<h3>Abstract</h3> <p>Chlo&eacute; Delaume wrote the monologue&nbsp;<em>Eden matin midi et soir</em>&nbsp;in 2009 for the actress Anne Steffens. The play reminds that of Sarah Kane,&nbsp;<em>4.48 Psychosis</em>: it&rsquo;s about an 28 years old girl, Ad&egrave;le, obsessed by the desire to die. Immobile on a hospital bed, in a comatose state after a suicide attempt, she is talking to her death drive and analyses meticulously the ravages of the &ldquo;thanatopathie&rdquo; on her body and spirit. This play is a sort of exorcism which occupies in the work a pivotal position (we shall see the links which unite it with&nbsp;<em>Dans ma maison sous terre</em>,&nbsp;<em>La R&egrave;gle du Je</em>&nbsp;and&nbsp;<em>Une femme avec personne dedans</em>). Chlo&eacute; Delaume puts her own suicide behind her, buries definitively Nathalie Dalain and chooses the words as weapons to modify the reality.</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <h2><strong>Introduction. Ad&egrave;le sur la sc&egrave;ne de son th&eacute;&acirc;tre int&eacute;rieur</strong><br /> &nbsp;</h2> <p>Chlo&eacute; Delaume a 35 ans lorsqu&rsquo;elle entame, en 2008, l&rsquo;&eacute;criture d&rsquo;<em>Eden matin midi et soir</em>&nbsp;pour la com&eacute;dienne Anne Steffens&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;ai vraiment construit le personnage avec elle, on faisait des r&eacute;unions de travail pour construire la psychologie du personnage&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>.&nbsp;&raquo; La pi&egrave;ce, un monologue, est mise en sc&egrave;ne par Hauke Lanz&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>&nbsp;et donn&eacute;e du 24 au 28 avril 2009 &agrave; la M&eacute;nagerie de verre dans le cadre du festival &Eacute;trange Cargo. Elle dure cinquante minutes, car &laquo;&nbsp;c&rsquo;est le temps moyen qui s&eacute;pare deux suicides en France.&nbsp;&raquo; Dans&nbsp;<em>Une femme avec personne dedans</em>&nbsp;(2012), Chlo&eacute; Delaume l&rsquo;&eacute;voque en ces termes&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;ai commis un ouvrage sur le refus de vivre [&hellip;] Ad&egrave;le Trousseau vingt-huit ans quarante-huit kilos. Par sa bouche faire entendre une &acirc;me thanatopathe&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>.&nbsp;&raquo; Spectatrice de sa vie, Ad&egrave;le explore la &laquo;&nbsp;maladie de la mort&nbsp;&raquo; qui la ronge, tandis qu&rsquo;elle attend la venue du psychiatre, allong&eacute;e sur son lit d&rsquo;h&ocirc;pital, apr&egrave;s une &eacute;ni&egrave;me tentative de suicide&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;ai besoin de savoir, de cerner ma maladie&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>Avec cette &oelig;uvre d&eacute;pourvue d&rsquo;action sc&eacute;nique, Chlo&eacute; Delaume s&rsquo;inscrit dans la tradition d&rsquo;un th&eacute;&acirc;tre fond&eacute; uniquement sur la puissance dramatique du texte, d&rsquo;un th&eacute;&acirc;tre de la voix, &agrave; entendre plut&ocirc;t qu&rsquo;&agrave; voir, ce que vient confirmer l&rsquo;adaptation pour la radio r&eacute;alis&eacute;e par Alexandre Plank en 2010&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>&nbsp;et le texte accompagn&eacute; de musique pr&eacute;sent&eacute; sous une forme performative par Anne Steffens et Chlo&eacute; Delaume, notamment au FRAC Lorraine le 10 f&eacute;vrier 2011. &Agrave; la radio, dans le noir des ondes qui nous plonge dans l&rsquo;obscurit&eacute; int&eacute;rieure, la densit&eacute; de la parole est encore plus sensible. Car le drame de ce moi immobile, travers&eacute; d&rsquo;un flux verbal, est tout entier dans les paroles. Les paragraphes de tailles in&eacute;gales se succ&egrave;dent, s&eacute;par&eacute;s par des blancs. On songe in&eacute;vitablement aux solos cr&eacute;pusculaires de Samuel Beckett, auxquels la pi&egrave;ce se rattache par les motifs de l&rsquo;attente et du pourrissement, mais aussi &agrave; la derni&egrave;re pi&egrave;ce de Sarah Kane, dont Chlo&eacute; Delaume se r&eacute;clame explicitement&nbsp;:&nbsp;<em>4.&nbsp;48 Psychosis</em>. Comme la dramaturge britannique, elle d&eacute;pouille son th&eacute;&acirc;tre du spectaculaire pour travailler la musicalit&eacute; pure de la langue&nbsp;: &laquo;&nbsp;Rien qu&rsquo;un mot sur une page et le th&eacute;&acirc;tre est l&agrave;&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>Dans&nbsp;<em>Eden matin midi et soir</em>, rien ne signale le th&eacute;&acirc;tre, aucune didascalie ne vient esquisser un d&eacute;cor. Le voir est d&eacute;plac&eacute; vers le dedans bien plus qu&rsquo;orient&eacute; vers une sc&egrave;ne de th&eacute;&acirc;tre r&eacute;el. La metteure en sc&egrave;ne Hauke Lanz choisit d&rsquo;ailleurs le d&eacute;pouillement&nbsp;: une pi&egrave;ce au plafond particuli&egrave;rement bas qui peut rappeler la m&eacute;taphore employ&eacute;e par Sarah Kane au d&eacute;but de&nbsp;<em>4.48 Psychosis</em>&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;a darkened banqueting hall near the ceiling of a mind whose floor shifts as ten thousand cockroaches&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>&nbsp;&raquo;, des projecteurs braqu&eacute;s sur l&rsquo;actrice, une baignoire au fond du plateau dans laquelle elle plonge &agrave; la fin, et une multitude de paillettes color&eacute;es recouvrant le sol, peut-&ecirc;tre pour figurer les &eacute;clats d&rsquo;une conscience en miettes, d&eacute;vast&eacute;e&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>.</p> <p><a href="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/Photo-article-Florence-Th%C3%A9rond.jpg"><img alt="Photo article Florence Thérond" height="184" loading="lazy" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/Photo-article-Florence-Th%C3%A9rond.jpg" width="274" /></a></p> <p><small>Fig. 1 &ndash; Photographie issue du&nbsp;<a href="http://http%20//www.haukelanz.com/inszenierung/eden/eden-f.html" target="_blank">site</a>&nbsp;de Hauke Lanz. Compagnie deus ex machina.</small></p> <p>On entre directement dans la psych&eacute; du personnage, sur la sc&egrave;ne de son th&eacute;&acirc;tre int&eacute;rieur&nbsp;o&ugrave; Ad&egrave;le est confront&eacute;e &agrave; la multiplicit&eacute; des &eacute;tats de soi-m&ecirc;me. Elle parle. Mais &agrave; qui s&rsquo;adresse-t-elle&nbsp;? Elle &laquo;&nbsp;converse avec [sa] pulsion de mort&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;Laide, tu es je suis laide&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Vide, tu es je suis vide&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Pesante, tu es je suis pesante&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>&nbsp;&raquo;), elle s&rsquo;adresse au ch&oelig;ur des voix qui peuplent son esprit (&laquo;&nbsp;Laide, vide pesante mais taisez-vous&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>&nbsp;&raquo;), mais aussi aux absents, le psychiatre (&laquo;&nbsp;Bonjour, je m&rsquo;appelle Ad&egrave;le, s&rsquo;il vous pla&icirc;t, laissez-moi partir&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>&nbsp;&raquo;) ou, dans la derni&egrave;re partie de la pi&egrave;ce, sa m&egrave;re (&laquo;&nbsp;Je renonce, maman, je renonce. Je renonce &agrave; l&rsquo;espoir&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>&nbsp;&raquo;), enfin &agrave; nous qui sommes l&agrave;, assis dans l&rsquo;obscurit&eacute; de la salle, petit fragment de cette soci&eacute;t&eacute; coupable de &laquo;&nbsp;fiction collective&nbsp;&raquo;.</p> <p>Cette pi&egrave;ce monologu&eacute;e peut faire figure d&rsquo;exception parmi les &oelig;uvres de cette p&eacute;riode&nbsp;: comme la plupart d&rsquo;entre elles en effet, elle n&rsquo;est pas &agrave; proprement parler une &oelig;uvre autofictionnelle. Est expos&eacute;e aux regards l&rsquo;intimit&eacute; d&rsquo;un Je, qui n&rsquo;est pas celui du personnage autofictif. Toutefois, pour deux raisons au moins, la pi&egrave;ce s&rsquo;inscrit profond&eacute;ment dans la continuit&eacute; du reste de l&rsquo;&oelig;uvre. On peut en effet consid&eacute;rer que, temporairement, Chlo&eacute; Delaume s&rsquo;est incarn&eacute;e dans le corps d&rsquo;Ad&egrave;le Trousseau, son alter ego. Nous verrons qu&rsquo;&agrave; travers la voix de cette jeune femme l&rsquo;auteur poursuit son questionnement sur l&rsquo;identit&eacute; et persiste &agrave; faire de &laquo;&nbsp;[son] v&eacute;cu un mat&eacute;riau&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Mon Je est fragment&eacute;, analyser de quoi il peut &ecirc;tre constitu&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>.&nbsp;&raquo; D&rsquo;autre part, m&ecirc;me si le th&eacute;&acirc;tre, art de la parole repr&eacute;sent&eacute;e, est un genre assez peu pratiqu&eacute; par l&rsquo;auteur en tant que tel&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>&nbsp;(avant 2009 on ne rel&egrave;ve &agrave; son actif qu&rsquo;une seule pi&egrave;ce, dialogu&eacute;e celle-l&agrave;,&nbsp;<em>Transhumances</em>), on peut consid&eacute;rer que la plupart des textes de Chlo&eacute; Delaume ont en r&eacute;alit&eacute; &agrave; voir avec l&rsquo;&eacute;criture th&eacute;&acirc;trale,&nbsp;comme elle le sugg&egrave;re dans&nbsp;<em>Visite guid&eacute;e</em>&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;&eacute;cris une parole physiquement articul&eacute;e avec l&rsquo;intention de la communiquer [&hellip;] J&rsquo;&eacute;cris ma parole. Ma parole est une &eacute;criture&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>La publication d&rsquo;<em>Eden matin, midi et soir&nbsp;</em>se situe &agrave; un moment clef de la vie de Chlo&eacute; Delaume&nbsp;; &agrave; cette &eacute;poque elle confie &agrave; l&rsquo;&eacute;crivain Colette Fellous&nbsp;qu&rsquo;elle n&rsquo;a &laquo;&nbsp;plus de pulsion de mort classique comme avant&nbsp;&raquo;&nbsp;:</p> <blockquote> <p>J&rsquo;ai fait ma derni&egrave;re tentative de suicide il y a six ans maintenant et j&rsquo;ai d&eacute;cid&eacute; que je n&rsquo;en ferai plus. J&rsquo;ai la volont&eacute; de vivre d&eacute;sormais puisque j&rsquo;ai trouv&eacute; quoi faire de mon existence et que je ne souffre plus de ce que j&rsquo;appelais dans une pi&egrave;ce de th&eacute;&acirc;tre que j&rsquo;ai faite sur le suicide r&eacute;cemment, la thanatopathie en fait. Je crois que je ne suis plus atteinte par ce mal-l&agrave;&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>.</p> </blockquote> <p>Chlo&eacute; Delaume tire un trait sur le suicide dans ce texte en forme d&rsquo;exorcisme&nbsp;: nous verrons dans un premier temps qu&rsquo;elle y passe en revue les ravages de la thanatopathie sur le corps et l&rsquo;esprit de celle qui en est atteinte et y explore les fractures du moi. Nous verrons ensuite qu&rsquo;en r&eacute;action aux fictions collectives, m&eacute;dicales en particulier, le personnage reprend le contr&ocirc;le de son existence en optant pour la subversion et en votant d&eacute;finitivement la mort, pour vivre enfin, quitte &agrave; ce que le prix en soit la mort. L&agrave; o&ugrave; le personnage cherche les causes d&rsquo;une impossibilit&eacute; de vivre, Chlo&eacute;, elle, choisit de mettre en jeu une construction identitaire par l&rsquo;&eacute;criture et opte pour l&rsquo;autofiction, &laquo;&nbsp;sorte d&rsquo;hygi&egrave;ne mentale&nbsp;&raquo;, qui &laquo;&nbsp;ira toujours plus loin que la psychanalyse&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <h2><strong>1. La maladie de la mort&nbsp;: &laquo;&nbsp;je suis n&eacute;e parasit&eacute;e par un virus fun&egrave;bre&nbsp;<strong><a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>&nbsp;</strong>&raquo;</strong><br /> &nbsp;</h2> <h3><strong>1.1. Fictions m&eacute;dicales</strong></h3> <p>Chlo&eacute; Delaume fait s&rsquo;exprimer, &agrave; travers le personnage d&rsquo;Ad&egrave;le, le peuple des &laquo;&nbsp;thanatopathes&nbsp;&raquo;, qui souffrent de &laquo;&nbsp;la maladie de la mort&nbsp;&raquo;, d&eacute;sirent voir s&rsquo;effacer &laquo;&nbsp;jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;acte de naissance&nbsp;&raquo; et qui finalement sont vou&eacute;s &agrave; se taire. Ad&egrave;le attend la venue du psychiatre, qui devrait lui permettre de rentrer chez elle, pour &ecirc;tre tranquille et enfin recommencer&nbsp;: &laquo;&nbsp;De retour &agrave; la maison je prendrai un couteau, et me l&rsquo;enfoncerai dans le c&oelig;ur&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>.&nbsp;&raquo; Mourir est une obsession, c&rsquo;est tout ce qu&rsquo;elle souhaite malgr&eacute; ses tentatives rat&eacute;es&nbsp;: &laquo;&nbsp;La maladie de la mort. S&rsquo;il est un peu lettr&eacute; il me r&eacute;pondra tout de suite que c&rsquo;est un titre de Duras, ce n&rsquo;est pas recevable pour convenir des sympt&ocirc;mes. Pourtant. Je ne vois que &ccedil;a [&hellip;]&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>&nbsp;&raquo; L&rsquo;ancienne &eacute;tudiante en Lettres classiques d&eacute;cortique et analyse ce qui la ronge avec finesse, sympt&ocirc;me par sympt&ocirc;me. Comment faire comprendre au m&eacute;decin, qui lui proposera un paradis factice en comprim&eacute;s, que sa maladie, la thanatopathie, n&rsquo;est pas gu&eacute;rissable ? Une pulsion de mort, &agrave; &laquo;&nbsp;l&rsquo;haleine glac&eacute;e et profonde&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>&nbsp;&raquo; la ronge, incurable et incompr&eacute;hensible pour ses proches&nbsp;: &laquo;&nbsp;j&rsquo;ai tout le temps envie de mourir&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;je suis malade, mais de vouloir crever. Tout le temps et malgr&eacute; tout&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;je suis un processus dont je connais la fin, quand le jour d&eacute;clinera, je ne serai plus au monde&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>.&nbsp;&raquo; Chlo&eacute; Delaume explique dans un entretien avec Colette Fellous qu&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;Ad&egrave;le est une fille qui n&rsquo;a pas eu de trauma singulier &agrave; la base&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;elle se trimballe cette esp&egrave;ce de chose qui est diff&eacute;rente du mal de vivre, qui est vraiment la pulsion de mort en permanence&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>Le cas de l&rsquo;auteur est sensiblement diff&eacute;rent&nbsp;: le retour obsessionnel du motif suicidaire dans l&rsquo;&oelig;uvre trouve son origine dans une enfance tragique hant&eacute;e par la mort violente du p&egrave;re&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;ai attrap&eacute; la maladie de la mort le 30 juin 1983. Depuis je n&rsquo;avance qu&rsquo;en rappel&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>.&nbsp;&raquo; Elle se d&eacute;finit comme la &laquo;&nbsp;fille d&rsquo;un suicid&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;en r&eacute;f&eacute;rence au drame familial qui hante toute son &eacute;criture. Alors qu&rsquo;elle n&rsquo;a que dix ans, son p&egrave;re tue sa m&egrave;re devant ses yeux puis retourne l&rsquo;arme contre lui&nbsp;: &laquo;&nbsp;le p&egrave;re l&rsquo;avait vis&eacute;e mais il ne la tue pas. Le p&egrave;re savait s&ucirc;rement que le meilleur d&eacute;c&egrave;s qu&rsquo;il pouvait lui offrir consistait en ce legs ce lien inali&eacute;nable [&hellip;] Lien du sang bien touill&eacute; folie en h&eacute;ritage&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>.&nbsp;&raquo; L&rsquo;h&eacute;ritage du p&egrave;re est celui d&rsquo;une violence qui infecte l&rsquo;int&eacute;rieur de l&rsquo;&ecirc;tre. Son image envahit la conscience de sa fille et lui transmet la folie (&laquo;&nbsp;Il &eacute;tait psychotique, avec des tendances schizophr&egrave;nes&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>&nbsp;&raquo;), comme ne cessent de le lui rappeler &laquo;&nbsp;les h&eacute;bergeurs&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est-&agrave;-dire les membres de sa famille maternelle, qui l&rsquo;ont recueillie apr&egrave;s le drame&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;entends je sens je vois&nbsp;<em>folle comme son p&egrave;re tordue comme lui caract&eacute;rielle</em>. Leur bouche se plisse aux commissures, leurs pupilles se r&eacute;tractent, une sorte de plaisir pervers &agrave; &eacute;ructer ce genre de phrases&nbsp;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a>.&nbsp;&raquo; Chlo&eacute; a manifest&eacute; d&egrave;s l&rsquo;adolescence des troubles de la personnalit&eacute; qu&rsquo;elle craignait &ecirc;tre une manifestation de la schizophr&eacute;nie. Du fait de ses nombreuses tentatives de suicide, treize selon l&rsquo;autofiction, elle est intern&eacute;e plusieurs fois et enfin diagnostiqu&eacute;e maniaco-d&eacute;pressive ou bipolaire &agrave; tendance psychotique. En 2004, dans le courrier destin&eacute; &agrave; son m&eacute;decin traitant&nbsp;elle lit&nbsp;: &laquo;&nbsp;&Eacute;tat limite et&nbsp;<em>border line</em>. Troubles schizo-affectifs. Affection longue dur&eacute;e, psychose dysthymique&nbsp;<a href="#_ftn32" name="_ftnref32">[32]</a>.&nbsp;&raquo; Chlo&eacute; a fait de l&rsquo;h&ocirc;pital psychiatrique le cadre de plusieurs de ses livres&nbsp;: de&nbsp;<em>Certainement pas&nbsp;</em>(trois femmes et un homme intern&eacute;s &agrave; l&rsquo;h&ocirc;pital Saint-Anne se retrouvant au c&oelig;ur d&rsquo;une partie de Cluedo), &agrave;&nbsp;<em>La Nuit je suis Buffy Summers</em>&nbsp;(roman interactif s&rsquo;inspirant des traditionnels &laquo;&nbsp;livres dont vous &ecirc;tes le h&eacute;ros&nbsp;&raquo;, dans lequel le lecteur doit enqu&ecirc;ter sur les rumeurs et les incidents qui se multiplient dans un h&ocirc;pital psychiatrique de Los Angeles) en passant par la pi&egrave;ce&nbsp;<em>Transhumances&nbsp;</em>(repr&eacute;sentant un programme de radio-r&eacute;alit&eacute; consacr&eacute; &agrave; &laquo;&nbsp;l&rsquo;Optimisation des Ali&eacute;n&eacute;s Incurables&nbsp;&raquo;). Mais elle ne consid&egrave;re pas l&rsquo;&eacute;criture comme un outil th&eacute;rapeutique&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;je crois qu&rsquo;on ne gu&eacute;rit pas. Comme on ne fait pas une analyse pour gu&eacute;rir, mais pour &ecirc;tre au plus pr&egrave;s de sa parole et de soi-m&ecirc;me&nbsp;<a href="#_ftn33" name="_ftnref33">[33]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>Chlo&eacute; Delaume affirme dans<em>&nbsp;La R&egrave;gle du Je</em>&nbsp;: &laquo;&nbsp;S&rsquo;&eacute;crire, c&rsquo;est s&rsquo;abroger des fictions collectives&nbsp;<a href="#_ftn34" name="_ftnref34">[34]</a>.&nbsp;&raquo; Elle ne cesse en effet de d&eacute;fendre l&rsquo;autofiction comme force politique et l&rsquo;&eacute;criture comme un moyen d&rsquo;&eacute;mancipation et d&rsquo;affirmation de soi.&nbsp;Elle qui n&rsquo;a jamais accept&eacute; de se conformer aux normes impos&eacute;es par la soci&eacute;t&eacute; entend vivre comme bon lui semble, &agrave; partir de ses choix propres. Ad&egrave;le a tent&eacute;, en vain, &laquo;&nbsp;l&rsquo;insertion le plus longtemps possible, la fonte dans le social, moul&eacute;e confite morale&nbsp;<a href="#_ftn35" name="_ftnref35">[35]</a>.&nbsp;&raquo; Trop longtemps pens&eacute;e par d&rsquo;autres&nbsp;<a href="#_ftn36" name="_ftnref36">[36]</a>, Chlo&eacute; Delaume s&rsquo;engage au sein de sa pratique&nbsp;; l&rsquo;humour noir, l&rsquo;insolence et l&rsquo;ironie grin&ccedil;ante sont ses armes favorites pour d&eacute;noncer le syst&egrave;me&nbsp;et les fictions familiales, &eacute;conomiques et m&ecirc;me m&eacute;dicales, notamment la psychiatrie&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Relire&nbsp;<em>Histoire de la folie &agrave; l&rsquo;&Acirc;ge classique</em>&nbsp;de Foucault, c&rsquo;est aussi d&eacute;crypter des d&eacute;cennies de fictions m&eacute;dicales. Se plier aux directives de ma psychiatre, c&rsquo;est plier sous le joug d&rsquo;une fiction ext&eacute;rieure, qui se veut sup&eacute;rieure mais ne peut m&rsquo;apporter aucune preuve &eacute;tablie de son autorit&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn37" name="_ftnref37">[37]</a>.</p> </blockquote> <p>Ad&egrave;le refuse les diagnostics des m&eacute;decins et le titre de la pi&egrave;ce, en forme d&rsquo;ordonnance, ironise sur l&rsquo;inutilit&eacute; de la chimie. &laquo;&nbsp;Diagnostic&nbsp;: maladie de la mort. J&rsquo;ajouterai&nbsp;: balancez le Tranx&egrave;ne, j&rsquo;attends que vienne le Paradis. J&rsquo;exige du 50 mg, proc&eacute;dez &agrave; la transfusion. Mais sachez que &ccedil;a ne sert &agrave; rien&nbsp;<a href="#_ftn38" name="_ftnref38">[38]</a>&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;j&rsquo;ai des cachets pour me faire taire&nbsp;[&hellip;]&nbsp;il me prescrira des gouttes jaunes, un antipsychotique lilas et une kyrielle de comprim&eacute;s de forme oblongue, d&rsquo;un blanc de talc&nbsp;<a href="#_ftn39" name="_ftnref39">[39]</a>.&nbsp;&raquo; Tous veulent la soigner jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;acharnement th&eacute;rapeutique, mais la m&eacute;decine reste impuissante&nbsp;: &laquo;&nbsp;les promenades dans le jardin et le salon t&eacute;l&eacute;, &ccedil;a ne pourra rien changer. Pareil pour les traitements, les ateliers dessin et toutes les perfusions&nbsp;<a href="#_ftn40" name="_ftnref40">[40]</a>.&nbsp;&raquo; Toute d&eacute;finition clinique de son &eacute;tat lui semble inappropri&eacute;e&nbsp;: &laquo;&nbsp;je ne suis pas schizophr&egrave;ne&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;je ne suis pas d&eacute;pressive&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;je ne suis pas psychotique&nbsp;<a href="#_ftn41" name="_ftnref41">[41]</a>.&nbsp;&raquo; Figurante passive de sa propre d&eacute;gradation, Ad&egrave;le n&rsquo;a pour seul recours que de s&rsquo;approprier son mal, de le nommer, car &laquo;&nbsp;ne pas nommer, c&rsquo;est nier&nbsp;<a href="#_ftn42" name="_ftnref42">[42]</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Je ne vois que &ccedil;a, que ces mots-l&agrave;, cet ordre-l&agrave;, article d&eacute;fini nom commun pr&eacute;position article d&eacute;fini nom commun. Les m&eacute;decins, eux, ils disent que &ccedil;a n&rsquo;existe pas [&hellip;] Moi je dis que &ccedil;a existe, la maladie de la mort. Que c&rsquo;est un mal en soi qui m&eacute;rite qu&rsquo;on s&rsquo;y penche et qu&rsquo;on lui trouve un nom&nbsp;<a href="#_ftn43" name="_ftnref43">[43]</a>.</p> </blockquote> <p>Ad&egrave;le a choisi le nom de sa maladie, mais elle n&rsquo;a pas choisi le sien. Les mots &laquo;&nbsp;Bonjour. Je m&rsquo;appelle Ad&egrave;le. Ad&egrave;le Trousseau&nbsp;&raquo; r&eacute;p&eacute;t&eacute;s trois fois dans la pi&egrave;ce pourraient faire songer &agrave; la c&eacute;l&egrave;bre formule de l&rsquo;auteur, &laquo;&nbsp;je m&rsquo;appelle Chlo&eacute; Delaume&nbsp;&raquo;, mais Ad&egrave;le n&rsquo;habite pas son nom. Elle ne l&rsquo;a pas choisi, comme l&rsquo;a fait Chlo&eacute; Delaume par d&eacute;cision ferme. &laquo;&nbsp;Trousseau&nbsp;&raquo; r&eacute;sonne m&ecirc;me ironiquement&nbsp;: elle qui d&eacute;nonce l&rsquo;inefficacit&eacute; des th&eacute;rapeutiques en psychiatrie doit porter comme patronyme le nom d&rsquo;une lign&eacute;e de m&eacute;decins et le nom par cons&eacute;quent d&rsquo;une c&eacute;l&egrave;bre maternit&eacute; parisienne, elle qui renonce &agrave; la vie et, s&rsquo;adressant &agrave; sa propre m&egrave;re, dit, pour &eacute;voquer son suicide prochain&nbsp;: &laquo;&nbsp;j&rsquo;accomplis notre propre avortement&nbsp;<a href="#_ftn44" name="_ftnref44">[44]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <h3><strong>&nbsp;1.2.&nbsp;</strong><strong>&laquo;&nbsp;Cancer existentiel. Phase terminale&nbsp;<a href="#_ftn45" name="_ftnref45"><strong>[45]</strong></a>&raquo;</strong></h3> <p>Non seulement Ad&egrave;le pr&eacute;sente sa maladie comme incurable, mais elle affirme aussi qu&rsquo;elle est d&eacute;j&agrave; morte. Pour elle, le suicide n&rsquo;est qu&rsquo;&laquo;&nbsp;une confirmation&nbsp;<a href="#_ftn46" name="_ftnref46">[46]</a>&nbsp;&raquo; et la v&eacute;rit&eacute; de la vie se situe dans la mort, ce dont t&eacute;moignent les expressions morbides qu&rsquo;elle emploie pour d&eacute;crire ce corps horrifiant qu&rsquo;elle ne supporte plus&nbsp;: la &laquo;&nbsp;pourriture&nbsp;&raquo;, le &laquo;&nbsp;pus&nbsp;&raquo;, les &laquo;&nbsp;bubons&nbsp;&raquo;, l&rsquo;abc&egrave;s&nbsp;&raquo;. La pulsion de mort s&rsquo;&eacute;crit dans une esth&eacute;tique de l&rsquo;abjection&nbsp;:&nbsp;elle se sent rong&eacute;e de l&rsquo;int&eacute;rieur, sa chair est &laquo;&nbsp;faisand&eacute;e&nbsp;<a href="#_ftn47" name="_ftnref47">[47]</a>&nbsp;&raquo;, son sang &laquo;&nbsp;corrompu&nbsp;<a href="#_ftn48" name="_ftnref48">[48]</a>&nbsp;&raquo;, son c&oelig;ur est une &laquo;&nbsp;boule de viande avari&eacute;e&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;un coton plein de pus&nbsp;<a href="#_ftn49" name="_ftnref49">[49]</a>&nbsp;&raquo;, son haleine &laquo;&nbsp;celle d&rsquo;un tombeau entrouvert&nbsp;<a href="#_ftn50" name="_ftnref50">[50]</a>&nbsp;&raquo;, son &acirc;me &laquo;&nbsp;une n&eacute;crose&nbsp;&raquo;.</p> <p>Ultime violence faite &agrave; l&rsquo;identit&eacute;, Ad&egrave;le est r&eacute;duite &agrave; l&rsquo;&eacute;tat de cadavre&nbsp;: &laquo;&nbsp;Laide, tu es je suis laide en charogne. La chair est d&eacute;prav&eacute;e, d&eacute;liquescence sillons. L&rsquo;&oelig;il droit pend, le nerf frotte&nbsp;<a href="#_ftn51" name="_ftnref51">[51]</a>&nbsp;&raquo;. &Agrave; la fragmentation du sujet correspond la d&eacute;composition du corps&nbsp;: &laquo;&nbsp;je finis toujours face au miroir en train de me d&eacute;composer&nbsp;<a href="#_ftn52" name="_ftnref52">[52]</a>&nbsp;&raquo;. La d&eacute;liquescence du corps rappelle ici l&rsquo;obsession qui structure&nbsp;<em>Dans ma maison sous terre</em>, celle des cadavres d&eacute;compos&eacute;s de la m&egrave;re et du grand-p&egrave;re. L&rsquo;odeur de charogne attire les mouches. Le personnage de&nbsp;<em>4.48 Psychosis</em>&nbsp;&eacute;volue &agrave; la merci des cafards qui hantent ses cauchemars&nbsp;; Ad&egrave;le est en proie aux mouches &laquo;&nbsp;qui font des grappes &agrave; noircir le papier peint&nbsp;<a href="#_ftn53" name="_ftnref53">[53]</a>&nbsp;&raquo;, m&eacute;tonymies de la mort et de la pourriture&nbsp;: &laquo;&nbsp;je fais un r&ecirc;ve o&ugrave; toutes les mouches ont des bouches &agrave; la place des yeux.&nbsp;&raquo; Dans les deux pi&egrave;ces, &agrave; partir d&rsquo;un &eacute;tat psychotique, la vision se fait hallucination et s&rsquo;estompe la limite entre le r&eacute;el et l&rsquo;imaginaire. Sophie Marret&nbsp;<a href="#_ftn54" name="_ftnref54">[54]</a>&nbsp;analyse le regard des cafards comme &eacute;tant &laquo;&nbsp;celui du sujet, des cafards int&eacute;rieurs &agrave; son esprit mais d&eacute;localis&eacute;s comme venant de l&rsquo;ext&eacute;rieur&nbsp;&raquo;, regard pers&eacute;cuteur, &laquo;&nbsp;omnivoyant&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;omni-sachant&nbsp;&raquo;. Chez Chlo&eacute; Delaume le sujet est moins donn&eacute; en p&acirc;ture aux regards qu&rsquo;aux voix qui le tourmentent&nbsp;: les l&egrave;vres des mouches &laquo;&nbsp;sont &eacute;paisses comme la bave qui s&rsquo;&eacute;coule&nbsp;<a href="#_ftn55" name="_ftnref55">[55]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <h3><strong>1.3. Une conscience fragment&eacute;e</strong></h3> <p>&Agrave; Claire Castillon Chlo&eacute; Delaume confie&nbsp;: &laquo;&nbsp;contrairement &agrave; ce qu&rsquo;on croit parfois, je ne suis pas schizophr&egrave;ne, mais j&rsquo;ai un v&eacute;ritable probl&egrave;me de dissociation [&hellip;] Disons que dans mon cas, on est plusieurs quand je me pose sur une chaise.&nbsp;&raquo; Dans&nbsp;<em>Eden matin midi et soir</em>, &agrave; la d&eacute;composition du corps, correspond la fragmentation de l&rsquo;identit&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Tu ne ma&icirc;trise rien, m&ecirc;me pas ton propre Moi. Des &eacute;clats sur un sol ind&eacute;fini, mouvant.&nbsp;&raquo; La voix d&rsquo;Ad&egrave;le est &laquo;&nbsp;coll&eacute;giale&nbsp;<a href="#_ftn56" name="_ftnref56">[56]</a>&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;dedans, c&rsquo;est le brouhaha, &ccedil;a s&rsquo;agite et s&rsquo;affole, c&rsquo;est un chant chaotique&nbsp;<a href="#_ftn57" name="_ftnref57">[57]</a>&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;un colloque, 74 intervenants&nbsp;<a href="#_ftn58" name="_ftnref58">[58]</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;: les voix entravent le monologue en changeant les pronoms, s&rsquo;&eacute;corchant les unes les autres, sans rel&acirc;che. Dans la version radiophonique de la pi&egrave;ce, trois voix, celles de Marie Remond, Laure Calamy et Caroline Breton, accompagnent celle d&rsquo;Anne Steffens pour exprimer la d&eacute;sint&eacute;gration de l&rsquo;&ecirc;tre. Elles viennent mettre en application les propos d&rsquo;Ad&egrave;le&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&rsquo;est comme si chaque pens&eacute;e avait son timbre &agrave; elle, son grain particulier et son argumentaire&nbsp;<a href="#_ftn59" name="_ftnref59">[59]</a>.&nbsp;&raquo; Le tissu textuel du monologue toutefois rend assez peu compte de cette d&eacute;construction de la voix propre en voix des autres, comme c&rsquo;est le cas dans&nbsp;<em>4.48 Psychosis</em>. Sarah Kane torture le corps m&ecirc;me du langage &agrave; la place du corps de chair&nbsp;: une syntaxe priv&eacute;e de ponctuation, une langue se d&eacute;composant en chiffres, des voix se r&eacute;pondant, se contredisant. Aux monologues int&eacute;rieurs se m&ecirc;lent chez elle des fragments de r&eacute;pliques, des bribes de conversations, des s&eacute;ries de mots. La source de parole n&rsquo;est jamais clairement identifi&eacute;e. &Agrave; la lecture de la pi&egrave;ce de Chlo&eacute; Delaume on per&ccedil;oit plut&ocirc;t l&rsquo;effort de ma&icirc;trise r&eacute;alis&eacute; pour retrouver une unit&eacute; et &laquo;&nbsp;suivre un m&ecirc;me et unique fil&nbsp;<a href="#_ftn60" name="_ftnref60">[60]</a>&nbsp;&raquo;, m&ecirc;me si de temps &agrave; autre apparaissent les bribes d&rsquo;une conversation int&eacute;rieure&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Tu ne parles pas tu geins geindre&nbsp;: faire entendre des plaintes faibles et inarticul&eacute;es, &eacute;mettre un bruit plaintif, je ne fais rien entendre, peut-&ecirc;tre que je me plains mais sans jamais &eacute;mettre c&rsquo;est pas parce que tes l&egrave;vres sont muettes que tu nous so&ucirc;le pas au-dedans, on en a marre &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur, marre tu comprends, de toi ras-le-bol, arr&ecirc;te de bavasser&nbsp;<a href="#_ftn61" name="_ftnref61">[61]</a>.</p> </blockquote> <p>Ce Je &laquo;&nbsp;friable, &eacute;clat&eacute;, souvent perdu de vue&nbsp;&raquo; s&rsquo;oppose aux &laquo;&nbsp;Moi monolithiques&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;pas la moindre scission, des personnalit&eacute;s sans troubles, stables, solides, dans l&rsquo;incapacit&eacute; de percevoir les efforts inou&iuml;s fournis au quotidien par le psychotique lambda&nbsp;<a href="#_ftn62" name="_ftnref62">[62]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>L&rsquo;&eacute;croulement de l&rsquo;ego a pour corollaire la d&eacute;personnalisation (&laquo;&nbsp;Vide, tu es je suis vide&nbsp;<a href="#_ftn63" name="_ftnref63">[63]</a>&nbsp;&raquo;), l&rsquo;impression d&rsquo;&ecirc;tre d&eacute;tach&eacute; de soi&nbsp;: &laquo;&nbsp;mon corps, je l&rsquo;ai laiss&eacute; vacant, tr&egrave;s jeune [&hellip;] Je suis partie tr&egrave;s loin, je ne me souviens plus o&ugrave;. Peut-&ecirc;tre bien nulle part. Quand je suis revenue, les voix avaient pouss&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn64" name="_ftnref64">[64]</a>.&nbsp;&raquo; Souvent dans les textes de Chlo&eacute; Delaume le corps se vide et se spectralise, comme dans&nbsp;<em>Une femme avec personne dedans</em>&nbsp;dont le titre est d&eacute;j&agrave; significatif du ph&eacute;nom&egrave;ne&nbsp;: &laquo;&nbsp;Sachez, je ne suis personne, &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur personne, je me gonfle de vide, une baudruche an&eacute;mi&eacute;e&nbsp;<a href="#_ftn65" name="_ftnref65">[65]</a>.&nbsp;&raquo; &Agrave; la fin de la pi&egrave;ce c&rsquo;est &laquo;&nbsp;l&rsquo;absorption dans le n&eacute;ant&nbsp;&raquo; qui triomphe, et le silence&nbsp;: &laquo;&nbsp;le silence garrotte derni&egrave;res voix r&eacute;fractaires&nbsp;<a href="#_ftn66" name="_ftnref66">[66]</a>&nbsp;&raquo;, les voix des mouches &laquo;&nbsp;qui susurrent qu&rsquo;hier comme toujours un rat&eacute; parce que nous devons vivre, que nous je sommes suis faite pour &ccedil;a, qu&rsquo;il suffit de respirer que ce n&rsquo;est pas si dur et que&nbsp;<a href="#_ftn67" name="_ftnref67">[67]</a>.&nbsp;&raquo;&nbsp;Vivre enfin (&laquo;&nbsp;Pour la premi&egrave;re fois, enti&egrave;re. Je dis Moi, oui, enti&egrave;re&nbsp;<a href="#_ftn68" name="_ftnref68">[68]</a>&nbsp;&raquo;), quitte &agrave; ce que le prix en soit la mort.</p> <h2><strong>2. Reprendre le contr&ocirc;le</strong><br /> &nbsp;</h2> <h3><strong>2.1. Le suicide, acte subversif par excellence</strong></h3> <p>L&rsquo;affirmation du Moi &agrave; la fin de la pi&egrave;ce passe par son annulation et sa n&eacute;antisation, par l&rsquo;acte volontaire du renoncement et une v&eacute;ritable asc&egrave;se dont le spectateur suit le parcours. Ad&egrave;le veut renoncer &laquo;&nbsp;&agrave;&nbsp;l&rsquo;espoir&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;au devenir&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;mon d&eacute;sir dans les limbes ne s&rsquo;agence qu&rsquo;en soustraction&nbsp;<a href="#_ftn69" name="_ftnref69">[69]</a>.&nbsp;&raquo; Elle s&rsquo;applique &agrave; renoncer &laquo;&nbsp;&agrave; tout flux de sentiment humain&nbsp;&raquo;, non sans difficult&eacute;. Les d&eacute;g&acirc;ts de son mal-&ecirc;tre sur l&rsquo;entourage familial sont importants. La culpabilit&eacute; lancinante s&rsquo;empare de la m&egrave;re (&laquo;&nbsp;Maman culpabilise comme si elle m&rsquo;avait con&ccedil;ue de travers&nbsp;<a href="#_ftn70" name="_ftnref70">[70]</a>&nbsp;&raquo;) tandis que la s&oelig;ur est envahie d&rsquo;une lassitude m&ecirc;l&eacute;e de ressentiment (&laquo;&nbsp;la fatigue de ma s&oelig;ur qui pense qu&rsquo;on en finisse, qui me voit comme une canc&eacute;reuse volontaire&nbsp;<a href="#_ftn71" name="_ftnref71">[71]</a>&nbsp;&raquo;). Ad&egrave;le rel&egrave;ve les traces du chagrin sur le visage de ses parents&nbsp;avec des accents path&eacute;tiques&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;aimerais tant leur &ecirc;tre &eacute;trang&egrave;re. L&rsquo;impuissance dans l&rsquo;&oelig;il de mon p&egrave;re, son poids humide, qui creuse et cerne. L&rsquo;infinie affliction qui aur&eacute;ole bleu clair les pupilles d&eacute;lav&eacute;es de ma pauvre maman.&nbsp;&raquo; Aucune froideur ni indiff&eacute;rence chez elle, plut&ocirc;t de l&rsquo;empathie&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;effet de ma mort sur ma m&egrave;re. Je pense &agrave; &ccedil;a&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;je veux juste abr&eacute;ger ma propre souffrance, aucunement en cr&eacute;er ailleurs. Je voudrais pr&eacute;server mes proches&nbsp;<a href="#_ftn72" name="_ftnref72">[72]</a>.&nbsp;&raquo; Ad&egrave;le renonce &agrave; ses cinq sens (&laquo;&nbsp;les cinq, oui, je l&rsquo;affirme&nbsp;<a href="#_ftn73" name="_ftnref73">[73]</a>&nbsp;&raquo;), mais son corps la trahit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Soif. Que le corps r&eacute;clame, c&rsquo;est le pompon&nbsp;<a href="#_ftn74" name="_ftnref74">[74]</a>.&nbsp;&raquo; Elle renonce &agrave; sonner car cela &eacute;quivaudrait &agrave; un appel au secours, mais elle s&rsquo;&eacute;tonne encore que personne ne p&eacute;n&egrave;tre dans sa chambre d&rsquo;h&ocirc;pital (&laquo;&nbsp;Pourquoi personne ne vient, je ne comprends vraiment pas&nbsp;<a href="#_ftn75" name="_ftnref75">[75]</a>.&nbsp;&raquo;)</p> <p>Chlo&eacute; Delaume exploite ici le potentiel hautement subversif du renoncement dans notre soci&eacute;t&eacute; o&ugrave; le &laquo;&nbsp;toujours plus&nbsp;&raquo; et le &laquo;&nbsp;jamais assez&nbsp;&raquo; sont de rigueur. Le suicide, choix radical, violent, est le renoncement ultime, qui viole l&rsquo;interdit social et religieux. Son essence est la n&eacute;gation et la transgression. Au regard de la soci&eacute;t&eacute;, le suicide est une &laquo;&nbsp;faute&nbsp;&raquo; et le suicid&eacute; un criminel qui doit &laquo;&nbsp;r&eacute;parer&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;peut-&ecirc;tre qu&rsquo;ils veulent me punir. Me laisser croupir dans ma sueur&nbsp;<a href="#_ftn76" name="_ftnref76">[76]</a>.&nbsp;&raquo; Le suicidaire se place en marge, il d&eacute;range, il d&eacute;stabilise. Il figure la limite de notre capacit&eacute; &agrave; comprendre. Le contexte id&eacute;ologique de la soci&eacute;t&eacute; actuelle ne fait que renforcer cette incompr&eacute;hension&nbsp;: le refus de la douleur (&laquo;&nbsp;J&rsquo;ai mal [&hellip;] On ne dit pas&nbsp;: j&rsquo;ai mal, c&rsquo;est extr&ecirc;mement probl&eacute;matique dans nos soci&eacute;t&eacute;s performantes&nbsp;<a href="#_ftn77" name="_ftnref77">[77]</a>&nbsp;&raquo;), le mythe de la gu&eacute;rison toujours possible (&laquo;&nbsp;le corps m&eacute;dical n&rsquo;aime pas perdre&nbsp;<a href="#_ftn78" name="_ftnref78">[78]</a>&nbsp;&raquo;), la vie &agrave; tout prix (&laquo;&nbsp;Ma s&oelig;ur me dit toujours&nbsp;: maintenant il faut lutter. Lutter contre la mort et s&rsquo;inscrire dans la vie. Parce qu&rsquo;on n&rsquo;a pas le choix&nbsp;<a href="#_ftn79" name="_ftnref79">[79]</a>&nbsp;&raquo;) trahissent une psychose sociale, collective. Comment dans ce contexte enti&egrave;rement orient&eacute; vers la jeunesse et la vie, o&ugrave; tout est fait pour vivre mieux et plus longtemps, peut-on vouloir se donner la mort&nbsp;?&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;infirmi&egrave;re chuchotera, m&rsquo;apportant mes cachets, vous &ecirc;tes jeune et jolie, il ne faut pas vouloir mourir&nbsp;<a href="#_ftn80" name="_ftnref80">[80]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>Si Chlo&eacute; Delaume &eacute;voque, dans&nbsp;<em>La</em>&nbsp;<em>R&egrave;gle du Je</em>, Michel Foucault et son&nbsp;<em>Histoire de la folie &agrave; l&rsquo;&Acirc;ge classique</em>, la pi&egrave;ce &eacute;tudi&eacute;e trouve, elle, un &eacute;clairage particuli&egrave;rement pertinent dans la fin de&nbsp;<em>La Volont&eacute; de savoir</em>, du m&ecirc;me Michel Foucault&nbsp;; la mort y est analys&eacute;e comme le moment o&ugrave; l&rsquo;individu &eacute;chappe &agrave; tout pouvoir&nbsp;:</p> <blockquote> <p>C&rsquo;est sur la vie maintenant et tout au long de son d&eacute;roulement que le pouvoir &eacute;tablit ses prises ; la mort en est la limite, le moment qui lui &eacute;chappe ; elle devient le point le plus secret de l&rsquo;existence, le plus &laquo;&nbsp;priv&eacute;&nbsp;&raquo;. Il ne faut pas s&rsquo;&eacute;tonner que le suicide ‒ crime autrefois puisqu&rsquo;il &eacute;tait une mani&egrave;re d&rsquo;usurper sur le droit de mort que le souverain, celui d&rsquo;ici-bas ou celui de l&rsquo;au-del&agrave;, avait seul le droit d&rsquo;exercer ‒ soit devenu au cours du XIX&egrave;me si&egrave;cle une des premi&egrave;res conduites &agrave; entrer dans le champ de l&rsquo;analyse sociologique ; il faisait appara&icirc;tre aux fronti&egrave;res et dans les interstices du pouvoir qui s&rsquo;exerce sur la vie, le droit individuel et priv&eacute; de mourir&nbsp;<a href="#_ftn81" name="_ftnref81">[81]</a>.</p> </blockquote> <p>Dans l&rsquo;&oelig;uvre de Chlo&eacute; Delaume l&rsquo;acte suicidaire est donc &agrave; interpr&eacute;ter comme une tentative chez le sujet cliv&eacute;, min&eacute; par les fictions collectives, de reprendre le contr&ocirc;le de son Moi et paradoxalement de sa vie. Cette reprise en main du sujet par lui-m&ecirc;me passe aussi par une d&eacute;construction de la figure maternelle, voire son annulation, par exemple, dans&nbsp;<em>Eden matin midi et soir,</em>&nbsp;avec une expression comme&nbsp;: &laquo;&nbsp;j&rsquo;accomplis notre propre avortement&nbsp;<a href="#_ftn82" name="_ftnref82">[82]</a>&nbsp;&raquo; pour &eacute;voquer le suicide, et son corollaire dans&nbsp;<em>La R&egrave;gle du Je</em>&nbsp;pour d&eacute;signer l&rsquo;invention de soi par l&rsquo;autofiction&nbsp;: &laquo;&nbsp;je me suis moi-m&ecirc;me engross&eacute;e&nbsp;<a href="#_ftn83" name="_ftnref83">[83]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <h3><strong>2.2. Rena&icirc;tre en litt&eacute;rature&nbsp;pour modifier le r&eacute;el&nbsp;</strong></h3> <p>Dans la pi&egrave;ce le spectateur assiste &agrave; une confession qui rel&egrave;ve de l&rsquo;urgence &agrave; se confier, parole o&ugrave; s&rsquo;affirme d&rsquo;embl&eacute;e un &laquo;&nbsp;je&nbsp;&raquo; agent de son destin revendiquant pleinement son statut de sujet en choisissant de mettre fin &agrave; sa vie (&laquo;&nbsp;Hier soir, j&rsquo;ai vot&eacute; la mort&nbsp;<a href="#_ftn84" name="_ftnref84">[84]</a>&nbsp;&raquo;). Pi&egrave;ce sur le suicide du Moi,&nbsp;<em>Eden matin midi et soir</em>&nbsp;a pour corollaire l&rsquo;&eacute;criture quelques mois plus tard de&nbsp;<em>La R&egrave;gle du Je</em>, essai sur le meurtre du Je, meurtre de Nathalie Dalain par Chlo&eacute; Delaume, comme origine de la pratique autofictionnelle&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il &eacute;tait n&eacute;cessaire de me cr&eacute;er une nouvelle identit&eacute;, qui porterait mon propre Je, l&rsquo;imposerait dans le r&eacute;el. Se d&eacute;finir comme personnage de fiction, c&rsquo;est dire je choisis qui je suis, je m&rsquo;invente seule, moi-m&ecirc;me, jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;&eacute;tat civil. Je ne suis pas n&eacute;e sujet, mais par ma mutation en Chlo&eacute; Delaume, je le suis devenue&nbsp;<a href="#_ftn85" name="_ftnref85">[85]</a>.&nbsp;&raquo; L&rsquo;autofiction proc&egrave;de ici du meurtre du Je, &laquo;&nbsp;celui d&rsquo;avant &raquo;, au b&eacute;n&eacute;fice d&rsquo;un nouveau, devenu &laquo;&nbsp;personnage de fiction qui s&rsquo;&eacute;crira lui-m&ecirc;me&nbsp;<a href="#_ftn86" name="_ftnref86">[86]</a>&nbsp;&raquo;. Tandis que la fin de l&rsquo;essai ouvre sur le futur du&nbsp;<em>work in progress</em>&nbsp;(&laquo;&nbsp;Le reste est &agrave; venir alors il adviendra&nbsp;<a href="#_ftn87" name="_ftnref87">[87]</a>&nbsp;&raquo;), la pi&egrave;ce, elle, se cl&ocirc;t sur un pr&eacute;sent fig&eacute; &agrave; l&rsquo;instant de la disparition du Moi, sans d&eacute;passement possible (&laquo;&nbsp;Je m&rsquo;&eacute;teins peu &agrave; peu, moi &agrave; moi, je m&rsquo;&eacute;teins&nbsp;<a href="#_ftn88" name="_ftnref88">[88]</a>.&nbsp;&raquo;)</p> <p>En 2009, l&rsquo;auteur a renonc&eacute; au suicide (il est significatif que la pi&egrave;ce ne convoque pas le personnage autofictionnel, mais celui d&rsquo;Ad&egrave;le Trousseau) et fait &laquo;&nbsp;le deuil d&rsquo;un Je qui ne savait qu&rsquo;&ecirc;tre Elle&nbsp;<a href="#_ftn89" name="_ftnref89">[89]</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Mon Je est fragment&eacute;, analyser de quoi il peut &ecirc;tre constitu&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn90" name="_ftnref90">[90]</a>.&nbsp;&raquo; Tandis que le personnage d&rsquo;Ad&egrave;le Trousseau trouve dans l&rsquo;abandon &agrave; la pulsion de mort une occasion de r&eacute;unifier son Moi &eacute;miett&eacute; avant de dispara&icirc;tre, l&rsquo;auteure choisit d&rsquo;assumer et m&ecirc;me de cultiver la diss&eacute;mination (dans plusieurs formes litt&eacute;raires et artistiques et sur de multiples supports), pour affirmer sa pr&eacute;sence au monde.&nbsp;<em>La</em>&nbsp;<em>R&egrave;gle du Je</em>&nbsp;publi&eacute; quelques mois plus tard, en 2010, fera d&eacute;finitivement de l&rsquo;autofiction &laquo;&nbsp;le laboratoire de la d&eacute;construction, de la diss&eacute;mination, de la prolif&eacute;ration folle des Je&nbsp;<a href="#_ftn91" name="_ftnref91">[91]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>L&rsquo;&eacute;criture de la pi&egrave;ce est contemporaine de celle de&nbsp;<em>Dans ma maison sous terre</em>&nbsp;qui questionne aussi le rapport &agrave; la mort. La narratrice se prom&egrave;ne dans les all&eacute;es du cimeti&egrave;re aux c&ocirc;t&eacute;s d&rsquo;un certain Th&eacute;ophile, un po&egrave;te n&eacute;crophage avec lequel elle converse&nbsp;; mais Th&eacute;ophile n&rsquo;est &laquo;&nbsp;rien&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;qu&rsquo;une oreille attentive&nbsp;<a href="#_ftn92" name="_ftnref92">[92]</a>&nbsp;&raquo; et la forme du monologue n&rsquo;est pas loin&nbsp;; Chlo&eacute; dialogue en v&eacute;rit&eacute; avec le double d&rsquo;elle-m&ecirc;me et convoque ses a&iuml;eux autour d&rsquo;elle pour un r&egrave;glement de comptes familial&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Mon corps est l&rsquo;habitacle des morts de ma famille. Des morts et des fant&ocirc;mes, je ne gu&eacute;rirai pas. Je voudrais que &ccedil;a cesse, que je sache qui je suis. Toutes les nuits, le m&ecirc;me r&ecirc;ve&nbsp;: dans mon cr&acirc;ne, ils habitent, une maison de poup&eacute;e coup&eacute;e par tron&ccedil;onneuse, une sc&egrave;ne de d&icirc;ner et la putr&eacute;faction&nbsp;<a href="#_ftn93" name="_ftnref93">[93]</a><em>.</em></p> </blockquote> <p>Le livre joue un r&ocirc;le important dans sa construction identitaire&nbsp;: elle y enterre d&eacute;finitivement son ancien Je (Nathalie Anne Abdallah devenue en 1980 Nathalie Dalain) et r&egrave;gle le probl&egrave;me du deuil. Dans le dernier chapitre de &laquo;&nbsp;condol&eacute;ances&nbsp;&raquo; adress&eacute; aux membres de sa famille maternelle, elle d&eacute;clare que &laquo;&nbsp;Nathalie est morte en 99&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Vous refusez de l&rsquo;entendre, cessez votre d&eacute;ni et assumez le deuil [&hellip;] L&rsquo;esprit de Nathalie ne trouvait pas le repos [&hellip;] Je me dois de vous pr&eacute;venir, je viens de l&rsquo;enterrer&nbsp;<a href="#_ftn94" name="_ftnref94">[94]</a>.&nbsp;&raquo; Chlo&eacute; tire un trait sur son pass&eacute; de thanatopathe et rena&icirc;t d&eacute;finitivement en litt&eacute;rature.</p> <p>Ad&egrave;le Trousseau dit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Au commencement &eacute;tait le Verbe, je ne suis plus que des mots, mais des mots pleins ma t&ecirc;te&nbsp;<a href="#_ftn95" name="_ftnref95">[95]</a>.&nbsp;&raquo; On reconna&icirc;t ici l&rsquo;attachement particulier de Chlo&eacute; Delaume pour le lexique&nbsp;:</p> <blockquote> <p>On est dans un monde o&ugrave; il n&rsquo;y a plus que les mots qui peuvent nous sauver parce que le pouvoir s&rsquo;est tellement r&eacute;appropri&eacute; la langue, quel qu&rsquo;il soit. La langue est aussi &agrave; la base assez phallocrate, donc pour les femmes, ce n&rsquo;est pas tr&egrave;s &eacute;vident de se d&eacute;patouiller avec le dictionnaire et les donn&eacute;es grammaticales et je crois vraiment que c&rsquo;est par la langue [&hellip;] que je peux essayer de faire quelque chose d&rsquo;actif pour qu&rsquo;on s&rsquo;en sorte un peu plus&nbsp;<a href="#_ftn96" name="_ftnref96">[96]</a>&nbsp;!</p> </blockquote> <p>Lorsqu&rsquo;elle &eacute;tait enfant, elle aimait, raconte-t-elle, consigner dans un petit carnet rose, perdu &agrave; la mort des parents, des mots, rares ou bizarres, avec leur d&eacute;finition recopi&eacute;e dans le Petit Robert. Dans la pi&egrave;ce, plusieurs remarques li&eacute;es &agrave; l&rsquo;&eacute;tymologie des mots &eacute;maillent le texte&nbsp;: l&rsquo;&eacute;tymologie de &laquo;&nbsp;thanatopathie&nbsp;&raquo;, ou celle d&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;anosognosie&nbsp;&raquo; par exemple, pour plonger au c&oelig;ur de la langue, par plaisir de scruter les mots. Le fameux dictionnaire est cit&eacute; dans la pi&egrave;ce pour le terme &laquo;&nbsp;Faute&nbsp;&raquo; employ&eacute; dans la phrase &laquo;&nbsp;Se suicider, une faute&nbsp;<a href="#_ftn97" name="_ftnref97">[97]</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Le Petit Robert dit&nbsp;: Faute&nbsp;: I.1. Le fait de manquer, d&rsquo;&ecirc;tre en moins [&hellip;] II.2. Acte ou omission constituant un manquement &agrave; une obligation l&eacute;gale ou conventionnelle dont la loi ordonne la r&eacute;paration [&hellip;] II.3. Manquement &agrave; une r&egrave;gle, un principe. Voir inexactitude, irr&eacute;gularit&eacute;, omission, incorrection, barbarisme. Apr&egrave;s je ne me souviens plus. Mais il est &eacute;vident que je suis un d&eacute;faut, je porte en moi le crime et suis un barbarisme pour la langue de la vie&nbsp;<a href="#_ftn98" name="_ftnref98">[98]</a>.</p> </blockquote> <p>Ou plus loin pour l&rsquo;adjectif &laquo;&nbsp;faible&nbsp;&raquo; &laquo;&nbsp;employ&eacute; comme une insulte&nbsp;&raquo; par son entourage, mais qu&rsquo;Ad&egrave;le &laquo;&nbsp;assume parfaitement&nbsp;&raquo;&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Qui manque de force, de vigueur physique&nbsp;; qui a peu de r&eacute;sistance, de solidit&eacute;, qui n&rsquo;est pas en &eacute;tat de r&eacute;sister, de lutter&nbsp;; qui manque de capacit&eacute;s&nbsp;; sans force, sans valeur&nbsp;; qui manque de force morale, d&rsquo;&eacute;nergie, de fermet&eacute;&nbsp;; qui a oui je sais moi aussi je la connais l&rsquo;&eacute;tymologie,&nbsp;<em>flebilis</em>&nbsp;; pitoyable, digne d&rsquo;&ecirc;tre pleur&eacute;. Pitoyable, je le suis&nbsp;<a href="#_ftn99" name="_ftnref99">[99]</a>.</p> </blockquote> <p>Pourtant c&rsquo;est la force et la vigueur du personnage que l&rsquo;on retiendra au final, et sa d&eacute;termination&nbsp;: son &laquo;&nbsp;Hier soir j&rsquo;ai vot&eacute; la mort&nbsp;&raquo; inaugural contraste avec le &laquo;&nbsp;I have resigned myself to death this year&nbsp;<a href="#_ftn100" name="_ftnref100">[100]</a>&nbsp;&raquo; de Sarah Kane dans&nbsp;<em>4.48 Psychosis</em>. &Agrave; propos de la phrase &laquo;&nbsp;au commencement &eacute;tait le Verbe&nbsp;&raquo;, Chlo&eacute; explique que pendant tr&egrave;s longtemps elle n&rsquo;entendait pas Verbe avec une majuscule. Elle entendait bien &laquo;&nbsp;au commencement &eacute;tait le langage&nbsp;&raquo;, mais aussi &laquo;&nbsp;au commencement &eacute;tait le verbe au sens de faire ou &ecirc;tre. Enfin, quelque chose de tr&egrave;s actif dans la langue&nbsp;<a href="#_ftn101" name="_ftnref101">[101]</a>.&nbsp;&raquo; Non seulement Chlo&eacute; Delaume entretient un rapport ludique &agrave; l&rsquo;&eacute;criture, mais elle croit fermement en la performativit&eacute; du langage, &agrave; une langue en mouvement qui peut agir sur le monde&nbsp;: c&rsquo;est sur cette notion qu&rsquo;elle b&acirc;tit tout son projet d&rsquo;&eacute;criture. Aussi attribue-t-elle un pouvoir aux mots et &agrave; l&rsquo;&eacute;criture comme moyen de r&eacute;sistance. Ici la force du texte r&eacute;side dans l&rsquo;humour, c&rsquo;est ce qui la diff&eacute;rencie de Sarah Kane&nbsp;; &laquo;&nbsp;J&rsquo;ai fait un peu ma Sarah Kane, mais avec plus de blagues&nbsp;&raquo;, dit-elle&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Les ruptures sont souvent n&eacute;cessaires pour atomiser le pathos qui s&rsquo;infiltre tr&egrave;s facilement, beaucoup trop, si on n&rsquo;y prend pas garde. L&rsquo;humour, si possible noir, est un bon alli&eacute;. Apr&egrave;s un passage extr&ecirc;mement lyrique, po&eacute;tiquement si tarabiscot&eacute; que la seule chose qu&rsquo;on en retienne &agrave; premi&egrave;re lecture est un flux rocailleux agonique, genre ohlala elle morfle tellement la pauvre, la seule fa&ccedil;on de contrer l&rsquo;empathie d&eacute;goulinante et son ignoble copine la piti&eacute;, c&rsquo;est une bonne blagounette. Alors, oui, les registres changent tr&egrave;s fr&eacute;quemment, le danger avec mes th&eacute;matiques tournant autour de la mort et de la folie, c&rsquo;est que la trag&eacute;die reste drap&eacute;e dans une douleur vive et soyeuse, alors que les cothurnes, en soi, faut avouer que c&rsquo;est tout de m&ecirc;me assez ridicule&nbsp;<a href="#_ftn102" name="_ftnref102">[102]</a>.</p> </blockquote> <p>Dans&nbsp;<em>Eden,</em>&nbsp;<em>matin,</em>&nbsp;<em>midi</em>&nbsp;<em>et</em>&nbsp;<em>soir</em>, elle multiplie les blagues m&acirc;tin&eacute;es d&rsquo;humour noir et de fantaisie iconoclaste (&laquo;&nbsp;Maman nous sommes la solution &agrave; la crise du logement&nbsp;<a href="#_ftn103" name="_ftnref103">[103]</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;ou &laquo;&nbsp;Faut toujours v&eacute;rifier que personne n&rsquo;est gar&eacute; sous la fen&ecirc;tre d&rsquo;o&ugrave; on saute, sinon on rebondit en d&eacute;t&eacute;riorant le bien d&rsquo;autrui [&hellip;] Jamais je ne me d&eacute;fenestrerai. C&rsquo;est un coup &agrave; finir t&eacute;trapl&eacute;gique avec un dossier au surendettement&nbsp;<a href="#_ftn104" name="_ftnref104">[104]</a>&nbsp;&raquo;), les d&eacute;tournements parodiques (Ad&egrave;le est une Ariane gaffeuse qui use d&rsquo;un filtre de fid&eacute;lit&eacute; pour s&rsquo;attacher Gr&eacute;goire, mais se trompe de dosage et le rend st&eacute;rile). Plusieurs sources se trouvent synth&eacute;tis&eacute;es dans le creuset litt&eacute;raire&nbsp;: des r&eacute;f&eacute;rences implicites ou explicites &agrave; la trag&eacute;die antique, &agrave; la Bible, &agrave; Marguerite Duras, &agrave; Samuel Beckett, &agrave; Michel Foucault. Les registres aussi s&rsquo;entrechoquent en une &eacute;tonnante polyphonie&nbsp;: langage familier, statistiques, lois physiques, questionnaire m&eacute;dical, ordonnances, anecdotes, &eacute;tymologies tir&eacute;es du dictionnaire, portraits chinois&hellip; Chlo&eacute; Delaume touille dans le vivier des mots et invente un langage. Elle parle de son travail comme d&rsquo;une &laquo;&nbsp;petite cuisine&nbsp;&raquo; car elle est attach&eacute;e aux notions de laboratoire et d&rsquo;exp&eacute;rimentation&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;aime qu&rsquo;il y ait ce que j&rsquo;appelle du joli. Un c&ocirc;t&eacute; colifichet, qui n&rsquo;apporte rien en soi mais qui est esth&eacute;tique. Comme quand &ccedil;a fait des bouillonnements sympathiques dans la casserole&nbsp;<a href="#_ftn105" name="_ftnref105">[105]</a>.&nbsp;&raquo; Plus profond&eacute;ment, son projet est politique&nbsp;: dans son laboratoire, Chlo&eacute; Delaume pratique la sorcellerie et concocte la potion magique ou le filtre capable de faire des mots des armes de combat&nbsp;: &laquo;<em>&nbsp;</em>Je ne crois plus en rien si ce n&rsquo;est en le Verbe, son pouvoir tout-puissant et sa capacit&eacute; &agrave; remodeler l&rsquo;abrupte. &Eacute;crire c&rsquo;est pratiquer une forme de sorcellerie&nbsp;<a href="#_ftn106" name="_ftnref106">[106]</a>.&nbsp;&raquo; Ad&egrave;le aussi a des pouvoirs&nbsp;: ceux que lui conf&egrave;re la thanatopathie (&laquo;&nbsp;Morsures, serment de vouivre, lente agonie, puis suppression. Les seuls qui en r&eacute;chappent sont ceux qui m&rsquo;ont quitt&eacute;e<a href="#_ftn107" name="_ftnref107">[107]</a>&nbsp;&raquo;), poison capable d&rsquo;infecter toute la soci&eacute;t&eacute; et tout l&rsquo;Occident&nbsp;; telle une nouvelle Ariane, d&eacute;barrass&eacute;e de Th&eacute;s&eacute;e, elle veut affronter seule le Minotaure capitaliste gr&acirc;ce &agrave; la thanatopathie&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Dire au capitalisme&nbsp;: vois tu es autophage [&hellip;] Entendre pour seule r&eacute;ponse&nbsp;: ma chair se fait exsangue, rendez-moi mes enfants, r&eacute;unis par centaines sur les toits des immeubles ils se font pluie de sang avant que ma m&acirc;choire n&rsquo;ait pu se refermer. J&rsquo;ai faim dira le Capitalisme. Des millions d&rsquo;hommes et de femmes chaque jour &eacute;chapperont &agrave; son estomac, gr&acirc;ce &agrave; cette bonne vieille astuce qu&rsquo;est le suicide collectif &agrave; &eacute;chelle un peu s&eacute;rieuse&nbsp;<a href="#_ftn108" name="_ftnref108">[108]</a>.</p> </blockquote> <p>La jeune Ad&egrave;le Trousseau, engendr&eacute;e par Chlo&eacute; Delaume, &laquo;&nbsp;cons&eacute;quence de [son] Je r&eacute;pandu&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;chair de [sa] psychose&nbsp;<a href="#_ftn109" name="_ftnref109">[109]</a>&nbsp;&raquo; et fille de sa douleur, &eacute;tonne par la d&eacute;termination et l&rsquo;&eacute;nergie qui se d&eacute;gage d&rsquo;elle. Au seuil de la mort, elle est ma&icirc;tresse de sa vie&nbsp;: elle nomme, cerne sa maladie, dont elle est parfaitement consciente, refuse de s&rsquo;inscrire &laquo;&nbsp;dans cette grande fiction qu&rsquo;on nomme l&rsquo;Histoire des hommes&nbsp;<a href="#_ftn110" name="_ftnref110">[110]</a>&nbsp;&raquo;, prend la d&eacute;cision de mourir. Action&nbsp;: &laquo;&nbsp;Matin, midi, bonsoir&nbsp;<a href="#_ftn111" name="_ftnref111">[111]</a>.&nbsp;&raquo; Aucun flou dans la pens&eacute;e, aucune faiblesse dans le renoncement. De la force plut&ocirc;t. Avec ses mots, Ad&egrave;le d&eacute;construit, corrige, transforme. Nulle passivit&eacute;. L&rsquo;&eacute;chec devient victoire et la &laquo;&nbsp;toqu&eacute;e&nbsp;&raquo; l&egrave;ve le voile sur la violence des rapports hommes-femmes, sur une m&eacute;decine d&eacute;pourvue d&rsquo;humanit&eacute;, sur la folie du monde.</p> <p>On n&rsquo;&eacute;crit pas pour gu&eacute;rir de la thanatopathie, &laquo;&nbsp;l&rsquo;&eacute;criture n&rsquo;apaise pas, elle redouble la douleur&nbsp;<a href="#_ftn112" name="_ftnref112">[112]</a>&nbsp;&raquo;, explique Chlo&eacute; Delaume dans&nbsp;<em>Une femme avec personne dedans,&nbsp;</em>o&ugrave;, pour le chapitre 9, elle prend la place d&rsquo;Ad&egrave;le sur la sc&egrave;ne du th&eacute;&acirc;tre, face &agrave; un public de m&egrave;res &eacute;plor&eacute;es&nbsp;: &laquo;&nbsp;des jeunes filles se suicident, dans leur chambre mes livres, leurs m&egrave;res entrent en contact parce qu&rsquo;elles cherchent &agrave; comprendre&nbsp;<a href="#_ftn113" name="_ftnref113">[113]</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;pourquoi elle et pas vous&nbsp;<a href="#_ftn114" name="_ftnref114">[114]</a>&nbsp;?&nbsp;&raquo; Pour Chlo&eacute; Delaume l&rsquo;&eacute;criture est un combat guerrier&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le r&eacute;el est hostile &agrave; tous ses survivants et j&rsquo;ai bien trop de haine, trop de ressentiment, pour le laisser broyer ma subjectivit&eacute;. Il est l&agrave; le secret, le secret du pourquoi, pourquoi elles et pas moi&nbsp;<a href="#_ftn115" name="_ftnref115">[115]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>Et sur Chlo&eacute; le rideau ne tombe pas.</p> <h3><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h3> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a>&nbsp;Entretien avec Colette Fellous, &laquo;&nbsp;Vingt-quatre heures dans la vie de&hellip;&nbsp;&raquo;, France Culture, 9 ao&ucirc;t 2009,&nbsp;<a href="http://http%20//www.fabriquedesens.net/24-h-dans-la-vie-de-Chloe-Delaume" target="_blank">en ligne</a>.</p> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a>&nbsp;Auparavant, en 2007, Hauke Lanz avait adapt&eacute; au th&eacute;&acirc;tre le roman de Chlo&eacute; Delaume&nbsp;<em>Le Cri du sablier</em>&nbsp;sous le titre&nbsp;<em>Angstblau</em>. La pi&egrave;ce avait &eacute;t&eacute; donn&eacute;e au Theater Freiburg.</p> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a>&nbsp;Chlo&eacute; Delaume,&nbsp;<em>Une Femme avec personne dedans</em>, Paris, &Eacute;ditions du Seuil, &laquo;&nbsp;Points&nbsp;&raquo;, 2013, p.&nbsp;69.</p> <p><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a>&nbsp;Chlo&eacute; Delaume,&nbsp;<em>Eden matin midi et soir</em>Eden matin midi et soir<em>Eden matin midi et soir</em>, Nantes, &eacute;ditions joca seria, 2009, p.&nbsp;24.</p> <p><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a>&nbsp;Diffus&eacute;e le 11 septembre dans l&rsquo;&eacute;mission &laquo;&nbsp;Fictions/Perspectives contemporaine&nbsp;&raquo; de France culture (Anne Steffens y est accompagn&eacute;e de Marie Remond, Laure Calamy, Caroline Breton).</p> <p><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a>&nbsp;Sarah Kane,&nbsp;<em>4.48 Psychosis</em>,&nbsp;<em>in</em>&nbsp;<em>Complete Plays</em>, Bloomsbury, p.&nbsp;205&nbsp;: &laquo; une salle de banquet assombrie pr&egrave;s du plafond d&rsquo;un esprit dont le parquet bouge comme dix-mille cafards&nbsp;&raquo;, traduit par Evelyne Pieiller, Paris, L&rsquo;Arche, 2009, p.&nbsp;19.</p> <p><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;9.</p> <p><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a>&nbsp;&Agrave; propos de cette mise en sc&egrave;ne, on pourra consulter le billet d&rsquo;Arnaud Ma&iuml;setti dat&eacute; du 28 mars 2009 en ligne&nbsp;<a href="http://http%20//www.arnaudmaisetti.net/spip/spip.php?article96" target="_blank">ici</a>.</p> <p><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a>&nbsp;<em>Eden</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p. 16.</p> <p><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 8-9.</p> <p><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 15.</p> <p><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 33.</p> <p><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 40.</p> <p><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a>&nbsp;Chlo&eacute; Delaume,&nbsp;<em>S&rsquo;&eacute;crire mode d&rsquo;emploi</em>, publie.net, p. 8.</p> <p><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a>&nbsp;Voir &agrave; ce sujet, l&rsquo;article d&rsquo;Annie Pibarot, &laquo;&nbsp;Quand la trag&eacute;die est en amont&nbsp;: Th&eacute;&acirc;tralit&eacute; et th&eacute;&acirc;tre dans l&rsquo;&oelig;uvre de Chlo&eacute; Delaume&nbsp;&raquo;, Florence Th&eacute;rond (dir.),&nbsp;<em>La Violence du quotidien, formes et figures contemporaines de la violence au th&eacute;&acirc;tre et au cin&eacute;ma</em>, &nbsp;Montpellier, &eacute;ditions L&rsquo;Entretemps, 2015, p.&nbsp;193 &agrave; 205.</p> <p><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a>&nbsp;Chlo&eacute; Delaume, &laquo;&nbsp;Visite guid&eacute;e&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;<em>Neuf le&ccedil;ons de litt&eacute;rature</em>, Paris, &Eacute;ditions Thierry Magnier, 2007, p.&nbsp;40.</p> <p><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a>&nbsp;Entretien avec Colette Fellous, &laquo;&nbsp;Vingt-quatre heures dans la vie de&hellip;&nbsp;&raquo;, France Culture, 9 ao&ucirc;t 2009,&nbsp;<a href="http://http%20//www.fabriquedesens.net/24-h-dans-la-vie-de-Chloe-Delaume" target="_blank">en ligne</a>.</p> <p><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a>&nbsp;Chlo&eacute; Delaume,&nbsp;<em>S&rsquo;&eacute;crire mode d&rsquo;emploi</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p. 8.</p> <p><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a>&nbsp;<em>Eden</em>, p. 43.</p> <p><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 15.</p> <p><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a>&nbsp;<em>Ibid</em>., p. 20.</p> <p><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 45.</p> <p><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 17.</p> <p><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 19.</p> <p><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 45.</p> <p><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a>&nbsp;Entretien avec Colette Fellous, &laquo;&nbsp;Vingt-quatre heures dans la vie de&hellip;&nbsp;&raquo;, France Culture, 9 ao&ucirc;t 2009,&nbsp;<em>op. cit.</em></p> <p><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a>&nbsp;Chlo&eacute; Delaume,&nbsp;<em>Dans ma maison sous terre</em>, Paris, Seuil, 2009, p. 127.</p> <p><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a>&nbsp;Entretien avec Colette Fellous, &laquo;&nbsp;Vingt-quatre heures dans la vie de&hellip;&nbsp;&raquo;, France Culture, 9 ao&ucirc;t 2009,&nbsp;<em>op. cit.</em></p> <p><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a>&nbsp;Chlo&eacute; Delaume,&nbsp;<em>Le Cri du sablier</em>, Paris, Gallimard, coll. folio, p. 72.</p> <p><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a>&nbsp;Chlo&eacute; Delaume,&nbsp;<em>Dans ma maison sous terre</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p.&nbsp;48.</p> <p><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a>&nbsp;<em>Ibid</em>., p. 69.</p> <p><a href="#_ftnref32" name="_ftn32">[32]</a>&nbsp;Chlo&eacute; Delaume,&nbsp;<em>La R&egrave;gle du Je</em>, Paris, puf, collection &laquo;&nbsp;Travaux pratiques&nbsp;&raquo;, 2010, p.&nbsp;89.</p> <p><a href="#_ftnref33" name="_ftn33">[33]</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;Castillon-Delaume&nbsp;: ni prudes ni soumises&nbsp;&raquo;, Propos recueillis par Gr&eacute;goire Lem&eacute;nager,&nbsp;<em>Nouvel Observateur</em>&nbsp;du 19 janvier 2012,&nbsp;<a href="http://http%20//bibliobs.nouvelobs.com/romans/20120118.OBS9095/castillon-delaume-ni-prudes-ni-soumises.html" target="_blank">en ligne</a>.</p> <p><a href="#_ftnref34" name="_ftn34">[34]</a>&nbsp;<em>La R&egrave;gle du Je</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>.,p. 23.</p> <p><a href="#_ftnref35" name="_ftn35">[35]</a>&nbsp;<em>Eden</em>, p. 42.</p> <p><a href="#_ftnref36" name="_ftn36">[36]</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;Mes parents m&rsquo;impos&egrave;rent leur propre fiction, mon enfance &agrave; Beyrouth, les origines de mon p&egrave;re, les fondements de mon identit&eacute;, soudain tout cela n&rsquo;&eacute;tait plus. Nous &eacute;tions fran&ccedil;ais, tous, et depuis toujours. Le roman familial disposait de moi comme d&rsquo;un personnage modifiable pour des raisons de biens&eacute;ance. &Agrave; l&rsquo;&acirc;ge de dix ans, j&rsquo;assistais au chapitre final de cette premi&egrave;re fiction collective impos&eacute;e. Ma m&egrave;re fut abattue &agrave; bout portant par mon p&egrave;re qui retournera l&rsquo;arme contre lui. Je passais un an chez mes grands-parents maternels&nbsp;: pour des raisons de commodit&eacute;s, leur nom &eacute;tait accol&eacute; au mien &agrave; l&rsquo;&eacute;cole, on m&rsquo;a durant toute cette ann&eacute;e nomm&eacute;e Dalain-Leroux. J&rsquo;avais la sensation d&rsquo;&ecirc;tre un corps &eacute;tiquet&eacute; par son h&eacute;bergeur-ma&icirc;tre, o&ugrave; chaque tuteur l&eacute;gal pouvait projeter le r&ocirc;le, la place que je devais occuper dans le r&eacute;cit social.&nbsp;&raquo; (Entretien avec Barbara Havercroft, &laquo;&nbsp;Le soi est une fiction&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Revue critique de fixxion fran&ccedil;aise contemporaine</em>, 2012,&nbsp;<a href="http://http%20//www.revue-critique-de-fixxion-francaise-contemporaine.org/rcffc/article/view/fx04.12/671" target="_blank">en ligne</a>.)</p> <p><a href="#_ftnref37" name="_ftn37">[37]</a>&nbsp;<em>La R&egrave;gle du Je</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p. 23.</p> <p><a href="#_ftnref38" name="_ftn38">[38]</a>&nbsp;<em>Eden</em>, p. 20.</p> <p><a href="#_ftnref39" name="_ftn39">[39]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 11.</p> <p><a href="#_ftnref40" name="_ftn40">[40]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 32.</p> <p><a href="#_ftnref41" name="_ftn41">[41]</a>&nbsp;<em>Ibid</em>., p. 16.</p> <p><a href="#_ftnref42" name="_ftn42">[42]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 21.</p> <p><a href="#_ftnref43" name="_ftn43">[43]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 20-21.</p> <p><a href="#_ftnref44" name="_ftn44">[44]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 42.</p> <p><a href="#_ftnref45" name="_ftn45">[45]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 32.</p> <p><a href="#_ftnref46" name="_ftn46">[46]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 34.</p> <p><a href="#_ftnref47" name="_ftn47">[47]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 33.</p> <p><a href="#_ftnref48" name="_ftn48">[48]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 19.</p> <p><a href="#_ftnref49" name="_ftn49">[49]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 23.</p> <p><a href="#_ftnref50" name="_ftn50">[50]</a>&nbsp;<em>Id</em>.</p> <p><a href="#_ftnref51" name="_ftn51">[51]</a>&nbsp;<em>Ibid</em>., p. 8.</p> <p><a href="#_ftnref52" name="_ftn52">[52]</a>&nbsp;<em>Ibid</em>., p. 7.</p> <p><a href="#_ftnref53" name="_ftn53">[53]</a>&nbsp;<em>Id</em>.</p> <p><a href="#_ftnref54" name="_ftn54">[54]</a>&nbsp;Sophie Marret, &laquo;&nbsp;Le regard des cafards 4.48 Psychosis&nbsp;: la folie d&rsquo;une femme sur sc&egrave;ne&nbsp;&raquo;, dans Claude Le Fustec et Sophie Marret (dir.),&nbsp;<em>La Fabrique du genre</em>, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2009.</p> <p><a href="#_ftnref55" name="_ftn55">[55]</a>&nbsp;<em>Eden</em>, p. 35.</p> <p><a href="#_ftnref56" name="_ftn56">[56]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 8.</p> <p><a href="#_ftnref57" name="_ftn57">[57]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 15.</p> <p><a href="#_ftnref58" name="_ftn58">[58]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 10.</p> <p><a href="#_ftnref59" name="_ftn59">[59]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 9.</p> <p><a href="#_ftnref60" name="_ftn60">[60]</a>&nbsp;<em>Eden</em>, p. 11.</p> <p><a href="#_ftnref61" name="_ftn61">[61]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 24.</p> <p><a href="#_ftnref62" name="_ftn62">[62]</a>&nbsp;<em>Une femme avec personne dedans</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p. 60.</p> <p><a href="#_ftnref63" name="_ftn63">[63]</a>&nbsp;<em>Eden</em>, p. 8.</p> <p><a href="#_ftnref64" name="_ftn64">[64]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 26.</p> <p><a href="#_ftnref65" name="_ftn65">[65]</a>&nbsp;<em>Une femme avec personne dedans</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p. 109.</p> <p><a href="#_ftnref66" name="_ftn66">[66]</a>&nbsp;<em>Eden</em>, p. 45.</p> <p><a href="#_ftnref67" name="_ftn67">[67]</a>&nbsp;<em>Id.</em></p> <p><a href="#_ftnref68" name="_ftn68">[68]</a>&nbsp;<em>Id.</em></p> <p><a href="#_ftnref69" name="_ftn69">[69]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 41.</p> <p><a href="#_ftnref70" name="_ftn70">[70]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 35.</p> <p><a href="#_ftnref71" name="_ftn71">[71]</a>&nbsp;<em>Ibid.,</em>&nbsp;p. 37.</p> <p><a href="#_ftnref72" name="_ftn72">[72]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 34.</p> <p><a href="#_ftnref73" name="_ftn73">[73]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 40-41.</p> <p><a href="#_ftnref74" name="_ftn74">[74]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 37.</p> <p><a href="#_ftnref75" name="_ftn75">[75]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 34.</p> <p><a href="#_ftnref76" name="_ftn76">[76]</a>&nbsp;<em>Eden</em>, p. 34.</p> <p><a href="#_ftnref77" name="_ftn77">[77]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 22.</p> <p><a href="#_ftnref78" name="_ftn78">[78]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 32.</p> <p><a href="#_ftnref79" name="_ftn79">[79]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 21.</p> <p><a href="#_ftnref80" name="_ftn80">[80]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 34.</p> <p><a href="#_ftnref81" name="_ftn81">[81]</a>&nbsp;Michel Foucault,&nbsp;<em>La Volont&eacute; de savoir</em>, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que des histoires&nbsp;&raquo;, 1976, p.&nbsp;182.</p> <p><a href="#_ftnref82" name="_ftn82">[82]</a>&nbsp;<em>Eden</em>, p. 42.</p> <p><a href="#_ftnref83" name="_ftn83">[83]</a>&nbsp;Chlo&eacute; Delaume,&nbsp;<em>La R&egrave;gle du Je</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p. 6.</p> <p><a href="#_ftnref84" name="_ftn84">[84]</a>&nbsp;<em>Eden</em>, p. 7.</p> <p><a href="#_ftnref85" name="_ftn85">[85]</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;Le soi est une fiction. Chlo&eacute; Delaume s&rsquo;entretient avec Barbara Havercroft&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Revue critique de Fixxion fran&ccedil;aise contemporaine</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em></p> <p><a href="#_ftnref86" name="_ftn86">[86]</a>&nbsp;<em>Eden</em>, p. 13.</p> <p><a href="#_ftnref87" name="_ftn87">[87]</a>&nbsp;<em>La R&egrave;gle du Je</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p. 93.</p> <p><a href="#_ftnref88" name="_ftn88">[88]</a>&nbsp;<em>Eden</em>, p. 46.</p> <p><a href="#_ftnref89" name="_ftn89">[89]</a>&nbsp;<em>La R&egrave;gle du Je</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p. 13.</p> <p><a href="#_ftnref90" name="_ftn90">[90]</a>&nbsp;<em>S&rsquo;&eacute;crire mode d&rsquo;emploi</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>,p. 8.</p> <p><a href="#_ftnref91" name="_ftn91">[91]</a>&nbsp;<em>La R&egrave;gle du Je</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, texte de pr&eacute;sentation de la quatri&egrave;me de couverture.</p> <p><a href="#_ftnref92" name="_ftn92">[92]</a>&nbsp;Chlo&eacute; Delaume,&nbsp;<em>Dans ma maison sous terre</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p. 169.</p> <p><a href="#_ftnref93" name="_ftn93">[93]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 139.</p> <p><a href="#_ftnref94" name="_ftn94">[94]</a>&nbsp;<em>Ibid.,&nbsp;</em>p. 205.</p> <p><a href="#_ftnref95" name="_ftn95">[95]</a>&nbsp;<em>Eden</em>, p. 44.</p> <p><a href="#_ftnref96" name="_ftn96">[96]</a>&nbsp;Entretien avec Colette Fellous, &laquo;&nbsp;Vingt-quatre heures dans la vie de&hellip;&nbsp;&raquo;, France Culture, 9 ao&ucirc;t 2009,&nbsp;<em>op. cit</em>.</p> <p><a href="#_ftnref97" name="_ftn97">[97]</a>&nbsp;<em>Eden</em>, p. 16.</p> <p><a href="#_ftnref98" name="_ftn98">[98]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 14.</p> <p><a href="#_ftnref99" name="_ftn99">[99]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 36.</p> <p><a href="#_ftnref100" name="_ftn100">[100]</a>&nbsp;<em>4.48 Psychosis</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p. 208&nbsp;: &laquo;&nbsp;je me suis r&eacute;sign&eacute;e &agrave; la mort cette ann&eacute;e&nbsp;&raquo;, p.&nbsp;12.</p> <p><a href="#_ftnref101" name="_ftn101">[101]</a>&nbsp;Entretien avec Colette Fellous, &laquo;&nbsp;Vingt-quatre heures dans la vie de&hellip;&nbsp;&raquo;, France Culture, 9 ao&ucirc;t 2009,&nbsp;<em>op. cit</em>.</p> <p><a href="#_ftnref102" name="_ftn102">[102]</a>&nbsp;Entretien avec Barbara Havercroft, &laquo;&nbsp;Le soi est une fiction&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Revue critique de fixxion fran&ccedil;aise contemporaine</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em></p> <p><a href="#_ftnref103" name="_ftn103">[103]</a>&nbsp;<em>Eden</em>, p. 40.</p> <p><a href="#_ftnref104" name="_ftn104">[104]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 13.</p> <p><a href="#_ftnref105" name="_ftn105">[105]</a>&nbsp;Cit&eacute; dans &laquo;&nbsp;Au pays des contes d&eacute;faits&nbsp;&raquo; portrait de Chlo&eacute; Delaume par Catherine Dup&eacute;rou,&nbsp;<em>Matricule des Anges</em>,&nbsp;<a href="http://http%20//www.lmda.net/din2/n_port.php?Idp=MAT04291" target="_blank">en ligne</a>.</p> <p><a href="#_ftnref106" name="_ftn106">[106]</a>&nbsp;Chlo&eacute; Delaume,&nbsp;<em>La R&egrave;gle du Je</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p. 6.</p> <p><a href="#_ftnref107" name="_ftn107">[107]</a>&nbsp;<em>Eden</em>, p. 27.</p> <p><a href="#_ftnref108" name="_ftn108">[108]</a>&nbsp;<em>Eden</em>, p. 31.</p> <p><a href="#_ftnref109" name="_ftn109">[109]</a>&nbsp;<em>Une femme avec personne dedans</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p. 44.</p> <p><a href="#_ftnref110" name="_ftn110">[110]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 22.</p> <p><a href="#_ftnref111" name="_ftn111">[111]</a>&nbsp;Titre du chapitre 9 de&nbsp;<em>Une femme avec personne dedans</em>.</p> <p><a href="#_ftnref112" name="_ftn112">[112]</a>&nbsp;<em>Une femme avec personne dedans</em>, p. 72.</p> <p><a href="#_ftnref113" name="_ftn113">[113]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 69.</p> <p><a href="#_ftnref114" name="_ftn114">[114]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 70.</p> <p><a href="#_ftnref115" name="_ftn115">[115]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 72.</p> <h3>Auteur</h3> <p><strong>Florence Th&eacute;rond&nbsp;</strong>est ma&icirc;tre de conf&eacute;rences de litt&eacute;rature g&eacute;n&eacute;rale et compar&eacute;e &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; Paul-Val&eacute;ry-Montpellier 3 et membre du laboratoire RIRRA21 o&ugrave; elle coordonne le programme &laquo;&nbsp;La litt&eacute;rature &agrave; l&rsquo;heure du num&eacute;rique&nbsp;&raquo;. Elle a dirig&eacute; ou codirig&eacute; plusieurs dossiers consacr&eacute;s &agrave; cette question&nbsp;:&nbsp;<em>La fin du livre, une histoire sans fin</em>&nbsp;et&nbsp;<em>Tiers Livre, d&eacute;pouille et cr&eacute;ation</em>&nbsp;(en ligne sur la plateforme Komodo21)&nbsp;; &laquo;&nbsp;Les formes br&egrave;ves dans la litt&eacute;rature Web&nbsp;&raquo; (<a href="http://nt2.uqam.ca/fr/cahiers-virtuels" target="_blank"><em>Cahiers virtuels ALN</em></a><a href="http://nt2.uqam.ca/fr/cahiers-virtuels"><em>|</em></a><a href="http://nt2.uqam.ca/fr/cahiers-virtuels" target="_blank"><em>NT2</em></a><em>,</em>&nbsp;mai 2017). Elle travaille en outre sur les nouvelles &eacute;critures th&eacute;&acirc;trales.</p> <h3><strong>Copyright</strong></h3> <p>Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p>