<div class="entry-content"> <h3>Abstract</h3> <p>This paper analyses interviews of writers in a French late-night cultural radio show on France Inter station:&nbsp;<i>Le Pop Club</i>, hosted by Jos&eacute; Artur, from a corpus of 4 archives with Max Gallo (10<sup>th</sup>&nbsp;of June), R&eacute;gine Deforges (1<sup>st</sup>&nbsp;of August 1985), Fernando Arrabal (30<sup>th</sup>&nbsp;of June 1987) and Fran&ccedil;oise Sagan (26<sup>th</sup>&nbsp;of June 1987). After a presentation of the rather insolent style of this broadcast and of the particular reception Jose Artur reserves to the writers, we&nbsp;show that the&nbsp;<i>Pop Club</i>&nbsp;offers to&nbsp;its listeners the revealing of intimate words, as well as a quite concrete approach of the creative process and some interesting thoughts about writing practice.</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p class="meta-tags">radio interviews, <em>Le Pop Club</em>, Jos&eacute; Artur, France Inter, cultural news broadcast, interviews of writers, late-night radio</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;"><em>Le</em> <em>Pop Club</em> est une &eacute;mission radiophonique d&rsquo;actualit&eacute; culturelle &ndash; dans un sens tr&egrave;s large&nbsp;&ndash; cr&eacute;&eacute;e &agrave; la rentr&eacute;e 1965 sur France Inter, &agrave; un moment o&ugrave; la station g&eacute;n&eacute;raliste du service public, souffrant de la concurrence d&rsquo;Europe n&deg;1, cherche &agrave; se renouveler&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>. Elle est anim&eacute;e jusqu&rsquo;&agrave; sa fin en 2005 par Jos&eacute; Artur, homme de radio charismatique et original&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>. Elle a lieu tous les soirs de la semaine en direct, d&rsquo;abord entre 23 heures et une heure du matin, puis d&egrave;s 22 heures, l&rsquo;&eacute;mission s&rsquo;&eacute;talant alors sur trois heures&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>. La diffusion quotidienne si tardive d&rsquo;un programme en direct avec des invit&eacute;s est alors quelque chose d&rsquo;in&eacute;dit, m&ecirc;me si des &eacute;missions parl&eacute;es ou artistiques ont d&eacute;j&agrave; r&eacute;guli&egrave;rement eu lieu en direct depuis des cabarets ou des lieux nocturnes&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>. <em>Le Pop Club</em> n&rsquo;est pas diffus&eacute; depuis un studio traditionnel mais depuis le Bar noir de la Maison de la Radio, ouvert au public chaque soir&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>. Il devient rapidement un symbole des nuits parisiennes, &laquo;&nbsp;le rendez-vous de ce qu&rsquo;il est convenu d&rsquo;appeler le Tout Paris&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>&nbsp;&raquo;. Les auditeurs peuvent venir assister &agrave; l&rsquo;&eacute;mission tout en buvant un verre, tout comme les invit&eacute;s de Jos&eacute; Artur, confortablement install&eacute;s sur les banquettes de ce bar de la Maison ronde. &Agrave; l&rsquo;heure de la sortie des spectacles, l&rsquo;animateur re&ccedil;oit &agrave; son micro des com&eacute;diens, des metteurs en sc&egrave;ne, des musiciens, mais aussi des &eacute;crivains, des sportifs, ou encore des hommes politiques. Ce m&eacute;lange des genres est alors relativement nouveau. En effet, si certaines &eacute;missions d&rsquo;actualit&eacute;s culturelles radiophoniques, ou t&eacute;l&eacute;visuelles, invitent d&eacute;j&agrave; des artistes de disciplines diverses, il n&rsquo;est pas commun de r&eacute;unir sur un m&ecirc;me plateau des individus d&rsquo;horizons vraiment diff&eacute;rents. Mais Jos&eacute; Artur entend supprimer &laquo;&nbsp;les cloisons &eacute;tanches&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>&nbsp;&raquo; qui compartimentent alors selon lui la vie m&eacute;diatique&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Ma th&eacute;orie c&rsquo;est qu&rsquo;on peut aimer Yvette Horner le mardi et aller au concert le lendemain de la Callas, et qu&rsquo;on peut aimer les deux autant. [&hellip;] On peut passer une soir&eacute;e formidable avec Pablo Neruda et le lendemain entendre Zavatta parler de son cirque&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Une conception des go&ucirc;ts du public partag&eacute;e dans le fond, apr&egrave;s-guerre, par Wladimir Porch&eacute; et Paul Gilson, respectivement Directeur-g&eacute;n&eacute;ral et Directeur des programmes artistiques de la RDF puis RTF. De fait, <em>Le Pop Club</em> s&rsquo;inscrit &agrave; sa mani&egrave;re dans la continuit&eacute; des &eacute;missions de vari&eacute;t&eacute;s litt&eacute;raires des ann&eacute;es cinquante, dont celles de Philippe Soupault et Jean Chouquet (<em>Le Th&eacute;&acirc;tre o&ugrave; l&rsquo;on s&rsquo;amuse</em>&nbsp;; <em>Dimanche dans un fauteuil&hellip;</em>), pour lesquelles Jos&eacute; Artur a d&rsquo;ailleurs travaill&eacute; comme com&eacute;dien ou pr&eacute;sentateur.</p> <p style="text-align: justify;">Dans cet article, nous nous proposons d&rsquo;&eacute;tudier les entretiens d&rsquo;&eacute;crivain dans le <em>Pop Club</em>, qui ont &eacute;t&eacute; nombreux&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>. Malheureusement, le chercheur travaillant sur des &eacute;missions radiophoniques est souvent confront&eacute; &agrave; un d&eacute;ficit d&rsquo;archives sonores, encore plus lorsqu&rsquo;il s&rsquo;agit de programmes nocturnes ou tardifs. Pour <em>Le Pop Club</em> en particulier, tr&egrave;s peu d&rsquo;enregistrements des vingt premi&egrave;res ann&eacute;es ont &eacute;t&eacute; conserv&eacute;s&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>. L&rsquo;Ina a conserv&eacute; moins d&rsquo;une dizaine d&rsquo;&eacute;missions avant 1985, rarement dans leur int&eacute;gralit&eacute;, et dans ces archives sonores, on ne trouve aucun entretien avec un &eacute;crivain&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>. Afin de travailler &agrave; partir des &eacute;missions elles-m&ecirc;mes, nous utiliserons donc ici comme corpus les quatre premi&egrave;res interviews d&rsquo;&eacute;crivain conserv&eacute;es &agrave; l&rsquo;Ina, qui font intervenir respectivement Max Gallo (1<sup>er</sup> juin 1985), R&eacute;gine Deforges (1<sup>er</sup> ao&ucirc;t 1985), Fernando Arrabal (30 juin 1987) et Fran&ccedil;oise Sagan (26 juin 1987). Il convient de pr&eacute;ciser qu&rsquo;&agrave; cette date, le concept d&rsquo;une &eacute;mission d&rsquo;actualit&eacute; culturelle qui m&eacute;lange des genres, novateur vingt ans plus t&ocirc;t, est alors devenu monnaie courante, &agrave; la radio comme &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision. D&eacute;sormais, les <em>talk-shows,</em> m&ecirc;lant divertissement et culture, forment une part non n&eacute;gligeable des &eacute;missions. Nous nous demanderons s&rsquo;il existe un mod&egrave;le d&rsquo;entretien sp&eacute;cifique aux &eacute;crivains dans <em>Le Pop Club</em>. Comment Jos&eacute; Artur, en tant qu&rsquo;animateur d&rsquo;une &eacute;mission culturelle et non litt&eacute;raire, les re&ccedil;oit-il&nbsp;? Apr&egrave;s une pr&eacute;sentation du style provocateur de l&rsquo;&eacute;mission et de l&rsquo;accueil particulier que son animateur r&eacute;serve aux &eacute;crivains, nous verrons que <em>Le Pop Club</em> offre aux auditeurs le d&eacute;voilement d&rsquo;une parole intime, mais aussi une approche assez concr&egrave;te du processus cr&eacute;atif.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="1_Entre_provocation_et_complicite">1. Entre provocation et complicit&eacute;</span><br /> &nbsp;</h2> <h3 style="text-align: justify;"><span id="11A_lecole_de_la_muflerie">1.1.&nbsp;&Agrave; l&rsquo;&eacute;cole de la muflerie</span></h3> <p style="text-align: justify;"><em>Le Pop Club</em> est une &eacute;mission culturelle dans laquelle les &eacute;crivains sont en bonne place. Com&eacute;dien d&rsquo;origine, Jos&eacute; Artur en re&ccedil;oit certes moins souvent &agrave; son micro que des acteurs ou des metteurs en sc&egrave;ne&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>, mais sans avoir rien d&rsquo;un lettr&eacute; ou d&rsquo;un critique litt&eacute;raire, cet &laquo;&nbsp;enfant de Pr&eacute;vert&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>&nbsp;&raquo;, dont il a &eacute;t&eacute; ami, est un amateur de litt&eacute;rature, qui s&rsquo;est cultiv&eacute; sur le tard&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>. Il affectionne tout particuli&egrave;rement l&rsquo;objet livre (&laquo;&nbsp;J&rsquo;adore les livres, ne serait-ce au d&eacute;part que pour les toucher, les regarder&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>&nbsp;&raquo;) et tout ce qui gravite autour de l&rsquo;univers de l&rsquo;&eacute;dition (il donne r&eacute;guli&egrave;rement la parole &agrave; des &eacute;diteurs, des directeurs de collection). Dans <em>Micro de nuit</em>, ses m&eacute;moires parus en 1974, il &eacute;num&egrave;re certains des &eacute;crivains re&ccedil;us depuis 1965&nbsp;: Marcel Achard, Arthur Adamov, Miguel &Aacute;ngel Asturias&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>, Fernando Arrabal, Ionesco, Henry de Monfreid, Pablo Neruda, Albertine Sarrazin, Jean-Paul Sartre, Peter Ustinov&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>&hellip; &nbsp;Et, d&rsquo;apr&egrave;s les archives sonores dont on dispose du moins, ces invit&eacute;s-l&agrave;, les &eacute;crivains, b&eacute;n&eacute;ficient d&rsquo;un temps d&rsquo;interview sp&eacute;cialement long&nbsp;: Jos&eacute; Artur les garde environ une heure &agrave; son micro&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>, quand les autres invit&eacute;s, com&eacute;diens ou metteurs en sc&egrave;ne par exemple, n&rsquo;ont g&eacute;n&eacute;ralement droit qu&rsquo;&agrave; une dizaine ou quinzaine de minutes pour pr&eacute;senter leur pi&egrave;ce ou leur dernier film&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>. Cela dit, la mani&egrave;re dont Artur m&egrave;ne l&rsquo;entretien avec les &eacute;crivains ne donne pas l&rsquo;impression qu&rsquo;il adopte pour parler avec eux un autre langage que celui qui r&egrave;gle le &laquo;&nbsp;th&eacute;&acirc;tre&nbsp;&raquo; de la parole dans l&rsquo;&eacute;mission&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>. &laquo;&nbsp;Vous vous souvenez du premier <em>bouquin</em>, enfin du premier livre de <em>gosse</em> qui vous a marqu&eacute; ?&nbsp;&raquo;, lance-t-il &agrave; R&eacute;gine Deforges dans les premi&egrave;res minutes de leur dialogue. &Agrave; Max Gallo aussi il parle de son &laquo;&nbsp;bouquin&nbsp;&raquo;. D&egrave;s sa cr&eacute;ation, <em>Le Pop Club</em> veut innover dans le style, en assumant la familiarit&eacute; spontan&eacute;e, la d&eacute;contraction, la crudit&eacute; souvent aussi d&rsquo;un langage &laquo;&nbsp;entre copains&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>&nbsp;&raquo;, sans rien &ndash; ou presque &ndash; d&rsquo;&eacute;crit &agrave; l&rsquo;avance&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Car <em>Le Pop Club</em>, d&egrave;s ses d&eacute;buts au milieu des ann&eacute;es soixante, assume un style de conversation li&eacute; &agrave; un r&ocirc;le&nbsp;: le personnage du provocateur, lui-m&ecirc;me nourri de la personnalit&eacute; atypique de l&rsquo;animateur. &laquo;&nbsp;En 1965, pour se faire entendre, il fallait provoquer beaucoup&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>&nbsp;&raquo; affirme Jos&eacute; Artur. Roland Dhordain, premier concepteur de l&rsquo;&eacute;mission, distinguait &laquo;&nbsp;deux &eacute;coles de l&rsquo;interview, l&rsquo;&eacute;cole de la muflerie et celle de la courtoisie&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;: Jos&eacute; Artur pratique tr&egrave;s d&eacute;lib&eacute;r&eacute;ment la premi&egrave;re. Il tourne le dos expr&egrave;s &agrave; cet art civil de la courtoisie que revendique au contraire Jacques Chancel dans <em>Radioscopie</em>, s&rsquo;inscrivant dans la tradition d&rsquo;insolence d&rsquo;un certain type d&rsquo;interview de presse &eacute;crite&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a> et dans le sillage d&rsquo;intervieweurs comme Andr&eacute; Gillois&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>, en connivence avec d&rsquo;autres animateurs d&eacute;cal&eacute;s ou irr&eacute;v&eacute;rencieux de son temps tels Robert Beauvais, Pierre Desgraupes, Pierre Bouteiller ou encore Claude Villers&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>. R&eacute;guli&egrave;rement, l&rsquo;&eacute;mission fait ainsi scandale, provoque la bien-pensance, s&rsquo;amuse &agrave; bousculer les codes de savoir-vivre de la radio publique d&rsquo;alors&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>. En 1966, le journal <em>Paris Jour</em> qualifie <em>Le Pop Club</em> &laquo;&nbsp;d&rsquo;&eacute;mission la plus os&eacute;e de l&rsquo;ORTF&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>&nbsp;&raquo;. En 1967, <em>Le Monde</em> trouve son animateur assez irritant parfois&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>. Mais deux ans plus tard, apr&egrave;s les &eacute;v&eacute;nements de Mai 68, il approuve la libert&eacute; de ton d&rsquo;un programme qui repose sur &laquo;&nbsp;un certain esprit de contradiction&nbsp;&raquo;, parce qu&rsquo;il &laquo;&nbsp;y a des choses essentielles &agrave; dire qui ne sont pas dites en d&rsquo;autres lieux&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Il n&rsquo;est donc pas rare que les personnalit&eacute;s interrog&eacute;es par Jos&eacute; Artur soient vex&eacute;es par son franc-parler et ses provocations&nbsp;<a href="#_ftn32" name="_ftnref32">[32]</a>. L&rsquo;animateur s&rsquo;amuse &agrave; les d&eacute;sar&ccedil;onner, &agrave; les faire sortir de leur &laquo;&nbsp;zone de confort&nbsp;&raquo;, parfois d&egrave;s le d&eacute;but de l&rsquo;interview. Dans les quatre entretiens de notre corpus, le dialogue commence ainsi trois fois sur quatre sur un d&eacute;faut, suppos&eacute; ou non, de l&rsquo;&eacute;crivain invit&eacute;. C&rsquo;est le &laquo;&nbsp;style feutr&eacute;&nbsp;&raquo; de Fran&ccedil;oise Sagan &ndash;&nbsp;dont Jos&eacute; Artur dit pourtant quelques minutes plus tard qu&rsquo;elle est le seul &eacute;crivain fran&ccedil;ais &agrave; pouvoir se vanter du statut de &laquo;&nbsp;star&nbsp;&raquo;&nbsp;: elle parle tr&egrave;s bas et peut &ecirc;tre bien difficile &agrave; comprendre.</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Jos&eacute; Artur &ndash; Fran&ccedil;oise Sagan, ce qu&rsquo;on peut dire de vous et qui a &eacute;t&eacute; &eacute;crit parfois, c&rsquo;est que vous savez parler et que vous savez &eacute;crire &agrave; voix basse, au fond, on pourrait dire&hellip; C&rsquo;est-&agrave;-dire que vous avez un style feutr&eacute;. &Agrave; la ville on vous comprend pas toujours, c&rsquo;est un probl&egrave;me.</p> <p style="text-align: justify;">Fran&ccedil;oise Sagan &ndash; Rarement m&ecirc;me, c&rsquo;est peut-&ecirc;tre mieux.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; D&rsquo;accord&hellip; Mais quand on vous parle il faut &ecirc;tre en face de vous. <em>[Rires].</em> On vous l&rsquo;a reproch&eacute; beaucoup.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; C&rsquo;est pour &ccedil;a que j&rsquo;ai &eacute;crit des livres, pour communiquer avec mon prochain.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">C&rsquo;est le &laquo;&nbsp;caract&egrave;re de cochon&nbsp;&raquo; de Max Gallo&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Max Gallo, nous allons passer ensemble cinquante-cinq minutes. Vous avez&hellip; [<em>il rit, puis se reprend</em>]. Oui&hellip; Vous allez voir, c&rsquo;est pas fini&hellip; Vous avez toujours ce caract&egrave;re de cochon qui vous caract&eacute;rise, ou pas&nbsp;? Oui, parce que je vous ai dit &ccedil;a un jour et vous ne l&rsquo;avez pas dig&eacute;r&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn33" name="_ftnref33">[33]</a>&hellip;</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">C&rsquo;est l&rsquo;alcool et le cigare avec Fernando Arrabal&nbsp;<a href="#_ftn34" name="_ftnref34">[34]</a>, attaqu&eacute; d&egrave;s la premi&egrave;re minute&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Jos&eacute; Artur &ndash; Ah &ccedil;a y est, il commence &agrave; boire d&eacute;j&agrave;, d&egrave;s le d&eacute;part. Vous buvez vraiment beaucoup ou c&rsquo;est&nbsp;?&hellip; Trop, s&ucirc;rement&hellip; Mais vous buvez vraiment tout le temps&nbsp;? Un petit peu&nbsp;? Pas de grandes gorg&eacute;es&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">Fernando Arrabal &ndash; Tr&egrave;s peu, tr&egrave;s peu. Parce que j&rsquo;ai peur.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Alors vous fumez, vous fumez le cigare, et vous buvez, quand vous avez peur&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Oui.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Et avec votre caract&egrave;re vous avez peur tout le temps&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; En public.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; En public&hellip; Mais chez vous, vous fumez pas et vous buvez pas beaucoup&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Jamais. Je bois jamais, je fume jamais</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Ah ben &ccedil;a, c&rsquo;est bien&nbsp;<a href="#_ftn35" name="_ftnref35">[35]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Citons aussi, dans cette veine, un reportage t&eacute;l&eacute;visuel de 1974 consacr&eacute; au<em> Pop Club&nbsp;</em><a href="#_ftn36" name="_ftnref36">[36]</a>. Jos&eacute; Artur y re&ccedil;oit Jean d&rsquo;Ormesson. C&rsquo;est la premi&egrave;re fois que les deux hommes se rencontrent, et l&rsquo;animateur d&eacute;clare &agrave; l&rsquo;&eacute;crivain&nbsp;: &laquo;&nbsp;Vous n&rsquo;avez pas le physique du livre que vous avez fait, vous avez un c&ocirc;t&eacute; jeune premier&nbsp;&raquo;, avant de lui avouer qu&rsquo;il ne l&rsquo;appr&eacute;ciait pas avant de le rencontrer. Le journaliste de T&eacute;l&eacute; Normandie r&eacute;alisant ce reportage, &agrave; l&rsquo;occasion d&rsquo;un <em>Pop Club</em> estival &agrave; Deauville, demande &agrave; Jean d&rsquo;Ormesson ce qu&rsquo;il pense de Jos&eacute; Artur, ce &agrave; quoi l&rsquo;&eacute;crivain r&eacute;pond&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Eh bien je pense deux choses de Jos&eacute; Artur. Je pense qu&rsquo;il a des pr&eacute;jug&eacute;s qui risquent de lui co&ucirc;ter tr&egrave;s cher, et ensuite qu&rsquo;il a beaucoup de jugement. [&hellip;] D&rsquo;abord il a des pr&eacute;jug&eacute;s qui risquent de lui co&ucirc;ter tr&egrave;s cher parce qu&rsquo;il m&rsquo;a avou&eacute; qu&rsquo;il ne me trouvait pas tr&egrave;s sympathique avant de me conna&icirc;tre. Mais il a beaucoup de jugement parce qu&rsquo;il vient de me dire, finalement, maintenant qu&rsquo;il me conna&icirc;t, il me trouve tr&egrave;s sympathique, et tout de m&ecirc;me, &ccedil;a c&rsquo;est un bon point pour lui&nbsp;<a href="#_ftn37" name="_ftnref37">[37]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">De fait, Jos&eacute; Artur aime dire ce qu&rsquo;il pense, peu importe si ses propos doivent choquer ou vexer ses interlocuteurs. Au contraire, il s&rsquo;amuse &agrave; faire preuve d&rsquo;ironie et de mordant. Dans son dernier ouvrage de m&eacute;moires, paru en 2009, il justifie sa pratique jug&eacute;e parfois agressive de l&rsquo;entretien&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Tout ne doit pas &ecirc;tre lisse, dans une &eacute;mission, sinon on s&rsquo;endort. Il faut critiquer, asticoter, titiller, faire sortir l&rsquo;invit&eacute; de son discours appris par c&oelig;ur et le mettre en face de ses responsabilit&eacute;s. S&rsquo;il est bon &ndash;&nbsp;et surtout sinc&egrave;re&nbsp;&ndash;, il s&rsquo;en sortira. [&hellip;]</p> <p style="text-align: justify;">J&rsquo;agressais, en jouant du contre-pied comme d&rsquo;une arme, pour sortir mes invit&eacute;s de leurs appr&eacute;hensions, obtenir des ripostes &laquo;&nbsp;naturelles&nbsp;&raquo; et faire oublier le micro. C&rsquo;&eacute;tait un moyen de donner du sel aux conversations et un rythme &agrave; l&rsquo;&eacute;mission&nbsp;<a href="#_ftn38" name="_ftnref38">[38]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Chaque entretien du corpus est entrecoup&eacute; de musiques choisies par l&rsquo;invit&eacute;(e), choix que l&rsquo;animateur n&rsquo;h&eacute;site parfois pas &agrave; critiquer ou &agrave; remettre en question. Il demande par exemple &agrave; Max Gallo, qui a choisi un morceau de Mozart&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&rsquo;est pour faire chic ou vous aimez vraiment Mozart&nbsp;<a href="#_ftn39" name="_ftnref39">[39]</a>&nbsp;?&nbsp;&raquo; &Agrave; R&eacute;gine Deforges, qui a choisi une chanson interpr&eacute;t&eacute;e par Robert Mitchum, il demande si elle aime les hommes qui boivent. Irrit&eacute;e par son insistance &agrave; parler de l&rsquo;alcoolisme de Robert Mitchum, elle hausse un peu la voix&nbsp;: &laquo;&nbsp;Oh &ccedil;a va, vous n&rsquo;allez pas casser mon truc&nbsp;!&nbsp;&raquo;, tandis que Max Gallo se justifie calmement en affirmant qu&rsquo;il appr&eacute;cie r&eacute;ellement Mozart.</p> <p style="text-align: justify;">Avec les femmes, Artur investit aussi volontiers le terrain de la sexualit&eacute;, &agrave; coups de jeux de mots grivois ou l&eacute;gers&nbsp;<a href="#_ftn40" name="_ftnref40">[40]</a>. L&rsquo;entretien tourne parfois au jeu de s&eacute;duction. Notons ici le ton irr&eacute;v&eacute;rencieux et badin&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Jos&eacute; Artur &ndash; La jeune R&eacute;gine Deforges s&rsquo;est mari&eacute;e &agrave; un industriel, et a vendu des po&egrave;mes dans la rue, c&rsquo;est vrai&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">R&eacute;gine Deforges &ndash; Oui, c&rsquo;est vrai. Oh c&rsquo;&eacute;tait l&rsquo;horreur, j&rsquo;&eacute;tais nulle, nulle, nulle&nbsp;!</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;&ndash; Dites bien &laquo;&nbsp;nu-lle&nbsp;&raquo;, parce que comme c&rsquo;est R&eacute;gine Deforge on va dire &laquo;&nbsp;J&rsquo;&eacute;tais nue&nbsp;!&nbsp;&raquo;&hellip; <em>[Elle &eacute;clate de rire]</em>&hellip; et on vous imagine en train de vendre vos po&egrave;mes nue dans la rue&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Non, je n&rsquo;aurais pas os&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;poque.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Articulez, articulez&nbsp;! &laquo;&nbsp;J&rsquo;&eacute;tais nu-lle&nbsp;!&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; J&rsquo;&eacute;tais nulle&nbsp;!</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Deforges se montre globalement plut&ocirc;t r&eacute;ceptive aux provocations de son interlocuteur, et capable de r&eacute;pondre du tac au tac en se pla&ccedil;ant sur son terrain, comme ici&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">R&eacute;gine Deforges&nbsp;&ndash; Ma famille c&rsquo;&eacute;tait des gens tr&egrave;s tr&egrave;s simples, qui tiraient plus souvent le diable par la queue qu&rsquo;autre chose&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">Jos&eacute; Artur &ndash; Et un jour vous vous &ecirc;tes dit, pourquoi par la queue&nbsp;? [<em>Rires</em>]</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Pourquoi toujours le diable, peut-&ecirc;tre&nbsp;?! [<em>Rires</em>].</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Et finalement, tous les &eacute;crivains du corpus semblent assez bien r&eacute;agir &agrave; la pratique &laquo;&nbsp;Pop Club&nbsp;&raquo; de l&rsquo;agression, de l&rsquo;humour et des provocations, sauf peut-&ecirc;tre l&rsquo;historien Max Gallo. On le voit ici d&eacute;contenanc&eacute; par les blagues quelque peu vexatoires de Jos&eacute; Artur sur sa grande taille (notons en passant son art des encha&icirc;nements et de la relance). Il r&eacute;pond sur un ton d&rsquo;abord tr&egrave;s s&eacute;rieux, avant de se d&eacute;rider finalement quand il trouve un angle dr&ocirc;le pour amuser &agrave; son tour les auditeurs&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Jos&eacute; Artur&nbsp;&ndash; &Agrave; propos de Tour Eiffel tout &agrave; l&rsquo;heure, c&rsquo;est vrai que vous mesurez 1 m&egrave;tre 93&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">Max Gallo &ndash;&nbsp;Eh oui&hellip; exactement.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; &Ccedil;a doit vous aider, &ccedil;a doit &ecirc;tre tr&egrave;s agr&eacute;able, quand on est dans une foule&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">&ndash;&nbsp;Non&hellip; je n&rsquo;sais pas, &ccedil;a d&eacute;pend&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash;&nbsp;On a de l&rsquo;oxyg&egrave;ne, toujours&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Il y a des tas de p&eacute;riodes de la vie o&ugrave; on souhaiterait &ecirc;tre au contraire beaucoup plus&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash;&nbsp;Ah ben &agrave; l&rsquo;arm&eacute;e, &agrave; l&rsquo;arm&eacute;e vaut mieux pas sortir du rang&nbsp;!</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; &hellip; discret et passer inaper&ccedil;u et&hellip; Mais en m&ecirc;me temps c&rsquo;est pas d&eacute;sagr&eacute;able, parce qu&rsquo;on regarde les gens toujours de haut en bas [<em>rires</em>].</p> </blockquote> <h3 style="text-align: justify;"><span id="12_Un_bavard_qui_sait_ecouter">1.2. Un bavard qui sait &eacute;couter</span></h3> <p style="text-align: justify;">Autre trait caract&eacute;ristique de la mani&egrave;re &laquo;&nbsp;Pop Club&nbsp;&raquo; de mener des interviews&nbsp;: Jos&eacute; Artur occupe le terrain de la parole. Il est volubile, n&rsquo;h&eacute;site pas &agrave; couper la parole &agrave; ses interlocuteurs et &agrave; parler plus qu&rsquo;eux parfois &ndash;&nbsp;il se vante d&rsquo;avoir invent&eacute; l&rsquo;&laquo;&nbsp;interview-monologue&nbsp;<a href="#_ftn41" name="_ftnref41">[41]</a>&nbsp;&raquo;. Marguerite Duras, &eacute;crira-t-il plus tard avec humour, aurait &eacute;t&eacute; &laquo;&nbsp;une des rares &agrave; avoir pu [lui] couper la parole&nbsp;<a href="#_ftn42" name="_ftnref42">[42]</a>&nbsp;&raquo;. Cette attitude de bavard lui vaut de nombreuses critiques, notamment de la part d&rsquo;auditeurs qui lui reprochent de prendre trop de place, tel Pierre, &eacute;l&egrave;ve de Terminale fervent adepte de l&rsquo;&eacute;mission, qui lui &eacute;crit en 1968&nbsp;: &laquo;&nbsp;Jos&eacute;, vous parlez trop, tout le monde vous le dit, faites donc quelque chose&nbsp;<a href="#_ftn43" name="_ftnref43">[43]</a>.&nbsp;&raquo; &Agrave; Fernando Arrabal, Jos&eacute; Artur d&eacute;clare en juin 1987&nbsp;: &laquo;&nbsp;Vous &ecirc;tes aussi bavard que moi&nbsp;&raquo;&hellip; mais pour s&rsquo;appliquer &agrave; prouver durant le reste de l&rsquo;&eacute;mission qu&rsquo;il est bien le plus loquace, en usant de diff&eacute;rents moyens de garder ou reprendre la parole, comme ici de la couper &agrave; son invit&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn44" name="_ftnref44">[44]</a>&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Fernando Arrabal&nbsp;&ndash; Ce qui se passe c&rsquo;est que, h&eacute;las, j&rsquo;&eacute;cris beaucoup, parce que&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">Jos&eacute; Artur &ndash; Oui c&rsquo;est fou d&rsquo;ailleurs, j&rsquo;ai vu le nombre de livres que vous avez sorti chez Bourgois, c&rsquo;est d&rsquo;ailleurs un type qui pourrait &ecirc;tre confondu avec un bourgeois, mais Christian Bourgois qui est un vrai &eacute;diteur, qui vous a accueilli tout de suite&hellip;</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Mais si l&rsquo;animateur du <em>Pop Club</em> n&rsquo;h&eacute;site pas &agrave; user et abuser de sa position, il se qualifie aussi de &laquo;&nbsp;bavard qui sait &eacute;couter&nbsp;<a href="#_ftn45" name="_ftnref45">[45]</a>&nbsp;&raquo;. &Agrave; juste titre, si l&rsquo;on en croit ce journaliste de <em>T&eacute;l&eacute;rama</em> en 1974&nbsp;: &laquo;&nbsp;Jos&eacute; Artur a ce double-don assez rare de savoir, &agrave; la fois, bien parler lorsque les interview&eacute;s n&rsquo;ont rien &agrave; dire et bien &eacute;couter, et faire parler ceux qui ont quelque chose &agrave; dire&nbsp;<a href="#_ftn46" name="_ftnref46">[46]</a>.&nbsp;&raquo; Parler beaucoup, poser des questions pr&eacute;c&eacute;d&eacute;es ou agr&eacute;ment&eacute;es de commentaires &agrave; rallonge, c&rsquo;est finalement souvent chez lui, en effet, une mani&egrave;re de mettre en valeur l&rsquo;invit&eacute;(e), de raconter des anecdotes le ou la concernant, ou, comme nous le montrons plus loin, de l&rsquo;encourager &agrave; la confidence. Et s&rsquo;il est vrai qu&rsquo;il malm&egrave;ne ses interlocuteurs, on sent aussi poindre une certaine admiration pour cette esp&egrave;ce d&rsquo;invit&eacute;s qu&rsquo;il traite diff&eacute;remment par le fait de les recevoir longuement, que forment les &eacute;crivains. M&ecirc;me si cela peut sembler paradoxal ou contradictoire avec l&rsquo;attitude d&eacute;crite jusqu&rsquo;ici, il ne s&rsquo;emp&ecirc;che pas de les flatter. Le <em>bavardage</em> de Jos&eacute; Artur n&rsquo;est donc pas incompatible avec une certaine int&eacute;gration du r&ocirc;le de faire-valoir de l&rsquo;interview&eacute; traditionnellement d&eacute;volu &agrave; l&rsquo;intervieweur, qui semble s&rsquo;&ecirc;tre accentu&eacute; au fil du temps&nbsp;<a href="#_ftn47" name="_ftnref47">[47]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Plus exactement, comme il le confesse lui-m&ecirc;me dans l&rsquo;entretien avec Max Gallo, il &laquo;&nbsp;adore&nbsp;&raquo; pratiquer &laquo;&nbsp;la douche &eacute;cossaise&nbsp;&raquo;, autrement dit l&rsquo;alternance de piques et de compliments. Il flatte l&rsquo;ego de l&rsquo;historien en &eacute;num&eacute;rant de nombreux titres de ces pr&eacute;c&eacute;dents ouvrages (r&eacute;action de Gallo&nbsp;: &laquo;&nbsp;Cela me fait tr&egrave;s plaisir que vous citiez ces titres-l&agrave;&nbsp;&raquo;). Il pr&eacute;sente Sagan comme la seule &laquo;&nbsp;star&nbsp;&raquo; fran&ccedil;aise de la litt&eacute;rature&nbsp;: &laquo;&nbsp;Dans la litt&eacute;rature des stars y&rsquo;en a pas, &agrave; part vous. Vous avez d&eacute;fray&eacute; la chronique, vous faites les titres, on cherche &agrave; savoir ce que vous pensez, ce que vous aimez&hellip;En France il y a une star de litt&eacute;rature, c&rsquo;est vous.&nbsp;&raquo; Il complimente Fernando Arrabal sur certains aspects de son physique (&laquo;&nbsp;Vous avez un physique attachant, vous avez un sourire fabuleux, des yeux merveilleux&hellip;&nbsp;&raquo;), terminant m&ecirc;me cet entretien avec un cri du c&oelig;ur&nbsp;: &laquo;&nbsp;Merci Arrabal, je vous aime&nbsp;!&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;">En soufflant le chaud et le froid, Jos&eacute; Artur contribue finalement &agrave; instaurer une atmosph&egrave;re d&eacute;tendue de complicit&eacute; plut&ocirc;t bienveillante et propice &agrave; la confidence, dans laquelle les interview&eacute;s se sentent g&eacute;n&eacute;ralement &agrave; l&rsquo;aise pour se raconter.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="2_Des_entretiens_intimistes">2. Des entretiens intimistes</span><br /> &nbsp;</h2> <h3 style="text-align: justify;"><span id="21_Parler_des_ecrivains_plutot_que_des_livres">2.1. Parler des &eacute;crivains plut&ocirc;t que des livres</span></h3> <p style="text-align: justify;">Bien plus que de parler du dernier ouvrage de l&rsquo;&eacute;crivain, ce qui int&eacute;resse Jos&eacute; Artur, c&rsquo;est d&rsquo;amener ses invit&eacute;s &agrave; parler d&rsquo;eux, de leur intimit&eacute;, comme c&rsquo;est d&rsquo;ailleurs le cas de nombreuses &eacute;missions culturelles d&rsquo;entretiens d&egrave;s les ann&eacute;es cinquante&nbsp;<a href="#_ftn48" name="_ftnref48">[48]</a>. En particulier, l&rsquo;animateur du <em>Pop Club</em> consid&egrave;re absurde de faire parler un &eacute;crivain d&rsquo;un de ses livres une fois celui-ci achev&eacute;, comme il l&rsquo;explique en pr&eacute;sentant sa conception de l&rsquo;entretien&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Un entretien doit &ecirc;tre clair et apporter &agrave; l&rsquo;auditeur &ndash;&nbsp;le principal int&eacute;ress&eacute; &agrave; qui il est destin&eacute;&nbsp;&ndash; une id&eacute;e aussi nette et la plus compl&egrave;te possible sur le personnage interview&eacute; et le point de vue ou l&rsquo;&oelig;uvre que celui-ci d&eacute;fend. Or pour un acteur il est difficile, si cabotin soit-il, de faire son propre &eacute;loge. Pour un &eacute;crivain, c&rsquo;est encore plus compliqu&eacute;. Il faudrait interviewer les &eacute;crivains quand ils sont en train d&rsquo;inventer leur histoire. L&agrave;, ils sont intarissables. Arriv&eacute;s devant le micro, des mois apr&egrave;s qu&rsquo;elle soit finie, ils ne savent plus quoi dire ou bien ils en ont marre, en fin de promotion, de r&eacute;p&eacute;ter toujours la m&ecirc;me chose&nbsp;<a href="#_ftn49" name="_ftnref49">[49]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">De fait, les entretiens de notre corpus ne s&rsquo;apparentent pas &agrave; des &eacute;missions classiques de promotion d&rsquo;un objet culturel, puisqu&rsquo;il n&rsquo;y est que tr&egrave;s peu question du dernier livre en date, tandis que les interviews du <em>Pop Club </em>sont g&eacute;n&eacute;ralement plus &laquo;&nbsp;promotionnelles&nbsp;&raquo; lorsque les invit&eacute;s proviennent d&rsquo;autres domaines culturels ou d&rsquo;autres disciplines artistiques.</p> <p style="text-align: justify;">Ainsi, dans l&rsquo;&eacute;mission avec Fran&ccedil;oise Sagan du 26 juin 1987, l&rsquo;auteur ne parle que trente secondes &agrave; peine de son dernier livre &ndash; <em>Un sang d&rsquo;aquarelle&nbsp;</em><a href="#_ftn50" name="_ftnref50">[50]</a> &ndash;, sorti d&rsquo;ailleurs plus de quatre mois plus t&ocirc;t. Dans celle avec Fernando Arrabal, invit&eacute; du <em>Pop Club</em> en juin 1987, Jos&eacute; Artur fait r&eacute;f&eacute;rence au dernier livre de l&rsquo;auteur &ndash; <em>La Vierge Rouge&nbsp;</em><a href="#_ftn51" name="_ftnref51">[51]</a>, publi&eacute; un an plus t&ocirc;t &ndash;, &agrave; la vingt-troisi&egrave;me minute d&rsquo;&eacute;mission seulement. Ils en parlent quelques instants avant de changer de sujet. Dans <em>Le Pop Club</em> avec R&eacute;gine Deforges, le titre du dernier volet de <em>La Bicyclette bleue</em> &ndash; <em>Le Diable en rit encore </em>&ndash; est tr&egrave;s bri&egrave;vement cit&eacute; autour de la trenti&egrave;me minute. Enfin, dans l&rsquo;enregistrement avec Max Gallo, l&rsquo;animateur finit par annoncer le titre de son ouvrage au bout de 23 minutes d&rsquo;entretien, mais seulement tr&egrave;s rapidement&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il y a un livre qui est sorti, le dernier en date, qui est <em>Le Beau rivage,</em> chez Grasset&hellip; On en parlera &agrave; la fin, peut-&ecirc;tre, de l&rsquo;entretien&hellip;&nbsp;&raquo; Finalement, &agrave; la quarante-quatri&egrave;me minute, soit dix minutes avant la fin, Jos&eacute; Artur annonce&nbsp;: &laquo;&nbsp;Bon et maintenant on en arrive &agrave; ce livre, <em>Le Beau rivage</em>. Moi je n&rsquo;aime pas tellement parler des livres longtemps parce que je trouve qu&rsquo;il faut les lire, surtout celui-l&agrave;, qui est fort beau.&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;">Cette conception de l&rsquo;entretien d&rsquo;&eacute;crivain ne semble d&rsquo;ailleurs finalement pas d&eacute;plaire &agrave; Max Gallo, quand Jos&eacute; Artur le met sur le sujet des coulisses de l&rsquo;entretien m&eacute;diatique&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Jos&eacute; Artur&nbsp;&ndash; Le service apr&egrave;s-vente, ce que nous sommes tous en train de faire, c&rsquo;est quelque chose qui vous &eacute;nerve, vous n&rsquo;aimez pas &ccedil;a. D&rsquo;ailleurs je peux en t&eacute;moigner&nbsp;: &ccedil;a fait longtemps que je vous demande de venir. Vous venez quand vous avez un bouquin tr&egrave;s gentiment, cordialement, mais vous n&rsquo;&ecirc;tes pas l&rsquo;homme &agrave; rechercher follement l&rsquo;interview, parce que vous bossez beaucoup&hellip; Mais on est oblig&eacute; de le faire&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">Max Gallo &ndash; On est oblig&eacute;. J&rsquo;essaie de le faire de moins en moins parce que bizarrement, et pas du tout par m&eacute;galomanie, comme quelqu&rsquo;un qui n&rsquo;a plus besoin de cela, parce que je crois qu&rsquo;on a toujours besoin de cela dans ce m&eacute;tier, j&rsquo;ai de plus en plus de mal caract&eacute;riellement &agrave; le faire&hellip; C&rsquo;est-&agrave;-dire, j&rsquo;ai de plus en plus de mal &agrave; faire ce que je fais en ce moment, c&rsquo;est-&agrave;-dire, en fait, &agrave; discuter sur un livre. Et encore, l&agrave; nous avons une vieille complicit&eacute;, donc qui est agr&eacute;able. C&rsquo;est une retrouvaille plus qu&rsquo;une interview, des retrouvailles plus qu&rsquo;une interview. Mais c&rsquo;est vrai que j&rsquo;allais par exemple &agrave; <em>Apostrophes&nbsp;</em><a href="#_ftn52" name="_ftnref52">[52]</a> avec beaucoup d&rsquo;enthousiasme les premi&egrave;res fois et presque une esp&egrave;ce de joie, un peu de f&eacute;brilit&eacute;. Je suis all&eacute; souvent &agrave; <em>Apostrophes.</em> Maintenant quand j&rsquo;y vais &ndash; j&rsquo;y vais toujours et je souhaite y aller encore &ndash;, mais j&rsquo;y vais avec une esp&egrave;ce de raideur et de r&eacute;ticence, en me disant &laquo;&nbsp;bon, il faut le faire&nbsp;&raquo;, plut&ocirc;t que &laquo;&nbsp;on va le faire avec joie&nbsp;&raquo;.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Gallo distingue ici ses passages &agrave; <em>Apostrophes</em> et au <em>Pop Club</em>&nbsp;: venir au <em>Pop Club</em>, ce serait comme vivre des &laquo;&nbsp;retrouvailles&nbsp;&raquo;, en raison de la &laquo;&nbsp;vieille complicit&eacute;&nbsp;&raquo; qui le lierait &agrave; son intervieweur. Difficile de se dispenser du jeu promotionnel de l&rsquo;interview pour faire exister un livre et le faire vendre &ndash;&nbsp;l&rsquo;expression &laquo;&nbsp;service apr&egrave;s-vente&nbsp;&raquo; employ&eacute;e par Artur renvoie d&rsquo;ailleurs frontalement &agrave; la dimension commerciale de l&rsquo;activit&eacute; d&rsquo;&eacute;crivain. Sagan explique m&ecirc;me que son ouvrage qui s&rsquo;est le moins bien vendu (<em>Le Garde du C&oelig;ur, </em>Julliard, 1968) aurait &eacute;t&eacute; peu lu parce que, suite &agrave; une dispute avec son &eacute;diteur, elle aurait souhait&eacute; ne donner aucune interview&nbsp;<a href="#_ftn53" name="_ftnref53">[53]</a>. Ce qui ne l&rsquo;emp&ecirc;che pas de dire aussi sa r&eacute;ticence &agrave; devoir parler d&rsquo;un livre dans ses interviews&nbsp;<a href="#_ftn54" name="_ftnref54">[54]</a>, et m&ecirc;me &agrave; &eacute;voquer s&eacute;rieusement sa pratique litt&eacute;raire, en soutenant que &laquo;&nbsp;les gens qui parlent de leur travail d&rsquo;une mani&egrave;re grave et s&eacute;rieuse [l]&rsquo;ont toujours assomm&eacute;e&nbsp;<a href="#_ftn55" name="_ftnref55">[55]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">La vitrine promotionnelle que Jos&eacute; Artur offre aux &eacute;crivains est donc assez en accord avec leur d&eacute;sir de ne pas parler de livres. <em>Le Pop Club</em> leur offre un espace pour parler d&rsquo;eux dans une atmosph&egrave;re d&eacute;contract&eacute;e, o&ugrave; ils se savent chahut&eacute;s mais aussi aim&eacute;s, et pas trop emb&ecirc;t&eacute;s sur leur dernier livre, qui n&rsquo;est au fond qu&rsquo;un pr&eacute;texte &agrave; venir se raconter, parfois de mani&egrave;re tr&egrave;s intime. Une mani&egrave;re d&rsquo;occuper l&rsquo;espace m&eacute;diatique dans laquelle certains trouvent apparemment leur compte.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="22_Jose_Artur_laccoucheur">2.2. Jos&eacute; Artur l&rsquo;&laquo;&nbsp;accoucheur&nbsp;&raquo;</span></h3> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;animateur du <em>Pop Club</em> aime &agrave; se consid&eacute;rer comme un &laquo;&nbsp;accoucheur&nbsp;&raquo;, dont le r&ocirc;le serait de &laquo;&nbsp;faire raconter n&rsquo;importe quoi &agrave; n&rsquo;importe qui, sans que l&rsquo;interview&eacute; soit g&ecirc;n&eacute; ou terroris&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn56" name="_ftnref56">[56]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Dans chacun des longs entretiens de notre corpus, il prend soin de remonter aux origines, &agrave; l&rsquo;enfance, et prend le temps de retracer le parcours des &eacute;crivains de mani&egrave;re chronologique afin de faire un &laquo;&nbsp;tour d&rsquo;horizon&nbsp;<a href="#_ftn57" name="_ftnref57">[57]</a>&nbsp;&raquo;, s&rsquo;int&eacute;ressant davantage &agrave; l&rsquo;histoire personnelle de chacun qu&rsquo;&agrave; ses seuls ouvrages. Avec Arrabal, il commence par parler du Maroc, o&ugrave; l&rsquo;&eacute;crivain est n&eacute;, avant de l&rsquo;inviter &agrave; raconter l&rsquo;histoire particuli&egrave;re de ses parents (son p&egrave;re a disparu apr&egrave;s avoir &eacute;t&eacute; condamn&eacute; &agrave; mort par le r&eacute;gime franquiste). Avec Max Gallo, il &eacute;voque le milieu modeste dont l&rsquo;&eacute;crivain et historien est issu. Avec R&eacute;gine Deforges, il pr&eacute;sente son milieu familial d&rsquo;origine, plut&ocirc;t populaire, et le contexte catholique dans lequel elle a &eacute;t&eacute; &eacute;lev&eacute;e. Il n&rsquo;y a qu&rsquo;avec Fran&ccedil;oise Sagan qu&rsquo;il ne remonte pas jusqu&rsquo;&agrave; la prime enfance, m&ecirc;me s&rsquo;il &eacute;voque sa jeunesse &eacute;tudiante sur les bancs la Sorbonne &ndash;&nbsp;sans doute parce qu&rsquo;il s&rsquo;agit de l&rsquo;invit&eacute;e du corpus que les auditeurs potentiels connaissent le mieux. Par de l&eacute;gers commentaires distill&eacute;s dans ses interviews, on comprend que Jos&eacute; Artur a d&eacute;j&agrave; re&ccedil;u au <em>Pop Club</em> chacun de ces invit&eacute;s. Malgr&eacute; cela, il prend la peine de repartir de l&rsquo;origine, ne se contentant pas de faire comme si l&rsquo;auditeur connaissait d&eacute;j&agrave; la vie de ces &eacute;crivains. Il prend m&ecirc;me r&eacute;guli&egrave;rement soin de raconter des anecdotes v&eacute;cues personnellement avec chacun de ces invit&eacute;s, afin d&rsquo;entretenir un climat de complicit&eacute; et de familiarit&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn58" name="_ftnref58">[58]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Au-del&agrave; de ce &laquo;&nbsp;film&nbsp;&raquo; chronologique, Artur invite chaque &eacute;crivain &agrave; se livrer sur des aspects de sa vie priv&eacute;e, ses go&ucirc;ts, son caract&egrave;re.</p> <p style="text-align: justify;">C&rsquo;est avec Max Gallo que le ton est le moins intime, sans doute parce que l&rsquo;homme s&rsquo;y pr&ecirc;te moins volontiers. Il est surtout question de son go&ucirc;t pour les &eacute;checs, de son exp&eacute;rience politique&nbsp;<a href="#_ftn59" name="_ftnref59">[59]</a> et des &eacute;ventuelles interf&eacute;rences de sa carri&egrave;re politique avec sa carri&egrave;re litt&eacute;raire.</p> <p style="text-align: justify;">&Agrave; Sagan en revanche, Jos&eacute; Artur peut mettre en avant le d&eacute;sir des auditeurs d&rsquo;en apprendre davantage sur la personnalit&eacute; profonde de l&rsquo;&eacute;crivain, &eacute;crivain &agrave; succ&egrave;s mais &laquo;&nbsp;finalement assez secr[et]&nbsp;&raquo;. Il lui demande par exemple s&rsquo;il est possible de la mettre en col&egrave;re, ou encore ce qu&rsquo;elle aime le plus. Il r&eacute;ussit &agrave;&nbsp; la faire parler de ses addictions, et partant de l&agrave; &agrave; r&eacute;fl&eacute;chir &agrave; son statut de personnage public et aux difficult&eacute;s engendr&eacute;es par la c&eacute;l&eacute;brit&eacute;&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Le succ&egrave;s est quelque chose qu&rsquo;on peut prendre bien et qu&rsquo;on peut prendre mal. Il y a des gens qui le prennent tr&egrave;s mal. Le succ&egrave;s est quelque chose qui vous isole, les gens vous voient comme une image. Si on n&rsquo;a pas de grandes ressource, une grande force &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur pour avoir avec les gens des vrais rapports, pour obliger les gens &agrave; chercher autre chose de vous que cette image qu&rsquo;ils ont dans la t&ecirc;te, si on n&rsquo;oblige pas les gens &agrave; &ecirc;tre vos amis, si vous voulez, pour de bon, on peut &ecirc;tre tr&egrave;s seul avec une statue de vous qui vit &agrave; votre place, et on se retrouve seul chez soi&hellip;</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Avec R&eacute;gine Deforges&nbsp;<a href="#_ftn60" name="_ftnref60">[60]</a>, romanci&egrave;re et &eacute;ditrice de litt&eacute;rature &eacute;rotique, les questions intimes pleuvent, sous le pr&eacute;texte de chercher &agrave; comprendre &laquo;&nbsp;comment [elle vit]&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Vous souvenez-vous de votre premier amant&nbsp;?&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;Vous vivez &agrave; Paris&nbsp;?&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;Vous avez des enfants&nbsp;?&nbsp;&raquo;. L&rsquo;introduction de l&rsquo;&eacute;mission donnait le ton&nbsp;: &laquo;&nbsp;Vous &ecirc;tes une sorci&egrave;re ou sainte, n&rsquo;est-ce pas&nbsp;? Et il y a une chose qui prime chez vous c&rsquo;est l&rsquo;amour, l&rsquo;&eacute;rotisme, le sexe et la libert&eacute;&nbsp;? C&rsquo;est d&rsquo;accord&nbsp;?&nbsp;&raquo;. &laquo;&nbsp;Vous oubliez les livres, [&hellip;] sans doute le plus important&nbsp;&raquo;, r&eacute;torquait Deforges, d&eacute;sireuse de rappeler que la litt&eacute;rature demeure la raison de son invitation &agrave; l&rsquo;&eacute;mission &ndash;&nbsp;ce qui ne l&rsquo;emp&ecirc;che pas, dans la suite de l&rsquo;entretien, de jouer plut&ocirc;t bien le jeu des questions indiscr&egrave;tes.</p> <p style="text-align: justify;">Avec Fernando Arrabal, Artur souhaite montrer la complexit&eacute; d&rsquo;un personnage fait de paradoxes, en mettant en opposition son image publique d&rsquo;&eacute;crivain provocateur et &laquo;&nbsp;la d&eacute;licatesse de [ses] sentiments&nbsp;&raquo; dans la vie priv&eacute;e. Par ailleurs, en insistant assez d&eacute;sagr&eacute;ablement sur la petite taille de son invit&eacute;, il met le doigt sur un point sensible, complexe physique douloureux, qui l&rsquo;am&egrave;ne &agrave; se confier intimement (&laquo;&nbsp;J&rsquo;ai beaucoup souffert, [&hellip;] &ccedil;a m&rsquo;a beaucoup chagrin&eacute;. &Ccedil;a me complexait, je me sentais tr&egrave;s mal, et je continue &agrave; me sentir mal maintenant&hellip;&nbsp;&raquo;).</p> <p style="text-align: justify;">En somme, l&rsquo;animateur du <em>Pop Club </em>s&rsquo;attache &agrave; faire les &eacute;crivains se d&eacute;voiler aux auditeurs sur des aspects parfois m&eacute;connus de leur vie et de leur personnalit&eacute;, en les d&eacute;lestant en quelque sorte du poids de rendre compte de leur activit&eacute; litt&eacute;raire. Pour autant, ces entretiens donnent aussi &agrave; entendre une r&eacute;flexion parfois approfondie sur leur &oelig;uvre et leur m&eacute;tier d&rsquo;&eacute;crivain.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="3_Le_metier_d8217ecrivain">3. Le m&eacute;tier d&rsquo;&eacute;crivain</span><br /> &nbsp;</h2> <h3 style="text-align: justify;"><span id="31_Vie_et_oeuvre">3.1. Vie et &oelig;uvre</span></h3> <p style="text-align: justify;">Si l&rsquo;animateur du <em>Pop Club</em> encourage les &eacute;crivains re&ccedil;us &agrave; son micro &agrave; se livrer sur leur vie priv&eacute;e ou de leur personnalit&eacute;, il se pla&icirc;t quand m&ecirc;me &agrave; tisser des liens entre leur &oelig;uvre et leur vie. Il insiste par exemple sur la proximit&eacute; entre Max Gallo et le narrateur de son roman <em>Le Beau Rivage</em>, tout comme il remarque un &laquo;&nbsp;parall&egrave;le &eacute;trange&nbsp;&raquo; entre l&rsquo;histoire de <em>La Vierge rouge</em>, qui met en sc&egrave;ne une m&egrave;re disparue, et celle du p&egrave;re de Fernando Arrabal, disparu lui aussi. Finalement, l&rsquo;&eacute;vocation de la vie priv&eacute;e a aussi pour vocation d&rsquo;&eacute;clairer les ouvrages d&rsquo;une autre lumi&egrave;re, biographique, &agrave; faire parler les invit&eacute;s de ce qu&rsquo;ils transposent de leur vie dans leur &oelig;uvre.</p> <p style="text-align: justify;">Dans cette perspective, plut&ocirc;t que de s&rsquo;attarder sur le dernier livre paru, Artur pr&eacute;f&egrave;re &eacute;voquer l&rsquo;&oelig;uvre de ses invit&eacute;s comme un ensemble, pour mieux tisser des liens entre les livres, retracer les itin&eacute;raires des &eacute;crivains et leurs &eacute;volutions. Il commente des &eacute;volutions de formes litt&eacute;raires, rep&egrave;re des motifs pr&eacute;gnants ou met en relief des th&egrave;mes majeurs. Il s&rsquo;interroge par exemple sur le choix par Arrabal de la forme romanesque pour son dernier ouvrage, plut&ocirc;t que du th&eacute;&acirc;tre. Il insiste sur la fa&ccedil;on r&eacute;currente qu&rsquo;a Max Gallo de donner un titre g&eacute;n&eacute;ral &agrave; une &oelig;uvre qui est ensuite d&eacute;clin&eacute;e en plusieurs tomes. Dans l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;Arrabal, il voit dans le sacr&eacute; et les femmes des th&egrave;mes majeurs &ndash;&nbsp;ce &agrave; quoi l&rsquo;&eacute;crivain r&eacute;pond d&eacute;clarant que la femme constitue m&ecirc;me &laquo;&nbsp;le moteur de [son] &oelig;uvre&nbsp;&raquo;.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="32_Le_comment_et_le_pourquoi">3.2. Le comment et le pourquoi</span></h3> <p style="text-align: justify;">Artur aime aussi interroger ses invit&eacute;s sur les conditions pratiques de leur activit&eacute;. Il demande par exemple &agrave; Sagan et &agrave; Arrabal l&rsquo;heure &agrave; laquelle ils &eacute;crivent&nbsp;; &agrave; Gallo s&rsquo;il travaille vraiment &agrave; la machine &laquo;&nbsp;parce que &ccedil;a [lui] permet de r&eacute;fl&eacute;chir plus&nbsp;&raquo;, et comment il r&eacute;agit face au vertige de la page blanche (que l&rsquo;&eacute;crivain appelle &laquo;&nbsp;la l&acirc;chet&eacute; devant l&rsquo;&eacute;criture&nbsp;&raquo;)&nbsp;; &agrave; tel ou tel &agrave; quel moment il se sent lib&eacute;r&eacute; de son livre (&laquo;&nbsp;Est-ce quand on remet le manuscrit, quand on pose la plume, ou quand le livre sort&nbsp;?&nbsp;&raquo;). Par ailleurs, assez pragmatiquement, il n&rsquo;h&eacute;site pas &agrave; commenter les tirages et les ventes des livres des &eacute;crivains qu&rsquo;il re&ccedil;oit. Il pose une question &agrave; Sagan qu&rsquo;il qualifie lui-m&ecirc;me &laquo;&nbsp;d&rsquo;indiscr&egrave;te&nbsp;&raquo;, en lui demandant lesquels de ses livres ont eu respectivement les plus forts et plus petits tirages &ndash;&nbsp;question &agrave; laquelle elle r&eacute;pond, m&ecirc;me si elle affirme n&rsquo;avoir pas de souvenirs pr&eacute;cis des chiffres. Avec R&eacute;gine Deforges, Artur commente le ph&eacute;nom&egrave;ne de librairie qui s&rsquo;est produit avec le deuxi&egrave;me tome de <em>La Bicyclette bleue</em>, dont il indique que 400&nbsp;000 exemplaires se sont vendus en une journ&eacute;e. Dans l&rsquo;entretien avec Max Gallo, il insiste sur la libert&eacute; que procure, pour un &eacute;crivain, de bonnes ventes d&rsquo;ouvrages&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Jos&eacute; Artur &ndash;&nbsp;L&rsquo;argent, le tirage&hellip; l&rsquo;argent que procure le tirage et la vente des livres, &ccedil;a donne quand m&ecirc;me, on ne peut pas le nier, &ccedil;a donne quelque chose d&rsquo;int&eacute;ressant qui s&rsquo;appelle un peu la libert&eacute; du choix du sujet&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">Max Gallo &ndash; Ah tout &agrave; fait. Moi j&rsquo;ai gagn&eacute; beaucoup d&rsquo;argent avec les livres, je le dis de mani&egrave;re tout &agrave; fait simple, n&rsquo;ayant jamais exploit&eacute; quelqu&rsquo;un je dirais, sinon moi-m&ecirc;me. Et &ccedil;a a chang&eacute; ma vie, il faut bien le dire.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Avec ce type de questions et de r&eacute;flexions, l&rsquo;animateur rappelle que si tout le monde peut &eacute;crire ou se targuer d&rsquo;&ecirc;tre &eacute;crivain, il n&rsquo;est pas &eacute;vident de &laquo;&nbsp;vivre de sa plume&nbsp;&raquo;. &Agrave; la fin de l&rsquo;entretien avec Sagan, il lui demande d&rsquo;ailleurs quel conseil g&eacute;n&eacute;ral elle pourrait donner &agrave; un jeune qui souhaiterait &eacute;crire.</p> <p style="text-align: justify;">La question de l&rsquo;&oelig;uvre est aussi pos&eacute;e par le biais des genres litt&eacute;raires. De fait, &agrave; l&rsquo;exception de R&eacute;gine Deforges, tous les &eacute;crivains du corpus en pratiquent plusieurs. Sagan, Arrabal et Gallo insistent ainsi tous trois sur le temps long n&eacute;cessaire &agrave; l&rsquo;&eacute;criture d&rsquo;un roman. Arrabal distingue tr&egrave;s clairement les pi&egrave;ces de th&eacute;&acirc;tre &ndash;&nbsp;qu&rsquo;il &eacute;crit de mani&egrave;re &laquo;&nbsp;rapide&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;nocturne&nbsp;&raquo;&nbsp;&ndash; des romans &ndash;&nbsp;qu&rsquo;il met un an &agrave; &eacute;crire. Il assimile la pi&egrave;ce &agrave; un &laquo;&nbsp;coup de foudre&nbsp;&raquo; et le roman &agrave; &laquo;&nbsp;un mariage&nbsp;&raquo;. Sagan insiste sur le caract&egrave;re complexe du roman, tr&egrave;s diff&eacute;rent de l&rsquo;&eacute;criture pour le th&eacute;&acirc;tre&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Un roman c&rsquo;est une esp&egrave;ce de th&egrave;me&hellip; enfin, c&rsquo;est l&rsquo;envie d&rsquo;un personnage qu&rsquo;on a envie de compliquer, de creuser, de fouiller, de changer, de modifier. Tandis qu&rsquo;une pi&egrave;ce <em>a priori</em> c&rsquo;est pas un th&egrave;me, c&rsquo;est une intrigue, une action, et on sait d&egrave;s le d&eacute;but de l&rsquo;action qu&rsquo;on va aller droit vers les dialogues, vers une acc&eacute;l&eacute;ration perp&eacute;tuelle du mouvement, ce qui n&rsquo;est pas possible dans un roman, ce qui est possible mais qui n&rsquo;est pas le charme du roman. Le charme du roman, c&rsquo;est qu&rsquo;on peut brusquement parler d&rsquo;une fen&ecirc;tre, d&rsquo;un paysage ou d&rsquo;un sentiment pendant trois pages. Il y a une libert&eacute; effrayante dans le roman. C&rsquo;est plus difficile qu&rsquo;une pi&egrave;ce. Une pi&egrave;ce c&rsquo;est des rails, &ccedil;a va &agrave; droite, &agrave; gauche, &ccedil;a permet d&rsquo;avancer, de filer. Un livre on peut tra&icirc;nasser, c&rsquo;est &agrave; la fois fascinant et inqui&eacute;tant.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Gallo met lui aussi en avant la complexit&eacute; d&rsquo;un roman, selon lui &laquo;&nbsp;le genre supr&ecirc;me&nbsp;&raquo;&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Max Gallo &ndash; Moi je crois que le roman est le genre supr&ecirc;me. Parce que vous pouvez tout dire, tout.</p> <p style="text-align: justify;">Jos&eacute; Artur&nbsp;&ndash; On peut dire l&rsquo;essentiel.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Non, on peut dire la vie, c&rsquo;est-&agrave;-dire la complexit&eacute; des choses&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Pis on peut faire r&eacute;pondre des choses qui sont compl&egrave;tement &eacute;trang&egrave;res &agrave; soi-m&ecirc;me par un personnage, &agrave; qui on peut donner le r&ocirc;le du diable peut-&ecirc;tre, mais on lui fait dire&hellip; tout est dit&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Tout &agrave; fait. Le roman c&rsquo;est vraiment le genre, je vais employer un mot &agrave; la mode mais, antitotalitaire. Dans un roman, m&ecirc;me si vous &ecirc;tes quelqu&rsquo;un de dogmatique, de carr&eacute;, si vous avez un sale caract&egrave;re [<em>rire de Jos&eacute; Artur&nbsp;</em><a href="#_ftn61" name="_ftnref61">[61]</a>]<em>, </em>malgr&eacute; tout un peu d&rsquo;humour&hellip; Dans votre roman, si vous voulez que votre roman soit un bon roman, vous &ecirc;tes oblig&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre dans la complexit&eacute;. C&rsquo;est-&agrave;-dire que dans un roman un romancier n&rsquo;a pas d&rsquo;ennemi. Il peut avoir des adversaires, mais il est oblig&eacute; [&hellip;] de leur donner figure humaine. Il n&rsquo;y a pas de caricature possible dans un roman, ou alors vous faites un livre de propagande et &ccedil;a n&rsquo;a aucun int&eacute;r&ecirc;t, vous n&rsquo;avez pas de lecteurs.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Plus fondamentalement, c&rsquo;est sur leur rapport &agrave; l&rsquo;&eacute;criture que les &eacute;crivains sont invit&eacute;s &agrave; s&rsquo;expliquer, en r&eacute;pondant &agrave; la question (banale et passe-partout) du &laquo;&nbsp;pourquoi &eacute;crivez-vous&nbsp;?&nbsp;&raquo;. Arrabal &eacute;crit par &laquo;&nbsp;nostalgie d&rsquo;&ecirc;tre aim&eacute;&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;parce que la femme ne [lui] a pas donn&eacute; ce qu&rsquo;il attendait&nbsp;&raquo;. Sagan pour &laquo;&nbsp;communiquer avec son prochain&nbsp;&raquo;. Deforges relate l&rsquo;&eacute;pisode du <em>Cahier vol&eacute; </em>(Fayard, 1978), journal intime &eacute;crit &agrave; l&rsquo;adolescence afin d&rsquo;&eacute;chapper au carcan d&rsquo;une &eacute;ducation stricte. Aucun n&rsquo;h&eacute;site &agrave; questionner la relation ambivalente qu&rsquo;il entretient avec l&rsquo;&eacute;criture. &laquo;&nbsp;H&eacute;las, oui, j&rsquo;&eacute;cris beaucoup. J&rsquo;aimerais ne pas &eacute;crire. J&rsquo;aimerais vivre une vie passionnante&nbsp;&raquo;, confie Arrabal, cependant que Sagan avoue son bonheur de n&rsquo;avoir pas eu besoin d&rsquo;&eacute;crire pendant deux ans et demi, &agrave; la fin des ann&eacute;es 1960&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Jos&eacute; Artur &ndash;&nbsp;Il vous arrive de ne pas travailler pendant un tr&egrave;s long bout de temps&nbsp;? Quel a &eacute;t&eacute; le plus grand silence de papier de Fran&ccedil;oise Sagan&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">Fran&ccedil;oise Sagan &ndash; J&rsquo;ai eu un moment b&eacute;ni, [&hellip;] c&rsquo;&eacute;tait en 68 je crois, o&ugrave; j&rsquo;ai pass&eacute; deux ans et demi sans &eacute;crire une ligne. L&rsquo;argent &eacute;tait rentr&eacute;, j&rsquo;avais la flemme et j&rsquo;ai pass&eacute; deux ans et demi sans &eacute;crire une ligne. J&rsquo;&eacute;tais enchant&eacute;e. Mais alors l&agrave; &ccedil;a fait un bout de temps que j&rsquo;ai pas arr&ecirc;t&eacute;&hellip;</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;auteur de <em>Bonjour tristesse</em> explique encore que, pour elle, &laquo;&nbsp;toute litt&eacute;rature est une forme de regret&nbsp;&raquo;, tandis qu&rsquo;Arrabal affirme qu&rsquo;un artiste est quelqu&rsquo;un qui rate, qui souffre.</p> <p style="text-align: justify;">Finalement, la question de l&rsquo;&eacute;criture et des livres, qui pourrait sembler secondaire lors d&rsquo;une premi&egrave;re &eacute;coute, occupe tout de m&ecirc;me une place non n&eacute;gligeable dans ces entretiens. On sent que ce fervent lecteur et admirateur des &eacute;crivains qu&rsquo;est Jos&eacute; Artur veut donner envie &agrave; ses auditeurs de d&eacute;couvrir les livres de ses invit&eacute;s. M&ecirc;me s&rsquo;il choisit volontairement de ne pas trop en dire, il en commente de temps en temps certains passages, certains choix d&rsquo;&eacute;criture. Dans l&rsquo;un de ces entretiens il choisit m&ecirc;me d&rsquo;en lire un extrait. C&rsquo;est &agrave; la fin de l&rsquo;&eacute;mission avec Max Gallo. Jos&eacute; Artur lit un passage de <em>Beau rivage</em>, qu&rsquo;il a pris soin de faire commenter bri&egrave;vement auparavant par son auteur&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Jos&eacute; Artur &ndash; Cette Mafalda passe une nuit de noces &eacute;pouvantable, que vous d&eacute;crivez d&rsquo;une fa&ccedil;on &eacute;tonnante, par des petites phrases tr&egrave;s courtes, &agrave; peine li&eacute;es entre elles. Et c&rsquo;est &agrave; d&eacute;go&ucirc;ter toutes les vierges qui liront ce livre. [&hellip;]</p> <p style="text-align: justify;">Max Gallo &ndash; &Ccedil;a m&rsquo;a beaucoup co&ucirc;t&eacute; d&rsquo;&eacute;crire cela. En fait, je voulais en faire une sorte de trag&eacute;die sans trag&eacute;die, car c&rsquo;est une nuit de noce qui se d&eacute;roule tout &agrave; fait normalement, sans exc&egrave;s, sans trag&eacute;die, et je crois que c&rsquo;est en fait une trag&eacute;die. Une de ces trag&eacute;dies sans sang, m&ecirc;me sans larmes, et o&ugrave; en fait se noue tout un inaccomplissement, une incompr&eacute;hension mutuelle, et qui est une sorte d&rsquo;acte barbare.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; C&rsquo;est un acte barbare, tr&egrave;s beau d&rsquo;ailleurs. Vous savez, pour me racheter vis-&agrave;-vis de vous&nbsp;<a href="#_ftn62" name="_ftnref62">[62]</a>, je vais simplement, pour terminer cet entretien avec vous Max Gallo, je dirai m&ecirc;me au revoir avant, je vais terminer sur ces vingt lignes de cette nuit d&rsquo;amour, qui devrait &ecirc;tre une nuit d&rsquo;amour et qui n&rsquo;est qu&rsquo;une nuit de noces.</p> </blockquote> <h2 style="text-align: justify;"><span id="4_Conclusion">4. Conclusion</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Cette &eacute;tude exploratoire nous a permis d&rsquo;analyser ce que peuvent &ecirc;tre des interviews d&rsquo;&eacute;crivains dans une &eacute;mission de &laquo;&nbsp;vari&eacute;t&eacute;s culturelles&nbsp;&raquo; grand public. Elles proposent un mod&egrave;le d&rsquo;interview d&eacute;contract&eacute;e et insolente, mais au fond cordiale, dans laquelle l&rsquo;&oelig;uvre litt&eacute;raire peut sembler parfois rel&eacute;gu&eacute;e au second plan, tandis que la vie personnelle est mise en avant, avec bon gr&eacute; mal gr&eacute; la collaboration d&rsquo;&eacute;crivains malmen&eacute;s mais consentants. Ceux-ci se laissent aller assez volontiers &ndash;&nbsp;finalement&nbsp;&ndash; &agrave; la confidence, &agrave; une heure de diffusion o&ugrave; les c&oelig;urs des uns sont plus enclins &agrave; se livrer et l&rsquo;oreille des autres &agrave; &eacute;couter des confidences&nbsp;<a href="#_ftn63" name="_ftnref63">[63]</a>. Les qualit&eacute;s de l&rsquo;entretien d&rsquo;&eacute;crivain dans <em>Le Pop Club</em> tiennent pour beaucoup &agrave; la personnalit&eacute; du producteur-animateur de l&rsquo;&eacute;mission, Jos&eacute; Artur, lequel cherche &agrave; montrer l&rsquo;envers ou la complexit&eacute; des personnalit&eacute;s re&ccedil;ues &agrave; son micro et souhaite, pour chaque &eacute;mission, retracer un itin&eacute;raire des &eacute;crivains dans lesquels vie et &oelig;uvre sont &eacute;troitement m&ecirc;l&eacute;es. Sans presque jamais aborder le contenu des livres, il fait entendre &agrave; ses auditeurs des propos sur ce que c&rsquo;est qu&rsquo;&ecirc;tre &eacute;crivain, du vertige de la page blanche aux techniques et instruments de travail &agrave; la question du tirage et du nombre de ventes en passant par les genres de pr&eacute;dilection et les th&egrave;mes r&eacute;currents. Une mani&egrave;re comme une autre, la seule possible peut-&ecirc;tre dans une &eacute;missions de vari&eacute;t&eacute;s, de servir la litt&eacute;rature.</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h3> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a> Cela s&rsquo;inscrit dans la continuit&eacute; de la r&eacute;forme de la RTF pilot&eacute;e en 1963 par Roland Dhordain, co-concepteur du <em>Pop Club</em>. Par ailleurs, en 1964, la RTF devenait l&rsquo;ORTF. Sur l&rsquo;histoire de la radiodiffusion en France durant cette p&eacute;riode, voir Christian Brochand, <em>Histoire g&eacute;n&eacute;rale de la radio et de la t&eacute;l&eacute;vision en France</em>, Paris, La Documentation Fran&ccedil;aise, t&nbsp;2 (1944-1975), 1994. Voir aussi Roland Dhordain, <em>Le Roman de la radio, de la TSF aux radios libres,</em> Paris, &eacute;ditions de la Table Ronde, 1983.&nbsp;Nous remercions Pierre-Marie H&eacute;ron et David Martens pour leur relecture attentive de l&rsquo;article et leurs suggestions.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a> Jos&eacute; Artur est d&eacute;c&eacute;d&eacute; en janvier 2015, &agrave; l&rsquo;&acirc;ge de 87 ans. Sur le personnage et son parcours, voir Guy Robert, &laquo;&nbsp;Amphitryon de nuit&nbsp;; Jos&eacute; Artur et le <em>Pop Club</em>&nbsp;&raquo;, <em>Cahiers d&rsquo;histoire de la radiodiffusion, </em>n&deg;47, d&eacute;cembre 1995, p.&nbsp;74-81.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a> &Agrave; partir de 1966. Sur les premi&egrave;res ann&eacute;es, voir C&eacute;cile de Kerguiziau de Kervasdou&eacute;, &laquo;&nbsp;Les premi&egrave;res ann&eacute;es du Pop Club&nbsp;&raquo;, <em>Cahiers d&rsquo;histoire de la radiodiffusion,</em> n&deg;70, janvier 2010, p.&nbsp;120-145. Dans les premi&egrave;res ann&eacute;es, <em>Le Pop Club</em> est notamment une &eacute;mission &agrave; la pointe de l&rsquo;avant-garde musicale de la pop. L&rsquo;&eacute;mission propose aussi de la musique en direct.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a> Comme La Rose Rouge, Chez Agn&egrave;s Capri, ou encore L&rsquo;&Eacute;cluse, en particulier au temps du Club d&rsquo;Essai.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a> Roland Dhordain, qui a propos&eacute; l&rsquo;id&eacute;e du <em>Pop Club</em> &agrave; Jos&eacute; Artur, entendait animer le grand hall de la Maison de la radio. Au moment de la cr&eacute;ation du<em> Pop Club</em>, deux autres &eacute;missions publiques voient le jour sur les antennes de l&rsquo;ORTF&nbsp;: <em>Les 400 coups</em>, de Jean Bardin et Claude Chebel, <em>Entr&eacute;e libre &agrave; l&rsquo;ORTF</em>, de Pierre Codou et Jean Garretto.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a> Reportage t&eacute;l&eacute;visuel consacr&eacute; aux cinq ans du <em>Pop Club</em>, TF1, Journal t&eacute;l&eacute;vis&eacute; de 13 heures, 11 juin 1970, archive Ina.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a> Entretien avec Jos&eacute; Artur, 10 mai 2012, dans Marine Beccarelli, <em>Les Nuits du bout des ondes. Introduction &agrave; l&rsquo;histoire de la radio nocturne en France, 1945-2013</em>, Bry-sur-Marne, Ina, 2014, p.&nbsp;193.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a> <em>Ibid.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a> Sur les entretiens d&rsquo;&eacute;crivains &agrave; la radio, voir les nombreux travaux dirig&eacute;s par Pierre-Marie H&eacute;ron, notamment <em>&Eacute;crivains au micro. Les entretiens-feuilletons &agrave; la radio fran&ccedil;aise dans les ann&eacute;es cinquante</em>, Presses universitaires de Rennes, 2010.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a> Elles sont plus abondantes pour la p&eacute;riode ult&eacute;rieure du<em> Pop Club</em>, m&ecirc;me si leur indexation dans les bases de donn&eacute;es est parfois incompl&egrave;te.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a> &Agrave; notre connaissance, il n&rsquo;en existe pas de retranscription &eacute;crite. Il serait peut-&ecirc;tre possible d&rsquo;en retrouver des enregistrements chez des collectionneurs priv&eacute;s. Il existe cependant des sources &eacute;crites ant&eacute;rieures au milieu des ann&eacute;es 1980 qui permettraient de reconstruire un itin&eacute;raire de l&rsquo;&eacute;mission dans son rapport avec les &eacute;crivains.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a> Il a un go&ucirc;t particuli&egrave;rement prononc&eacute; pour le th&eacute;&acirc;tre et produira par ailleurs plusieurs &eacute;missions consacr&eacute;es &agrave; cet art, &agrave; la radio ainsi qu&rsquo;&agrave; la t&eacute;l&eacute;vision.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a> Entretien avec Jos&eacute; Artur, 10 mai 2012, dans Marine Beccarelli, <em>op.&nbsp;cit., </em>p.&nbsp;186.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a> <em>Ibid.,</em> p.&nbsp;189. &laquo;&nbsp;Moi qui n&rsquo;ai rien appris &agrave; l&rsquo;&eacute;cole, je me suis alors cultiv&eacute; comme une b&ecirc;te &agrave; coups de pied dans le cul&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a> Jos&eacute; Artur, <em>Le Pop Club</em> avec R&eacute;gine Deforges, &eacute;m. cit..</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a> Jos&eacute; Artur, <em>Micro de nuit,</em> Paris, Stock, 1974, p.&nbsp;191. Jos&eacute; Artur dit sa fiert&eacute; d&rsquo;avoir re&ccedil;u l&rsquo;&eacute;crivain guat&eacute;malt&egrave;que le soir de sa r&eacute;ception du prix Nobel.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a> Il est malheureusement difficile de donner une liste plus compl&egrave;te, car les invit&eacute;s du <em>Pop Club</em> ne sont quasiment jamais annonc&eacute;s dans les programmes de presse. Gr&acirc;ce &agrave; quelques archives t&eacute;l&eacute;visuelles, on peut retrouver d&rsquo;autres noms, comme l&rsquo;&eacute;crivain Jean d&rsquo;Ormesson.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a> Il insiste d&rsquo;ailleurs au d&eacute;but de l&rsquo;entretien sur la longueur de temps dont ils disposent. Des formules telles que&nbsp;: &laquo;&nbsp;On est ensemble pour 55 minutes, on a le temps&nbsp;&raquo; reviennent au d&eacute;but de chacune des quatre archives de notre corpus.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a> Exceptionnellement, d&rsquo;autres invit&eacute;s ont le privil&egrave;ge de pouvoir rester une heure au micro du <em>Pop Club</em>. C&rsquo;est notamment le cas, en 1985, de Wim Wenders, Palme d&rsquo;or au festival de Cannes en 1984 avec <em>Paris, Texas</em> (22 novembre 1985), de Michel Jonasz (4 juin 1985) ou encore de V&eacute;ronique Sanson (7 juin 1985).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a> &laquo;&nbsp;La radio, c&rsquo;est un peu comme au th&eacute;&acirc;tre, c&rsquo;est tu me parles et je te r&eacute;ponds&nbsp;&raquo;, entretien avec Jos&eacute; Artur, 10 mai 2012, dans Marine Beccarelli, <em>op.&nbsp;cit.,</em> p.&nbsp;189.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a> &laquo;&nbsp;Tu l&rsquo;&eacute;coutes vraiment [&hellip;] et tu [&hellip;] parles normalement comme si tu [&hellip;] parlais chez toi &agrave; table avec des copains&nbsp;&raquo; (<em>ibid.</em>)</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a> Si Jos&eacute; Artur pr&ocirc;ne un art de l&rsquo;entretien improvis&eacute; et ne lit presque jamais &agrave; l&rsquo;antenne de textes r&eacute;dig&eacute;s, il a tout de m&ecirc;me sous les yeux des fiches avec des informations sur son invit&eacute;, tandis qu&rsquo;il conc&egrave;de que ce qui passe pour de l&rsquo;improvisation ne l&rsquo;est jamais vraiment. &laquo;&nbsp;Pour la radio, une bonne improvisation se travaille &eacute;norm&eacute;ment finalement. Quand, au music-hall, les jongleurs ratent la balle, pour rater la balle habilement trois fois et la r&eacute;ussir &agrave; la quatri&egrave;me il faut &ecirc;tre capable de la r&eacute;ussir &agrave; la premi&egrave;re. La fausse erreur &agrave; l&rsquo;Am&eacute;ricaine, c&rsquo;est merveilleux. C&rsquo;est travaill&eacute;, quand m&ecirc;me. Moi qui n&rsquo;ai jamais travaill&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;cole, j&rsquo;ai travaill&eacute;. Quand je recevais Sartre ou des gens de ce niveau-l&agrave;, je passais une apr&egrave;s-midi d&rsquo;Hypokh&acirc;gne&nbsp;!&nbsp;&raquo; (<em>ibid.</em>, p.&nbsp;190).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a> Jos&eacute; Artur<em>, Parlons de moi, y&rsquo;a que &ccedil;a qui m&rsquo;int&eacute;resse</em>, Paris, Robert Laffont, 1988, p.&nbsp;196.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a> Roland Dhordain, <em>Le Roman de la radio, de la TSF aux radios libres</em>, <em>op.&nbsp;cit.,</em> p.&nbsp;214.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a> Voir Jean-Marie Seillan, &laquo;&nbsp;L&rsquo;interview&nbsp;&raquo;, dans Dominique Kalifa, Philippe R&eacute;gnier, Marie-&Egrave;ve Th&eacute;renty et Alain Vaillant (dir.), <em>La Civilisation du journal</em>. <em>Histoire culturelle et litt&eacute;raire de la presse fran&ccedil;aise au xix<sup>e</sup> si&egrave;cle (1800-1914), </em>Paris, Nouveau Monde &eacute;ditions, 2011, p.&nbsp;1025-1040.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a> Voir Pierre-Marie H&eacute;ron, &laquo;&nbsp;De l&rsquo;impertinence dans les interviews d&rsquo;&eacute;crivain&nbsp;: l&rsquo;exemple de la s&eacute;rie radiophonique <em>Qui &ecirc;tes-vous&nbsp;?</em> (1949-1951)&nbsp;&raquo;, <em>Argumentation et Analyse du Discours</em> [en ligne], 12 | 2014, URL&nbsp;: http://aad.revues.org/1706.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a> Claude Villers fait d&rsquo;ailleurs partie de l&rsquo;&eacute;quipe du <em>Pop Club</em> &agrave; la fin des ann&eacute;es soixante.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a> Sur la dimension contre-culturelle du <em>Pop Club</em>, voir notamment C&eacute;cile de Kerguiziau de Kersvasdou&eacute;, &laquo;&nbsp;L&rsquo;Impact du mouvement pop en France et son expression radiophonique, 1965-1974. &Eacute;tude de deux &eacute;missions phares&nbsp;: le <em>Pop Club</em> et <em>Campus</em>&nbsp;&raquo;, DEA de l&rsquo;Institut d&rsquo;&eacute;tudes politiques de Paris, 1998. Dans les ann&eacute;es soixante, m&ecirc;me s&rsquo;il existe des exceptions, le ton de la radio publique est globalement plus s&eacute;rieux et guind&eacute; que celui des radios p&eacute;riph&eacute;riques &ndash; Radio Luxembourg, Europe n&deg;1, Radio Monte-Carlo et Sud-Radio &ndash;, dont les &eacute;metteurs sont implant&eacute;s en dehors des fronti&egrave;res, mais qui sont largement &eacute;cout&eacute;es par les Fran&ccedil;ais.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a> <em>Paris-Jour,</em> 28 novembre 1966.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a> &laquo;&nbsp;<em>Le Pop Club,</em> m&ecirc;me si Jos&eacute; Arthur [son nom de famille est ici &eacute;corch&eacute;] agace parfois les dents, continue une excellente carri&egrave;re&nbsp;; son audience a d&eacute;bord&eacute; nos fronti&egrave;res&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;Un regain de faveur face &agrave; la concurrence de la t&eacute;l&eacute;vision&nbsp;&raquo;, <em>Le Monde,</em> 14 juillet 1967). Les ondes radiophoniques se propageant plus loin durant la nuit, l&rsquo;&eacute;mission est largement &eacute;cout&eacute;e en dehors des fronti&egrave;res fran&ccedil;aises, en Europe et en Afrique du Nord.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a> Martin Even, &laquo;&nbsp;France Inter. <em>Le Pop Club</em>, recette d&rsquo;une r&eacute;ussite&nbsp;&raquo;, <em>Le Monde</em>, 17 octobre 1969.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref32" name="_ftn32">[32]</a> C&rsquo;est le cas notamment d&rsquo;Alice Sapritch et Luis Mariano, voir Jos&eacute; Artur, <em>Micro de nuit, op.&nbsp;cit,</em> p.&nbsp;256.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref33" name="_ftn33">[33]</a> Ce jour-l&agrave;, Max Gallo confirme qu&rsquo;il n&rsquo;a effectivement pas &laquo;&nbsp;dig&eacute;r&eacute;&nbsp;&raquo; la remarque car il pense ne pas avoir mauvais caract&egrave;re. Apr&egrave;s quoi Jos&eacute; Artur retire ce qu&rsquo;il qualifie de &laquo; provocation&nbsp;&raquo;. L&rsquo;entretien d&rsquo;une heure se d&eacute;roule ensuite dans une atmosph&egrave;re de bonne entente, plut&ocirc;t famili&egrave;re.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref34" name="_ftn34">[34]</a> Ce qui peut &ecirc;tre vicieux car d&rsquo;une mani&egrave;re g&eacute;n&eacute;rale, Jos&eacute; Artur ne manque pas de rappeler &agrave; ces invit&eacute;s qu&rsquo;ils peuvent consommer de l&rsquo;alcool &agrave; son micro.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref35" name="_ftn35">[35]</a> <em>Le Pop Club</em> du 30 juin 1987.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref36" name="_ftn36">[36]</a> <em>Le Pop Club et Jos&eacute; Artur,</em> T&eacute;l&eacute; Normandie, 3<sup>e</sup> cha&icirc;ne, 21 ao&ucirc;t 1984</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref37" name="_ftn37">[37]</a> <em>Ibid.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref38" name="_ftn38">[38]</a> Jos&eacute; Artur, <em>Au Plaisir des autres</em>, Paris, Michel Lafon, 2009, p.&nbsp;193 et 282.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref39" name="_ftn39">[39]</a> <em>Le Pop Club</em> du 1<sup>er</sup> juin 1985.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref40" name="_ftn40">[40]</a> Durant l&rsquo;&eacute;t&eacute; 1967, il pr&eacute;sente d&rsquo;ailleurs <em>Flirtissimo,</em> une &eacute;mission quotidienne estivale dans laquelle il s&rsquo;entretient sur un transat avec une jeune femme inconnue, sur le ton du flirt et de la s&eacute;duction. Durant la saison 1969-1970, il anime <em>Flirt</em>, programme dans lequel il interviewe des vedettes f&eacute;minines, sur le m&ecirc;me ton. Install&eacute; dans un studio diff&eacute;rent de la personnalit&eacute; interview&eacute;e, il a pour mission de l&rsquo;identifier, par le truchement de ses questions et du flirt. &Agrave; la diff&eacute;rence de <em>Flirtissimo</em>, les archives de <em>Flirt</em> ont &eacute;t&eacute; conserv&eacute;es.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref41" name="_ftn41">[41]</a> Jos&eacute; Artur, <em>Micro de nuit, op.&nbsp;cit.,</em> p.&nbsp;128.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref42" name="_ftn42">[42]</a> Jos&eacute; Artur, <em>Au Plaisir des autres, op.&nbsp;cit</em>., p.&nbsp;134.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref43" name="_ftn43">[43]</a> Archives priv&eacute;es de Jos&eacute; Artur, courrier des auditeurs, lettre de Pierre L., 10 avril 1968.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref44" name="_ftn44">[44]</a> Il lui redonne toutefois quelques minutes plus tard l&rsquo;opportunit&eacute; de reprendre son explication.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref45" name="_ftn45">[45]</a> Entretien avec Jos&eacute; Artur, 10 mai 2012, dans Marine Beccarelli, <em>op.&nbsp;cit</em>., p.&nbsp;187.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref46" name="_ftn46">[46]</a> Jacques Renoux, &laquo;&nbsp;La vie serait bien dure s&rsquo;il n&rsquo;y avait pas le Pop-Club&nbsp;&raquo;, <em>T&eacute;l&eacute;rama,</em> n&deg;1266, semaine du 20 au 26 avril 1974, p.&nbsp;11.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref47" name="_ftn47">[47]</a> D&egrave;s la fin des ann&eacute;es 1970, certains auditeurs le lui reprochent d&rsquo;ailleurs une pratique de l&rsquo;interview moins agressive et moins provocatrice que dans la premi&egrave;re d&eacute;cennie de l&rsquo;&eacute;mission.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref48" name="_ftn48">[48]</a> Par exemple l&rsquo;&eacute;mission <em>Qui &ecirc;tes-vous&nbsp;?</em> d&rsquo;Andr&eacute; Gillois, ou encore <em>La Parole est &agrave; la nuit</em> de Luc B&eacute;rimont. Sur le d&eacute;voilement d&rsquo;une parole intime dans les entretiens radiophoniques, voir Anne Outram Mott Steiner<em>, </em>&laquo;&nbsp;L&rsquo;Identit&eacute; m&eacute;diatique et ses sc&eacute;nographies dans l&rsquo;entretien culturel &agrave; la radio&nbsp;&raquo;, th&egrave;se de doctorat de l&rsquo;universit&eacute; de Gen&egrave;ve, 2011.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref49" name="_ftn49">[49]</a> Jos&eacute; Artur, <em>Au Plaisir des autres, op.&nbsp;cit., </em>p.&nbsp;192.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref50" name="_ftn50">[50]</a> Fran&ccedil;oise Sagan, <em>Un sang d&rsquo;aquarelle</em>, Paris, Gallimard, sorti le 4 f&eacute;vrier 1987.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref51" name="_ftn51">[51]</a> Fernando Arrabal, <em>La Vierge rouge,</em> Paris, Acropoles, 1986.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref52" name="_ftn52">[52]</a> L&rsquo;&eacute;mission existe alors depuis 1975 &ndash; soit une dizaine d&rsquo;ann&eacute;es.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref53" name="_ftn53">[53]</a> En r&eacute;alit&eacute;, Fran&ccedil;oise Sagan a au moins particip&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;mission t&eacute;l&eacute;visuelle <em>Lectures pour tous</em> du 27 mars 1968 pour faire la promotion du livre.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref54" name="_ftn54">[54]</a> Fran&ccedil;oise Sagan dans <em>Lectures pour tous,</em> &eacute;m. cit.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref55" name="_ftn55">[55]</a> Fran&ccedil;oise Sagan, <em>Le Pop Club</em> du 26 juin 1987.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref56" name="_ftn56">[56]</a> Jos&eacute; Artur, <em>Micro de nuit, op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;180.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref57" name="_ftn57">[57]</a> Expression de Jos&eacute; Artur dans l&rsquo;&eacute;mission avec Max Gallo. &nbsp;Artur &eacute;voque &agrave; plusieurs reprises &laquo;&nbsp;l&rsquo;ordre chronologique&nbsp;&raquo; qu&rsquo;il s&rsquo;efforce de suivre au fil des questions de ses entretiens. Par exemple, dans l&rsquo;&eacute;mission avec Max Gallo&nbsp;: &laquo;&nbsp;On va garder l&rsquo;ordre chronologique un petit peu, et parler du premier livre&hellip;&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref58" name="_ftn58">[58]</a> Il &eacute;voque notamment les faire-part qu&rsquo;il a re&ccedil;us lors de la naissance des enfants de Fernando Arrabal, la fois o&ugrave; il a vu Fran&ccedil;oise Sagan sur un chameau, ou encore le jour o&ugrave; il a interview&eacute; la fille de R&eacute;gine Deforges, plusieurs ann&eacute;es auparavant, dans le cadre d&rsquo;une &eacute;mission t&eacute;l&eacute;visuelle consacr&eacute;e au th&eacute;&acirc;tre.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref59" name="_ftn59">[59]</a> En 1983 et 1984, Max Gallo &eacute;tait porte-parole du gouvernement.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref60" name="_ftn60">[60]</a> R&eacute;gine Deforges sort cette ann&eacute;e-l&agrave;<em> Le Diable en rit encore</em>, le troisi&egrave;me volet de <em>La Bicyclette bleue</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref61" name="_ftn61">[61]</a> Max Gallo fait ici r&eacute;f&eacute;rence &agrave; la remarque introductive de l&rsquo;animateur.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref62" name="_ftn62">[62]</a> Jos&eacute; Artur fait ici r&eacute;f&eacute;rence &agrave; sa r&eacute;flexion sur le &laquo;&nbsp;caract&egrave;re de cochon&nbsp;&raquo; de Max Gallo.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref63" name="_ftn63">[63]</a> C&rsquo;est &eacute;galement la nuit que des programmes radiophoniques nocturnes de confessions des anonymes ont &eacute;t&eacute; cr&eacute;&eacute;s au milieu des ann&eacute;es 1970. V. notamment Marine Beccarelli, <em>Les Nuits du bout des ondes</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em></p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="Auteur">Auteur</span></h3> <p style="text-align: justify;"><strong>Marine Beccarelli</strong>&nbsp;est docteure en histoire contemporaine de l&rsquo;Universit&eacute; Paris 1 Panth&eacute;on-Sorbonne, sp&eacute;cialiste de l&rsquo;histoire des m&eacute;dias et de la radio. Sa th&egrave;se, soutenue en 2016, portait sur l&rsquo;histoire de la radio nocturne en France. Elle a &eacute;t&eacute; pr&eacute;c&eacute;d&eacute;e&nbsp;de la publication d&rsquo;une adaptation&nbsp;de son m&eacute;moire de Master 2 introduisant le sujet :&nbsp;<i>&nbsp;Les Nuits du bout des ondes. Introduction &agrave; l&rsquo;Histoire de la radio nocturne en France</i>, Ina &eacute;ditions, 2014.</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>Copyright</strong></h3> <p style="text-align: justify;">Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p> </div>