<div class="entry-content"> <h3 style="text-align: justify;">Abstract</h3> <p>Aired directly on France Inter, from 1968 and 1982 and again from 1988, <em>Radioscopie</em> has become known in France as an important series of radio interviews. The series&nbsp; has permitted Jacques Chancel to develop his own style, which consists of putting his interviewees at ease without avoiding difficult topics, of allowing for alternatives as well as of a taste for big anthropological, social and philosophical questions (on life, death, &hellip;). A lover of literature, Chancel has also&nbsp;gladly met writers within what is primarily a cultural, non literay, radio show. Most of all, he has often transformed his interviewees in writers and has even presented himself as a writer. This article tries to take stock of the forms and issues at stake in the literary dimension of his Chancel&rsquo;s radio conversations.</p> <p style="text-align: justify;"><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p class="meta-tags">radio interviews, Jacques Chancel, radioscopy</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: right;">Pour Edmond Morrel &amp; Jean Jauniaux</p> <p style="text-align: justify;">Rentr&eacute;e 1968. Quelques mois &agrave; peine apr&egrave;s les &eacute;v&eacute;nements de mai, une &eacute;mission de radio intitul&eacute;e <em>Radioscopie</em> voit le jour. Diffus&eacute;e sur France Inter, entre 17h et 18h, sauf le week-end, et en direct (&agrave; quelques rares exceptions pr&egrave;s), jusqu&rsquo;en 1982, puis &agrave; nouveau de 1988 &agrave; 1990, elle se compose d&rsquo;un entretien d&rsquo;un peu moins d&rsquo;une heure, quotidiennement men&eacute; par Jacques Chancel. Avec un total oscillant entre 3000 et 5000 &eacute;missions selon les sources&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a> (et 2300 invit&eacute;s &agrave; peu pr&egrave;s), <em>Radioscopie</em> s&rsquo;impose &agrave; l&rsquo;&eacute;vidence comme l&rsquo;un des programmes de r&eacute;f&eacute;rence de la p&eacute;riode&nbsp;<a href="#" name="_ftnref2">[2]</a>. Son animateur, qui devient rapidement une vedette du paysage m&eacute;diatique hexagonal, adopte une mani&egrave;re de mener ses dialogues combinant une courtoisie bienveillante avec une volont&eacute; affich&eacute;e de ne pas &eacute;carter les sujets &eacute;pineux. Elle se caract&eacute;rise en outre par une propension aux interrogations directes, souvent fond&eacute;es sur des alternatives marqu&eacute;es, ainsi que par un attrait pour les grandes questions anthropologiques, sociales et philosophiques (la vie, la mort&hellip;).</p> <p style="text-align: justify;">Dans l&rsquo;histoire de la radio, l&rsquo;on ne peut gu&egrave;re faire de <em>Radioscopie</em> une &eacute;mission &laquo;&nbsp;litt&eacute;raire&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est-&agrave;-dire syst&eacute;matiquement ou prioritairement consacr&eacute;e aux &eacute;crivains et &agrave; la litt&eacute;rature. L&rsquo;entretien quotidien de Chancel affiche une ambition g&eacute;n&eacute;raliste, qui tient notamment &agrave; la cha&icirc;ne sur laquelle il est diffus&eacute;. S&rsquo;adressant &agrave; un public large, aux int&eacute;r&ecirc;ts vari&eacute;s, l&rsquo;&eacute;mission offre un panel diversifi&eacute; de figures publiques parmi celles qui font l&rsquo;actualit&eacute;. Cette variation sur la rubrique journalistique ancienne &laquo;&nbsp;L&rsquo;homme du jour&nbsp;&raquo; conduit Chancel &agrave; inviter des personnalit&eacute;s allant des artistes (r&eacute;alisateurs, metteurs en sc&egrave;ne, chanteurs&hellip;) aux hommes de loi en passant par des savants, hommes politiques ou, de temps &agrave; autres, de simples quidams. Au sein de cet ensemble, les &eacute;crivains sont proportionnellement bien repr&eacute;sent&eacute;s. Tr&egrave;s bien m&ecirc;me, puisque pr&egrave;s de 15% des invit&eacute;s de l&rsquo;&eacute;mission ont &eacute;t&eacute; des &eacute;crivains. Le chiffre peut para&icirc;tre modeste, mais ceux-ci n&rsquo;en constituent pas moins les figures publiques les plus repr&eacute;sent&eacute;es au programme&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Les d&eacute;buts de Chancel dans l&rsquo;univers journalistique se passent loin de la m&eacute;tropole, et n&rsquo;annoncent gu&egrave;re cette pr&eacute;dilection pour la chose litt&eacute;raire. S&eacute;journant entre 1948 et 1957 en Indochine dans le cadre de son service militaire, il pr&eacute;sente tr&egrave;s vite sa candidature au poste de pr&eacute;sentateur de Radio-France-Asie. Il y partage avec Marina Ceccaldi la pr&eacute;sentation de l&rsquo;&eacute;mission <em>Le Disque du soldat</em>, destin&eacute;e aux militaires et dont le titre indique assez le caract&egrave;re essentiellement musical. Suit une &eacute;mission de divertissement et d&rsquo;information prise en charge par Chancel seul, <em>R&eacute;cr&eacute;ation</em>, qui se pr&eacute;sente comme un spectacle avec orchestre donn&eacute; en direct le vendredi soir. Parall&egrave;lement, Chancel exerce des activit&eacute;s de &laquo;&nbsp;correspondant de guerre&nbsp;&raquo; pour <em>Paris-Match</em>, avant d&rsquo;&ecirc;tre journaliste &agrave; <em>T&eacute;l&eacute;-Magazine</em> et <em>Paris-Jour</em> (dont il sera directeur du service parisien pendant dix ans). Du point de vue de ses d&eacute;buts dans la profession, force est de constater que le profil du journaliste n&rsquo;appara&icirc;t pas comme particuli&egrave;rement litt&eacute;raire&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Et pourtant, <em>Radioscopie</em> va afficher une dimension litt&eacute;raire marqu&eacute;e, non seulement en invitant un nombre cons&eacute;quent d&rsquo;&eacute;crivains &agrave; s&rsquo;exprimer, mais aussi dans le traitement des entretiens eux-m&ecirc;mes. Plus pr&eacute;cis&eacute;ment, &agrave; l&rsquo;occasion de ses &eacute;changes avec ses invit&eacute;s, Chancel manifeste une inclination prononc&eacute;e pour la litt&eacute;rature et les &eacute;crivains, au point de laisser transpara&icirc;tre ce qu&rsquo;il est difficile de voir autrement que comme une aspiration rentr&eacute;e. Cet aspect de l&rsquo;&eacute;mission se traduit dans plusieurs des facettes de l&rsquo;art de questionner mis en &oelig;uvre par Chancel, &agrave; tout le moins durant les premi&egrave;res ann&eacute;es d&rsquo;existence de l&rsquo;&eacute;mission&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>, lorsqu&rsquo;il interroge des &eacute;crivains bien entendu, mais aussi, et &agrave; vrai dire surtout, lorsqu&rsquo;il dialogue avec d&rsquo;autres types de personnalit&eacute;s. Tout en veillant &agrave; incarner certaines des valeurs cardinales d&rsquo;un journalisme con&ccedil;u comme mode de m&eacute;diation privil&eacute;gi&eacute; de la culture, le journaliste se fa&ccedil;onne durant ses entretiens une posture de journaliste qui tend souvent &agrave; le rapprocher des &eacute;crivains qu&rsquo;il appr&eacute;cie tant et, plus globalement, du monde de la culture lettr&eacute;e.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="1_Lintervieweur_et_la_litterature_en_personne">1. L&rsquo;intervieweur et la litt&eacute;rature en personne</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">S&rsquo;il para&icirc;t souvent tr&egrave;s naturel, ce positionnement ne va cependant pas toujours de soi. Il est source d&rsquo;une tension potentielle. En effet, la posture qu&rsquo;adoptent les intervieweurs implique la n&eacute;cessit&eacute; de tenir compte de certaines normes et attendus du discours journalistique &ndash;&nbsp;v&eacute;racit&eacute; dans certains types d&rsquo;&eacute;mission, caract&egrave;re plaisant dans d&rsquo;autres, etc.&nbsp;&ndash;, que l&rsquo;intervieweur incarne peu ou prou, en m&ecirc;me temps que la manifestation d&rsquo;une forme de familiarit&eacute; avec l&rsquo;univers dont est issu l&rsquo;interview&eacute;, de fa&ccedil;on &agrave; l&eacute;gitimer les questions qu&rsquo;il adresse &agrave; ses interlocuteurs. Certes, certains journalistes ou &eacute;missions g&eacute;n&eacute;ralistes, par exemple dans le cadre du journal quotidien (radio et t&eacute;l&eacute;vision), sont susceptibles d&rsquo;interroger toutes sortes de gens. Il n&rsquo;en va cependant pas de m&ecirc;me de ceux qui sont associ&eacute;s &agrave; un domaine de comp&eacute;tence sp&eacute;cifique. Ainsi n&rsquo;attend-on pas d&rsquo;un journaliste sportif qu&rsquo;il interviewe un homme politique&hellip; (sauf, le cas &eacute;ch&eacute;ant, si celui-ci est pr&eacute;sent lors d&rsquo;un &eacute;v&eacute;nement sportif important).</p> <p style="text-align: justify;">Devant des &eacute;crivains, qui repr&eacute;sentent la litt&eacute;rature en personne, le discours des intervieweurs se constitue en fonction de ce que le litt&eacute;raire repr&eacute;sente au regard de la pratique de l&rsquo;entretien et de son ancrage journalistique. En la mati&egrave;re, tout d&eacute;pend de la nature de l&rsquo;&eacute;mission et du positionnement adopt&eacute; par son ou ses animateurs&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>. S&rsquo;agissant de <em>Radioscopie</em> et de Chancel, l&rsquo;expression d&rsquo;une inclination r&eacute;currente &agrave; l&rsquo;endroit de la litt&eacute;rature ne laisse pas de frapper. Si l&rsquo;on en croit le t&eacute;moignage qu&rsquo;il propose ult&eacute;rieurement, d&egrave;s ses d&eacute;buts en 1948, en Indochine, dans le cadre de l&rsquo;&eacute;mission <em>Le Disque et le soldat</em>, la question du livre se serait situ&eacute;e au c&oelig;ur des aspirations d&rsquo;homme de radio de Chancel&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">&Agrave; des milliers de kilom&egrave;tres de Paris, nous avions assez de vanit&eacute; pour croire que nous &eacute;tions encore de bons serviteurs du livre. C&rsquo;&eacute;tait bien avant <em>Radioscopie</em>, <em>Apostrophes</em> et <em>Caract&egrave;res</em>. Sans doute &eacute;tais-je en train de tisser mes futurs terrains de man&oelig;uvre&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>.</p> </blockquote> <h2 style="text-align: justify;"><span id="2_Parler_de_litterature">2. Parler de litt&eacute;rature</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Dans le cadre d&rsquo;une &eacute;mission telle que <em>Radioscopie</em>, sur une cha&icirc;ne telle que France Inter, le but de Chancel est de mener &agrave; bien un dialogue destin&eacute; &agrave; un public relativement diversifi&eacute;, qu&rsquo;il doit int&eacute;resser aux propos tenus par des personnalit&eacute;s fort diff&eacute;rentes les unes des autres, et que ses auditeurs peuvent au demeurant parfaitement ne pas conna&icirc;tre. Les &eacute;missions &eacute;voquent par cons&eacute;quent une gamme de sujets particuli&egrave;rement diversifi&eacute;e. &Agrave; cet &eacute;gard, il para&icirc;t naturel que l&rsquo;intervieweur en vienne &agrave; parler de litt&eacute;rature avec ceux qui, parmi ses invit&eacute;s, sont &eacute;crivains et sont convi&eacute;s en tant que tels. La chose para&icirc;t tout de m&ecirc;me un peu moins attendue lorsque Chancel s&rsquo;adresse &agrave; d&rsquo;autres figures, qu&rsquo;il s&rsquo;agisse, par exemple, d&rsquo;acteurs (d&rsquo;actrices, en l&rsquo;occurrence) ou, plus encore, de m&eacute;decins&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">S&rsquo;il affiche volontiers une forme de modestie dans ses d&eacute;clarations au sujet de sa pratique &ndash;&nbsp;&laquo;&nbsp;Je suis parti &agrave; l&rsquo;aventure en me disant on va faire une heure tous les jours mais je ne serai pas le plus intelligent, les gens que je re&ccedil;ois sont forc&eacute;ment plus intelligents que moi. Il suffira que je pose les bonnes questions et petit &agrave; petit je deviendrai un peu moins ignorant&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;&ndash;, Chancel se pr&eacute;sente volontiers comme une personne cultiv&eacute;e, qui a l&rsquo;allusion litt&eacute;raire facile, comme lorsqu&rsquo;il lance, au cours d&rsquo;un &eacute;change sur l&rsquo;amour avec Brigitte Bardot&nbsp;: &laquo;&nbsp;Oscar Wilde disait&nbsp;: &ldquo;La fid&eacute;lit&eacute; est une faillite des sentiments&hellip;&rdquo;&nbsp;&raquo; (<em>Radioscopie</em>, 5 f&eacute;vrier 1970). De m&ecirc;me, &agrave; la r&eacute;ponse de Jeanne Moreau qu&rsquo;il vient d&rsquo;interroger sur ses &laquo;&nbsp;admirations&nbsp;&raquo; et qui lui r&eacute;pond&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les hommes, les philosophes, les artistes, les artisans. Je peux admirer un cordonnier autant qu&rsquo;un peintre&nbsp;&raquo;, il d&eacute;clare, sans gu&egrave;re de lien direct avec l&rsquo;&eacute;num&eacute;ration de son interlocutrice&nbsp;: &laquo;&nbsp;Vous lisez beaucoup&hellip;&nbsp;&raquo;, avant de lui demander, dans la foul&eacute;e&nbsp;: &laquo;&nbsp;Quelles sont vos lectures&nbsp;?&nbsp;&raquo; Et de conclure, apr&egrave;s qu&rsquo;elle lui a fait part de ses engouements livresques du moment (Verne et Giono), en se laissant aller &agrave; un conseil de lecture dont on peut se demander s&rsquo;il aurait eu l&rsquo;audace (ou l&rsquo;outrecuidance&hellip;) de l&rsquo;adresser &agrave; un &eacute;crivain (et &agrave; un homme&hellip;)&nbsp;: &laquo;&nbsp;Et pourquoi ne vous replongeriez-vous pas demain, dans Dumas&hellip; ce n&rsquo;est pas d&eacute;sagr&eacute;able &agrave; relire&nbsp;!&nbsp;&raquo; (<em>Radioscopie</em>, 10 septembre 1970).</p> <p style="text-align: justify;">Les fr&eacute;quentes allusions, citations ou consid&eacute;rations litt&eacute;raire qui &eacute;maillent les dialogues de <em>Radioscopie </em>avec des interlocuteurs qui ne sont pas des &eacute;crivains interpellent cependant moins par leur fr&eacute;quence que par le caract&egrave;re parfois quelque peu abrupt de leur intrusion dans le cours de la conversation. Ainsi, lorsqu&rsquo;il questionne Jean Bernard sur la fa&ccedil;on dont le c&eacute;l&egrave;bre m&eacute;decin envisage la mort, Chancel lui demande, sans que rien dans leur dialogue ne vienne annoncer la double r&eacute;f&eacute;rence qu&rsquo;il int&egrave;gre &agrave; sa question&nbsp;: &laquo;&nbsp;Pour bien comprendre la vieillesse, faut-il avoir lu Charles P&eacute;guy et Simone de Beauvoir&nbsp;?&nbsp;&raquo; (<em>Radioscopie</em>, 24 janvier 1973). &laquo;&nbsp;Je pense que cela aide &agrave; la comprendre, mais les probl&egrave;mes pos&eacute;s en m&eacute;decine sont un peu diff&eacute;rents de ceux &eacute;voqu&eacute;s par les philosophes&nbsp;&raquo; (<em>ibid.</em>), lui r&eacute;pond son interlocuteur, qui semble ne pas s&rsquo;accorder avec la pr&eacute;dominance que Chancel attribue &agrave; la litt&eacute;rature (et que le m&eacute;decin rapporte pour sa part au domaine de la philosophie), ou du moins aux deux &eacute;crivains mentionn&eacute;s, comme cl&eacute; de compr&eacute;hension de la vieillesse. Se montrant prudent devant cette invitation &agrave; s&rsquo;exprimer sur la relation entre la mort et un domaine qu&rsquo;il ne semble pas vraiment consid&eacute;rer comme le sien, Bernard t&acirc;che de ramener l&rsquo;&eacute;change sur le terrain de sa seule comp&eacute;tence m&eacute;dicale.</p> <p style="text-align: justify;">Recourir &agrave; de semblables r&eacute;f&eacute;rences litt&eacute;raires, sans les expliciter dans le cas de Beauvoir et P&eacute;guy (&agrave; quels livres fait-il r&eacute;f&eacute;rence&nbsp;? l&rsquo;auditeur semble cens&eacute; le savoir&hellip;), consiste pour Chancel &agrave; afficher une posture de lettr&eacute;. De telles allusions donnent en effet &agrave; voir un journaliste suffisamment f&eacute;ru de litt&eacute;rature pour &ecirc;tre en mesure d&rsquo;&eacute;voquer voire de citer des &eacute;crivains au fil du propos, au moins en apparence. Certes, ces r&eacute;f&eacute;rences en passent par des questions adress&eacute;es &agrave; ses interlocuteurs. Il ne s&rsquo;agit pas d&rsquo;affirmations qu&rsquo;il fait siennes. Elles s&rsquo;inscrivent dans un discours qui vise &agrave; recueillir sinon un savoir en bonne et due forme, du moins une opinion relativement autoris&eacute;e sur une s&eacute;rie de sujets. Il n&rsquo;en reste pas moins que, conna&icirc;tre ces noms et les associer &agrave; une th&eacute;matique pr&eacute;cise manifeste un ind&eacute;niable degr&eacute; de culture et de lectures.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="3_Portraits_postules">3. Portraits postul&eacute;s</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Parler de litt&eacute;rature et, ce faisant, adopter une posture de journaliste cultiv&eacute; ne constitue cependant que l&rsquo;op&eacute;ration la plus superficielle par laquelle Chancel conf&egrave;re une dimension litt&eacute;raire &agrave; son positionnement au sein de l&rsquo;&eacute;mission qu&rsquo;il anime. De fa&ccedil;on plus fondamentale, les portraits de ses invit&eacute;s qu&rsquo;il propose sont r&eacute;guli&egrave;rement infl&eacute;chis par son attrait pour la litt&eacute;rature et les &eacute;crivains. Ainsi, &agrave; la faveur du d&eacute;voilement qu&rsquo;implique <em>Radioscopie</em>, Chancel am&egrave;ne fr&eacute;quemment ses invit&eacute;s &agrave; consid&eacute;rer certaines de leurs vies parall&egrave;les, avort&eacute;es, d&eacute;sir&eacute;es, en &eacute;voquant des aspects de leur biographie souvent m&eacute;connus du public. L&rsquo;intervieweur retouche en effet r&eacute;guli&egrave;rement les portraits de ses invit&eacute;s en leur d&eacute;couvrant, voire en leur attribuant une stature d&rsquo;&eacute;crivains qui s&rsquo;ignorent.</p> <p style="text-align: justify;">Ce statut est certes parfois justifi&eacute; par la parution d&rsquo;un livre, comme avec l&rsquo;humoriste belge Raymond Devos. Ce dernier vient en effet de publier un ouvrage. Il ne s&rsquo;en amuse pas moins de se voir associ&eacute; par Chancel, &agrave; l&rsquo;entame de l&rsquo;&eacute;mission, aux cinq hommes de lettres qui l&rsquo;ont pr&eacute;c&eacute;d&eacute; dans le studio de France Inter&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Jacques Chancel &ndash; Apr&egrave;s Roger Peyrefitte, Herv&eacute; Bazin, Paul Guth, Jean Cau, Romain Gary, voici encore, et heureusement, un homme de lettres. Son &oelig;uvre ne permet pas encore d&rsquo;inventer une biblioth&egrave;que, mais son premier livre est un remarquable essai, retenez le titre&nbsp;: <em>&Ccedil;a n&rsquo;a pas de sens</em>. &Eacute;diteur&nbsp;: Deno&euml;l. Auteur&nbsp;: Raymond Devos. Vous vous consid&eacute;rez comme un homme de lettres&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">Raymond Devos &ndash; [Rires] Absolument pas. (<em>Radioscopie</em>, 19 d&eacute;cembre 1968)</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;art comique de Devos, reposant sur une virtuosit&eacute; sans pareille dans les jeux de langage, invite ind&eacute;niablement &agrave; cette litt&eacute;rarisation de son image publique. D&egrave;s cette &eacute;poque, il s&rsquo;agit d&rsquo;ailleurs de l&rsquo;un des aspects marquants de l&rsquo;image d&rsquo;auteur de l&rsquo;humoriste. Reste que Chancel pourrait aussi bien n&rsquo;en pas faire &eacute;tat ou plut&ocirc;t question et, surtout, en faire la toute premi&egrave;re question de leur dialogue. Preuve que la question lui tient &agrave; c&oelig;ur, cinq ans plus tard, il r&eacute;cidive avec le m&ecirc;me invit&eacute;, en un autre moment d&eacute;terminant de l&rsquo;entretien, sa conclusion cette fois, sur le mode du postulat interrogatif, et non sans une flagornerie &agrave; laquelle Raymond Devos refuse avec pudeur, et sans doute un brin g&ecirc;n&eacute;, de se pr&ecirc;ter&nbsp;: &laquo;&nbsp;Et si la post&eacute;rit&eacute; retenait votre &oelig;uvre comme elle a retenu celles de Moli&egrave;re, de Rabelais&hellip; celle de Charlot&nbsp;?&nbsp;&raquo; (<em>Radioscopie</em>, 16 mars 1973)&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Chancel proc&egrave;de de m&ecirc;me lorsqu&rsquo;il re&ccedil;oit Michel Audiard, &agrave; ceci pr&egrave;s que la post&eacute;rit&eacute; se trouve remplac&eacute;e par l&rsquo;Acad&eacute;mie fran&ccedil;aise. Bien que le temps imparti soit particuli&egrave;rement restreint, dans la mesure o&ugrave; le c&eacute;l&egrave;bre dialoguiste et sc&eacute;nariste n&rsquo;arrive qu&rsquo;&agrave; quinze minutes de la fin de l&rsquo;&eacute;mission (entretemps, Chancel, passablement &eacute;nerv&eacute;, se contente de passer de la musique&hellip;), il parvient &agrave; conduire l&rsquo;&eacute;change sur le terrain de la chose litt&eacute;raire&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Jacques Chancel &ndash; Vous sacrifiez aussi de temps en temps &agrave; la litt&eacute;rature. Vous avez &eacute;crit r&eacute;cemment <em>Le Terminus des pr&eacute;tentieux</em>.</p> <p style="text-align: justify;">Michel Audiard &ndash; Enfin, n&rsquo;appelons pas &ccedil;a de la litt&eacute;rature.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Vous vous consid&eacute;rez comme un homme de lettres, Michel Audiard&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Non, non, pas du tout. Pas du tout. D&rsquo;ailleurs, &ccedil;a c&rsquo;est un roman que j&rsquo;ai &eacute;crit quand j&rsquo;&eacute;tais journaliste, il y a une vingtaine d&rsquo;ann&eacute;es, et qui a &eacute;t&eacute; r&eacute;&eacute;dit&eacute; sous un autre titre. Alors, c&rsquo;est pas&hellip; c&rsquo;est pas une &oelig;uvre de&hellip; Par contre, j&rsquo;ai &eacute;crit une dizaine de nouvelles qui, &ccedil;a, sont, je crois&hellip; je crois, de meilleure tenue, et qui seront publi&eacute;es un jour.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Dans le fond, &ccedil;a vous amuserait beaucoup d&rsquo;&ecirc;tre un jour &agrave; l&rsquo;Acad&eacute;mie fran&ccedil;aise&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Euh&hellip; Non&nbsp;! Sinc&egrave;rement non. Parce que je me brouillerais avec trop de copains. (<em>Radioscopie</em>, 9 d&eacute;cembre 1968).</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Cette propension &agrave; faire de son interlocuteur rien de moins qu&rsquo;un &eacute;crivain en puissance n&rsquo;est pas r&eacute;serv&eacute; &agrave; Devos ou Audiard. Chancel est coutumier du fait, et souvent de fa&ccedil;on plus &eacute;tonnante encore, comme lorsqu&rsquo;il s&rsquo;adresse &agrave; des personnalit&eacute;s &agrave; premi&egrave;re vue plus &eacute;loign&eacute;es de l&rsquo;&eacute;criture qu&rsquo;un humoriste et un sc&eacute;nariste, auteurs de livres qui plus est. Ainsi demande-t-il &agrave; Albert Naud, avocat r&eacute;put&eacute; qui a d&eacute;fendu C&eacute;line lors de ses d&eacute;m&ecirc;l&eacute;s avec la justice&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ma&icirc;tre Albert Naud, vous &ecirc;tes un grand avocat, mais est-ce que vous ne voudriez pas aujourd&rsquo;hui &ecirc;tre seulement un homme de lettres&nbsp;?&nbsp;&raquo; (<em>Radioscopie</em>, 12 novembre 1969). Mani&egrave;re de r&eacute;duire ce pour quoi son interlocuteur est alors connu du grand public, et ce qui motive l&rsquo;entretien qu&rsquo;il est en train de r&eacute;aliser, au profit d&rsquo;une part moins connue de son activit&eacute; (Albert Naud a en effet t&acirc;t&eacute; de la plume en publiant un roman en 1951&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>). En ce sens, il en apprend aux auditeurs de l&rsquo;&eacute;mission et remplit sa mission de journaliste, en recourant &agrave; un terme &ndash; &laquo;&nbsp;homme de lettres&nbsp;&raquo; &ndash; un peu d&eacute;suet et qui trahit le regard de quelqu&rsquo;un qui demeure tout de m&ecirc;me &eacute;tranger au champ litt&eacute;raire.</p> <p style="text-align: justify;">De fa&ccedil;on analogue, alors que Jean Bernard lui affirme que &laquo;&nbsp;[l]orsqu&rsquo;on est m&eacute;decin, on s&rsquo;exprime compl&egrave;tement dans son acte de m&eacute;decin&nbsp;&raquo;, Chancel n&rsquo;h&eacute;site pas &agrave; lui r&eacute;torquer, manifestement bien d&eacute;cid&eacute; &agrave; l&rsquo;amener sur le terrain qui l&rsquo;int&eacute;resse, lui&nbsp;: &laquo;&nbsp;Oui, mais lorsque vous &ecirc;tes m&eacute;decin, vous oubliez un peu ce que vous avez &eacute;t&eacute;, c&rsquo;est-&agrave;-dire po&egrave;te&hellip;&nbsp;&raquo; (<em>Radioscopie</em>, 24 janvier 1973). Bien s&ucirc;r, cet ancien R&eacute;sistant, appel&eacute; &agrave; entrer &agrave; l&rsquo;Acad&eacute;mie fran&ccedil;aise en 1975 (il h&eacute;ritera alors du fauteuil de Marcel Pagnol), est l&rsquo;auteur d&rsquo;un recueil de po&egrave;mes, <em>Survivance</em>, publi&eacute; en 1944. Comme au sujet d&rsquo;Albert Naud, Chancel se borne en ce sens &agrave; r&eacute;aliser son travail de journaliste, &agrave; savoir d&eacute;livrer un portrait qui n&rsquo;omette aucune facette du mod&egrave;le qu&rsquo;il se propose de faire conna&icirc;tre &agrave; ses auditeurs. Cependant, alors m&ecirc;me que son vis-&agrave;-vis entend manifestement ne s&rsquo;exprimer qu&rsquo;en sa qualit&eacute; de m&eacute;decin, dans la question qu&rsquo;il lui adresse, Chancel tend &agrave; tracer en filigrane la silhouette d&rsquo;un &eacute;crivain.</p> <p style="text-align: justify;">Cette propension &agrave; &eacute;riger certains de ses invit&eacute;s en &eacute;crivains, &agrave; leur corps d&eacute;fendant le cas &eacute;chant et avec une insistance qu&rsquo;il est parfois difficile de ne pas trouver troublante. Au terme d&rsquo;un &eacute;change au sujet d&rsquo;une s&eacute;rie de penseurs, au cours duquel son invit&eacute;, l&rsquo;homme politique Jean Lecanuet, s&rsquo;emploie &agrave; distinguer la philosophie de la litt&eacute;rature (&laquo;&nbsp;Pour moi, ce qu&rsquo;on appelait un homme de science &eacute;tait un savant, vous m&rsquo;entendez bien, pas un litt&eacute;raire, pas un po&egrave;te d&rsquo;abord, d&rsquo;abord un homme de science&nbsp;&raquo;), Chancel affirme (davantage qu&rsquo;il n&rsquo;interroge), et au risque du contresens au regard des propos de son vis-&agrave;-vis&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Jacques Chancel &ndash; D&rsquo;ailleurs, j&rsquo;ai bien compris. Vous voulez d&eacute;barrasser l&rsquo;homme de lettres de toute philosophie, parce que vous avez dit, tout le monde peut &eacute;crire.</p> <p style="text-align: justify;">Jean Lecanuet &ndash; Haha&hellip; Oui, c&rsquo;&eacute;tait peut-&ecirc;tre un peu m&eacute;chant en disant cela. Je trouve qu&rsquo;on imprime trop, si vous voulez. Maintenant, &agrave; peu pr&egrave;s n&rsquo;importe qui porte un manuscrit, &agrave; moins que ce ne soit totalement inconsistant, on trouve un imprimeur. [&hellip;]</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Mais vous, vous &eacute;crirez un roman, un jour&nbsp;? Et vous y pensez, sans aucun doute&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Ah, je&hellip; je ne pense pas que j&rsquo;aie ce don-l&agrave;. J&rsquo;aimerais&hellip; J&rsquo;aimerais garder assez de jeunesse d&rsquo;esprit et de temps pour &eacute;crire&hellip; je ne sais pas quoi. Un petit livre de r&eacute;flexions. (<em>Radioscopie</em>, 30 janvier 1973)</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">D&rsquo;une part, Chancel semble avoir mal compris le propos de son interlocuteur, puisqu&rsquo;en avan&ccedil;ant qu&rsquo;il entend &laquo;&nbsp;d&eacute;barrasser l&rsquo;homme de lettres de toute philosophie&nbsp;&raquo;, il lui fait dire autre chose que ce qu&rsquo;a dit Lecanuet un instant auparavant, &agrave; savoir que le philosophe, jadis, &eacute;tait un &laquo;&nbsp;homme de science&nbsp;&raquo; et non un &laquo;&nbsp;litt&eacute;raire&nbsp;&raquo; ou un &laquo;&nbsp;po&egrave;te&nbsp;&raquo;. D&rsquo;autre part, la teneur de l&rsquo;&eacute;change montre un intervieweur qui, sans aucun fondement manifeste dans la conversation qu&rsquo;ils ont eue jusqu&rsquo;alors, pousse l&rsquo;homme politique qu&rsquo;il a en face de lui &agrave; confesser qu&rsquo;il envisagerait d&rsquo;&eacute;crire un roman. Tout aussi prudent que les autres invit&eacute;s de Chancel, ce dernier s&rsquo;y refuse.</p> <p style="text-align: justify;">Moins radicalement peut-&ecirc;tre, mais plus inopin&eacute;ment, et donc d&rsquo;une fa&ccedil;on qui par son caract&egrave;re sp&eacute;culatif ne surprend pas moins, Chancel invite, trois ans auparavant, le c&eacute;l&egrave;bre biologiste Jacques Monod (prix Nobel 1965) &agrave; envisager de quitter son champ de comp&eacute;tence pour embrasser celui de la litt&eacute;rature de fiction&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Jacques Chancel &ndash; Jacques Monod, est-ce que vous pourriez sortir de votre propre domaine&nbsp;? L&agrave;, vous venez de publier <em>Le Hasard et la n&eacute;cessit&eacute;</em>, et c&rsquo;est quand m&ecirc;me votre domaine. Vous pourriez &eacute;crire un roman&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">Jacques Monod &ndash; Un roman&nbsp;? S&ucirc;rement pas, non&nbsp;!</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Vous avez quand m&ecirc;me le go&ucirc;t de l&rsquo;&eacute;criture&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Ah, beaucoup&nbsp;!</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Et &ccedil;a se sent.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; J&rsquo;aime &eacute;crire, oui. Mais un roman, certainement pas, non&hellip; un conte philosophique, peut-&ecirc;tre&hellip; Une pi&egrave;ce de th&eacute;&acirc;tre, peut-&ecirc;tre. Un roman, c&rsquo;est trop difficile&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Le succ&egrave;s de ce livre, c&rsquo;est un encouragement pour vous, &agrave; continuer &agrave; &eacute;crire&nbsp;? (<em>Radioscopie</em>, 18 novembre 1970)</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Pareille question ressemble &agrave; s&rsquo;y m&eacute;prendre &agrave; une v&eacute;ritable incitation. Chancel semble chercher &agrave; pousser ses interlocuteurs dans une direction dont, significativement, la plupart se gardent avec modestie. Il est vrai que l&rsquo;intervieweur pointe souvent, en ces circonstances, un aspect souvent isol&eacute; dans l&rsquo;existence de personnes qui ont en commun avec lui d&rsquo;exercer une activit&eacute; non litt&eacute;raire en tant que telle et d&rsquo;avoir commis un livre, il y a longtemps parfois, sans pour autant &ecirc;tre reconnus en tant qu&rsquo;&eacute;crivains. En ces moments pr&eacute;cis, l&rsquo;intervieweur rompt souvent quelque peu avec le fil de l&rsquo;&eacute;change, au point d&rsquo;appara&icirc;tre comme une sorte de retour du refoul&eacute;. Ces questions paraissent en effet, souvent, sorties de nulle part, voire quelque peu forc&eacute;es, autant que la focalisation sur le genre romanesque, dont on peut se demander en quoi il irait davantage de soi que la po&eacute;sie, le th&eacute;&acirc;tre ou l&rsquo;essai pour un biologiste ou un avocat d&eacute;sireux de faire &oelig;uvre litt&eacute;raire.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="4_Le_marie_de_la_litterature">4. Le mari&eacute; de la litt&eacute;rature</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Cette interrogation&nbsp;est si fr&eacute;quente &ndash;&nbsp;et &agrave; sens unique, car, &agrave; ma connaissance, Chancel ne demande pas aux &eacute;crivains s&rsquo;ils voudraient &ecirc;tre acteurs ou faire de la politique, par exemple&nbsp;&ndash; que l&rsquo;on peut se demander s&rsquo;il n&rsquo;en va pas d&rsquo;une obsession de l&rsquo;intervieweur lui-m&ecirc;me, auteur de deux romans publi&eacute;s &agrave; Sa&iuml;gon, alors qu&rsquo;il y &eacute;tait correspondant de guerre (<em>L&rsquo;Eurasienne</em> et <em>Mes Rebelles</em>, aux &Eacute;ditions Catinat, respectivement en 1950 et 1953)&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>. Tout se passerait ainsi comme si Chancel exposait &agrave; travers ces questions ce qui serait en d&eacute;finitive sa propre inclination, comme si en s&rsquo;effor&ccedil;ant de recueillir les aveux d&rsquo;un d&eacute;sir cach&eacute; d&rsquo;&eacute;criture, ce n&rsquo;&eacute;tait au fond que le sien qu&rsquo;il exprimait. Lorsqu&rsquo;Edmond Morrel lui adresse directement la question, Chancel ne se d&eacute;robe nullement&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Edmond Morrel &ndash; Lorsque vous &eacute;tiez en face de personnes qui n&rsquo;&eacute;taient pas des &eacute;crivains, vous leur demandiez souvent s&rsquo;ils n&rsquo;&eacute;taient pas tent&eacute;s par la litt&eacute;rature. Pourquoi&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">Jacques Chancel &ndash; Parce que la litt&eacute;rature a envahi ma vie. Moi, j&rsquo;ai fait un recueil de po&egrave;mes quand j&rsquo;avais 17 ans, qui a &eacute;t&eacute; publi&eacute; aux &eacute;ditions Catinat &agrave; Sa&iuml;gon. Ensuite j&rsquo;ai fait deux romans avant 20 ans, <em>Les Rebelles </em>et <em>L&rsquo;Eurasienne</em>. J&rsquo;&eacute;tais passionn&eacute; de litt&eacute;rature. D&rsquo;ailleurs, je pr&eacute;f&egrave;re ne pas les revoir, ne pas les relire, ces romans. Apr&egrave;s, j&rsquo;ai &eacute;t&eacute; correspondant de guerre, donc j&rsquo;ai &eacute;t&eacute; pris par les &eacute;v&eacute;nements. Je suis rentr&eacute; &agrave; Radio France tout de suite, tout jeune, tout gamin, donc la radio a pris beaucoup de ma vie&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Comme en t&eacute;moigne cet aveu, le discours public de Chancel confirme, de fa&ccedil;on relativement explicite, ce qui transpara&icirc;t dans ses &eacute;missions. L&rsquo;espace du livre semble comme une invitation &agrave; assumer plus franchement ses aspirations. Ainsi, lors de la parution de certains de ses radioscopies en volumes, Chancel att&eacute;nue leur dimension journalistique pour mieux leur conf&eacute;rer un statut litt&eacute;raire. Dans l&rsquo;avant-propos du premier tome de ces <em>Radioscopies</em> &eacute;crites, il pr&eacute;sente ainsi ses dialogues comme des rencontres &laquo;&nbsp;[e]ntre gens de bonne compagnie&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;au coin du feu&nbsp;&raquo;, et d&eacute;clare avoir &laquo;&nbsp;la faiblesse de croire que [s]es interlocuteurs ont vite oubli&eacute; le micro au cours de ces soixante minutes&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>&nbsp;&raquo;. &Agrave; travers ce pr&eacute;tendu oubli du micro, <em>topos</em> du genre destin&eacute; &agrave; en garantir la spontan&eacute;it&eacute;, qui est l&rsquo;une des valeurs cardinales du genre, Chancel neutralise l&rsquo;embl&egrave;me de la radio et use d&rsquo;une terminologie qui, en fran&ccedil;ais, &eacute;carte &laquo;&nbsp;l&rsquo;interview&nbsp;&raquo; au profit d&rsquo;un d&eacute;signateur plus favorable sur le plan de la valeur litt&eacute;raire&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">&laquo;&nbsp;J&rsquo;appartiens au groupe [de ceux] qui consid&egrave;rent que la conversation est un art&nbsp;&raquo;, &eacute;crit-il &agrave; ce propos en 1978&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>. Cet attrait pour l&rsquo;art de la conversation, Chancel le revendique &agrave; maintes reprises. Ainsi d&eacute;clare-t-il, dans un entretien accord&eacute; au <em>Point</em>&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je n&rsquo;aime pas ce mot d&rsquo;interview. Outre qu&rsquo;il est anglais, il est brutal. Je pr&eacute;f&egrave;re dire rencontre ou conversation&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>.&nbsp;&raquo; Mani&egrave;re de se situer dans la frange la plus litt&eacute;raire d&rsquo;un r&eacute;pertoire de pratiques de dialogues publics au sein duquel entretien et interview participent d&rsquo;un continuum. Chancel situe ce faisant sa pratique au sein d&rsquo;un espace de la parole consacr&eacute; par des si&egrave;cles de culture classique, qui en ont fait un art &agrave; part enti&egrave;re&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>, en d&eacute;pit du caract&egrave;re tout de m&ecirc;me quelque peu usurp&eacute; de cette appellation compte tenu de l&rsquo;asym&eacute;trie assez nette des tours de parole, typique de l&rsquo;interview journalistique, dans <em>Radioscopie</em>.</p> <p style="text-align: justify;">Au regard de cette posture, rien de bien surprenant &agrave; voir Chancel &eacute;crire, dans l&rsquo;avant-propos du deuxi&egrave;me tome de ses <em>Radioscopies</em> livresques, alors que le volume rassemble des interview&eacute;s dont un seul (Roger Peyrefitte) est &eacute;crivain&nbsp;: &laquo;&nbsp;Onze personnalit&eacute;s se retrouvent sous cette couverture&nbsp;&raquo;&nbsp;; elles &laquo;&nbsp;furent des interlocuteurs valables&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;deviennent ici <em>mes associ&eacute;s en litt&eacute;rature</em>&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>. Au sein de ces pages, l&rsquo;intervieweur ne peut plus jouer des m&ecirc;mes ressorts que sur les ondes, de sorte qu&rsquo;il en vient, selon un principe que l&rsquo;on pourrait qualifier d&rsquo;&laquo;&nbsp;entropie de la posture&nbsp;&raquo; &ndash;&nbsp;elle prolonge sa dynamique initiale&nbsp;&ndash;, &agrave; en utiliser d&rsquo;autres. Chancel vise dans ces volumes le m&ecirc;me objectif que sur les ondes (une proximit&eacute; avec les &eacute;crivains), &agrave; ceci pr&egrave;s qu&rsquo;il peut d&eacute;sormais plus directement, en tant qu&rsquo;auteur du livre, afficher le statut litt&eacute;raire de son &laquo;&nbsp;art de la conversation&nbsp;&raquo;. En d&rsquo;autres termes, il poursuit selon d&rsquo;autres moyens ce qu&rsquo;il r&eacute;alisait d&eacute;j&agrave; &agrave; l&rsquo;antenne, dans une &eacute;mission au sujet de laquelle, quelques ann&eacute;es plus tard, il livre une confession sans ambages&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">&Agrave; dire vrai, [&hellip;] je n&rsquo;ai voulu <em>Radioscopie</em> que pour combler un vide, apaiser une gourmandise, reconna&icirc;tre des visages, ceux de l&rsquo;&eacute;crivain, et les accorder aux mots, aux musiques qui rythmaient mon enfance lavedanaise, loin des chapelles o&ugrave; tr&ocirc;naient d&eacute;j&agrave; les princes de l&rsquo;&eacute;criture. Je ne pouvais pas pr&eacute;voir ce qui m&rsquo;arriverait mais inconsciemment [&hellip;], il ne fait pas de doute que je me pr&eacute;parais aux &eacute;pousailles &ndash; ce t&ecirc;te-&agrave;-t&ecirc;te quotidien. Comment aurais-je pu imaginer qu&rsquo;un jour je partagerais des heures avec Montherlant, Caillois, Barthes, Sartre, C&eacute;line, Jouhandeau, Delteil le saint, Malraux, Cocteau (en dehors de toute radio), Cohen, Yourcenar, Borg&egrave;s et les autres&nbsp;! L&rsquo;incroyable peut arriver [&hellip;]. Tout vient &agrave; celui qui n&rsquo;attend pas&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Cette r&eacute;duction fantasm&eacute;e de <em>Radioscopie</em> &agrave; une &eacute;mission litt&eacute;raire traduit la persistance d&rsquo;une inclination prononc&eacute;e. Elle se double d&rsquo;une sacralisation de l&rsquo;espace litt&eacute;raire et des &eacute;crivains. Apr&egrave;s avoir &eacute;voqu&eacute; les &laquo;&nbsp;chapelles o&ugrave; tr&ocirc;naient les princes de l&rsquo;&eacute;criture&nbsp;&raquo; &agrave; titre de repoussoir, en d&eacute;signant une valeur litt&eacute;raire tenue pour factice (le <em>topos</em> du parisianisme), Chancel &eacute;voque son travail comme une relation &agrave; la faveur de laquelle se conjuguent l&rsquo;intime et le sacr&eacute; (&laquo;&nbsp;&eacute;pousailles&nbsp;&raquo;). Comment s&rsquo;&eacute;tonner de la caract&eacute;risation dont il use pour d&eacute;signer l&rsquo;un des auteurs de sa liste, le &laquo;&nbsp;saint&nbsp;&raquo; &ndash;&nbsp;par allusion &agrave; un essai d&rsquo;Andr&eacute; de Richaud, <em>Vie de saint Delteil&nbsp;</em><a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>&nbsp;&ndash;, et que la seule mention individualisant un autre &eacute;crivain (Cocteau) pr&eacute;cise qu&rsquo;il a partag&eacute; avec lui des moments &laquo;&nbsp;en dehors de toute radio&nbsp;&raquo; (Cocteau mourant en 1963, ces moments ont &eacute;t&eacute; partag&eacute;s entre 1957 &ndash;&nbsp;date du retour d&rsquo;Asie de Chancel&nbsp;&ndash; et l&rsquo;ann&eacute;e de la mort du po&egrave;te, bien avant le lancement de &laquo;&nbsp;Radioscopie&nbsp;&raquo;), selon une formule qui fait &eacute;cho &agrave; l&rsquo;absence de tout micro&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">Le positionnement de Chancel devant la litt&eacute;rature se fonde ainsi sur une sanctification qui en passe par une revendication de simplicit&eacute; et de familiarit&eacute;, vertus fr&eacute;quemment invoqu&eacute;es dans la constitution de la posture des intervieweurs d&rsquo;&eacute;crivains. Ne revendiquant certes pas explicitement une appartenance au saint des saints, Chancel construit cependant sa posture, dans ses livres et ses d&eacute;clarations publiques, de fa&ccedil;on &agrave; marquer une affinit&eacute; entre sa pratique d&rsquo;intervieweur et le monde litt&eacute;raire. Dans cette optique, il affiche fi&egrave;rement une position d&rsquo;outsider fond&eacute;e sur son origine provinciale. Celle-ci appara&icirc;t comme un gage d&rsquo;authenticit&eacute; au regard de ce qui passe pour le c&oelig;ur de la vie litt&eacute;raire parisienne. Selon un lieu commun du discours mystique, la rencontre avec l&rsquo;espace sacralis&eacute; advient d&rsquo;autant mieux (et de fa&ccedil;on d&rsquo;autant plus m&eacute;rit&eacute;e) qu&rsquo;elle n&rsquo;a pas &eacute;t&eacute; volontairement recherch&eacute;e &ndash;&nbsp;&agrave; ceci pr&egrave;s que, s&rsquo;agissant de Jacques Chancel, pr&eacute;cis&eacute;ment la chose litt&eacute;raire constitue l&rsquo;un des leitmotiv des questions qui le pr&eacute;occupent et au sujet desquelles il interroge volontiers ses invit&eacute;s.</p> <p style="text-align: justify;">Dans un monde plurim&eacute;diatique, les hommes de t&eacute;l&eacute;vision et de radio ne se bornent pas n&eacute;cessairement &agrave; leurs activit&eacute;s au sein de ces m&eacute;dias. Ils peuvent parall&egrave;lement &ecirc;tre des hommes du livre. Comme d&rsquo;autres intervieweurs d&rsquo;&eacute;crivains, Chancel a, outre ses deux romans de jeunesse, publi&eacute; plusieurs volumes. La plupart sont peu ou prou li&eacute;s &agrave; son exp&eacute;rience &agrave; la radio et &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision, de la publication de certaines de ses <em>Radioscopies</em> &agrave; celle de son journal ou de ses m&eacute;moires. Si elles font &eacute;videmment la part belle &agrave; ses activit&eacute;s d&rsquo;intervieweurs et d&rsquo;animateur, ces publications tendent cependant &agrave; infl&eacute;chir sensiblement son statut comme personnalit&eacute; publique, en estompant quelque peu son image de journaliste pour favoriser l&rsquo;&eacute;mergence de celle d&rsquo;&laquo;&nbsp;hommes de lettres&nbsp;&raquo;. Il y assume en effet plus explicitement et plus directement ses aspirations dans la mesure o&ugrave; il se situe au sein d&rsquo;un m&eacute;dium qui reste encore largement per&ccedil;u comme le noyau symbolique de l&rsquo;activit&eacute; litt&eacute;raire. En somme, dans le livre, Chancel prolonge, selon d&rsquo;autres moyens, la proximit&eacute; avec la litt&eacute;rature et les &eacute;crivains dont il fait l&rsquo;un des traits de sa posture d&egrave;s <em>Radioscopie</em>.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="5Le_micro_et_la_plume"><strong>&nbsp;</strong>5.&nbsp;Le micro et la plume</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">De fa&ccedil;on plus marqu&eacute;e que d&rsquo;autres, certains environnements et certaines activit&eacute;s sociales favorisent chez les individus l&rsquo;&eacute;mergence d&rsquo;une pluralit&eacute; d&rsquo;appartenances ou, &agrave; tout le moins d&rsquo;accointances, avec lesquelles il s&rsquo;agit pour eux de composer, au gr&eacute; des circonstances et des opportunit&eacute;s. D&eacute;veloppant sa th&eacute;orie de l&rsquo;acteur pluriel, Bernard Lahire avance l&rsquo;id&eacute;e que les acteurs sociaux subissent au cours de leur vie des types de socialisations multiples, successives ou concomitantes, et que chacune mod&egrave;le des sch&egrave;mes de comportements, dont des conditions particuli&egrave;res favorisent ou permettent l&rsquo;activation&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>. Dans l&rsquo;entretien, les journalistes c&ocirc;toient des acteurs issus d&rsquo;autres domaines. Ils doivent se mettre au service de leur parole, tout en maintenant les normes du discours journalistiques, notamment en sachant se montrer critiques &agrave; leur &eacute;gard s&rsquo;il y a lieu. Dans le cas d&rsquo;une &eacute;mission g&eacute;n&eacute;raliste, les intervieweurs sont donc conduits &agrave; fa&ccedil;onner leur posture au sein du champ journalistique en fonction de leurs interactions avec des intervenants issus de diff&eacute;rents domaines, et qui construisent simultan&eacute;ment leur propre posture en cette occasion.</p> <p style="text-align: justify;">La proximit&eacute; physique que le studio de <em>Radioscopie</em> imposait aux invit&eacute;s, et sur laquelle Chancel est revenu &agrave; plusieurs reprises, de m&ecirc;me que la dur&eacute;e relativement cons&eacute;quente de la formule, favorisent le registre de la conversation souhait&eacute; par l&rsquo;intervieweur. Toutefois, les interventions de celui qui se targuait d&rsquo;accorder davantage d&rsquo;importance aux r&eacute;ponses qu&rsquo;&agrave; ses propres questions sont souvent fort concises. Chancel tend en effet le plus souvent &agrave; la concision. Il se place ainsi en situation d&rsquo;&eacute;coute. D&egrave;s lors, cette pr&eacute;tention conversationnelle de la posture de Chancel para&icirc;t pour le moins discutable, ainsi que l&rsquo;a d&eacute;j&agrave; relev&eacute; Guy Robert&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>. Une conversation en bonne et due forme est, en effet, cens&eacute;e situer les diff&eacute;rents intervenants sur le m&ecirc;me plan, ce qui n&rsquo;est pas tout &agrave; fait le cas chez un intervieweur qui ne laisse jamais les r&ocirc;les s&rsquo;inverser. &laquo;&nbsp;&ldquo;C&rsquo;est moi qui pose les questions&nbsp;!&rdquo; r&eacute;torque-t-il un jour &agrave; l&rsquo;un de ses invit&eacute;s qui s&rsquo;&eacute;tait &eacute;gar&eacute; jusqu&rsquo;&agrave; lui en retourner une (propos r&eacute;v&eacute;lateur, inimaginable dans une conversation de bon ton dans un autre cadre)&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;">Dans le m&ecirc;me temps, Chancel affecte souvent ce versant journalistique de sa posture d&rsquo;une coloration litt&eacute;raire. Rien de surprenant de ce point de vue &agrave; ce que les trois seules &eacute;missions reprises isol&eacute;ment en volume &ndash; par Le Rocher, en 1999 &ndash; concernent des &eacute;crivains (Marguerite Yourcenar, Jorge Luis Borges et Albert Cohen). L&rsquo;image publique tient aussi &agrave; l&rsquo;identit&eacute; de ceux que l&rsquo;on c&ocirc;toie. En l&rsquo;occurrence, le simple fait d&rsquo;accepter un dialogue peut, pour des hommes de langage et de culture, &ecirc;tre la marque de reconnaissance de l&rsquo;appartenance &agrave; un espace commun. L&rsquo;entretien peut en ce sens se pr&eacute;senter comme une forme d&rsquo;adoubement, et rev&ecirc;tir la valeur d&rsquo;une onction pour celui qui recueille la parole d&rsquo;une figure notoire. Sur cette base, que Chancel infl&eacute;chisse fr&eacute;quemment l&rsquo;identit&eacute; de ses invit&eacute;s, en en faisant des &eacute;crivains, contre leur gr&eacute; si n&eacute;cessaire, qu&rsquo;il apparaisse comme quelqu&rsquo;un qui s&rsquo;emploie parfois &agrave; r&eacute;v&eacute;ler &agrave; eux-m&ecirc;mes des &eacute;crivains rentr&eacute;s, &agrave; d&eacute;voiler des aspirations abandonn&eacute;es, lui permet de se pr&eacute;sente comme un familier de la litt&eacute;rature et de ses porte-drapeaux.</p> <p style="text-align: justify;">Cette propension &agrave; faire de ses interlocuteurs des &eacute;crivains qui s&rsquo;ignorent trahit, tant au sein m&ecirc;me de la pratique d&rsquo;intervieweur de Chancel que de ses publications ult&eacute;rieures, un d&eacute;sir d&rsquo;&ecirc;tre &eacute;crivain &ndash; et peut-&ecirc;tre plus pr&eacute;cis&eacute;ment romancier &ndash; qui ne serait autre que le sien. En 2014, au moment de son d&eacute;c&egrave;s, comme de coutume en pareilles circonstances, de nombreuses &eacute;missions, &agrave; la radio et &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision, ainsi que des articles de presse, dressent sa n&eacute;crologie sous la forme d&rsquo;un portrait &agrave; forte teneur biographique. Au sein de ce concert m&eacute;moriel, le texte que Jean-Baptiste de Montvallon a sign&eacute; dans <em>Le Monde</em> porte un titre qui, sans nul doute, aurait &eacute;veill&eacute; l&rsquo;attention de celui qui fut l&rsquo;intervieweur phare des ann&eacute;es 1970&nbsp;: &laquo;&nbsp;Mort de l&rsquo;&eacute;crivain et journaliste Jacques Chancel&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>&nbsp;&raquo;. L&rsquo;ordre dans lequel ces deux activit&eacute;s sont plac&eacute;es aurait certainement ravi celui dont la mani&egrave;re d&rsquo;intervieweur, en m&ecirc;me temps que la posture, tout au long de sa vie m&eacute;diatique, manifeste en filigrane une pr&eacute;dilection qui semble avoir fini par s&rsquo;imposer.</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h3> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a> Dans <em>N&rsquo;oublie pas de vivre</em>, Chancel parle de 3600 &eacute;missions (Paris, Flammarion, 2011), tandis que Robert Prot, dans son <em>Dictionnaire de la radio</em>, &eacute;voque le chiffre de 4800 (Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1999). La notice de l&rsquo;INA relative &agrave; la derni&egrave;re &eacute;mission, consacr&eacute;e &agrave; Jean Bernard, la pr&eacute;sente comme la &laquo;&nbsp;5000<sup>e</sup> et derni&egrave;re <em>Radioscopie</em>&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a> Selon la recension de Guy Robert men&eacute;e sur les cinquante premi&egrave;res &eacute;missions diffus&eacute;es tous les cinq ans, d&eacute;but 1969, huit &laquo;&nbsp;litt&eacute;rateurs&nbsp;&raquo; sont invit&eacute;s (pour huit acteurs, autre cat&eacute;gorie la plus repr&eacute;sent&eacute;e, ainsi qu&rsquo;un &laquo;&nbsp;animateur de radio&nbsp;&raquo;, quatre &laquo;&nbsp;chanteurs&nbsp;&raquo;, cinq &laquo;&nbsp;cin&eacute;astes&nbsp;&raquo;, un &laquo;&nbsp;couturier&nbsp;&raquo;, trois &laquo;&nbsp;danseurs&nbsp;&raquo;, un &laquo;&nbsp;dessinateur&nbsp;&raquo;&hellip;). Cette proportion devient plus forte encore par la suite&nbsp;: d&eacute;but 1974, onze &eacute;crivains (pour quatre acteurs, deux &laquo;&nbsp;administrateurs de soci&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo;, un &laquo;&nbsp;chanteur&nbsp;&raquo; et un &laquo;&nbsp;eccl&eacute;siastique&nbsp;&raquo;&hellip;.)&nbsp;; onze &eacute;galement d&eacute;but 1979 (pour six &laquo;&nbsp;acteurs&nbsp;&raquo;, trois &laquo;&nbsp;chanteurs&nbsp;&raquo;, un &laquo;&nbsp;chef d&rsquo;entreprise&nbsp;&raquo; et un &laquo;&nbsp;cin&eacute;aste&nbsp;&raquo;&hellip;). D&eacute;but 1989, en revanche, cette pr&eacute;dominance n&rsquo;est plus de mise&nbsp;: seuls quatre &eacute;crivains sont invit&eacute;s durant cette p&eacute;riode, pour onze journalistes, cat&eacute;gorie la plus repr&eacute;sent&eacute;e cette ann&eacute;e-l&agrave;. Sans un d&eacute;compte plus syst&eacute;matique, difficile de savoir s&rsquo;il faut y voir le fruit de circonstances particuli&egrave;res ou une v&eacute;ritable inflexion dans la politique des invitations de l&rsquo;&eacute;mission (&laquo;&nbsp;Gens du si&egrave;cle &agrave; micro ouvert. <em>Radioscopie de Jacques Chancel&nbsp;</em>&raquo;, <em>Cahiers d&rsquo;histoire de la radiodiffusion</em>, n&deg;&nbsp;62, octobre-d&eacute;cembre 1999, p.&nbsp;122, 124, 132 et 134).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a> La concurrence lors la cr&eacute;ation de <em>Radioscopie</em> l&rsquo;est sans doute moins encore, puisque RTL diffuse au m&ecirc;me moment <em>Non-Stop</em> de Philippe Bouvard, &eacute;mission qui se targue d&rsquo;&ecirc;tre rien de moins que le &laquo;&nbsp;plus grand music-hall de France&nbsp;&raquo;&hellip; (voir &agrave; ce sujet Jacques Chancel, <em>La Nuit attendra</em>, Paris, Flammarion, 2013).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a> Focalis&eacute; sur les cinq premi&egrave;res ann&eacute;es d&rsquo;existence de l&rsquo;&eacute;mission, cet article constitue un d&eacute;veloppement et un approfondissement des analyses propos&eacute;es au sujet de Jacques Chancel dans une pr&eacute;c&eacute;dente &eacute;tude (voir <strong>David </strong>Martens et Christophe Meur&eacute;e, &laquo;&nbsp;L&rsquo;intervieweur face au discours litt&eacute;raire&nbsp;: strat&eacute;gies de positionnement chez Madeleine Chapsal, Jacques Chancel et Bernard Pivot&nbsp;&raquo;, <em>Argumentation et Analyse du Discours</em>, &laquo;&nbsp;L&rsquo;interview litt&eacute;raire&nbsp;&raquo;, s.&nbsp;dir. Galia Yanoshevsky, n&deg;&nbsp;12, 2014. [En ligne], URL&nbsp;: <a href="http://aad.revues.org/1639" target="_blank">http://aad.revues.org/1639</a>).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a> Voir notamment Galia Yanoshevsky, &laquo;&nbsp;L&rsquo;entretien d&rsquo;&eacute;crivain et la co-construction d&rsquo;une image de soi&nbsp;: le cas de Nathalie Sarraute&nbsp;&raquo;, <em>Revue des sciences humaines,</em> 273, p.&nbsp;131-148.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a> Voir Catherine Kerbrat-Orecchioni, <em>Le Discours en interaction</em>, Paris, Armand Colin, 2005.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a> Anneleen Masschelein, Christophe Meur&eacute;e, David Martens &amp; Stephanie Vanasten, &laquo;&nbsp;The Literary Interview&nbsp;: Toward a Poetics of a Hybrid Genre&nbsp;&raquo;, <em>Poetics Today</em>, n&deg;&nbsp;35, p.&nbsp;1-49. Sur la notion de posture mobilis&eacute;e dans l&rsquo;&eacute;tude de la litt&eacute;rature, voir en particulier J&eacute;r&ocirc;me Meizoz, <em>P<em>ostures litt&eacute;raires. Mises en sc&egrave;ne modernes de l&rsquo;auteur</em></em>, Gen&egrave;ve, Slatkine, &laquo;&nbsp;&Eacute;rudition&nbsp;&raquo;, 2007, <em>La Fabrique des singularit&eacute;s. Postures litt&eacute;raires II</em>, Gen&egrave;ve, Slatkine, &laquo;&nbsp;&Eacute;rudition&nbsp;&raquo;, 2011, ainsi que &laquo;&nbsp;La fabrique d&rsquo;une notion. Entretien avec J&eacute;r&ocirc;me Meizoz au sujet du concept de posture&nbsp;&raquo;, propos recueillis par David Martens, <em>Interf&eacute;rences litt&eacute;raires/Literaire interferenties</em>, n&deg;&nbsp;6, mai 2011, p.&nbsp;199-212.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a> Il existe bien &eacute;videmment des &eacute;missions qui n&rsquo;accordent aucun traitement de faveur aux &eacute;crivains, jamais invit&eacute;s ni interrog&eacute;s pour leur &oelig;uvre mais seulement pour parler des m&oelig;urs de la vie litt&eacute;raire ou de tout autre chose, et en somme sollicit&eacute;s prioritairement, &agrave; l&rsquo;instar des autres interview&eacute;s, pour leur capacit&eacute; &agrave; faire passer un bon moment &agrave; l&rsquo;auditeur, &eacute;ventuellement avec un alibi culturel en prime.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a> Jacques Chancel, <em>Journal d&rsquo;un voyeur</em>, Paris, Grasset, 1994, p.&nbsp;46.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a> &laquo;&nbsp;&ldquo;L&rsquo;instinct de curiosit&eacute;&rdquo;. Jacques Chancel interview&eacute; par Edmond Morrel&nbsp;&raquo;, dans David Martens &amp; Christophe Meur&eacute;e, <em>Secrets d&rsquo;&eacute;crivains. Enqu&ecirc;te sur les entretiens litt&eacute;raires</em>, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2014, p.&nbsp;91.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a> De fa&ccedil;on notable, dans la version &eacute;crite de cet entretien, Chancel supprime le nom de la figure cin&eacute;matographique pour ne conserver que celle des deux &eacute;crivains du canon litt&eacute;raire fran&ccedil;ais (Jacques Chancel, <em>Radioscopie</em>, Paris, Robert Laffont, t.&nbsp;3, 1973, p.&nbsp;267).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a> Albert Naud, <em>Peau d&rsquo;orange ou l&rsquo;&eacute;cole du soir</em>, Paris, Grasset, 1951.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a> Guy Robert, art. cit., p.&nbsp;108.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a> &laquo;&nbsp;&ldquo;L&rsquo;instinct de curiosit&eacute;&rdquo;. Jacques Chancel interview&eacute; par Edmond Morrel&nbsp;&raquo;, <em>art. cit.</em>, p.&nbsp;92.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a> Jacques Chancel, <em>Radioscopie</em>, Paris, Robert Laffont, t.&nbsp;1, 1970, p.&nbsp;12.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a> David Martens et Christophe Meur&eacute;e, &laquo;&nbsp;Ceci n&rsquo;est pas une interview. Litt&eacute;rarit&eacute; conditionnelle de l&rsquo;entretien d&rsquo;&eacute;crivain&nbsp;&raquo;, <em>Po&eacute;tique</em>, n&deg; 177, 2015, p.&nbsp;113-130.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a> Jacques Chancel, <em>Le Temps d&rsquo;un regard</em>, Paris, Hachette, 1978, p.&nbsp;225-226.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a> Cit&eacute; dans Guy Robert, art. cit., p.&nbsp;133.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a> Voir Emmanuel Godo, <em>Histoire de la conversation</em>, Paris, PUF, &laquo;&nbsp;Perspectives litt&eacute;raires&nbsp;&raquo;, 2003.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a> Jacques Chancel, <em>Radioscopie</em>, Paris, Robert Laffont, t.&nbsp;2, 1971, p.&nbsp;8. Je souligne.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a> Jacques Chancel, <em>Le Livre franc</em>, avec Hubert Nyssen et les invit&eacute;s de &laquo;&nbsp;Parenth&egrave;ses&nbsp;&raquo;, Arles, Actes Sud/France Inter, 1983, p.&nbsp;16-17.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a> Andr&eacute; de Richaud, <em>Vie de saint Delteil</em>, Cognac, Calligrammes &amp; Le Temps qu&rsquo;il fait, 1984.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a> &laquo;&nbsp;D&egrave;s lors qu&rsquo;un acteur a &eacute;t&eacute; plac&eacute;, simultan&eacute;ment ou successivement, au sein d&rsquo;une pluralit&eacute; de mondes sociaux non homog&egrave;nes, et parfois m&ecirc;me contradictoires, ou au sein d&rsquo;univers sociaux relativement coh&eacute;rents mais pr&eacute;sentant, sur certains aspects, des contradictions, alors on a affaire &agrave; un acteur au stock de sch&egrave;mes d&rsquo;actions ou d&rsquo;habitudes non homog&egrave;ne, non unifi&eacute; et aux pratiques cons&eacute;quemment h&eacute;t&eacute;rog&egrave;nes (et m&ecirc;me contradictoires), variant selon le contexte social dans lequel il sera amen&eacute; &agrave; &eacute;voluer&nbsp;&raquo; (Bernard Lahire, <em>L&rsquo;Homme pluriel. Les ressorts de l&rsquo;action</em> (2001), Paris, Fayard, &laquo;&nbsp;Pluriel&nbsp;&raquo;, 2011, p.&nbsp;50).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a> Guy Robert, <em>art. cit.</em>, p. 141.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a> <em>Ibid.</em>, p. 172.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a> [En ligne]&nbsp;: http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2014/12/23/l-ecrivain-et-journaliste-jacques-chancel-est-mort_4545253_3382.html</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="Auteur">Auteur</span></h3> <p style="text-align: justify;"><strong>David Martens,</strong> professeur de litt&eacute;rature fran&ccedil;aise moderne et contemporaine &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; de Louvain (KU Leuven), o&ugrave; il assure la direction du programme &laquo; La Fabrique du patrimoine litt&eacute;raire. Les collections d&rsquo;essais biographiques illustr&eacute;s en France (1944-2014) &raquo;. Ses travaux portent sur la figure de l&rsquo;&eacute;crivain telle qu&rsquo;elle se constitue, se communique, se m&eacute;diatise dans le champ litt&eacute;raire et plus largement culturel de son temps&nbsp;: <em>L&rsquo;&Eacute;crivain vu par la photographie</em> (2017), <em>Secrets d&rsquo;&eacute;crivains. Enqu&ecirc;te sur les entretiens litt&eacute;raires</em> (2014), <em>&Eacute;crivains : modes d&rsquo;emploi</em> (2012). <em>L&rsquo;&eacute;crivain, un objet culturel</em> (2012). Il a conduit un colloque sur <em>L&rsquo;interview litt&eacute;raire</em>&nbsp;dont les actes vont para&icirc;tre aux PUR.</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>Copyright</strong></h3> <p style="text-align: justify;">Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p> </div>