<h3>Abstract</h3> <p>It is possible to detect a change in the autofictionnal work of Chlo&eacute; Delaume by examining the image of the father and the relationship with her paternal line. This change is in keeping with a change in her writer&rsquo;s ethos. In the&nbsp;<em>Cri du sablier&nbsp;</em>(2001), her writer&rsquo;s identity is built in opposition to her father and on the hatred of this man who committed a double murder. In&nbsp;<em>Dans ma maison sous terre&nbsp;</em>(2009), her writing is focused on the trouble of the lack of symbolic filiation. Finaly, in&nbsp;<em>L&agrave; o&ugrave; le sang nous appelle&nbsp;</em>(2013), she begins to seek her origin and tries to know more about her Lebanese childhood and her paternal line. Her writer&rsquo;s ethos changes and her work evolves out of the perspective of autofiction.</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p>Chlo&eacute; Delaume&nbsp;autofiction, father relationship, quest of origin, Lebanon</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>Le Petit Robert, cher &agrave; Chlo&eacute; Delaume, indique que le mot&nbsp;<em>origine</em>&nbsp;a deux sens&nbsp;: d&rsquo;une part, celui d&rsquo;ascendance, d&rsquo;anc&ecirc;tres, de milieu d&rsquo;o&ugrave; l&rsquo;on vient ; d&rsquo;autre part celui de d&eacute;but, naissance, commencement. Concernant cette &eacute;crivaine, les deux sens du mot renvoient &agrave; des d&eacute;clarations complexes et quelquefois contradictoires. La question de l&rsquo;ascendance &ndash;&nbsp;notamment la lign&eacute;e libanaise du p&egrave;re&nbsp;&ndash; a dans un premier temps &eacute;t&eacute; consid&eacute;r&eacute;e comme r&eacute;solue. Chlo&eacute; Delaume s&rsquo;est construite&nbsp;<em>contre</em>&nbsp;son p&egrave;re et &agrave; partir de la haine &eacute;prouv&eacute;e &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de l&rsquo;homme qui un jour de juin 1983 a assassin&eacute; son &eacute;pouse avant de se donner la mort. M&ecirc;me refus &ndash;&nbsp;bien que celui-ci se fonde sur un contexte biographique diff&eacute;rent&nbsp;&ndash; en ce qui concerne les ascendants du c&ocirc;t&eacute; maternel. Chlo&eacute; Delaume a d&eacute;nonc&eacute; &agrave; maintes reprises le c&ocirc;t&eacute; inhumain et socialement conformiste &agrave; la fois de sa grand-m&egrave;re s&rsquo;excusant pour son absence de vernis &agrave; ongles le jour de l&rsquo;enterrement de sa fille et de l&rsquo;oncle et la tante qui l&rsquo;ont accueillie quand elle s&rsquo;est trouv&eacute;e orpheline. Quant &agrave; la question du commencement, de la naissance, on est aussi dans le refus, la rupture du lien avec la naissance r&eacute;elle&nbsp;: l&rsquo;&eacute;crivaine ayant souvent affirm&eacute; que c&rsquo;&eacute;tait de la litt&eacute;rature qu&rsquo;elle &eacute;tait n&eacute;e, comme l&rsquo;atteste le nom qu&rsquo;elle s&rsquo;est donn&eacute;, tir&eacute; de livres de Boris Vian et Lewis Carroll.</p> <p>Si cependant on examine plus attentivement les textes de Chlo&eacute; Delaume, on s&rsquo;aper&ccedil;oit que cette id&eacute;e &eacute;volue et que la lign&eacute;e paternelle notamment fait partiellement l&rsquo;objet d&rsquo;une revalorisation, voire d&rsquo;une revendication de traits communs. La relation au p&egrave;re n&rsquo;est pas la m&ecirc;me dans&nbsp;<em>Le Cri du Sablier&nbsp;</em>et&nbsp;<em>Dans ma maison sous terre</em>&nbsp;et elle subit un nouvel infl&eacute;chissement avec&nbsp;<em>L&agrave; o&ugrave; le sang nous appelle</em>. Dans ce dernier livre l&rsquo;auteure revendique une origine non plus tir&eacute;e de la litt&eacute;rature mais bel et bien du r&eacute;el avec le r&eacute;cit du voyage effectu&eacute; dans le village des anc&ecirc;tres paternels. On peut postuler que Chlo&eacute; Delaume &laquo;&nbsp;boucle la boucle&nbsp;&raquo; avec ce livre, sortant ainsi du cycle autofictionnel pour entrer dans une autre forme d&rsquo;&eacute;criture.</p> <p>Cet article &eacute;tudiera successivement trois &eacute;tapes de la relation &agrave; l&rsquo;origine et au p&egrave;re dans son articulation avec l&rsquo;&eacute;thos de l&rsquo;&eacute;crivaine&nbsp;: d&rsquo;abord la cr&eacute;ation du je autofictionnel contre le p&egrave;re, ensuite l&rsquo;&eacute;branlement de cette construction, les doutes lorsque cette cr&eacute;ation est menac&eacute;e par les affirmations malveillantes des proches et enfin le voyage au pays du p&egrave;re marquant la sortie de l&rsquo;autofiction.</p> <p>La premi&egrave;re image du p&egrave;re qui se dessine dans les livres de Chlo&eacute; Delaume est extr&ecirc;mement n&eacute;gative&nbsp;: c&rsquo;est celle du tueur. Dans&nbsp;<em>Le Cri du sablier,</em>&nbsp;ne figure aucun nom pour cette personne. Il est simplement nomm&eacute; &laquo;&nbsp;le p&egrave;re&nbsp;&raquo; (de m&ecirc;me que son &eacute;pouse n&rsquo;est autre que &laquo;&nbsp;la m&egrave;re&nbsp;&raquo;), par exemple dans le r&eacute;cit du double meurtre, o&ugrave; la progression &agrave; th&egrave;me constant accentue l&rsquo;id&eacute;e de sa responsabilit&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le p&egrave;re visa l&rsquo;enfant. Le p&egrave;re se ravisa [&hellip;] Le p&egrave;re avait perdu la t&ecirc;te [&hellip;]&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>&nbsp;&raquo; Le refus d&rsquo;utiliser un nom propre pour le d&eacute;signer peut &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute; comme un rejet, un refus de donner un statut humain &agrave; un &ecirc;tre dont les actes ont &eacute;t&eacute; ceux d&rsquo;un monstre, exclu par sa violence de l&rsquo;univers symbolique et de la soci&eacute;t&eacute;.</p> <p>Ce n&rsquo;est que dans les derni&egrave;res pages du livre que l&rsquo;on trouve les deux syllabes du mot &laquo;&nbsp;papa&nbsp;&raquo;. La narratrice affirme que celles-ci n&rsquo;&eacute;taient pas utilis&eacute;es par la petite fille&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;enfant parla fort t&ocirc;t. On la jugea bavarde. Le seul mot qui manquait d&eacute;signait classiquement le statut g&eacute;niteur&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>.&nbsp;&raquo; Le p&egrave;re frappe l&rsquo;enfant au point qu&rsquo;elle en vient &agrave; associer son nom au bruit et la r&eacute;p&eacute;tition des coups&nbsp;: &laquo;&nbsp;Si l&rsquo;on doit par &agrave;-coups toujours nommer le p&egrave;re c&rsquo;est qu&rsquo;il tape rythmiquement&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>Cet homme est donc caract&eacute;ris&eacute; &agrave; la fois par le crime qu&rsquo;il a perp&eacute;tr&eacute; et par la violence qui l&rsquo;habitait bien avant cet acte. Outre celle-ci, c&rsquo;est son &eacute;tranget&eacute;, son c&ocirc;t&eacute; hors normes qui sont mis en avant au sein du r&eacute;cit d&rsquo;enfance. Le p&egrave;re de Chlo&eacute; Delaume s&rsquo;absentait souvent&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il &eacute;tait capitaine de navires imposants&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>&nbsp;[&hellip;]&nbsp;&raquo;, accomplissait des actes inexplicables pour sa fille, revenait avec des billets verts dans la doublure de sa valise et les distribuait &agrave; &laquo;&nbsp;ses femmes&nbsp;&raquo;. Il jouait des tours &laquo;&nbsp;pendables&nbsp;&raquo;, a tu&eacute; le chat et, selon une anecdote o&ugrave; le gag rejoint l&rsquo;autofiction, il en fait de m&ecirc;me du hamster et l&rsquo;a donn&eacute; &agrave; manger &agrave; des invit&eacute;s dans des &laquo;&nbsp;mezz&eacute;s&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>&nbsp;&raquo;. Le p&egrave;re est associ&eacute; &agrave; l&rsquo;injustice et &agrave; l&rsquo;incompr&eacute;hension dans le r&eacute;cit o&ugrave; il met la petite fille de huit ans sous un jet d&rsquo;eau froide sans lui en expliquer la raison&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>.</p> <p>L&rsquo;enfant souhaite la mort du p&egrave;re&nbsp;: &laquo;&nbsp;Dieu vous qui &ecirc;tes si bon et si juste exaucez ma pri&egrave;re par piti&eacute; tuez mon p&egrave;re et je promets d&rsquo;&ecirc;tre sage [&hellip;]&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;[&hellip;] le p&egrave;re &eacute;tant capitaine un bon typhon et hop l&rsquo;affaire serait r&eacute;gl&eacute;e&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>&nbsp;&raquo;. Le p&egrave;re est associ&eacute; au d&eacute;go&ucirc;t, au refus. C&rsquo;est ainsi que la narratrice explique sa difficult&eacute; &agrave; assimiler les math&eacute;matiques, la m&egrave;re ayant dit un jour que les chiffres utilis&eacute;s sont des chiffres &laquo;&nbsp;arabes&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;enfant comprit alors. Les chiffres appartenaient &agrave; la langue du p&egrave;re&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>La cr&eacute;ation de Chlo&eacute; Delaume se fonde sur un d&eacute;sir d&rsquo;<em>extraction</em>, selon un terme qui lui est cher&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>&nbsp;et qu&rsquo;elle utilise dans&nbsp;<em>Le Cri du sablier&nbsp;</em><a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>. Il s&rsquo;agit d&rsquo;arracher la part de folie destructive en elle, la part qui la lie au p&egrave;re, afin de vivre et de cr&eacute;er de fa&ccedil;on autonome. Plus loin, il est question de &laquo;&nbsp;s&rsquo;amputer du p&egrave;re&nbsp;&raquo; ou de &laquo;&nbsp;se d&eacute;lier du p&egrave;re&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>&nbsp;&raquo;. Tel est le projet de l&rsquo;auteur &agrave; sa naissance comme &eacute;crivaine.</p> <p>Tr&egrave;s discr&egrave;tement appara&icirc;t cependant dans&nbsp;<em>Le Cri du sablier</em>&nbsp;une valorisation de la langue du p&egrave;re, l&rsquo;arabe. La petite fille aurait aim&eacute; la parler. Apr&egrave;s la mention de la d&eacute;couverte de l&rsquo;&eacute;pisode biblique de la Pentec&ocirc;te et du don de s&rsquo;exprimer en langues &eacute;trang&egrave;res, la narratrice confie&nbsp;: &laquo;&nbsp;quand rentrait le p&egrave;re elle aurait bien aim&eacute; lui r&eacute;pondre en arabe&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>&nbsp;&raquo;. Cette r&eacute;f&eacute;rence positive &agrave; la langue du p&egrave;re, revient &agrave; la fin du livre lorsque l&rsquo;&eacute;crivaine indique que son premier mari portait aussi un nom arabe. Elle nuance cet &eacute;l&eacute;ment valorisant par le fait qu&rsquo;elle n&rsquo;a jamais port&eacute; ce nom et dit que cela s&rsquo;est fait involontairement sans qu&rsquo;elle s&rsquo;en rend&icirc;t compte&nbsp;: &laquo;&nbsp;Elle n&rsquo;y avait pris garde et lorsque la grand-m&egrave;re bl&ecirc;mit qu&rsquo;avez-vous toutes avec vos noms arabes, ta m&egrave;re mit des ann&eacute;es &agrave; s&rsquo;en d&eacute;barrasser et toi qu&rsquo;est-ce que tu fais tu en reprends un autre oh c&rsquo;&eacute;tait bien la peine&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>.&nbsp;&raquo; Si le lien entre ce premier &eacute;poux et le p&egrave;re est explicite &ndash; &laquo;&nbsp;L&rsquo;&eacute;poux devint l&rsquo;&eacute;poux parce qu&rsquo;il portait en lui le grain &agrave; fleur de peau le pistil paternel&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;&ndash; appara&icirc;t rapidement une autre ressemblance&nbsp;: l&rsquo;instabilit&eacute; affective. Ce n&rsquo;est donc que tr&egrave;s sporadiquement, voire implicitement qu&rsquo;on trouve dans ce livre des r&eacute;f&eacute;rences &agrave; la sph&egrave;re du p&egrave;re &eacute;chappant &agrave; la haine et au refus. &Agrave; quelques nuances pr&egrave;s, le p&egrave;re n&rsquo;est autre que &laquo;&nbsp;la folie en h&eacute;ritage&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>&nbsp;&raquo;. Chlo&eacute; Delaume craint d&rsquo;&ecirc;tre atteinte de folie comme son g&eacute;niteur&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;la mauvaise graine le mauvais grain. Elle a un grain comme son p&egrave;re r&eacute;p&eacute;taient &agrave; l&rsquo;envi les h&eacute;bergeurs&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>.&nbsp;&raquo; On est dans une identification n&eacute;gative et c&rsquo;est pour &eacute;chapper &agrave; ce risque que Chlo&eacute; Delaume cr&eacute;e son identit&eacute; d&rsquo;&eacute;crivaine et auteur d&rsquo;autofiction. Le Je qui appara&icirc;t vers la fin du livre semble s&rsquo;extraire du chaos de la relation au p&egrave;re, puis de la relation &agrave; l&rsquo;&eacute;poux. &laquo;&nbsp;Et puis un jour le Je. Le Je jaillit d&rsquo;une elle un peu trop &eacute;puis&eacute;e de se radier de soi&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>&nbsp;&raquo;, lit-on dans la derni&egrave;re partie du&nbsp;<em>Cri du Sablier</em>. Ce Je se constitue contre le p&egrave;re, de m&ecirc;me que le langage articul&eacute; et l&rsquo;&eacute;criture qu&rsquo;elle utilise se constituent contre la r&eacute;p&eacute;tition d&eacute;nu&eacute;e de sens et renvoyant &agrave; la violence des deux syllabes de &laquo;&nbsp;papa&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est donc clairement contre le p&egrave;re et la menace de folie qui lui est associ&eacute;e que se constitue l&rsquo;ethos de l&rsquo;&eacute;crivaine. Celui-ci va cependant &eacute;voluer &agrave; la fois sous l&rsquo;effet d&rsquo;&eacute;v&eacute;nements dans le r&eacute;el et de l&rsquo;exploration des possibilit&eacute;s de l&rsquo;&eacute;criture autofictionnelle.</p> <p>Un tournant important appara&icirc;t dans&nbsp;<em>Dans ma maison sous terre.&nbsp;</em>On sait que la fiction de ce livre est situ&eacute;e dans un cimeti&egrave;re et qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;un ouvrage o&ugrave; la mort occupe une place centrale. Il y est question de morts r&eacute;els, connus et inconnus. Le livre se d&eacute;veloppe comme un texte de haine contre la grand-m&egrave;re, un ouvrage qui joue avec la fonction performative de l&rsquo;&eacute;criture et le d&eacute;sir de tuer l&rsquo;a&iuml;eule. Mais ce qui est avant tout d&eacute;truit, c&rsquo;est une cr&eacute;ation personnelle de l&rsquo;auteur&nbsp;: le moi constitu&eacute; &agrave; partir de la haine du p&egrave;re, du d&eacute;sir de l&rsquo;extraire de soi. Cette construction a &eacute;t&eacute; invalid&eacute;e, d&eacute;molie par une d&eacute;claration de la cousine de Chlo&eacute; Delaume, une information transmise par sa grand-m&egrave;re, selon laquelle l&rsquo;homme Sylvain qui a tu&eacute; sa m&egrave;re et s&rsquo;est lui-m&ecirc;me tu&eacute; n&rsquo;est pas son p&egrave;re biologique. Si cette information (qui s&rsquo;est par la suite r&eacute;v&eacute;l&eacute;e erron&eacute;e) s&rsquo;av&egrave;re d&eacute;stabilisante pour la narratrice, c&rsquo;est parce qu&rsquo;elle est difficile &agrave; int&eacute;grer dans sa construction personnelle, dans le mythe fondateur de son moi d&rsquo;&eacute;crivain. Elle dit longuement son trouble et se lance dans des explications complexes sur les changements de pr&eacute;noms de son p&egrave;re. On lit notamment&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Sylvain n&rsquo;est pas ton p&egrave;re</em>&nbsp;ce n&rsquo;est pas une phrase correcte, elle rel&egrave;ve de l&rsquo;inacceptable dans la bouche de la cousine&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>&nbsp;[&hellip;]&nbsp;&raquo; La narratrice n&eacute;e d&rsquo;une fiction est boulevers&eacute;e par le vide cr&eacute;&eacute; en elle apr&egrave;s la r&eacute;v&eacute;lation de la grand-m&egrave;re&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je n&rsquo;ai plus de p&egrave;re, comprenez-vous. Cela fait vingt-cinq ans que je suis orpheline et me voil&agrave; maintenant &agrave; moiti&eacute; fille de rien. Je ne sais plus qui je suis, je ne sais plus d&rsquo;o&ugrave; je viens ni &agrave; qui je ressemble ni contre qui je lutte&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>Chlo&eacute; Delaume a perdu son cadre de r&eacute;f&eacute;rence. Elle n&rsquo;est plus rien, alors qu&rsquo;elle s&rsquo;&eacute;tait construite personnage de fiction contre (ce qui suppose en r&eacute;f&eacute;rence &agrave;) quelqu&rsquo;un et une histoire. Ce qui est atteint est la constitution m&ecirc;me du sujet de l&rsquo;&eacute;nonciation. S&rsquo;adressant au personnage fictif de Th&eacute;odile qui l&rsquo;accompagne dans ses p&eacute;r&eacute;grinations &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur d&rsquo;un cimeti&egrave;re, la narratrice l&rsquo;interroge avec angoisse&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;&eacute;tais la fille d&rsquo;un assassin et me voil&agrave; moins que &ccedil;a encore. J&rsquo;&eacute;tais la fille d&rsquo;un suicid&eacute;, &agrave; pr&eacute;sent ce que je suis, dites-moi Th&eacute;ophile, dites, comment &ccedil;a s&rsquo;appelle&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>.&nbsp;&raquo; La r&eacute;ponse de Th&eacute;ophile ne peut bien s&ucirc;r que commencer par &laquo;&nbsp;Je ne sais pas&nbsp;&raquo;. Seul le nouveau &laquo;&nbsp;je&nbsp;&raquo; qui &ndash;&nbsp;selon le principe de l&rsquo;autofiction&nbsp;&ndash; se construira dans l&rsquo;&eacute;criture pourra apporter des &eacute;l&eacute;ments de r&eacute;ponse.</p> <p>Dans ce livre est &eacute;voqu&eacute; plus directement que dans&nbsp;<em>Le Cri du sablier</em>, le refus par la m&egrave;re de l&rsquo;identit&eacute; arabe de son conjoint et donc de son patronyme ainsi que des id&eacute;es politiques de gauche de celui-ci. Dans&nbsp;<em>Dans ma maison sous terre</em>, est narr&eacute;e l&rsquo;adh&eacute;sion forc&eacute;e par son &eacute;poux de la m&egrave;re au parti socialiste, alors que ses id&eacute;es politiques personnelles et familiales se situent nettement &agrave; droite. Devient plus explicite ici<em>,</em>&nbsp;le fait qu&rsquo;un trait d&rsquo;identification positive entre Chlo&eacute; Delaume et son p&egrave;re passe par les convictions politiques. Elle &eacute;voque la personne de son oncle, Georges Ibrahim Abdallah, arr&ecirc;t&eacute; et consid&eacute;r&eacute; comme criminel et terroriste international. Cet oncle est pr&eacute;sent&eacute; comme proche du p&egrave;re, voire un double qui aurait canalis&eacute; l&rsquo;&eacute;nergie meurtri&egrave;re (que le p&egrave;re a utilis&eacute;e contre lui-m&ecirc;me et sa famille) vers la cause r&eacute;volutionnaire&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je me souviens que Tonton Georges, dans la t&eacute;l&eacute;vision, c&rsquo;&eacute;tait mon p&egrave;re avec une barbe&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>.&nbsp;&raquo; La narratrice prend position dans le conflit ayant oppos&eacute; ses parents. L&rsquo;implicite du texte r&eacute;v&egrave;le sans ambigu&iuml;t&eacute; son choix pour les id&eacute;es du p&egrave;re. Cela se fait principalement par l&rsquo;ironie &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de sa m&egrave;re, femme profond&eacute;ment conservatrice, d&eacute;fendant l&rsquo;ordre &eacute;tabli et soucieuse du regard des voisins. D&egrave;s lors appara&icirc;t une seconde raison, contradictoire avec la premi&egrave;re, au trouble de la narratrice &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de la nouvelle de la non paternit&eacute; de Selim/Sylvain, c&rsquo;est la perte du lien identificatoire avec les id&eacute;es politiques d&rsquo;extr&ecirc;me gauche du clan Abdallah. Il s&rsquo;agit &agrave; la fois d&rsquo;une perte de contours, mais aussi de celle d&rsquo;un lignage et d&rsquo;une communaut&eacute; d&rsquo;id&eacute;es&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Les Abdallah &eacute;taient une terre, escarp&eacute;e et dangereuse, h&eacute;bergeant tout un peuple ayant le go&ucirc;t du sang. Il m&rsquo;a fallu du temps, une conscience politique et des renseignements pour saisir les enjeux de cet &eacute;trange lignage. Quand la grand-m&egrave;re m&rsquo;a transmis la bonne nouvelle, j&rsquo;en tirais une fiert&eacute;, de cette famille paternelle, je l&rsquo;avais int&eacute;gr&eacute;e, elle faisait partie de moi. [&hellip;] Mon p&egrave;re &eacute;tait cingl&eacute; mais ses fr&egrave;res activistes, physiquement engag&eacute;s, c&rsquo;&eacute;tait toujours &ccedil;a de pris&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>.</p> </blockquote> <p>Il y a ind&eacute;niablement une solidarit&eacute; de l&rsquo;auteur avec l&rsquo;arabit&eacute; paternelle. Elle s&rsquo;oppose nettement &agrave; la famille maternelle qui &eacute;tait raciste. Dans sa haine et d&eacute;sir de mort de la grand-m&egrave;re, il y a aussi la haine du racisme et du refus de son p&egrave;re &agrave; cause de son origine ethnique. C&rsquo;est ind&eacute;niablement cette solidarit&eacute; avec le p&egrave;re pourtant meurtrier qui s&rsquo;exprime lorsqu&rsquo;elle &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;ignore ce que cela peut faire, voyez-vous Th&eacute;ophile, d&rsquo;&ecirc;tre l&rsquo;&eacute;poux d&rsquo;une raciste lorsque l&rsquo;on est arabe&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>.&nbsp;&raquo; Si on va jusqu&rsquo;au bout de l&rsquo;implicite, on peut lire une accusation claire contre les pr&eacute;jug&eacute;s de sa m&egrave;re et une explication (accusation&nbsp;?) du climat familial explosif, ayant pr&eacute;c&eacute;d&eacute; l&rsquo;acte criminel. Tout se passe donc dans ce livre comme si la n&eacute;gation du p&egrave;re par la famille maternelle dans la vraie vie entra&icirc;nait un d&eacute;placement du sujet de l&rsquo;&eacute;criture qui ne se d&eacute;finit plus seulement par le rejet de son origine mais partiellement par sa revendication.</p> <p>La question du nom de famille joue &eacute;galement un r&ocirc;le. Celle qui s&rsquo;est par la suite baptis&eacute;e Chlo&eacute; Delaume a vu son patronyme de naissance modifi&eacute; lorsque son p&egrave;re a &eacute;t&eacute; naturalis&eacute;. N&eacute;e Nathalie Abdallah, elle est devenue Nathalie Dalain. Un nom de famille n&rsquo;est pas seulement une poign&eacute;e de sons ou une mani&egrave;re pratique de d&eacute;signer quelqu&rsquo;un, il renvoie &agrave; une origine, &agrave; une filiation. Lors de ce premier changement de nom a &eacute;t&eacute; exerc&eacute; sur la petite fille une violence symbolique forte, dont elle fait porter la responsabilit&eacute;, plus sur sa m&egrave;re que sur son p&egrave;re. Dans&nbsp;<em>La R&egrave;gle du Je</em>, essai publi&eacute; un an apr&egrave;s&nbsp;<em>Dans ma maison sous terre</em>, on lit&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&rsquo;&eacute;tait le patronyme qui, pour ma m&egrave;re, relevait de l&rsquo;innommable, c&rsquo;est &ccedil;a qui ne facilitait les choses pour personne. Abdallah un supplice&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>.&nbsp;&raquo; Elle explique que le patronyme Abdallah ne lui posait pas de probl&egrave;me car comme tout enfant elle l&rsquo;utilisait peu et surtout parce que c&rsquo;&eacute;tait le sien, celui avec lequel elle avait commenc&eacute; &agrave; grandir&nbsp;: &laquo;&nbsp;Jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;&acirc;ge de sept ans j&rsquo;avais un nom&nbsp;: Nathalie Abdallah. &Agrave; en croire mes souvenirs, cela m&rsquo;&eacute;tait &eacute;gal&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>&nbsp;&raquo;. Le changement de nom par contre a &eacute;t&eacute; un probl&egrave;me pour elle parce que le nouveau patronyme&nbsp;<em>Dalain</em>&nbsp;venait de nulle part, ne faisait pas sens. Elle &eacute;crit dans&nbsp;<em>La R&egrave;gle du Je</em>&nbsp;: &laquo;&nbsp;Lorsque vinrent mes sept ans et une poign&eacute;e de mois, Abdallah fut biff&eacute; de mon &eacute;tat civil. Selim devint Sylvain et Abdallah Dalain. Dalain &ccedil;a ne veut rien dire, et quelle que soit la langue&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>. &raquo; L&rsquo;absence d&rsquo;origine d&egrave;s lors n&rsquo;est plus seulement revendiqu&eacute;e mais pr&eacute;sent&eacute;e comme un manque, quelque chose de n&eacute;gatif et de subi. D&egrave;s lors le p&egrave;re appara&icirc;t comme une victime du changement de nom, cons&eacute;quence du conformisme social de son &eacute;pouse.</p> <p>Dans le livre&nbsp;<em>Les Mal Nomm&eacute;s</em>, Claude Burgelin soutient la th&egrave;se selon laquelle un lien existe chez de nombreux &eacute;crivains entre un malaise vis-&agrave;-vis du nom propre &ndash;&nbsp;re&ccedil;u en g&eacute;n&eacute;ral de leur p&egrave;re&nbsp;&ndash; et leur entr&eacute;e en &eacute;criture, comme si cette derni&egrave;re se d&eacute;veloppait en r&eacute;ponse &agrave; ce trouble. Pour ceux que ce chercheur appelle les &laquo;&nbsp;mal nomm&eacute;s&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est la difficult&eacute; &agrave; accepter leur nom propre qui les am&egrave;ne &agrave; d&eacute;velopper une &eacute;criture palliant cette ind&eacute;termination. Il &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Notre hypoth&egrave;se est que ce ressentiment, cette inqui&eacute;tude parfois, autour de ce nom demeur&eacute; question ont &eacute;t&eacute; pour certains auteurs (quelques-uns&nbsp;? plus qu&rsquo;on ne croit&nbsp;?) un des ressorts de leur &eacute;criture, un des fils qui en soutiennent la trame&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>&nbsp;&raquo; et plus loin de fa&ccedil;on simple et explicite&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le rapport au nom est indissociable du rapport &agrave; la langue&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>.&nbsp;&raquo; Un tel point de vue fait particuli&egrave;rement sens pour Chlo&eacute; Delaume, m&ecirc;me si dans son cas le rapport au nom est plus complexe encore que pour les &eacute;crivains &eacute;tudi&eacute;s par Claude Burgelin. En effet, ce n&rsquo;est pas contre le nom du p&egrave;re qu&rsquo;elle a cr&eacute;&eacute; ce qui pourrait sembler &ecirc;tre (mais est selon ses propres termes &laquo;&nbsp;bien plus que&nbsp;&raquo;) son pseudonyme d&rsquo;auteur, mais contre le manque, le vide cr&eacute;&eacute; par l&rsquo;effacement du nom du p&egrave;re. Il s&rsquo;agit bien dans son cas d&rsquo;un trouble de la nomination et de la filiation qui lui est li&eacute;e, mais d&rsquo;un trouble &agrave; plusieurs niveaux.</p> <p>C&rsquo;est ainsi que, d&eacute;clench&eacute; apparemment par la fausse confidence transmise par la grand-m&egrave;re, se met en place, chez l&rsquo;&eacute;crivaine, un essai pour r&eacute;pondre au vide symbolique de l&rsquo;origine et donc une qu&ecirc;te d&rsquo;informations sur la lign&eacute;e paternelle, qu&ecirc;te dont l&rsquo;un des &eacute;pisodes est narr&eacute; dans le livre&nbsp;<em>O&ugrave; le sang nous appelle,&nbsp;</em>entra&icirc;nant une nouvelle modification de la constitution du sujet d&rsquo;&eacute;nonciation autofictionnelle.</p> <p>Ce livre publi&eacute; en 2013 explore une piste d&rsquo;&eacute;criture nouvelle&nbsp;: la r&eacute;daction &agrave; quatre mains. Selon une alternance chapitre par chapitre, puis par groupes de chapitres, sont donn&eacute;s &agrave; lire des textes de Chlo&eacute; Delaume et Daniel Schneidermann, dont les deux noms sont indiqu&eacute;s comme auteurs sur la couverture. L&rsquo;identit&eacute; de l&rsquo;&eacute;nonciateur n&rsquo;est jamais explicit&eacute;e mais identifiable par les pronoms personnels, les r&eacute;f&eacute;rences, le style. M&ecirc;me si sur le site de l&rsquo;&eacute;crivaine, la mention&nbsp;<em>autofiction</em>&nbsp;figure parmi les d&eacute;signations g&eacute;n&eacute;riques du livre, l&rsquo;ancrage dans le r&eacute;el y est particuli&egrave;rement fort. On peut dire aussi qu&rsquo;il s&rsquo;agit, notamment dans la seconde partie du livre d&rsquo;un r&eacute;cit de voyage. Celui-ci se d&eacute;roule au pays de la famille paternelle de Chlo&eacute;, une r&eacute;gion montagneuse du Liban et peut aussi &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute; comme une qu&ecirc;te de l&rsquo;origine au double sens du terme puisqu&rsquo;il s&rsquo;agit pour la narratrice d&rsquo;aller &agrave; la rencontre &agrave; la fois de son enfance (puisqu&rsquo;elle est n&eacute;e au Liban) et de ses anc&ecirc;tres.</p> <p>Le livre est de plusieurs fa&ccedil;ons et &agrave; plusieurs niveaux plac&eacute; sous le signe du p&egrave;re et de la filiation. L&rsquo;interrogation sur celle-ci n&rsquo;est plus port&eacute;e par le d&eacute;sir de contrer une tierce personne puisque la grand-m&egrave;re ayant affirm&eacute; que le p&egrave;re n&rsquo;&eacute;tait pas le p&egrave;re est revenue sur ses propos (&laquo;&nbsp;la vieille s&rsquo;est r&eacute;tract&eacute;e mais en moi le doute subsiste&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>&nbsp;&raquo;) mais un d&eacute;sir de compr&eacute;hension, de v&eacute;rification d&rsquo;un lien devenu ambivalent apr&egrave;s avoir &eacute;t&eacute; source d&rsquo;angoisse et de haine. &laquo;&nbsp;Je suis venue ici avant tout pour comprendre, reconstituer les faits&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>&nbsp;&raquo; &eacute;crit-elle dans la derni&egrave;re partie du livre.</p> <p>Daniel Schneidermann est de toute &eacute;vidence une figure masculine positive et ind&eacute;niablement paternelle. Cette id&eacute;e est sugg&eacute;r&eacute;e sur le mode de l&rsquo;ironie dans les premi&egrave;res pages du livre qui narrent la rencontre des deux &laquo;&nbsp;partenaires&nbsp;&raquo;. Les traits du journaliste mis en avant sont ceux de courage, d&rsquo;&eacute;l&eacute;gance, de solidit&eacute;. On lit dans le premier chapitre&nbsp;: &laquo;&nbsp;Lui, si brillant, intelligent, le type le plus intelligent qu&rsquo;il m&rsquo;avait &eacute;t&eacute; permis de croiser. Intelligent, droit, courageux. L&rsquo;incarnation de l&rsquo;int&eacute;grit&eacute;, toujours debout malgr&eacute; les coups&nbsp;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a>&nbsp;[&hellip;]&nbsp;&raquo; Les substituts nominaux utilis&eacute;s pour le d&eacute;signer &ndash;&nbsp;m&ecirc;me si une pointe d&rsquo;ironie y est pr&eacute;sente&nbsp;&ndash; vont dans le m&ecirc;me sens&nbsp;: &laquo;&nbsp;super-souris&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;chevalier&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;vrai monsieur&nbsp;&raquo;, etc. La diff&eacute;rence d&rsquo;&acirc;ge est formul&eacute;e explicitement. On lit m&ecirc;me &agrave; propos du projet de voyage&nbsp;: &laquo;&nbsp;il saura me prot&eacute;ger&nbsp;<a href="#_ftn32" name="_ftnref32">[32]</a>&nbsp;[&hellip;] &raquo; Daniel Schneidermann appara&icirc;t dans ce livre comme un arch&eacute;type paternel, voire un clich&eacute; du p&egrave;re id&eacute;al, construction personnelle dont la narratrice n&rsquo;h&eacute;site pas &agrave; se moquer sans pour autant la remettre en question&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il incarnait le p&egrave;re en image d&rsquo;&Eacute;pinal, s&eacute;v&egrave;re mais anim&eacute; par une pure bienveillance&nbsp;<a href="#_ftn33" name="_ftnref33">[33]</a>.&nbsp;&raquo; Et pour renforcer cette situation, une premi&egrave;re rencontre entre eux avait &eacute;t&eacute; annul&eacute;e mais &eacute;tait d&eacute;j&agrave; sous le signe du p&egrave;re : Daniel Schneidermann venait de faire lire &agrave; Chlo&eacute; Delaume son livre,&nbsp;<em>Les langues paternelles</em>, et celle-ci venait de recevoir la r&eacute;v&eacute;lation&nbsp;: &laquo;&nbsp;Sylvain n&rsquo;est pas ton p&egrave;re.&nbsp;&raquo; C&rsquo;est donc accompagn&eacute; par cet homme que Chlo&eacute; Delaume effectue enfin un voyage qu&rsquo;elle n&rsquo;avait pas r&eacute;ussi &agrave; accomplir jusque-l&agrave;, puisqu&rsquo;en 2003, alors qu&rsquo;on l&rsquo;attendait au Liban lors d&rsquo;un salon du livre, elle avait annul&eacute; son voyage et laiss&eacute; Christine Angot recevoir &agrave; sa place les fleurs qui lui &eacute;taient destin&eacute;es&nbsp;<a href="#_ftn34" name="_ftnref34">[34]</a>. Ind&eacute;niablement une r&eacute;conciliation avec l&rsquo;id&eacute;e de p&egrave;re parcourt le r&eacute;cit.</p> <p>Le projet d&rsquo;aller au pays de ses anc&ecirc;tres est pr&eacute;sent&eacute; par Chlo&eacute; Delaume comme une d&eacute;marche nouvelle pour elle et non exempte de contradiction pour une personne dont l&rsquo;identit&eacute; s&rsquo;est construite sur la solitude et le refus des liens familiaux. &Agrave; la seconde page du livre, on lit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Seule, si totalement seule, sans aucun h&eacute;ritage et d&eacute;nu&eacute;e de lign&eacute;e&nbsp;<a href="#_ftn35" name="_ftnref35">[35]</a>.&nbsp;&raquo; Et un peu plus loin: &laquo;&nbsp;Moi qui suis aujourd&rsquo;hui sans ascendance ni descendance, si parfaitement seule, si parfaitement libre, un chat pour tout foyer, j&rsquo;ai une famille au-del&agrave; de la mer&nbsp;<a href="#_ftn36" name="_ftnref36">[36]</a>.&nbsp;&raquo; Ce voyage constitue bien quelque chose de nouveau, une rupture, mais aussi une d&eacute;marche fragile qui vient remettre en question la construction personnelle ant&eacute;rieure. Elle &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je n&rsquo;avais rien de commun avec ma dite famille, je m&rsquo;en suis d&eacute;livr&eacute;e &agrave; ma majorit&eacute;&nbsp;; sans attaches et sans lien [&hellip;] J&rsquo;&eacute;tais totalement libre, avec pour seul projet de grandement contrarier le d&eacute;terminisme social&nbsp;<a href="#_ftn37" name="_ftnref37">[37]</a>&nbsp;[&hellip;] &raquo; Il s&rsquo;agit pour elle d&rsquo;aller en-de&ccedil;&agrave; de ce qu&rsquo;elle conna&icirc;t d&rsquo;elle-m&ecirc;me, un en-de&ccedil;&agrave; qu&rsquo;elle d&eacute;signe de fa&ccedil;on un peu &eacute;trange comme un au-del&agrave;: &laquo;&nbsp;ce voyage m&egrave;ne au-del&agrave; de mon histoire&nbsp;&raquo; dans une &laquo;&nbsp;terre d&rsquo;outre-monde&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;outre-si&egrave;cle&nbsp;<a href="#_ftn38" name="_ftnref38">[38]</a>&nbsp;&raquo;. Cet&nbsp;<em>outre</em>&nbsp;ou cet&nbsp;<em>au-del&agrave;</em>&nbsp;est ce qui est ant&eacute;rieur au crime paternel mais aussi au mythe personnel sur lequel elle a construit son identit&eacute; d&rsquo;&eacute;crivaine. &laquo;&nbsp;Laisser leurs souvenirs ant&eacute;rieurs &agrave; l&rsquo;horreur envahir cr&acirc;ne et c&oelig;ur&nbsp;<a href="#_ftn39" name="_ftnref39">[39]</a>&nbsp;&raquo; &eacute;crit-elle. La narratrice est &agrave; la recherche de souvenirs de sa petite enfance libanaise aupr&egrave;s des diff&eacute;rents membres de la famille Abdallah. Avant d&rsquo;arriver dans la r&eacute;gion de Kobayat, elle est d&eacute;j&agrave; en qu&ecirc;te de traces sensibles de ses premi&egrave;res ann&eacute;es. Elle s&rsquo;interroge&nbsp;: &laquo;&nbsp;&Agrave; quoi ressemblaient mes tartines, dans quel bol me servait-on le lait. Les mains qui nettoyaient la table, j&rsquo;en verrai bient&ocirc;t les taches brunes&nbsp;<a href="#_ftn40" name="_ftnref40">[40]</a>.&nbsp;&raquo; Et &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Mes trente-neuf ans s&rsquo;approchent de ce petit village o&ugrave; j&rsquo;ai la premi&egrave;re fois &eacute;corch&eacute; mes genoux, articul&eacute; un rire, fr&ocirc;l&eacute; un papillon&nbsp;<a href="#_ftn41" name="_ftnref41">[41]</a>.&nbsp;&raquo; Elle retrouve d&rsquo;autres souvenirs de sa petite enfance comme la visite &agrave; Paris d&rsquo;une amie libanaise de ses parents&nbsp;<a href="#_ftn42" name="_ftnref42">[42]</a>, souvenirs ant&eacute;rieurs au crime, m&eacute;moire d&rsquo;une &eacute;poque o&ugrave; elle n&rsquo;&eacute;tait pas encore Chlo&eacute; Delaume, auteur d&rsquo;autofictions. On peut parler d&rsquo;&eacute;mergence d&rsquo;un sujet autobiographique en-de&ccedil;&agrave; du projet autofictionnel.</p> <p>Les mots en relation avec l&rsquo;id&eacute;e de filiation, h&eacute;r&eacute;dit&eacute;, famille sont abondamment employ&eacute;s dans le livre. Le mot&nbsp;<em>sang</em>, utilis&eacute; dans le titre constitue une syllepse, puisque employ&eacute; dans le double voire triple sens de liquide qui circule dans le corps, de crime (le sang vers&eacute;) et d&rsquo;h&eacute;r&eacute;dit&eacute;. Cet usage met en valeur &agrave; la fois la r&eacute;f&eacute;rence aux crimes pass&eacute;s sans qu&rsquo;il soit possible de savoir s&rsquo;il s&rsquo;agit du double assassinat familial, de l&rsquo;engagement r&eacute;volutionnaire et terroriste de la famille paternelle ou du lien h&eacute;r&eacute;ditaire. Ce dernier sens du mot&nbsp;<em>sang</em>, le quatri&egrave;me mentionn&eacute; dans le petit Robert et d&eacute;fini comme &laquo;&nbsp;traditionnellement consid&eacute;r&eacute; comme porteur des caract&egrave;res raciaux et h&eacute;r&eacute;ditaires&nbsp;&raquo; est particuli&egrave;rement fort et id&eacute;ologiquement situ&eacute;. On peut donc y lire de l&rsquo;autod&eacute;rision, de la mise &agrave; distance d&rsquo;une d&eacute;marche non exempte de doutes. Le champ lexical du lien familial et h&eacute;r&eacute;ditaire est omnipr&eacute;sent dans le livre. On y trouve, employ&eacute;s de fa&ccedil;on forte et r&eacute;p&eacute;titive &ndash;&nbsp;quelquefois au second degr&eacute; avec une pointe d&rsquo;ironie&nbsp;&ndash; les mots&nbsp;:&nbsp;<em>h&eacute;ritage, lign&eacute;e, famille, clan, patronyme, tribu, g&egrave;nes</em>.</p> <p>Le voyage dans l&rsquo;espace est aussi un voyage dans le temps puisqu&rsquo;il y est longuement question des ann&eacute;es 80. La seconde partie du livre plonge le lecteur &agrave; la fois dans la m&eacute;moire personnelle des deux co-auteurs et dans la m&eacute;moire collective autour des attentats li&eacute;s aux mouvements r&eacute;volutionnaires du Moyen-Orient et au terrorisme europ&eacute;en. Les deux narrateurs &eacute;voquent successivement la fa&ccedil;on dont chacun a per&ccedil;u ces actes de violence et reviennent sur les circonstances de leur vie personnelle. Chlo&eacute; Delaume d&eacute;crit son adolescence chez son oncle et sa tante, dans une famille surd&eacute;termin&eacute;e par le racisme et le conformisme social. Il est ensuite question de groupes anarchistes et situationnistes au d&eacute;but du XXI<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle et il est difficile de ne pas faire le lien entre l&rsquo;engagement r&eacute;volutionnaire de la famille paternelle et la fr&eacute;quentation par Chlo&eacute; Delaume de tels groupes autour de 2000.</p> <p>Le Liban &eacute;voqu&eacute; dans la quatri&egrave;me partie du livre n&rsquo;a rien d&rsquo;un pays r&ecirc;v&eacute;. Il s&rsquo;agit d&rsquo;un monde bien r&eacute;el, d&eacute;crit m&ecirc;me avec un certain r&eacute;alisme. On y lit des d&eacute;tails sur les maisons, la temp&eacute;rature, les voitures, l&rsquo;habillement, les ruines, les pannes d&rsquo;&eacute;lectricit&eacute;, la pr&eacute;sence d&rsquo;armes etc. Ainsi cette description de Tripoli&nbsp;: &laquo;&nbsp;Une enseigne Pizza Hut jouxte celle de Beretta. Dans les vitrines, des v&ecirc;tements fabriqu&eacute;s en Chine, couleurs criardes. De la nourriture. Des grenades. De la hi-fi d&rsquo;occasion&nbsp;<a href="#_ftn43" name="_ftnref43">[43]</a>&nbsp;[&hellip;] &raquo; Le style, par le recours aux phrases nominales, est celui d&rsquo;un journal de voyage et comme tel fortement ancr&eacute; dans le r&eacute;el. La laideur et la pauvret&eacute; sont soigneusement mentionn&eacute;es par la narratrice, tout comme ce qui rel&egrave;ve de la politique et du social.</p> <p>Les co-auteurs essaient de comprendre et de d&eacute;m&ecirc;ler les fils des diff&eacute;rents engagements communistes, terroristes, pro-palestiniens etc., de ceux qu&rsquo;ils nomment &laquo;&nbsp;le clan Abdallah&nbsp;&raquo;. De nombreuses pages du livre sont consacr&eacute;es &agrave; l&rsquo;oncle de la narratrice, Georges Ibrahim Abdallah emprisonn&eacute; depuis 1984. Chlo&eacute; Delaume raconte ses lettres, ses h&eacute;sitations &agrave; aller le voir &agrave; la prison de Lannemezan o&ugrave; il est d&eacute;tenu. La ressemblance avec le p&egrave;re est rappel&eacute;e. Une formule &agrave; double sens figure deux fois dans le m&ecirc;me chapitre et unit les deux hommes, c&rsquo;est &laquo;&nbsp;Dans sa famille, on tue les gens&nbsp;<a href="#_ftn44" name="_ftnref44">[44]</a>&nbsp;&raquo;, en r&eacute;f&eacute;rence &agrave; la fois aux actes terroristes et au double crime perp&eacute;tr&eacute; par le p&egrave;re de Chlo&eacute; Delaume. La narratrice n&rsquo;h&eacute;site pas &agrave; avouer sa tendresse &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de son oncle lors de son enfance. Ce qu&rsquo;elle ou Daniel Schneidermann &eacute;crit &agrave; ce propos est on ne peut plus explicite&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Le seul adulte m&acirc;le avec qui elle se soit sentie heureuse et en confiance, c&rsquo;est Tonton Georges. Elle a beau tenter d&rsquo;intellectualiser le rapport, d&rsquo;invoquer le politique, marxisme, terrorisme, lutte arm&eacute;e et tout ce qui lui vient, la v&eacute;rit&eacute;, c&rsquo;est que Tonton Georges, elle l&rsquo;aime bien&nbsp;<a href="#_ftn45" name="_ftnref45">[45]</a>.</p> </blockquote> <p>La nouvelle version qu&rsquo;elle donne du crime paternel est nettement accusatrice &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de la m&egrave;re. Celle-ci aurait eu un amant et aurait vid&eacute; le compte en banque du couple pour refaire sa vie avec lui, provoquant ainsi la violence de son &eacute;poux. Un chapitre entier du livre est r&eacute;dig&eacute; &agrave; la seconde personne et le p&egrave;re criminel en est le destinataire. La narratrice s&rsquo;adresse &agrave; lui face au tombeau de la famille et dit adh&eacute;rer &agrave; cette nouvelle version des circonstances du crime, version confirm&eacute;e par une confidence d&rsquo;une amie de sa m&egrave;re et par un ami libanais de ses parents, qui modifie les responsabilit&eacute;s, faisant appara&icirc;tre le double crime comme un acte passionnel et celui qui l&rsquo;a perp&eacute;tr&eacute; comme une victime. Certaines phrases r&eacute;sonnent comme proches du pardon ou en tout cas de la compr&eacute;hension&nbsp;: &laquo;&nbsp;Tu &eacute;tais furieux, mais bless&eacute;, perdu, avec la sensation d&rsquo;avoir &eacute;t&eacute; trahi par-del&agrave; le divorce lanc&eacute; contre ton gr&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn46" name="_ftnref46">[46]</a>&nbsp;&raquo; et plus loin&nbsp;: &laquo;&nbsp;M&ecirc;me si tu &eacute;tais un monstre, un vrai monstre, le compte commun &eacute;tait vide. [&hellip;] je te l&rsquo;avoue, je peux comprendre&nbsp;<a href="#_ftn47" name="_ftnref47">[47]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>Tous les &eacute;l&eacute;ments d&rsquo;analyse pr&eacute;c&eacute;dents montrent que&nbsp;<em>O&ugrave; le sang nous appelle</em>&nbsp;est en rupture avec les livres pr&eacute;c&eacute;dents. On a d&rsquo;abord une irruption du r&eacute;el, sous sa forme g&eacute;ographique, politique, humaine, hors de toute cr&eacute;ation fictionnelle. On a &eacute;galement une revalorisation de la sph&egrave;re masculine et paternelle &agrave; travers les pages consacr&eacute;es aux diff&eacute;rents membres du clan Abdallah mais aussi la place accord&eacute;e &agrave; Daniel Schneidermann, &agrave; travers l&rsquo;&eacute;criture &agrave; quatre mains, impliquant de la confiance et une acceptation de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;. Ce livre op&egrave;re aussi ind&eacute;niablement une r&eacute;&eacute;valuation des responsabilit&eacute;s dans le double crime, fond&eacute;e sur une image du p&egrave;re qui reste un monstre mais n&rsquo;est plus un monolithe. Enfin le sujet de l&rsquo;&eacute;nonciation est clairement autobiographique &agrave; la fois lors de l&rsquo;&eacute;vocation de la petite enfance mais aussi comme sujet de la qu&ecirc;te de sens quant au pass&eacute; et &agrave; l&rsquo;origine.</p> <p>On peut penser que l&rsquo;&eacute;criture de&nbsp;<em>O&ugrave; le sang nous appelle</em>&nbsp;d&eacute;fait le n&oelig;ud du r&eacute;el et de l&rsquo;imaginaire, laissant appara&icirc;tre un &eacute;thos d&rsquo;auteur qui est celui d&rsquo;une qu&ecirc;te dans le r&eacute;el et plus une construction fantasm&eacute;e. De ce changement la narratrice est consciente. C&rsquo;est ainsi que les derniers mots du chapitre adress&eacute; au p&egrave;re dans ce livre sont&nbsp;: &laquo;&nbsp;j&rsquo;ai d&eacute;j&agrave; ma BO du retour, et tu sais quoi, papa&nbsp;? Je passerai &agrave; autre chose&nbsp;<a href="#_ftn48" name="_ftnref48">[48]</a>&nbsp;&raquo; et vers la fin du m&ecirc;me livre, lorsque la narratrice reformule le motif de ce voyage, on lit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Provoquer quelque chose pour m&rsquo;&eacute;crire autrement&nbsp;<a href="#_ftn49" name="_ftnref49">[49]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>Le livre publi&eacute; &agrave; l&rsquo;automne 2016,&nbsp;<em>Les Sorci&egrave;res de la R&eacute;publique</em>, se fonde effectivement sur un choix explicite pour la fiction contre l&rsquo;&eacute;criture du r&eacute;el. M&ecirc;me si les th&egrave;mes, les anecdotes, l&rsquo;usage de la mythologie sont en continuit&eacute; avec les livres ant&eacute;rieurs, on est dans un autre &eacute;thos d&rsquo;&eacute;crivain, qui n&rsquo;est plus l&rsquo;entre-deux &ndash;&nbsp;l&rsquo;espace entre fiction et autobiographie&nbsp;&ndash; o&ugrave; se d&eacute;ploie l&rsquo;autofiction mais un choix clair pour le premier de ces deux p&ocirc;les. Tout naturellement, la mention&nbsp;<em>autofiction</em>, pr&eacute;sente &agrave; c&ocirc;t&eacute; du mot roman dans la pr&eacute;sentation que fait l&rsquo;auteur de ses livres sur son site a disparu.</p> <h3><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h3> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a>&nbsp;Chlo&eacute;, Delaume,&nbsp;<em>Le Cri du sablier</em>, Paris, Farrago-L&eacute;o Scheer, 2001, cit&eacute; d&rsquo;apr&egrave;s l&rsquo;&eacute;dition en collection &laquo;&nbsp;Folio&nbsp;&raquo;, p.&nbsp;19.</p> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;20.</p> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;21.</p> <p><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;22.</p> <p><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;23.</p> <p><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;37.</p> <p><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;36.</p> <p><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;31.</p> <p><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a>&nbsp;C&rsquo;est le nom de la collection qu&rsquo;elle dirige chez l&rsquo;&eacute;diteur Joca Seria.</p> <p><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a>&nbsp;<em>Le Cri du sablier</em>,<em>&nbsp;op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;87.</p> <p><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;89.</p> <p><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;56.</p> <p><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;71.</p> <p><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;101.</p> <p><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;72.</p> <p><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;85.</p> <p><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;107.</p> <p><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a>&nbsp;Chlo&eacute; Delaume,&nbsp;<em>Dans ma maison sous terre</em>, Paris, Seuil, 2009, p.&nbsp;49.</p> <p><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;71.</p> <p><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;49.</p> <p><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;100.</p> <p><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;101.</p> <p><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;58.</p> <p><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a>&nbsp;Chlo&eacute; Delaume,&nbsp;<em>La R&egrave;gle du Je</em>, Paris, PUF, 2010, p.&nbsp;10.</p> <p><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em></p> <p><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;11.</p> <p><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a>&nbsp;Claude Burgelin,&nbsp;<em>Les Mal Nomm&eacute;s</em>, Paris, Seuil, 2012, p.&nbsp;25.</p> <p><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em></p> <p><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a>&nbsp;Chlo&eacute; Delaume &amp; Daniel Schneidermann,&nbsp;<em>O&ugrave; le sang nous appelle</em>, Paris, Seuil, 2013, p.&nbsp;88.</p> <p><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;286.</p> <p><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;12.</p> <p><a href="#_ftnref32" name="_ftn32">[32]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;88.</p> <p><a href="#_ftnref33" name="_ftn33">[33]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;15.</p> <p><a href="#_ftnref34" name="_ftn34">[34]</a>&nbsp;L&rsquo;&eacute;pisode est narr&eacute; dans&nbsp;<em>O&ugrave; le sang nous appelle</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;272.</p> <p><a href="#_ftnref35" name="_ftn35">[35]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;10.</p> <p><a href="#_ftnref36" name="_ftn36">[36]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;52.</p> <p><a href="#_ftnref37" name="_ftn37">[37]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;197.</p> <p><a href="#_ftnref38" name="_ftn38">[38]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;88.</p> <p><a href="#_ftnref39" name="_ftn39">[39]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;290.</p> <p><a href="#_ftnref40" name="_ftn40">[40]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;275.</p> <p><a href="#_ftnref41" name="_ftn41">[41]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;276.</p> <p><a href="#_ftnref42" name="_ftn42">[42]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;190.</p> <p><a href="#_ftnref43" name="_ftn43">[43]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;295.</p> <p><a href="#_ftnref44" name="_ftn44">[44]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;124 et p.&nbsp;131.</p> <p><a href="#_ftnref45" name="_ftn45">[45]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;357.</p> <p><a href="#_ftnref46" name="_ftn46">[46]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;343.</p> <p><a href="#_ftnref47" name="_ftn47">[47]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;344.</p> <p><a href="#_ftnref48" name="_ftn48">[48]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;349.</p> <p><a href="#_ftnref49" name="_ftn49">[49]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;309.</p> <h3>Auteur</h3> <p><strong>Annie Pibarot</strong>&nbsp;est ma&icirc;tre de conf&eacute;rences honoraire de l&rsquo;Universit&eacute; de Montpellier. Membre de l&rsquo;&eacute;quipe RIRRA21, elle a publi&eacute; deux livres et des contributions &agrave; des revues et ouvrages collectifs autour des questions de l&rsquo;autobiographie, l&rsquo;autofiction et la litt&eacute;rature de l&rsquo;extr&ecirc;me contemporain.</p> <h3><strong>Copyright</strong></h3> <p>Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p>