<h3>Abstract</h3> <p>In 1976, C&eacute;saire gave a long radio interview to &Eacute;douard Maunick on the France Culture channel. Rather than following the poet&rsquo;s biographical chronological order, the interviewer leads him to a geography of his work. In so doing C&eacute;saire goes from a realistic view of Martinique to a metaphoric island. In such a dynamic his words tend to a kind of lyricism, although very different from what we can read in his poetry. Radiophonic interview&rsquo;s nature creates echoes between C&eacute;saire&rsquo;s words and others&rsquo;, and particularly those of his interviewer, the poet &Eacute;douard Maunick.</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p>poetry, France Culture, Aim&eacute; C&eacute;saire, &Eacute;douard Maunick, radio interview, island</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>En 1976, alors qu&rsquo;Aim&eacute; C&eacute;saire accorde &agrave; &Eacute;douard Maunick une s&eacute;rie d&rsquo;entretiens pour France Culture, il est un po&egrave;te reconnu dont presque toute l&rsquo;&oelig;uvre est derri&egrave;re lui, &agrave; l&rsquo;exception du recueil&nbsp;<em>Moi laminaire</em>&nbsp;qui sera publi&eacute; en 1984. Il est bien s&ucirc;r la figure marquante du mouvement de la n&eacute;gritude, qui a connu sa pleine effervescence au milieu du xx<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, des ann&eacute;es 1930 aux ann&eacute;es 1960&nbsp;; il est d&rsquo;ailleurs l&rsquo;inventeur du terme. Le Mauricien &Eacute;douard Maunick est un homme de radio, qui a produit diverses &eacute;missions &agrave; la SORAFOM (Soci&eacute;t&eacute; de Radiodiffusion d&rsquo;Outre-mer), puis &agrave; l&rsquo;OCORA (Office de Coop&eacute;ration Radiophonique) et enfin &agrave; RFI (Radio-France Internationale), tout en travaillant ponctuellement pour France Culture&nbsp;; mais il est aussi po&egrave;te et se r&eacute;clame de l&rsquo;h&eacute;ritage des grandes figures de la po&eacute;sie francophone que furent Senghor et C&eacute;saire. Les entretiens avec C&eacute;saire, diffus&eacute;s entre le 26 et le 30 janvier 1976 en cinq &eacute;missions d&rsquo;une vingtaine de minutes, doivent donc &ecirc;tre entendus comme un dialogue entre deux po&egrave;tes. La facture en para&icirc;t assez classique&nbsp;: Maunick pose &agrave; C&eacute;saire des questions sur divers sujets et l&rsquo;ensemble est entrecoup&eacute; de lectures de passages de son &oelig;uvre. Il s&rsquo;agit bien s&ucirc;r de pr&eacute;senter aux auditeurs la figure du grand &eacute;crivain, qui a marqu&eacute; son &eacute;poque et la litt&eacute;rature du si&egrave;cle, en le conduisant &agrave; raconter sa trajectoire et &agrave; faire &eacute;merger les traits saillants de sa d&eacute;marche litt&eacute;raire. Cependant le temps a dans ces entretiens moins d&rsquo;importance que l&rsquo;espace, la chronologie d&rsquo;une vie moins que sa topographie. Et l&rsquo;espace est certes g&eacute;ographique&nbsp;: c&rsquo;est d&rsquo;abord celui o&ugrave; l&rsquo;homme C&eacute;saire a effectu&eacute; sa trajectoire de vie&nbsp;; espace color&eacute; d&rsquo;une relation au monde &agrave; la fois heureuse et malheureuse. Mais d&rsquo;autre part surgit un espace imaginaire, construit par le langage&nbsp;: les entretiens ne visent pas seulement &agrave; situer C&eacute;saire dans ses espaces, ils tendent aussi &agrave; une &laquo;&nbsp;po&eacute;tique de l&rsquo;espace&nbsp;&raquo;, une analyse de &laquo;&nbsp;la valeur humaine des espaces de possession, des espaces d&eacute;fendus contre des forces adverses&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;; plus encore, au-del&agrave; de cette herm&eacute;neutique, ils mod&eacute;lisent des espaces neufs qui n&rsquo;existent qu&rsquo;&agrave; travers la parole diffus&eacute;e sur les ondes. On analysera l&rsquo;importance accord&eacute;e par Maunick aux espaces o&ugrave; inscrire C&eacute;saire, sortant du mod&egrave;le &laquo;&nbsp;vie et &oelig;uvre&nbsp;&raquo; fr&eacute;quemment pratiqu&eacute; dans le genre. Ce souci est tel que les entretiens finissent par inviter l&rsquo;interview&eacute; &agrave; inventer ses espaces, d&eacute;bouchant sur un acte de cr&eacute;ation langagi&egrave;re. Il s&rsquo;agira alors d&rsquo;&eacute;tudier la forme que prend cette imagination dans les entretiens&nbsp;: l&rsquo;art de la conversation op&egrave;re sur le mode de la diffraction, confinant au lyrisme. On &eacute;valuera pour finir la place des entretiens dans la relation de camaraderie et d&rsquo;h&eacute;ritage qui lie les deux po&egrave;tes.</p> <h2>1. La topographie d&rsquo;une vie : la fonction de l&rsquo;espace dans les entretiens<br /> &nbsp;</h2> <p>Les sp&eacute;cialistes de l&rsquo;entretien radiophonique litt&eacute;raire inscrivent le genre &agrave; l&rsquo;intersection de l&rsquo;autobiographie et de la critique&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>. Cette double orientation appara&icirc;t bien dans les entretiens entre les deux po&egrave;tes, mais avec un d&eacute;placement significatif de centre de gravit&eacute;&nbsp;: l&rsquo;espace, les espaces, r&eacute;els et imaginaires, de la vie de C&eacute;saire, y ont plus d&rsquo;importance que les &eacute;v&eacute;nements.</p> <p>&Eacute;douard Maunick ouvre le premier entretien sur le th&egrave;me de l&rsquo;&icirc;le, en en faisant d&rsquo;embl&eacute;e la question essentielle&nbsp;: &laquo;&nbsp;Alors Aim&eacute; la premi&egrave;re question qui me vient, c&rsquo;est de te demander &ndash;&nbsp;parce qu&rsquo;on est insulaires tous les deux&nbsp;&ndash;, c&rsquo;est de te demander ce que tu penses de la dimension d&rsquo;une &icirc;le dans la vie d&rsquo;un homme&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>.&nbsp;&raquo; La question n&rsquo;en est pas vraiment une&nbsp;: elle appara&icirc;t plut&ocirc;t comme une proposition g&eacute;n&eacute;rale, qui sera de fait le fil conducteur de l&rsquo;&eacute;change. Et l&rsquo;interview&eacute; le constate dans sa r&eacute;ponse&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ah&nbsp;! je crois que tu as mis le doigt sur une chose tr&egrave;s importante. Vraiment je ne m&rsquo;y attendais pas du tout. Je ne m&rsquo;attendais pas &agrave; cette question mais c&rsquo;est tr&egrave;s important&nbsp;&raquo; (E1 04:24-04:29). L&rsquo;espace d&rsquo;une vie, voil&agrave; &nbsp;ce qui, bien plus que sa chronologie, structure la conduite de ces entretiens. De nombreuses questions renvoient C&eacute;saire aux espaces qui jalonnent son parcours et son &oelig;uvre. Il y a la question du lieu de naissance (E1 10:40), celle des maisons &ndash;&nbsp;maison natale (E1 13:07-13:11) ou &laquo;&nbsp;valeur de la maison&nbsp;&raquo; (E2, 13:56)&nbsp;&ndash;, conduisant le po&egrave;te &agrave; concevoir une maison id&eacute;ale, utopique. Il y a, dans un mouvement&nbsp;inverse, nomadisant, l&rsquo;invitation au voyage imaginaire (E3 16:26-16:30), &agrave; une r&eacute;flexion sur l&rsquo;exil vers un ailleurs (E5 10:21-10:30). Et aussi des questions sur l&rsquo;Afrique, &agrave; l&rsquo;or&eacute;e de l&rsquo;entretien (E1 06:44-06:47), sur Basse-Pointe, le village natal du po&egrave;te et sur sa vie &eacute;tudiante &agrave; Paris dans le troisi&egrave;me &eacute;pisode, sur l&rsquo;Am&eacute;rique &agrave; l&rsquo;ouverture du quatri&egrave;me &eacute;pisode (E4 02:27-02:30), sur ses activit&eacute;s dans la capitale en 1976 (cinqui&egrave;me &eacute;pisode). Toutes ces questions visent &agrave; situer C&eacute;saire, comme annonc&eacute; d&eacute;j&agrave; vers la fin du premier entretien&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je t&rsquo;ai situ&eacute; maintenant entre l&rsquo;&icirc;le et le continent&nbsp;&raquo; (E1 10:29-10:31). Mais celles-ci ont trait d&rsquo;abord et avant tout &agrave; son identit&eacute; insulaire.</p> <p>Qu&rsquo;est-ce que &laquo;&nbsp;la dimension d&rsquo;une &icirc;le dans la vie d&rsquo;un homme&nbsp;&raquo;&nbsp;? C&eacute;saire donne trois r&eacute;ponses. C&rsquo;est d&rsquo;abord, &laquo;&nbsp;tout b&ecirc;tement&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;ce ph&eacute;nom&egrave;ne g&eacute;ographique d&rsquo;une terre entour&eacute;e d&rsquo;eau&nbsp;&raquo; (E1 04:41-04:44), comme sa Martinique natale. Et conna&icirc;tre l&rsquo;espace natal d&rsquo;un po&egrave;te, son lieu de naissance, c&rsquo;est une voie d&rsquo;acc&egrave;s &agrave; son &oelig;uvre&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Je suis n&eacute; &agrave; la Martinique. Tr&egrave;s exactement dans un petit village qui s&rsquo;appelle Basse-Pointe dans le nord de la Martinique. Un paysage assez &eacute;tonnant, un peu breton, d&rsquo;une tr&egrave;s haute falaise en face de l&rsquo;Atlantique d&eacute;cha&icirc;n&eacute;e. C&rsquo;est pas pour faire de l&rsquo;explication de texte &agrave; la mani&egrave;re de Taine, mais je crois que ce n&rsquo;est quand m&ecirc;me pas sans signification. (E1 10:42-11:06)</p> </blockquote> <p>Il s&rsquo;agit ici d&rsquo;&eacute;carter une certaine image des Antilles, le topos des &laquo;&nbsp;&icirc;les bienheureuses&nbsp;&raquo; (E1 11:21-11:22)&nbsp;: celle de C&eacute;saire est &laquo;&nbsp;bretonne&nbsp;&raquo;, et sa po&eacute;sie, sugg&egrave;re-t-il, s&rsquo;en ressent. Maunick ne manque pas du reste d&rsquo;en souligner la dimension &laquo;&nbsp;tellurique&nbsp;&raquo; souvent mise en &eacute;vidence (E1 12:52)&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>. Car vivre sur une &icirc;le, c&rsquo;est aussi entrer dans un univers mental, dysphorique par un aspect, positif par un autre. L&rsquo;&icirc;le, c&rsquo;est d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute; &laquo;&nbsp;l&rsquo;univers de la claustration&nbsp;&raquo; par excellence&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Nous sommes, j&rsquo;ai trop souvent le sentiment quand on est l&agrave;-bas depuis tr&egrave;s longtemps qu&rsquo;on mac&egrave;re dans des probl&egrave;mes qui sont souvent quand m&ecirc;me petits, mesquins, puisque h&eacute;las le destin nous a fait petit, n&rsquo;est-ce pas, il y a un petit peu l&rsquo;atmosph&egrave;re du camp de concentration. Je l&rsquo;ai &eacute;prouv&eacute; en tout cas tr&egrave;s fortement. (E1 05:10-05:37).</p> </blockquote> <p>Et c&rsquo;est, d&rsquo;un autre c&ocirc;t&eacute;, l&rsquo;espace par excellence de l&rsquo;&eacute;change et de la relation&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Je ne me cite pas souvent, mais j&rsquo;ai &eacute;crit &ndash; je ne sais plus o&ugrave; d&rsquo;ailleurs &ndash;&hellip; il y a un vers de moi qui me revient&nbsp;; je dis&nbsp;: &laquo;&nbsp;toute &icirc;le appelle, toute &icirc;le est veuve&nbsp;&raquo; et c&rsquo;est vrai&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>. Il y a le sentiment, le besoin d&rsquo;un d&eacute;passement. L&rsquo;&icirc;le appelle d&rsquo;autres &icirc;les. L&rsquo;&icirc;le appelle l&rsquo;archipel. (E1 05:38-06:00).</p> </blockquote> <p>L&rsquo;&icirc;le en effet est prise dans une relation n&eacute;cessaire avec d&rsquo;autres &icirc;les, et avec le continent voisin &ndash; ou m&ecirc;me lointain. C&rsquo;est un invariant des repr&eacute;sentations insulaires&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>, qui se d&eacute;cline aussi chez C&eacute;saire&nbsp;: &laquo;&nbsp;tout naturellement chez moi l&rsquo;&icirc;le Martinique, l&rsquo;&icirc;le Antilles appelle au fond le continent, la m&egrave;re Afrique&nbsp;&raquo; (E1 06:06-06:12).</p> <p>Ce lien entre l&rsquo;&icirc;le et le continent s&rsquo;&eacute;claire dans le troisi&egrave;me &eacute;pisode de l&rsquo;entretien, alors que C&eacute;saire revient sur sa relation avec les surr&eacute;alistes&nbsp;: son utilisation des techniques litt&eacute;raires surr&eacute;alistes vise chez lui, dit-il, &agrave; retrouver le &laquo;&nbsp;g&eacute;nie profond du moi africain&nbsp;&raquo; (E3 12:38-12:42)&nbsp;; est &laquo;&nbsp;un moyen de rompre avec [la] logique europ&eacute;enne&nbsp;&raquo; (E3 13:16-13:19). Pas question ici de &laquo;&nbsp;l&rsquo;Afrique des manuels de g&eacute;ographie ou bien de l&rsquo;Afrique des trait&eacute;s politiques&nbsp;&raquo; (E1 10:17-10:22), mais d&rsquo;une &laquo;&nbsp;Afrique sentimentale&nbsp;&raquo;, d&rsquo;une &laquo;&nbsp;Afrique cordiale&nbsp;&raquo; (E1 10:10-10:12). L&rsquo;Afrique est devenue chez C&eacute;saire une sorte de concept dans la construction d&rsquo;une po&eacute;sie de la n&eacute;gritude, qui englobe l&rsquo;identit&eacute; insulaire dans un &laquo;&nbsp;moi africain&nbsp;&raquo; plus vaste, qu&rsquo;une certaine modernit&eacute; po&eacute;tique fran&ccedil;aise lui donne les moyens d&rsquo;exprimer. C&rsquo;est aussi ce que signifie la notion de n&eacute;gritude, dont il est bri&egrave;vement question &agrave; la fin du cinqui&egrave;me entretien. C&eacute;saire remercie certes son interviewer de n&rsquo;avoir pas l&rsquo;avoir abord&eacute;e plus t&ocirc;t ni mise au centre de leurs entretiens (E5 19:32-19:36). Mais en m&ecirc;me temps il en rappelle la port&eacute;e politique&nbsp;: elle touche &agrave; l&rsquo;avenir du monde. La po&eacute;sie de la n&eacute;gritude est une n&eacute;cessit&eacute; politique&nbsp;: celle d&rsquo;affirmer la solidarit&eacute; des peuples de l&rsquo;Afrique et de la diaspora dans le monde actuel. L&rsquo;identit&eacute; insulaire appelle au d&eacute;passement, vers le continent, vers le reste du monde.</p> <p>Ainsi en insistant sur l&rsquo;espace dans les questions qu&rsquo;il pose &agrave; son interlocuteur, Maunick invite &agrave; consid&eacute;rer &agrave; la fois la vie de son interlocuteur et sa vision du monde. La singularit&eacute; po&eacute;tique de C&eacute;saire prend alors tout son sens dans son articulation &agrave; tout ce qui l&rsquo;entoure&nbsp;: de m&ecirc;me que l&rsquo;&icirc;le prend sens en lien avec le continent, l&rsquo;originalit&eacute; du po&egrave;te ne peut se comprendre qu&rsquo;en relation avec le monde dans lequel il vit.</p> <h2>2. L&rsquo;&icirc;le d&rsquo;une g&eacute;ographie imaginaire<br /> &nbsp;</h2> <p>Pour autant, il ne faudrait pas voir dans les entretiens de 1976 la simple explication de C&eacute;saire &agrave; partir des lieux qui jalonnent son parcours et de sa vision du monde. Maunick le pousse plus loin par le recours &agrave; l&rsquo;imagination. De m&ecirc;me que, dans les po&egrave;mes de C&eacute;saire, l&rsquo;&icirc;le devient &laquo;&nbsp;&icirc;le-texte&nbsp;&raquo;, riche de tous les &laquo;&nbsp;parcours signifiants qui le traversent&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>&nbsp;&raquo;, on pourrait parler ici d&rsquo;une &laquo;&nbsp;&icirc;le-parole&nbsp;&raquo;. &Agrave; la suite de Jacques Isolery, on verrait dans cette expression une certaine mani&egrave;re pour un texte de faire r&eacute;f&eacute;rence &agrave; un espace insulaire en se pr&eacute;sentant comme un espace clos qui renvoie cependant &agrave; d&rsquo;autres r&eacute;alit&eacute;s. Maunick dans ses questions conduit certes C&eacute;saire &agrave; parler de sa vie et de sa vision du monde, mais il le fait assez fr&eacute;quemment en l&rsquo;amenant &agrave; imaginer des situations et des lieux qui sont &agrave; la fois isol&eacute;s, espaces de parole dont la seule existence r&eacute;side dans ses entretiens, et qui se relient cependant &agrave; la personnalit&eacute; de C&eacute;saire et &agrave; son &oelig;uvre.</p> <p>L&rsquo;&icirc;le est donc &agrave; la fois ce qui est racont&eacute; et expliqu&eacute; par les deux interlocuteurs, mais elle est aussi ce qui est construit par eux, comme un ensemble clos, mais n&eacute;cessairement signifiant, c&rsquo;est-&agrave;-dire renvoyant &agrave; autre chose. En ceci, le geste qui s&rsquo;op&egrave;re durant ces entretiens n&rsquo;est pas uniquement de nature autobiographique, narratif voire anecdotique, ni uniquement herm&eacute;neutique, il est aussi un geste de cr&eacute;ation&nbsp;: l&rsquo;&icirc;le est aussi une construction symbolique &eacute;labor&eacute;e dans le langage.</p> <p>C&rsquo;est ainsi qu&rsquo;on peut comprendre les questions d&rsquo;&Eacute;douard Maunick sur la maison id&eacute;ale que C&eacute;saire souhaiterait habiter. Gaston Bachelard a insist&eacute; sur l&rsquo;importance primordiale de la maison dans l&rsquo;imaginaire, qui rel&egrave;ve &agrave; ses yeux du &laquo;&nbsp;cosmos&nbsp;&raquo; car elle permet de penser une intimit&eacute; en lien avec le reste du monde<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>. Il s&rsquo;agit alors dans les entretiens de construire par le langage un &icirc;lot en dehors de toute r&eacute;f&eacute;rentialit&eacute;. Tout d&rsquo;abord, Maunick met en sc&egrave;ne une situation o&ugrave; l&rsquo;on demande &agrave; C&eacute;saire ce que serait sa maison id&eacute;ale &ndash;&nbsp;il construit un interlocuteur fictif qui s&rsquo;adresse alors au po&egrave;te en le vouvoyant (E2 14:02-14:29). En r&eacute;ponse, l&rsquo;&icirc;le se d&eacute;double en quelque sorte car la maison id&eacute;ale de C&eacute;saire est, &agrave; ses dires, loin des &laquo;&nbsp;demeures parisiennes&nbsp;&raquo; qu&rsquo;il a toujours transform&eacute;es (E2 14:59-15:00), un espace martiniquais construit comme un &icirc;lot sur l&rsquo;&icirc;le&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Eh bien qu&rsquo;est-ce que je ferais&nbsp;? Eh bien, tout b&ecirc;tement je vivrais &agrave; la Martinique. Je choisirais autant que possible un morne. Un bon morne de chez nous &ndash; ce qui signifie une colline &ndash; et j&rsquo;esp&egrave;re dans un grand jardin, avec une terre bien d&eacute;clive. Et j&rsquo;aurai une bonne maison, avec une bonne v&eacute;randa. Je ne dis pas que je n&rsquo;oublierais pas ma biblioth&egrave;que et certainement je vivrais avec les miens, quels qu&rsquo;ils soient, que ce soit mes parents, que ce soit mes enfants, que ce soit simplement des gens qui passent et qui s&rsquo;arr&ecirc;tent chez moi, des gens que je ne connais pas et qui s&rsquo;arr&ecirc;tent et qui viendraient converser avec moi. (E2 15:05-15:35)</p> </blockquote> <p>Le lieu construit par l&rsquo;imaginaire est clos, isol&eacute;, sur un relief, la maison est bord&eacute;e par le jardin. Il tend &agrave; l&rsquo;idylle voire &agrave; l&rsquo;utopie, comme en t&eacute;moignent les adjectifs m&eacute;lioratifs sur lesquels la voix du po&egrave;te insiste durant l&rsquo;entretien. Mais en m&ecirc;me temps, il est ouvert. Certes C&eacute;saire le situe &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur des terres, sur le relief. On peut ici &eacute;voquer le&nbsp;<em>Cahier d&rsquo;un retour au pays natal</em>&nbsp;o&ugrave; le morne est l&rsquo;un des premiers espaces &agrave; &ecirc;tre mentionn&eacute;, en opposition avec la ville (situ&eacute;e sur la c&ocirc;te). &laquo;&nbsp;Le morne oubli&eacute;, oublieux de sauter&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>&nbsp;&raquo; est espace de l&rsquo;enfermement mais aussi espace de fermentation de la r&eacute;volte, de cette explosion envisag&eacute;e par le po&egrave;te &ndash; on peut notamment rappeler qu&rsquo;aux Antilles des communaut&eacute;s d&rsquo;esclaves marrons qui fuyaient les plantations se constituaient sur les mornes. Surtout l&rsquo;espace de la maison est ouvert car, comme C&eacute;saire y revient plus tard dans l&rsquo;entretien, les deux lieux de la maison qu&rsquo;il mentionne et qui sont importants pour lui sont la v&eacute;randa, &laquo;&nbsp;le lieu essentiel&nbsp;&raquo; selon lui (E2 19:24), et la biblioth&egrave;que. La maison telle qu&rsquo;elle se construit au fil de l&rsquo;entretien est un espace ouvert sur l&rsquo;ext&eacute;rieur, sur la nature, mais aussi un espace de langage. C&eacute;saire justifie le caract&egrave;re indispensable de la biblioth&egrave;que. &laquo;&nbsp;Si toute &icirc;le appelle, l&rsquo;&icirc;le ne se suffit jamais &agrave; elle-m&ecirc;me&nbsp;&raquo; (E2 19:38-19:41), annonce-t-il. &laquo;&nbsp;On est de son milieu, mais on est aussi du milieu que l&rsquo;on a fait&nbsp;&raquo; (E2 19:48-19:54), pr&eacute;cise-t-il&nbsp;: la maison-&icirc;le construite par C&eacute;saire dans l&rsquo;entretien fait figure de microcosme bienheureux, mais cette construction imaginaire ne peut prendre sens qu&rsquo;en tant que construction langagi&egrave;re, c&rsquo;est-&agrave;-dire qu&rsquo;elle est comprise dans sa relation avec une biblioth&egrave;que, avec une histoire po&eacute;tique et litt&eacute;raire qui ne renvoie pas qu&rsquo;&agrave; la Martinique mais plus largement, &agrave; travers les livres, &agrave; la po&eacute;sie de Rimbaud et Baudelaire (E2 20:04-20:06).</p> <p>On retrouve donc, avec des connotations totalement diff&eacute;rentes dans cette idylle radiophonique, les deux dimensions que C&eacute;saire pr&ecirc;tait dans la premi&egrave;re &eacute;mission &agrave; l&rsquo;espace r&eacute;el de la Martinique&nbsp;: la cl&ocirc;ture, certes rendue heureuse ici, et l&rsquo;ouverture au monde, la relation &agrave; d&rsquo;autres espaces. La cr&eacute;ation d&rsquo;un espace imaginaire de parole entre ainsi en &eacute;cho avec le parcours au sein des espaces r&eacute;els de la vie de C&eacute;saire.</p> <h2>3. De l&rsquo;art de&nbsp;la conversation &agrave; la diffraction de la parole<br /> &nbsp;</h2> <p>D&rsquo;apr&egrave;s Jacques Isolery, si &laquo;&nbsp;l&rsquo;&icirc;le-texte&nbsp;&raquo; correspond &agrave; un certain type d&rsquo;imaginaire, centr&eacute; sur un espace clos, elle implique une forme particuli&egrave;re qu&rsquo;il nomme &laquo;&nbsp;texte-&icirc;le&nbsp;&raquo;. Celle-ci doit selon lui se penser en termes de bri&egrave;vet&eacute; et de fragmentation&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Le temps de lecture du bref met en abyme les discontinuit&eacute;s du monde en insistant sur l&rsquo;aspect synchronique, po&eacute;tique sinon chaotique, de l&rsquo;existence aux d&eacute;pens des liaisons et des causalit&eacute;s diachroniques. Contrairement au voyage en haute mer ou en vaste terre du romanesque, le bref sollicite un cabotage d&rsquo;&icirc;le en &icirc;le, de signification en signification&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>.</p> </blockquote> <p>En d&rsquo;autres termes, &laquo;&nbsp;l&rsquo;&icirc;le-texte&nbsp;&raquo; trouve sa forme dans la fragmentation au sein d&rsquo;un &laquo;&nbsp;texte-&icirc;le&nbsp;&raquo; qui constitue son objet par touches, de mani&egrave;re fragmentaire, en les approchant par &agrave;-coups plut&ocirc;t que dans une d&eacute;marche de synth&egrave;se. D&rsquo;une certaine mani&egrave;re, cette forme correspond &agrave; l&rsquo;entretien dans la mesure o&ugrave; celui-ci trouve souvent sa forme dans la conversation. En introduction d&rsquo;un volume collectif sur &laquo;&nbsp;L&rsquo;interview d&rsquo;&eacute;crivain&nbsp;&raquo;, Martine Lavaud et Marie-&Egrave;ve Th&eacute;renty rappellent l&rsquo;importance du &laquo;&nbsp;mod&egrave;le conversationnel&nbsp;&raquo; dans la constitution de ce genre journalistique au xix<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle&nbsp;: &laquo;&nbsp;la discontinuit&eacute; du dialogue&nbsp;&raquo; est souvent mise en avant&nbsp;; mais elle n&rsquo;est bien souvent que l&rsquo;artifice d&rsquo;une &laquo;&nbsp;genre tr&egrave;s codifi&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>&nbsp;&raquo; d&rsquo;o&ugrave; &eacute;merge une forte unit&eacute;. L&rsquo;entretien radiophonique rend cette tension plus vive encore&nbsp;: Jean Amrouche faisait de l&rsquo;improvisation une r&egrave;gle cardinale du genre dans &laquo;&nbsp;Le roi Midas et son barbier&nbsp;&raquo;, en la situant cependant &laquo;&nbsp;non pas sur le plan de la forme mais sur le plan de la mati&egrave;re qui sera agit&eacute;e par la suite&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>&nbsp;&raquo;. En effet selon lui la radio implique un travail formel qui limite l&rsquo;improvisation &agrave; &laquo;&nbsp;<em>l&rsquo;illusion&nbsp;</em>du naturel&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>&nbsp;&raquo;. Le discontinu n&rsquo;est que la forme donn&eacute;e &agrave; un ensemble coh&eacute;rent de propos. On pourrait l&rsquo;illustrer dans la r&eacute;partition des r&ocirc;les que Mich&egrave;le Touret met &agrave; jour &agrave; propos des entretiens de Michel Manoll avec Blaise Cendrars&nbsp;: l&rsquo;interview&eacute; &laquo;&nbsp;glisse d&rsquo;un sujet &agrave; l&rsquo;autre, passe d&rsquo;un bord &agrave; l&rsquo;autre, comme il dit que font les baleines, et Manoll, lui, va droit comme un transatlantique&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>&nbsp;&raquo;. L&rsquo;entretien radiophonique semble bien r&eacute;pondre &agrave; la d&eacute;finition du &laquo;&nbsp;texte-&icirc;le&nbsp;&raquo;&nbsp;: il se pr&eacute;sente dans la continuit&eacute; d&rsquo;un parcours constitu&eacute; de jalons qui, dans le rappel de la forme de la conversation, diss&eacute;mine le propos.</p> <p>Comment cette tension s&rsquo;illustre-t-elle dans les entretiens de C&eacute;saire avec Maunick&nbsp;? Certes l&rsquo;interviewer joue de la temporalit&eacute; propre &agrave; la cr&eacute;ation radiophonique, cette &laquo;&nbsp;r&eacute;alit&eacute; temporelle un peu acc&eacute;l&eacute;r&eacute;e&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>&nbsp;&raquo; dont parle Amrouche&nbsp;: le montage fait passer l&rsquo;auditeur d&rsquo;un propos &agrave; l&rsquo;autre, tous relativement d&eacute;tach&eacute;s les uns des autres car &agrave; chaque fois centr&eacute;s sur un mot clef (un th&egrave;me, un concept), en alternant entre les questions, les r&eacute;ponses et des lectures de po&egrave;mes. En retour C&eacute;saire ne cherche pas la formule d&eacute;finitive&nbsp;: il demeure dans le domaine de l&rsquo;impression, dans la spontan&eacute;it&eacute; d&rsquo;une communication orale, se gardant en g&eacute;n&eacute;ral de formules sentencieuses.</p> <p>On en a un bon exemple dans la cinqui&egrave;me &eacute;mission, qui aborde le rapport de C&eacute;saire &agrave; la mort. Le th&egrave;me est neuf dans la s&eacute;rie. Mais, plut&ocirc;t que de monologuer dessus, C&eacute;saire laisse Maunick intervenir d&rsquo;abondance pour le relancer et le faire aller au bout du sujet. Ces relances cr&eacute;ent un sentiment de continuit&eacute;, sans non plus figer sa pens&eacute;e dans des propos d&eacute;finitifs, comme le permettrait le travail de l&rsquo;&eacute;criture, mais en leur laissant une forme de fluidit&eacute; propre au jeu de l&rsquo;&eacute;change et qui n&rsquo;engage pas au m&ecirc;me degr&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Encore une fois ce n&rsquo;est pas de l&rsquo;ordre de la philosophie. Je ne voudrais pas du tout que l&rsquo;on durcisse &ccedil;a en termes de raison. Je n&rsquo;&eacute;crirai jamais &ccedil;a par exemple.&nbsp;&raquo; (E5 05:25-05:32). Si l&rsquo;&eacute;criture fixe, la parole est mobile, comme l&rsquo;insulaire, tout en &eacute;tant s&eacute;dentaire, &laquo;&nbsp;se pla&icirc;t dans une mobilit&eacute; qui souligne sa nature incertaine mais ouverte &agrave; l&rsquo;aventure existentielle&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p>Dans leur dialogue, C&eacute;saire et Maunick jouent alors de la forme de la conversation pour l&rsquo;orienter vers une forme de lyrisme. Cela permet de multiplier la parole par un travail de diffraction, sans pour autant tomber dans un registre purement fragmentaire, en maintenant une unit&eacute; au dialogue. Ainsi, &agrave; deux reprises dans ce passage sur la mort, l&rsquo;interview&eacute; op&egrave;re une distinction, d&rsquo;abord entre la mort des autres et la sienne propre, ensuite entre son moi rationnel et son moi profond. On retrouve alors ce que Michel Collot nomme &laquo;&nbsp;l&rsquo;&eacute;motion lyrique&nbsp;&raquo;, qui se d&eacute;finit comme &laquo;&nbsp;ce transport et ce d&eacute;port qui porte le sujet &agrave; la rencontre de ce qui le d&eacute;borde du dedans comme du dehors&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;: le sujet lyrique se diffracte en effet en une pluralit&eacute; de voix. La tension entre fragmentation du discours et unit&eacute; du propos, caract&eacute;ristique de l&rsquo;art conversationnel de l&rsquo;entretien radiophonique, est alors inform&eacute;e par cette dimension lyrique.</p> <p>D&rsquo;une part, face &agrave; la mort, C&eacute;saire fait r&eacute;sonner sa parole en &eacute;cho &agrave; celle d&rsquo;autres. &Agrave; celle d&rsquo;&Eacute;douard Maunick d&rsquo;abord bien s&ucirc;r. Mais aussi &agrave; celle de Birago Diop, le po&egrave;te s&eacute;n&eacute;galais qu&rsquo;il cite alors qu&rsquo;il est question de la mort des proches. En effet, l&rsquo;un des po&egrave;mes les plus c&eacute;l&egrave;bres de Birago Diop, &laquo;&nbsp;Souffles&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>&nbsp;&raquo;, rappelle le culte des anc&ecirc;tres qui permet dans certaines soci&eacute;t&eacute;s subsahariennes de maintenir la pr&eacute;sence des disparus, d&rsquo;estomper la fronti&egrave;re entre vie et mort. Le vers &laquo;&nbsp;Les Morts ne sont pas morts&nbsp;&raquo; scande ce po&egrave;me&nbsp;; &Eacute;douard Maunick et Aim&eacute; C&eacute;saire en reprennent les termes en r&eacute;p&eacute;tant l&rsquo;un apr&egrave;s l&rsquo;autre&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ils ne sont pas morts&nbsp;&raquo; (E5 04:37-04:38). En rappelant ce po&egrave;me, C&eacute;saire met sa voix en &eacute;cho, alors qu&rsquo;il est question de deuils tr&egrave;s intimes, celui de ses parents et de sa femme Suzanne, avec les vers d&rsquo;un po&egrave;te. La voix des deux interlocuteurs r&eacute;els de l&rsquo;&eacute;change rencontre celle d&rsquo;autres qu&rsquo;ils &eacute;voquent&nbsp;: la parole est &agrave; la fois diversifi&eacute;e par ce ph&eacute;nom&egrave;ne qui fait parcourir l&rsquo;entretien par des fragments d&rsquo;autres propos et unifi&eacute;e par l&rsquo;unit&eacute; des voix qui les mentionnent et par l&rsquo;unit&eacute; th&eacute;matique du propos.</p> <p>D&rsquo;autre part, C&eacute;saire &eacute;tablit une seconde distinction &agrave; propos de la mort&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Je parle de choses qui me sont finalement assez personnelles. Et l&agrave; encore je fais toujours la distinction. Ce que la raison de Aim&eacute; C&eacute;saire form&eacute; &agrave; une certaine &eacute;cole peut admettre et ce que le vieux n&egrave;gre fondamental qui est en moi peut sentir (E5 05:39-05:49).</p> </blockquote> <p>Ici C&eacute;saire construit une autre voix, qui est celle d&rsquo;un double po&eacute;tique, une autre instance, fictive, qui prend la parole un bref instant &agrave; sa place au micro&nbsp;: &laquo;&nbsp;le vieux n&egrave;gre fondamental&nbsp;&raquo;, r&eacute;tif &agrave; la pens&eacute;e par concepts et ancr&eacute; dans une pens&eacute;e par sentiments ou par sensations. Or c&rsquo;est cette autre voix qui s&rsquo;exprime sur la mort dans le dialogue, qui devient alors pour un court moment une chambre d&rsquo;&eacute;chos lyrique.</p> <p>Plut&ocirc;t que sur le mode de la fragmentation, il faut sans doute comprendre la logique de ces entretiens comme un processus de diffraction. Interview&eacute; et interviewer vont dans le m&ecirc;me sens. Si l&rsquo;entretien est construit comme la succession de paroles &eacute;parses, ce qui permet de donner &laquo;&nbsp;<em>l&rsquo;illusion</em>&nbsp;du naturel&nbsp;&raquo; dont parlait Amrouche, Maunick et C&eacute;saire semblent surtout chercher &agrave; cr&eacute;er des liens entre les diff&eacute;rents propos abord&eacute;s mais aussi &agrave; mettre en relation leurs voix, &agrave; les accorder entre elles aussi bien qu&rsquo;&agrave; des voix ext&eacute;rieures. L&rsquo;&icirc;le comme r&eacute;alit&eacute; fragmentaire ne prend sens une fois encore que dans les r&eacute;sonances qu&rsquo;elle peut avoir avec d&rsquo;autres terres. L&rsquo;auditeur est amen&eacute; &agrave; accompagner C&eacute;saire non seulement de th&egrave;me en th&egrave;me, mais aussi de voix en voix, de figure en figure, dans la construction d&rsquo;un archipel adapt&eacute; &agrave; la forme orale de l&rsquo;entretien radiophonique. Le propos ne se confond pas avec la po&eacute;sie de C&eacute;saire, puisqu&rsquo;il pr&eacute;vient qu&rsquo;il n&rsquo;&eacute;crirait pas les paroles qu&rsquo;il prononce, mais &Eacute;douard Maunick l&rsquo;entra&icirc;ne dans un autre travail de cr&eacute;ation, orale et propre au m&eacute;dium de la radio, que l&rsquo;on d&eacute;signerait &agrave; la suite d&rsquo;Aude Leblond comme &laquo;&nbsp;le d&eacute;fi d&rsquo;une cr&eacute;ation litt&eacute;raire imm&eacute;diate&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <h2>4. Un archipel po&eacute;tique&nbsp;&agrave; deux voix<br /> &nbsp;</h2> <p>Cet autre travail de cr&eacute;ation appartient aussi bien &agrave; l&rsquo;interview&eacute; C&eacute;saire qu&rsquo;&agrave; l&rsquo;interviewer Maunick. Les interlocuteurs &eacute;chappent d&rsquo;ailleurs en partie aux r&ocirc;les qu&rsquo;instaure le genre de l&rsquo;entretien radiophonique&nbsp;: l&rsquo;interview, &eacute;crit Patrick Charaudeau, reposerait sur un &laquo;&nbsp;jeu de questionnement&nbsp;&raquo; o&ugrave; l&rsquo;interviewer a d&rsquo;abord pour objectif de conduire son interlocuteur &agrave; une &laquo;&nbsp;r&eacute;v&eacute;lation&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>&nbsp;&raquo;. Dans l&rsquo;entretien radiophonique d&rsquo;&eacute;crivain, plus pr&eacute;cis&eacute;ment, Pierre-Marie H&eacute;ron d&eacute;taille deux r&ocirc;les revenant &agrave; l&rsquo;interviewer&nbsp;: celui, d&rsquo;une part, de l&rsquo;expert, &laquo;&nbsp;amateur de l&rsquo;&eacute;crivain interrog&eacute; et bon connaisseur de son &oelig;uvre&nbsp;&raquo;&nbsp;; d&rsquo;autre part celui de &laquo;&nbsp;repr&eacute;sentant de diff&eacute;rents cercles du public, notamment d&rsquo;un public qui conna&icirc;t peu ou vaguement l&rsquo;&eacute;crivain&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p>Dans cette relation, Maunick se construit comme un double de C&eacute;saire, allant au-del&agrave; de la posture du simple amateur &eacute;clair&eacute;. D&rsquo;une part, il se fait le lecteur des nombreux et longs passages de sa po&eacute;sie qui scandent l&rsquo;ensemble des entretiens. D&rsquo;autre part, il pose des questions qui visent moins &agrave; faire jaillir une v&eacute;rit&eacute; cach&eacute;e du po&egrave;te qu&rsquo;&agrave; le mettre en sc&egrave;ne dans des situations qui permettent d&rsquo;&eacute;clairer et de prolonger son &oelig;uvre. Par exemple, dans la quatri&egrave;me &eacute;mission, il annonce&nbsp;: &laquo;&nbsp;Pour toi, il y a quand m&ecirc;me, je crois &ndash;&nbsp;et c&rsquo;est important&nbsp;&ndash; l&rsquo;espoir de recommencer quelque chose de neuf&nbsp;&raquo; (E4 14:15-14:22). Ces propos trouvent imm&eacute;diatement l&rsquo;assentiment de C&eacute;saire qui opine d&rsquo;un &laquo;&nbsp;Voil&agrave;&nbsp;&raquo; avant que Maunick ne termine sa phrase. L&rsquo;interviewer t&eacute;moigne ainsi plus que d&rsquo;une connaissance de l&rsquo;&oelig;uvre mais d&rsquo;une affinit&eacute; de pens&eacute;e avec son interlocuteur. Tout cela pourrait laisser envisager la figure du double comme celle du disciple et de voir en ces entretiens &laquo;&nbsp;un r&eacute;cital d&eacute;guis&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>&nbsp;&raquo; pour reprendre l&rsquo;expression de Jean Touzot &agrave; propos des entretiens de Jean Cocteau avec Andr&eacute; Fraigneau. Pourtant le ton qu&rsquo;emploie Maunick est bien plus celui de la camaraderie alors qu&rsquo;il ouvre la premi&egrave;re &eacute;mission, pass&eacute;e la lecture d&rsquo;un premier extrait, en convenant avec son interlocuteur du tutoiement dans leurs &eacute;changes (E1 02:57-03:17). Dans ce rappel de l&rsquo;esth&eacute;tique de la conversation, si fr&eacute;quente dans les entretiens d&rsquo;&eacute;crivains, o&ugrave; le contact s&rsquo;&eacute;tablit entre pairs&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>, s&rsquo;esquisse aussi un passage de relais entre deux po&egrave;tes.</p> <p>Maunick assume bien par ailleurs un r&ocirc;le de repr&eacute;sentant, mais moins d&rsquo;un groupe d&rsquo;auditeurs &agrave; vrai dire, que d&rsquo;un groupe auquel il appartient avec C&eacute;saire. Groupe mal d&eacute;fini&nbsp;: le &laquo;&nbsp;nous&nbsp;&raquo; qu&rsquo;emploie l&rsquo;interviewer renvoie parfois aux &laquo;&nbsp;gens des &icirc;les&nbsp;&raquo; (E2 19:17) ou au &laquo;&nbsp;peuple n&eacute;gro-africain&nbsp;&raquo; (E5 16:23)&nbsp;; il entre aussi en &eacute;cho avec celui qu&rsquo;emploie l&rsquo;interview&eacute; lorsqu&rsquo;il annonce le projet d&rsquo;un &laquo;&nbsp;homme fraternel dont nous, nous r&ecirc;vons&nbsp;&raquo; (E5 12:50-12:51). Ici le &laquo;&nbsp;nous&nbsp;&raquo; renvoie aussi bien aux peuples non-europ&eacute;ens qu&rsquo;&agrave; une dimension plus large, humaniste&nbsp;; mais les &laquo;&nbsp;r&ecirc;veurs&nbsp;&raquo; &eacute;voqu&eacute;s peuvent aussi d&eacute;signer une communaut&eacute; de po&egrave;tes. En tous cas, le &laquo;&nbsp;nous&nbsp;&raquo; de ces entretiens ne permet pas &agrave; l&rsquo;ensemble des auditeurs de France Culture de s&rsquo;identifier aux deux interlocuteurs. Il ne relaie pas non plus un mouvement comme l&rsquo;a &eacute;t&eacute; la n&eacute;gritude. Il dessine plut&ocirc;t, de nouveau, une relation de complicit&eacute; entre deux po&egrave;tes. Car C&eacute;saire est pour Maunick un fr&egrave;re en &laquo;&nbsp;parole insulaire&nbsp;&raquo;, leur &laquo;&nbsp;complicit&eacute;&nbsp;&raquo; vient &laquo;&nbsp;du fait qu&rsquo;il est un insulaire&nbsp;&raquo;, comme il le redit en 1991 dans une s&eacute;rie&nbsp;<em>&Agrave; voix nue&nbsp;</em>qui lui est consacr&eacute;e sur France Culture&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>. On pourrait reprendre ici les observations de Hatem El Hicheri &agrave; propos des entretiens de Jean Amrouche avec Andr&eacute; Gide&nbsp;: &laquo;&nbsp;La finesse de ses analyses [&hellip;], la cr&eacute;ation verbale dont il fait preuve au micro alimentent une &oelig;uvre co-&eacute;crite avec un &eacute;crivain et d&eacute;clin&eacute;e &agrave; deux voix&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>.&nbsp;&raquo; La conversation est construite dans l&rsquo;espace de l&rsquo;entretien radiophonique de sorte &agrave; tendre &agrave; une cr&eacute;ation verbale, &agrave; laquelle contribuent C&eacute;saire aussi bien que Maunick.</p> <p>Les entretiens de 1976 entrent aussi dans cet ensemble d&rsquo;&icirc;les, cet archipel de po&eacute;sie que composent les &oelig;uvres des deux po&egrave;tes, reli&eacute;es par des hommages r&eacute;ciproques qui prennent diff&eacute;rents formes et, au fond, ne cessent de se r&eacute;pondre. Citons-en trois, en amont et en aval des entretiens. En 1964, Maunick d&eacute;die la derni&egrave;re section de son deuxi&egrave;me recueil,&nbsp;<em>Les Man&egrave;ges de la mer</em>, &agrave; l&rsquo;auteur du&nbsp;<em>Cahier d&rsquo;un retour au pays natal&nbsp;</em><a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>. En 1990, il fait para&icirc;tre un recueil intitul&eacute;&nbsp;<em>Toi laminaire (Italiques pour Aim&eacute; C&eacute;saire)</em>&nbsp;dont les po&egrave;mes contiennent, en italiques comme le sugg&egrave;re le titre, certaines formules et expressions de l&rsquo;&oelig;uvre de C&eacute;saire &ndash;&nbsp;jusque dans le titre qui reprend celui du dernier recueil publi&eacute; par le po&egrave;te&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>.&nbsp;<em>Toi laminaire</em>, comme toute la po&eacute;sie de Maunick&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>, fait de l&rsquo;&icirc;le une figure cardinale, espace de r&eacute;union et d&rsquo;unit&eacute;, &laquo;&nbsp;archipel-ultime-continent&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>&nbsp;&raquo;.&nbsp;De son c&ocirc;t&eacute;, Aim&eacute; C&eacute;saire a &eacute;crit un po&egrave;me &laquo;&nbsp;pour saluer &Eacute;douard Maunick&nbsp;&raquo; qui s&rsquo;intitule &laquo;&nbsp;Paroles d&rsquo;&icirc;les&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>&nbsp;&raquo;, demeur&eacute; in&eacute;dit jusqu&rsquo;&agrave; son &eacute;dition en volume par Daniel Maximin et Gilles Carpentier en 1994. Ce po&egrave;me s&rsquo;ouvre sur l&rsquo;expression de la volont&eacute; d&rsquo;un &laquo;&nbsp;nous&nbsp;&raquo;, qui n&rsquo;est pas sans rappeler la conception &laquo;&nbsp;volontariste&nbsp;&raquo; de l&rsquo;Histoire que C&eacute;saire exprime dans les entretiens de 1976 (E5 09:09). Puis l&rsquo;&eacute;nonciation change et le po&egrave;te s&rsquo;adresse &agrave; un &laquo;&nbsp;tu&nbsp;&raquo;, inversant en quelque sorte ce qui &eacute;tait le cadre de l&rsquo;entretien radiophonique puisqu&rsquo;il en appelle &agrave; un interlocuteur qui &laquo;&nbsp;compren[d] ce que disent les &icirc;les&nbsp;&raquo;. Enfin, en une p&eacute;roraison, le po&egrave;me fait l&rsquo;&eacute;loge de la &laquo;&nbsp;parole&nbsp;&raquo; qui d&eacute;bouche sur ce qu&rsquo;il nomme les &laquo;&nbsp;moissons vivantes de l&rsquo;espoir&nbsp;&raquo;. L&rsquo;&icirc;le est un espace de parole, donc d&rsquo;&eacute;change, comme dans le po&egrave;me d&rsquo;&Eacute;douard Maunick.</p> <p>Tout se passe comme si la fusion des deux voix en un archipel po&eacute;tique venait faire des espaces insulaires un continent plus solide encore, du fait de sa possible diversit&eacute;.</p> <p>L&rsquo;homme de radio mauricien r&eacute;alise donc en 1976 bien plus qu&rsquo;un simple portrait du po&egrave;te phare de la n&eacute;gritude. En s&rsquo;&eacute;loignant de la chronologie ou du simple parcours vie-&oelig;uvre pour privil&eacute;gier une topographie existentielle, il transforme les &eacute;missions de radio en un espace de cr&eacute;ation. Bien s&ucirc;r, celle-ci ne duplique en rien la production po&eacute;tique publi&eacute;e par les deux auteurs, mais elle s&rsquo;adapte &agrave; la spontan&eacute;it&eacute; construite par les conditions de l&rsquo;entretien radiophonique. Maunick invite son interlocuteur &agrave; cr&eacute;er des espaces imaginaires et tous deux d&eacute;portent leur discours de la conversation vers le lyrisme. Dans ce dialogue s&rsquo;esquisse l&rsquo;espace d&rsquo;une parole commune&nbsp;: le &laquo;&nbsp;nous&nbsp;&raquo; est employ&eacute; pour prendre une extension &eacute;largie jusqu&rsquo;au-del&agrave; d&rsquo;une communaut&eacute; insulaire parfois, mais &agrave; d&rsquo;autres moments il semble renvoyer de mani&egrave;re sous-jacente &agrave; la complicit&eacute; qui unit les po&egrave;tes. &Eacute;douard Maunick s&rsquo;inscrit alors dans le sillage d&rsquo;Aim&eacute; C&eacute;saire&nbsp;: ces entretiens participent du processus par le biais duquel le po&egrave;te mauricien reprend l&rsquo;h&eacute;ritage de C&eacute;saire qu&rsquo;il actualise ailleurs dans sa po&eacute;sie.</p> <h3><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h3> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a>&nbsp;Gaston Bachelard,&nbsp;<em>La Po&eacute;tique de l&rsquo;espace</em>&nbsp;(1957), Paris, Puf, &laquo;&nbsp;Quadrige&nbsp;&raquo;, 2012, p.&nbsp;17.</p> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a>&nbsp;Voir Philippe Lejeune,&nbsp;<em>Je est un autre</em>, Paris, Seuil, 1980, p.&nbsp;120&nbsp;; Pierre-Marie H&eacute;ron (dir.),&nbsp;<em>Les &Eacute;crivains &agrave; la radio&nbsp;: les Entretiens de Jean Amrouche</em>, Montpellier, Centre d&rsquo;&Eacute;tude du xx<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle / Universit&eacute; Paul-Val&eacute;ry Montpellier 3, 2000, p.&nbsp;9.</p> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a>&nbsp;&Eacute;douard Maunick, &laquo;&nbsp;Entretiens avec Aim&eacute; C&eacute;saire&nbsp;&raquo;, Entretien n&deg;1, France Culture, 26 janvier 1976, 04:15-04:22. Dans la suite de l&rsquo;article, on se r&eacute;f&eacute;rera &agrave; cette s&eacute;rie d&rsquo;&eacute;missions en mentionnant dans le corps du texte le num&eacute;ro de l&rsquo;entretien et le minutage. Les &eacute;missions suivantes ont &eacute;t&eacute; diffus&eacute;es sur France Culture du 27 au 30 janvier 1976, &agrave; raison d&rsquo;une &eacute;mission par jour.</p> <p><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a>&nbsp;Voir par exemple Lylian Kesteloot,&nbsp;<em>C&eacute;saire et Senghor. Un pont sur l&rsquo;Atlantique</em>, Paris, L&rsquo;Harmattan, 2006, p.&nbsp;27-29&nbsp;; Daniel Maximin,&nbsp;<em>Aim&eacute; C&eacute;saire, fr&egrave;re volcan</em>, Paris, Seuil, 2013, p.&nbsp;25-26.</p> <p><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a>&nbsp;Il s&rsquo;agit en fait de deux vers, &laquo;&nbsp;toute &icirc;le appelle / toute &icirc;le est veuve&nbsp;&raquo;, tir&eacute;s du po&egrave;me &laquo;&nbsp;Dit d&rsquo;errance&nbsp;&raquo;, de la section &laquo;&nbsp;Corps perdu&nbsp;&raquo;, au sein du recueil&nbsp;<em>Cadastre</em>&nbsp;(Aim&eacute; C&eacute;saire,&nbsp;<em>La Po&eacute;sie</em>, Daniel Maximin et Gilles Carpentier (&eacute;d.), Paris, Seuil, 2006, p.&nbsp;238).</p> <p><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a>&nbsp;Diana Cooper-Richet et Carlota Vincens-Pujol, &laquo; Introduction &raquo;, dans Diana Cooper-Richet et Carlota Vincens-Pujol (dir.)<em>, De l&rsquo;&icirc;le r&eacute;elle &agrave; l&rsquo;&icirc;le fantasm&eacute;e. Voyages, litt&eacute;rature(s) et insularit&eacute; (XVII<sup>e</sup>-XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cles),&nbsp;</em>Paris, Nouveau Monde, 2012, p.&nbsp;9.</p> <p><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a>&nbsp;Jacques Isolery, &laquo;&nbsp;&Eacute;tats du texte-&icirc;le&nbsp;: l&rsquo;archipel du bref&nbsp;&raquo;, dans Jacques Isolery (dir.),&nbsp;<em>Texte-&icirc;le &Icirc;le-texte</em>, Paris, Petra, &laquo;&nbsp;Fert&rsquo;&icirc;les&nbsp;&raquo;, 2015, p.&nbsp;25.</p> <p><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a>&nbsp;Gaston Bachelard,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;24.</p> <p><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a>&nbsp;Aim&eacute; C&eacute;saire,&nbsp;<em>Cahier d&rsquo;un retour au pays natal&nbsp;</em>(1939-1956), dans<em>&nbsp;La Po&eacute;sie</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;11.</p> <p><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a>&nbsp;Jacques Isolery, &laquo;&nbsp;Pr&eacute;face. &Eacute;tats du texte-&icirc;le&nbsp;: l&rsquo;archipel du bref&nbsp;&raquo;, art. cit., p.&nbsp;31.</p> <p><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a>&nbsp;Martine Lavaud, Marie-&Egrave;ve Th&eacute;renty, &laquo;&nbsp;Avant-propos&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Lieux litt&eacute;raires / La Revue</em>, n&deg;9-10, 2004&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;interview d&rsquo;&eacute;crivain&nbsp;&raquo;, p.&nbsp;13-15.</p> <p><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a>&nbsp;Jean Amrouche, &laquo;&nbsp;Le roi Midas et son barbier, ou L&rsquo;&eacute;crivain et son interlocuteur devant le micro&nbsp;&raquo;, dans Pierre-Marie H&eacute;ron (dir.),&nbsp;<em>Les &Eacute;crivains &agrave; la radio&nbsp;: les Entretiens de Jean Amrouche</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;15.</p> <p><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;17.</p> <p><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a>&nbsp;Mich&egrave;le Touret, &laquo;&nbsp;&ldquo;Mais non, mon cher Michel Manoll&hellip;&rdquo; De l&rsquo;art de conduire un entretien radiophonique quand on est Blaise Cendrars&nbsp;&raquo;, dans Pierre-Marie H&eacute;ron (dir.),&nbsp;<em>&Eacute;crivains au micro. Les entretiens-feuilletons &agrave; la radio fran&ccedil;aise dans les ann&eacute;es cinquante</em>, Presses Universitaires de Rennes, &laquo;&nbsp;Interf&eacute;rences&nbsp;&raquo;, 2010, p.&nbsp;66.</p> <p><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a>&nbsp;Jean Amrouche, &laquo;&nbsp;Le roi Midas et son barbier&nbsp;&raquo;, art. cit., p.&nbsp;17.</p> <p><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a>&nbsp;Bertrand Westphal, &laquo;&nbsp;G&eacute;ocritique et insularit&eacute;&nbsp;&raquo;, dans Jacques Isolery (dir.),&nbsp;<em>Fert&rsquo;&icirc;les. Temps et espaces insulaires en litt&eacute;rature,&nbsp;</em>Biguglia, Stamperia Sammarcelli &ndash; Universit&agrave; di Corsica, 2013, p.&nbsp;25.</p> <p><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a>&nbsp;Michel Collot, &laquo;&nbsp;Le sujet lyrique hors de soi&nbsp;&raquo;, dans Dominique Rabat&eacute;,&nbsp;<em>Figures du sujet lyrique</em>, Paris, Puf, &laquo;&nbsp;Perspectives litt&eacute;raires&nbsp;&raquo;, 1996, p.&nbsp;114.</p> <p><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a>&nbsp;Birago Diop,&nbsp;<em>Leurres et lueurs&nbsp;</em>[1960], Paris, Pr&eacute;sence Africaine, 2002, p.&nbsp;64-66.</p> <p><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a>&nbsp;Aude Leblond, &laquo;&nbsp;M&eacute;moires r&eacute;els et imaginaires. Un discours en construction&nbsp;&raquo;, dans Pierre-Marie H&eacute;ron,&nbsp;<em>&Eacute;crivains au micro</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;120.</p> <p><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a>&nbsp;Patrick Charaudeau, &laquo;&nbsp;Description d&rsquo;un genre&nbsp;: l&rsquo;interview&nbsp;&raquo;, dans Patrick Charaudeau (dir.),&nbsp;<em>Aspects du discours radiophonique</em>, Paris, Didier &Eacute;rudition, 1984, p.&nbsp;112.</p> <p><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a>&nbsp;Pierre-Marie H&eacute;ron, &laquo;&nbsp;Introduction. Rep&egrave;res sur le genre de l&rsquo;entretien-feuilleton &agrave; la radio&nbsp;&raquo;, dans Pierre-Marie H&eacute;ron (dir.),&nbsp;<em>&Eacute;crivains au micro</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;13.</p> <p><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a>&nbsp;Jean Touzot, &laquo;&nbsp;Cocteau devant Fraigneau, entretien ou r&eacute;cital&nbsp;?&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>ibid.</em>, p.&nbsp;90.</p> <p><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a>&nbsp;Marc Fumaroli d&eacute;crit la conversation comme &laquo;&nbsp;&ldquo;art de parler&rdquo; entre pairs, dans le loisir&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Trois institutions litt&eacute;raires</em>, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Folio Histoire&nbsp;&raquo;, 1994, p.&nbsp;126.</p> <p><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a>&nbsp;C&eacute;saire [&hellip;] n&rsquo;arr&ecirc;te pas de magnifier la parole insulaire, de me donner la preuve que, de ces petits bouts de rocs dans la mer, il peut na&icirc;tre le commencement de la convivialit&eacute;, le commencement du dialogue avec l&rsquo;autre&nbsp;&raquo; (Christine Go&eacute;m&eacute;,&nbsp;<em>&Agrave; voix nue</em>&nbsp;: &Eacute;douard Maunick, France Culture, entretien 1, 18 novembre 1991, 12:45-12:53 et 08:07-08:08). L&rsquo;insularit&eacute; se d&eacute;cline aussi aux yeux de Maunick, comme on le voit, en un archipel (les &laquo;&nbsp;petits bouts de rocs dans la mer&nbsp;&raquo;), et nourrit son id&eacute;e du dialogue.</p> <p><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a>&nbsp;Hatem El Hicheri, &laquo;&nbsp;Jean Amrouche&nbsp;: de l&rsquo;entretien radiophonique comme genre litt&eacute;raire&nbsp;&raquo;, dans Pierre-Marie H&eacute;ron (dir.),&nbsp;<em>Les &Eacute;crivains hommes de radio (1940-1970)</em>, Montpellier, Centre d&rsquo;&Eacute;tude du xx<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle / Universit&eacute; Paul-Val&eacute;ry Montpellier 3, 2001, p.&nbsp;105-106.</p> <p><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;Sept versants sept syllabes&nbsp;&raquo;, dans &Eacute;douard Maunick,&nbsp;<em>Po&egrave;mes 1964-1966-1970</em>, Paris, Pr&eacute;sence Africaine, 2001, p.&nbsp;83-98.</p> <p><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a>&nbsp;<em>Moi, laminaire</em>, dans Aim&eacute; C&eacute;saire,&nbsp;<em>La Po&eacute;sie</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;381-472.</p> <p><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a>&nbsp;V. Jean-Louis Joubert,&nbsp;<em>&Eacute;douard J. Maunick po&egrave;te m&eacute;tis insulaire</em>, Paris, Pr&eacute;sence Africaine, 2009, p.&nbsp;55-61.</p> <p><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a>&nbsp;&Eacute;douard Maunick,&nbsp;<em>Toi laminaire</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;13.</p> <p><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a>&nbsp;Aim&eacute; C&eacute;saire,&nbsp;<em>La Po&eacute;sie</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;508-509.</p> <h3>Auteur</h3> <p><strong>Florian Alix&nbsp;</strong>est Ma&icirc;tre de Conf&eacute;rences &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; Paris-Sorbonne. Il est l&rsquo;auteur d&rsquo;une th&egrave;se portant sur l&rsquo;essai postcolonial. Il a &eacute;galement fait para&icirc;tre plusieurs articles sur les litt&eacute;ratures francophones et postcoloniales (Edouard Glissant, Aim&eacute; C&eacute;saire, Valentin Yves Mudimbe, Abdelkebir Khatibi, Driss Chra&iuml;bi&hellip;) Membre du collectif Write Back, il a &agrave; ce titre co-dirig&eacute; l&rsquo;ouvrage&nbsp;<em>Postcolonial Studies&nbsp;: modes d&rsquo;emploi</em>&nbsp;paru en 2013 aux Presses universitaires de Lyon.</p> <h3><strong>Copyright</strong></h3> <p>Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p>