<div class="entry-content"> <h3>Abstract</h3> <p><em>Bruits de pages </em>(1978-1980)&nbsp;is one of five magazine sections of <em>Nuits Magn&eacute;tiques, </em>the nocturnal radio program on France Culture in its early days . Conceived by Alain Veinstein, it attempts to break away from current radiophonic practices of its time. However, while positioning itself against the promotion of best-sellers on the radio, it simultaneously seeks to be part of the general tendency to advertise by endorsing books that are less heard of. The program&rsquo;s interviews are in a way typical of those sounded on France Culture. However, those carried out by Alain Veinstein can be viewed as the precursors of the interviews he is to develop in later years, in his one-on-one nocturnal program <em>Du jour au lendemain </em>(1985-2014).</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p class="meta-tags">avant-garde, Alain Veinstein, <em>Bruits de pages</em>&nbsp;show, interviews, nocturnal radio program, literary interviews, best-sellers,&nbsp;book promotion</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">D&rsquo;abord mensuel (quatri&egrave;me mercredi du mois), puis bi-mensuel (premier et troisi&egrave;me mardis du mois), <em>Bruits de pages </em>est l&rsquo;un des cinq magazines des d&eacute;buts de <em>Nuits magn&eacute;tiques&nbsp;</em><a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a><em>, </em>diffus&eacute; le soir de 22h30 &agrave; 23h50, sur France Culture, trois saisons durant (du mercredi 25 janvier 1978 au mardi 1<sup>er</sup> juillet 1980). L&rsquo;&eacute;mission se fait en direct, mais inclut des interviews enregistr&eacute;es. Sous-titr&eacute;e &laquo;&nbsp;le magazine des livres qui ne font pas de bruit&nbsp;&raquo;, puis &laquo;&nbsp;une &eacute;mission r&eacute;alis&eacute;e par des professionnels pour les professionnels&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>, elle est con&ccedil;ue par Alain Veinstein, conseiller de programmes de la cha&icirc;ne, en coproduction durant la premi&egrave;re saison (num&eacute;ro 6, juin 1978, inclus) avec Gilbert Maurice Duprez&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>. Le r&eacute;alisateur est Bruno Sourcis. Parmi ses collaborateurs (occasionnels et r&eacute;guliers)&nbsp;: Pascal Dupont, G&eacute;rard Mac&eacute;, Mathieu B&eacute;n&eacute;zet, Anne-Marie Albiach. C&rsquo;est un magazine &agrave; rubriques al&eacute;atoires, plus ou moins &eacute;ph&eacute;m&egrave;res ‒&nbsp;des documentaires, des interviews, des &eacute;missions d&rsquo;archives&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>&nbsp;‒, qui s&rsquo;inscrit dans ce que Veinstein d&eacute;finit &agrave; propos de <em>Nuits magn&eacute;tiques</em> comme &laquo;&nbsp;un espace librement d&eacute;di&eacute; &agrave; l&rsquo;aventure d&rsquo;&ecirc;tre en vie [&hellip;] Il s&rsquo;agit d&rsquo;un territoire de cr&eacute;ation radiophonique et de documentaires dont les premiers producteurs sont presque tous des &eacute;crivains&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Dans le cadre de cet article&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>, je propose d&rsquo;&eacute;tudier <em>Bruits de pages </em>comme exemple d&rsquo;une radio qui se veut d&rsquo;avant-garde mais qui en m&ecirc;me temps cherche &agrave; se normaliser, qui d&rsquo;une part prend position contre les &eacute;missions litt&eacute;raires de commercialisation des best-sellers, mais de l&rsquo;autre a sa propre mani&egrave;re de &laquo;&nbsp;faire la pub&nbsp;&raquo; des livres dont on entend moins parler. Les entretiens de <em>Bruits de pages</em> continuent la tradition des interviews propos&eacute;es sur les ondes de France Culture. Celles d&rsquo;Alain Veinstein, dans ce magazine litt&eacute;raire, peuvent &ecirc;tre vues comme pr&eacute;curseurs de ce qu&rsquo;il d&eacute;veloppera plus tard dans son &eacute;mission nocturne d&rsquo;interviews en t&ecirc;te-&agrave;-t&ecirc;te, <em>Du jour au lendemain </em>(1985-2014).</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="1_Radio_d8217avant-garde_en_quete_de_normalisation">1. Radio d&rsquo;avant-garde en qu&ecirc;te de normalisation</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">De par son choix musical&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>, son go&ucirc;t pour les livres peu vendus ou &agrave; petits tirages, les bruits et l&rsquo;imperfection dans l&rsquo;enregistrement et de par son ton d&eacute;claratif, <em>Bruits de pages</em> s&rsquo;offre aux auditeurs comme une r&eacute;ponse &agrave; &laquo;&nbsp;une conception fig&eacute;e du programme et de la parole radiophoniques&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>&nbsp;&raquo;. En cela il n&rsquo;est pas le premier, car les habitudes et routines des programmes parl&eacute;s sont d&eacute;j&agrave; remises en question en France, dans les ann&eacute;es 1950, sur les stations dites p&eacute;riph&eacute;riques comme Europe 1, o&ugrave; Louis Merlin invente en 1955 l&rsquo;emploi du &laquo;&nbsp;meneur de jeu&nbsp;&raquo;, mais aussi sur les cha&icirc;nes d&rsquo;&Eacute;tat, dans <em>Le Masque et la Plume</em> (depuis 1954), qui met &agrave; l&rsquo;honneur le genre de la pol&eacute;mique, dans <em>Le</em> <em>Pop Club</em> de Jos&eacute; Artur sur France Inter (1965-2005), dans <em>Panorama culturel de la France</em> sur France Culture (1969-1999), magazine d&rsquo;actualit&eacute; imposant un mode de discussion vif et rapide, o&ugrave; intervient Laure Adler avant de rejoindre Alain Veinstein &agrave; <em>Bruits de pages</em>. Apr&egrave;s 1968, un d&eacute;sir de renouveau des contenus, des styles et de la relation aux publics s&rsquo;exprime assez fortement, qui &agrave; France Culture s&rsquo;incarne d&rsquo;abord dans la vaste r&eacute;forme des programmes en 1975, voulue par Yves Jaigu, en partie pens&eacute; par Veinstein, et conduit, en 1978, &agrave; l&rsquo;&eacute;mergence de <em>Nuits magn&eacute;tiques.</em></p> <p style="text-align: justify;">Dans <em>Bruits de pages</em>, le ton est au d&eacute;fi, aux d&eacute;clarations manifestaires&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a> (en d&eacute;but d&rsquo;&eacute;mission le plus souvent), comme la suivante, d&rsquo;Alain Veinstein, le 1<sup>er</sup> mars 1978&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je vais vous dire, nous prenons position. Nous sommes contre. Nous prenons position contre les livres consid&eacute;r&eacute;s comme marchandises ou objets sacr&eacute;s&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>.&nbsp;&raquo; Ou bien, &agrave; l&rsquo;ouverture de l&rsquo;&eacute;mission du 6 d&eacute;cembre suivant, ces r&eacute;flexions ironiques de Veinstein sur &laquo;&nbsp;la meilleure fa&ccedil;on de commencer une &eacute;mission litt&eacute;raire&nbsp;&raquo;, pour mieux se d&eacute;marquer de formules ant&eacute;rieures&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Bonsoir, <em>Bruits de pages</em>, le magazine des livres qui ne font pas de bruit.</p> <p style="text-align: justify;">Et d&rsquo;abord, une question. Quelle est la meilleure fa&ccedil;on de commencer une &eacute;mission litt&eacute;raire&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">Premi&egrave;re m&eacute;thode, le s&eacute;rieux. On peut penser que parler des livres, faire parler les &eacute;crivains, exige une hauteur de ton, un climat de gravit&eacute; qui situe le pr&eacute;sentateur dans un registre quasiment sacr&eacute;. Au fronton de son &eacute;mission il peut alors placer utilement la citation d&rsquo;une pens&eacute;e implacable, remarquablement frapp&eacute;e, investie d&rsquo;une autorit&eacute; d&rsquo;autant plus grande que l&rsquo;auteur n&rsquo;est pas le pr&eacute;sentateur lui-m&ecirc;me. Pour commencer ce num&eacute;ro bille en t&ecirc;te je pourrais dire par exemple, ouvrez les guillemets&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;&eacute;tude a &eacute;t&eacute; pour moi le souverain rem&egrave;de contre les d&eacute;gouts de la vie, n&rsquo;ayant jamais eu de chagrin qu&rsquo;une heure de lecture n&rsquo;ait dissip&eacute;&nbsp;&raquo; (Montesquieu)</p> <p style="text-align: justify;"><em>(musique)</em></p> <p style="text-align: justify;">Moins classiquement, je pourrais r&eacute;v&eacute;ler les r&eacute;sultats d&rsquo;une enqu&ecirc;te par sondage command&eacute;e sp&eacute;cialement pour <em>Bruits de pages</em>. Ainsi, en cette p&eacute;riode de l&rsquo;ann&eacute;e, qui ne nous jalouserait pas si nous &eacute;tions en mesure de commenter l&rsquo;&eacute;volution structurale des lecteurs du Goncourt dans les dix derni&egrave;res ann&eacute;es. &Acirc;ge, sexe, instruction, cat&eacute;gorie socio-professionnelle, mode de vie, comment avec de telles pr&eacute;cisions statistiques ne pas r&eacute;diger un &eacute;ditorial percutant o&ugrave; les donn&eacute;es de la science nous conduiraient &agrave; des conclusions personnelles qui mettraient ais&eacute;ment les rieurs de mon c&ocirc;t&eacute;.</p> <p style="text-align: justify;"><em>(musique)</em></p> <p style="text-align: justify;">Plus subtilement, pourquoi ne pas commencer par un texte apparemment na&iuml;f qui d&eacute;crirait avec art les gestes d&rsquo;un travailleur manuel&nbsp;? Une fa&ccedil;on intelligente de d&eacute;mentir d&rsquo;entr&eacute;e de jeu l&rsquo;existence d&rsquo;une coupure quelconque entre l&rsquo;&eacute;crire et l&rsquo;agir, l&rsquo;acte et la parole.</p> <p style="text-align: justify;">[&hellip;]</p> <p style="text-align: justify;">A.V.&nbsp;&ndash; Mais finalement, croyez-moi, les intentions dissimul&eacute;es ne font jamais de bonnes &eacute;missions. Mieux vaut &ecirc;tre clair et net, prendre position sans ambigu&iuml;t&eacute;. Affirmons nos go&ucirc;ts et nos partis pris. Commen&ccedil;ons par un papier d&rsquo;humeur, un compte-rendu critique de ce que nous n&rsquo;h&eacute;sitons pas &agrave; appeler &laquo;&nbsp;le meilleur livre du mois&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">D&rsquo;un point de vue formel, un aspect neuf de <em>Bruits de pages </em>consiste &agrave; laisser exister les bruits, ces types de sons que l&rsquo;on juge souvent parasites dans une &eacute;mission parl&eacute;e (toux, raclements de gorge&hellip;), que le montage cherche d&rsquo;habitude &agrave; &eacute;liminer ou att&eacute;nuer. Les ambiances sonores des interviews hors studio deviennent ainsi partie int&eacute;grante de la couleur du magazine, que les bruits divers et vari&eacute;s capt&eacute;s par le micro soient harmonieux ou g&ecirc;nants&nbsp;: bruits de mer mais aussi de circulation routi&egrave;re dans l&rsquo;&eacute;mission du 20 mai 1980 (entretien de Claude Ollier, enregistr&eacute; sur la promenade des Anglais et sur la plage de Nice le 10 mai pr&eacute;c&eacute;dent)&nbsp;; ambiance de cocktail et de foule dans un dossier du 20 novembre 1979 sur les prix litt&eacute;raires. Apr&egrave;s coup, ce choix stylistique est coh&eacute;rent avec le titre, comme s&rsquo;en explique plus tard Veinstein&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">J&rsquo;ai fait un magazine qui s&rsquo;appelait <em>Bruits de pages</em>. En g&eacute;n&eacute;ral, les techniciens arr&ecirc;tent quand on entend des bruits de pages qu&rsquo;on tourne. Le sous-titre, c&rsquo;&eacute;tait &laquo;&nbsp;Le magazine des livres qui ne font pas de bruit&nbsp;&raquo;, pour parler des livres dont on ne parle pas, qui ne sont pas des best-sellers. Godard racontait toujours que, quand il faisait un tournage, si un avion passait, il refusait qu&rsquo;on arr&ecirc;te. Le bruit de l&rsquo;avion faisait partie de la r&eacute;alit&eacute;. Moi, c&rsquo;&eacute;tait pareil, dans mon &eacute;mission, il y avait des bruits&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Mais il est d&eacute;j&agrave; annonc&eacute; par l&rsquo;insertion au d&eacute;but de chaque num&eacute;ro, dans &laquo;&nbsp;l&rsquo;&eacute;ditorial&nbsp;&raquo; de Veinstein et dans l&rsquo;annonce du sommaire, de bruits de pages qu&rsquo;on tourne.</p> <p style="text-align: justify;">Car, comprend-on aussi, il faut faire du bruit autour des &laquo;&nbsp;livres qui ne font pas de bruit bruits&nbsp;&raquo;. Il faut faire courir ces bruits, insiste le magazine dans sa rubrique &laquo;&nbsp;Les bruits qui courent&nbsp;&raquo;&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Les bruits qui courent ce sont les nouvelles de <em>Bruits de pages</em>. Et ce mois-ci les nouvelles on les trouvera dans les livres m&ecirc;mes que nous avons mis sur la table, et nous les feuilletons, en direct, sans craindre les bruits de pages&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Il faut faire du bruit autour des livres qui, loin de ressembler &agrave; des objets clos, lisses, boucl&eacute;s, achev&eacute;s, touchent par leur aptitude &laquo;&nbsp;&agrave; l&rsquo;inachev&eacute;, l&rsquo;inabouti, l&rsquo;infini peut-&ecirc;tre&nbsp;&raquo;&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">&Agrave; tous les chefs-d&rsquo;&oelig;uvre du monde, un vrai lecteur ne doit-il pas pr&eacute;f&eacute;rer n&rsquo;importe quel livre o&ugrave; s&rsquo;est gliss&eacute; un peu d&rsquo;h&eacute;sitation, de maladresse, de peur. <em>Bruits de pages</em> voudrait donner &eacute;cho &agrave; l&rsquo;inachev&eacute;, l&rsquo;inabouti, l&rsquo;infini peut-&ecirc;tre. Nous voulons capter l&rsquo;&eacute;tonnement, la stupeur parfois de ceux &agrave; qui le fait de prendre la plume ne donne pas n&eacute;cessairement des ailes. Nous entendons privil&eacute;gier les biffures, les ratures, les corrections, les reprises et les repentirs [..] Allons-y, l&rsquo;imperfection est la cime <em>(bruit de pages puis bruit d&rsquo;oiseaux (?) puis musique et bruit de coups&nbsp;; le tout mix&eacute; pendant 40 secondes)&nbsp;</em><a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a><em>.</em></p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Il faut faire du bruit aussi en refusant de couper, dans les entretiens, tous les propos m&eacute;tadiscursifs dans lesquels l&rsquo;&eacute;crivain interview&eacute; dit son malaise &agrave; l&rsquo;oral et face au micro, comme Raymond Cousse au micro de Veinstein dans l&rsquo;&eacute;mission du 8 janvier 1980&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Raymond Cousse&nbsp;‒&nbsp;[&hellip;] J&rsquo;veux dire, vous savez, <em>j&rsquo;ai beaucoup de mal &agrave; parler de ce que je fais, </em>j&rsquo;ai quelques fois des id&eacute;es sur ce que je veux faire, n&rsquo;est-ce pas, et lorsque j&rsquo;arrive un peu &agrave; le faire, &eacute;tant donn&eacute; que je vais vers, vous dites, le roman est tr&egrave;s court, &eacute;videmment c&rsquo;est une volont&eacute;, c&rsquo;est tr&egrave;s peu anecdotique en fait. J&rsquo;essaie, en tout cas dans ce texte-l&agrave;, d&rsquo;aller &agrave; l&rsquo;essentiel, enfin j&rsquo;veux dire c&rsquo;est un peu des lieux communs tout &ccedil;a. Je suis toujours tr&egrave;s effray&eacute;, <em>j&rsquo;suis pas tr&egrave;s bon pour parler comme &ccedil;a de mes romans, j&rsquo;suis toujours tr&egrave;s effray&eacute; par une fonction d&rsquo;auto-censure tr&egrave;s forte parce que le nombre de b&ecirc;tises que je dis moi-m&ecirc;me m&rsquo;effraie toujours et j&rsquo;ai toujours une seconde voix qui me dit&nbsp;: &laquo;&nbsp;essaie d&rsquo;en dire le moins possible, le moins de b&ecirc;tises possible&nbsp;&raquo;. En parlant peu on dit peut-&ecirc;tre moins de b&ecirc;tises, je n&rsquo;sais pas&nbsp;</em><a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a><strong>.</strong></p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Dans l&rsquo;exemple suivant, ces maladresses de l&rsquo;&eacute;crivain &agrave; l&rsquo;oral, qui cherche ses mots, ses phrases pour parler de son livre, apparaissent non seulement comme un th&egrave;me de conversation voulu, mais comme un ph&eacute;nom&egrave;ne recherch&eacute; dans les entretiens de <em>Bruits de pages</em> par les intervieweurs, dont le &laquo;&nbsp;travail&nbsp;&raquo; serait aussi de faire &laquo;&nbsp;tr&eacute;bucher les auteurs&nbsp;&raquo;&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Lucette Finas&nbsp;‒ Voyez-vous, je vous le dis maladroitement parce que je parle toujours avec une extr&ecirc;me maladresse de ce que j&rsquo;&eacute;cris. Ou bien je parle, ou bien j&rsquo;&eacute;cris <em>(sourire dans la voix)</em> mais quand il s&rsquo;agit de reprendre &agrave; l&rsquo;oral ce que j&rsquo;ai fait &agrave; l&rsquo;&eacute;crit, je me sens tr&egrave;s emp&ecirc;ch&eacute;e.</p> <p style="text-align: justify;">Alain Veinstein&nbsp;‒ Vous aurez quand m&ecirc;me une tr&egrave;s bonne note.</p> <p style="text-align: justify;"><em>(&eacute;clat de rires)</em></p> <p style="text-align: justify;">‒ Mais je ne la m&eacute;rite pas. <em>(rires. un temps. un ton en dessous)</em> Ce n&rsquo;est pas trop mauvais&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">‒ Non, non. On a peut-&ecirc;tre &eacute;t&eacute; un peu long mais&hellip; Non&nbsp;? On est un peu long, je crois Bruno [Sourcis, le r&eacute;alisateur], non&nbsp;? Combien&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">‒ Mais y a quelque chose &agrave; couper. Il y a mes tr&eacute;buchements &agrave; couper. Un moment j&rsquo;ai tr&eacute;buch&eacute; alors il faudrait repartir &agrave; partir de&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">‒ Non, non, &ccedil;a c&rsquo;est&hellip; c&rsquo;est aucun probl&egrave;me.</p> <p style="text-align: justify;">‒ Ah bon&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">‒ &Ccedil;a c&rsquo;est&hellip; C&rsquo;est un travail qu&rsquo;on fait tout le temps, vous savez. Il arrive souvent qu&rsquo;on fasse tr&eacute;bucher les auteurs&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a><em>.</em></p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Ce passage cumule les &laquo;&nbsp;bruits&nbsp;&raquo;&nbsp;: bruit du commentaire virant au sketch d&rsquo;un instituteur (Veinstein) &eacute;valuant son &eacute;l&egrave;ve (Finas), sc&eacute;nario peu flatteur pour l&rsquo;&eacute;crivain mais que son premier mouvement d&rsquo;auto-d&eacute;nigrement justifie et qui permet de continuer sur un mode d&eacute;tendu. Bruit des dessous de l&rsquo;&eacute;mission, exposant sa &laquo;&nbsp;cuisine&nbsp;&raquo;&nbsp;: l&rsquo;adresse de l&rsquo;intervieweur au r&eacute;alisateur Bruno Sourcis, tiers d&rsquo;habitude absent de la conversation, type d&rsquo;intervention d&rsquo;habitude coup&eacute;e au montage, est conserv&eacute;e&nbsp;: &laquo;&nbsp;On est un peu long je crois Bruno, non&nbsp;? Combien&nbsp;?&nbsp;&raquo; &laquo;&nbsp;Naturellement&nbsp;&raquo;, Finas propose de couper ses rat&eacute;s (&laquo;&nbsp;Mais y a quelque chose &agrave; couper. Il y a mes tr&eacute;buchements &agrave; couper&nbsp;&raquo;). C&rsquo;est l&rsquo;occasion pour Veinstein d&rsquo;exposer la logique artistique de l&rsquo;&eacute;mission&nbsp;: il ne faut pas couper les bruits, car &laquo;&nbsp;c&rsquo;est un travail qu&rsquo;on fait tout le temps, vous savez. Il arrive souvent qu&rsquo;on fasse tr&eacute;bucher les auteurs&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Donner ainsi en spectacle, dans la version apr&egrave;s montage d&rsquo;un entretien, la &laquo;&nbsp;n&eacute;gociation&nbsp;&raquo; des termes de l&rsquo;enregistrement entre un &eacute;crivain, son intervieweur et le r&eacute;alisateur, donne &agrave; l&rsquo;auditeur un sentiment tr&egrave;s fort de direct, d&rsquo;<em>in medias res</em>. C&rsquo;est le principe du &laquo;&nbsp;faux direct&nbsp;&raquo; que de chercher &agrave; conserver en diff&eacute;r&eacute;, en conservant l&rsquo;enregistrement tel quel, les impressions du direct, &agrave; savoir le sentiment d&rsquo;&ecirc;tre devant quelque chose qui est en train de se faire au moment o&ugrave; on &eacute;coute, qui peut aller dans un sens ou dans un autre, qui n&rsquo;est pas d&eacute;j&agrave; boucl&eacute; et achev&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="2_Contrepoint_a_la_spectacularisation">2. Contrepoint &agrave; la spectacularisation</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;"><em>Bruit de pages </em>se pr&eacute;sente comme un contrepoint aux &eacute;missions de m&eacute;diatisation de la litt&eacute;rature commerciale par ses pairs (pr&eacute;d&eacute;cesseurs et contemporains), &agrave; la radio comme &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision. Contre une radio et une t&eacute;l&eacute;vision qui vendent des best-sellers, le magazine participe &agrave; l&rsquo;entreprise g&eacute;n&eacute;rale de <em>Nuits magn&eacute;tiques</em>, poursuivie par <em>Du jour au lendemain, </em>contre ce que Veinstein appelle la &laquo;&nbsp;mauvaise litt&eacute;rature&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>&nbsp;&raquo;. Le producteur y oppose ce qu&rsquo;il appelle la &laquo;&nbsp;non-litt&eacute;rature&nbsp;&raquo; &agrave; la litt&eacute;rature &laquo;&nbsp;en mouvement&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;en formation&nbsp;&raquo;&nbsp;(expression de J&eacute;r&ocirc;me Lindon, directeur des &Eacute;ditions de Minuit)&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>&nbsp;; il oppose la &laquo;&nbsp;vraie litt&eacute;rature&nbsp;&raquo; &agrave; la fausse litt&eacute;rature facile, commerciale, aux &laquo;&nbsp;best-sellers fabriqu&eacute;s &agrave; la h&acirc;te&nbsp;&raquo;, bref &agrave; ce que Sainte-Beuve appelait en 1839, dans un pamphlet retentissant, la &laquo;&nbsp;litt&eacute;rature industrielle&nbsp;&raquo;. <em>Bruits de pages</em> est bien l&agrave; pour &laquo;&nbsp;tenir t&ecirc;te aux mauvais livres&nbsp;&raquo; en faisant lire les &laquo;&nbsp;bons livres&nbsp;&raquo;, qui sont justement ceux dont on ne parle pas&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a> et que la rubrique &laquo;&nbsp;Dans l&rsquo;arri&egrave;re-boutique du libraire&nbsp;&raquo; pr&eacute;tend devoir sortir de cette arri&egrave;re-boutique o&ugrave; ils restent en pile, invendus&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>. Quelques sondages t&eacute;l&eacute;phoniques al&eacute;atoires men&eacute;s par Veinstein aupr&egrave;s de diverses librairies lors du magazine, dans lesquels il demande aux vendeurs des renseignements sur des ouvrages trop pointus pour le public profane, et dont presque personne n&rsquo;a entendu parler au moment de leur parution&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>, confirment le bien-fond&eacute; du diagnostic, ou du moins la tendance des animateurs du magazine &agrave; mettre en valeur &laquo;&nbsp;l&rsquo;arri&egrave;re-boutique&nbsp;&raquo; de la production courante du moment.</p> <p style="text-align: justify;">Si, dans la conception de <em>Bruits de page</em>, <em>La</em> <em>Matin&eacute;e litt&eacute;raire</em> de Roger Vrigny, install&eacute; depuis 1966 sur France Culture, sert implicitement (et parfois explicitement) de repoussoir&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>, d&rsquo;autres mod&egrave;les m&eacute;diatiques litt&eacute;raires, &agrave; la radio et la t&eacute;l&eacute;vision, apparaissent au d&eacute;tour d&rsquo;une &eacute;mission comme des contre-mod&egrave;les auxquels a pu aussi penser Alain Veinstein. Le premier est <em>Radioscopie </em>de Jacques Chancel, alors mod&egrave;le pr&eacute;dominant de l&rsquo;entretien culturel &agrave; la radio&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>, all&egrave;grement r&eacute;duit &agrave; ses seuls effets promotionnels au cours d&rsquo;une interview de l&rsquo;&eacute;crivain Gilbert Lascault &agrave; l&rsquo;occasion du Festival du livre &agrave; Nice en 1981&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Alain Veinstein&nbsp;‒ Alors Gilbert Lascault, &ccedil;a commencerait donc dans un studio en pr&eacute;fabriqu&eacute; cette &eacute;mission qui se trouve au Palais des Expositions &agrave; Nice, o&ugrave; se tient en ce moment para&icirc;t-il un Festival du livre. <em>J&rsquo;en ai pas vu beaucoup de livres, enfin &ccedil;a fait rien on n&rsquo;est pas l&agrave; pour parler du Festival.</em> Alors on est dans l&rsquo;odeur de peinture, on a les yeux qui pleurent&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">Gilbert Lascault&nbsp;‒&nbsp;Ouais, on a les yeux qui pleurent.</p> <p style="text-align: justify;">‒&nbsp;&hellip; il fait tr&egrave;s chaud.</p> <p style="text-align: justify;">‒&nbsp;Il fait chaud. On entend les bruits du haut-parleur qui fait de la&hellip; qui parle de la culture &agrave; tr&egrave;s haute voix.</p> <p style="text-align: justify;">‒&nbsp;<em>Oui, oui, on annonce &laquo;&nbsp;Venez &agrave; la signature de Monsieur Untel qui est pass&eacute; avec Jacques Chancel dans </em>Radioscopie<em>&nbsp;&raquo;, des choses comme &ccedil;a</em> <a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;"><em>Apostrophes </em>de Bernard Pivot, n&eacute; en 1975, fait aussi figure de repoussoir, d&egrave;s le deuxi&egrave;me num&eacute;ro, quand Veinstein oppose son invit&eacute; Emmanuel Levinas, l&rsquo;auteur de <em>De l&rsquo;existence &agrave; l&rsquo;existant</em>, ce philosophe qui ne fait pas de bruit, aux &laquo;&nbsp;nouveaux philosophes&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>&nbsp;&raquo;, allusion limpide &agrave; une &eacute;mission d&rsquo;<em>Apostrophes </em>l&rsquo;ann&eacute;e pr&eacute;c&eacute;dente&nbsp;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a>. Bernard Pivot ne fait pas de bruit autour de ceux qui le m&eacute;ritent, mais plus globalement c&rsquo;est le style de son &eacute;mission qui ne fait pas assez de bruit, si faire du bruit est une mani&egrave;re de prendre des risques en sortant des conventions de l&rsquo;entretien entre gens civilis&eacute;s, comme Veinstein s&rsquo;en amuse dans une interview avec un &eacute;diteur qu&rsquo;il aurait &laquo;&nbsp;mis au piano&nbsp;&raquo; <a href="#_ftn32" name="_ftnref32">[32]</a>&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Alain Veinstein&nbsp;‒ <em>Nous ne sommes pas dans un bar mais dans un studio de radio. Et ce qu&rsquo;on n&rsquo;a jamais os&eacute; faire chez Pivot ou dans </em>La Matin&eacute;e litt&eacute;raire<em>, nous en prenons le risque&nbsp;: mettre un &eacute;diteur au piano.</em> Paul Vermont, on vous a entendu, on ne vous voit pas, la premi&egrave;re question que je voudrais vous poser c&rsquo;est est-ce que vous pouvez vous d&eacute;crire physiquement, sans narcissisme ?</p> <p style="text-align: justify;">Paul Vermont&nbsp;‒ Mon Dieu&hellip; c&rsquo;est pas tr&egrave;s litt&eacute;raire &ccedil;a. Eh bien &eacute;coutez, je suis tr&egrave;s, tr&egrave;s beau, je suis grand, je suis blond, &eacute;lanc&eacute;, se d&eacute;gage de moi une impression de force et &eacute;norm&eacute;ment de charme&nbsp;<a href="#_ftn33" name="_ftnref33">[33]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">On se rapproche ici des &laquo;&nbsp;propos recueillis&nbsp;&raquo; de l&rsquo;interview de presse &eacute;crite, qu&rsquo;accompagnent le portrait de l&rsquo;&eacute;crivain et une description de son habitat/environnement&nbsp;<a href="#_ftn34" name="_ftnref34">[34]</a>. Mais le genre est d&eacute;tourn&eacute;, puisque, pour sa premi&egrave;re intervention orale, l&rsquo;auteur est pri&eacute; de faire lui-m&ecirc;me son portrait ‒&nbsp;demande accompagn&eacute;e d&rsquo;un imp&eacute;ratif que l&rsquo;on s&rsquo;empressera de transgresser (&laquo;&nbsp;sans narcissisme&nbsp;&raquo;). Et qu&rsquo;il a &eacute;t&eacute; pr&eacute;alablement pri&eacute; de jouer de la musique (du jazz&nbsp;<a href="#_ftn35" name="_ftnref35">[35]</a>)&nbsp;: sa performance musicale constitue un &eacute;l&eacute;ment de son portrait, devient un enjeu de la conversation&hellip; et renvoie implicitement &agrave; un autre mod&egrave;le de mise en sc&egrave;ne des entretiens &agrave; la radio&nbsp;: celui du <em>Pop Club </em>de Jos&eacute; Artur, qui jusqu&rsquo;au d&eacute;but des ann&eacute;es 1980 a lieu au Bar noir de la Maison de la Radio, auquel Veinstein fait allusion quand il dit &laquo;&nbsp;Nous ne sommes pas dans un bar mais dans un studio de radio&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">On peut voir dans les allusions critiques de Veinstein &agrave; certaines &eacute;missions litt&eacute;raires ou culturelles rivales (<em>La Matin&eacute;e litt&eacute;raire</em>, <em>Radioscopie</em>, <em>Apostrophes</em>, <em>Le</em> <em>Pop Club</em>&hellip;), l&rsquo;expression de sa r&eacute;sistance aux effets de la soci&eacute;t&eacute; du spectacle&nbsp;<a href="#_ftn36" name="_ftnref36">[36]</a><em>.</em> Elles servent aussi naturellement, quel que soit leur bien-fond&eacute;, &agrave; mettre en valeur l&rsquo;esprit novateur de <em>Bruits de pages</em>, ses choix de contenu et de forme. Disons, de &laquo;&nbsp;dramaturgie&nbsp;&raquo;, pour appliquer &agrave; bruits de pages un mot utilis&eacute; par Veinstein &agrave; propos de <em>Du jour au lendemain</em>&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Avec celle ou celui qui s&rsquo;est assis en face de moi, j&rsquo;essaie, dans la mesure du possible, de cr&eacute;er une petite dramaturgie. De rendre vivant &ndash;&nbsp;dramatique&nbsp;&ndash; l&rsquo;espace que nous allons habiter et animer, pendant un temps donn&eacute;. C&rsquo;est une fa&ccedil;on, sans doute artificielle de relier entre elles des choses qui se disent dans le d&eacute;sordre [&hellip;] le jeu consiste aussi &agrave; s&rsquo;affranchir des r&egrave;gles en introduisant, par exemple, des &eacute;l&eacute;ments d&eacute;stabilisants <a href="#_ftn37" name="_ftnref37">[37]</a>[&hellip;].</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Examinons donc plus avant la dramaturgie de l&rsquo;interview mise en &oelig;uvre dans <em>Bruits de pages, </em>et plus sp&eacute;cifiquement le style d&rsquo;entretien de Veinstein.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="3Dramaturgie_de_linterview_dans_Bruits_de_pages">3.&nbsp;Dramaturgie de l&rsquo;interview dans <em>Bruits de pages</em></span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Rev&ecirc;tant diverses formes ‒&nbsp;monologue, dialogues et trilogues&nbsp;<a href="#_ftn38" name="_ftnref38">[38]</a>&nbsp;‒ les entretiens de <em>Bruits de pages </em>offrent le plus souvent aux auditeurs, disons-le, un exemple de continuit&eacute; plus que de rupture avec des mani&egrave;res de parler d&eacute;j&agrave; en usage &agrave; France Culture. Pierre-Marie H&eacute;ron, &agrave; propos d&rsquo;un entretien avec Florence Delay, qualifie la voix de Veinstein, l&rsquo;intervieweur, de &laquo;&nbsp;tr&egrave;s aimable, accorte, gentille, doucereuse. Rien d&rsquo;original dans le ton, les questions, les demandes &agrave; l&rsquo;&eacute;crivain. Ton compl&egrave;tement France Culture. Aucune exploitation des silences. Juste lent, tranquille&nbsp;<a href="#_ftn39" name="_ftnref39">[39]</a>&nbsp;&raquo;. On ne sort pas du &laquo;&nbsp;ton confidentiel&nbsp;&raquo; caract&eacute;ristique, selon Jacques Copeau d&eacute;j&agrave;, de la grande majorit&eacute; des &eacute;missions parl&eacute;es &agrave; la radio. Comme si la dramaturgie de la s&eacute;rie <em>Du jour au lendemain</em> n&rsquo;avait pas encore &eacute;t&eacute; mise au point. Dans un genre autre, plus rapide et vif, le style de parole de Laure Adler semble &ecirc;tre l&rsquo;adaptation &agrave; la situation de l&rsquo;entretien en t&ecirc;te &agrave; t&ecirc;te du style de discussion en usage dans l&rsquo;&eacute;mission <em>Panorama</em>. Quant &agrave; l&rsquo;&eacute;ph&eacute;m&egrave;re rubrique &laquo;&nbsp;Essai de voix&nbsp;&raquo;, o&ugrave; un auteur d&eacute;butant est interrog&eacute; par un auteur connu, les r&ocirc;les semblent typer aussi les voix&nbsp;: difficile au premier intervieweur par exemple, Maurice Roche, interrogeant Ren&eacute; Belletto &agrave; l&rsquo;occasion de son deuxi&egrave;me livre, <em>Histoire sans suite</em>, chez POL, de le faire sans paternalisme bienveillant (voix surplombante) plut&ocirc;t que de &laquo;&nbsp;s&rsquo;effacer ou, en tout cas, de le mettre en valeur&nbsp;&raquo;, comme pos&eacute; en r&egrave;gle du jeu de l&rsquo;exercice juste avant l&rsquo;entretien&nbsp;<a href="#_ftn40" name="_ftnref40">[40]</a>. Les styles vocaux ne se renouvellent pas ais&eacute;ment.</p> <p style="text-align: justify;">Ce qui donne des moments int&eacute;ressants d&rsquo;&eacute;coute, ce sont les dialogues <em>monologis&eacute;s</em>, o&ugrave; les questions sont gomm&eacute;es au montage. Le proc&eacute;d&eacute; n&rsquo;est pas in&eacute;dit&nbsp;: il est d&eacute;j&agrave; pr&eacute;sent dans <em>De la nuit</em> de Duprez, o&ugrave; il sert m&ecirc;me de mode de composition syst&eacute;matique&nbsp;<a href="#_ftn41" name="_ftnref41">[41]</a>. Il n&rsquo;en est pas moins efficace dans <em>Bruit de pages</em>, o&ugrave;, sans &ecirc;tre aussi syst&eacute;matique, il revient fr&eacute;quemment la premi&egrave;re ann&eacute;e. Exemple&nbsp;: un entretien avec Jean-Pierre Milovanoff sur son livre, <em>Rempart mobile </em>(1978) aux &eacute;ditions de Minuit&nbsp;<a href="#_ftn42" name="_ftnref42">[42]</a>. Apr&egrave;s une introduction de Veinstein, d&eacute;crivant le livre comme &laquo;&nbsp;une proposition pour un roman, avec des simulacres, de la musique, de l&rsquo;&eacute;motion&nbsp;&raquo;, on entend l&rsquo;auteur parle tout seul&nbsp;: les questions ont &eacute;t&eacute; supprim&eacute;es et les r&eacute;ponses mont&eacute;es, ce qui produit l&rsquo;effet d&rsquo;un monologue. Les entretiens enregistr&eacute;s pour ce num&eacute;ro, avec Emmanuel L&eacute;vinas, Jacques Estager, Mathieu B&eacute;n&eacute;zet et Jean-Pierre Verheggen, sont tous trait&eacute;s de cette mani&egrave;re. Un parti pris de montage qui revient dans les num&eacute;ros suivants&nbsp;<a href="#_ftn43" name="_ftnref43">[43]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">En m&ecirc;me temps, certaines interviews de Veinstein pr&eacute;parent d&eacute;j&agrave; son propre style d&rsquo;interview &ndash; la lenteur, les silences, l&rsquo;insistance ou l&rsquo;impertinence&nbsp;‒, qu&rsquo;il d&eacute;veloppera plus tard dans <em>Du jour au lendemain </em>(1985-2014), dans ses &eacute;crits&nbsp;<a href="#_ftn44" name="_ftnref44">[44]</a>, dans les entretiens qu&rsquo;il donne&nbsp;<a href="#_ftn45" name="_ftnref45">[45]</a>.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="4_Veinstein_avant_la_lettre"><strong>4. Veinstein avant la lettre</strong></span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Si on ne peut pas dire que <em>Bruits de pages </em>r&eacute;volutionne l&rsquo;interview, ni par son style ni par son contenu, reprenant au fond des styles d&rsquo;interview courants sur France Culture, il n&rsquo;en reste pas moins qu&rsquo;Alain Veinstein commence &agrave; d&eacute;velopper ici ce qui deviendra son style plus tard dans <em>Du jour au lendemain</em>, &eacute;mission accol&eacute;e au programme de <em>Nuits magn&eacute;tiques</em> &agrave; partir de 1985, qu&rsquo;elle prolonge en quelque sorte jusqu&rsquo;&agrave; une heure du matin. L&rsquo;attention port&eacute;e &agrave; la personne de l&rsquo;&eacute;crivain et &agrave; sa voix (au sens physique), la perturbation de la biens&eacute;ance, les questions persistantes, la place donn&eacute;e au silence&nbsp;: ensemble, tous ces &eacute;l&eacute;ments contribuent &agrave; forger &laquo;&nbsp;le style Veinstein&nbsp;&raquo;.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="41Lattention_portee_a_la_personne_et_a_sa_voix">&nbsp;4.1.&nbsp;L&rsquo;attention port&eacute;e &agrave; la personne et &agrave; sa voix</span></h3> <p style="text-align: justify;">Bien que dans <em>Bruits de pages </em>le livre &ndash; son intrigue, son &eacute;criture &ndash; occupe encore une place majeure, il commence d&eacute;j&agrave; &agrave; se dessiner dans ce magazine litt&eacute;raire de <em>Nuits magn&eacute;tiques</em> un int&eacute;r&ecirc;t marqu&eacute; pour la pr&eacute;sence physique de l&rsquo;&eacute;crivain. La personne de l&rsquo;&eacute;crivain, la pr&eacute;sence de l&rsquo;&eacute;crivain en pr&eacute;sence du micro, n&rsquo;est-elle pas aussi int&eacute;ressante au fond que ses livres&nbsp;? Veinstein n&rsquo;en est pas encore &agrave; dire que &laquo;&nbsp;les plus beaux livres, au fond, ce sont les personnes&nbsp;<a href="#_ftn46" name="_ftnref46">[46]</a>&nbsp;&raquo;, et ce qu&rsquo;il s&rsquo;agit de &laquo;&nbsp;faire na&icirc;tre&nbsp;&raquo; au cours de l&rsquo;interview d&rsquo;un &eacute;crivain, c&rsquo;est &laquo;&nbsp;une pr&eacute;sence au bout de la parole&nbsp;&raquo; plut&ocirc;t qu&rsquo;une parole critique int&eacute;ressante sur un livre&nbsp;<a href="#_ftn47" name="_ftnref47">[47]</a>. Mais il y a bien d&eacute;j&agrave; un int&eacute;r&ecirc;t marqu&eacute; pour la voix de l&rsquo;&eacute;crivain et comment celui-ci s&rsquo;en sert, avec ses caract&eacute;ristiques propres, au cours de l&rsquo;entretien. Non pas pour la voix comme <em>marque</em> de l&rsquo;&eacute;crivain interview&eacute;, un L&eacute;autaud par exemple&nbsp;<a href="#_ftn48" name="_ftnref48">[48]</a>, mais comme force ou faiblesse, avec laquelle il faut compter, soit pour d&eacute;stabiliser l&rsquo;invit&eacute;, soit au contraire pour le mettre &agrave; l&rsquo;aise. Veinstein place ainsi Chantal Chawaf dans une zone d&rsquo;inconfort en pointant l&rsquo;insuffisance de son &laquo;&nbsp;filet de voix&nbsp;&raquo; aux besoins de l&rsquo;&eacute;mission radiophonique&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Alain Veinstein&nbsp;‒ Chantal Chawaf, on ne peut pas oublier que nous sommes ici dans un studio de radio, et tout &agrave; l&rsquo;heure nous avons proc&eacute;d&eacute; avant l&rsquo;&eacute;mission, &agrave; des essais de voix, et vous aviez ce qu&rsquo;on peut appeler un filet de voix.</p> <p style="text-align: justify;">Chantal Chawaf&nbsp;‒ <em>(voix aigu&euml; presque inaudible)</em> Une toute petite voix.</p> <p style="text-align: justify;">[&hellip;]</p> <p style="text-align: justify;">‒ Je disais tout &agrave; l&rsquo;heure &laquo;&nbsp;un filet de voix&nbsp;&raquo; &hellip;</p> <p style="text-align: justify;">‒ <em>(hausse la voix)</em> Faut parler plus fort&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">‒ Alors peut-&ecirc;tre&hellip; (<em>rires</em>) Peut-&ecirc;tre faut-il recourir &agrave; la m&eacute;thode&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">‒ Je n&rsquo;ai que la voix que j&rsquo;ai malheureusement&nbsp;<a href="#_ftn49" name="_ftnref49">[49]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Avec l&rsquo;&eacute;crivaine d&rsquo;origine finlandaise Sirkku Larrivoire en revanche, p&eacute;trifi&eacute;e d&rsquo;avoir &agrave; parler en fran&ccedil;ais de son autobiographie <em>Ne m&rsquo;oublie pas </em>(1979), mettre d&rsquo;embl&eacute;e le sujet sur sa voix trop chuchotante pour &ecirc;tre audible est un moyen de l&rsquo;aider &agrave; entrer dans l&rsquo;&eacute;mission&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Sirkku Larrivoire&nbsp;‒ <em>(voix basse, accent tr&egrave;s fort)</em> Il y a l&rsquo;histoire de la m&egrave;re l&agrave;-dedans, vous savez la m&egrave;re parce que vous avez lu le livre, parce qu&rsquo;elle existe toujours, elle est vivante et c&rsquo;est quelque chose, c&rsquo;est comme&hellip; <em>(chuchotement, fin de phrase inaudible).</em></p> <p style="text-align: justify;">Alain Veinstein&nbsp;‒ Faut peut-&ecirc;tre parler un peu plus fort quand on va faire l&rsquo;enregistrement.</p> <p style="text-align: justify;">‒ <em>(dans un souffle)</em> Oui, oui.</p> <p style="text-align: justify;">‒ Pour qu&rsquo;on puisse vous entendre.</p> <p style="text-align: justify;">‒ Oui.</p> <p style="text-align: justify;">‒ L&agrave; vous parliez doucement pour que <em>(il se racle la gorge)</em> les techniciens ne vous entendent pas&nbsp;? <em>(silence 4 secondes)</em></p> <p style="text-align: justify;">‒ <em>(rire &eacute;touff&eacute;)</em> Le trac <em>(difficilement compr&eacute;hensible).</em></p> <p style="text-align: justify;">‒ Vous avez le trac&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">‒ Oui.</p> <p style="text-align: justify;">‒ Mais pourquoi&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">‒ Parce que je dois parler fran&ccedil;ais. Et j&rsquo;ai toujours un accent <em>(silence 7 secondes).</em></p> </blockquote> <p style="text-align: justify;"><strong>&nbsp;</strong>Dans tous les cas, il s&rsquo;agit d&rsquo;un glissement progressif vers l&rsquo;&eacute;crivain en personne qui deviendra plus important que le livre dans <em>Du jour au lendemain</em>.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="42_Perturber_la_bienseance">4.2. Perturber la biens&eacute;ance</span></h3> <p style="text-align: justify;">Dans <em>Bruits de pages</em> il y a ‒&nbsp;surtout dans les deux premi&egrave;res saisons&nbsp;‒, une corruption voulue, quasi artificielle, des r&egrave;gles de politesse&nbsp;<a href="#_ftn50" name="_ftnref50">[50]</a>. Dans l&rsquo;exemple suivant, Veinstein sugg&egrave;re la possibilit&eacute; de dire des gros mots &agrave; la radio. R&eacute;pondant &agrave; Lucette Finas, qui demande &agrave; recommencer sa r&eacute;ponse pour l&rsquo;avoir mal exprim&eacute;e, il dit&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Alain Veinstein&nbsp;&ndash; Oui, vous pouvez vous reprendre.</p> <p style="text-align: justify;">Lucette Finas&nbsp;&ndash; Je peux reprendre&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; M&ecirc;me dire &laquo;&nbsp;merde&nbsp;&raquo; si vous voulez [&hellip;]&nbsp;<a href="#_ftn51" name="_ftnref51">[51]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;"><strong>&nbsp;</strong>Il y a m&ecirc;me une mise en sc&egrave;ne de l&rsquo;atteinte port&eacute;e &agrave; la biens&eacute;ance, lorsqu&rsquo;on met en valeur la d&eacute;rogation &agrave; la r&egrave;gle. Dans l&rsquo;exemple suivant, non seulement Veinstein accentue le fait que son interlocuteur m&acirc;che un chewing-gum, sous pr&eacute;texte que &laquo;&nbsp;&ccedil;a s&rsquo;entend&nbsp;&raquo; (alors qu&rsquo;il aurait d&ucirc; th&eacute;oriquement le passer sous silence), mais il en fait une petite c&eacute;r&eacute;monie, articul&eacute;e en faveur de l&rsquo;auditeur (&laquo;&nbsp;Veinstein&nbsp;&ndash; Crachez votre chewing-gum. Vermont &ndash; Je crache.&nbsp;&raquo;)&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Alain Veinstein&nbsp;&ndash; C&rsquo;est pour &ccedil;a que vous m&acirc;chez des chewing-gums en r&eacute;pondant &agrave; une interview&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">Paul Vermont &ndash; Vous, vous savez, les gens ne nous voient pas alors pourquoi le dire&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Parce que &ccedil;a s&rsquo;entend <em>(rires discrets)</em>.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Alors je vais l&rsquo;enlever par respect pour euh&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Crachez votre chewing-gum.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Je crache&nbsp;<a href="#_ftn52" name="_ftnref52">[52]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">La d&eacute;rogation &agrave; la biens&eacute;ance se manifeste encore par des questions impertinentes, au sens qu&rsquo;accorde au terme Pierre-Marie H&eacute;ron, lorsqu&rsquo;il &eacute;tudie la tradition de l&rsquo;impertinence dans la s&eacute;rie <em>Qui &ecirc;tes-vous&nbsp;?</em> d&rsquo;Andr&eacute; Gillois (1949-1951)&nbsp;<a href="#_ftn53" name="_ftnref53">[53]</a>. C&rsquo;est &laquo;&nbsp;une infraction au sens commun, un d&eacute;voiement du fameux esprit &agrave; la fran&ccedil;aise, qui forme avec la clart&eacute; et le naturel la triade des vertus de la conversation cultiv&eacute;e &agrave; l&rsquo;&acirc;ge classique&nbsp;<a href="#_ftn54" name="_ftnref54">[54]</a>&nbsp;&raquo;. En r&eacute;gime m&eacute;diatique, l&rsquo;interview d&rsquo;&eacute;crivain valorise davantage, &laquo;&nbsp;aux risques et p&eacute;rils du journaliste et de l&rsquo;&eacute;crivain&nbsp;&raquo;, cette &eacute;volution de l&rsquo;esprit fran&ccedil;ais de conversation amorc&eacute;e d&eacute;j&agrave; au XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle, &laquo;&nbsp;si&egrave;cle du persiflage&nbsp;&raquo;, continu&eacute;e dans les interviews de presse &eacute;crite au cours du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle&nbsp;<a href="#_ftn55" name="_ftnref55">[55]</a>. Dans l&rsquo;exemple suivant, Philippe Muray, proche dans les ann&eacute;es 1970 de Philippe Sollers et de <em>Tel Quel, </em>est interview&eacute; &agrave; l&rsquo;occasion de la sortie de son essai <em>L&rsquo;Opium des lettres</em> chez Christian Bourgois (1979). Apr&egrave;s une allusion &laquo;&nbsp;spirituelle&nbsp;&raquo; au titre de l&rsquo;essai (il insinue que son invit&eacute; a consomm&eacute; de l&rsquo;opium avant de venir au studio), Veinstein pose une question embarrassante pointant un &eacute;ventuel conflit entre maisons d&rsquo;&eacute;dition&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Alain Veinstein&nbsp;&ndash; Votre livre est pr&eacute;fac&eacute; par Philippe Sollers&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">Philippe Muray&nbsp;: Oui.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; &hellip; qui dirige une collection aux &eacute;ditions du Seuil.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Oui <em>(rires g&ecirc;n&eacute;s).</em> Euh, ce sera enregistr&eacute; &ccedil;a&nbsp;? Ce sera&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Oui c&rsquo;est enregistr&eacute;, oui. &Ccedil;a vous g&ecirc;ne&nbsp;? <em>(rires embarrass&eacute;s)</em></p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Oui <em>(rires).</em></p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Pourquoi&nbsp;? Vous pouvez tout nous dire parce qu&rsquo;on est en famille. Et puis dans votre livre vous n&rsquo;avez pas peur de r&eacute;gler vos comptes.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; &Agrave; vrai dire&hellip; oui, oui&hellip; Oh, c&rsquo;est des comptes plus g&eacute;n&eacute;raux. &Agrave; vrai dire, la&hellip; la pr&eacute;face de Sollers a &eacute;t&eacute; &eacute;crite apr&egrave;s que je sois s&ucirc;r que ce soit publi&eacute; chez Christian Bourgois [&hellip;]&nbsp;<a href="#_ftn56" name="_ftnref56">[56]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Les r&eacute;ponses monosyllabiques de Muray (&laquo;&nbsp;oui&nbsp;&raquo;) ne dissuadent pas Veinstein de continuer &agrave; g&ecirc;ner son invit&eacute; (&laquo;&nbsp;Oui c&rsquo;est enregistr&eacute;, oui. &Ccedil;a vous g&ecirc;ne&nbsp;?&nbsp;&raquo;), en feignant l&rsquo;&eacute;tonnement devant son embarras, et en le poussant &agrave; parler vrai (&laquo;&nbsp;Vous pouvez tout nous dire parce qu&rsquo;on est en famille&nbsp;&raquo;). Ce sc&eacute;nario &eacute;videmment trompeur du &laquo;&nbsp;lavage de linge sale en famille&nbsp;&raquo; est compl&eacute;t&eacute; d&rsquo;une invitation &agrave; &ecirc;tre aussi audacieux que dans son livre (&laquo;&nbsp;Et puis dans votre livre vous n&rsquo;avez pas peur de r&eacute;gler vos comptes&nbsp;&raquo;). Veinstein, comme si son &eacute;mission &eacute;tait grand public, laisse entendre pour finir que Muray &laquo;&nbsp;peopolise&nbsp;&raquo; dans ses r&egrave;glements de compte, tout comme s&rsquo;il devait faire l&rsquo;article d&rsquo;un best-seller en flattant la curiosit&eacute; des gens pour les petites histoires&hellip; Ce que l&rsquo;&eacute;crivain r&eacute;cuse (&laquo;&nbsp;Oh, c&rsquo;est des comptes plus g&eacute;n&eacute;raux&nbsp;&raquo;).</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="43Les_deux_tactiques_de_Veinstein">4.3.&nbsp;Les deux tactiques de Veinstein</span></h3> <p style="text-align: justify;">Dans l&rsquo;entretien avec Chantal Chawaf, le &laquo;&nbsp;joueur d&rsquo;&eacute;checs&nbsp;&raquo; Veinstein essaie une question puis une autre, cherchant la faille&nbsp;: &laquo;&nbsp;Est-ce qu&rsquo;un livre attend une r&eacute;ponse quelconque&nbsp;?&nbsp;&raquo; (r&eacute;ponse&nbsp;: &laquo;&nbsp;Une r&eacute;ponse de la part de qui&nbsp;?&nbsp;&raquo;)&nbsp;; &laquo;&nbsp;&agrave; qui s&rsquo;adresse ce livre <em>Landes</em>&nbsp;?&nbsp;&raquo; (r&eacute;ponse&nbsp;: &laquo;&nbsp;&Agrave; celui ou &agrave; celle qui le sent, qui le re&ccedil;oit, qui reconna&icirc;t peut-&ecirc;tre quelque chose de ce qui ou de ce qu&rsquo;elle vit&nbsp;&raquo;). Une position &agrave; occuper se pr&eacute;sente quand Veinstein aborde la question de la publicit&eacute; faite autour du livre par l&rsquo;&eacute;diteur. Face &agrave; la r&eacute;sistance de Chawaf, la pression se fait particuli&egrave;rement forte, &agrave; coups de petites phrases parfois prolong&eacute;es ou amorc&eacute;es par un silence&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Alain Veinstein&nbsp;&ndash; J&rsquo;ai remarqu&eacute; en tout cas que votre &eacute;diteur avait mis votre nom en gros sur la borne publicitaire du livre, &laquo;&nbsp;Chawaf&nbsp;&raquo; comme un argument&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">Chantal Chawaf &ndash; C&rsquo;est tellement pas important.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; &hellip;de vente ou de lecture.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; &Ccedil;a me para&icirc;t tr&egrave;s peu important de toute fa&ccedil;on.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Tout de m&ecirc;me, &ccedil;a n&rsquo;passe pas inaper&ccedil;u&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; J&rsquo;ai pas envie de r&eacute;pondre &agrave; &ccedil;a. &Ccedil;a m&rsquo;para&icirc;t vraiment insignifiant<em>.</em> C&rsquo;est leur affaire. Si vous voulez des explications&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; <em>C&rsquo;est tout de m&ecirc;me sur votre livre.</em></p> <p style="text-align: justify;">&ndash; &hellip;je r&ecirc;vais d&rsquo;une image, je r&ecirc;vais d&rsquo;une image romantique.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; <em>Et en guise d&rsquo;image romantique vous avez votre nom sur une borne publicitaire.</em></p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Voil&agrave;. Voil&agrave; ce que j&rsquo;ai &agrave; vous dire&nbsp;<a href="#_ftn63" name="_ftnref63">[63]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Suivent quelques autres &laquo;&nbsp;rounds&nbsp;&raquo;. Dans le dernier, Veinstein aborde le contenu du roman en citant le pri&egrave;re d&rsquo;ins&eacute;rer&nbsp;: &laquo;&nbsp;‒ &Ccedil;a vous para&icirc;t bien r&eacute;sumer le livre&nbsp;? ‒ <em>Absolument pas. </em>‒ Le d&eacute;finir&nbsp;? ‒ <em>Absolument pas</em>.&nbsp;&raquo;). Qu&rsquo;&agrave; cela ne tienne, laissant le pri&egrave;re d&rsquo;ins&eacute;rer, il utilise la carte du personnage. Un sujet de conversation lui aussi &eacute;cart&eacute; d&rsquo;un revers de main par Chawaf, mais qui introduit &agrave; la deuxi&egrave;me grande phase d&rsquo;attaque et contre-attaque de l&rsquo;entretien (on notera l&agrave; aussi le jeu des silences)&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Alain Veinstein&nbsp;&ndash; Alors parlez-nous un peu de Stella.</p> <p style="text-align: justify;"><em>(silence)</em></p> <p style="text-align: justify;"><em>Tout de m&ecirc;me si vous ne parlez pas de Stella, de quoi pouvez-vous parler&nbsp;? De quoi peut-on parler&nbsp;?</em></p> <p style="text-align: justify;">Chantal Chawaf &ndash; J&rsquo;ai peut-&ecirc;tre envie de parler d&rsquo;autre chose. J&rsquo;ai peut-&ecirc;tre envie de parler d&rsquo;&eacute;criture, de langage.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; On en parlera aussi tout &agrave; l&rsquo;heure mais <em>faut parler un peu, faut un peu parler de cette histoire, de ce livre&hellip; </em></p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Vous avez dit vous-m&ecirc;me qu&rsquo;il y avait tout et rien&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; &hellip;<em>le pr&eacute;senter &agrave; nos auditeurs</em>.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Je ne crois pas qu&rsquo;il y ait une histoire. J&rsquo;crois pas qu&rsquo;on puisse en parler de cette fa&ccedil;on.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; <em>Il y a un r&eacute;cit.</em></p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Justement il ne se passe rien sauf&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Vous employez parfois le pronom personnel &laquo;&nbsp;elle&nbsp;&raquo; et d&rsquo;autres fois&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; &laquo;&nbsp;Je&nbsp;&raquo;. Oui. Indiff&eacute;remment.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Vous passez du &laquo;&nbsp;elle&nbsp;&raquo; au &laquo;&nbsp;je&nbsp;&raquo;, d&eacute;j&agrave;, &ccedil;a c&rsquo;est d&eacute;j&agrave; une histoire dont on peut parler.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Histoire de langage.</p> <p style="text-align: justify;"><em>(silence)</em></p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Oui.</p> <p style="text-align: justify;"><em>(silence)</em></p> <p style="text-align: justify;">&ndash; De toute fa&ccedil;on, &laquo;&nbsp;elle&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;je&nbsp;&raquo;, je pense que la question n&rsquo;est pas l&agrave;.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Ou est-elle&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; C&rsquo;est une femme. Vous avez parl&eacute; d&rsquo;une femme, il s&rsquo;agit d&rsquo;une femme.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; <em>Oui alors, parlez de cette femme</em>.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; C&rsquo;est &agrave; la fois &laquo;&nbsp;je&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est &agrave; la fois &laquo;&nbsp;l&rsquo;autre&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est des femmes, plusieurs femmes. De la femme m&ecirc;me. Du corps, de la vie, du vivant, du langage. [&hellip;]&nbsp;<a href="#_ftn64" name="_ftnref64">[64]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Autre exemple, o&ugrave; cette fois l&rsquo;empathie pr&eacute;domine&nbsp;: l&rsquo;interview de Sirkku Larrivoire sur son livre autobiographique <em>Ne m&rsquo;oublie pas </em>(1979). Il y est question d&rsquo;abandon par la m&egrave;re. Derri&egrave;re le trac affich&eacute; d&rsquo;abord par l&rsquo;auteure, il y a aussi l&rsquo;aveu &agrave; faire, celui que dit son livre et qu&rsquo;elle sait devoir redire au micro (ses sentiments vis-&agrave;-vis de petite fille abandonn&eacute;e par sa m&egrave;re). Veinstein le sait aussi, le sent, et choisit un ton intime, doux, pour l&rsquo;accompagner dans l&rsquo;&eacute;motion, mais aussi pour ne pas la brusquer en rappelant pour l&rsquo;auditeur les &laquo;&nbsp;pr&eacute;cisions&nbsp;&raquo; utiles &agrave; la bonne perception du livre et de son histoire. Il se montre &agrave; l&rsquo;&eacute;coute de l&rsquo;&eacute;crivaine, en laissant s&rsquo;installer des silences relativement longs, pour lui permettre d&rsquo;avancer doucement. Et en m&ecirc;me temps &agrave; l&rsquo;&eacute;coute de l&rsquo;auditeur, en &laquo;&nbsp;pr&eacute;cis[ant] certaines choses&nbsp;&raquo; &agrave; la place de son interlocutrice&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Alain Veinstein&nbsp;&ndash; &laquo;&nbsp;Ne m&rsquo;oublie pas&nbsp;&raquo; c&rsquo;est une phrase que vous adressez &agrave; quelqu&rsquo;un&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">Sirkku Larrivoire &ndash; Oui, &agrave; ma m&egrave;re.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; &hellip; &agrave; votre m&egrave;re.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; &Agrave; ma m&egrave;re, oui. Parce que j&rsquo;avais vraiment, j&rsquo;ai toujours un sentiment que elle [<em>sic</em>] m&rsquo;a oubli&eacute;e. Elle m&rsquo;a oubli&eacute;e avec mon petit fr&egrave;re dans un orphelinat. Mon fr&egrave;re avait trois ans et moi j&rsquo;avais quatre ans.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Alors l&agrave; je vais vous interrompre tout de suite (<em>ton empathique</em>) &hellip;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Oui.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; &hellip; parce que il faut peut-&ecirc;tre pr&eacute;ciser certaines choses. Ce livre c&rsquo;est un livre autobiographique, vous y racontez votre enfance (<em>ton empathique)</em>.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Oui.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; &Agrave; quatre ans avec votre fr&egrave;re, vous vivez chez votre m&egrave;re, en Finlande&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; C&rsquo;est &ccedil;a, oui.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; &hellip; et votre m&egrave;re &agrave; une profession assez peu r&eacute;pandue, elle vend des cercueils.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Oui, oui, elle vendait les cercueils [&hellip;]&nbsp;<a href="#_ftn65" name="_ftnref65">[65]</a>.</p> </blockquote> <h2 style="text-align: justify;"><span id="5_Conclusion">5. Conclusion</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Magazine litt&eacute;raire alternatif au sein d&rsquo;un programme, <em>Nuits magn&eacute;tiques</em>, con&ccedil;u par son producteur en rupture avec les conformismes de l&rsquo;institution qui l&rsquo;h&eacute;berge,&nbsp;<em>Bruits de pages</em> veut tout &agrave; la fois s&rsquo;en prendre &agrave; la &laquo;&nbsp;mauvaise litt&eacute;rature&nbsp;&raquo; des livres sans talent, dont pourtant tout le monde parle, et promouvoir la litt&eacute;rature des &eacute;crivains de son temps qui comptent vraiment. Le projet se veuf neuf, d&eacute;cal&eacute; par rapport aux pratiques des grandes &eacute;missions culturelles ou litt&eacute;raires du moment, volontiers &eacute;borgn&eacute;es ou persifl&eacute;es au d&eacute;tour d&rsquo;un num&eacute;ro du magazine (<em>Radioscopie</em>, <em>La Matin&eacute;e litt&eacute;raire</em>, <em>Le Pop Club</em>, <em>Apostrophes</em>&hellip;). La vocation de <em>Bruits de pages</em> s&rsquo;affiche dans son titre&nbsp;: faire du bruit autour des bons livres. Elle se traduit tout au long de la vie du magazine par un ton batailleur, combatif, prompt &agrave; d&eacute;fendre ses passions comme &agrave; pol&eacute;miquer contre l&rsquo;ennemi, mais aussi par un choix de r&eacute;alisation en apparence anodin, en r&eacute;alit&eacute; assez agressif au regard des usages de France Culture&nbsp;: faire entendre concr&egrave;tement des bruits et pas seulement des paroles, des musiques bruyantes aussi. Des bruits de pages qu&rsquo;on tourne. Des bruits de fond sonore. Des bruits de corps (toux, raclements, reniflements, rires de diverses sortes&hellip;). Du rock et non de la musique classique. Et aussi, dans les entretiens avec les auteurs, d&rsquo;autres sortes de &laquo;&nbsp;bruits&nbsp;&raquo; qui d&eacute;rangent, g&ecirc;nent, perturbent le bon d&eacute;roulement normal d&rsquo;un entretien civilis&eacute;&nbsp;: bruits de questions intempestives, impertinentes&nbsp;; bruits aussi, plus timidement, des silences qui se prolongent. Le paradoxe de ce parti pris est qu&rsquo;il semble parfois se retourner contre les &laquo;&nbsp;bons &eacute;crivains&nbsp;&raquo; eux-m&ecirc;mes, &agrave; peine moins malmen&eacute;s que les &laquo;&nbsp;mauvais&nbsp;&raquo; dans les entretiens auxquels ils se pr&ecirc;tent, sauf dans les dialogues monologis&eacute;s de la premi&egrave;re ann&eacute;e, o&ugrave; les &laquo;&nbsp;bruits&nbsp;&raquo; des interviewers sont compl&egrave;tement effac&eacute;s du montage. Aussi bien, ce qui s&rsquo;&eacute;bauche d&eacute;j&agrave; dans les entretiens de <em>Bruits de pages</em>, du moins dans la pratique de son principal animateur Veinstein, c&rsquo;est une pr&eacute;occupation qui n&rsquo;a plus grand-chose &agrave; voir avec la d&eacute;fense des bons livres et des vrais auteurs et qui va trouver son espace dramaturgique dans <em>Du jour au lendemain</em>&nbsp;: celle de &laquo;&nbsp;faire na&icirc;tre une pr&eacute;sence au bout de la parole&nbsp;<a href="#_ftn66" name="_ftnref66">[66]</a>&nbsp;&raquo;, ou plut&ocirc;t dans les p&eacute;rip&eacute;ties d&rsquo;une parole. Et pour faire vivre &agrave; un &eacute;crivain cette aventure, dont Veinstein fait dans son roman <em>L&rsquo;Intervieweur</em>, mais aussi dans ses m&eacute;ditations de <em>Radio sauvage, </em>un drame proprement angoissant, le savoir-vivre n&rsquo;est plus de mise, tous les coups sont permis &agrave; l&rsquo;intervieweur, ceux du joueur d&rsquo;&eacute;checs comme ceux du muet&nbsp;; les questions qui d&eacute;rangent comme les silences qui perturbent.</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h3> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a> Les cinq magazines d&rsquo;actualit&eacute; des d&eacute;buts (jusqu&rsquo;&agrave; la saison 1980-1981) sont&nbsp;: <em>Peinture fra&icirc;che</em>, magazine sur la peinture (1er jeudi du mois)&nbsp;; <em>Devine qui vient d&icirc;ner</em>, magazine de po&eacute;sie (2e mardi du mois)&nbsp;; <em>Sortie de secours</em>, magazine d&rsquo;actualit&eacute; culturelle (3e lundi du mois)&nbsp;; <em>Bruits de pages</em>, magazine litt&eacute;raire (4e mercredi du mois)&nbsp;; <em>Risques de turbulence</em> (1re semaine du mois, du lundi au vendredi).</p> <p style="text-align: justify;">Pour une premi&egrave;re approche de <em>Nuits magn&eacute;tiques</em> dans son contexte historique et m&eacute;diatique, voir Clara Lacombe, <em>Nuits magn&eacute;tiques. La radio libre du service public&nbsp;?</em> <em>1978-1999</em>, m&eacute;moire de Master en Histoire, Universit&eacute; Paris 1 Sorbonne, sous la direction de Pascal Ory, 2016. Le paysage radiophonique nocturne de la p&eacute;riode a &eacute;t&eacute; &eacute;tudi&eacute; par Marine Beccarelli dans sa th&egrave;se &laquo;&nbsp;Micros de nuit. Histoire de la radio nocturne en France (1945-2012)&nbsp;&raquo;, Paris 1, Sorbonne, sous la direction de Myriam Tsikounas, 2017, et avant cela dans <em>Les Nuits du bout des ondes. Introduction &agrave; l&rsquo;histoire de la radio nocturne en France&nbsp;1945-2013</em>, Bry-sur-Marne, INA &eacute;ditions, &laquo;&nbsp;M&eacute;dias essais&nbsp;&raquo;, 2014, &eacute;tude issue de son m&eacute;moire de Master.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a> Sous-titre annonc&eacute; par exemple dans l&rsquo;&eacute;mission du 19 f&eacute;vrier 1980.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a> Exemple&nbsp;: le 1er avril 1980, pour un hommage rendu au r&eacute;cemment d&eacute;c&eacute;d&eacute; Roland Barthes.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a> Cit&eacute; par Marine Beccarelli, <em>Les Nuits du bout des ondes</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;31.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a>&nbsp;Je remercie Pierre-Marie H&eacute;ron pour sa lecture attentive, ses suggestions savantes et le partage de ses notes in&eacute;dites.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a> Musique &laquo;&nbsp;psych&eacute;d&eacute;lique&nbsp;&raquo; en g&eacute;n&eacute;rique, musique avec effets de studio, rock et rock alternatif (par exemple, Kevin Coyne, Nosferatu, Deep Purple&hellip;). &Agrave; comparer avec le choix de musique classique offert en interlude par <em>La Matin&eacute;e litt&eacute;raire</em> de Roger Vrigny (&agrave; partir de 1966).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a> Alain Veinstein, <em>Radio Sauvage, </em>Paris, Seuil, 2010, p.&nbsp;80.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a> Voir Claude Abastado, &laquo;&nbsp;Introduction &agrave; l&rsquo;analyse des manifestes&nbsp;&raquo;, <em>Litt&eacute;rature</em>, n&deg; 39, 1980, p.&nbsp;3-11.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a> <em>Bruits de pages, </em>1<sup>er</sup> mars 1978, min. 02:40-04:55.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a> <em>Bruits de pages</em>, 6 d&eacute;cembre 1978, min. 01:29-02:36&nbsp;; 02:51-03:33<em>&nbsp;</em>; 03:45-04:10&nbsp;; 04:29-04:50.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a> Andr&eacute; Veinstein&nbsp;: &laquo;&nbsp;Dans les librairies, pas de place, dans les journaux, pas de place, &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision, pas &agrave; leur place ces auteurs &agrave; petit tirage.<em> (interlude musical)</em> Et pourtant ils existent, ils parlent et sont parfois photog&eacute;niques. Ce soir vous ne verrez pas Jean-Beno&icirc;t Puech qui se dissimule dans la biblioth&egrave;que d&rsquo;un amateur.&nbsp;&raquo; (<em>Bruits de pages,</em>&nbsp;31 janvier 1979, min. 01:10-02:22).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a> Min. 02:49-3:13.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a> <em>Bruits de pages, </em>19 f&eacute;vrier 1980, min. 05:00-05&nbsp;:40</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a> Voir l&rsquo;article de Jochen Mecke dans ce dossier.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a> Clara Lacombe, entretien avec Alain Veinstein, <em>op.&nbsp;cit., </em>p.&nbsp;216.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a> <em>Bruits de pages,</em> 29 mars 1978, min. 23:29.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a> <em>Bruits de pages, </em>1<sup>er</sup> mars 1978, min. 02:40-04:55. Billet de Veinstein.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a> <em>Bruits de pages</em>, 8 janvier 1980, min 47-48&nbsp;:07&nbsp;; je souligne.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a> <em>Bruits de pages</em>, 31 janvier 1979, min. 44:15-45:17.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a> Une rubrique de <em>Bruits de pages</em>, &laquo;&nbsp;Manuscrit perdu&nbsp;&raquo;, consacr&eacute;e &agrave; un &laquo;&nbsp;manuscrit inachev&eacute; qui a jou&eacute; un r&ocirc;le important dans un travail&nbsp;&raquo;, fait de ce rapport entre achev&eacute; et inachev&eacute; dans l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;un &eacute;crivain son sujet. On y entend par exemple G&eacute;rard Mac&eacute; faire parler Georges Perec sur sa tentative de d&eacute;crire douze lieux de Paris, projet &eacute;tal&eacute; sur douze ans (&eacute;mission du 1<sup>er</sup> mars 1978, min. 23).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a> &laquo;&nbsp;Oui les bons livres ne font pas d&eacute;faut, m&ecirc;me s&rsquo;ils sont plus que jamais menac&eacute;s [&hellip;] ils doivent encore tenir t&ecirc;te aux mauvais bouquins, aux &ldquo;m&rsquo;as-tu-vu&rdquo; qui ont tout pour plaire, en surproduction depuis septembre, et toute cette litt&eacute;rature matraqueuse, non inventive, comme la mauvaise monnaie chasse la bonne, risque fort, c&rsquo;est bien le risque qu&rsquo;elle prend, de nous faire perdre le go&ucirc;t de la lecture consid&eacute;r&eacute;e, pourquoi pas, comme une aventure&nbsp;&raquo; (Alain Veinstein, &eacute;ditorial de l&rsquo;&eacute;mission du 2 octobre 1979).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a> Alain Veinstein, &eacute;ditorial de la premi&egrave;re &eacute;mission (25 janvier 1978).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a> L&rsquo;id&eacute;e de parler des livres qui ne sont pas des best-sellers, des livres dont on ne parle pas, est d&eacute;j&agrave; sugg&eacute;r&eacute;e par &Eacute;velyne Schlumberger &agrave; Roger Vrigny, le producteur de <em>La Matin&eacute;e litt&eacute;raire</em> sur France-Culture (<em>Les Matin&eacute;es de France Culture, La litt&eacute;rature, </em>1<sup>er</sup> janvier 1969). S&rsquo;ensuit une discussion, au cours de laquelle Schlumberger maintient qu&rsquo;on parle trop des bestsellers (min. 51-53).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a> [Alain Veinstein]&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;arri&egrave;re-boutique, c&rsquo;est la vitrine de <em>Bruits de pages</em>. Des livres nous y attendent, avant les retours d&rsquo;office. Celui par exemple de Dominique Charmelot, <em>Lettres &agrave; mon homme invent&eacute;</em>, que publient les &eacute;ditions Des Femmes&nbsp;&raquo; (&eacute;mission du 29 mars 1978).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a> Cas par exemple d&rsquo;un livre de Julia Kristeva, alors bien moins connue qu&rsquo;aujourd&rsquo;hui, dans l&rsquo;&eacute;mission du 3 juin 1980.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a> Voir l&rsquo;article de Pierre-Marie H&eacute;ron dans ce dossier.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a> Cette &eacute;mission culturelle radiophonique cr&eacute;&eacute;e par Chancel&nbsp;le 5 octobre 1968 et diffus&eacute;e sur&nbsp;France Inter&nbsp;tous les jours en semaine de 17 heures &agrave; 18 heures jusqu&rsquo;en 1982, puis &agrave; nouveau &agrave; partir de 1988 jusqu&rsquo;en 1990 accueillait des invit&eacute;s de grande renomm&eacute;e (Jean-Paul Sartre, Brigitte Bardot&hellip;).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a> Interview avec Gilbert Lascault, <em>Nuits magn&eacute;tiques, </em>&eacute;mission du 15 avril 1981, min 03:04-04:44&nbsp;; je souligne.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a> <em>Bruits de pages, </em>1<sup>er</sup> mars 1978, min. 23:32&nbsp;:55.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a> &laquo;<em>&nbsp;</em>Les nouveaux philosophes sont-ils de droite ou de gauche&nbsp;?&nbsp;&raquo;, <em>Apostrophes,</em> 27 mai 1977.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref32" name="_ftn32">[32]</a> L&rsquo;auditeur entend un montage&nbsp;: au premier plan, l&rsquo;interview, &agrave; l&rsquo;arri&egrave;re-plan, en fond sonore, Vermont (quelqu&rsquo;un en tout cas) qui joue du piano.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref33" name="_ftn33">[33]</a> <em>Bruits de pages,</em> 6 d&eacute;cembre 1978, min. 07:50-08:30&nbsp;; je souligne.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref34" name="_ftn34">[34]</a> Sur le portrait journalistique, voir Adeline Wrona,&nbsp;<em>Face au portrait</em>. <em>De Sainte-Beuve &agrave; Facebook</em>, Paris, Hermann &Eacute;diteurs, 2012&nbsp;; Galia Yanoshevsky, <em>L&rsquo;entretien litt&eacute;raire. L&rsquo;anatomie d&rsquo;un genre</em>, Paris, Classiques Garnier, &agrave; para&icirc;tre.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref35" name="_ftn35">[35]</a> Genre qui interrompt le rythme classique et qui deviendra la marque des &eacute;missions de Veinstein, succ&eacute;dant aux <em>Nuits magn&eacute;tiques</em> (<em>Surpris par la nuit</em>, 1999-2009 et <em>Du jour au lendemain </em>1985-2014)<em>.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref36" name="_ftn36">[36]</a> Jean-Fran&ccedil;ois Diana d&eacute;crit le d&eacute;veloppement de ce mod&egrave;le et ses cons&eacute;quences &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision, d&rsquo;<em>Apostrophes </em>(avec l&rsquo;apparition alcoolis&eacute;e de Charles Bukowski en 1978) &agrave; <em>Des livres et moi, </em>o&ugrave; l&rsquo;intervieweur, Fr&eacute;d&eacute;ric Beigbeder, lui-m&ecirc;me &eacute;crivain, interviewe nu&hellip; (&laquo;&nbsp;L&rsquo;&eacute;crivain contre l&rsquo;image ou le reste de la parole&nbsp;&raquo;, <em>M&eacute;diamorphoses</em>, n&deg; 7, 2003, p.&nbsp;63-69).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref37" name="_ftn37">[37]</a> Veinstein, <em>Radio sauvage, op.&nbsp;cit., </em>p.&nbsp;164.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref38" name="_ftn38">[38]</a> Exemple&nbsp;: entretien de Dominique Charmerlot avec Gilbert Maurice Duprez et Alain Veinstein &agrave; propos de son livre, <em>Lettres &agrave; mon homme invent&eacute;</em> (<em>Bruits de pages</em>, 29 mars 1978, min. 4:35).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref39" name="_ftn39">[39]</a> <em>Bruits de pages</em>, 19 f&eacute;vrier 1980, min. 23. Notes d&rsquo;&eacute;coute in&eacute;dites.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref40" name="_ftn40">[40]</a> &laquo;&nbsp;Il ou elle est un auteur connu, discut&eacute;, comment&eacute;. Il ou elle n&rsquo;en est qu&rsquo;&agrave; ses premiers livres, ses premiers mots. Il ou elle, illustre, accepte de s&rsquo;effacer devant lui ou elle encore inconnu. De s&rsquo;effacer ou, en tout cas, de le mettre en valeur&nbsp;&raquo; (<em>Bruits de pages, </em>26 avril 1978).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref41" name="_ftn41">[41]</a> Exemple&nbsp;: l&rsquo;interview avec Chantal Chawaf, transform&eacute;e en &laquo;&nbsp;monologue&nbsp;&raquo; de 7 mn (<em>De la nuit, </em>15 mars 1976). Sur l&rsquo;emploi syst&eacute;matique du proc&eacute;d&eacute;, voir dans ce dossier l&rsquo;article de Christophe Deleu.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref42" name="_ftn42">[42]</a><em> Bruits de </em>pages, 1<sup>er</sup> mars 1978, min. 23:28-23:32.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref43" name="_ftn43">[43]</a> Exemple&nbsp;: l&rsquo;entretien avec Marie-Fran&ccedil;oise Hans autour de son livre <em>Libres &agrave; elles</em> au Seuil dans <em>Bruits de pages </em>du 29 mars 1978, min. 22:38.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref44" name="_ftn44">[44]</a> Alain Veinstein, <em>L&rsquo;Intervieweur</em>, Paris, Calman-L&eacute;vy, 2002&nbsp;; <em>Radio sauvage</em>, Paris, Seuil, 2010&nbsp;; <em>Cent quarante signes</em>, Paris, Grasset &amp; Fasquelle, 2013&nbsp;; <em>Du jour sans lendemain</em>, Paris, Seuil, 2014.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref45" name="_ftn45">[45]</a> Marine Beccarelli, entretien avec Alain Veinstein, 11 mai 2012, dans Marine Beccarelli, <em>op.&nbsp;cit.,</em> p.&nbsp;315-320&nbsp;; Clara Lacombe, entretien avec Alain Veinstein, 29 janvier 2014, dans Clara Lacombe, <em>op.&nbsp;cit., </em>p.&nbsp;213-219.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref46" name="_ftn46">[46]</a> Alain Veinstein, <em>Radio sauvage, op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;152.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref47" name="_ftn47">[47]</a> Veinstein, <em>Radio sauvage, </em>2010, <em>op.&nbsp;cit., </em>p.&nbsp;166-167&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le probl&egrave;me, c&rsquo;est de parler. De faire na&icirc;tre une pr&eacute;sence au bout de la parole, une pr&eacute;sence qui, &agrave; son tour, engendrera un d&eacute;sir de lecture. L&rsquo;&eacute;mission n&rsquo;est qu&rsquo;une invitation &agrave; la lecture. Elle ne rivalise pas avec elle et cherche encore moins &agrave; s&rsquo;y substituer.&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref48" name="_ftn48">[48]</a> &laquo;&nbsp;Chez L&eacute;autaud, ce fut la voix brusque, voil&eacute;e, qui lui conf&eacute;ra une notori&eacute;t&eacute; litt&eacute;raire tr&egrave;s tard dans la vie, &agrave; plus de 80 ans. La critique alla du peu d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t manifest&eacute; avant le succ&egrave;s des entretiens radiophoniques de L&eacute;autaud par Mallet, &agrave; l&rsquo;enthousiasme&nbsp;&raquo; (Christopher Todd, &laquo;&nbsp;Le succ&egrave;s des entretiens litt&eacute;raires radiophoniques. Quelques r&eacute;actions dans la presse &eacute;crite&nbsp;&raquo;, dans Pierre-Marie H&eacute;ron (dir.), <em>&Eacute;crivains au micro. Les entretiens-feuilletons &agrave; la radio fran&ccedil;aise dans les ann&eacute;es cinquante</em>, Presses universitaires de Rennes, &laquo;&nbsp;Interf&eacute;rences&nbsp;&raquo;, 2010, p.&nbsp;33-34).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref49" name="_ftn49">[49]</a> Entretien avec Chantal Chawaf, <em>Bruits de pages</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em>, min. 21:35-22:00.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref50" name="_ftn50">[50]</a> <em>Grosse modo, </em>il s&rsquo;agit de l&rsquo;id&eacute;e de ce qu&rsquo;on peut dire &agrave; la radio, et ce qui devrait &ecirc;tre r&eacute;serv&eacute; &agrave; des conversations priv&eacute;s.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref51" name="_ftn51">[51]</a> <em>Bruits de page</em>, 31 janvier 1979, min. 38:35-39:15.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref52" name="_ftn52">[52]</a> <em>Bruits de pages</em>, 6 d&eacute;cembre 1978, min. 09:49-10:00.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref53" name="_ftn53">[53]</a> Pierre-Marie&nbsp;H&eacute;ron, &laquo;&nbsp;De l&rsquo;impertinence dans les interviews d&rsquo;&eacute;crivain&nbsp;: l&rsquo;exemple de la s&eacute;rie radiophonique&nbsp;<em>Qui &ecirc;tes-vous&nbsp;?</em>&nbsp;(1949-1951)&nbsp;&raquo;, <em>Argumentation et Analyse du Discours</em>&nbsp;[En ligne], 12&nbsp;|&nbsp;2014, mis en ligne le 20 avril 2014, consult&eacute; le 11 d&eacute;cembre 2017. URL&nbsp;: http://journals.openedition.org/aad/1706&nbsp;; DOI&nbsp;: 10.4000/aad.1706</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref54" name="_ftn54">[54]</a> <em>Ibid., </em>p.&nbsp;2, &sect;&nbsp;3. Il fait allusion &agrave; Marc Fumaroli, <em>Trois institutions litt&eacute;raires, </em>Paris, Gallimard, 1994.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref55" name="_ftn55">[55]</a> <em>Ibid. Le Si&egrave;cle du persiflage (1734-1789)</em>, est le titre d&rsquo;un ouvrage d&rsquo;&Eacute;lisabeth Bourguinat, Paris, PUF, &laquo;&nbsp;Perspectives litt&eacute;raires&nbsp;&raquo;, 1998.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref56" name="_ftn56">[56]</a> <em>Bruits de pages, </em>25 avril 1979, min. 35:00-37:30.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref57" name="_ftn57">[57]</a> Dans la typologie de l&rsquo;impertinence de l&rsquo;interview&eacute; propos&eacute;e par Pierre-Marie H&eacute;ron (art. cit., &sect; 34), on est presque dans le r&eacute;gime de l&rsquo;impertinence impossible, dans la mesure o&ugrave; &agrave; chaque &eacute;tape de l&rsquo;entretien, Chawaf semble vouloir rompre avec le contrat de coop&eacute;ration en n&rsquo;acceptant qu&rsquo;&agrave; contre c&oelig;ur le jeu de question-r&eacute;ponse.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref58" name="_ftn58">[58]</a> &laquo;&nbsp;C&rsquo;est la deuxi&egrave;me forme d&rsquo;impertinence programm&eacute;e et donc autoris&eacute;e par le genre de l&rsquo;interview-confession. Sa finalit&eacute; cognitive donne au r&ocirc;le de l&rsquo;intervieweur autorit&eacute; pour pousser l&rsquo;&eacute;crivain &agrave; clarifier les opinions ou id&eacute;es qu&rsquo;il exprime ou les faits qu&rsquo;il relate, &agrave; sortir des formulations &eacute;quivoques ou ambigu&euml;s, des sous-entendus. L&rsquo;interview-confession pr&eacute;f&egrave;re la lumi&egrave;re crue au clair-obscur. Dans cette perspective, l&rsquo;insistance, en g&eacute;n&eacute;ral per&ccedil;ue comme un manque de courtoisie, se trouve investie d&rsquo;une fonction ma&iuml;eutique qui excuse en quelque sorte son impertinence&nbsp;&raquo; (Pierre-Marie H&eacute;ron, art. cit., &sect;18).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref59" name="_ftn59">[59]</a> En fait, le style pol&eacute;mique de Veinstein le rapproche de certaines interviews journalistiques (<em>news interviews</em>), o&ugrave; le positionnement agonique semble &ecirc;tre plus efficace pour arracher de l&rsquo;information aux interview&eacute;s. Voir &agrave; ce sujet Elda Weizman, <em>Positioning in Media Dialogue</em>, Amsterdam/Philadelphie, John Benjamins, 2008.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref60" name="_ftn60">[60]</a> &laquo; Ma strat&eacute;gie ressemble &agrave; celle du joueur d&rsquo;&eacute;checs : obtenir des positions pas forc&eacute;ment favorables mais o&ugrave; je peux man&oelig;uvrer, tourner autour de mon interlocuteur et le &ldquo;masser&rdquo;, comme on dit dans ce monde-l&agrave;, jusqu&rsquo;&agrave; ce qu&rsquo;une faille minuscule s&rsquo;ouvre dans l&rsquo;espace des soixante-quatre cases. Et dans l&rsquo;interstice ainsi ouvert ins&eacute;rer un coin, puis &ldquo;cogner&rdquo; sans rel&acirc;che &ndash; si je m&rsquo;autorise le mot &ndash; avec la violence toute feutr&eacute;e qui caract&eacute;rise la partie d&rsquo;&eacute;checs&nbsp;&raquo; (Alain Veinstein, <em>Du jour sans lendemain, op.&nbsp;cit., </em>Kindle Locations, 181-182).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref61" name="_ftn61">[61]</a> &laquo;&nbsp;La comparaison est banale et pr&eacute;tentieuse mais c&rsquo;&eacute;tait vraiment de la tauromachie. Le torero joue son truc quand il n&rsquo;est pas encore dans l&rsquo;ar&egrave;ne et qu&rsquo;il voit comment se comporte le taureau. Des fois, je m&rsquo;accrochais pour aller jusqu&rsquo;au bout&nbsp;&raquo; (Alain Veinstein, dans Clara Lacombe, <em>op.&nbsp;cit., </em>p.&nbsp;217.).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref62" name="_ftn62">[62]</a> Son emploi dans <em>Bruits de pages </em>est certes bien plus r&eacute;duit que dans <em>Du jour au lendemain, </em>mais suffisamment marqu&eacute; quand m&ecirc;me pour &ecirc;tre remarqu&eacute; de l&rsquo;auditeur.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref63" name="_ftn63">[63]</a> <em>Bruits de pages</em>, 3 juin 1980, min. 21:35-25:37&nbsp;; je souligne.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref64" name="_ftn64">[64]</a>&nbsp;<em>Ibid., </em>min. 26:31-27:26&nbsp;; je souligne.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref65" name="_ftn65">[65]</a> <em>Ibid.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref66" name="_ftn66">[66]</a> Alain Veinstein, <em>Radio sauvage, op. cit.</em></p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="Auteur">Auteur</span></h3> <p style="text-align: justify;"><strong>Galia Yanoshevsky</strong>,&nbsp;Professeur au d&eacute;partement de Culture fran&ccedil;aise de l&rsquo;Universit&eacute; Bar-Ilan (Isra&euml;l), est actuellement professeur invit&eacute;e &agrave; l&rsquo;universit&eacute; de Franche-Comt&eacute;, dans l&rsquo;&eacute;quipe ELLIADD (sciences du langage). Comme membre de l&rsquo;&eacute;quipe ADARR de l&rsquo;Institut Porter, Tel-Aviv, elle dirige la section &laquo;&nbsp;l&rsquo;Auteur au prisme des genres et des m&eacute;dias&nbsp;&raquo;. Auteur de <em>L&rsquo;entretien litt&eacute;raire. L&rsquo;anatomie d&rsquo;un genre</em> (Classiques Garnier, sous presse), et de&nbsp;<em>Discours du Nouveau Roman&nbsp;: Essais, Entretiens, D&eacute;bats&nbsp;</em>(Septentrion 2006), elle s&rsquo;est sp&eacute;cialis&eacute;e dans des genres limitrophes de la litt&eacute;rature comme le manifeste (2009), l&rsquo;entretien litt&eacute;raire (2004, 2014) et les collections d&rsquo;auteurs.&nbsp; Son int&eacute;r&ecirc;t pour les rapports entre le visuel et l&rsquo;&eacute;crit et pour le patrimoine culturel se manifeste dans le projet de recherche qu&rsquo;elle dirige actuellement sur les repr&eacute;sentations des relations France-Isra&euml;l dans les guides touristiques de 1948 &agrave; nos jours (Israel Science Foundation, 2016-2019).</p> <h3><strong>Copyright</strong></h3> <p>Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p> </div>