eacute;&acirc;tre de l&rsquo;absurde, mais elle questionne &eacute;galement les rapports humains, les zones d&rsquo;ombre de l&rsquo;individu (&laquo;&nbsp;en moi-m&ecirc;me il fait noir et triste&nbsp;&raquo; dit C&eacute;sar&eacute;o, p.&nbsp;18). Elle le fait par le biais d&rsquo;une com&eacute;die insolite teint&eacute;e d&rsquo;amertume, de noirceur, qui montre &agrave; la fois les limites et les pesanteurs des conventions sociales, tout en laissant deviner qu&rsquo;on peut s&rsquo;en lib&eacute;rer, en sacrifiant les futilit&eacute;s mat&eacute;rielles et en prenant la route de l&rsquo;aventure&hellip;</p> <h3><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h3> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a>&nbsp;Brigitte Brunet,&nbsp;<em>Le th&eacute;&acirc;tre de Boulevard</em>, Paris, Nathan Universit&eacute;, &laquo;&nbsp;Lettres sup.&nbsp;&raquo;, 2004, p.&nbsp;102.</p> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a>&nbsp;Michel Corvin,&nbsp;<em>Le Th&eacute;&acirc;tre de boulevard</em>, Paris, PUF, &laquo;&nbsp;Que sais-je&nbsp;?&nbsp;&raquo;, 1989, p.&nbsp;63.</p> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;42.</p> <p><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a>&nbsp;Philippe Soupault,&nbsp;<em>Eug&egrave;ne Labiche</em>, Paris, Mercure de France, 1964.</p> <p><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a>&nbsp;Henri Gidel,&nbsp;<em>Le Vaudeville</em>, Paris, PUF, &laquo;&nbsp;Que sais-je&nbsp;?&nbsp;&raquo;, 1986, p.&nbsp;64.</p> <p><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a>&nbsp;Henri Gidel,&nbsp;<em>Le Vaudeville</em>,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;64.</p> <p><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em></p> <p><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a>&nbsp;<em>Id</em>., p.&nbsp;87.</p> <p><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a>&nbsp;B.&nbsp;Brunet,&nbsp;<em>Le th&eacute;&acirc;tre de Boulevard</em>,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;113.</p> <p><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a>&nbsp;<em>Id</em>., p.&nbsp;116.</p> <p><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a>&nbsp;Michel Corvin,&nbsp;<em>Le Th&eacute;&acirc;tre de boulevard</em>,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;43. On a pu aussi parler d&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;hennequinade&nbsp;&raquo;, en r&eacute;f&eacute;rence au vaudevilliste Alfred Hennequin (1842-1887) pour d&eacute;signer &laquo;&nbsp;toute pi&egrave;ce o&ugrave; les portes jouent un r&ocirc;le important&nbsp;&raquo; (Henri Gidel,&nbsp;<em>Le Vaudeville</em>,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;118).</p> <p><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a>&nbsp;B.&nbsp;Brunet,&nbsp;<em>Le th&eacute;&acirc;tre de Boulevard</em>,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;120.</p> <p><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a>&nbsp;M.&nbsp;Corvin,&nbsp;<em>Le Th&eacute;&acirc;tre de boulevard</em>,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>,, p.&nbsp;46.</p> <p><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a>&nbsp;B.&nbsp;Brunet,&nbsp;<em>Le th&eacute;&acirc;tre de Boulevard</em>,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;123.</p> <p><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a>&nbsp;Fran&ccedil;ois Billetdoux,&nbsp;<em>Tchin-Tchin</em>, Arles, Actes Sud-Papiers, (1986), 1998, p.&nbsp;7. C&rsquo;est le cas de toutes les pi&egrave;ces de Billetdoux qui &laquo;&nbsp;essaye toujours d&rsquo;&eacute;crire au plus pr&egrave;s de &ldquo;l&rsquo;esprit du temps&rdquo;, afin de tenter de le comprendre en profondeur en cherchant &agrave; lui trouver, sinon &agrave; lui donner, un sens&nbsp;&raquo; (Jean-Marie Lh&ocirc;te,&nbsp;<em>Mise en jeu Fran&ccedil;ois Billetdoux</em>, Arles, Actes Sud-Papiers, 1988, p.&nbsp;80).</p> <p><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a>&nbsp;&Eacute;voqu&eacute;es en I, 1, p.&nbsp;17.</p> <p><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a>&nbsp;&Eacute;voqu&eacute;es p.&nbsp;17 et p.&nbsp;59.</p> <p><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a>&nbsp;F. Billetdoux,&nbsp;<em>Tchin-Tchin</em>,<em>&nbsp;op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;7. D&eacute;sormais toutes les r&eacute;f&eacute;rences &agrave; cette &eacute;dition se feront&nbsp;<em>in texto</em>.</p> <p><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a>&nbsp;F. Billetdoux,&nbsp;<em>Il faut passer par les nuages</em>, in&nbsp;<em>Th&eacute;&acirc;tre</em>, Paris, La Table Ronde, 1964, vol. 2, p.&nbsp;172. D&eacute;sormais toutes les r&eacute;f&eacute;rences &agrave; cette &eacute;dition se feront&nbsp;<em>in texto</em>. La pi&egrave;ce a &eacute;t&eacute; r&eacute;&eacute;dit&eacute;e chez Actes Sud-Papiers en 1987, et r&eacute;imprim&eacute;e cette ann&eacute;e (2015).</p> <p><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a>&nbsp;F. Billetdoux,&nbsp;<em>Le Comportement des &eacute;poux Bredburry</em>, Arles, Actes Sud-Papiers, 1991, p.&nbsp;24. D&eacute;sormais toutes les r&eacute;f&eacute;rences &agrave; cette &eacute;dition se feront&nbsp;<em>in texto</em>.</p> <p><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a>&nbsp;<em>L&rsquo;Avant-Sc&egrave;ne</em>, n&deg; 193, 15 mars 1959, p.&nbsp;24, pour cet article de presse et les suivants.</p> <p><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a>&nbsp;&ldquo;Color&rdquo;, in&nbsp;<em>The Golden Book of Poetry</em>, New York, Simon and Schuster, 1947.</p> <p><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a>&nbsp;&laquo; [&hellip;] le monologue peut raconter bien des choses, tandis que le soliloque est un entretien avec soi-m&ecirc;me&nbsp;&raquo; (<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;64). On sait la place que les monologues occupent par ailleurs dans son &oelig;uvre radiophonique ou th&eacute;&acirc;trale&hellip;</p> <p><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;Pam&eacute;la. [&hellip;] quand votre verre est aux trois quarts plein [&hellip;] et que vous n&rsquo;avez pas soif, comment en venez-vous &agrave; le prendre et &agrave; le vider&nbsp;? / C&eacute;sar&eacute;o. Par vertige&nbsp;&raquo; (<em>Tchin-Tchin</em>,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;25).</p> <p><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a>&nbsp;Voir aussi&nbsp;<em>Il faut passer par les nuages</em>,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;254 et p.&nbsp;256.</p> <p><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a>&nbsp;Jean-Marie Lh&ocirc;te,&nbsp;<em>Mise en jeu Fran&ccedil;ois Billetdoux</em>,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;90.</p> <p><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a>&nbsp;Sans qu&rsquo;il soit question d&rsquo;y renoncer, le but restant d&rsquo;aller au-del&agrave; de la solitude&hellip; Voir J.-M. Lh&ocirc;te,&nbsp;<em>Mise en jeu Fran&ccedil;ois Billetdoux</em>,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;166.</p> <h3><br /> Corpus</h3> <p>BILLETDOUX Fran&ccedil;ois,&nbsp;<em>Tchin-Tchin</em>, Arles, Actes Sud-Papiers, 1998. Paru initialement dans&nbsp;<em>Th&eacute;&acirc;tre 1</em>, Paris, La Table Ronde, 1959.</p> <p><em>‒ Le Comportement des &eacute;poux Bredburry</em>&nbsp;(1961), Paris, Actes Sud-Papiers, 1991.</p> <p>‒&nbsp;<em>Il faut passer par les nuages</em>, in&nbsp;<em>Th&eacute;&acirc;tre 2</em>, Paris, La Table Ronde, 1964. R&eacute;&eacute;dition&nbsp;: Actes Sud-Papiers, (1987), 2015.</p> <p>&nbsp;</p> <h3>Bibliographie<em>&nbsp;</em></h3> <p><em>L&rsquo;Avant-Sc&egrave;ne</em>&nbsp;n&deg; 193, 15 mars 1959.</p> <p><em>Europe</em>, n&deg; 786&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le Vaudeville&nbsp;&raquo;, octobre 1994.</p> <p>AUTRUSSEAU, Jacqueline,&nbsp;<em>Labiche et son Th&eacute;&acirc;tre</em>, Paris, L&rsquo;Arche, 1971.</p> <p>BARROT, Olivier, &amp; CHIRAT, Raymond,&nbsp;<em>&laquo;&nbsp;Ciel, mon mari&nbsp;!&nbsp;&raquo; ‒ Le Th&eacute;&acirc;tre de Boulevard,</em>&nbsp;Paris, Gallimard, coll. &laquo;&nbsp;D&eacute;couvertes&nbsp;&raquo;, 1998.</p> <p>BRUNET, Brigitte,&nbsp;<em>Le th&eacute;&acirc;tre de Boulevard</em>, Paris, Nathan Universit&eacute;, &laquo;&nbsp;Lettres sup.&nbsp;&raquo;, 2004.</p> <p>CORVIN, Michel,&nbsp;<em>Le Th&eacute;&acirc;tre de boulevard</em>, Paris, PUF, &laquo;&nbsp;Que sais-je&nbsp;?&nbsp;&raquo;, 1989.</p> <p>GIDEL, Henri,&nbsp;<em>Le th&eacute;&acirc;tre de Georges Feydeau</em>, Paris, Klincksieck, 1979</p> <p><em>‒ Le Vaudeville</em>, Paris, PUF, &laquo;&nbsp;Que sais-je&nbsp;?&nbsp;&raquo;, 1986.</p> <p>LH&Ocirc;TE Jean-Marie,&nbsp;<em>Mise en jeu Fran&ccedil;ois Billetdoux</em>,&nbsp;<em>L&rsquo;arbre et l&rsquo;oiseau</em>, Paris, Actes Sud-Papiers, 1988.</p> <p>SOUPAULT, Philippe,&nbsp;<em>Eug&egrave;ne Labiche</em>, Paris, Mercure de France, 1964.</p> <h3>Auteur</h3> <p><strong>Jean Bardet</strong>, professeur agr&eacute;g&eacute; de Lettres modernes, longtemps charg&eacute; de cours &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; de Paris Est/Marne-la-Vall&eacute;e, est l&rsquo;auteur des huit notices&nbsp;consacr&eacute;es aux&nbsp;&oelig;uvres dramatiques de Fran&ccedil;ois Billetdoux dans le&nbsp;<em>Dictionnaire des pi&egrave;ces de th&eacute;&acirc;tre fran&ccedil;aises du XXe si&egrave;cle</em>&nbsp;(Jeanyves Gu&eacute;rin (dir.), Champion,&nbsp;2005), et de sept &eacute;ditions critiques parues aux &eacute;ditions Gallimard, dont celles du&nbsp;<em>Paradoxe sur le com&eacute;dien</em>&nbsp;de Diderot (folioplus classiques n&deg;180) et de la com&eacute;die&nbsp;<em>Poil de Carotte</em>&nbsp;de Jules Renard (folioplus classiques n&deg;261).</p> <h3><strong>Copyright</strong></h3> <p>Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p>