<div class="entry-content"> <h3 style="text-align: justify;">Abstract</h3> <p><i>De la nuit&nbsp;</i>(1975-1977) was a little known show which aired on the public radio station France Culture. Yet, its main producer, Gilbert Maurice Duprez, turned into a laboratory where all kinds of exhilirating innovations were allowed. The show hosted many writers under the condition that they spoke anonymously, as individuals like any others. Their words could therefore be heard alongside those of other interviewees, disconnected from their identities as authors.</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p class="meta-tags">radio, radio interviews, France Culture, Gilbert Maurice Duprez, <em>De la nuit</em> program (1975-1977), writer, anonymous words</p> <p class="meta-tags">&nbsp;</p> <p class="meta-tags">&nbsp;</p> <p style="padding-left: 330px; text-align: justify;">&laquo;&nbsp;Comme si la radio &eacute;tait un long t&eacute;l&eacute;phone qui permet aux gens de s&rsquo;appeler, de s&rsquo;entendre et de se reconna&icirc;tre&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>&hellip;&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;">Comme on sait, capter et faire entendre la voix de l&rsquo;&eacute;crivain &agrave; la radio est une ambition ancienne. D&egrave;s 1911, les Archives de la parole permettent &agrave; des po&egrave;tes, de graver leur voix sur disque&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>. Dans ce sillage, les professionnels de la radio veulent aussi conserver des traces sonores des &eacute;crivains. Sans remonter &agrave; l&rsquo;avant-guerre, on citera la visite de Pierre Schaeffer &agrave; Claudel en f&eacute;vrier 1944, accompagn&eacute; de Jacques Madaule, sp&eacute;cialiste du po&egrave;te. Le but &eacute;tait d&rsquo;enregistrer un hommage &agrave; Giraudoux, d&eacute;c&eacute;d&eacute; quelques semaines plus t&ocirc;t&nbsp;; mais Schaeffer et Madaule laissent les disques tourner, et cela donne une longue conversation &agrave; b&acirc;tons rompus et en tous sens, comme devait les aimer l&rsquo;auteur des <em>Conversations dans le Loir-et-Cher&nbsp;</em><a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>. Pour Philippe Lejeune, le but de Schaeffer &eacute;tait &laquo;&nbsp;de cr&eacute;er un v&eacute;ritable langage radiophonique, en arrachant la radio au th&eacute;&acirc;tre, en lui faisant d&eacute;couvrir l&rsquo;<em>intimit&eacute;&nbsp;</em><a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>&nbsp;&raquo; &ndash;&nbsp;m&ecirc;me si Claudel semble d&rsquo;abord g&ecirc;n&eacute;, confessant que la radio le &laquo;&nbsp;cong&egrave;le&nbsp;&raquo;&nbsp;; &nbsp;la suite de l&rsquo;entretien s&rsquo;av&egrave;re tr&egrave;s conviviale.</p> <p style="text-align: justify;">Au fil des ann&eacute;es, les &eacute;crivains et la radio s&rsquo;apprivoisent progressivement. Gr&acirc;ce aux nouvelles techniques d&rsquo;enregistrement et de montage, il devient possible, apr&egrave;s la Seconde Guerre mondiale, de g&eacute;n&eacute;raliser les entretiens au long cours, et d&rsquo;archiver la pr&eacute;cieuse parole des &eacute;crivains. Car la bande magn&eacute;tique permet, plus ais&eacute;ment que le disque, le montage et la conservation de cette parole&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>. Les &eacute;missions en forme d&rsquo;entretien les plus embl&eacute;matiques de ce genre radiophonique en soi sont les grands entretiens, parfois qualifi&eacute;s d&rsquo;&laquo;&nbsp;entretiens-feuilletons&nbsp;&raquo;, inaugur&eacute;s par ceux de Gide avec Jean Amrouche en 1949&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>. De nombreux &eacute;crivains suivront&nbsp;: Breton, Cendrars, Cocteau, Colette, Giono, L&eacute;autaud, Mauriac, Montherlant, Paulhan&hellip; &Agrave; c&ocirc;t&eacute; de ces entretiens, la parole des &eacute;crivains se fait entendre dans de nombreuses &eacute;missions culturelles qui mettent en avant la personnalit&eacute; ou l&rsquo;&oelig;uvre de l&rsquo;&eacute;crivain, de&nbsp; <em>Radioscopie</em> de Jacques Chancel &agrave; <em>Du jour au lendemain </em>d&rsquo;Alain Veinstein. La long&eacute;vit&eacute; d&rsquo;une &eacute;mission comme <em>Du jour au lendemain</em> (1985-2014) rend d&rsquo;ailleurs m&ecirc;me possible de suivre le parcours de nombreux &eacute;crivains sur la dur&eacute;e, quand ils sont invit&eacute;s &agrave; plusieurs reprises &agrave; intervalles espac&eacute;s (Jean Echenoz, Sylvie Germain, Alain Fleischer, R&eacute;gis Jauffret, Jean Rolin&hellip;).</p> <p style="text-align: justify;">Dans l&rsquo;&eacute;mission <em>De la nuit</em>, co-produite par &Eacute;dith Lansac et Gilbert Maurice Duprez et diffus&eacute;e sur France Culture entre 1975 et 1977, la parole de l&rsquo;&eacute;crivain a une autre fonction que celle de renseigner sur sa personnalit&eacute; ou son &oelig;uvre. Ou disons que, si elle parvient &agrave; le faire, c&rsquo;est bien malgr&eacute; elle. Dans cette &eacute;mission en effet, l&rsquo;&eacute;crivain doit renoncer &agrave; appara&icirc;tre sous la figure du &laquo;&nbsp;grand homme&nbsp;&raquo; telle qu&rsquo;elle se forge dans les &eacute;missions de &laquo;&nbsp;portraits&nbsp;&raquo; centr&eacute;es sur sa personnalit&eacute; ou son &oelig;uvre&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>. Il doit accepter de ne pas &ecirc;tre identifi&eacute; par l&rsquo;auditeur, ni m&ecirc;me &eacute;cout&eacute;, au nom de sa fonction. Sa parole, jamais recontextualis&eacute;e, est en effet m&eacute;lang&eacute;e &agrave; d&rsquo;autres paroles prononc&eacute;es par des locuteurs aux statuts tr&egrave;s divers. L&rsquo;&eacute;crivain ne vient pas ici &eacute;clairer son &oelig;uvre dans une vis&eacute;e explicative, ni m&ecirc;me parler de son ouvrage le plus r&eacute;cent dans une vis&eacute;e promotionnelle&nbsp;: il appara&icirc;t comme un &laquo;&nbsp;anonyme&nbsp;&raquo;, comme quelqu&rsquo;un qui, au m&ecirc;me titre que les autres intervenants de l&rsquo;&eacute;mission, <em>d&eacute;pose</em> sa parole sans qu&rsquo;elle soit reli&eacute;e &agrave; une actualit&eacute; ou &agrave; un th&egrave;me bien pr&eacute;cis. Articul&eacute;e autour d&rsquo;un dispositif volontairement flou,<em> De la nuit</em> inscrit les paroles enregistr&eacute;es et diffus&eacute;es dans un registre quelque peu myst&eacute;rieux, &agrave; l&rsquo;oppos&eacute; d&rsquo;une radio &agrave; vis&eacute;e didactique. Les propos des &eacute;crivains y deviennent &eacute;nigmatiques&nbsp;; l&rsquo;auditeur doit accepter de les recevoir comme ces messages gliss&eacute;s dans une bouteille &agrave; la mer. Comme si la parole de l&rsquo;&eacute;crivain gagnait en densit&eacute; po&eacute;tique et litt&eacute;raire ce qu&rsquo;elle perdait en contenu informationnel (identit&eacute; du locuteur, parcours biographique, traits caract&eacute;ristiques de l&rsquo;&oelig;uvre&hellip;). C&rsquo;est ce que nous allons voir dans cet article fond&eacute; sur une analyse exhaustive des num&eacute;ros de <em>De la nuit&nbsp;</em><a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="1_Parcours_d8217un_producteur">1. Parcours d&rsquo;un producteur</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;"><em>De la nuit</em>, diffus&eacute; sur France Culture entre 1975 et 1977, est une &eacute;mission produite et pr&eacute;sent&eacute;e par Gilbert Maurice Duprez en collaboration, pour certains num&eacute;ros, avec &Eacute;dith Lansac (r&eacute;guli&egrave;rement en 1975, plus sporadiquement entre 1976 et 1977)&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>. Duprez cite aussi comme collaborateurs r&eacute;guliers Jean Marcourel et Jean-Pierre Velis&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>. Duprez, dont on n&rsquo;associe pas spontan&eacute;ment le nom &agrave; telle ou telle &eacute;mission rest&eacute;e c&eacute;l&egrave;bre, est un professionnel de la radio dont la carri&egrave;re s&rsquo;&eacute;tale de la fin des ann&eacute;es 1950 au d&eacute;but des ann&eacute;es 1990. De 1958 &ndash;&nbsp;ann&eacute;e o&ugrave; il entre &agrave; la radio apr&egrave;s une formation d&rsquo;instituteur&nbsp;&ndash; &agrave; 1975, ann&eacute;e de cr&eacute;ation de<em> De la nuit</em>, il fait preuve d&rsquo;un certain &eacute;clectisme, et ses fonctions &eacute;voluent d&rsquo;un genre radiophonique &agrave; l&rsquo;autre&nbsp;: d&rsquo;abord recrut&eacute; comme chef de service administratif, il veut tr&egrave;s vite rejoindre le secteur de la production, o&ugrave; il va exercer plusieurs fonctions diff&eacute;rentes&nbsp;: assistant de production, producteur, producteur-coordinateur, r&eacute;alisateur (fictions et documentaires), adaptateur et auteur de fictions, com&eacute;dien&hellip; En observant plus attentivement son parcours, on s&rsquo;aper&ccedil;oit qu&rsquo;il est assistant de production pour la monumentale &eacute;mission didactique de Pierre Sipriot <em>Analyse spectrale de l&rsquo;Occident</em>, assistant sur des fictions (comme sur <em>Le secret de Vautrin</em>, 1959), r&eacute;alisateur de fictions (<em>Don Quichotte</em>, 1965), et d&rsquo;&eacute;missions culturelles (<em>Connaissances de l&rsquo;Est</em>, entre 1960 et 1964). Il est aussi adaptateur (<em>Un brave homme</em>, d&rsquo;apr&egrave;s Upton Sinclair, diffus&eacute;e sur France Culture le 1<sup>er</sup> f&eacute;vrier 1966 dans le cadre des <em>Soir&eacute;es de Paris&nbsp;</em>; <em>Une histoire de deux villes</em>, d&rsquo;apr&egrave;s Charles Dickens, s&eacute;rie diffus&eacute;e sur France Culture en septembre 1992). Dans les ann&eacute;es 1960, il est aussi le r&eacute;alisateur d&rsquo;entretiens avec des &eacute;crivains, comme ceux de Louis Aragon avec Francis Cr&eacute;mieux en 1963 (dix fois vingt minutes).</p> <p style="text-align: justify;">C&rsquo;est &agrave; France Culture que Duprez poursuit son parcours radiophonique, o&ugrave; il va s&rsquo;affirmer comme producteur. Dans les archives de l&rsquo;Ina, on peut trouver un entretien d&rsquo;une heure avec Marguerite Duras, enregistr&eacute; en 1966, semble-t-il dans un caf&eacute; ou dans un restaurant, et diffus&eacute; le 26 janvier 1968. L&rsquo;entretien ressemble &agrave; une conversation, et porte sur la litt&eacute;rature (ses rapports avec la sociologie par exemple), l&rsquo;&eacute;mancipation des femmes&nbsp;; certaines &oelig;uvres de Duras sont plus particuli&egrave;rement &eacute;voqu&eacute;es (<em>Le Square</em>, <em>Des journ&eacute;es enti&egrave;res dans les arbres</em>). Marguerite Duras se dit &laquo;&nbsp;communiste&nbsp;&raquo;, et se prononce contre la litt&eacute;rature engag&eacute;e. De nombreux extraits de cette rencontre seront repris dans <em>De la nuit</em>.</p> <p style="text-align: justify;">En 1970, Duprez m&egrave;ne plusieurs s&eacute;ries d&rsquo;entretiens avec des intellectuels, dans lesquelles on l&rsquo;entend poser des questions&nbsp;: avec Walter Gombrowicz (six fois un quart d&rsquo;heure, entre le 14 et le 20 janvier&nbsp;; entretiens enregistr&eacute;s en 1967)&nbsp;; avec Pablo Neruda (sept fois un quart d&rsquo;heure entre le 7 et le 12 septembre)&nbsp;; avec Henri Lefebvre (douze fois un quart d&rsquo;heure) entre le 7 et le 19 d&eacute;cembre.</p> <p style="text-align: justify;">Entre 1969 et 1974, on l&rsquo;entend davantage au micro, et transpara&icirc;t alors un certain int&eacute;r&ecirc;t pour la po&eacute;sie. Il pr&eacute;sente <em>Almanach de la po&eacute;sie</em>, tous les quinze jours sur France Culture (1969-1976, co-produit avec Madeleine Guignebert), o&ugrave; on l&rsquo;entend interviewer des po&egrave;tes et faire des lectures de leur &oelig;uvre, l&rsquo;&eacute;mission &eacute;tant entrecoup&eacute;e d&rsquo;extraits musicaux. Cette &eacute;mission d&rsquo;environ quinze minutes annonce <em>De la nuit, </em>mais on y entend encore les questions de Duprez. Parmi les invit&eacute;s&nbsp;: Louis Calaferte, &Eacute;douard Glissant, Denise Mi&egrave;ge, Octavio Paz, Denis Roche, Jacques Roubaud. En 1973, Duprez produit<em> Jeunes po&egrave;tes</em>, s&eacute;rie d&rsquo;une quinzaine d&rsquo;&eacute;missions de quinze minutes. On y retrouve des interviews de po&egrave;tes, parfois r&eacute;alis&eacute;es &agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur de la radio, et des lectures de textes&hellip; Il produit aussi<em> Po&egrave;mes en libert&eacute;</em>, de 1971 &agrave; 1975, &eacute;mission d&rsquo;une dur&eacute;e variable, dans laquelle sont lus des po&egrave;mes. Entre 1969 et 1973, il collabore &agrave; <em>Notre temps</em>, &eacute;mission diffus&eacute;e chaque soir &agrave; 18h30, dont les th&eacute;matiques varient chaque jour. De nombreux collaborateurs s&rsquo;y font entendre au micro, comme intervieweur ou chroniqueur. Duprez y joue les deux r&ocirc;les, dans des domaines tr&egrave;s divers&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>. Parmi ces collaborateurs figure &Eacute;dith Lansac qui l&rsquo;accompagnera dans <em>De la nuit</em>.</p> <p style="text-align: justify;">&Agrave; l&rsquo;occasion, Duprez se fait aussi auteur&nbsp;: le 25 avril 1974, l&rsquo;&eacute;mission <em>Carte Blanche</em> diffuse, <em>Un coup de feu jamais n&rsquo;abolit les d&eacute;parts</em>, une fiction inspir&eacute;e par la rupture entre Rimbaud et Verlaine, jou&eacute;e par Suzanne Flon, Roland Dubillard, et Claude Pi&eacute;plu, et pr&eacute;sent&eacute;e &agrave; l&rsquo;antenne comme &laquo;&nbsp;un d&eacute;lire tr&egrave;s personnel de Gilbert Maurice Duprez&nbsp;&raquo;.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="2_Tentative_de_description">2. Tentative de description</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;"><em>De la nuit</em> se pr&eacute;sente comme une &eacute;mission nocturne quotidienne d&rsquo;une cinquantaine de minutes, diffus&eacute;e &agrave; 23h du lundi au vendredi, entre 1975 et 1977. Chaque &eacute;mission fait entendre une juxtaposition de propos, de lectures de textes, et de musique. La s&eacute;rie peut &ecirc;tre rattach&eacute;e au genre documentaire tel que nous le d&eacute;finissons, &agrave; savoir</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">un dispositif &agrave; caract&egrave;re didactique, informatif, et (ou) cr&eacute;atif, pr&eacute;sentant des documents authentiques, qui suppose l&rsquo;enregistrement de sons, une s&eacute;lection de ceux-ci op&eacute;r&eacute;e par un travail de montage, leur agencement selon une construction d&eacute;termin&eacute;e, leur mise en ondes d&eacute;finitive op&eacute;r&eacute;e par un travail de mixage, selon une r&eacute;alisation pr&eacute;&eacute;tablie, dans des conditions qui ne sont pas celles du direct ou du faux direct&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;"><em>De la nuit</em> est une &eacute;mission qui r&eacute;siste quelque peu &agrave; l&rsquo;analyse, en raison de sa dimension h&eacute;t&eacute;rog&egrave;ne. Elle est certes compos&eacute;e de quelques &eacute;l&eacute;ments invariants, mais la libert&eacute; formelle qu&rsquo;elle s&rsquo;octroie rend sa description plus complexe que bon nombre d&rsquo;&eacute;missions. Les rares &eacute;l&eacute;ments invariants sont les suivants&nbsp;: une absence de musique-g&eacute;n&eacute;rique, une absence de &laquo;&nbsp;micro-chapeau&nbsp;&raquo; introductif de l&rsquo;&eacute;mission, des paroles et des lectures qui se succ&egrave;dent sans la pr&eacute;sence d&rsquo;un m&eacute;diateur, comme enregistr&eacute;es de mani&egrave;re isol&eacute;e, dans des ambiances sonores diverses. Tous les autres &eacute;l&eacute;ments varient d&rsquo;un num&eacute;ro &agrave; l&rsquo;autre, et cela entra&icirc;ne, pour le chercheur, d&rsquo;innombrables difficult&eacute;s m&eacute;thodologiques. D&rsquo;une part, toute mod&eacute;lisation s&rsquo;av&egrave;re p&eacute;rilleuse puisque les &eacute;missions ne se ressemblent pas. Et, d&rsquo;autre part, ces &eacute;l&eacute;ments h&eacute;t&eacute;roclites ne sont pas pr&eacute;sent&eacute;s &agrave; l&rsquo;auditeur d&rsquo;une mani&egrave;re informative ou didactique, ce qui rend complexe la d&eacute;nomination et la description des sons elles-m&ecirc;mes. En cela, proc&eacute;der &agrave; l&rsquo;analyse de <em>De la nuit</em> ressemble &agrave; l&rsquo;activit&eacute; du sp&eacute;l&eacute;ologue, et il faut accepter de proc&eacute;der par t&acirc;tonnements, et parfois de s&rsquo;en tenir aux conjectures. De nombreux travaux sur les relations entre les &eacute;crivains et la radio auxquels on va se r&eacute;f&eacute;rer dans cet article (ceux de Philippe Lejeune ou de Pierre-Marie H&eacute;ron sur la radio francophone) s&rsquo;attardent souvent sur les &eacute;changes entre les intervieweurs et les &eacute;crivains, ou la mani&egrave;re dont ces entretiens &eacute;clairent leur &oelig;uvre ou leur personnalit&eacute;. La m&eacute;thodologie qu&rsquo;emprunte ces travaux s&rsquo;av&egrave;re souvent inop&eacute;rante pour analyser la parole de l&rsquo;&eacute;crivain dans <em>De la nuit </em>en raison du dispositif et des vis&eacute;es de l&rsquo;&eacute;mission qui font dispara&icirc;tre l&rsquo;intervieweur, et qui masquent la fonction m&ecirc;me de l&rsquo;&eacute;crivain au sein du dispositif.</p> <p style="text-align: justify;">De nombreux indices sur les intentions des professionnels des m&eacute;dias transparaissent dans les g&eacute;n&eacute;riques, les s&eacute;quences introductives et conclusives des &eacute;missions, ainsi que dans les adresses aux invit&eacute;s et aux auditeurs. L&rsquo;on ne pourra gu&egrave;re s&rsquo;appuyer sur ces &eacute;l&eacute;ments pour analyser <em>De la nuit</em>. Tout d&rsquo;abord, il n&rsquo;y a pas, &agrave; proprement parler, de g&eacute;n&eacute;rique d&rsquo;introduction. Ensuite, l&rsquo;&eacute;mission ne commence jamais de la m&ecirc;me mani&egrave;re. Au hasard des num&eacute;ros, l&rsquo;auditeur peut entendre, en alternance, un extrait musical, un extrait d&rsquo;interview, un &laquo;&nbsp;bonsoir&nbsp;&raquo; prononc&eacute; par un membre de l&rsquo;&eacute;mission&hellip; &Agrave; la fin de l&rsquo;&eacute;mission, un court g&eacute;n&eacute;rique de d&eacute;sannonce fait parfois appara&icirc;tre les participants, ou les r&eacute;f&eacute;rences litt&eacute;raires et musicales, mais ce proc&eacute;d&eacute; n&rsquo;est pas non plus r&eacute;gulier. Ainsi, chaque num&eacute;ro dessine sa forme propre, et il n&rsquo;est gu&egrave;re pertinent de pr&eacute;senter une ou des statistiques car <em>De la nuit </em>pr&eacute;sente des dispositifs qui varient d&rsquo;un soir &agrave; l&rsquo;autre. Dans la plupart des num&eacute;ros, il y a plusieurs intervenants qui s&rsquo;expriment, et leur nombre fluctue d&rsquo;une &eacute;mission &agrave; l&rsquo;autre. Mais dans celle diffus&eacute;e le 16 d&eacute;cembre 1977, une seule personne figure au g&eacute;n&eacute;rique&nbsp;: Christiane Cossu, pr&eacute;sent&eacute;e dans la notice de l&rsquo;Ina comme un professeur qui livre ses r&eacute;flexions sur la retraite. L&rsquo;&eacute;mission fait entendre le r&eacute;cit d&rsquo;une femme, issue d&rsquo;une famille d&eacute;sargent&eacute;e, qui raconte comment elle a d&ucirc; se mettre &agrave; travailler, puis &agrave; envisager sa retraite. Dans l&rsquo;&eacute;mission diffus&eacute;e le 11 mars 1977, l&rsquo;&eacute;crivain Jean-Fran&ccedil;ois No&euml;l est lui aussi le seul intervenant, sur le th&egrave;me de la prise de la Bastille&nbsp;: il ne s&rsquo;agit pas d&rsquo;un entretien, mais plut&ocirc;t d&rsquo;une histoire racont&eacute;e &agrave; l&rsquo;auditeur. Une autre caract&eacute;ristique de l&rsquo;&eacute;mission est la juxtaposition de paroles donn&eacute;es &agrave; entendre sans ambiance particuli&egrave;re &agrave; d&rsquo;autres s&eacute;quences o&ugrave; le fond sonore de l&rsquo;interview se remarque&nbsp;: caf&eacute;, restaurant, square&hellip; Certaines &eacute;missions ne sont compos&eacute;es que de lectures de textes (celles des 11 novembre et 22 d&eacute;cembre 1977). L&rsquo;&eacute;mission du 2 mai 1977 ne donne &agrave; entendre quasiment que des extraits musicaux.</p> <p style="text-align: justify;">Les extraits musicaux tiennent d&rsquo;ailleurs un r&ocirc;le important. Jamais diffus&eacute;s en int&eacute;gralit&eacute;, ils refl&egrave;tent leur &eacute;poque&nbsp;: Rolling Stones, Pink Floyd, Santa, Bob Dylan, les Doors, les Wings&hellip; Des effets de r&eacute;alisation caract&eacute;risent aussi l&rsquo;&eacute;mission&nbsp;: la musique masque parfois le d&eacute;but des interviews, des &eacute;chos donnent &agrave; certains extraits un aspect irr&eacute;el, les voix sont parfois modifi&eacute;es, et les rythmes des propos acc&eacute;l&eacute;r&eacute;s&hellip;</p> <p style="text-align: justify;"><em>De la nuit </em>n&rsquo;est pas une &eacute;mission dont l&rsquo;espace est r&eacute;serv&eacute; aux &eacute;crivains et l&rsquo;auditeur n&rsquo;est pas certain de pouvoir entendre leur parole dans chaque &eacute;mission. L&rsquo;&eacute;crivain n&rsquo;est qu&rsquo;une figure parmi d&rsquo;autres que l&rsquo;auditeur peut &eacute;couter au hasard des g&eacute;n&eacute;riques. Voici les noms des &eacute;crivains que nous avons relev&eacute;s&nbsp;: H&eacute;l&egrave;ne Couscous, Karine Berriot, Myriam Anissimov, Joseph Delteil, Jocelyne Fran&ccedil;ois, Viviane Forrester, Robert Merle, Marie Chaix, Severo Sarduy, Chantal Chawaf, Georges Perec, Claude Courchais, Dimitri Tsepeneag, Bernard No&euml;l, Georges Godebout, Catherine Bousquet, Nicole Ward Jouve, Ang&egrave;le Vannier, Philippe Soupault, Jean Malrieu, Fr&eacute;d&eacute;ric Jacques Temple, Gil Jouanard, Pascal Jardin, Dominique Rolin, G&eacute;rard Gu&eacute;gan, Herbert Le Porrier, France Nespo, Rafael Alberti, Fran&ccedil;oise Lef&egrave;vre, Nella Bielski,&nbsp;Jean-Louis Quereillahc, Arthur Adamov, Osman Lins, Michel Bernard, Jean Sendy, Jeanne Champion, Hubert Juin, Daniel Boulanger, Diane de Margerie, Marguerite Duras&hellip; Jean-Fran&ccedil;ois No&euml;l participe aussi &agrave; de nombreux num&eacute;ros en tant que conteur d&rsquo;histoires.</p> <p style="text-align: justify;">Mais la pr&eacute;sence des &eacute;crivains ne d&eacute;finit pas le seul rapport de la s&eacute;rie &agrave; la litt&eacute;rature. Les lectures de leurs textes sont aussi une composante essentielle de l&rsquo;&eacute;mission, et c&rsquo;est alors l&rsquo;occasion de citer les &oelig;uvres des &eacute;crivains disparus, ou qui s&rsquo;expriment peu au micro&nbsp;: citons Andr&eacute; Breton, Maurice Blanchot, Lautr&eacute;amont, Paul &Eacute;luard, Michel Leiris, Pablo Neruda, H&ouml;lderlin, William S.&nbsp;Burroughs, Andr&eacute; Pieyre de Mandiargues, Baltasar Graci&aacute;n&hellip; Contrairement &agrave; certaines &eacute;missions litt&eacute;raires, les extraits ne sont pas une composante annexe&nbsp;: ils sont plac&eacute;s sur un pied d&rsquo;&eacute;galit&eacute; avec les entretiens. Parfois m&ecirc;me ils sont la composante unique de l&rsquo;&eacute;mission. Et si certains extraits sont lus par Gilbert-Maurice Duprez, dont on peut reconna&icirc;tre la voix d&rsquo;une &eacute;mission &agrave; l&rsquo;autre, de multiples lecteurs se relaient &agrave; l&rsquo;antenne sans que l&rsquo;on sache leurs noms. Les g&eacute;n&eacute;riques, comme les notices de l&rsquo;Ina, ne renseignent pas toujours sur l&rsquo;identit&eacute; de ces lecteurs qui se transforment en voix sans nom.</p> <p style="text-align: justify;"><em>De la nuit</em> fait aussi intervenir de nombreux t&eacute;moins anonymes&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>, dont la parole est souvent juxtapos&eacute;e &agrave; celle de l&rsquo;&eacute;crivain. Cette initiative n&rsquo;est pas si courante dans le France Culture d&rsquo;alors, surtout tourn&eacute; vers la parole savante. Citons certains de ces nombreux autres anonymes de l&rsquo;&eacute;mission&nbsp;: un &eacute;leveur de ch&egrave;vres (15 d&eacute;cembre 1977)&nbsp;; un antiquaire (23 septembre 1977)&nbsp;; un potier (14 janvier 1977)&nbsp;; un charpentier-menuisier (22 octobre 1977)&nbsp;; P&rsquo;tit Mimi (qui parle de sa sexualit&eacute;) (9 mars 1977)&nbsp;; un travesti (25 juin 1976)&nbsp;; Cl&eacute;ment (qui parle de sa d&eacute;linquance quand il &eacute;tait jeune (21 octobre 1976)&nbsp;; une agricultrice (20 septembre 1976)&nbsp;; un &eacute;leveur de pintades (9 juin 1976)&nbsp;; un ancien prisonnier (27 octobre 1976)&nbsp;; un couple dont le mari a &eacute;t&eacute; emprisonn&eacute; &agrave; la suite de son refus de faire son service militaire (20 janvier 1977)&nbsp;; des chanteurs dans le m&eacute;tro (7 et 8 avril 1977)&nbsp;; des hommes qui parlent de la vieillesse (2 juin 1976)&nbsp;; M&eacute;m&eacute; Jeanne (7 mai 1976)&nbsp;; un homme qui recherche sa m&egrave;re (30 avril 1976)&nbsp;; une carm&eacute;lite (12 d&eacute;cembre 1975)&nbsp;; un gardien de la d&eacute;charge publique (9 octobre 1975).</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="3_Des_paroles_comme_surgies_de_nulle_part">3. Des paroles comme surgies de nulle part</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Dans <em>De la nuit</em>, l&rsquo;instance m&eacute;diatique se fait plus que discr&egrave;te, d&eacute;lib&eacute;r&eacute;ment. On entend la voix de Gilbert Maurice Duprez au d&eacute;but de l&rsquo;&eacute;mission dans le sobre &laquo;&nbsp;bonsoir&nbsp;&raquo; qui accueille l&rsquo;auditeur, puis, pour certains num&eacute;ros, dans l&rsquo;annonce &laquo;&nbsp;en compagnie de&nbsp;&raquo; qui introduit le g&eacute;n&eacute;rique compos&eacute; du nom des invit&eacute;s et, en fin d&rsquo;&eacute;mission, avec l&rsquo;expression &laquo;&nbsp;en r&eacute;f&eacute;rences&nbsp;&raquo;, qui a pour fonction de citer les musiques et les extraits litt&eacute;raires (et encore, il faut pr&eacute;ciser que cette introduction et cette conclusion ne sont pas syst&eacute;matiques, et que l&rsquo;identit&eacute; des invit&eacute;s n&rsquo;est pas toujours d&eacute;clin&eacute;e). La voix de Duprez se reconna&icirc;t aussi dans quelques lectures de textes. Les transitions entre deux passages parl&eacute;s sont surtout assur&eacute;es par des extraits musicaux, assez nombreux. L&rsquo;auditeur peut donc s&rsquo;interroger sur celui qui anime l&rsquo;&eacute;mission, mais qu&rsquo;il n&rsquo;entendra pratiquement pas.</p> <p style="text-align: justify;">Le ton est donn&eacute; d&egrave;s le d&eacute;but de l&rsquo;&eacute;mission&nbsp;: on entre en territoire inconnu. Contrairement &agrave; beaucoup de programmes qui comportent un g&eacute;n&eacute;rique qu&rsquo;on identifie &agrave; une musique, <em>De la nuit</em> choisit d&rsquo;en dire le moins possible sur ce qui va &ecirc;tre entendu. Aucun indice ni sur ceux qui vont s&rsquo;exprimer, ni sur les raisons pour lesquelles on les a rassembl&eacute;s. L&rsquo;auditeur doit accepter ce contrat tacite selon lequel il n&rsquo;en saura pas plus sur la vis&eacute;e m&ecirc;me de l&rsquo;&eacute;mission. Dans l&rsquo;introduction de la plupart des programmes litt&eacute;raires, le journaliste ou le producteur, telle une figure de m&eacute;diateur, donne un certain nombre d&rsquo;indices &agrave; l&rsquo;auditeur pour que soit resitu&eacute;e la parole de l&rsquo;invit&eacute;&nbsp;: statut et fonction de celui-ci, nombre de livres publi&eacute;s, prix litt&eacute;raires, domaines de pr&eacute;dilection, rattachement &agrave; tel ou tel courant litt&eacute;raire, exp&eacute;riences de vie, etc. Ces &eacute;l&eacute;ments rendent ainsi &laquo;&nbsp;familier&nbsp;&raquo; celui qui va s&rsquo;exprimer, et qui n&rsquo;&eacute;tait peut-&ecirc;tre alors qu&rsquo;un inconnu pour l&rsquo;auditeur. Dans <em>De la nuit</em>, rien de tel, et l&rsquo;auditeur ne pourra pas s&rsquo;appuyer sur ces informations pour &eacute;couter les protagonistes d&rsquo;un soir.</p> <p style="text-align: justify;">La personnalit&eacute; du producteur est donc ici <em>masqu&eacute;e</em>, et ne transpara&icirc;tra pas, ni dans l&rsquo;introduction, ni dans les entretiens eux-m&ecirc;mes. Si le producteur imprime sa marque, c&rsquo;est davantage dans la forme de l&rsquo;&eacute;mission et les choix des invit&eacute;s, que dans son comportement &agrave; l&rsquo;antenne. Ce parti-pris n&rsquo;est pas tr&egrave;s habituel dans l&rsquo;univers de la radio, la plupart des stations pr&eacute;f&eacute;rant que l&rsquo;auditeur puisse rattacher une &eacute;mission &agrave; son pr&eacute;sentateur, afin de fid&eacute;liser l&rsquo;auditoire. Laisser dans l&rsquo;ombre celui qui a con&ccedil;u une &eacute;mission, c&rsquo;est donc prendre le risque de &laquo;&nbsp;perdre&nbsp;&raquo; l&rsquo;auditeur au regard de ces codes radiophoniques standardis&eacute;s. Dans le num&eacute;ro du 11 janvier 1977, un invit&eacute; (dont on ne dira jamais le nom) regrette &laquo;&nbsp;d&rsquo;&ecirc;tre l&agrave;&nbsp;&raquo;, et d&rsquo;avoir accept&eacute; de parler, et adresse toute une s&eacute;rie de reproches &agrave; son intervieweur (qu&rsquo;on n&rsquo;entendra jamais), notamment son absence d&rsquo;engagement et la dimension asym&eacute;trique de l&rsquo;interview. Mais qui est ce myst&eacute;rieux intervieweur&nbsp;? Duprez lui-m&ecirc;me&nbsp;? Un de ses collaborateurs&nbsp;? Si les noms et les voix de Duprez et de Lansac se font entendre (avec parcimonie, rappelons-le), certaines s&eacute;quences de l&rsquo;&eacute;mission laissent deviner la pr&eacute;sence d&rsquo;autres collaborateurs, notamment dans la derni&egrave;re &eacute;mission (voir la description de celle-ci dans la suite de l&rsquo;article). Interrog&eacute; pour cet article&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>, Duprez cite deux noms&nbsp;: Jean Marcourel et Jean-Pierre Velis, parmi ceux qui se seraient entretenus avec les intervenants de <em>De la nuit</em>. Mais &agrave; quelques exceptions pr&egrave;s, ces collaborateurs putatifs ne sont jamais cit&eacute;s dans l&rsquo;&eacute;mission, ni dans les notices de l&rsquo;Ina. La prudence s&rsquo;impose donc quand on &eacute;voque l&rsquo;instance m&eacute;diatique de <em>De la nuit</em>.</p> <p style="text-align: justify;">La parole de l&rsquo;&eacute;crivain, telle qu&rsquo;elle se donne &agrave; entendre dans de nombreuses &eacute;missions, r&eacute;sulte d&rsquo;une<em> interaction</em>, dont les <em>rapports de place&nbsp;</em><a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a> peuvent &ecirc;tre analys&eacute;s. C&rsquo;est ainsi que l&rsquo;on peut d&eacute;finir le r&ocirc;le de chaque protagoniste, et le type d&rsquo;&eacute;changes men&eacute;. L&rsquo;instance m&eacute;diatique peut se r&eacute;v&eacute;ler tour &agrave; tour d&eacute;f&eacute;rente, complice, irr&eacute;v&eacute;rencieuse&hellip; Dans ces &eacute;missions, l&rsquo;&eacute;crivain reste au premier plan de cette interaction. Dans <em>De la nuit</em> en revanche, il n&rsquo;est plus possible de retracer l&rsquo;interaction d&rsquo;origine, celle qui a permis de recueillir la parole, ni d&rsquo;&eacute;tablir quels ont &eacute;t&eacute; les rapports de place adopt&eacute;s par chacun. Comment Gilbert Maurice Duprez et ses diff&eacute;rents collaborateurs s&rsquo;entretenaient-ils avec un &eacute;crivain dans <em>De la nuit</em>&nbsp;? Qui a capt&eacute; cette parole&nbsp;? &Agrave; quel endroit&nbsp;? Impossible de r&eacute;pondre &agrave; cette question. L&rsquo;interaction d&rsquo;origine reste donc une &eacute;nigme pour l&rsquo;auditeur, qui ne peut &eacute;couter que son r&eacute;sultat, en sp&eacute;culant sur la nature originelle de la relation entre l&rsquo;intervieweur et l&rsquo;interview&eacute;.</p> <p style="text-align: justify;">Les invit&eacute;s eux-m&ecirc;mes ne sont pas clairement pr&eacute;sent&eacute;s. Si l&rsquo;identit&eacute; des interview&eacute;s est parfois r&eacute;v&eacute;l&eacute;e dans le court g&eacute;n&eacute;rique d&rsquo;introduction, pour autant l&rsquo;auditeur ne fait pas toujours le lien avec les paroles qu&rsquo;il va entendre par la suite. Comme si, imitant le producteur de l&rsquo;&eacute;mission, les invit&eacute;s restaient eux-m&ecirc;mes dans la p&eacute;nombre. L&rsquo;&eacute;mission du 7 mars 1977 (intitul&eacute;e &laquo;&nbsp;Muette-diaphane&nbsp;&raquo;) commence par cette phrase intrigante, qui reste inachev&eacute;e&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je ne suis pas une femme silencieuse comme elle a pu en &ecirc;tre une. Je suis plut&ocirc;t une femme qui se tait, et qui &eacute;coute beaucoup.&nbsp;Je ne suis pas quelqu&rsquo;un qui s&rsquo;exprime facilement. Je ne suis pas&hellip;&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est &agrave; l&rsquo;auditeur de compl&eacute;ter ce propos rest&eacute; en suspens. <em>De la nuit</em> prend en effet le parti de rar&eacute;fier les informations donn&eacute;es &agrave; l&rsquo;auditeur sur la personne qui parle dans l&rsquo;&eacute;mission&nbsp;: le nom et le pr&eacute;nom des intervenants sont cit&eacute;s en d&eacute;but d&rsquo;&eacute;mission, puis comme destin&eacute;s &agrave; &ecirc;tre oubli&eacute;s, du fait de n&rsquo;&ecirc;tre jamais r&eacute;p&eacute;t&eacute;s ensuite, notamment quand les interview&eacute;s s&rsquo;expriment. C&rsquo;est &agrave; l&rsquo;auditeur, s&rsquo;il le souhaite, de faire ses d&eacute;ductions &agrave; partir des indices laiss&eacute;s par l&rsquo;instance m&eacute;diatique. Ce jeu de piste pr&eacute;sente des difficult&eacute;s dont le niveau varie en fonction du nombre d&rsquo;intervenants et du moment o&ugrave; ceux-ci parlent dans l&rsquo;&eacute;mission. Si, par exemple, une s&eacute;quence fait entendre la voix d&rsquo;une femme en d&eacute;but d&rsquo;&eacute;mission et, qu&rsquo;ensuite, le producteur &eacute;nonce son rituel &laquo;&nbsp;en compagnie de&nbsp;&raquo;, suivi d&rsquo;un pr&eacute;nom et d&rsquo;un nom f&eacute;minins, l&rsquo;auditeur peut associer le nom de cette femme &agrave; la voix entendue. Mais si un intervenant cit&eacute; dans le g&eacute;n&eacute;rique ne se fait entendre que plus tard dans l&rsquo;&eacute;mission, il sera plus complexe de deviner qui parle. Dans tous les cas, l&rsquo;auditeur ne peut jamais identifier avec certitude qui s&rsquo;exprime, ni m&ecirc;me son r&ocirc;le (intervieweur ou interview&eacute;). Sauf &agrave; reconna&icirc;tre une voix parce qu&rsquo;il l&rsquo;a d&eacute;j&agrave; entendue ailleurs&nbsp;; celle par exemple de Marguerite Duras, plusieurs fois au g&eacute;n&eacute;rique de l&rsquo;&eacute;mission (17 juin, 1<sup>er</sup> juillet, 4 novembre 1975, 2 mars 1976)&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>.</p> <p style="text-align: justify;"><em>De la nuit</em> se caract&eacute;rise aussi par l&rsquo;absence de renseignements de type biographique sur l&rsquo;interview&eacute;&nbsp;: sa fonction, son parcours, ses &oelig;uvres&hellip; Qu&rsquo;il soit &eacute;crivain, peintre, sculpteur, son &oelig;uvre n&rsquo;est jamais au centre de l&rsquo;&eacute;mission en tant que telle. La mention m&ecirc;me de sa qualit&eacute; d&rsquo;&eacute;crivain ou d&rsquo;artiste est absente de l&rsquo;&eacute;mission. De sorte que l&rsquo;auditeur ne peut jamais recontextualiser sa parole en la resituant dans la globalit&eacute; d&rsquo;une &oelig;uvre ou d&rsquo;une existence.</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;absence de th&eacute;matique pr&eacute;cise contribue aussi &agrave; installer l&rsquo;auditeur dans le flou. M&ecirc;me si chaque &eacute;mission a un sous-titre, il ne renseigne gu&egrave;re sur son th&egrave;me&nbsp;: <em>La guerre se mange froide</em> (24 septembre 1976)&nbsp;; <em>Des fuites par o&ugrave; cheminer (</em>14 novembre 1977)&nbsp;;<em> Un deuil en blanc</em> (19 d&eacute;cembre 1977)&nbsp;; <em>Quelque part n&rsquo;importe o&ugrave;, guid&eacute;s par le soleil</em> (21 d&eacute;cembre 1977)&hellip; Surtout, ce sous-titre n&rsquo;aide pas vraiment l&rsquo;auditeur &agrave; se rep&eacute;rer puisqu&rsquo;il semble ne figurer que dans la notice de l&rsquo;&eacute;mission, et pas dans l&rsquo;&eacute;mission elle-m&ecirc;me&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Ce que <em>De la nuit</em> donne donc &agrave; entendre, au lieu d&rsquo;entretiens en bonne et due forme, ce sont des paroles comme <em>surgies de nulle part</em>, &agrave; &eacute;couter comme <em>pour elles-m&ecirc;mes</em>. Le dispositif de la s&eacute;rie rompt compl&egrave;tement avec celui des &eacute;missions au <em>service</em> des &eacute;crivains.</p> <p style="text-align: justify;">De quoi les &eacute;crivains parlent-ils dans <em>De la nuit</em>&nbsp;? L&rsquo;&eacute;mission, diffus&eacute;e entre 1975 et 1977, est le reflet de son &eacute;poque. Dans les ann&eacute;es 1970, de nombreuses &eacute;missions, comme celles de M&eacute;nie Gr&eacute;goire sur RTL par exemple, accueillent la parole de l&rsquo;anonyme&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>, t&eacute;moin ordinaire qui raconte son exp&eacute;rience v&eacute;cue. Le registre intimiste de cette parole influence consid&eacute;rablement la tonalit&eacute; g&eacute;n&eacute;rale des interviews, par cons&eacute;quent celles des non-anonymes, et marque l&rsquo;extension du sous-genre de l&rsquo;<em>interview-confession</em>. Cette &eacute;volution socio-culturelle transpara&icirc;t dans les entretiens avec les &eacute;crivains, ceux-ci &eacute;tant de plus en plus amen&eacute;s &agrave; parler d&rsquo;eux-m&ecirc;mes, dans un estompement de la fronti&egrave;re entre sph&egrave;re publique et sph&egrave;re priv&eacute;e. Nous reprendrons ici la distinction qu&rsquo;&eacute;tablit Anne-Outram Mott dans son analyse des entretiens culturels &agrave; la radio, entre les propos relevant de la &laquo;&nbsp;sc&eacute;nographie auctoriale-artistique&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>&nbsp;&raquo;, &agrave; travers laquelle l&rsquo;&eacute;crivain appara&icirc;t comme tel, dans une vis&eacute;e d&rsquo;explication ou de vulgarisation de l&rsquo;objet culturel (son &oelig;uvre) ou de son activit&eacute; d&rsquo;&eacute;crivain (l&rsquo;acte de cr&eacute;ation), et ceux relevant de la &laquo;&nbsp;sc&eacute;nographie biographique&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>&nbsp;&raquo;, o&ugrave; l&rsquo;&eacute;crivain expose sa vie personnelle sous la forme d&rsquo;un t&eacute;moignage. Chaque num&eacute;ro de <em>De la nuit</em> n&rsquo;est pas con&ccedil;u comme un espace de d&eacute;couverte de l&rsquo;&oelig;uvre tel ou tel &eacute;crivain&nbsp;: les &eacute;crivains parlent avant tout de leur histoire personnelle, et de leurs r&eacute;flexions sur l&rsquo;existence. Comme si leur identit&eacute; d&rsquo;&eacute;crivain n&rsquo;&eacute;tait pas ici un &eacute;l&eacute;ment d&eacute;terminant &agrave; prendre en compte dans l&rsquo;&eacute;change radiophonique. Pour autant, dans l&rsquo;&eacute;mission, les propos intimistes des &eacute;crivains, au m&ecirc;me titre que les propos des autres interview&eacute;s relevant du secteur culturel ou artistique, ou des t&eacute;moins ordinaires, ne s&rsquo;inscrivent pas dans une reconstitution chronologique de parcours biographiques dans leur int&eacute;gralit&eacute;. L&rsquo;&eacute;crivain partage l&rsquo;espace avec d&rsquo;autres. Son intervention porte souvent sur tel ou tel sujet (l&rsquo;enfance, les relations aux autres, l&rsquo;insertion dans l&rsquo;espace social&hellip;), et n&rsquo;offre de sa biographie qu&rsquo;une dimension partielle. Mais s&rsquo;il se raconte, son exposition intime est att&eacute;nu&eacute;e par l&rsquo;effacement des marques d&rsquo;&eacute;nonciation de l&rsquo;entretien. Certes, il nous fait plonger dans son intimit&eacute; la plus secr&egrave;te, mais comme sa parole est anonymis&eacute;e, c&rsquo;est comme si cette exposition publique demeurait limit&eacute;e dans ses effets.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="4_L8217ecrivain_anonyme">4. L&rsquo;&eacute;crivain anonyme</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">&Agrave; quoi sert donc la parole de l&rsquo;&eacute;crivain dans une &eacute;mission comme <em>De la nuit</em>, o&ugrave; elle devient quasi anonyme&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">Dans une perspective artistique, on dira que l&rsquo;&eacute;mission esth&eacute;tise les voix et fait acte de po&eacute;sie en se rapprochant de la cr&eacute;ation litt&eacute;raire elle-m&ecirc;me. La radio s&rsquo;affirme comme langage artistique sp&eacute;cifique. Les fragments d&rsquo;entretiens qui sont donn&eacute;s &agrave; entendre sont juxtapos&eacute;s comme les chapitres d&rsquo;un livre ou un recueil de po&egrave;mes. Le professionnel de la radio fait entendre la voix de l&rsquo;&eacute;crivain en elle-m&ecirc;me, gr&acirc;ce &agrave; la suppression des marques d&rsquo;&eacute;nonciation qui ont contribu&eacute; &agrave; faire &eacute;merger sa parole. Si on pouvait &eacute;couter l&rsquo;interview d&rsquo;origine entre l&rsquo;&eacute;crivain et Gilbert Maurice Duprez ou un de ses collaborateurs, l&rsquo;on se rendrait peut-&ecirc;tre compte que l&rsquo;entretien ne diff&egrave;re pas tant que cela des entretiens habituellement diffus&eacute;s &agrave; la radio. Et que c&rsquo;est le travail de montage qui a contribu&eacute; &agrave; esth&eacute;tiser cette parole en la transformant, et en la restituant sous la forme de fragments. Il en d&eacute;coule une impression d&rsquo;irr&eacute;alit&eacute; pour l&rsquo;auditeur &agrave; l&rsquo;&eacute;coute de ces paroles que l&rsquo;&eacute;crivain semble prononcer pour lui-m&ecirc;me, comme dans une profonde solitude.</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;absence de tout indice sur celui qui s&rsquo;exprime &eacute;loigne <em>De la nuit</em> du genre journalistique, qui place l&rsquo;identification du locuteur au premier rang des exigences professionnelles&nbsp;: dans les &eacute;missions journalistiques donnant la parole aux &eacute;crivains (journal parl&eacute;, reportages&hellip;), il est imp&eacute;ratif de savoir qui parle. Mais <em>De la nuit</em> est tout aussi &eacute;loign&eacute;e de la plupart des &eacute;missions de type culturel, qui, elles aussi, choisissent de mettre en avant l&rsquo;identit&eacute; des invit&eacute;s. Contrairement &agrave; elles, la s&eacute;rie ne donne pas &agrave; entendre des entretiens entre un m&eacute;diateur et son invit&eacute;, que l&rsquo;auditeur peut &eacute;couter comme des conversations. C&rsquo;est une juxtaposition de monologues que l&rsquo;auditeur peut &eacute;couter, comme si ces intervenants lui parlaient dans le creux de l&rsquo;oreille. Comme le ton de l&rsquo;&eacute;mission est tr&egrave;s intimiste, l&rsquo;auditeur re&ccedil;oit ces confessions comme s&rsquo;il &eacute;tait le seul destinataire. &Agrave; de nombreuses reprises, des intervenants font part de leurs difficult&eacute;s, et c&rsquo;est comme si, en l&rsquo;absence d&rsquo;un m&eacute;diateur, l&rsquo;auditeur se retrouvait seul face &agrave; eux. Dans l&rsquo;&eacute;mission du 22 septembre 1977, un homme, qu&rsquo;on imagine sur une barque, fait ainsi part de son mal de vivre. Les bruits d&rsquo;eau et de rames, accompagn&eacute;s de musique, ach&egrave;vent de cr&eacute;er un d&eacute;cor sonore angoissant pour l&rsquo;auditeur. Dans l&rsquo;&eacute;mission du 28 juillet 1976, l&rsquo;historien Jean-Louis Bernard (d&rsquo;apr&egrave;s la notice de l&rsquo;Ina) &eacute;voque son rapport &agrave; la solitude tandis que la voix de Gilbert Maurice Duprez, modifi&eacute;e par des effets sp&eacute;ciaux, lit des extraits de l&rsquo;inqui&eacute;tant <em>Apomorphine</em> de William S.&nbsp;Burroughs. Une autre voix interpelle l&rsquo;auditeur&nbsp;: &laquo;&nbsp;Parle-moi&nbsp;; provoque-moi&nbsp;&raquo;. Comme en &eacute;cho, dans celle du 4 juin 1975, le peintre alg&eacute;rien Majoub Ben Bella d&eacute;crit l&rsquo;angoisse que provoque chez lui la solitude. Dans l&rsquo;&eacute;mission du 10 mars 1977, l&rsquo;&eacute;crivaine Emma Santos raconte son exp&eacute;rience de la folie et de l&rsquo;internement, th&egrave;me qui revient r&eacute;guli&egrave;rement dans l&rsquo;&eacute;mission. Dans celle du 23 juillet 1976, Catherine Bousquet &eacute;voque sa peur de ne plus voir son reflet dans le miroir.</p> <p style="text-align: justify;">Jamais, en imaginant le lieu o&ugrave; s&rsquo;expriment les protagonistes de l&rsquo;&eacute;mission, l&rsquo;auditeur ne peut se repr&eacute;senter un douillet studio. Au contraire, l&rsquo;espace de <em>De la nuit</em> appara&icirc;t comme un no-man&rsquo;s land de voix solitaires et parfois angoiss&eacute;es, parvenues jusqu&rsquo;&agrave; lui par quelque ph&eacute;nom&egrave;ne inexpliqu&eacute;. Pr&eacute;cisons de surcro&icirc;t que des fragments d&rsquo;&eacute;missions reviennent d&rsquo;une &eacute;mission &agrave; l&rsquo;autre, voix-fant&ocirc;mes qui semblent hanter l&rsquo;&eacute;mission, comme par exemple, dans deux &eacute;missions de 1975,&nbsp;cet extrait de Marguerite Duras&nbsp;: &laquo; Et pourquoi y en a-t-il qui &eacute;crivent et d&rsquo;autres non ? C&rsquo;est &ccedil;a qui est anormal. Tout le monde &eacute;crit sans doute. Tout le monde &eacute;crit, m&ecirc;me ceux qui n&rsquo;&eacute;crivent pas<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;&eacute;mission semble lancer un d&eacute;fi &agrave; l&rsquo;auditeur en forme de devinettes&nbsp;: qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;une voix sans auteur&nbsp;? Ou comment &eacute;couter une voix sans avoir l&rsquo;identit&eacute; de son auteur&nbsp;? On peut parier que l&rsquo;auditeur porte davantage attention au contenu de ce qui est dit, au grain des voix, et &agrave; l&rsquo;atmosph&egrave;re sonore. Dans la ligne d&rsquo;une radio &laquo; bouche d&rsquo;ombre &raquo; c&eacute;l&eacute;br&eacute;e par Julien&nbsp; Gracq&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>, <em>De la nuit </em>exploite l&rsquo;imaginaire relatif au myst&egrave;re des voix, marqu&eacute; par l&rsquo;ind&eacute;termination de leur provenance. Dans les &eacute;missions didactiques et (ou) informatives, l&rsquo;instance m&eacute;diatique guide l&rsquo;auditeur et offre une parole &laquo;&nbsp;rassurante&nbsp;&raquo;, celle qui repr&eacute;sentante du m&eacute;dia, tandis que dans les &eacute;missions de type artistique, comme<em> De la nuit</em>, la parole peut intriguer ou m&ecirc;me inqui&eacute;ter&hellip; Qu&rsquo;on se souvienne ici d&rsquo;une des premi&egrave;res fictions &eacute;crites pour la radio, <em>Maremoto</em> de Pierre Cusy et Gabriel Germinet, et qui aurait d&ucirc; &ecirc;tre diffus&eacute;e en 1924. Des r&eacute;p&eacute;titions de la pi&egrave;ce, qui raconte le naufrage d&rsquo;un bateau, furent diffus&eacute;es sur des ondes non utilis&eacute;es afin de tester les conditions sonores de r&eacute;ception. Mais elles eurent des auditeurs malgr&eacute; elles, qui alert&egrave;rent les autorit&eacute;s, craignant que des individus fussent vraiment en danger. La pi&egrave;ce fut longtemps interdite de diffusion en France. Outre la confusion entre fiction et documentaire, cette &eacute;tape importante de l&rsquo;histoire de la radio illustre la peur qui surgit &agrave; l&rsquo;&eacute;coute de voix d&eacute;sesp&eacute;r&eacute;es, et qui appellent &agrave; l&rsquo;aide&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>. La radio se jouera ensuite &agrave; de nombreuses reprises du th&egrave;me des voix qui surprennent des personnages et les effrayent (<em>L&rsquo;inconnue d&rsquo;Arras</em>, d&rsquo;Armand Salacrou, <em>Raccrochez c&rsquo;est une erreur</em>, de Ren&eacute; Wilmet&hellip;). <em>De la nuit</em>, d&rsquo;une certaine mani&egrave;re, s&rsquo;inscrit dans cette g&eacute;n&eacute;alogie de la voix d&eacute;sincarn&eacute;e&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">Dans une perspective plus politique, on remarquera que <em>De la nuit</em> tend &agrave; l&rsquo;&eacute;galitarisme de par le choix des invit&eacute;s et le traitement de la parole. L&rsquo;espace radiophonique n&rsquo;est pas ici r&eacute;serv&eacute; &agrave; certaines cat&eacute;gories d&rsquo;intervenants (les artistes, les intellectuels, les &eacute;crivains), mais ouvert aux t&eacute;moins ordinaires qui racontent leur m&eacute;tier ou des pans de leur vie priv&eacute;e. Au sein m&ecirc;me de la cat&eacute;gorie des individus habitu&eacute;s &agrave; s&rsquo;exprimer dans l&rsquo;espace m&eacute;diatique, l&rsquo;&eacute;mission opte pour des associations d&eacute;routantes&nbsp;: dans le num&eacute;ro du 29 ao&ucirc;t 1977, les deux invit&eacute;s sont l&rsquo;&eacute;crivaine Chantal Chawaf et le chanteur Eddy Mitchell, peu habitu&eacute; &ndash;&nbsp;ainsi qu&rsquo;il est racont&eacute; dans le dernier num&eacute;ro de la s&eacute;rie&nbsp;&ndash; &agrave; &ecirc;tre interview&eacute; sur France Culture. Les intervenants appartenant &agrave; la sph&egrave;re culturelle ou artistique c&ocirc;toient les t&eacute;moins anonymes, qui ne sont pr&eacute;sent&eacute;s que par un pr&eacute;nom au d&eacute;but de l&rsquo;&eacute;mission. Le num&eacute;ro du 9 f&eacute;vrier 1976 ne cite ainsi, lors de l&rsquo;introduction de l&rsquo;&eacute;mission, pr&eacute;c&eacute;d&eacute;e par la lecture d&rsquo;un po&egrave;me de Blaise Cendrars, que deux personnes anonymes comme invit&eacute;es, Manuela et Griselda, qui racontent des &eacute;pisodes de leur existence&nbsp;: la difficult&eacute;, pour une femme, de voyager toute seule, les impressions sur le quartier Barb&egrave;s, la drogue, le fait d&rsquo;&ecirc;tre un travesti, le racisme&hellip; On ne saura pas pourquoi ces deux t&eacute;moins ne sont pr&eacute;sent&eacute;s que par leur pr&eacute;nom ni pour quelle raison ils ont &eacute;t&eacute; choisis pour se confier au micro. L&rsquo;&eacute;mission du 7 f&eacute;vrier 1977 ne fait appara&icirc;tre qu&rsquo;un interview&eacute;, pr&eacute;sent&eacute; par son seul pr&eacute;nom&nbsp;: Jean (dans cette &eacute;mission, seule les extraits musicaux interrompent l&rsquo;entretien). Dans l&rsquo;&eacute;mission du 20 octobre 1977, une femme raconte, de mani&egrave;re poignante, son s&eacute;jour en h&ocirc;pital psychiatrique.</p> <p style="text-align: justify;">Il faut rappeler qu&rsquo;il n&rsquo;est pas toujours ais&eacute; de distinguer la parole des &eacute;crivains (et plus g&eacute;n&eacute;ralement celles des artistes) de celle d&rsquo;anonymes &laquo;&nbsp;sans qualit&eacute;&nbsp;&raquo; dans l&rsquo;&eacute;mission. Comme les &eacute;crivains ne sont pas pr&eacute;sent&eacute;s comme tels, et comme ils ne s&rsquo;expriment pas n&eacute;cessairement sur l&rsquo;&eacute;criture ni sur leurs livres, leurs t&eacute;moignages peuvent ressembler aux t&eacute;moignages de ces anonymes. Si l&rsquo;&eacute;crivain Claude Couchais &eacute;voque l&rsquo;&eacute;criture et son statut d&egrave;s l&rsquo;introduction de l&rsquo;&eacute;mission du 30 juin 1976, il n&rsquo;en va pas de m&ecirc;me dans la plupart des &eacute;missions. Ainsi, quand Jocelyne Fran&ccedil;ois s&rsquo;exprime sur le th&egrave;me de la folie et l&rsquo;exil (<em>De la nuit</em>, 14 mars 1977), il n&rsquo;est fait aucun lien avec son activit&eacute; d&rsquo;&eacute;crivain. Il en va de m&ecirc;me pour l&rsquo;&eacute;crivaine Viviane Forrester qui parle de son enfance et de ses liens avec sa m&egrave;re (28 avril 1977). L&rsquo;&eacute;mission se joue d&rsquo;ailleurs de cette confusion des statuts, et n&rsquo;h&eacute;site pas &agrave; faire intervenir les invit&eacute;s &agrave; contre-emploi&nbsp;: l&rsquo;&eacute;mission du 14 mars 1977 est en grande partie compos&eacute;e de lectures de l&rsquo;&oelig;uvre &eacute;rotique de Joyce Mansour par Eddy Mitchell (toujours&nbsp;!), ce que le chanteur a tr&egrave;s peu fait &agrave; notre connaissance. Enfin, certains interview&eacute;s ont un statut interm&eacute;diaire&nbsp;: un patron de bar et peintre amateur est pr&eacute;sent&eacute; par ses pr&eacute;nom et nom, Michel Boussy, dans l&rsquo;&eacute;mission du 16 octobre 1976, enregistr&eacute;e dans un bar de Roubaix.</p> <p style="text-align: justify;">Les &eacute;missions de type entretien, comme celles de Jean Amrouche, ont contribu&eacute; &agrave; transformer l&rsquo;&eacute;crivain en &laquo;&nbsp;olympien&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>&nbsp;&raquo;, selon la terminologie d&rsquo;Edgar Morin, ou en &laquo;&nbsp;grand homme&nbsp;&raquo; pour reprendre l&rsquo;expression de Philippe Lejeune&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>, c&rsquo;est-&agrave;-dire en figure d&rsquo;autorit&eacute; dont la parole m&eacute;rite d&rsquo;&ecirc;tre entendue par le public. Dans <em>De la nuit</em>, l&rsquo;&eacute;crivain est &laquo;&nbsp;d&eacute;sacralis&eacute;&nbsp;&raquo;. Sa voix a la m&ecirc;me port&eacute;e que celles de tous les autres intervenants, quel que soit leur statut. Comme une illustration de la phrase de Marguerite Duras d&eacute;j&agrave; cit&eacute;e&nbsp;: &laquo; Et pourquoi y en a-t-il qui &eacute;crivent et d&rsquo;autres non ? C&rsquo;est &ccedil;a qui est anormal. Tout le monde &eacute;crit sans doute. Tout le monde &eacute;crit, m&ecirc;me ceux qui n&rsquo;&eacute;crivent pas&nbsp;&raquo;.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="5_Bain_d8217epoque">5. Bain d&rsquo;&eacute;poque</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Durant les ann&eacute;es o&ugrave; elle est diffus&eacute;e, <em>De la nuit </em>n&rsquo;est la seule &eacute;mission &agrave; proc&eacute;der de la sorte. Depuis la fin des ann&eacute;es 1960, il existe en France des professionnels qui ont souhait&eacute; relancer l&rsquo;expression radiophonique dans une vis&eacute;e de type artistique, quelque peu laiss&eacute;e en jach&egrave;re depuis la fin du Club d&rsquo;Essai en 1960 (&agrave; l&rsquo;exception de la fiction radiophonique). L&rsquo;<em>Atelier de cr&eacute;ation radiophonique</em> (ACR), cr&eacute;&eacute; par Alain Trutat et Jean Tardieu en 1969, et que va produire tr&egrave;s longtemps Ren&eacute; Farabet, est l&rsquo;exemple le plus c&eacute;l&egrave;bre de ce courant radiophonique. Ce n&rsquo;est plus une vis&eacute;e didactique ou informative que recherche ce type d&rsquo;&eacute;mission, mais plut&ocirc;t une vis&eacute;e de type artistique. La radio n&rsquo;est plus seulement un support au service des autres arts ou de la culture, mais un art lui-m&ecirc;me. Durant les ann&eacute;es 1970, rappelle Marine Beccarelli, &laquo;&nbsp;la nuit radiophonique devient un laboratoire d&rsquo;exp&eacute;rimentation et de recherches radiophoniques&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>&nbsp;&raquo;. Des &eacute;missions telles que l&rsquo;<em>&Eacute;criture par le son</em> (1971-1974), produite par Jean Couturier et diffus&eacute;e elle aussi en d&eacute;but de nuit, poursuivent le m&ecirc;me objectif&nbsp;: proposer &agrave; l&rsquo;auditeur un univers sonore atypique, &eacute;loign&eacute; des &eacute;missions diffus&eacute;es en direct. Dans l&rsquo;<em>&Eacute;criture par le son, </em>comme dans l&rsquo;<em>Atelier de cr&eacute;ation radiophonique</em>, des voix se succ&egrave;dent d&eacute;j&agrave; sans que l&rsquo;on sache tr&egrave;s bien qui parle ou quel est le th&egrave;me de l&rsquo;&eacute;mission. Tous ces producteurs, qui ne semblent pas avoir travaill&eacute; ensemble&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>, choisissent de d&eacute;stabiliser l&rsquo;auditeur en abandonnant les registres habituels de la production radiophonique. L&rsquo;effacement, voire l&rsquo;absence, de l&rsquo;instance m&eacute;diatique &agrave; l&rsquo;antenne, et la volont&eacute; de d&eacute;tacher les paroles de leurs auteurs, constituent les marques les plus embl&eacute;matiques de leur grammaire radiophonique. L&rsquo;ACR, en particulier, illustr&eacute; par les figures remarquables de Yann Parantho&euml;n, Ren&eacute; Jentet, Andrew Orr, Ren&eacute; Farabet ou Kaye Mortley, renoue ainsi avec les exp&eacute;riences men&eacute;es par le Club d&rsquo;Essai &agrave; partir de 1946 pour produire des &eacute;missions de cr&eacute;ation plus que de consommation&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Le Club d&rsquo;Essai anticipe lui-m&ecirc;me de quelques ann&eacute;es le mouvement du Nouveau Roman qui, apr&egrave;s le Surr&eacute;alisme dans lequel Duprez reconna&icirc;t une influence de l&rsquo;&eacute;mission&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>, va porter &agrave; la radio la contestation de l&rsquo;esth&eacute;tique mim&eacute;tique h&eacute;rit&eacute;e du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle r&eacute;aliste. Des fictions comme <em>R&eacute;gression</em>, de Claude Ollier, diffus&eacute; le 25 janvier 1967,<em> Centre d&rsquo;&eacute;coute </em>de Michel Butor et Ren&eacute; Koenig (9 juillet 1972) ou <em>India Song</em> de Marguerite Duras (12 novembre 1974) transposent &agrave; la radio des recherches formelles marqu&eacute;es par l&rsquo;absence de personnages, le rejet d&rsquo;un r&eacute;cit lin&eacute;aire, des narrations d&eacute;structur&eacute;es, en rupture avec le flux des fictions habituellement diffus&eacute;es sur les ondes&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>. M&ecirc;me si aucun d&rsquo;eux ni aucune des autres figures marquantes du Nouveau Roman (Nathalie Sarraute, Robert Pinget, Claude Simon, Alain Robbe-Grillet&hellip;), &agrave; l&rsquo;exception de Duras, ne figure dans le g&eacute;n&eacute;rique de <em>De la nuit</em>, il y a l&agrave; un bain d&rsquo;&eacute;poque.</p> <p style="text-align: justify;"><em>De la nuit</em> ne pr&eacute;sente pas de dispositifs aussi radicaux que ceux de l&rsquo;<em>Atelier de cr&eacute;ation radiophonique</em>, &agrave; quelques exceptions pr&egrave;s. Dans le num&eacute;ro titr&eacute; &laquo;&nbsp;On ne se baigne jamais deux fois dans le m&ecirc;me silence&nbsp;&raquo; (diffus&eacute;e le 23 novembre 1977), par exemple, il n&rsquo;y a pratiquement aucune parole audible en cinquante minutes d&rsquo;&eacute;mission. On ne per&ccedil;oit que des bruits (briquets, v&ecirc;tements, oiseaux, horloge&hellip;), des respirations, des silences, des musiques contemporaines &ndash; qui ne ressemblent pas aux musiques pop et rock and roll des autres num&eacute;ros, et quelques phrases qu&rsquo;on devine &ecirc;tre des extraits tr&egrave;s brefs de conversation. Comme exemples de paroles quelque peu audibles, ces phrases prononc&eacute;es par des hommes et des femmes, qui font n&eacute;anmoins sens puisqu&rsquo;elles font partie d&rsquo;une des derni&egrave;res &eacute;missions de la s&eacute;rie&nbsp;: &laquo;&nbsp;j&rsquo;ai tellement donn&eacute; que maintenant j&rsquo;attends&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;c&rsquo;est ce que j&rsquo;esp&eacute;rais&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;aux grands mots les grands rem&egrave;des&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;parle-moi&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;j&rsquo;ai l&rsquo;impression qu&rsquo;on joue un jeu un peu cruel, mais je ne me suis pas rendu compte&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;je vais finir par m&rsquo;endormir&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;tu te sens frustr&eacute; que je parle si peu&nbsp;?&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;&ccedil;a te g&ecirc;ne pas qu&rsquo;on perde du temps&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;tu n&rsquo;aurais pas une question &agrave; poser&nbsp;?&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;tu ne pr&eacute;pares pas de questions&nbsp;?&nbsp;&raquo; &laquo;&nbsp;c&rsquo;est tout ce qui est important&nbsp;?&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;j&rsquo;ai vachement envie de sortir de la parole&nbsp;&raquo;&hellip; La voix de Duprez se fait entendre avec parcimonie&nbsp;: &laquo;&nbsp;gros&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;de&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;silence&nbsp;&raquo; &laquo;&nbsp;il y a des silences. Gros de silence. Ils s&rsquo;&eacute;coutent&nbsp;&raquo;&hellip;. Les derni&egrave;res phrases de l&rsquo;&eacute;mission pourraient &ecirc;tre la bande-son d&rsquo;une fiction&nbsp;: &laquo;&nbsp;&agrave; quoi tu penses&nbsp;?&nbsp;Tu trouves que je m&rsquo;int&eacute;resse pas assez &agrave; toi&nbsp;?&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;tu pensais &agrave; quoi&nbsp;? Je suis vachement agressif&nbsp;&raquo;. Une &eacute;coute attentive de ces rares paroles laisse sugg&eacute;rer que Gilbert-Maurice Duprez (ou un de ses collaborateurs) et un invit&eacute; (lequel&nbsp;?) se sont peut-&ecirc;tre rencontr&eacute;s dans un espace qui n&rsquo;est pas celui du studio, et ont d&eacute;cid&eacute; de ne pas parler durant l&rsquo;enregistrement. L&rsquo;exp&eacute;rience a peut-&ecirc;tre &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute;e avec plusieurs intervenants car l&rsquo;ambiance sonore varie d&rsquo;un espace &agrave; l&rsquo;autre dans l&rsquo;&eacute;mission. Dans la notice de l&rsquo;Ina, plusieurs personnes sont cit&eacute;es&nbsp;: le po&egrave;te Jean Ristat (proche d&rsquo;Aragon, directeur de la revue <em>Digraphe</em>), David Cooper (le fondateur de l&rsquo;antipsychiatrie, install&eacute; &agrave; Paris en 1972) et Jean-Louis Bernard (sans doute le romancier et essayiste, sp&eacute;cialiste d&rsquo;&eacute;sot&eacute;risme).</p> <p style="text-align: justify;">Le dernier num&eacute;ro de<em> De la nuit</em>, diffus&eacute; le 23 d&eacute;cembre 1977, adopte pour sa part une forme particuli&egrave;re, et appara&icirc;t comme une mise en abyme du dispositif de l&rsquo;&eacute;mission, en forme de th&eacute;&acirc;tre d&rsquo;ombres. Des extraits d&rsquo;&eacute;missions pr&eacute;c&eacute;dentes sont diffus&eacute;s, et trois hommes (dont Gilbert Maurice Duprez) jouent &agrave; deviner qui parle, sans toujours r&eacute;v&eacute;ler la solution de l&rsquo;&eacute;nigme &agrave; l&rsquo;auditeur. C&rsquo;est comme s&rsquo;ils se pla&ccedil;aient, d&rsquo;une mani&egrave;re artificielle, dans la situation des auditeurs eux-m&ecirc;mes qui, durant les deux ann&eacute;es d&rsquo;existence de l&rsquo;&eacute;mission, se sont demand&eacute; qui &eacute;taient ceux dont les voix se faisaient entendre chaque soir. Duprez et les autres pr&eacute;sentateurs ne semblent plus toujours savoir qui se cache derri&egrave;re la voix qu&rsquo;ils red&eacute;couvrent&nbsp;: &laquo;&nbsp;je connais la voix, mais je ne vois pas&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;c&rsquo;est un Su&eacute;dois fris&eacute;&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;je ne me souviens pas&nbsp;&raquo;. Ils expriment aussi des regrets&nbsp;: &laquo;&nbsp;on aurait d&ucirc; la rencontrer une deuxi&egrave;me fois&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est une conversation &eacute;trange, comme si les trois hommes &eacute;taient seuls, et ne parlaient pas &agrave; un public (&laquo;&nbsp;c&rsquo;est Bruno&hellip;&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;voici comment une amiti&eacute; na&icirc;t de la radio&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;il recherchera sa m&egrave;re toute sa vie&nbsp;&raquo;). Souvent, les trois hommes se trompent comme s&rsquo;ils &eacute;taient frapp&eacute;s d&rsquo;amn&eacute;sie. Parfois, le ton est d&eacute;sabus&eacute;, et les protagonistes devinent, non sans une certaine cruaut&eacute;, que certains interview&eacute;s vont tomber dans l&rsquo;oubli. Toutes les identit&eacute;s ne sont donc pas r&eacute;v&eacute;l&eacute;es, et des noms se perdent dans la musique diffus&eacute;e pendant que les pr&eacute;sentateurs parlent. Comme une mani&egrave;re de rappeler que ce principe d&rsquo;incertitude des voix sera tenu jusqu&rsquo;&agrave; la fin de l&rsquo;aventure.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="6_Conclusion">6. Conclusion</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">La plupart des &eacute;missions o&ugrave; se fait entendre la parole de l&rsquo;&eacute;crivain sont r&eacute;gies par un contrat tacite&nbsp;: l&rsquo;&eacute;crivain accepte de s&rsquo;exprimer &agrave; la radio pour se faire conna&icirc;tre, ou faire d&eacute;couvrir son &oelig;uvre&nbsp;; la radio appara&icirc;t comme un vecteur de communication au service d&rsquo;une &oelig;uvre et d&rsquo;un artiste. Cette repr&eacute;sentation est sous-jacente dans les &eacute;missions dont les dispositifs dialogiques malm&egrave;nent les invit&eacute;s (type <em>Qui &ecirc;tes-vous&nbsp;? </em>d&rsquo;Andr&eacute; Gillois&nbsp;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a>), comme dans les &eacute;missions en t&ecirc;te-&agrave;-t&ecirc;te qui c&eacute;l&egrave;brent la figure de l&rsquo;&eacute;crivain-grand homme (type <em>Radioscopie</em> de Jacques Chancel, <em>Du jour au lendemain</em> d&rsquo;Alain Veinstein). <em>De la nuit</em>, comme au pr&eacute;alable l&rsquo;<em>Atelier de cr&eacute;ation radiophonique</em>, rompt avec l&rsquo;id&eacute;e du m&eacute;dia au service de l&rsquo;&eacute;crivain et de la cr&eacute;ation artistique&nbsp;: la radio s&rsquo;affiche ici davantage comme un art que comme un instrument de transmission du savoir, et fait entendre son langage sp&eacute;cifique. Radio et cr&eacute;ation litt&eacute;raire sont ici plac&eacute;es sur un pied d&rsquo;&eacute;galit&eacute;. Et, pour l&rsquo;auditeur, il peut &ecirc;tre surprenant de basculer d&rsquo;un r&eacute;gime de type didactique &agrave; un r&eacute;gime de type artistique. Dit autrement, la parole de l&rsquo;&eacute;crivain dans<em> De la nuit </em>n&rsquo;est qu&rsquo;un fragment au service de la cr&eacute;ation radiophonique. En raison de grammaires de reconnaissance peu explicites, l&rsquo;auditeur doit accepter chaque soir de s&rsquo;adapter &agrave; une forme diff&eacute;rente, et d&rsquo;&eacute;couter des intervenants aux statuts multiples. La pr&eacute;sence de l&rsquo;&eacute;crivain est ici al&eacute;atoire et d&eacute;contextualis&eacute;e, et l&rsquo;auditeur n&rsquo;est pas certain d&rsquo;&eacute;couter ses paroles chaque soir. L&rsquo;auditeur, &agrave; vrai dire, dans une &eacute;mission comme <em>De la nuit</em>, n&rsquo;est &agrave; peu pr&egrave;s s&ucirc;r de rien&nbsp;: en fonction de l&rsquo;humeur de son producteur, il pourra &eacute;couter tant&ocirc;t des entretiens &ndash;&nbsp;avec des anonymes ou des interview&eacute;s du monde des lettres ou de l&rsquo;art&nbsp;&ndash; tant&ocirc;t des lectures de textes litt&eacute;raires m&eacute;lang&eacute;s &agrave; des extraits musicaux.</p> <p style="text-align: justify;"><em>De la nuit</em> n&rsquo;aura qu&rsquo;une existence &eacute;ph&eacute;m&egrave;re (1975-1977). La s&eacute;rie pr&eacute;figure l&rsquo;&eacute;mission <em>Nuits magn&eacute;tiques</em> qui lui succ&egrave;de en 1978, cr&eacute;&eacute;e par Alain Veinstein. Dans celle-ci, les &eacute;crivains ne sont plus uniquement des invit&eacute;s&nbsp;: ils sont associ&eacute;s &agrave; la conception des &eacute;missions, vont eux-m&ecirc;mes mener des entretiens avec des t&eacute;moins sur le terrain&nbsp;; &agrave; leur tour ils vont collecter la parole des anonymes&nbsp;<a href="#_ftn32" name="_ftnref32">[32]</a>. Si elle emprunte certains codes &agrave; <em>De la nuit </em>(un m&eacute;lange de paroles d&rsquo;artistes, d&rsquo;&eacute;crivains, et d&rsquo;anonymes, et une propension &agrave; diffuser des propos de type intimiste), <em>Nuits magn&eacute;tiques</em> s&rsquo;articulera davantage autour de certaines th&eacute;matiques pour mieux guider l&rsquo;auditeur, et son producteur, Alain Veinstein, s&rsquo;adressera plus directement &agrave; l&rsquo;auditeur, notamment au d&eacute;but de chaque semaine, pour pr&eacute;senter le sommaire de la semaine. Gilbert Maurice Duprez poursuivra sa carri&egrave;re &agrave; la radio. On le retrouve au g&eacute;n&eacute;rique de quelques <em>Nuits magn&eacute;tiques&nbsp;</em>: dans celle du 28 f&eacute;vrier 1978, il lit un texte pr&eacute;sent&eacute; comme un court-m&eacute;trage. Mais c&rsquo;est avec une &eacute;mission plus atypique qu&rsquo;il ach&egrave;vera son parcours radiophonique de producteur. <em>Sons</em>, diffus&eacute; entre 1982 et 1984 sur France Culture, fait entendre des tableaux sonores compos&eacute;s de s&eacute;quences enregistr&eacute;es au gr&eacute; des p&eacute;r&eacute;grinations de l&rsquo;auteur. La parole dispara&icirc;t ici au profit des bruits du r&eacute;el&nbsp;: &laquo;&nbsp;La singularit&eacute; de sons est son absence totale de commentaires. [&hellip;] Cela ressemble &agrave; la volont&eacute; d&rsquo;affirmer la radio dans sa sp&eacute;cificit&eacute; et son essence&nbsp;: le son&nbsp;<a href="#_ftn33" name="_ftnref33">[33]</a>.&nbsp;&raquo; En cela, <em>Sons</em> prolonge la vis&eacute;e de <em>De la nuit </em>d&rsquo;&eacute;riger la radio en m&eacute;dium artistique.</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h3> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a> Gilbert Maurice Duprez, <em>De la nuit</em>, France Culture, 23 d&eacute;cembre 1977.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a> Voir Nicolas Verdure, &laquo;&nbsp;Les archives de l&rsquo;enregistrement sonore &agrave; la Biblioth&egrave;que nationale de France&nbsp;&raquo;, <em>Vingti&egrave;me si&egrave;cle, Revue d&rsquo;Histoire, </em>vol. 92, n&deg;4, 2006, p.&nbsp;61-66&nbsp;; Francesco Viriat, &laquo;&nbsp;Orph&eacute;e phonographe, le r&ecirc;ve du disque po&eacute;tique&nbsp;&raquo;, dans Claude Jamain (dir.), <em>La voix sous le texte</em>, Angers, Presses universitaires d&rsquo;Angers, 2000, p.&nbsp;51-60&nbsp;; Michel Murat, &laquo;&nbsp;Dire la po&eacute;sie en 1913: les <em>Archives de la parole</em><em> de Ferdinand Brunot</em>&nbsp;&raquo;, dans Jean-Fran&ccedil;ois Puff (dir.), <em>Dire la po&eacute;sie&nbsp;?</em>, Nantes, &eacute;ditions C&eacute;cile Defaut, 2015, p.&nbsp;101-128.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a> Enregistrement partiellement publi&eacute; en 1964 (disque Ad&egrave;s), int&eacute;gralement en 2005, accompagn&eacute; d&rsquo;une transcription&nbsp;: <em>Une visite &agrave; Brangues. Conversation entre Paul Claudel, Jacques Madaule et Pierre Schaeffer. Brangues, dimanche 27 f&eacute;vrier 1944</em>, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Les Cahiers de la NRF&nbsp;&raquo;, 2005. Contient deux CD audio.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a> Philippe Lejeune, <em>Je est un autre. L&rsquo;autobiographie, de la litt&eacute;rature aux m&eacute;dias</em>, Paris, Seuil, &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;, 1980, p.&nbsp;110.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a><em> Ibid.</em>, p.&nbsp;11.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a> Pour l&rsquo;introduction de ce genre en France, voir Pierre-Marie H&eacute;ron (dir.),<em> Les &eacute;crivains &agrave; la radio&nbsp;: Les entretiens de Jean Amrouche</em>, Montpellier, Centre d&rsquo;&Eacute;tudes du XXe si&egrave;cle, 2000. Et pour de nombreuses &eacute;tudes de cas, voir Pierre-Marie H&eacute;ron (dir.), <em>&Eacute;crivains au micro</em>. <em>Les entretiens-feuilletons &agrave; la radio fran&ccedil;aise dans les ann&eacute;es cinquante</em>, Presses universitaires de Rennes, 2010.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a> Voir C&eacute;line Pardo, &laquo;&nbsp;Avec un &eacute;crivain, les yeux ferm&eacute;s. L&rsquo;art du portrait d&rsquo;&eacute;crivain &agrave; la radio&nbsp;&raquo;, dans Ivanne Rialland (dir.), <em>Critique et m&eacute;dium</em>, Paris, CNRS &eacute;ditions, 2017, p.&nbsp;271-285.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a> L&rsquo;Ina a archiv&eacute; et num&eacute;ris&eacute; trois cent vingt-quatre num&eacute;ros de <em>De la nuit</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a> Les archives de Gilbert-Maurice Duprez sont consultables aux Archives Nationales&nbsp;: CAC, AN, Fonds Gilbert Maurice Duprez, 19940737/34, documents relatifs &agrave; <em>De la nuit</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a> Entretien avec Gilbert Maurice Duprez. Au moment de la r&eacute;daction de cet article, le producteur, &acirc;g&eacute; de 86 ans, ne pouvait plus parler. Une s&eacute;rie de questions sur l&rsquo;&eacute;mission lui a &eacute;t&eacute; transmise par mail, et il y a r&eacute;pondu avec l&rsquo;aide de son &eacute;pouse Arlette Duprez.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a> Par exemple, le 24 d&eacute;cembre 1973, il s&rsquo;entretient avec l&rsquo;&eacute;crivain Pierre Emmanuel au sujet de son recueil de po&eacute;sie <em>Sophia</em>. Le 31 d&eacute;cembre suivant, il dialogue avec des jeunes travailleurs dans un foyer d&rsquo;accueil.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a> Christophe Deleu, <em>Le Documentaire radiophonique</em>, Paris, L&rsquo;Harmattan, &laquo;&nbsp;M&eacute;moires de radio&nbsp;&raquo;, 2013. Dans cette approche, le documentaire, ou &laquo;&nbsp;&eacute;mission &eacute;labor&eacute;e&nbsp;&raquo; (comme disent les professionnels de la radio), s&rsquo;oppose &agrave; l&rsquo;&eacute;mission de plateau, diffus&eacute;e en direct (ou enregistr&eacute;e dans les conditions du direct), au d&eacute;roulement lin&eacute;aire.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a> L&rsquo;expression &laquo;&nbsp;anonyme&nbsp;&raquo; peut faire d&eacute;bat dans la mesure o&ugrave; la fonction de certains interview&eacute;s est mentionn&eacute;e &agrave; l&rsquo;antenne. Nous l&rsquo;utilisons ici pour opposer ces types d&rsquo;interview&eacute;s aux artistes, et aux interview&eacute;s du monde des arts et de la litt&eacute;rature, plus habitu&eacute;s &agrave; &ecirc;tre invit&eacute;s &agrave; s&rsquo;exprimer sur les ondes, &agrave; France Culture.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a> &nbsp;Entretien par mail cit&eacute;.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a> Robert Vion, <em>La communication verbale</em>, Paris, Hachette Scolaire, 2000.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a> Bien entendu ces difficult&eacute;s s&rsquo;estompent quand l&rsquo;&eacute;mission ne fait intervenir qu&rsquo;un invit&eacute;.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a> Sur ce point, la prudence s&rsquo;impose. Ce qu&rsquo;on peut consulter &agrave; l&rsquo;Ina, c&rsquo;est l&rsquo;&eacute;mission elle-m&ecirc;me, et non sa pr&eacute;sentation &agrave; l&rsquo;antenne. Il se peut que d&rsquo;autres &eacute;l&eacute;ments de pr&eacute;sentation aient &eacute;t&eacute; donn&eacute;s avant l&rsquo;&eacute;mission elle-m&ecirc;me, en direct. Dont son sous-titre par exemple.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a> Christophe Deleu, <em>Les Anonymes &agrave; la radio. Usages, fonction et port&eacute;e de leur parole</em>, Paris-Bruxelles, Ina-De Boeck, 2006.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a> Anne-Outram Mott, &laquo;&nbsp;L&rsquo;identit&eacute; m&eacute;diatique et ses sc&eacute;nographies dans l&rsquo;entretien culturel &agrave; la radio. De la mise en discours de l&rsquo;identit&eacute; de l&rsquo;artiste-&eacute;crivain aux variations de sa mise en sc&egrave;ne dans le dialogue radiophonique&nbsp;&raquo;<em>, </em>th&egrave;se de doctorat de l&rsquo;universit&eacute; de Gen&egrave;ve, mai 2011, p.&nbsp;172.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a><em> Ibid</em>., p.&nbsp;174.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a> &Eacute;missions des 11 juillet et 6 novembre 1975.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a> &laquo; La radio, si elle voulait, pourrait redevenir quelquefois la bouche qu&rsquo;il nous tarde trop souvent d&rsquo;entendre dans le d&eacute;luge moderne des bruits&nbsp;&ndash;&nbsp;la bouche d&rsquo;ombre&hellip;&nbsp;&raquo; (R&eacute;ponse &agrave; l&rsquo;enqu&ecirc;te du Club d&rsquo;Essai sur la diction po&eacute;tique [1956-1957], dans Pierre-Marie H&eacute;ron (dir.), <em>Les &eacute;crivains hommes de radio (1940-1970)</em>, Montpellier, Publications de Montpellier 3, 2001, p.&nbsp;152-154).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a> C&eacute;cile M&eacute;adel, &laquo;&nbsp;Mare-Moto. Une pi&egrave;ce radiophonique de Pierre Cusy et Gabriel Germinet&nbsp;&raquo;, <em>R&eacute;seaux</em>, vol. 10, &nbsp;n&deg;52, 1992, p.&nbsp;75-78 (texte de la pi&egrave;ce p.&nbsp;79-94).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a> Edgar Morin, &laquo;&nbsp;De l&rsquo;interview&nbsp;&raquo;, dans <em>Sociologie</em> [1984], Paris, Fayard, 1994 (&eacute;dition revue et corrig&eacute;e par l&rsquo;auteur), p.&nbsp;244.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a> Philippe Lejeune, <em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;104.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a> Marine Beccarelli, &laquo;&nbsp;Micros de nuit. Histoire de la radio nocturne en France, 1945-2012&nbsp;&raquo;<em>, </em>th&egrave;se de doctorat de l&rsquo;Universit&eacute; Paris 1 Panth&eacute;on-Sorbonne, 14 d&eacute;cembre 2016, p.&nbsp;345.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a> Gilbert Maurice Duprez n&rsquo;a pas produit d&rsquo;<em>Atelier de cr&eacute;ation radiophonique</em>, et il n&rsquo;y a pas de pr&eacute;sence des principaux producteurs de l&rsquo;<em>Atelier de cr&eacute;ation radiophonique</em> dans<em> De la nuit</em>. Il ne semble pas non plus y avoir eu de travail commun entre Duprez et Jean Couturier.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a> Voir Pierre-Marie H&eacute;ron (dir.), <em>La Radio d&rsquo;art et d&rsquo;essai en France apr&egrave;s 1945</em>, Montpellier, Publications de Montpellier 3, 2006. Deux CD audio inclus.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a> Entretien par mail cit&eacute;. Duprez mentionne aussi une anthologie de po&egrave;mes japonais.&nbsp; Il dit avoir voulu parier sur l&rsquo;intelligence et la r&eacute;flexion de l&rsquo;auditeur pour concevoir son &eacute;mission, et laisser une libert&eacute; absolue &agrave; celui qui l&rsquo;&eacute;coute.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a> Sur les productions des &eacute;crivains du Nouveau Roman &agrave; la radio, voir Pierre-Marie H&eacute;ron, Fran&ccedil;oise Joly, Annie Pibarot (dir.), <em>Aventures radiophoniques du Nouveau Roman</em>, Presses universitaire de Rennes, 2017.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a> Pierre-Marie&nbsp;H&eacute;ron, &laquo;&nbsp;De l&rsquo;impertinence dans les interviews d&rsquo;&eacute;crivain&nbsp;: l&rsquo;exemple de la s&eacute;rie radiophonique&nbsp;<em>Qui &ecirc;tes-vous&nbsp;?</em>&nbsp;(1949-1951)&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Argumentation et Analyse du Discours</em>&nbsp;[En ligne], 12&nbsp;|&nbsp;2014, mis en ligne le 20 avril 2014, consult&eacute; le 24 octobre 2017. URL&nbsp;: http://aad.revues.org/1706.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref32" name="_ftn32">[32]</a> Les plus r&eacute;guliers sont Franck Venaille et Jean-Pierre Milovanoff.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref33" name="_ftn33">[33]</a> Marie Gu&eacute;rin, &laquo;<em>&nbsp;Sons</em>. Mises en perspectives du programme de Gilbert Maurice Duprez en regard de r&eacute;flexions men&eacute;es autour de la musique concr&egrave;te&nbsp;&raquo;, <em>Cahiers d&rsquo;histoire de la radiodiffusion</em>, n&deg;129, juillet-septembre 2016, p.&nbsp;187-194. Marie Gu&eacute;rin et Marie-Laure Ciboulet ont consacr&eacute; un &laquo;<em>&nbsp;</em>documentaire de cr&eacute;ation&nbsp;&raquo;&nbsp;&agrave; l&rsquo;&eacute;mission et son producteur (France Culture, &laquo;&nbsp;L&rsquo;Atelier de la cr&eacute;ation&nbsp;&raquo;, 24 d&eacute;cembre 2014), &eacute;coutable <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/latelier-de-la-creation-14-15/la-bouche-dombre-autour-de-loeuvre-de-gilbert-maurice-duprez" target="_blank">ici</a>.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="Auteur">Auteur</span></h3> <p style="text-align: justify;"><strong>Christophe Deleu </strong>est Professeur en Sciences de l&rsquo;information et de la communication &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; de Strasbourg (Cuej), Vice-pr&eacute;sident du Grer (Groupe de recherche et d&rsquo;&eacute;tudes sur la radio), Pr&eacute;sident de la commission radio de la SGDL (Soci&eacute;t&eacute; des gens de lettres). Il a publi&eacute; de nombreux travaux sur le documentaire radiophonique, notamment un ouvrage paru sous ce titre en 2013 (L&rsquo;Harmattan/Ina, coll. M&eacute;moires de radio).</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>Copyright</strong></h3> <p style="text-align: justify;">Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p> </div>