<h3>Abstract</h3> <p>This article intends to question the significances of performativity in Chlo&eacute; Delaume&rsquo;s work. The practice of performance falls directly within the author&rsquo;s experimental plan that characterize her various writing projects. For her, literary creation, in addition to autofiction, passes in large part through the exploration of various forms of mediation of the text. Although her performances primarily stage the reading of her novels, one of their most important objectives is to experiment new medias for her texts, which explains why they often are multimedia. Performance also contributes, because it implies the physical presence of the author, to construct the autofictional narrative at the core of Delaume&rsquo;s literary practice.</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p>Chlo&eacute; Delaume, autofiction, performance, experiment, mediation, body</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>Les formes de litt&eacute;rature perform&eacute;es, si elles appartiennent &agrave; une histoire longue de la litt&eacute;rature &ndash;&nbsp;qui int&egrave;gre notamment la transmission orale, la lecture publique, les repr&eacute;sentations sc&eacute;niques&nbsp;&ndash; trouvent actuellement un regain d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de la part des praticiens comme des r&eacute;cepteurs. Si la p&eacute;rennit&eacute; de ces formes de m&eacute;diatisation du litt&eacute;raire est moindre en comparaison de celle du livre, c&rsquo;est aussi parce qu&rsquo;elles posent ontologiquement un probl&egrave;me pour leur propre transmission et leur inscription historique. En effet, elles ne laissent que peu de traces &agrave; la post&eacute;rit&eacute; litt&eacute;raire et leur &eacute;ph&eacute;m&eacute;rit&eacute; constitutive ne conc&egrave;de que peu de prise &agrave; l&rsquo;ex&eacute;g&egrave;te. Ces formes de manifestations du litt&eacute;raire posent donc un probl&egrave;me &eacute;pist&eacute;mologique important pour le chercheur&nbsp;: quel objet &eacute;tudier, sur quoi appuyer l&rsquo;analyse&nbsp;? En tant que chercheur, il est indispensable de prendre en compte ces manifestations sous peine de faire preuve d&rsquo;une vision &eacute;troite de la litt&eacute;rature contemporaine, pour ne pas dire scl&eacute;ros&eacute;e. Et, dans le cas plus pr&eacute;cis de la pratique de Chlo&eacute; Delaume, comment aborder ses performances, dont il est si primordial de se saisir en d&eacute;pit de leur labilit&eacute;, pour comprendre la dimension exp&eacute;rimentale de son &oelig;uvre&nbsp;? La pratique de la performance par Chlo&eacute; Delaume s&rsquo;inscrit directement dans les dispositifs exp&eacute;rimentaux qui caract&eacute;risent ses diff&eacute;rents projets d&rsquo;&eacute;criture. Chez elle, la cr&eacute;ation litt&eacute;raire, en plus de l&rsquo;autofiction, passe en grande partie par l&rsquo;exploration des formes vari&eacute;es de m&eacute;diatisation du texte.</p> <p>Sans aborder les probl&egrave;mes de d&eacute;finitions inh&eacute;rents &agrave; la vari&eacute;t&eacute; de pratiques que recoupe la performance, ou la pluralit&eacute; de disciplines qui se sont appropri&eacute; le terme, je propose de d&eacute;signer par &laquo;&nbsp;performance&nbsp;&raquo;, tout &eacute;v&eacute;nement artistique produisant des gestes, des actes, ayant lieu le plus souvent en public, et dont le d&eacute;roulement temporel constitue l&rsquo;&oelig;uvre m&ecirc;me. La performance peut &ecirc;tre plus ou moins improvis&eacute;e, mais chaque occurrence reste unique. La pr&eacute;sence du performeur (qui peut &ecirc;tre physique ou m&eacute;diatis&eacute;e) y est g&eacute;n&eacute;ralement centrale. Renvoyant aux essais fondateurs de Roselee Goldberg, Cynthia Carr ou Arnaud Label-Rojoux&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>, je passerai outre l&rsquo;&eacute;quivocit&eacute; essentielle du terme de performance, pour me concentrer sur la mani&egrave;re dont Delaume la pratique en acte.</p> <p>Dans son essai,&nbsp;<em>Performance: a Critical Introduction</em>, Marvin Carlson d&eacute;crit les diff&eacute;rentes pratiques que recoupe le terme&nbsp;:</p> <blockquote> <p>D&rsquo;un c&ocirc;t&eacute;, il y avait la performance [&hellip;] l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;un seul artiste, ayant souvent recours &agrave; des mat&eacute;riaux tir&eacute;s du quotidien et qui joue rarement un personnage conventionnel,&nbsp;<u>se concentrant sur les actions du corps dans l&rsquo;espace et le temps</u>, parfois gr&acirc;ce &agrave; la mise en sc&egrave;ne de comportements naturels, d&rsquo;autres fois par l&rsquo;exhibition de comp&eacute;tences physiques hors du commun ou extr&ecirc;mement intenses, se tournant progressivement vers des&nbsp;<u>explorations autobiographiques</u>. De l&rsquo;autre c&ocirc;t&eacute;, il y avait une tradition, que nous n&rsquo;appelions pas performance jusqu&rsquo;aux ann&eacute;es 80, mais qui y a &eacute;t&eacute; incluse par la suite. Une tradition de spectacles plus &eacute;labor&eacute;s, non plus bas&eacute;s sur le corps ou la psych&eacute; de l&rsquo;artiste m&ecirc;me, mais consacr&eacute;s &agrave; la repr&eacute;sentation d&rsquo;images et de sons, impliquant le plus souvent du spectacle, de la&nbsp;<u>technologie&nbsp;</u>et&nbsp;<u>un m&eacute;lange de m&eacute;dias</u>&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>.</p> </blockquote> <p>Les performances telles que les r&eacute;alise Delaume se trouvent entre ces deux tendances d&eacute;crites par Carlson. Elles sont avant tout des mises en sc&egrave;ne (souvent d&eacute;pouill&eacute;es) de la lecture de ses romans. Un de leurs objectifs premiers est d&rsquo;exp&eacute;rimenter des m&eacute;diatisations in&eacute;dites pour ses textes, c&rsquo;est pourquoi elles poss&egrave;dent souvent une dimension multim&eacute;dia. Mais elles contribuent &eacute;galement, du fait qu&rsquo;elles impliquent la pr&eacute;sence physique de l&rsquo;auteure, &agrave; construire le r&eacute;cit autofictionnel au c&oelig;ur de sa pratique litt&eacute;raire. Ceci nous conduira ultimement &agrave; interroger de mani&egrave;re plus large l&rsquo;importance de la performativit&eacute; dans l&rsquo;&oelig;uvre de Chlo&eacute; Delaume.</p> <h2>1. La performance comme exp&eacute;rimentation m&eacute;diatique<br /> &nbsp;</h2> <p>La performance est une pratique ontologiquement li&eacute;e &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rimental et c&rsquo;est probablement cette dimension qui attire Delaume. Son premier roman,&nbsp;<em>Les Mouflettes d&rsquo;Atropos</em>&nbsp;para&icirc;t en 2000 et presque imm&eacute;diatement elle d&eacute;bute les lectures en public et les projets musicaux qui la conduisent vers la pratique de la performance. C&rsquo;est en 2002 et en collaboration avec Dorine_Muraille, alias Julien Loquet&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>, musicien &eacute;lectronique, qu&rsquo;a lieu le premier cycle de performances auquel elle participe. Ce dernier, intitul&eacute;&nbsp;<em>L&rsquo;Impasse Muraille</em>&nbsp;se d&eacute;clinait en six volets et interrogeait d&eacute;j&agrave; le lien entre fiction et identit&eacute; cher &agrave; l&rsquo;auteure, m&ecirc;me si cette fois le personnage central &eacute;tait Dorine_Muraille. La performance accompagne ainsi d&egrave;s le d&eacute;part les exp&eacute;rimentations litt&eacute;raires de Delaume qui en a effectu&eacute; autour d&rsquo;une cinquantaine.</p> <p>Dans chacune de ses occurrences, la performance est un des avatars d&rsquo;un projet d&rsquo;&eacute;criture qui la d&eacute;passe, en perp&eacute;tuelle mutation et qui inclut une pluralit&eacute; de m&eacute;diatisations. &Agrave; ce titre le projet&nbsp;<em>Corpus Simsi</em>&nbsp;r&eacute;alis&eacute; par Chlo&eacute; Delaume de 2002 &agrave; 2005 est exemplaire&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>. Au c&oelig;ur de ce dernier se trouve le jeu vid&eacute;o&nbsp;<em>Les Sims,</em>&nbsp;utilis&eacute; &agrave; des fins fictionnelles. Dans&nbsp;<em>Corpus Simsi</em>, l&rsquo;auteure est une joueuse de&nbsp;<em>God Game</em>&nbsp;et le personnage un avatar de jeu de simulation de vie, mis en sc&egrave;ne dans diff&eacute;rents contextes d&rsquo;&eacute;nonciation. Il se construit en premier lieu dans une situation de jeu priv&eacute; effectu&eacute; par Chlo&eacute; Delaume, puis il entre, &agrave; travers des performances multim&eacute;dias, dans la sph&egrave;re publique. Un blog, consacr&eacute; au projet, relate au quotidien les aventures de l&rsquo;avatar&nbsp;<em>Sims</em>, des articles et un livre paru en novembre 2003 aux &Eacute;ditions L&eacute;o Scheer, sont publi&eacute;s&nbsp;; mais l&rsquo;avatar est aussi au centre de plusieurs performances.</p> <p>L&rsquo;une d&rsquo;entre elles est&nbsp;<em>Corpus Simsi 1.0.</em>&nbsp;Elle a eu lieu le 15 septembre 2002 lors de la soir&eacute;e Chronic&rsquo;Organic &agrave; La Cigale (Paris) et en collaboration avec Jim Thirlwell alias Foetus.&nbsp;<em>Corpus Simsi 1.0</em>&nbsp;a &eacute;t&eacute; choisi comme exemple parce qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;une des rares performances dont on peut trouver quelques traces. Il est en effet possible d&rsquo;en voir un tr&egrave;s court extrait vid&eacute;o sur youtube.</p> <p style="margin-left: 40px;"><a href="https://www.youtube.com/watch?v=Qf3NqzHfix4" target="_blank">Vid&eacute;o 1</a>&nbsp;: Extrait de la performance de Chlo&eacute; Delaume et Jim Thirlwell,&nbsp;<em>Corpus Simsi 1.0,&nbsp;</em>Chronic&rsquo;Organic, Paris&nbsp;: La Cigale, 15 septembre 2002<em>. C</em>onsult&eacute; le 23 mars 2016.</p> <p>Chronic&rsquo;Organic &eacute;tait organis&eacute;e par le magazine culturel&nbsp;<em>Chronic&rsquo;Art</em>&nbsp;qui accueillait des performances en tous genres alliant musiciens et &eacute;crivains exp&eacute;rimentaux. La Cigale est une salle de spectacle pouvant accueillir environ mille personnes, elle est utilis&eacute;e habituellement pour des concerts et autres festivals. Cette performance de lecture et de jeu ne se fait donc pas dans un environnement intimiste, mais dans une grande salle h&eacute;bergeant un public nombreux.</p> <p><a href="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/Fig1_Guilet.jpg"><img alt="Fig1_Guilet" height="225" loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/Fig1_Guilet-300x225.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/Fig1_Guilet-300x225.jpg 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/Fig1_Guilet.jpg 487w" width="300" /></a></p> <p><small>Figure 1&nbsp;:&nbsp;<em>Corpus Simsi 1.0</em>, image tir&eacute;e du&nbsp;<a href="http://www.chloedelaume.net/" target="_blank">site</a>&nbsp;Internet de Chlo&eacute; Delaume.</small></p> <p>Chlo&eacute; Delaume est install&eacute;e &agrave; une table au centre de la sc&egrave;ne, devant un ordinateur sur lequel elle effectue en direct des s&eacute;quences du jeu<em>&nbsp;Les Sims</em>, qui sont simultan&eacute;ment projet&eacute;es sur un &eacute;cran g&eacute;ant face au public, en m&ecirc;me temps qu&rsquo;elle lit un texte. Jim Thrilwell l&rsquo;accompagne en cr&eacute;ant en direct un morceau de musique &eacute;lectronique adapt&eacute; aux situations d&eacute;crites par Chlo&eacute; Delaume. L&rsquo;ambiance musicale est celle d&rsquo;un univers gothique de film d&rsquo;horreur qui appara&icirc;t&nbsp;<em>a priori&nbsp;</em>en totale opposition avec l&rsquo;univers aux couleurs acidul&eacute;es du jeu vid&eacute;o. D&rsquo;un point du vue proprement plastique, nous avons un environnement obscur avec seulement deux p&ocirc;les de lumi&egrave;re &eacute;clairant les artistes sur sc&egrave;ne et l&rsquo;&eacute;cran g&eacute;ant. Le dispositif technique&nbsp;(ordinateurs, micros, console, fils) est mis en lumi&egrave;re. Dans le projet&nbsp;<em>Corpus Simsi</em>, le processus et les proc&eacute;d&eacute;s de r&eacute;alisation m&eacute;diatique sont au c&oelig;ur m&ecirc;me de l&rsquo;&oelig;uvre.</p> <p><a href="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/Fig2_Guilet.jpg"><img alt="Fig2_Guilet" height="206" loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/Fig2_Guilet-300x206.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/Fig2_Guilet-300x206.jpg 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/Fig2_Guilet-145x100.jpg 145w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/Fig2_Guilet-380x260.jpg 380w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/Fig2_Guilet.jpg 486w" width="300" /></a></p> <p><small>Figure 2&nbsp;:&nbsp;<em>Corpus Simsi 1.0</em>, image tir&eacute;e du&nbsp;<a href="http://www.chloedelaume.net/" target="_blank">site</a>&nbsp;Internet de Chlo&eacute; Delaume.</small></p> <p>&nbsp;La technique fait partie int&eacute;grante de la cr&eacute;ation, qu&rsquo;il s&rsquo;agisse de la partie performance, ou par ailleurs du livre ou du site Internet. Tout le projet est un&nbsp;<em>work in progress</em>, et c&rsquo;est la s&eacute;miose m&ecirc;me, la construction du sens &agrave; travers les diff&eacute;rentes aventures m&eacute;diatiques de l&rsquo;avatar et l&rsquo;exp&eacute;rimentation, qui sont &agrave; l&rsquo;origine du projet artistique et litt&eacute;raire de Chlo&eacute; Delaume. Comme l&rsquo;explique Fernando Aguiar,</p> <p>La performance en tant qu&rsquo;acte esth&eacute;tique est avant tout l&rsquo;art de l&rsquo;exp&eacute;rimentation, l&rsquo;art de l&rsquo;intensit&eacute; et de la communicabilit&eacute;, l&rsquo;art ayant le plus grand nombre de signes &agrave; chaque moment de son &eacute;volution, l&rsquo;art de la narration constante, de la transformation chromatique et formelle. L&rsquo;art o&ugrave; l&rsquo;artiste n&rsquo;est plus le cr&eacute;ateur contemplatif de sa propre &oelig;uvre, mais vit l&rsquo;art qu&rsquo;il cr&eacute;e et cr&eacute;e un art qui vit&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>.</p> <p>Dans les performances&nbsp;<em>Corpus Simsi</em>, tout se fait en direct dans un temps donn&eacute;<em>.</em>&nbsp;L&rsquo;objectif est de m&eacute;langer les m&eacute;dias, la technique et la litt&eacute;rature dans un spectacle ultra-contemporain, permettant de v&eacute;hiculer une histoire fictive aux &eacute;l&eacute;ments classiques&nbsp;: un personnage vit une action, subit des p&eacute;rip&eacute;ties (ici g&eacute;n&eacute;r&eacute;es par l&rsquo;adjuvant logiciel) dans un contexte exp&eacute;rimental. La fiction ici cr&eacute;&eacute;e est une fiction assum&eacute;e, aucune suspension d&rsquo;incr&eacute;dulit&eacute; comme l&rsquo;a explicit&eacute; Coleridge n&rsquo;est n&eacute;cessaire&nbsp;: son artificialit&eacute; se fait manifeste.</p> <p>La performance est, pour reprendre une expression de Rosenthal et Ruffel la &laquo;&nbsp;cristallisation &eacute;ph&eacute;m&egrave;re d&rsquo;un processus&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>&nbsp;&raquo;. Elle est une &eacute;tape parmi d&rsquo;autres du&nbsp;<em>work in progress</em>&nbsp;que constitue chaque projet de Chlo&eacute; Delaume, elle appartient &agrave; ce que David Ruffel appelle la litt&eacute;rature contextuelle qui d&eacute;signe ces</p> <blockquote> <p>[&hellip;] pratiques litt&eacute;raires qui ont en commun de d&eacute;border le cadre du livre et le geste d&rsquo;&eacute;criture, de d&eacute;multiplier les possibilit&eacute;s d&rsquo;intervention et de cr&eacute;ation des &eacute;crivains, possibilit&eacute;s parmi lesquelles le livre occupe toujours une place centrale mais d&eacute;sormais partag&eacute;e, et de se faire&nbsp;<em>in situ</em>, sur les sc&egrave;nes des th&eacute;&acirc;tres, dans les centres d&rsquo;art, dans les biblioth&egrave;ques ou dans la ville. Une litt&eacute;rature qui se fait donc &laquo;&nbsp;en contexte&nbsp;&raquo; et non dans la seule communication&nbsp;<em>in absentia&nbsp;</em>de l&rsquo;&eacute;criture, du cabinet de travail ou de la lecture muette et solitaire des textes. Je propose de regrouper ces pratiques litt&eacute;raires sous l&rsquo;&eacute;nonc&eacute; de &laquo;&nbsp;litt&eacute;rature contextuelle&nbsp;&raquo;, en r&eacute;f&eacute;rence &agrave; la notion d&rsquo;&laquo;&nbsp;art contextuel&nbsp;&raquo; invent&eacute;e par l&rsquo;artiste polonais Jan Swidzinski dans un manifeste intitul&eacute; &laquo;&nbsp;L&rsquo;art comme art contextuel 1&nbsp;&raquo; et popularis&eacute;e r&eacute;cemment par l&rsquo;essai de l&rsquo;historien de l&rsquo;art Paul Ardenne,&nbsp;<em>Un art contextuel&nbsp;</em><a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a><em>.</em></p> </blockquote> <p>Il semble que bien des pratiques litt&eacute;raires de Chlo&eacute; Delaume appartiennent &agrave; cette litt&eacute;rature contextuelle, particuli&egrave;rement ses performances, &agrave; travers lesquelles elle rompt avec la vision romantique de l&rsquo;&eacute;crivain solitaire &agrave; sa table de travail. D&rsquo;abord, elle s&rsquo;approprie en tant qu&rsquo;auteure des espaces publics, des espaces qui par ailleurs ne sont pas habituellement ceux o&ugrave; l&rsquo;on partage de la litt&eacute;rature. La performance&nbsp;<em>Corpus Simsi</em>&nbsp;ici &eacute;tudi&eacute;e, se d&eacute;roule &agrave; La Cigale, mais Delaume peut &eacute;galement investir les jardins de la villa Medicis pour la premi&egrave;re performance du projet sur&nbsp;<em>Le Parti du Cercle</em>, intitul&eacute;e &laquo;&nbsp;In bosco veritas&nbsp;&raquo; qui a eu lieu le 21 juin 2011, ou encore la chapelle de la Mis&eacute;ricorde &agrave; Metz en octobre 2011 pour &laquo;&nbsp;Strenga Misericordia.&nbsp;&raquo; Pour David Ruffel, l&rsquo;&eacute;crivain contemporain,</p> <blockquote> <p>prenant acte de l&rsquo;affaiblissement et du d&eacute;centrement de la position de la litt&eacute;rature dans la culture contemporaine, [&hellip;] int&egrave;gre naturellement les lieux de l&rsquo;art, les sc&egrave;nes de th&eacute;&acirc;tre, les milieux sociaux, l&agrave; o&ugrave; il est possible de gagner en visibilit&eacute;, en puissance symbolique, en &laquo;&nbsp;modernit&eacute;&nbsp;&raquo;, ainsi que de d&eacute;placer sa discipline, de l&rsquo;interroger et de la doter de possibilit&eacute;s nouvelles&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>.</p> </blockquote> <p>Si elle peut aussi d&eacute;noter une n&eacute;cessit&eacute; &eacute;conomique pour les &eacute;crivains contemporains &ndash;&nbsp;n&eacute;cessit&eacute; que l&rsquo;on ne saurait na&iuml;vement &eacute;carter&nbsp;&ndash; cette d&eacute;localisation, ou plut&ocirc;t&nbsp;<em>d&eacute;territorialisation</em>&nbsp;de la litt&eacute;rature hors de ses lieux de pr&eacute;dilection que sont la biblioth&egrave;que, la librairie ou m&ecirc;me l&rsquo;universit&eacute;, fait partie int&eacute;grante de la d&eacute;marche exp&eacute;rimentale de Delaume&nbsp;: elle t&eacute;moigne d&rsquo;une volont&eacute; explicite d&rsquo;investir le r&eacute;el. Comme elle l&rsquo;&eacute;crit sur son site pour d&eacute;crire&nbsp;<em>Le Parti du Cercle</em>, la saison 10 de son grand &oelig;uvre&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Les fictions dominantes colonisaient les mots, les eaux du Bangladesh &eacute;taient devenues violettes, l&rsquo;industrie teignait ses textiles au jus de mort. La soir&eacute;e du solstice d&rsquo;hiver, elle a lanc&eacute;&nbsp;<em>Le Parti du Cercle</em>&nbsp;&agrave; la Maison de la Po&eacute;sie. Depuis, il s&rsquo;&eacute;crit ici-m&ecirc;me, et ailleurs. Surtout dans le r&eacute;el, pour qu&rsquo;il reste des traces. Des ateliers, des performances, des cr&eacute;ations diverses, si possible collectives. La Sibylle est nomade, mais toujours connect&eacute;e&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>.</p> </blockquote> <p>Investir de nouveaux lieux, en contact avec le public et rompre avec l&rsquo;isolement de l&rsquo;&eacute;criture, &ecirc;tre &laquo;&nbsp;connect&eacute;e&nbsp;&raquo;&nbsp;: un d&eacute;sir de collaboration qui caract&eacute;rise chacune de ses performances. Pour la musique elle s&rsquo;accompagne tour &agrave; tour de Dorine_Muraille, F&oelig;tus, The Penelopes ou Gilbert Nouno, mais il y a aussi parfois des sc&eacute;nographes comme John Mahistre qui a particip&eacute; &agrave; la performance &laquo;&nbsp;<em>Invoquer les puissances femelles est ce soir la seule solution&nbsp;&raquo;</em>&nbsp;du 9 septembre 2014 dans l&rsquo;Amphith&eacute;&acirc;tre des trois Gaules &agrave; Lyon. Par ailleurs, pour cette m&ecirc;me performance, Chlo&eacute; Delaume &eacute;tait accompagn&eacute;e d&rsquo;une danseuse (Fanny Riou) et&nbsp;a convoqu&eacute; le travail de &laquo;&nbsp;Devast&eacute;e&nbsp;&raquo;, un duo de designer gothique qui a r&eacute;alis&eacute; ses tenues.</p> <p><a href="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/Fig3_Guilet.jpg"><img alt="Fig3_Guilet" height="150" loading="lazy" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/Fig3_Guilet.jpg" width="150" /></a><a href="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/Fig4_Guilet.jpg"><img alt="Fig4_Guilet" height="150" loading="lazy" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/Fig4_Guilet.jpg" width="150" /></a></p> <p><small>Figure 3 et 4&nbsp;:&nbsp;<em>Corpus Simsi 1.0</em>, images tir&eacute;es du&nbsp;<a href="http://www.chloedelaume.net/" target="_blank">site</a>&nbsp;Internet de Chlo&eacute; Delaume.</small></p> <h2>2. Ostension du moi et du corps dans la performance<br /> &nbsp;</h2> <p>Toutefois, quelle que soit la part de collaboration dans les performances de Delaume, l&rsquo;auteure est toujours au centre de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement. Il est dans la d&eacute;finition de la performance qu&rsquo;elle soit incarn&eacute;e, les anglophones diraient&nbsp;<em>embodied</em>. En tant qu&rsquo;acte de repr&eacute;sentation, de mise en sc&egrave;ne de soi, elle s&rsquo;av&egrave;re correspondre parfaitement &agrave; la d&eacute;marche autofictionnelle de Delaume. L&rsquo;auteure est mise en &laquo;&nbsp;ostension&nbsp;&raquo; pour reprendre le vocabulaire d&rsquo;Umberto Eco dans son article &laquo;&nbsp;Semiotic of Theatrical Performance&nbsp;&raquo;. Pour Eco&nbsp;: ce qui est en ostension &laquo;&nbsp;a &eacute;t&eacute; pr&eacute;lev&eacute; parmi les corps physiques existant et a &eacute;t&eacute; montr&eacute; ou mis en ostension&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>.&nbsp;&raquo; Sans trop verser dans la s&eacute;miotique ou dans les th&eacute;ories de la performativit&eacute;, l&rsquo;ostension, caract&eacute;ristique de la repr&eacute;sentation, cr&eacute;e une distance avec le r&eacute;el, elle inscrit la chose ou la personne comme signe, c&rsquo;est-&agrave;-dire porteuse de signification. Il s&rsquo;agit, dans les performances de Chlo&eacute; Delaume, de mettre en sc&egrave;ne un personnage de fiction jou&eacute; par l&rsquo;auteure qui, comme elle aime &agrave; le r&eacute;p&eacute;ter, est de toute fa&ccedil;on d&eacute;j&agrave; un personnage de fiction&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>.</p> <p>Selon Marin Carlson, &laquo;&nbsp;au sein de l&rsquo;espace de jeu, la performeuse n&rsquo;est pas elle-m&ecirc;me (du fait de l&rsquo;illusion de la repr&eacute;sentation) mais elle n&rsquo;est aussi pas pas elle-m&ecirc;me (du fait que ceci appartient au r&eacute;el). La performeuse comme le public op&egrave;rent dans un monde de double conscience&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>.&nbsp;&raquo; Ainsi la mise en sc&egrave;ne de soi &agrave; travers la performance, poursuit la d&eacute;marche autofictionnelle de l&rsquo;auteure. Pour reprendre les mots de Nancy Huston dans&nbsp;<em>L&rsquo;Esp&egrave;ce fabulatrice&nbsp;:</em>&nbsp;&laquo;&nbsp;Devenir soi &ndash;&nbsp;ou plut&ocirc;t se fa&ccedil;onner un soi&nbsp;&ndash; c&rsquo;est activer, &agrave; partir d&rsquo;un contexte familial et culturel donn&eacute;, toujours particulier, le m&eacute;canisme de la narration&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>.&nbsp;&raquo; La performance comme l&rsquo;&eacute;criture romanesque semblent participer chez Delaume d&rsquo;une seule et m&ecirc;me narration, celle de l&rsquo;autofiction. Dans la lign&eacute;e des performeuses adeptes du monologue que sont Anna Dewaer Smith ou Laurie Anderson ou, avant elles Ruth Draper et Beatrice Herford, les performances de Delaume s&rsquo;inscrivent dans une tradition d&rsquo;exploration personnelle par la performance, qui selon Marvin Carlson remonte aux ann&eacute;es 70&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;usage de la performance afin d&rsquo;explorer des alter ego, de r&eacute;v&eacute;ler des fantasmes ou son autobiographie psychique est devenu &agrave; partir de la moiti&eacute; des ann&eacute;es 70 une des approches majeures de la performance aux &Eacute;tats-Unis&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>N&eacute;anmoins, si les performances artistiques sont souvent centr&eacute;es sur la probl&eacute;matique de la corpor&eacute;it&eacute;, celles de&nbsp;<em>Corpus Simsi</em>&nbsp;ont la particularit&eacute; de moins mettre en sc&egrave;ne le corps du performeur que la corpor&eacute;it&eacute; virtuelle de son avatar, ainsi que le titre m&ecirc;me du projet le sous-entend.&nbsp;<em>Corpus Simsi,&nbsp;</em>en latin, signifie le corps du Sims, parodie de&nbsp;<em>Corpus Christi&nbsp;:</em>&nbsp;l&rsquo;eucharistie, le symbole de la mort et de la r&eacute;surrection du Christ, son passage de l&rsquo;absence &agrave; une nouvelle pr&eacute;sence<em>.</em>&nbsp;&Agrave; travers l&rsquo;avatar, nous avons affaire &agrave; un corps m&eacute;diatis&eacute;. Le corps physique de Chlo&eacute; Delaume, l&rsquo;auteure, est d&rsquo;ailleurs, durant la performance, dans une posture plut&ocirc;t passive&nbsp;: elle est assise sur sa chaise quand son corps m&eacute;diatique, Chlo&eacute; Delaume, le personnage de fiction, est actif &agrave; l&rsquo;&eacute;cran.</p> <p><a href="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/Fig5_Guilet.jpg"><img alt="Fig5_Guilet" height="206" loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/Fig5_Guilet-300x206.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/Fig5_Guilet-300x206.jpg 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/Fig5_Guilet-145x100.jpg 145w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/Fig5_Guilet-380x260.jpg 380w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/Fig5_Guilet.jpg 486w" width="300" /></a></p> <p><small>Figure 5&nbsp;:&nbsp;<em>Corpus Simsi 1.0</em>, image tir&eacute;e du&nbsp;<a href="http://www.chloedelaume.net/" target="_blank">site</a>&nbsp;Internet de Chlo&eacute; Delaume.</small></p> <p>La pr&eacute;sence corporelle n&rsquo;est donc pas &eacute;vacu&eacute;e de la performance, mais elle se joue ici de mani&egrave;re diff&eacute;rente&nbsp;: c&rsquo;est un corps m&eacute;diatis&eacute; dans un corps virtuel, un corps qui n&rsquo;existe plus par le fait m&ecirc;me de sa num&eacute;risation, un corps pr&eacute;sent et absent. Chlo&eacute; Delaume est &agrave; la fois physiquement pr&eacute;sente sur sc&egrave;ne, par sa voix, sa lecture, mais son corps est rendu absent, aspir&eacute; par son avatar, personnage de fiction, pr&eacute;sence purement visuelle, dont le corps num&eacute;rique est fond&eacute; sur une absence.</p> <p>Les performances&nbsp;<em>Corpus Simsi</em>&nbsp;semblent ainsi &ecirc;tre exemplaires d&rsquo;une relation difficile au corps qui parcourt toute l&rsquo;&oelig;uvre de Delaume.&nbsp;&Agrave; ce sujet, dans&nbsp;<em>Dans ma maison sous terre</em>, elle &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je n&rsquo;habite pas mon corps, j&rsquo;ose &agrave; peine l&rsquo;habiter, parce qu&rsquo;il n&rsquo;est pas le mien, mais celui de Nathalie&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>.&nbsp;&raquo; Puis, dans un entretien r&eacute;cent avec Colette Fellous, elle ajoute&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;ai une sensation de flottement, je l&rsquo;habite tr&egrave;s peu mon corps&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>.&nbsp;&raquo; Ce mode de relation au corps se retrouve de mani&egrave;re assez similaire dans&nbsp;<em>Messalina Dicit,&nbsp;</em>performance centr&eacute;e autour de la figure de Messaline, &laquo;&nbsp;puissante et bacchante qui a de son vivant fait ployer le r&eacute;el au point que celui-ci l&rsquo;a rejet&eacute;e&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>.<em>&nbsp;</em>&raquo;</p> <p style="margin-left: 40px;"><a href="https://vimeo.com/60948721" target="_blank">Vid&eacute;o 2</a>&nbsp;: Extrait de la performance &laquo;&nbsp;Messalina Dicit&nbsp;&raquo; r&eacute;alis&eacute;e par Chlo&eacute; Delaume et Gilbert Nouno, le 14 septembre 2011 &agrave; La Cri&eacute;e &agrave; Marseille lors du festival&nbsp;<em>Actoral.11</em>.</p> <p>Si la sc&eacute;nographie est quelque peu diff&eacute;rente de&nbsp;<em>Corpus Simsi</em>, puisqu&rsquo;il n&rsquo;y a pas d&rsquo;&eacute;cran, le dispositif technique est encore une fois visible&nbsp;: les fils et la console du musicien Gilbert Nouno, les micros, etc.&nbsp;Delaume se tient dans une attitude relativement fig&eacute;e&nbsp;: elle est debout, v&ecirc;tue en noir sur un fond noir, post&eacute;e derri&egrave;re son micro, les mains pos&eacute;es fixement sur le pupitre, dans une posture tr&egrave;s solennelle. Elle n&rsquo;effectue pas de gestes, presqu&rsquo;aucun d&eacute;placements tout au long des cinquante minutes de performance &ndash;&nbsp; si ce n&rsquo;est pour sortir de sc&egrave;ne. L&rsquo;espace sc&eacute;nique occup&eacute; par l&rsquo;auteure est minime&nbsp;: le corps c&egrave;de ainsi l&rsquo;initiative aux mots, &agrave; leur lecture.</p> <p>&nbsp;Au tout d&eacute;but de la performance, elle signale sa pr&eacute;sence physique et sa posture publique. Elle dit&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Sur sc&egrave;ne se dresse un corps articulant des sons qui s&rsquo;agencent de fa&ccedil;on &agrave; former un discours, un discours. Ce corps il m&rsquo;appartient, m&rsquo;appartiendra toujours&hellip; j&rsquo;en ai pris possession il y a longtemps maintenant [&hellip;]&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a></p> </blockquote> <p>Elle dit &laquo;&nbsp;un corps&nbsp;&raquo; et non &laquo;&nbsp;mon corps&nbsp;&raquo;, elle dit &laquo;&nbsp;ce corps&nbsp;&raquo;, utilisant un d&eacute;ictique, impliquant une distance, une scission puisque le &laquo;&nbsp;je&nbsp;&raquo; et le corps y sont deux entit&eacute;s distinctes. Ces mots t&eacute;moignent d&rsquo;une relation complexe &agrave; son propre corps, qui transpara&icirc;t dans la mise en sc&egrave;ne. Toutefois cette forme de n&eacute;gation du corps dans la performance, peut aussi &ecirc;tre vue comme la volont&eacute; de produire une &oelig;uvre minimaliste o&ugrave; le sonore,&nbsp;c&rsquo;est-&agrave;-dire la voix et, &agrave; travers elle, le texte, &laquo;&nbsp;le discours&nbsp;&raquo; de Delaume, ainsi que la musique de Nouno, priment absolument. Delaume lit de mani&egrave;re assez monocorde, sa lecture est scand&eacute;e par des phrases souvent courtes et de nombreuses pauses. Ceci, ainsi que la longueur m&ecirc;me de la performance, lui conf&egrave;rent une dimension proprement incantatoire, accentu&eacute;e par des jeux d&rsquo;&eacute;cho, l&rsquo;absence de m&eacute;lodie et les rythmes r&eacute;p&eacute;titifs ponctu&eacute;s de notes aigu&euml;s cr&eacute;&eacute;es par Nouno. La performance reprend la th&eacute;matique du rituel de sorcellerie, de l&rsquo;incantation qui caract&eacute;rise les diff&eacute;rentes d&eacute;clinaisons du projet r&eacute;alis&eacute; autour&nbsp;du&nbsp;<em>Parti du Cercle</em>. Le corps de Delaume est un corps poss&eacute;d&eacute;, elle le d&eacute;clare pendant la performance&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ce corps est un m&eacute;dium, le verbe le p&eacute;n&egrave;tre comme les identit&eacute;s. Ce corps est un m&eacute;dium&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>.&nbsp;&raquo; En m&ecirc;me temps, la performance m&ecirc;me, en tant qu&rsquo;exp&eacute;rimentation m&eacute;diatique, peut &ecirc;tre per&ccedil;ue comme une tentative de r&eacute;apparition, d&rsquo;exorcisation de ce corps, de ce m&eacute;dium. Delaume dit &agrave; ce sujet&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Je suis tr&egrave;s &eacute;loign&eacute;e de mon corps, je l&rsquo;habite vraiment tr&egrave;s tr&egrave;s peu et assez mal, en m&ecirc;me temps, je somatise parfois assez violemment et puis je suis la reine des bleus. [&hellip;] Donc, il s&rsquo;agit en ce moment de r&eacute;habiter ce corps, parce qu&rsquo;effectivement, je pense avoir assez bien r&eacute;ussi &agrave; me r&eacute;approprier une nouvelle identit&eacute; fixe, fixe au sens de pas mouvante et donc, il y a rien de schizophr&eacute;nique l&agrave;-dedans, c&rsquo;est vraiment quelque chose de volontaire et d&rsquo;esth&eacute;tique j&rsquo;ai envie de dire, c&rsquo;est une d&eacute;marche artistique, en fait mais le corps est le seul, le seul point d&rsquo;ancr&hellip;, qui pourtant est le point d&rsquo;ancrage principal, o&ugrave; j&rsquo;ai pas encore r&eacute;solu l&rsquo;affaire&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>.</p> </blockquote> <p>Les propos de Delaume peuvent laisser penser que la performance est une mani&egrave;re d&rsquo;ancrer ce corps, de l&rsquo;exp&eacute;rimenter pour finalement en reprendre les r&ecirc;nes.</p> <h2>3. La dimension performative de l&rsquo;&eacute;criture, de l&rsquo;&oelig;uvre de Chlo&eacute; Delaume<br /> &nbsp;</h2> <p>Si r&eacute;aliser une performance appara&icirc;t comme un moyen de se r&eacute;approprier son corps, il semble que la dimension performative de sa pratique ne puisse se r&eacute;duire &agrave; une volont&eacute; d&rsquo;incarnation. Plus largement, la dimension performative est pr&eacute;sente dans l&rsquo;ensemble de son &oelig;uvre tant le dire et le faire y sont toujours li&eacute;s. Performance et performativit&eacute; se recoupent dans sa pratique m&ecirc;me d&rsquo;&eacute;criture. &Agrave; ce titre, l&rsquo;auteure ne peut se contenter du livre comme support d&rsquo;&eacute;criture&nbsp;: pour que cette performativit&eacute; du langage puisse pleinement s&rsquo;&eacute;panouir, elle doit investir le r&eacute;el, se faire parole et donc lecture publique.</p> <p>Chez Delaume, &eacute;crire, performer le soi, c&rsquo;est &ecirc;tre&nbsp;; et ce quand bien m&ecirc;me ce moi est fictionnel. Selon elle, de toute fa&ccedil;on, le r&eacute;el est compos&eacute; d&rsquo;une multitude de fictions&nbsp;; par cons&eacute;quent, dans une forme de syllogisme implacable, &eacute;crire la fiction de soi, c&rsquo;est entrer dans le r&eacute;el. L&rsquo;autofiction devient ainsi une mani&egrave;re de reconstruire son identit&eacute; apr&egrave;s le drame inaugural. Beaucoup de ses &oelig;uvres r&eacute;p&egrave;tent ce leitmotiv&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je m&rsquo;appelle Chlo&eacute; Delaume. Je suis un personnage de fiction&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>.&nbsp;&raquo; Ces paroles rel&egrave;vent d&rsquo;une dimension performative. Elle cr&eacute;e son personnage, recr&eacute;e son identit&eacute; sous son pseudonyme &agrave; chaque fois qu&rsquo;elle l&rsquo;&eacute;nonce. &Agrave; travers cette phrase, et donc &agrave; travers le langage, elle reprend en main sa fiction. Elle &eacute;crit&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Parce que j&rsquo;affirme m&rsquo;&eacute;crire, mais je me vis aussi. Je ne raconte pas d&rsquo;histoires, je les exp&eacute;rimente toujours de l&rsquo;int&eacute;rieur. L&rsquo;&eacute;criture ou la vie, &ccedil;a me semble impossible, impossible de trancher, c&rsquo;est annuler le pacte. V&eacute;cu mis en fiction, mais jamais invent&eacute;. Pas par souci de pr&eacute;cision, pas par manque d&rsquo;imagination. Pour que la langue soit celle des vrais battements de c&oelig;ur&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>.</p> </blockquote> <p>&Eacute;crire, c&rsquo;est vivre. Dire, c&rsquo;est &ecirc;tre. Toutefois cette performativit&eacute; du langage s&rsquo;exprime chez Delaume au-del&agrave; de l&rsquo;aspect cathartique du dire. Dans&nbsp;<em>Dans ma maison sous terre</em>&nbsp;elle &eacute;crit pour tuer sa grand-m&egrave;re. La tuer et, si possible, pas seulement symboliquement. Dans un tr&egrave;s beau billet de blog, Arnaud Ma&iuml;setti d&eacute;clare &agrave; propos de ce roman&nbsp;:</p> <blockquote> <p>D&rsquo;une &eacute;criture qui se voudrait performative&nbsp;: de celle capable de donner la naissance de la mort, accomplissant l&rsquo;acte qu&rsquo;elle &eacute;nonce&nbsp;: mais ce qu&rsquo;elle &eacute;nonce, ce n&rsquo;est pas&nbsp;: tu meurs, tu vas mourir. C&rsquo;est sans doute plus que cela&nbsp;: j&rsquo;&eacute;cris pour que tu meures. Et que la mort vienne ou non, ce n&rsquo;est pas le plus important&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>.</p> </blockquote> <p>Delaume croit en l&rsquo;efficace du &laquo;&nbsp;Verbe&nbsp;&raquo; avec une majuscule, au pouvoir &laquo;&nbsp;illocutoire&nbsp;&raquo; du langage, pour reprendre le vocabulaire du philosophe du langage John Austin. Et ce n&rsquo;est pas un hasard si dans ses derni&egrave;res exp&eacute;rimentations dans le cadre du&nbsp;<em>Parti du Cercle</em>&nbsp;elle a recours &agrave; la magie, &agrave; la performativit&eacute; du rituel de sorcellerie et du sortil&egrave;ge. D&rsquo;ailleurs, dans un entretien avec Barbara Havercroft, elle d&eacute;clare &agrave; ce sujet&nbsp;:</p> <blockquote> <p>L&rsquo;autofiction s&rsquo;approche souvent de la magie noire. Le Je n&rsquo;est pas le Moi, il exige des rituels et souvent des victimes. La femme de Doubrovsky, en lisant le manuscrit du&nbsp;<em>Livre bris&eacute;</em>, a bu de la vodka jusqu&rsquo;&agrave; ce que mort s&rsquo;en suive. Le p&egrave;re de Christine Angot est mort, lui aussi, d&rsquo;avoir lu&nbsp;<em>L&rsquo;Inceste&nbsp;</em><a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a><em>.</em></p> </blockquote> <p>En effet, le langage a des effets illocutoires et perlocutoires redoutables et le d&eacute;c&egrave;s de la grand-m&egrave;re de Chlo&eacute; Delaume &agrave; l&rsquo;issue de la parution de&nbsp;<em>Dans ma maison sous terre</em>&nbsp;ne d&eacute;ment pas la puissance de ses sortil&egrave;ges. N&eacute;anmoins, au-del&agrave; de la magie noire, c&rsquo;est la force de vie ou de survie que Delaume semble d&eacute;gager du langage qui interpelle le plus souvent le lecteur.</p> <p>User de la fiction pour construire, reconstruire, le pass&eacute; le pr&eacute;sent signifie rester ma&icirc;tre de son propre destin. Contrer Parque et fatum, se redresser par le biais des techniques narratives. Ne jamais filer doux, tisser son quotidien. Dire non, rester debout. Se r&eacute;approprier sa propre narration existentielle, utiliser la langue pour parer aux attaques rampantes et permanentes issues du Biopouvoir. Position verticale, riposte politique&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>.</p> <p>Au-del&agrave; de l&rsquo;autofiction, Delaume fait donc preuve d&rsquo;un rapport vital &agrave; l&rsquo;&eacute;criture. Pour elle, comme pour Proust dans&nbsp;<em>Le Temps retrouv&eacute;,</em>&nbsp;&laquo;&nbsp;la vraie vie, la vie enfin d&eacute;couverte et &eacute;claircie, la seule vie par cons&eacute;quent, c&rsquo;est la litt&eacute;rature&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>&nbsp;&raquo; et ce quel que soit son mode de m&eacute;diatisation.</p> <p>Si jusque-l&agrave; le livre, de par son pouvoir consacrant, &eacute;tait, pour les auteurs et leurs ex&eacute;g&egrave;tes, un &laquo;&nbsp;horizon d&rsquo;&eacute;criture incontournable&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>&nbsp;&raquo;, pour reprendre l&rsquo;expression de Lionel Ruffel et Olivia Rosenthal dans &laquo;&nbsp;La Litt&eacute;rature expos&eacute;e&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>&nbsp;&raquo;, il est aujourd&rsquo;hui indispensable d&rsquo;accompagner le mouvement amorc&eacute; par des auteurs comme Pierre Guyotat, Fran&ccedil;ois Bon, Jean-Luc Raharimanana, &Eacute;ric Chauvier, Jean-Yves Jouannais, ou encore &Eacute;ric Chevillard, etc.&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>, qui proposent un rapport tout &agrave; fait diff&eacute;rent &agrave; l&rsquo;&eacute;criture et qui d&eacute;passent le rapport quasi m&eacute;tonymique entre la litt&eacute;rature et le livre. Chlo&eacute; Delaume appartient r&eacute;solument &agrave; ces &eacute;crivains capables de penser la litt&eacute;rature hors le livre. D&rsquo;ailleurs, dans un billet issu de la section &laquo;&nbsp;remarques et compagnie&nbsp;&raquo; (aujourd&rsquo;hui disparue) de son site Web, elle r&eacute;agit au fait qu&rsquo;on lui demande r&eacute;guli&egrave;rement son avis sur le livre num&eacute;rique et la tant annonc&eacute;e mort du livre, et d&eacute;clare une absence d&rsquo;attachement ‒ d&rsquo;aucuns parleraient de f&eacute;tichisme ‒ pour le livre&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Je ne comprends pas cette peur du num&eacute;rique. C&rsquo;est le texte qui importe, pas son support. [&hellip;], le rapport charnel au livre, c&rsquo;est vrai que je ne le saisis pas, je ne l&rsquo;ai jamais v&eacute;cu, la bibliophilie, les reliures, &ccedil;a me laisse de glace, seul le contenu me touche. Mais je reste perplexe, quand m&ecirc;me, face &agrave; cette frayeur de la fin du livre, comme si &ccedil;a signifiait la mort de la litt&eacute;rature, le num&eacute;rique&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>.</p> </blockquote> <p>Cette posture qui fait primer le texte, l&rsquo;&eacute;criture, l&rsquo;exp&eacute;rimentation sur le support, elle la d&eacute;veloppera &eacute;galement &agrave; travers le dialogue entre Th&eacute;ophile et Clotilde M&eacute;lisse dans&nbsp;<em>Dans ma maison sous terre</em>. Clotilde M&eacute;lisse, qui aime &agrave; d&eacute;clarer &laquo;&nbsp;le livre est mort, vive la litt&eacute;rature&nbsp;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a>&nbsp;!&nbsp;&raquo;, avec un point d&rsquo;exclamation comme le pr&eacute;cise Th&eacute;ophile, est une sorte&nbsp;<em>d&rsquo;alter ego</em>&nbsp;militant du personnage de fiction Chlo&eacute; Delaume, &laquo;&nbsp;un creuset &agrave; fantasmes, un transfert tr&egrave;s grossier&nbsp;<a href="#_ftn32" name="_ftnref32">[32]</a>&nbsp;&raquo; dit-elle. La litt&eacute;rature hors le livre selon Delaume poss&egrave;de une dimension ind&eacute;niablement politique, voire &eacute;thique&nbsp;: contre &laquo;&nbsp;la r&eacute;publique banani&egrave;re des lettres&nbsp;<a href="#_ftn33" name="_ftnref33">[33]</a>&nbsp;&raquo;, puisque le livre est aussi pour elle, dans une certaine mesure, symbole de ce monde &eacute;ditorial rong&eacute; par le monopole des grandes maisons d&rsquo;&eacute;ditions et leurs d&eacute;marches commerciales. Ainsi, chercher &agrave; s&rsquo;&eacute;chapper du livre par la performance est &eacute;galement comme un moyen de remettre en question son monopole symbolique. Cela permet aux auteurs comme Delaume d&rsquo;exercer le litt&eacute;raire &agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur du monde normatif de l&rsquo;&eacute;dition, l&rsquo;objectif &eacute;tant avant tout de laisser plus de place &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rimental.</p> <p>Au-del&agrave; du simple exercice promotionnel, les &eacute;crivains contemporains revendiquent leur place dans l&rsquo;espace public, et la lecture et la performance participent r&eacute;solument de cette nouvelle pr&eacute;sence. Loin d&rsquo;&ecirc;tre un locuteur&nbsp;<em>in absentia</em>, l&rsquo;auteur contemporain s&rsquo;incarne, s&rsquo;expose, voire se trouve &laquo;&nbsp;surexpos&eacute;&nbsp;&raquo;, comme le constatent Ruffel et Rosenthal&nbsp;:</p> <blockquote> <p>L&rsquo;&eacute;crivain, s&rsquo;il veut &ecirc;tre pr&eacute;sent et exister en tant qu&rsquo;&eacute;crivain, doit d&eacute;sormais se rendre visible. Ses interventions dans le champ social vont de pair avec le d&eacute;veloppement du spectaculaire et d&rsquo;une industrie culturelle litt&eacute;raire pour lesquels le corps physique de l&rsquo;auteur est de plus en plus requis&nbsp;: des signatures en librairie aux lectures publiques jusqu&rsquo;au d&eacute;veloppement in&eacute;dit et massif des festivals litt&eacute;raires, on assiste &agrave; une transformation de la pr&eacute;sence sociale de l&rsquo;auteur. La visibilit&eacute; de l&rsquo;&eacute;crivain devient &agrave; la fois un principe esth&eacute;tique et une condition sociale&nbsp;<a href="#_ftn34" name="_ftnref34">[34]</a>.</p> </blockquote> <p>L&rsquo;exercice m&ecirc;me de la performance permet de pallier les &eacute;cueils que peuvent parfois former la pr&eacute;sence publique de l&rsquo;&eacute;crivain en le faisant entrer dans l&rsquo;espace et en lui donnant corps sur un mode purement repr&eacute;sentationnel et fictionnel, mode qu&rsquo;embrasse absolument Delaume. Gr&acirc;ce &agrave; son pseudonyme concat&eacute;nant r&eacute;f&eacute;rences &agrave;&nbsp;<em>L&rsquo;&Eacute;cume des jours</em>&nbsp;de Boris Vian et&nbsp;<em>L&rsquo;Arve et l&rsquo;Aume&nbsp;</em>d&rsquo;Antonin Artaud, adaptation-traduction de&nbsp;<em>La Travers&eacute;e du miroir</em>&nbsp;de Lewis Caroll, l&rsquo;auteure reste toujours du m&ecirc;me c&ocirc;t&eacute; du miroir, le seul dans lequel la vie est possible&nbsp;: la fiction.</p> <h3><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h3> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a>&nbsp;V<em>.</em>&nbsp;Roselee Goldberg,&nbsp;<em>Performances</em>&nbsp;<em>&ndash;</em>&nbsp;<em>L&rsquo;Art en action</em>, Londres, Thames &amp; Hudson, 1999 ; Roselee Goldberg,&nbsp;<em>La Performance, du futurisme &agrave; nos jours,</em>&nbsp;Londres, Thames &amp; Hudson, [1979] 2001&nbsp;; Cynthia Carr,&nbsp;<em>On Edge</em>&nbsp;<em>&ndash;</em>&nbsp;<em>Performance at the End of the 20th Century</em>, Middletown, Wesleyan University Press, [1993] 2008&nbsp;; Arnaud Label-Rojoux,&nbsp;<em>Acte pour l&rsquo;art</em>, Paris, Al Dante, [1989] 2007.</p> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a>&nbsp;Je souligne. &laquo;&nbsp;On the one hand there was performance [&hellip;] the work of a single artist, often using material from everyday life and rarely playing a conventional &ldquo;character&rdquo;,&nbsp;<u>emphasizing the activities of the body in space and time,</u>&nbsp;sometimes by the framing of natural behaviour, sometimes by the display of virtuosic physical skills or extremely taxing physical demands, and turning gradually toward&nbsp;<u>autobiographical exploration</u>. On the other hand there was a tradition, not often designated as performance until after 1980 but subsequently generally included in such work, of more elaborate spectacles not based upon the body or the psyche of the individual artist but devoted to the display of non-literary aural and visual images, often involving spectacle,&nbsp;<u>technology</u>, and&nbsp;<u>mixed media</u>.&nbsp;&raquo; (Carlson Marvin,&nbsp;<em>Performance&nbsp;: A Critical Introduction</em>, New York et Londres, Routledge, 2004, p.&nbsp;115).</p> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a>&nbsp;V. Dorine Muraille,&nbsp;<em>Mani</em>, Fat Cat Records, 2003.</p> <p><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a>&nbsp;Une partie de cette analyse de&nbsp;<em>Corpus Simsi</em>&nbsp;est tir&eacute;e d&rsquo;un article pr&eacute;c&eacute;demment publi&eacute;&nbsp;: Ana&iuml;s Guilet, &laquo;&nbsp;Lire le jeu vid&eacute;o, jouer &agrave; la litt&eacute;rature&nbsp;:&nbsp;<em>Corpus Simsi</em>&nbsp;de Chlo&eacute; Delaume&nbsp;&raquo;,<em>&nbsp;Questions de communication, s&eacute;rie acte 8&nbsp;: Les jeux vid&eacute;o au croisement du social, de l&rsquo;art et de la culture</em>, Sylvie Craipeau, S&eacute;bastien Genvo et Brigitte Simonnot (dir.), Nancy, Presses universitaires de Nancy, 2010.</p> <p><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;Performance as an aesthetic act is above all the art of experiment, the art of intensity and communicability, the art having the greatest number of signs at each moment of its evolution, the art of constant narrative, chromatic and formal transformation. Where the artist is also no longer the contemplative creator of his own work, but lives the art he creates and creates an art that lives.&nbsp;&raquo; (Fernando Aguiar,<em>&nbsp;Performance&nbsp;: the Essence of the</em>&nbsp;<em>Senses</em>, en ligne&nbsp;<a href="http://po-ex.net/taxonomia/transtextualidades/metatextualidades-autografas/fernando-aguiar-a-intervencao-poetica" target="_blank">ici</a>).</p> <p><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a>&nbsp;Olivia Rosenthal, Lionel Ruffel, &laquo;&nbsp;Introduction &raquo;,&nbsp;<em>Litt&eacute;rature</em>, n&ordm;&nbsp;160, d&eacute;cembre 2010, p.&nbsp;9. En ligne&nbsp;<a href="http://www.cairn.info/revue-litterature-2010-4-page-3.htm" target="_blank">ici</a>.</p> <p><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a>&nbsp;David Ruffel, &laquo;&nbsp;La litt&eacute;rature contextuelle&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>ibid.</em>, p.&nbsp;62. En ligne&nbsp;<a href="http://www.cairn.info/revue-litterature-2010-4-page-61.htm" target="_blank">ici</a>.</p> <p><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a>&nbsp;<em>Ibid</em>,&nbsp; p.&nbsp;63.</p> <p><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a>&nbsp;Chlo&eacute; Delaume, &laquo;&nbsp;Vie, saisons, &eacute;pisodes&nbsp;&raquo;, en ligne&nbsp;<a href="http://www.chloedelaume.net/?page_id=105" target="_blank">ici</a>.</p> <p><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a>&nbsp;&laquo;<em>&nbsp;</em>[It] has been picked up among the existing physical bodies and it has been shown or ostended &raquo; (Umberto Eco<strong>,&nbsp;</strong>&laquo;Semiotic of Theatrical Performance&raquo;,&nbsp;<em>The Drama Review&nbsp;: TDR,&nbsp;</em>Vol. 21, n&ordm;<em>&nbsp;</em>1,&nbsp;<em>Theatre and Social Action Issue</em>, mars 1977, p.<em>&nbsp;</em>110).</p> <p><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;Je m&rsquo;appelle Chlo&eacute; Delaume. Je suis un personnage de fiction. Je le dis, le redis, sans cesse partout l&rsquo;affirme. Je m&rsquo;&eacute;cris dans des livres, des textes, des pi&egrave;ces sonores. J&rsquo;ai d&eacute;cid&eacute; de devenir personnage de fiction quand j&rsquo;ai r&eacute;alis&eacute; que j&rsquo;en &eacute;tais d&eacute;j&agrave; un. &Agrave; cette diff&eacute;rence que je ne m&rsquo;&eacute;crivais pas. D&rsquo;autres s&rsquo;en occupaient. Personnage secondaire d&rsquo;une fiction familiale et figurante passive de la fiction collective. J&rsquo;ai choisi l&rsquo;&eacute;criture pour me r&eacute;approprier mon corps, mes faits et gestes, et mon identit&eacute; &raquo; (Chlo&eacute; Delaume,&nbsp;<em>S&rsquo;&eacute;crire mode d&rsquo;emploi</em>, Publie.net, 2008).</p> <p><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;Within the play frame a performer is not herself (because of the operation of illusion) but she is also not not herself (because of the operations of reality). Performer and audience alike operate in world of double consciousness &raquo; (Carlson Marvin,&nbsp;<em>Performance&nbsp;: A Critical Introduction</em>, New York et Londres, Routledge, 2004, p.&nbsp;49).</p> <p><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a>&nbsp;Nancy Huston,&nbsp;<em>L&rsquo;Esp&egrave;ce fabulatrice</em>, Paris, Actes Sud, 2008, p.&nbsp;24.</p> <p><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a>&nbsp;&laquo; [&hellip;] the use of performance to explore alternate&nbsp;<em>selves</em>&nbsp;or to reveal fantasies or psychic autobiography had by the mid 1970&rsquo;s become a major approach to performance in the United States &raquo; (Carlson Marvin,&nbsp;<em>Performance&nbsp;: A Critical Introduction</em>, New York et Londres, Routledge, 2004, p.&nbsp;126).</p> <p><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a>&nbsp;Chlo&eacute; Delaume,&nbsp;<em>Dans ma maison sous terre</em>, Paris, Seuil, 2009, p.&nbsp;202.</p> <p><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a>&nbsp;Entretien radiophonique avec Colette Fellous, &laquo;&nbsp;Vingt-quatre heures dans la vie de&hellip;&nbsp;&raquo;, France Culture, dimanche 9 ao&ucirc;t 2009.</p> <p><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a>&nbsp;Description de la performance &laquo;&nbsp;Messalina Dicit&nbsp;&raquo; sur le site d&rsquo;<em>Actoral.11</em>. En ligne&nbsp;<a href="http://www.actoral.org/archives-actoral/actoral-11-20/chloe-delaume-gilbert-nouno" target="_blank">ici</a>.</p> <p><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a>&nbsp;Retranscription de la performance &laquo;&nbsp;Messalina Dicit&nbsp;&raquo; r&eacute;alis&eacute;e par Chlo&eacute; Delaume et Gilbert Nouno, le 14 septembre 2011 &agrave; La Cri&eacute;e &agrave; Marseille lors du festival&nbsp;<em>Actoral.11</em>. En ligne&nbsp;<a href="https://vimeo.com/60948721" target="_blank">ici</a>, consult&eacute; le 25 mars 2016.</p> <p><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em></p> <p><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a>&nbsp;Entretien radiophonique avec Colette Fellous, &laquo;&nbsp;Vingt-quatre heures dans la vie de&hellip;&nbsp;&raquo;, France Culture, dimanche 9 ao&ucirc;t 2009.</p> <p><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a>&nbsp;V. Chlo&eacute; Delaume,&nbsp;<em>La Vanit&eacute; des Somnambules,&nbsp;</em>Paris, Leo Scheer, 2003&nbsp;; Chlo&eacute; Delaume<em>, Corpus Simsi</em>, Paris, Leo Scheer, 2003&nbsp;; Chlo&eacute; Delaume<em>, Une femme avec personne dedans</em>, Paris, Seuil, 2012&nbsp;;&nbsp;<em>La r&egrave;gle du Je</em>.<em>&nbsp;Autofiction</em>&nbsp;:<em>&nbsp;un essai</em>, Paris, PUF, 2015.</p> <p><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a>&nbsp;Chlo&eacute; Delaume,&nbsp;<em>S&rsquo;&eacute;crire mode d&rsquo;emploi</em>, Publie.net, 2008.</p> <p><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a>&nbsp;Arnaud Ma&iuml;setti, &laquo;&nbsp;Chlo&eacute; Delaume&nbsp;<em>Dans ma maison sous terre&nbsp;:&nbsp;</em>Po&eacute;tique de l&rsquo;autofiction&nbsp;&raquo;, billet de blog, 28 f&eacute;vrier 2009, en ligne&nbsp;<a href="http://www.arnaudmaisetti.net/spip/spip.php?article89">ici</a>.</p> <p><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a>&nbsp;Chlo&eacute; Delaume, &laquo; Le soi est une fiction&nbsp;&raquo;, entretien avec Barbara Havercroft,&nbsp;<em>Revue critique de fixxion fran&ccedil;aise contemporaine</em>,&nbsp;2012.&nbsp;En&nbsp;ligne&nbsp;<a href="http://www.revue-critique-de-fixxion-francaise-contemporaine.org/rcffc/article/view/fx04.12/671" target="_blank">ici</a>.</p> <p><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a>&nbsp;Chlo&eacute; Delaume,&nbsp;<em>S&rsquo;&nbsp;&eacute;crire mode d&rsquo;emploi</em>, Publie.net, 2008.</p> <p><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a>&nbsp;Marcel Proust,&nbsp;<em>Le Temps retrouv&eacute;</em>, Paris, Gallimard [1927], 1990, p.&nbsp;202.</p> <p><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a>&nbsp;Olivia Rosenthal, Lionel Ruffel, &laquo;&nbsp;Introduction &raquo;,&nbsp;<em>Litt&eacute;rature</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;4.</p> <p><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em></p> <p><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a>&nbsp;Auteurs que citent David Ruffel dans &laquo;&nbsp;Une litt&eacute;rature contextuelle&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Litt&eacute;rature,</em>&nbsp;<em>op. cit.</em></p> <p><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a>&nbsp;Chlo&eacute; Delaume, billet de blog, &laquo;&nbsp;Remarque et cie&nbsp;&raquo;, anciennement en ligne<a href="http://http%20//www.chloedelaume.net/remarques/index.php" target="_blank">&nbsp;ici</a>, consult&eacute; le 13 juin 2010.</p> <p><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a>&nbsp;Chlo&eacute; Delaume,&nbsp;<em>Dans ma maison sous terre</em>, Paris, Seuil, 2009, p.&nbsp;27.</p> <p><a href="#_ftnref32" name="_ftn32">[32]</a>&nbsp;<em>Ibid</em>. p.&nbsp;29.</p> <p><a href="#_ftnref33" name="_ftn33">[33]</a>&nbsp;<em>Ibid</em>. p.&nbsp;27.</p> <p><a href="#_ftnref34" name="_ftn34">[34]</a>&nbsp;Olivia Rosenthal, Lionel Ruffel,&nbsp;&laquo;&nbsp;Introduction &raquo;,&nbsp;<em>Litt&eacute;rature</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;10.</p> <h3>Auteur</h3> <p><strong>Ana&iuml;s Guilet</strong>&nbsp;est ma&icirc;tresse de conf&eacute;rences en Lettres et en Sciences de l&rsquo;information et de la communication &agrave; l&rsquo;universit&eacute; Savoie-Mont Blanc. Elle fait partie de l&rsquo;&eacute;quipe G-SICA, consacr&eacute;e &agrave; la&nbsp; recherche sur l&rsquo;image, la communication et les arts num&eacute;riques, du laboratoire LLSETI. Sp&eacute;cialis&eacute;e dans les humanit&eacute;s num&eacute;riques, ses recherches portent&nbsp;sur les esth&eacute;tiques num&eacute;riques et transm&eacute;diatiques, ainsi que sur la place du livre dans la culture contemporaine. Son site Web :&nbsp;<a href="http://www.cyborglitteraire.com/" target="_blank">www.cyborglitteraire.com</a>.</p> <h3><strong>Copyright</strong></h3> <p>Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p>