<div class="entry-content"> <h3 style="text-align: justify;">Abstract</h3> <p>Based on an investigation of radio interviews at the Ina archives, the article outlines two forms&nbsp;in Roland Barthes: the&nbsp;notional interview (books and intellectual topics) and the&nbsp;personal conversation (which concerns his authorial ethos). The classification makes it possible to trace the evolution of the literary posture of Barthes, which develops&nbsp;in 1970-1974 into a &ldquo;romanesque&rdquo; (fictional)&nbsp;elaboration, namely a discursive mode of the imaginary&nbsp;prone to&nbsp;represent itself both in writing and orally. This second form reveals&nbsp;his ambivalent practice of the radio interview. Finally, the analysis focuses on the radio self-portrait in 1976, when the posture &ldquo;romanesque&rdquo;&nbsp;presents an oral speech that is both autobiographical and fictional. The amateur posture in the interviews on music and Proust at France Culture in 1978 is only a repetition of this kind of posture.</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p class="meta-tags">voice, radio interviews, Roland Barthes, France Culture, novelistic, self-portrait on the radio</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;enqu&ecirc;te sur les entretiens radiophoniques de Roland Barthes commence seulement apr&egrave;s la publication, en 1981, du<em> Grain de la voix. Entretiens (1962-1980)</em>, recueil qui concerne 39 entretiens publi&eacute;s dans la presse &eacute;crite&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>. L&rsquo;ann&eacute;e suivante, en 1982, Thierry Leguay &eacute;tablit une table des entretiens de Barthes diffus&eacute;s lors d&rsquo;&eacute;missions radiophoniques ou &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision. Leguay &eacute;tait parti du r&eacute;pertoire personnel de l&rsquo;auteur et l&rsquo;avait class&eacute;, v&eacute;rifi&eacute; et publi&eacute; dans la revue <em>Communications</em>&nbsp;: 62 &eacute;missions radiophoniques comptant la participation de Barthes&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>. Plus tard, certaines transcriptions des entretiens de Barthes ont &eacute;t&eacute; reprises dans les <em>&OElig;uvres compl&egrave;tes </em>publi&eacute;es en 1995 par &Eacute;ric Marty et r&eacute;&eacute;dit&eacute;es dans une &eacute;dition nouvelle et &eacute;largie en 2002&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>. Et pourtant, le nombre r&eacute;el d&rsquo;interviews donn&eacute;es par Barthes d&eacute;passe largement le nombre de celles recens&eacute;es ou r&eacute;&eacute;dit&eacute;es dans la revue <em>Communications </em>(124) ou dans les <em>&OElig;uvres compl&egrave;tes </em>(72). L&rsquo;enqu&ecirc;te men&eacute;e dans le cadre de nos recherches nous a permis de d&eacute;nombrer &agrave; ce jour 170 interviews de Barthes, dont 81 &agrave; la radio (Leguay en comptait 62). La plupart datent des ann&eacute;es 1970, qui s&rsquo;av&egrave;rent d&egrave;s lors la d&eacute;cennie la plus significative pour &eacute;tudier la pr&eacute;sence de Barthes &agrave; la radio, d&rsquo;autant qu&rsquo;elle correspond au moment de sa plus grande renomm&eacute;e litt&eacute;raire. Durant cette p&eacute;riode, Barthes accorde 101 interviews sur le total des 170 qu&rsquo;il a accord&eacute;s&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>. Ces chiffres nous montrent non seulement que Barthes a partag&eacute; sa pratique de l&rsquo;entretien entre la radio et la presse &eacute;crite de fa&ccedil;on &agrave; peu pr&egrave;s &eacute;gale, mais aussi qu&rsquo;il s&rsquo;est pleinement pli&eacute; au jeu de la radio offert &agrave; l&rsquo;&eacute;crivain contemporain, malgr&eacute; une attitude parfois r&eacute;ticente devant ce m&eacute;dia de masse.</p> <p style="text-align: justify;">Au cours de cet article, on verra comment l&rsquo;attitude de Barthes envers la radio subit le contrepoint d&rsquo;une r&eacute;flexion qui s&rsquo;unit, dans les ann&eacute;es 1970, &agrave; une pratique bien particuli&egrave;re du m&eacute;dia. On peut r&eacute;partir bri&egrave;vement les 81 entretiens &agrave; la radio selon une ventilation, m&ecirc;me sch&eacute;matique, entre deux types&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>. &Agrave; partir de l&rsquo;ann&eacute;e 1975, deux usages tr&egrave;s diff&eacute;rents de l&rsquo;interview se distinguent dans notre corpus&nbsp;: d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute; l&rsquo;interview d&rsquo;id&eacute;es, critiquable en soi du fait qu&rsquo;elle ne permet pas une r&eacute;&eacute;laboration ou restitution suffisante de la pens&eacute;e, mais admissible comme pis-aller et m&ecirc;me obligatoire comme moyen donn&eacute; &agrave; l&rsquo;intellectuel de faire son devoir de participer au d&eacute;bat public&thinsp;&nbsp;; de l&rsquo;autre l&rsquo;entretien subjectif en premi&egrave;re personne, qui permet &agrave; l&rsquo;auteur de dire &laquo;&nbsp;je&nbsp;&raquo; et que &ndash;&nbsp;comme l&rsquo;on verra&nbsp;&ndash; Barthes d&eacute;clare &ecirc;tre &laquo;&nbsp;le seul genre d&rsquo;entretien que l&rsquo;on pourrait &agrave; la rigueur d&eacute;fendre&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">En ce qui concerne l&rsquo;interview d&rsquo;id&eacute;e, 45 occurrences pourraient y &ecirc;tre associ&eacute;es, en prenant en compte &agrave; la foi le sujet de ces interviews &ndash;&nbsp;donn&eacute;es &agrave; l&rsquo;occasion de la sortie d&rsquo;un livre de Barthes ou questionnant son activit&eacute; de critique litt&eacute;raire, de sociologue, etc.&nbsp;&ndash; et la &laquo;&nbsp;posture&nbsp;&raquo; intellectuelle de l&rsquo;auteur, manifestant par ses r&eacute;ponses sa participation au monde actuel, son int&eacute;gration dans le champ socio-litt&eacute;raire pr&eacute;constitu&eacute; de son temps&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; 15 interviews sur ses livres&nbsp;: trois pour <em>Michelet par lui-m&ecirc;me </em>(2 en 1954, 1 en 1964), deux pour <em>Mythologies </em>(en 1957), une pour <em>Essais critiques </em>(1964), deux pour <em>Syst&egrave;me de la mode</em>&nbsp;(1967) &ndash; j&rsquo;y ajouterais une partie non diffus&eacute;e de la s&eacute;rie <em>&Agrave; voix nue </em>de Georges Charbonnier &ndash;, une pour <em>S/Z </em>(1970), trois pour <em>Sade, Fourier, Loyola </em>(1 en 1971, 2 en 1972), une pour la r&eacute;&eacute;dition du <em>Degr&eacute; z&eacute;ro de l&rsquo;&eacute;criture </em>(1972) et deux pour <em>Plaisir du texte </em>(1973)&thinsp;&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Barthes appara&icirc;t comme &laquo;&nbsp;mythologue&nbsp;&raquo; &agrave; la mode dans 6 interviews sur le rapport entre sociologie et litt&eacute;rature (<em>La crise de la sociologie</em>, 1956, avec Edgard Morin), sur la photo touristique (<em>Les loisirs</em>, 1962), sur la fonction et l&rsquo;esth&eacute;tique de l&rsquo;&laquo;&nbsp;objet&nbsp;&raquo; (<em>L&rsquo;homme et l&rsquo;objet&nbsp;: l&rsquo;usage et la possession des objets</em>, 1964), sur la photographie de presse pour deux &eacute;missions (<em>L&rsquo;&egrave;re des communications de masse</em>, 1968 et 1969) et sur l&rsquo;Utopie (1970)&thinsp;&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Barthes joue le r&ocirc;le du &laquo;&nbsp;linguiste&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;s&eacute;miologue&nbsp;&raquo; de la culture dans&nbsp;: les 5 &eacute;missions de <em>Sciences et techniques</em> consacr&eacute;es au num&eacute;ro &laquo;&nbsp;z&eacute;ro&nbsp;&raquo; et &agrave; la rh&eacute;torique du silence et du blanc sur la page (1967), <em>Du bon usage de la lecture </em>sur l&rsquo;usage du texte (1967), la s&eacute;rie des entretiens <em>&Agrave; voix nue </em>de Georges Charbonnier pour France Culture (1967), <em>Le fran&ccedil;ais, langue vivante </em>(1968) et enfin <em>Les chemins de la connaissance</em> sur l&rsquo;&eacute;criture picturale (1978)&thinsp;&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Barthes commente les &laquo;&nbsp;classiques&nbsp;&raquo; dans 13 interviews&nbsp;: <em>La le&ccedil;on de Proust </em>(1963), <em>Dante en son temps </em>(1965), l&rsquo;encyclop&eacute;die (1966), <em>De Nietzsche &agrave; Beckett </em>(1967), Fourier (<em>Reflets de l&rsquo;&acirc;ge d&rsquo;or</em>, 1971), Val&eacute;ry (1971), P&eacute;guy (1973), Racine (1974), Michelet (1974), Benveniste (1976), Jakobson (1977), Calvino (1978), Val&eacute;ry (1978)&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Barthes est interrog&eacute; sur la litt&eacute;rature contemporaine en tant que &laquo;&nbsp;nouveau critique&nbsp;&raquo;, dans 6 interviews&nbsp;: deux en 1964, en 1965 avec Georges Charbonnier (<em>Magazine des sciences</em>), en 1967 avec Fran&ccedil;ois Nourissier (<em>Pour une critique cr&eacute;atrice</em>), en 1968 sur le Nouveau roman avec Roger Vrigny et en 1975, quand il lit un texte sur Roger Laporte au cours d&rsquo;un entretien collectif.</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;entretien subjectif et personnel, conduit en premi&egrave;re personne, est la forme qui permet &agrave; Barthes d&rsquo;explorer, &agrave; diff&eacute;rents niveaux, le r&ocirc;le de son &laquo;&nbsp;imaginaire&nbsp;&raquo; et de proposer par la mise en parole d&rsquo;une posture &laquo;&nbsp;romanesque&nbsp;&raquo; un entretien tout diff&eacute;rent &agrave; la radio, qui est le pendant de l&rsquo;&eacute;volution autobiographique de son &eacute;criture. On peut inclure 18 entretiens dans ce second type de performance, qui va de 1975 &agrave; la mort de Barthes en 1979&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; la <em>Radioscopie</em> avec Jacques Chancel (1975)&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; les deux entretiens en 1975 &agrave; propos de <em>Roland Barthes par Roland Barthes </em>(o&ugrave; il est clair qu&rsquo;apr&egrave;s ce livre l&rsquo;entretien sans le &laquo;&nbsp;moi&nbsp;&raquo; n&rsquo;est plus possible)&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; l&rsquo;autoportrait radiophonique pour <em>L&rsquo;Invit&eacute; du lundi </em>(1976)&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; <em>Le chant romantique</em> (1976)&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; les cinq entretiens avec Jean-Marie Benoist et Bernard-Henri L&eacute;vy consacr&eacute;s &agrave; la fois &agrave; sa renomm&eacute;e publique et &agrave; sa personne priv&eacute;e (1977)&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; deux entretiens r&eacute;alis&eacute;s pour la sortie de <em>Fragments d&rsquo;un discours amoureux</em>, particuli&egrave;rement &laquo;&nbsp;romanesque&nbsp;&raquo; &eacute;tant celui intitul&eacute; <em>La derni&egrave;re des solitudes</em> (1977)&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; un autre entretien sur l&rsquo;<em>Empire des signes </em>r&eacute;alis&eacute; pour l&rsquo;&eacute;mission <em>Les chemins de la connaissance</em> et consacr&eacute; au plaisir de l&rsquo;&eacute;criture (1977)&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; <em>Pourquoi Schubert aujourd&rsquo;hui&nbsp;? </em>sur la cat&eacute;gorie d&rsquo;amateur &agrave; propos de la musique de Schubert (1978)&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; l&rsquo;entretien avec Alain Veinstein pour <em>Nuits magn&eacute;tiques</em> (1978)&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; les deux entretiens sur la musique r&eacute;alis&eacute;s avec Claude Maupom&eacute; (1978-1979)&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; la s&eacute;rie des trois entretiens &laquo;&nbsp;proustiens&nbsp;&raquo; avec Jean Montalbetti (1978).</p> <p style="text-align: justify;">Dans la pr&eacute;sente &eacute;tude, nous utiliserons l&rsquo;autoportrait de 1976 et les entretiens avec Claude Maupom&eacute; et Jean Montalbetti (1978-1979) comme exemples d&rsquo;entretien &laquo;&nbsp;romanesque&nbsp;&raquo; pour cerner les aspects de la posture &laquo;&nbsp;romanesque&nbsp;&raquo; adopt&eacute;e par Barthes &agrave; la fin des ann&eacute;es 1970. Il s&rsquo;agira d&rsquo;abord d&rsquo;esquisser les passages qui permettent &agrave; Barthes, entre 1970 et 1974, de se donner cette posture romanesque, de mani&egrave;re &agrave; mieux diff&eacute;rencier le type d&rsquo;entretien qui en proc&egrave;de de l&rsquo;interview d&rsquo;id&eacute;e. Un groupe de cinq interviews d&eacute;finit cette sorte de &laquo;&nbsp;passage&nbsp;&raquo; entre les deux s&eacute;ries. Dans ce groupe, il y a aussi des entretiens men&eacute;s par Barthes avec d&rsquo;autres &eacute;crivains&nbsp;: deux avec Jean Ristat, <em>L&rsquo;inconnu n&rsquo;est pas le n&rsquo;importe quoi</em> (1971), un avec Renaud Camus (1975). C&rsquo;est peut-&ecirc;tre &agrave; la suite de la pratique directe du r&ocirc;le de l&rsquo;intervieweur, notamment dans l&rsquo;entretien avec Camus&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>, que Barthes prend conscience qu&rsquo;il y a d&eacute;sormais pour lui deux types d&rsquo;entretiens radiophoniques&nbsp;: d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute;, l&rsquo;entretien qui, sur l&rsquo;auteur, ne va pas au-del&agrave; de ce que le public conna&icirc;t de lui&nbsp;; de l&rsquo;autre, l&rsquo;entretien qui descend dans une interrogation secr&egrave;te de l&rsquo;auteur, qu&rsquo;on peut d&eacute;voiler par l&rsquo;exploration et la consommation publique de son imaginaire d&rsquo;&eacute;crivain<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="1_Naissance_de_la_posture_romanesque_1970-1974">1. Naissance de la posture romanesque&nbsp;: 1970-1974</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Dans ce petit ensemble d&rsquo;entretiens &laquo;&nbsp;entre-les-deux&nbsp;&raquo;, Barthes ne sort de la forme de l&rsquo;interview intellectuelle&nbsp;; quelques &eacute;l&eacute;ments plus personnels esquissent cependant la forme que pourrait prendre avec lui un entretien personnel. Ces interviews de passage nous int&eacute;ressent, par cons&eacute;quent, pour pr&eacute;ciser la valeur du &laquo;&nbsp;romanesque&nbsp;&raquo; que Barthes met en &oelig;uvre dans les entretiens du corpus.</p> <p style="text-align: justify;">En 1970, &agrave; l&rsquo;occasion d&rsquo;une interview sur <em>S/Z</em>, non seulement Barthes confesse que &laquo;&nbsp;la v&eacute;ritable origine de ce travail, Dieu sait o&ugrave; elle est, peut-&ecirc;tre dans mon inconscient&nbsp;&raquo;, mais, interrompant l&rsquo;&eacute;loge que Luc Estang est en train de faire de son livre, il en &eacute;voque le plaisir &laquo;&nbsp;romanesque&nbsp;&raquo; qu&rsquo;il y a trouv&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je ne voulais pas vous interrompre avec, disons, le mouvement de l&rsquo;&eacute;motion&nbsp;[&hellip;] dans le plaisir que j&rsquo;ai eu &agrave; faire ce travail, j&rsquo;ai eu une sorte de jubilation que j&rsquo;estime &ecirc;tre de type romanesque&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>. Quoique cette jubilation &laquo;&nbsp;romanesque&nbsp;&raquo; ne donne pas lieu &agrave; une orientation personnelle du propos dans l&rsquo;interview en cours, Barthes introduit bien ici l&rsquo;opportunit&eacute; de donner parole &agrave; un autre &laquo;&nbsp;moi&nbsp;&raquo;, plus personnel que celui de l&rsquo;intellectuel pouss&eacute; &agrave; s&rsquo;exprimer sur des sujets ext&eacute;rieurs &agrave; lui.</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;ann&eacute;e suivante, en 1971, on trouve dans l&rsquo;entretien de Barthes avec Jean Thibaudeau, partiellement publi&eacute; dans la revue <em>Tel Quel&nbsp;</em><a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>, une premi&egrave;re &eacute;laboration de la r&eacute;flexion qui le conduit &agrave; inventer sa posture romanesque pour la fin des ann&eacute;es 1970. Dans une note explicative ins&eacute;r&eacute;e en fronton, la transformation du <em>je </em>qui parle en <em>je </em>imaginaire est orient&eacute; dans la direction du romanesque&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Les r&eacute;ponses ont &eacute;t&eacute; r&eacute;&eacute;crites &ndash;&nbsp;ce qui ne veut pas dire qu&rsquo;il s&rsquo;agisse d&rsquo;&eacute;criture, puisque, vu le propos biographique, le <em>je</em> (et sa kyrielle de verbes au pass&eacute;) doit &ecirc;tre ici assum&eacute; comme si celui qui parle &eacute;tait le m&ecirc;me (&agrave; la m&ecirc;me place) que celui qui a v&eacute;cu. On voudra bien en cons&eacute;quence se rappeler que la personne qui est n&eacute;e en m&ecirc;me temps que moi le 12 novembre 1915 va devenir contin&ucirc;ment sous le simple effet de l&rsquo;&eacute;nonciation une premi&egrave;re personne enti&egrave;rement &laquo;&nbsp;imaginaire&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Barthes a trouv&eacute; l&rsquo;angle de vue qui lui permet de se voir et de se donner &agrave; voir comme un nouveau personnage romanesque &ndash;&nbsp;comme un personnage autofictionnel avant la lettre&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>&nbsp;&ndash; tout en consid&eacute;rant que, dans ce cas, l&rsquo;op&eacute;ration est possible gr&acirc;ce au travail de transcription, &agrave; la &laquo;&nbsp;r&eacute;&eacute;criture&nbsp;&raquo; des r&eacute;ponses de l&rsquo;entretien originel. Ce faisant, il ne se donne pas encore une posture personnelle, puisque c&rsquo;est le ph&eacute;nom&egrave;ne m&ecirc;me de la r&eacute;&eacute;criture qui produit un <em>je</em> imaginaire. Il reste encore dans une r&eacute;flexion &laquo;&nbsp;classique&nbsp;&raquo; sur l&rsquo;&eacute;criture, appliqu&eacute;e au <em>je</em> autobiographique. Toutefois, dans son avant-derni&egrave;re r&eacute;ponse &agrave; Jean Thibaudeau, Barthes fait &eacute;cho au propos liminaire et se charge de donner une fonction au genre de l&rsquo;entretien, &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur du nouveau projet du <em>je </em>romanesque. Par cette insertion, le romanesque &eacute;volue en un mode de discours qui semble pouvoir d&eacute;passer les limites de l&rsquo;&eacute;criture pour questionner la &laquo;&nbsp;parole&nbsp;&raquo; tout court et entreprendre, finalement, une transformation discursive praticable dans la forme de l&rsquo;entretien en g&eacute;n&eacute;ral, &agrave; la fois oral et &eacute;crit&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Le seul genre d&rsquo;entretien que l&rsquo;on pourrait &agrave; la rigueur d&eacute;fendre, serait celui o&ugrave; l&rsquo;auteur serait sollicit&eacute; d&rsquo;&eacute;noncer ce qu&rsquo;<em>il ne peut pas</em> &eacute;crire. [&hellip;] Ce que l&rsquo;&eacute;criture n&rsquo;&eacute;crit jamais, c&rsquo;est <em>Je&thinsp;</em>&nbsp;; ce que la parole dit toujours, c&rsquo;est <em>Je&thinsp;</em>&nbsp;; c&rsquo;est donc l&rsquo;<em>imaginaire</em> de l&rsquo;auteur, la collection de ses fantasmes [&hellip;] en ce qui me concerne&nbsp;: la musique, la nourriture, le voyage, la sexualit&eacute;, les habitudes de travail&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">La &laquo;&nbsp;parole&nbsp;&raquo; devrait permettre la communication au public de l&rsquo;imaginaire de l&rsquo;interview&eacute;, au fur et &agrave; mesure qu&rsquo;on l&rsquo;interroge sur ses habitudes, ses plaisirs, ses loisirs. Le but du genre de l&rsquo;entretien serait de ce point de vue, sinon oppos&eacute;, du moins compl&eacute;mentaire du travail de l&rsquo;&eacute;criture&nbsp;: &agrave; celle-ci le travail de la pens&eacute;e, &agrave; celui-l&agrave; l&rsquo;expression de l&rsquo;imaginaire priv&eacute;. Si l&rsquo;entretien offre une voie privil&eacute;gi&eacute;e au moi priv&eacute;, l&rsquo;&eacute;criture vient &agrave; comprendre l&rsquo;expression de l&rsquo;intellectuel, m&ecirc;me dans les formes d&rsquo;interview plus classiques (comme celles de la premi&egrave;re cat&eacute;gorie). Le probl&egrave;me que pose Barthes est, en clair, que l&rsquo;entretien est un moyen adapt&eacute; non au travail de la pens&eacute;e, mais au travail de la subjectivit&eacute;. Mais quel serait l&rsquo;entretien qui se chargerait de v&eacute;ritablement donner forme &agrave; cette parole priv&eacute;e, &agrave; l&rsquo;&eacute;cart du travail de l&rsquo;&eacute;criture&nbsp;? L&rsquo;entretien radiophonique. Il repr&eacute;sente bel et bien une &eacute;tape dans le passage de Barthes de la posture de l&rsquo;intellectuel &ndash; qui utilise non seulement l&rsquo;&eacute;criture, mais aussi l&rsquo;interview d&rsquo;id&eacute;e &ndash; &agrave; celle de l&rsquo;auteur &laquo;&nbsp;romanesque&nbsp;&raquo;, qui investit &agrave; la fin des ann&eacute;es 1970 des formes multiples, &eacute;crites et orales, de performance de la parole (textes et entretiens, cours, s&eacute;minaires, autres formes d&rsquo;apparition publique, etc.).</p> <p style="text-align: justify;">En 1972, dans une interview ici r&eacute;pertori&eacute;e dans la cat&eacute;gorie de l&rsquo;interview d&rsquo;id&eacute;e et consacr&eacute;e &agrave; <em>Sade, Fourier, Loyola</em>, Roger Vrigny fait r&eacute;f&eacute;rence au num&eacute;ro de <em>Tel Quel</em> et &agrave; ce que Barthes y dit&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>. D&eacute;passant la r&eacute;flexion g&eacute;n&eacute;rale sur la forme de l&rsquo;entretien, il pose &agrave; son invit&eacute; une question directe sur le cas de l&rsquo;entretien &agrave; la radio, qui l&rsquo;am&egrave;ne &agrave; se prononcer directement sur le sujet, tout en restant dans le cadre du passage au romanesque envisag&eacute; avec Thibaudeau. L&rsquo;opposition entre &laquo;&nbsp;&eacute;criture&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;parole&nbsp;&raquo; revient avec plus de clart&eacute; dans cet &eacute;change. Barthes dit ne pas aimer l&rsquo;entretien radiophonique qui commence &laquo;&nbsp;en parole&nbsp;&raquo; et se termine par une forme d&rsquo;&eacute;criture&nbsp;: il y voit une forme de &laquo;&nbsp;mauvaise foi&nbsp;&raquo;. Si cela constitue une approbation de l&rsquo;entretien parl&eacute;, avec les limites que l&rsquo;on conna&icirc;t du contr&ocirc;le &agrave; avoir sur son discours oral, Barthes se trouve n&eacute;anmoins devant le d&eacute;fi de donner une forme romanesque &agrave; un entretien, tout en refusant le secours de la r&eacute;&eacute;criture, qui lui avait permis l&rsquo;ann&eacute;e pr&eacute;c&eacute;dente de ma&icirc;triser son <em>je </em>imaginaire gr&acirc;ce au passage de l&rsquo;entretien film&eacute; &agrave; la transcription.</p> <p style="text-align: justify;">Cela ne semble cependant un probl&egrave;me urgent ou dont la r&eacute;solution devrait &ecirc;tre imm&eacute;diate. Sans aimer l&rsquo;interview r&eacute;&eacute;crite, Barthes l&rsquo;a pratiqu&eacute;e r&eacute;guli&egrave;rement toute sa vie, et continue l&rsquo;ann&eacute;e suivante. En 1973, au moment o&ugrave; la publication du <em>Plaisir de texte </em>op&egrave;re un changement complet et irr&eacute;versible de son image publique, l&rsquo;entretien <em>O&ugrave; va la litt&eacute;rature&thinsp;&nbsp;?</em>, avec Pillaudin et Nadeau, est anim&eacute; justement par l&rsquo;&laquo;&nbsp;utopie&nbsp;&raquo; d&eacute;clar&eacute;e dans le livre de &laquo;&nbsp;faire du lecteur un &eacute;crivain&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>. M&ecirc;me si l&rsquo;interview ne lui permet pas encore d&rsquo;adopter une posture romanesque, Barthes ajoute dans sa transcription une notation que nous n&rsquo;entendons pas dans l&rsquo;interview radiophonique&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Quand on a commenc&eacute; &agrave; &eacute;crire, quand on est dans l&rsquo;&eacute;criture, quoi qu&rsquo;elle vaille d&rsquo;ailleurs, il y a un moment, en un sens, o&ugrave; on n&rsquo;a plus le temps de lire [&hellip;] personnellement j&rsquo;ai tr&egrave;s peu de temps de lecture en soi, de lecture gratuite. J&rsquo;en ai un peu le soir quand je rentre chez moi, mais, &agrave; ce moment-l&agrave;, je lis plut&ocirc;t des textes classiques&nbsp;; ou pendant les vacances&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>&hellip;</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Le contraste exprim&eacute; entre lecture priv&eacute;e et &eacute;criture publique redouble celui d&eacute;j&agrave; pos&eacute; entre r&eacute;&eacute;criture et parole. La fuite hors de la lecture professionnelle vaut mort de l&rsquo;auteur-intellectuel et naissance de l&rsquo;auteur-&eacute;crivain. Les idiosyncrasies de lecture de Barthes, qui abandonne les textes modernes, pr&eacute;parent l&rsquo;&eacute;mergence d&rsquo;autres idiosyncrasies autobiographiques et transforment le moment de la lecture priv&eacute;e en une confrontation directe avec &agrave; la fois les textes classiques et les auteurs qui les ont &eacute;crits. C&rsquo;est qui introduit une solution au probl&egrave;me de la parole&nbsp;: l&rsquo;imitation de quelque chose, qui n&rsquo;est pas de l&rsquo;&eacute;criture, mais rel&egrave;ve d&rsquo;une posture, d&rsquo;une mani&egrave;re de s&rsquo;en tenir comme &eacute;crivain classique.</p> <p style="text-align: justify;">Cette sortie hors de l&rsquo;&eacute;criture, au sein de l&rsquo;entretien oral, est discut&eacute;e en 1974 dans un texte, &laquo;&nbsp;De la parole &agrave; l&rsquo;&eacute;criture&nbsp;&raquo;, con&ccedil;u comme pr&eacute;face &agrave; la publication de <em>Quelle crise&nbsp;? Quelle soci&eacute;t&eacute;&nbsp;?</em>, premier volume de la s&eacute;rie &laquo;&nbsp;Dialogues de France Culture&nbsp;&raquo; aux Presses universitaires de Grenoble&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>. Barthes semble y r&eacute;gler ses comptes avec le probl&egrave;me de la transcription de l&rsquo;entretien, c&rsquo;est-&agrave;-dire du rapport entre parole et &eacute;criture. Il reconna&icirc;t dans ce texte que, dans un entretien radiophonique, la parole est &laquo;&nbsp;th&eacute;&acirc;trale&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;tactique&nbsp;&raquo;, qu&rsquo;elle y suit ses propres codes culturels et oratoires. Or, dans la &laquo;&nbsp;scription&nbsp;&raquo; (transcription d&rsquo;un entretien enregistr&eacute; &agrave; l&rsquo;oral), on perd le grain de la voix, la pr&eacute;sence du corps, la dimension phatique de la communication, sans que cette perte se solde par l&rsquo;accession &agrave; une v&eacute;ritable &eacute;criture&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>. Le point de vue est donc critique&nbsp;: on perd sur les deux tableaux finalement.</p> <p style="text-align: justify;">Curieusement, quelques ann&eacute;es plus tard, en 1977, dans &laquo;&nbsp;Une sorte de travail manuel&nbsp;&raquo;, r&eacute;ponse &agrave; une enqu&ecirc;te &eacute;crite des<em> Nouvelles litt&eacute;raires</em> sur l&rsquo;&eacute;criture au magn&eacute;tophone, Barthes propose une r&eacute;flexion quasiment oppos&eacute;e, du moins plus fine, du ph&eacute;nom&egrave;ne de la <em>scription</em>&nbsp;: elle pourrait bien elle aussi inscrire l&rsquo;entretien dans le champ de l&rsquo;&eacute;criture, d&egrave;s le moment que, en donnant parfois &agrave; un &eacute;crivain la possibilit&eacute; de retravailler sa parole, elle lui permet d&rsquo;y r&eacute;introduire son propre style&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">En tout cas, la double position de Barthes devant l&rsquo;entretien &agrave; la radio s&rsquo;accompagne d&rsquo;une pratique ambivalente, tant&ocirc;t purement orale et &laquo;&nbsp;romanesque&nbsp;&raquo;, tant&ocirc;t mixte, avec un d&eacute;part oral suivi d&rsquo;une r&eacute;&eacute;criture. Une pratique qui, comme la chronologie le montre, continue au fil des ans et permet &agrave; Barthes de jouer sur les deux tableaux. S&rsquo;il est question dans la suite de cet article de l&rsquo;entretien romanesque de forme orale, il reste n&eacute;anmoins &eacute;vident pour Barthes que tout auteur ne peut pas renoncer au r&ocirc;le social de l&rsquo;interview comme moyen donn&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;crivain (&laquo;&nbsp;quelqu&rsquo;un qui a &eacute;crit des livres&nbsp;&raquo;) de participer au d&eacute;bat public&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;&eacute;crivain &ndash;&nbsp;quelqu&rsquo;un qui a &eacute;crit des livres&nbsp;&ndash; doit se pr&ecirc;ter aux interviews, comme celui-ci, ou &agrave; des prestations &agrave; la radio ou &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision. Bien. Je dirai tout simplement &ndash;&nbsp;je dis les choses franchement&nbsp;&ndash; il doit le faire et ce n&rsquo;est pas du tout pour des raisons narcissiques. Ce n&rsquo;est pas parce qu&rsquo;il lui fait plaisir qu&rsquo;on parle de lui, qu&rsquo;il soit entendu&nbsp;; ou si ce plaisir existe on peut dire qu&rsquo;il dure tr&egrave;s peu de temps. En r&eacute;alit&eacute;, si on fait &ccedil;a c&rsquo;est parce que l&rsquo;&eacute;crivain sent tr&egrave;s bien que, quand il &eacute;crit, quand il publie, il s&rsquo;articule sur le travail d&rsquo;autres personnes&nbsp;: les personnes qui l&rsquo;interrogent, les personnes qui l&rsquo;enregistrent. Il fait partie d&rsquo;une &eacute;conomie et par cons&eacute;quent je dirai qu&rsquo;il n&rsquo;a pas &ndash;&nbsp;en principe&nbsp;&ndash; le droit de se refuser &agrave; ce type d&rsquo;&eacute;change&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Ce passage permet finalement de mieux distinguer les r&ocirc;les&nbsp;: dans le cas de l&rsquo;intellectuel et/ou de l&rsquo;&eacute;crivant, l&rsquo;interview est un pis-aller, n&eacute;cessaire &agrave; son intervention dans le d&eacute;bat public&nbsp;; dans le cas de l&rsquo;&eacute;crivain (l&rsquo;auteur v&eacute;ritable et/ou classique), l&rsquo;entretien est l&eacute;gitime comme &eacute;criture de l&rsquo;imaginaire, via non seulement la parole, mais la voix et le langage du corps. Cela signifie finalement que, dans le cadre de l&rsquo;entretien radiophonique, il faut trouver pour Barthes une mani&egrave;re de &laquo;&nbsp;travailler&nbsp;&raquo; physiquement la parole radiophonique, pour lui donner une <em>forme</em>, litt&eacute;raire si l&rsquo;on veut, &eacute;labor&eacute;e du moins, sans le truchement de la transcription.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="2_Lautoportrait_radiophonique_de_1976_une_voix_romanesque">2. L&rsquo;autoportrait radiophonique de 1976&nbsp;: une &laquo;&nbsp;voix&nbsp;&raquo; romanesque</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">En 1976, Barthes se pr&ecirc;te &agrave; un autoportrait radiophonique pour l&rsquo;&eacute;mission &laquo;&nbsp;L&rsquo;Invit&eacute; du lundi&nbsp;&raquo;. Pr&eacute;par&eacute; avec Michel Gonzales et Andr&eacute; Mathieu, l&rsquo;autoportrait est enregistr&eacute; quatre jours auparavant et dure apr&egrave;s montage 33 minutes (pour une heure dix d&rsquo;enregistrement). Dans l&rsquo;autoportrait ne sont conserv&eacute;es que les r&eacute;ponses de Barthes touchant sa biographie, sa formation litt&eacute;raire, ses int&eacute;r&ecirc;ts culturels, son travail actuel, etc.. Mais quand Montalbetti demande &ndash; une fois l&rsquo;autoportrait termin&eacute; &ndash; s&rsquo;il a &eacute;t&eacute; hypocrite dans ses r&eacute;ponses, Barthes nie avoir &eacute;t&eacute; g&ecirc;n&eacute; et s&rsquo;explique en soulignant le caract&egrave;re non-r&eacute;f&eacute;rentiel de l&rsquo;autoportrait r&eacute;alis&eacute;&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Non, je n&rsquo;ai pas du tout &eacute;t&eacute; hypocrite dans la mesure o&ugrave; pour &ecirc;tre hypocrite il faudrait qu&rsquo;il y ait une v&eacute;rit&eacute; qu&rsquo;on masque et j&rsquo;ai pris soin au d&eacute;but de l&rsquo;autoportrait de dire que la difficult&eacute; de l&rsquo;autoportrait c&rsquo;est que, en tant qu&rsquo;une sorte de grand &eacute;pisode du langage, il s&rsquo;&eacute;tablissait en dehors de toute r&eacute;f&eacute;rence possible&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;autoportrait mobilise bien Barthes comme personne priv&eacute;e dans ses r&eacute;ponses, par l&rsquo;&eacute;coute de sa voix et d&rsquo;un <em>je. </em>L&rsquo;image d&rsquo;auteur que Barthes donne de lui-m&ecirc;me d&eacute;place celle qu&rsquo;il donnait jusqu&rsquo;&agrave; pr&eacute;sent&nbsp;: &eacute;merge celle d&rsquo;un intellectuel heureux de travailler, qui y prend un plaisir physique et concret, presque sensuel&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Dans le pr&eacute;sent, je dois beaucoup lutter pour pr&eacute;server ces zones de travail personnel et c&rsquo;est l&agrave; un des probl&egrave;mes importants de ma vie, comme de la vie de la plupart des intellectuels et des &eacute;crivains d&rsquo;aujourd&rsquo;hui&hellip; de r&eacute;sister &agrave; la dispersion [&hellip;] &Agrave; ce moment-l&agrave; je n&rsquo;ai pas, en ce qui me concerne, de plus grand plaisir, en dehors des plaisirs de la f&ecirc;te, ou des plaisirs de la volupt&eacute;&hellip; je n&rsquo;ai pas de plus grand que de me lever le matin en me disant que j&rsquo;ai toute une matin&eacute;e tranquille devant moi pour travailler&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Barthes parle de l&rsquo;activit&eacute; intellectuelle comme d&rsquo;un plaisir, une jouissance, li&eacute;e &agrave; l&rsquo;activit&eacute; elle-m&ecirc;me mais aussi &agrave; son espace, son organisation, la d&eacute;fense de cet espace contre la dispersion des multiples sollicitations autres. L&rsquo;exp&eacute;rience du travail intellectuel est celle d&rsquo;un bien-&ecirc;tre physique, qui le renvoie non tant au domaine des id&eacute;es qu&rsquo;au domaine du corps et d&rsquo;un moi sensible&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">C&rsquo;est une jouissance qui s&rsquo;accompagne &ndash; je dirai &ndash; d&rsquo;une jouissance suppl&eacute;mentaire, d&rsquo;organisation du travail, de toute une structure de l&rsquo;espace de travail, ce que j&rsquo;appelle la papeterie du travail, qui est une chose qui donne &eacute;norm&eacute;ment de plaisir et il me semble que dans ma vie c&rsquo;est toujours ce qui reste &agrave; travers des &eacute;volutions, des difficult&eacute;s, des tentations de toute sorte&hellip; &agrave; travers des leurres, des pannes, des paresses, il reste toujours &ccedil;a&hellip; je sais que si je veux je peux travailler d&rsquo;une fa&ccedil;on &ndash; je le r&eacute;p&egrave;te &ndash; jouissive&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">La relation directe entre le corps et l&rsquo;&eacute;criture passe par le plaisir du psychisme, des sens, de la manipulation de toute une &laquo;&nbsp;papeterie&nbsp;&raquo; qui accompagne la mise au travail et la production des id&eacute;es.</p> <p style="text-align: justify;">Dans l&rsquo;autoportrait de 1976 r&eacute;alis&eacute; pour la radio, il n&rsquo;y a pas d&rsquo;&eacute;criture au sens propre, et la &laquo;&nbsp;papeterie&nbsp;&raquo; du micro et des moyens d&rsquo;enregistrement &eacute;chappent en partie au contr&ocirc;le de l&rsquo;auteur. Le plaisir de travailler (de cr&eacute;er) doit trouver d&rsquo;autres biais. Avan&ccedil;ons que l&rsquo;&eacute;quivalent de la main pour l&rsquo;&eacute;criture, c&rsquo;est la voix pour la &laquo;&nbsp;parole&nbsp;&raquo; orale&nbsp;: c&rsquo;est elle qui permet de lier la construction d&rsquo;un <em>je imaginaire </em>ou romanesque au corps de l&rsquo;auteur, sans passer par l&rsquo;&eacute;crit. La voix <em>de </em>Barthes est l&rsquo;instrument qui lui permet de d&eacute;velopper une posture romanesque &agrave; la radio&nbsp;: l&agrave;, il d&eacute;voile publiquement son corps &ndash;&nbsp;par une r&eacute;f&eacute;rence auditive directe de son corps envers les auditeurs&nbsp;&ndash; tout en envahissant <em>sa </em>voix par un discours autofictionnel second &ndash;&nbsp;&eacute;labor&eacute; certes, en 1976, &agrave; partir de ses textes et livres, et soutenu par un autocommentaire.</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;autoportrait proprement dit se donne &agrave; saisir dans des fragments de discours, entre lesquels Barthes fait des pauses, s&rsquo;arr&ecirc;te pour relire les questions et propositions de sujets de ses interlocuteurs et y r&eacute;fl&eacute;chir. Il ne structure plus ses phrases en un discours continu, mais accepte de d&eacute;couper <em>son </em>propre discours autobiographique, qui par cons&eacute;quent se pr&eacute;sente en fragments vocaux s&eacute;par&eacute;s les uns des autres&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>. Comme ses &eacute;tudiant(e)s les plus fid&egrave;les le remarquent&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>, cet &laquo;&nbsp;art&nbsp;&raquo; vocal de la parole orale dans l&rsquo;autoportrait est tr&egrave;s diff&eacute;rent du <em>phras&eacute; parl&eacute;</em> pratiqu&eacute; dans son s&eacute;minaire et son cours (mais aussi dans les autres interviews), qui garde une construction syntaxique tr&egrave;s logique. Il tranche du reste aussi sur son style d&rsquo;&eacute;criture, parfois tr&egrave;s moderniste dans l&rsquo;usage, par exemple, de la ponctuation (deux points et parenth&egrave;ses plac&eacute;s en mani&egrave;re anti-scolaire). Ce qui ne pla&icirc;t pas &agrave; tous ses interlocuteurs, puisque, apr&egrave;s qu&rsquo;Antoine Compagnon a relev&eacute; cet &eacute;cart entre la phrase orale et la phrase &eacute;crite de Barthes, Romaric Sulger-B&uuml;el et Roland Havas r&eacute;agissent en jugeant l&rsquo;autoportrait radiophonique &laquo;&nbsp;d&eacute;cevant&nbsp;&raquo; par rapport &agrave; l&rsquo;autoportrait &eacute;crit que constitue un an plus t&ocirc;t <em>Roland Barthes par Roland Barthes</em>.</p> <p style="text-align: justify;">Barthes leur explique que l&rsquo;autoportrait radiophonique est un genre &laquo;&nbsp;faux&nbsp;&raquo;&nbsp;: c&rsquo;est &laquo;&nbsp;une parole sans v&eacute;ritable interlocuteur&nbsp;&raquo; &ndash;&nbsp;comme l&rsquo;&eacute;criture&nbsp;&ndash;, tandis que la parole adress&eacute;e aux auditeurs de son s&eacute;minaire est port&eacute;e par &laquo;&nbsp;une interlocution tr&egrave;s forte&nbsp;&raquo;. Mais pr&eacute;cis&eacute;ment, il repr&eacute;sente &ndash;&nbsp;comme l&rsquo;&eacute;criture&nbsp;&ndash; une forme indirecte de parole, puisqu&rsquo;il est enregistr&eacute;. Il faut l&rsquo;entendre, pr&eacute;cise-t-il, comme &laquo;&nbsp;une sorte d&rsquo;&eacute;criture &agrave; l&rsquo;&eacute;tat second, c&rsquo;est-&agrave;-dire avec toute l&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute; d&rsquo;un texte qui ne se donne pas exactement pour ce qu&rsquo;il est et donc r&eacute;interpr&eacute;ter le ton qui a &eacute;t&eacute; employ&eacute; comme un proc&eacute;d&eacute; d&rsquo;&eacute;criture, c&rsquo;est-&agrave;-dire [&hellip;] mettre des guillemets autour de ce que j&rsquo;ai dit&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>&nbsp;&raquo;. Ainsi, dans l&rsquo;autoportrait radiophonique, parole et <em>scription </em>semblent s&rsquo;int&eacute;grer mutuellement&nbsp;; la distinction entre <em>je </em>romanesque orale et <em>je</em> romanesque &eacute;crit semble annul&eacute;e. Plus pr&eacute;cis&eacute;ment, l&rsquo;autoportrait radiophonique devient un discours dans lequel la voix m&ecirc;me de Barthes est mise &laquo;&nbsp;entre guillemets&nbsp;&raquo;, afin de donner naissance &agrave; un personnage romanesque de la m&ecirc;me nature que celui du <em>Roland Barthes par Roland Barthes</em>. Il est d&rsquo;ailleurs pr&eacute;c&eacute;d&eacute; d&rsquo;un avertissement &eacute;quivalent &agrave; celui du livre&nbsp;: &laquo;&nbsp;Tout ceci doit &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute; comme dit par un personnage de roman&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Dans l&rsquo;autoportrait, les modalit&eacute;s de pauses &agrave; l&rsquo;oral, certaines d&ucirc;ment enregistr&eacute;es (quand il prend et allume une cigarette) finissent par correspondre &agrave; une fragmentation du discours oral du Barthes &laquo;&nbsp;professeur&nbsp;&raquo; par la voix et le corps du Barthes &laquo;&nbsp;romanesque&nbsp;&raquo;. Tout comme son l&rsquo;&eacute;criture romanesque fragmente, dans <em>Roland Barthes par Roland Barthes</em>, le discours continu de la dissertation, de l&rsquo;essai monographique, du r&eacute;cit autobiographique. En outre, ces fragments oraux correspondent formellement &agrave; des citations, qui peuvent activer les souvenirs romanesques, et qui ont la m&ecirc;me fonction que les &laquo;&nbsp;anamn&egrave;ses&nbsp;&raquo; introduites dans l&rsquo;autoportrait &eacute;crit <em>Roland Barthes par Roland Barthes</em>.</p> <p style="text-align: justify;">En somme, dans cet autoportrait de 1976, la parole radiophonique n&rsquo;est pas de l&rsquo;&laquo;&nbsp;&eacute;criture parl&eacute;e&nbsp;&raquo;, comme celle que Barthes dit produire dans ses s&eacute;minaires et cours. La parole vive et improvis&eacute;e de l&rsquo;autoportrait domine le travail de montage, qui ne change pas la voix et le ton. Elle est aussi revue et interpr&eacute;t&eacute;e, dans un commentaire plac&eacute; &agrave; la fin, en guise de &laquo;&nbsp;postface&nbsp;&raquo;, sous un angle romanesque. Encore une fois, Barthes dirige son auditeur vers l&rsquo;auteur qu&rsquo;il a entendu, mais en faisant de sa <em>voix</em> le lieu d&rsquo;une parole autofictionnelle.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="3_Entretiens_avec_Claude_Maupome_et_avec_Jean_Montalbetti_1978_la_posture_de_lamateur">3. Entretiens avec Claude Maupom&eacute; et avec Jean Montalbetti (1978)&nbsp;: la posture de l&rsquo;amateur</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Dans son premier entretien avec Claude Maupom&eacute; pour l&rsquo;&eacute;mission &laquo;&nbsp;Le Concert &eacute;go&iuml;ste&nbsp;&raquo;, diffus&eacute; en janvier 1978 &ndash;&nbsp;et contrairement &agrave; ce qu&rsquo;il a &eacute;crit dans &laquo;&nbsp;La Chronique&nbsp;&raquo; six mois auparavant&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>&nbsp;&ndash;, Barthes dit aimer &eacute;couter de la musique en travaillant&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Barthes&nbsp;&ndash; [&hellip;] je n&rsquo;ai pas un tr&egrave;s bon rapport au disque. La musique, pour moi, ne passe pas bien par le disque. La musique passe par deux choses&nbsp;: le piano, le chant quand j&rsquo;en ai fait &ndash;&nbsp;c&rsquo;est-&agrave;-dire la musique que je fais ou que j&rsquo;ai faite avec mon corps&nbsp;&ndash; et alors la radio, oui, la radio. L&agrave;, bon&hellip; au risque de choquer beaucoup de producteurs et de r&eacute;alisateurs de radio, je&hellip; j&rsquo;aime bien mettre France Musique quand je travaille. Je sais que &ccedil;a a &eacute;t&eacute; tr&egrave;s reproch&eacute; &agrave; Claude L&eacute;vi-Strauss, mais je dois dire que je partage absolument cette pratique avec lui [&hellip;].</p> <p style="text-align: justify;">Maupom&eacute;&nbsp;&ndash;&nbsp;Vous n&rsquo;&ecirc;tes pas aussi strict que lui pour la parole &agrave; France Musique&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Non, il y a des parties parl&eacute;es &agrave; France Musique qui ne me d&eacute;plaisent pas du tout. D&rsquo;abord parce que tr&egrave;s souvent j&rsquo;aime bien la voix de qui parle. Je m&rsquo;int&eacute;resse aux voix.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; C&rsquo;est toujours de la musique&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Oui, c&rsquo;est toujours de la musique, surtout pour moi qui m&rsquo;int&eacute;resse beaucoup &agrave; la voix&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Barthes indique ici qu&rsquo;il re&ccedil;oit certaines voix parl&eacute;es comme de la musique. Voix et musique entrent dans le travail intellectuel&nbsp;; elles sont d&eacute;j&agrave; dans l&rsquo;&eacute;criture s&eacute;rieuse et agissent comme stimulant et plaisir auxiliaire de la pens&eacute;e. Leur essence s&rsquo;oppose aussi &agrave; la musique professionnelle, aux enregistrements des interpr&egrave;tes c&eacute;l&egrave;bres que l&rsquo;on &eacute;coute au concert ou sur les disques. Cette association du travail intellectuel &agrave; l&rsquo;&eacute;coute de la musique, voire &agrave; sa pratique (chant et piano), mais aussi &agrave; l&rsquo;&eacute;coute de ce qui devrait encore plus d&eacute;ranger ce travail, &agrave; savoir les &laquo;&nbsp;parties parl&eacute;es&nbsp;&raquo; d&rsquo;&eacute;missions musicales, fait bouger l&agrave; aussi l&rsquo;image de l&rsquo;intellectuel que Barthes peut avoir dans le public. On peut dire que, au personnage du <em>travailleur</em>, elle ajoute celui de l&rsquo;<em>amateur&nbsp;</em><a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>. Le parall&egrave;le avec L&eacute;vi-Strauss sugg&egrave;re qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;une posture anti-puriste. Dans le second entretien avec Maupom&eacute;, pour &laquo;&nbsp;Comment l&rsquo;entendez-vous&nbsp;?&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a>, cette posture de l&rsquo;amateur va jusqu&rsquo;&agrave; inclure une pratique musicale marginale chez l&rsquo;amateur de musique courant, qui est la composition&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Maupom&eacute; &ndash; Une question que je voulais vous poser depuis longtemps&nbsp;: la composition musicale, vous l&rsquo;avez abandonn&eacute;e&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">Barthes&nbsp;&ndash; Ah, abandonn&eacute;e&nbsp;! Je ne l&rsquo;ai jamais abord&eacute;e.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Si, si, dans <em>Barthes par lui-m&ecirc;me </em>il y a une photographie d&rsquo;un po&egrave;me de Charles d&rsquo;Orl&eacute;ans&nbsp;<a href="#_ftn32" name="_ftnref32">[32]</a>&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; &hellip; que j&rsquo;avais mis en musique&nbsp;<a href="#_ftn33" name="_ftnref33">[33]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">La vis&eacute;e de Barthes dans cet entretien est de d&eacute;voiler la dimension de plaisir du travail intellectuel, de r&eacute;former l&rsquo;image qu&rsquo;on peut se faire de lui comme intellectuel <em>de m&eacute;tier</em> au profit de l&rsquo;amateur, qui &eacute;coute de la musique en travaillant, et peut m&ecirc;me &agrave; l&rsquo;occasion en composer pour son plaisir personnel.</p> <p style="text-align: justify;">&Agrave; cette posture de l&rsquo;amateur, l&rsquo;entretien de 1978 avec Jean Montalbetti ajoute le mod&egrave;le proustien qui anime en sous-main, depuis le d&eacute;but des ann&eacute;es 1970 au moins, l&rsquo;imaginaire de Barthes &agrave; la recherche de son identit&eacute; non plus d&rsquo;intellectuel, mais d&rsquo;&eacute;crivain. L&rsquo;&eacute;mission, diffus&eacute;e en trois parties, les 20 et 27 octobre et le 3 novembre 1978, fait partie de la s&eacute;rie <em>Un homme, une ville</em>, produite par Montalbetti pour France Culture. Le journaliste se prom&egrave;ne en compagnie de Barthes dans les lieux marqu&eacute;s par la m&eacute;moire proustienne&nbsp;: le quadrilat&egrave;re du Faubourg St Honor&eacute;, de la Madeleine jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;h&ocirc;tel Ritz (1)&nbsp;; Illiers-Combray &ndash;&nbsp;avec en fin d&rsquo;&eacute;mission une longue &eacute;tape &agrave; la BnF pour examiner les carnets de Proust (2)&nbsp;; les Champs-&Eacute;lys&eacute;es et le Bois de Boulogne, sur les traces de la duchesse de Guermantes et d&rsquo;Odette Swann (3). Les titres choisis pour les trois rendez-vous de cette &eacute;mission sont autant de pastiches de l&rsquo;&oelig;uvre proustienne&nbsp;: <em>&Agrave; la recherche du Faubourg</em>, <em>Du c&ocirc;t&eacute; de Combray</em>, <em>&Agrave; l&rsquo;ombre des jardins et des bois</em>. Comme le rappelle Barthes, les deux promeneurs parcourent un chemin &laquo;&nbsp;narratif&nbsp;&raquo; qui suit les lieux de la vie de Proust.</p> <p style="text-align: justify;">Claude Coste constate tr&egrave;s bien qu&rsquo;ici, &laquo;&nbsp;bien loin des illusions du transistor, la radio propose enfin une autre forme d&rsquo;&eacute;criture indirecte&nbsp;<a href="#_ftn34" name="_ftnref34">[34]</a>&nbsp;&raquo;. Le ton est beaucoup plus fil&eacute; et pareil &agrave; la voix que l&rsquo;on &eacute;coute dans les cours de Barthes&nbsp;: une sorte d&rsquo;&eacute;criture &laquo;&nbsp;parl&eacute;e&nbsp;&raquo; dans l&rsquo;interlocution avec les autres. Comme il le confesse &agrave; Montalbetti dans la troisi&egrave;me &eacute;mission &ndash;&nbsp;qui sera le dernier entretien de Barthes diffus&eacute; &agrave; la radio&nbsp;&ndash; la promenade radiophonique est l&rsquo;occasion de r&eacute;gler &laquo;&nbsp;un vieux compte&nbsp;&raquo; avec Proust, avec l&rsquo;&oelig;uvre qui accompagne sa vie&nbsp;: &laquo;&nbsp;Quand nous arrivent des choses personnelles, &agrave; tout instant nous retrouvons une esp&egrave;ce de d&eacute;j&agrave;-vu dans Proust [&hellip;] dans une extr&ecirc;me fraternit&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn35" name="_ftnref35">[35]</a>.&nbsp;&raquo; Proust est bien du c&ocirc;t&eacute; de l&rsquo;amateur, non du travailleur&nbsp;: Barthes critique, on le sait, n&rsquo;a consacr&eacute; que trois petits articles &agrave; Proust&nbsp;<a href="#_ftn36" name="_ftnref36">[36]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Parler de Proust signifie de surcro&icirc;t un engagement particulier pour Barthes <em>amateur</em>. Dans ce dernier entretien, un d&eacute;sir ultime appara&icirc;t&nbsp;: &eacute;crire comme Proust, et non sur lui. Pour cela, il faut s&rsquo;identifier &agrave; Proust&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Barthes&nbsp;&ndash; Je crois qu&rsquo;il y a un moment o&ugrave; on n&rsquo;a plus envie d&rsquo;&eacute;crire sur Proust, mais on a envie d&rsquo;&eacute;crire&hellip; comme Proust. Non pas pour se comparer &agrave; lui &ndash;&nbsp;ce serait bien pr&eacute;tentieux. Voyez-vous Proust c&rsquo;est un &eacute;crivain&hellip; pour moi il n&rsquo;est pas question de se comparer &agrave; lui si on &eacute;crit, mais&hellip; il est parfaitement question, il est parfaitement l&eacute;gitime de s&rsquo;identifier &agrave; lui. Je crois qu&rsquo;il faut faire la diff&eacute;rence. On ne se compara pas &agrave; lui mais on s&rsquo;identifie &agrave; lui. Il a un pouvoir d&rsquo;identification tr&egrave;s grand. Par cons&eacute;quent, on pourrait tr&egrave;s bien concevoir&hellip; d&rsquo;accepter, par exemple, de r&eacute;&eacute;crire quelque chose qui ressemblerait &agrave; <em>La Recherche du temps perdu </em>[&hellip;].</p> <p style="text-align: justify;">Montalbetti&nbsp;&ndash; Et vous proposez de&hellip; d&rsquo;en donner une nouvelle version&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Non, disons que c&rsquo;est un r&ecirc;ve, mais c&rsquo;est un r&ecirc;ve tr&egrave;s nourrissant, vous savez, qui fait tr&egrave;s plaisir et qui&hellip; peut justement alimenter une sorte d&rsquo;&eacute;nergie de travail, comme &ccedil;a. Peu importe l&rsquo;&eacute;chec au fond&nbsp;<a href="#_ftn37" name="_ftnref37">[37]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Le r&ecirc;ve de l&rsquo;identification, c&rsquo;est un trait classique plus que romantique. L&agrave; o&ugrave;, tout en endossant des r&ocirc;les sociaux en nombre limit&eacute; (comme l&rsquo;a montr&eacute; Jos&eacute;-Luis Diaz), l&rsquo;&eacute;crivain romantique veut &ecirc;tre original&nbsp;<a href="#_ftn38" name="_ftnref38">[38]</a>, Barthes rend &agrave; l&rsquo;imitation son importance non seulement comme processus de cr&eacute;ation, mais aussi comme processus de construction de son image publique. La posture de Barthes &eacute;crivain, mais aussi de Barthes au micro dans son dernier entretien, ce serait la posture de Proust. Posture d&rsquo;une importance personnelle essentielle dans les moments de doute sur sa capacit&eacute; &agrave; &eacute;crire, et le changement de son style d&rsquo;&eacute;criture durant les ann&eacute;es 1970. L&rsquo;identification publique &agrave; Proust &agrave; l&rsquo;occasion de cette &eacute;mission en trois volets, pr&eacute;pare Barthes au projet d&rsquo;&eacute;crire un roman intitul&eacute; <em>Vita Nova&nbsp;</em><a href="#_ftn39" name="_ftnref39">[39]</a>. Si l&rsquo;entretien radiophonique participe chez Barthes aux probl&eacute;matiques soulev&eacute;es dans son &oelig;uvre &eacute;crite, on peut voir avec ce projet de roman le lieu o&ugrave; oral et &eacute;criture se montrent incompatibles. Tout se passe en effet comme si l&rsquo;identification proustienne poussait Barthes trop loin de son imaginaire priv&eacute; constitu&eacute;&nbsp;; comme si elle le poussait &agrave; orienter son expression litt&eacute;raire dans une direction que l&rsquo;entretien oral &laquo;&nbsp;romanesque&nbsp;&raquo; ne pouvait pas accueillir. La direction du roman proustien, c&rsquo;est-&agrave;-dire aussi du genre romanesque.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="4_Conclusion">4. Conclusion</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Dans les ann&eacute;es 1970, l&rsquo;&oelig;uvre et la pens&eacute;e de Barthes s&rsquo;ouvrent &agrave; l&rsquo;invention d&rsquo;une posture romanesque qui, &agrave; la radio emprunte la voie de l&rsquo;entretien subjectif oppos&eacute;e &agrave; l&rsquo;interview d&rsquo;id&eacute;e, en m&ecirc;me temps que son image d&rsquo;intellectuel de m&eacute;tier, th&eacute;oricien, professeur, etc., s&eacute;rieux et savant, compose avec celle de l&rsquo;<em>amateur</em>. L&rsquo;interrogation de l&rsquo;auteur sur les usages possibles de l&rsquo;interview et de l&rsquo;entretien &eacute;merge au d&eacute;but des ann&eacute;es 1970. Elle concerne les ressources comme les limites des formes dialogiques &agrave; la radio, en relation surtout aux probl&egrave;mes pos&eacute;s par la parole en direct et sa transcription (<em>scription</em>). Un peu plus tard, dans l&rsquo;autoportrait de 1976, Barthes emploie <em>sa </em>voix comme moyen de cr&eacute;er une forme autofictionnelle d&rsquo;entretien &agrave; la radio et comme illustration du processus de devenir de la parole &laquo;&nbsp;romanesque&nbsp;&raquo;. Dans ce genre d&rsquo;entretien, la posture de l&rsquo;amateur joue un r&ocirc;le essentiel pour l&rsquo;expression du <em>je </em>imaginaire, comme l&rsquo;on a vu dans ses &eacute;changes sur la musique, car elle permet une sortie franche de la posture de l&rsquo;intellectuel de m&eacute;tier, face &agrave; laquelle elle suscite celle de l&rsquo;&eacute;crivain, qui &eacute;crit avec son imaginaire et son corps. Finalement, l&rsquo;identification &agrave; Proust, d&rsquo;abord cach&eacute;e puis avou&eacute;e, agit comme une d&eacute;claration d&rsquo;un d&eacute;sir de roman. Elle n&rsquo;appara&icirc;t cependant parfaitement lisible qu&rsquo;apr&egrave;s coup, posthum&eacute;ment si l&rsquo;on peut dire, si on la consid&egrave;re comme l&rsquo;annonce d&rsquo;un Barthes romancier &agrave; venir. On peut avancer que ce Barthes romancier est en quelque sorte un &laquo;&nbsp;produit d&eacute;riv&eacute;&nbsp;&raquo;, non seulement du <em>Roland Barthes par Roland Barthes</em>, mais de sa conception et de sa pratique de l&rsquo;entretien &laquo;&nbsp;romanesque&nbsp;&raquo;.</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h3> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a> Roland Barthes, <em>Le Grain de la voix&nbsp;: entretiens, 1962-1980</em>, Paris, Seuil, &laquo;&thinsp;Essais&nbsp;&raquo;, 1981.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a> Thierry Leguay, &laquo;&thinsp;Roland Barthes&nbsp;: Bibliographie g&eacute;n&eacute;rale (textes et voix), 1942-1981&nbsp;&raquo;, <em>Communications</em>, n&deg;&nbsp;36, 1982, p.&nbsp;131-173.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a> Roland Barthes, <em>&OElig;</em><em>uvres compl</em><em>&egrave;t</em><em>es</em>, sous la direction d&rsquo;&Eacute;ric Marty, 5 vol., Paris, Seuil, 2002.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a> Pour les r&eacute;f&eacute;rences compl&egrave;tes des entretiens cit&eacute;s ici, voir la liste mise &agrave; jour sur https&nbsp;://sites.google.com/view/guidomattiagallerani/projects et, avec des tableaux explicatifs, dans Guido Mattia Gallerani, &laquo;&thinsp;The Faint Smiles of Postures&nbsp;: Roland Barthes&rsquo;s Broadcast Interviews&nbsp;&raquo;, <em>Barthes Studies</em>, n&deg; 3, 2017, en ligne sur http&nbsp;://sites.cardiff.ac.uk/barthes/</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a> Cette ventilation ne comprend pas 13 entretiens &agrave; la radio, que je n&rsquo;ai pas pu &eacute;couter dans les archives de l&rsquo;Ina ou dont une transcription n&rsquo;est pas disponible&nbsp;: une &eacute;mission sur les graffitis et &laquo;&nbsp;Tout dire et se comprendre&nbsp;&raquo; (1962), &laquo;&nbsp;Recherche de notre temps&nbsp;&raquo; (1964), &laquo;&nbsp;Les Id&eacute;es et l&rsquo;Histoire&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;Les Matin&eacute;es de France Culture&nbsp;&raquo; (1970), &laquo;&nbsp;Proust et les &eacute;crivains d&rsquo;aujourd&rsquo;hui&nbsp;&raquo; (1971), &laquo;&nbsp;Les Apr&egrave;s-midi de France Culture&nbsp;&raquo; (1974), &laquo;&nbsp;Journal inattendu&nbsp;&raquo; (1974), &laquo;&nbsp;L&rsquo;antenne est &agrave; R.&nbsp;B.&nbsp;&raquo; (1974), &laquo;&nbsp;Voix de la langue&nbsp;: Charles Panz&eacute;ra&nbsp;&raquo; (1977), &laquo;&nbsp;La musique et l&rsquo;amour&nbsp;&raquo; (1977), &laquo;&nbsp;Hommage &agrave; Roman Jakobson&nbsp;&raquo; (1978), &laquo;&nbsp;Les mythes de l&rsquo;&eacute;criture&nbsp;&raquo; (1978). Il reste des traces bibliographiques de ces entretiens dans d&rsquo;autres archives ou des mentions dans des &eacute;tudes. L&rsquo;existence de quelques-uns reste ouverte &agrave; la discussion (il pourrait aussi s&rsquo;agir de duplicatas erron&eacute;s d&rsquo;entretiens dont l&rsquo;existence est certaine).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a> Avec notamment cette r&eacute;flexion&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le r&ocirc;le de la conversation &ndash; m&ecirc;me radiophonique &ndash; est d&rsquo;&eacute;puiser &agrave; la fois les possibilit&eacute;s et les impossibilit&eacute;s d&rsquo;explication de l&rsquo;auteur&nbsp;&raquo; (Roland Barthes, &laquo;&nbsp;R.B. interroge Renaud Camus sur<em> Passage</em>&nbsp;&raquo; (1975), dans <em>&OElig;uvres compl&egrave;tes</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em>, t. 4, p.&nbsp;407).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a> Dans cet article, par commodit&eacute;, &laquo;&nbsp;entretien&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;interview&nbsp;&raquo; seront employ&eacute;s indiff&eacute;remment m&ecirc;me si une diff&eacute;rence de genre a pu &ecirc;tre &eacute;tablie (Philippe Lejeune, &laquo;&thinsp;La voix de son ma&icirc;tre&nbsp;: l&rsquo;entretien radiophonique&nbsp;&raquo;, dans <em>Je est un autre</em>, Paris, Seuil, &laquo;&thinsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;, 1980, p.&nbsp;103-160&nbsp;; G&eacute;rard Genette, <em>Seuils </em>[1987], Paris, Seuil, &laquo;&thinsp;Essais&nbsp;&raquo;, 2002, p.&nbsp;361-367). Cependant, en plusieurs endroits et suite &agrave; ce propos introductif, &laquo;&nbsp;interview&nbsp;&raquo; d&eacute;signera l&rsquo;interview d&rsquo;id&eacute;e, &laquo;&nbsp;entretien&nbsp;&raquo; l&rsquo;entretien personnel, dont Barthes d&eacute;fend la port&eacute;e &laquo;&nbsp;romanesque&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a> <em>Id.</em>, &laquo;&nbsp;Tribune des critiques&nbsp;&raquo;, entretien avec Pierre Barbier, Luc Estang et Stanislas Fumet, France Culture, 20 avril 1970. Archives de l&rsquo;Ina. La transcription adopt&eacute;e ici pour les extraits d&rsquo;entretien radiophonique n&rsquo;est pas technique, mais r&eacute;pond au souci de lisibilit&eacute; des contenus.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a> <em>Id.</em>, &laquo;&thinsp;R&eacute;ponses&nbsp;&raquo; (1971), dans <em>&OElig;</em><em>uvres compl</em><em>&egrave;t</em><em>es</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em>, t. 3, p.&nbsp;1023-1044. Il s&rsquo;agit &agrave; l&rsquo;origine d&rsquo;un entretien film&eacute;, enregistr&eacute; les 23 et 24 novembre 1970 et le 14 mai 1971.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a> <em>Ibid.</em>, p.&nbsp;1023.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a> Cette posture dans les entretiens correspondra donc &agrave; la figure autobiographique que Barthes dessine dans ses essais des ann&eacute;es&nbsp;1970, notamment dans <em>Roland Barthes par Roland Barthes.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a> Roland Barthes, &laquo;&thinsp;R&eacute;ponses&nbsp;&raquo;, <em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;1042-1043.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a> <em>Id.</em>, entretien avec Roger Vrigny, <em>La Matin</em><em>&eacute;</em><em>e litt</em><em>&eacute;</em><em>raire</em>, s&eacute;quence &laquo;&nbsp;L&rsquo;Invit&eacute; de la semaine&nbsp;&raquo;, France Culture, 13 janvier 1972. Archives de l&rsquo;Ina.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a> <em>Id.</em>, &laquo;&nbsp;O&ugrave; va la litt&eacute;rature&nbsp;?&nbsp;&raquo;, entretien avec Roger Pillaudin et Maurice Nadeau, France Culture, 13 mai 1973. Archives de l&rsquo;Ina.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a> Roland Barthes, &laquo;&nbsp;O&ugrave;&nbsp;/&nbsp;ou va la litt&eacute;rature&nbsp;?&nbsp;&raquo;, transcription de l&rsquo;entretien avec Roger Pillaudin et Maurice Nadeau, dans <em>&OElig;</em><em>uvres compl</em><em>&egrave;</em><em>tes</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em>, t. 4, p.&nbsp;560. Texte publi&eacute; originairement dans Roger Pillaudin (dir.), <em>&Eacute;</em><em>crire</em><em>&hellip;</em><em> pour quoi&nbsp;? pour qui&nbsp;?</em>, Presses Universitaires de Grenoble, &laquo;&nbsp;Dialogues de France-Culture&nbsp;&raquo;, 1974. <em>&Eacute;crire&hellip; pour quoi&thinsp;&nbsp;? pour qui&thinsp;&nbsp;?</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a> Rober Pillaudin (dir.), <em>Quelle crise&nbsp;? Quelle soci</em><em>&eacute;</em><em>t</em><em>&eacute;</em><em>&nbsp;?</em>, Presses universitaires de Grenoble, &laquo;&nbsp;Dialogues de France-Culture&nbsp;&raquo;, 1974.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a> Roland Barthes, &laquo;&thinsp;De la parole &agrave; l&rsquo;&eacute;criture&nbsp;&raquo; (1974), dans <em>&OElig;</em><em>uvres compl</em><em>&egrave;</em><em>tes</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em>, t. 4, p.&nbsp;537-541.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a> <em>Id.</em>, &laquo;&thinsp;Une sorte de travail manuel&nbsp;&raquo; (1977), dans <em>&OElig;</em><em>uvres compl</em><em>&egrave;</em><em>tes</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em>, t. 5, p.&nbsp;392-393.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a> <em>Id.</em>, &laquo;&thinsp;Le M&eacute;tier d&rsquo;&eacute;crire&nbsp;&raquo;, entretien avec Jean-Marie Benoist et Bernard-Henri L&eacute;vy, France Culture, 22 f&eacute;vrier 1977. Archives de l&rsquo;Ina.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a> <em>Id.</em>, &laquo;&nbsp;L&rsquo;Invit&eacute; du lundi&nbsp;&raquo;, entretien avec Michel Gonzales, Andr&eacute; Mathieu, Martine Cadieu, Jacqueline Rousseau Dujardin, Jean Montalbetti et des &eacute;tudiant(e)s de Barthes, France Culture, 8 mars 1976. Archives de l&rsquo;Ina.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a> <em>Ibidem.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a> <em>Ibidem.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a> Dans l&rsquo;autoportrait, il y a plusieurs r&eacute;f&eacute;rences &agrave; l&rsquo;art vocale du baryton suisse Charles Panz&eacute;ra, &agrave; la fois comme mod&egrave;le de diction et pour le plaisir donn&eacute; par sa voix&nbsp;: &laquo;&nbsp;Tout l&rsquo;art de Panz&eacute;ra [&hellip;] &eacute;tait dans les lettres, non dans le soufflet (simple trait technique&nbsp;: on ne l&rsquo;entendait pas <em>respirer</em>, mais seulement <em>d</em><em>&eacute;</em><em>couper </em>la phrase&nbsp;&raquo; (<em>Id.</em>, &laquo;&nbsp;Le Grain de la voix&nbsp;&raquo; [1972], dans <em>&OElig;</em><em>uvres compl</em><em>&egrave;t</em><em>es</em>, t. 3, <em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;151).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a> Pour la troisi&egrave;me partie de l&rsquo;&eacute;mission, Jean Montalbetti a pr&eacute;par&eacute; un dossier, mais Barthes demande explicitement &ndash; rappelle Montalbetti lors de la directe &ndash;&nbsp;que cette partie se fasse avec ses &eacute;tudiants du s&eacute;minaire &agrave; l&rsquo;EPHE (Evelyne Bachelier, Jean-Louis Bachelier, Jean-Louis Bouttes, Antoine Compagnon, Roland Havas, Romaric Sulger-B&uuml;el) et une &laquo;&nbsp;voix&nbsp;&raquo; ext&eacute;rieure (la psychanalyste Jacqueline Rousseau Dujardin).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a> <em>Id.</em>, &laquo;&nbsp;L&rsquo;Invit&eacute; du lundi&nbsp;&raquo;, <em>op.&nbsp;cit.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a> <em>Roland Barthes par Roland Barthes </em>(1975), dans <em>&OElig;</em><em>uvres compl</em><em>&egrave;t</em><em>es</em>, t. 4, <em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;577.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a> &laquo;&nbsp;Il faut qu&rsquo;&agrave; France Musique on juge secr&egrave;tement la &laquo;&thinsp;bonne musique&nbsp;&raquo; bien ennuyeuse pour qu&rsquo;on s&rsquo;ing&eacute;nie tellement &agrave; morceler les &oelig;uvres, les programmes, &agrave; les agr&eacute;menter de plaisanteries et de familiarit&eacute;s (qui n&rsquo;excluent pas les banalit&eacute;s), &agrave; limiter, semble-t-il, ce morceau de plaisir simple qu&rsquo;on appelait autrefois le concert&nbsp;&raquo; (<em>Id</em>., &laquo;&thinsp;La Chronique&nbsp;&raquo; [1979], dans <em>&OElig;</em><em>uvres compl</em><em>&egrave;t</em><em>es</em>, t. 5, <em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;650-651).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a> Maupom&eacute; se r&eacute;f&egrave;re aux critiques de L&eacute;vi-Strauss pendant la s&eacute;ance du &laquo;&nbsp;Concert &eacute;go&iuml;ste&nbsp;&raquo; diffus&eacute;e le 20 juin 1976, o&ugrave; la partie parl&eacute;e, concentr&eacute;e en deux phases de conversation de quelques minutes sur environ deux heures d&rsquo;enregistrement, est pourtant tr&egrave;s limit&eacute;e.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a> Roland Barthes, &laquo;&nbsp;Le Concert &eacute;go&iuml;ste&nbsp;&raquo;, entretien avec Claude Maupom&eacute;, France Musique, 15 janvier 1978. Archives de l&rsquo;Ina.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a> Sur l&rsquo;amateur comme artiste contre-bourgeois, en lien &agrave; la notion de <em>neutre</em> chez Barthes, voir Adrien Chassain, &laquo;&nbsp;Roland Barthes&nbsp;: les pratiques et les valeurs de l&rsquo;amateur&nbsp;&raquo;, <em>Fabula-LhT</em>, n&deg; 15, 2015, en ligne sur http&nbsp;://www.fabula.org/lht/15/chassain.html</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a> Barthes est le premier invit&eacute; de cette c&eacute;l&egrave;bre s&eacute;rie cr&eacute;&eacute;e par Claude Maupom&eacute; &agrave; France Musique, qui comptera 545 &eacute;missions &agrave; sa cl&ocirc;ture en 1990. L&rsquo;entretien explore le rapport de l&rsquo;auteur &agrave; son musicien pr&eacute;f&eacute;r&eacute;, Robert Schumann.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref32" name="_ftn32">[32]</a> Voir <em>Roland Barthes par Roland Barthes</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;636.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref33" name="_ftn33">[33]</a> Roland Barthes, &laquo;&nbsp;Comment l&rsquo;entendez-vous&nbsp;?&nbsp;&raquo;, France Musique, 21 octobre 1978. Archives de l&rsquo;Ina.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref34" name="_ftn34">[34]</a> Claude Coste, &laquo;&thinsp;Le Proust radiophonique de Roland Barthes&nbsp;&raquo; [2002], dans <em>Roland Barthes ou l&rsquo;art du d</em><em>&eacute;</em><em>tour</em>, Paris, Hermann &Eacute;diteurs, &laquo;&thinsp;Savoir lettres&nbsp;&raquo;, 2017, p.&nbsp;113-133.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref35" name="_ftn35">[35]</a> Roland Barthes, &laquo;&nbsp;&Agrave; l&rsquo;ombre des jardins et des bois&nbsp;&raquo;, dans <em>Sur les traces de Marcel Proust</em>, entretiens avec Jean Montalbetti, France Culture, 3 novembre 1978. Archives de l&rsquo;Ina.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref36" name="_ftn36">[36]</a> <em>Id.</em>, &laquo;&thinsp;Proust et les noms&nbsp;&raquo; [1967], dans <em>&OElig;</em><em>uvres compl</em><em>&egrave;</em><em>tes</em>, t. 3, <em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;66-77&thinsp;&nbsp;; &laquo;&thinsp;Une id&eacute;e de recherche&nbsp;&raquo; [1971], dans <em>&OElig;</em><em>uvres compl</em><em>&egrave;</em><em>tes</em>, t. 3, <em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;917-921&thinsp;&nbsp;; &laquo;&thinsp;Longtemps, je me suis couch&eacute; de bonne heure&nbsp;&raquo; [1978], dans <em>&OElig;</em><em>uvres compl</em><em>&egrave;</em><em>tes</em>, t. 5, <em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;459-470.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref37" name="_ftn37">[37]</a> <em>Id.</em>, &laquo;&nbsp;&Agrave; l&rsquo;ombre des jardins et des bois&nbsp;&raquo;, <em>op.&nbsp;cit.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref38" name="_ftn38">[38]</a> Jos&eacute;-Luis Diaz, <em>L&rsquo;</em><em>&Eacute;</em><em>crivain imaginaire. Sc</em><em>&eacute;</em><em>nographies auctoriales </em><em>&agrave;</em><em> l&rsquo;</em><em>&eacute;</em><em>poque romantique</em>, Paris, Champion, 2007.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref39" name="_ftn39">[39]</a> Roland Barthes, &laquo;&nbsp;Vita Nova&nbsp;&raquo; [1979], dans <em>&OElig;</em><em>uvres compl</em><em>&egrave;</em><em>tes</em>, t.&nbsp;5, <em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;1007-1018. Voir Guido Mattia Gallerani, <em>Roland Barthes e la tentazione del romanzo</em>, Milano, Morellini, &laquo;&nbsp;Tracciati&nbsp;&raquo;, 2013.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="Auteur">Auteur</span></h3> <p style="text-align: justify;"><strong>Guido Mattia Gallerani</strong> est actuellement chercheur postdoctoral en litt&eacute;ratures compar&eacute;es &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; de Bologne, o&ugrave; il conduit un projet sur l&rsquo;hybridation litt&eacute;raire et l&rsquo;interview fictionnelle. Il est aussi charg&eacute; de cours en langue, civilisation et litt&eacute;rature italiennes aux programmes am&eacute;ricains en Italie. Comme chercheur postdoctoral de la Ville de Paris (2015), il a conduit un projet sur les entretiens de Roland Barthes &agrave; l&rsquo;Institut de textes et manuscrits modernes (ENS/CNRS).</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>Copyright</strong></h3> <p style="text-align: justify;">Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p> </div>