<div class="entry-content"> <h3>Abstract</h3> <p>This article explores a corpus of about 160 sounds and images selected from the RTS (Radio-Television Suisse Romande) archives from six broadcasts between 1960-1990, four radio programs: <em>D&eacute;couverte</em>&nbsp;<em>de la litt&eacute;rature</em> (1962-1972), <em>La Semaine litt&eacute;raire</em> (1962-1975), <em>La Librairie des ondes</em> (1974-1982) and <em>Empreintes</em> (1982-1988) &ndash; and two television programs: <em>La Voix au chapitre</em> (1971-1980) and <em>H&ocirc;tel</em> (1989-1992). Here is a first comparative point of view with the French works, illustrating the specific way in which the Swiss public service envisages media coverage of&nbsp;literary life, by referring both to the Parisian media scene (adaptation and demarcation with respect to &lsquo;Apostrophes) and his own media tradition. There is a constant concern to propose a mediation of literature for a wide audience. To do this, the producers of the RTS rely on the extreme plasticity and diversity of the formats of emissions (interview, debate, portrait), as well as on the plurality of headings. Producers use pre-existing discursive genres (interviews, chronicles, tributes, notes) and also invent their specific forms (radio creation, which is not discussed here).</p> <p style="text-align: justify;"><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p class="meta-tags">literary programs, Swiss French-speaking radio television, 1960-1990, formats, writers&#39; columns on the radio, media scene, authors&#39; postures</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">Depuis la fin du xx<sup>e</sup> si&egrave;cle, l&rsquo;histoire litt&eacute;raire s&rsquo;est d&eacute;gag&eacute;e d&rsquo;une approche g&eacute;n&eacute;alogique des grands courants et des &oelig;uvres canoniques. Sous l&rsquo;influence de l&rsquo;histoire culturelle et de la sociologie de la litt&eacute;rature, la prise en compte des institutions de la vie litt&eacute;raire au sens large d&rsquo;une part, les m&eacute;canismes de production de la valeur d&rsquo;autre part, ont &eacute;t&eacute; progressivement int&eacute;gr&eacute;s au sein des chantiers les plus r&eacute;cents. Dans cet ordre d&rsquo;id&eacute;es, le litt&eacute;raire ne se limite plus aux seuls textes mais est consid&eacute;r&eacute; comme un ensemble de pratiques, discursives et non discursives, dont l&rsquo;analyse se doit de prendre en compte l&rsquo;ensemble des acteurs associ&eacute;s, l&rsquo;auteur et ses lecteurs, mais aussi les multiples m&eacute;diateurs et autres interm&eacute;diaires culturels. On assiste depuis quelques ann&eacute;es &agrave; un d&eacute;veloppement de travaux syst&eacute;matiques sur l&rsquo;activit&eacute; litt&eacute;raire et sur les extensions de la litt&eacute;rature hors du livre&nbsp;: les lectures publiques, la pr&eacute;sence des auteurs au sein des festivals litt&eacute;raires seraient autant de terrains particuli&egrave;rement f&eacute;conds &agrave; arpenter&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>. On peut mentionner &eacute;galement dans cette perspective l&rsquo;immense chantier que repr&eacute;sente le traitement des sources audiovisuelles, photographiques d&rsquo;abord&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>, radiophoniques et t&eacute;l&eacute;visuelles ensuite.</p> <p style="text-align: justify;">En Suisse francophone, la volumineuse <em>Histoire de la litt&eacute;rature en Suisse romande</em> dirig&eacute;e par Roger Francillon entre 1996 et 1999 (avec une r&eacute;&eacute;dition augment&eacute;e en 2015&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>) s&rsquo;inscrit dans ce contexte de renouvellement historiographique tout en adoptant dans sa construction une forme de compromis. Les grandes figures analys&eacute;es sous l&rsquo;angle traditionnel du dialogue entre vie et &oelig;uvre sont toujours pr&eacute;sentes alors que certains chapitres, d&rsquo;ordre th&eacute;matique, viennent enrichir le tableau par des perspectives transversales pr&eacute;sentant certains acteurs ou th&eacute;matiques moins consacr&eacute;s. Par ailleurs, la volont&eacute; de prendre en compte les institutions de la vie litt&eacute;raire r&eacute;gionale est patente via l&rsquo;attention port&eacute;e au monde des revues et de l&rsquo;&eacute;dition et la pr&eacute;sence d&rsquo;une vaste enqu&ecirc;te, en partie chiffr&eacute;e, sur le champ litt&eacute;raire romand entre 1970 et 1996&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>. Pour notre propos, il est int&eacute;ressant de signaler quelques courts chapitres &eacute;voquant le r&ocirc;le de la radio puis de la t&eacute;l&eacute;vision dans la cr&eacute;ation litt&eacute;raire d&rsquo;abord (via le th&eacute;&acirc;tre radiophonique et les dramatiques notamment), comme caisse de r&eacute;sonance de l&rsquo;actualit&eacute; ou espace de m&eacute;diatisation pour les &eacute;crivains. Ces r&eacute;flexions restent toutefois tr&egrave;s g&eacute;n&eacute;rales et, &agrave; l&rsquo;exception de la mention de quelques figures et &eacute;missions de r&eacute;f&eacute;rence, assez superficielles.</p> <p style="text-align: justify;">Une autre d&eacute;marche, dans un tout autre contexte, constitue une premi&egrave;re approche, plus syst&eacute;matique, de la pr&eacute;sence des &eacute;crivains suisses au micro. &Agrave; la fin des ann&eacute;es 1990, le projet &laquo;&nbsp;Vocs&nbsp;: voix de la culture suisse&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>, plac&eacute; sous l&rsquo;&eacute;gide de l&rsquo;association Memoriav &ndash;r&eacute;seau de l&rsquo;ensemble des institutions suisses int&eacute;ress&eacute;es &agrave; la pr&eacute;servation et la valorisation du patrimoine audiovisuel &ndash;, visait &agrave; rep&eacute;rer, puis num&eacute;riser, 500 enregistrements sonores concernant des personnalit&eacute;s de la vie culturelle et litt&eacute;raire nationale. Cette premi&egrave;re initiative, &eacute;largie dans le cadre du projet IMVOCS aux documents filmiques et vid&eacute;o&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>, a permis de sensibiliser certains chercheurs &agrave; l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de ce mat&eacute;riel, m&ecirc;me s&rsquo;il faudra encore un peu de temps pour qu&rsquo;une premi&egrave;re exploitation en soit faite&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>. Parall&egrave;lement, la Radio suisse romande a lanc&eacute; la collection de CD &laquo;&nbsp;Une figure, une voix&nbsp;&raquo; consacr&eacute;e &agrave; plusieurs auteurs majeurs de Suisse romande alors que la Radio t&eacute;l&eacute;vision suisse (RTS) pr&eacute;sente sur son site de tr&egrave;s nombreuses ressources sonores et filmiques touchant au monde litt&eacute;raire r&eacute;gional&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="1_Un_triple_contexte">1. Un triple contexte</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Un triple contexte nous a amen&eacute; &agrave; nous pencher plus sp&eacute;cifiquement sur la forme et la nature de l&rsquo;&eacute;mission litt&eacute;raire en Suisse romande en proposant un cours-s&eacute;minaire en tandem sur ce th&egrave;me au sein de la Facult&eacute; des lettres de l&rsquo;Universit&eacute; de Lausanne&nbsp;: fruit d&rsquo;une d&eacute;marche clairement interdisciplinaire, cet enseignement &eacute;tait ouvert aussi bien &agrave; des litt&eacute;raires qu&rsquo;&agrave; des historiens. Cette initiative &eacute;tait d&rsquo;abord autoris&eacute;e par l&rsquo;accessibilit&eacute; toujours plus importante aux sources audiovisuelles elles-m&ecirc;mes. Entam&eacute;e au sein de la Soci&eacute;t&eacute; suisse de radiodiffusion et t&eacute;l&eacute;vision (SSR), la num&eacute;risation des archives des diff&eacute;rentes unit&eacute;s d&rsquo;entreprise est tr&egrave;s avanc&eacute;e. M&ecirc;me si l&rsquo;acc&egrave;s direct et en ligne &agrave; ce mat&eacute;riel est encore limit&eacute;, pour des questions de droits notamment, il est possible, en recourant aux bases de donn&eacute;es internes des cha&icirc;nes du service public, de naviguer de mani&egrave;re ais&eacute;e au sein de corpus assez imposants.</p> <p style="text-align: justify;">Outre la disponibilit&eacute; des sources, celle d&rsquo;une litt&eacute;rature secondaire d&eacute;sormais consistante offre des cl&eacute;s m&eacute;thodologiques et th&eacute;oriques propres &agrave; nourrir les approches d&rsquo;un tel enseignement. Plusieurs &eacute;tudes r&eacute;centes ont approch&eacute;, sur un spectre pluridisciplinaire, les &eacute;missions litt&eacute;raires, qu&rsquo;il s&rsquo;agisse des travaux en mati&egrave;re de programmation radiophonique et t&eacute;l&eacute;visuelle ou des perspectives ouvertes autour de la question de la m&eacute;diatisation de l&rsquo;&eacute;crivain. On signalera ici, sans souci d&rsquo;exhaustivit&eacute;, les recherches sur la notion de posture auctoriale&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>, les r&eacute;flexions sur le r&ocirc;le des m&eacute;dias dans la fabrication de l&rsquo;auteur&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a> ou les travaux portant sur certaines formes m&eacute;diatiques comme l&rsquo;entretien&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a> ou encore ceux sur le rapport entre intellectuels et m&eacute;dias&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Notre d&eacute;marche r&eacute;sonne enfin avec une probl&eacute;matique d&rsquo;une grande actualit&eacute;. La question de l&rsquo;envahissement des logiques m&eacute;diatiques au sein du champ litt&eacute;raire est en effet une th&eacute;matique r&eacute;currente au sein du champ litt&eacute;raire comme journalistique. Plusieurs &eacute;crivains ont int&eacute;gr&eacute; cette probl&eacute;matique au c&oelig;ur m&ecirc;me de leur production romanesque, que l&rsquo;on se r&eacute;f&egrave;re &agrave; Michel Houellebecq sur le plan fran&ccedil;ais ou &agrave; No&euml;lle Revaz &ndash; auteure de <em>L&rsquo;Infini livre</em> chez Zo&eacute; &ndash; dans le champ suisse francophone. Par ailleurs, le landerneau m&eacute;diatique a &eacute;t&eacute; agit&eacute; en 2014 par l&rsquo;initiative des &eacute;ditions du Net organisant la premi&egrave;re &eacute;mission de t&eacute;l&eacute;r&eacute;alit&eacute; litt&eacute;raire sur le web &ndash; &laquo;&nbsp;l&rsquo;Acad&eacute;mie Balzac&nbsp;&raquo; &ndash; qui a mis en sc&egrave;ne une vingtaine d&rsquo;&eacute;crivains enferm&eacute;s dans un ch&acirc;teau afin de produire une &oelig;uvre collective&nbsp;: l&rsquo;ouvrage, un roman policier, a &eacute;t&eacute; publi&eacute; sous le titre <em>Une tombe trop bien fleurie</em>. Ce concept avait d&eacute;j&agrave; &eacute;t&eacute; exp&eacute;riment&eacute; en Italie l&rsquo;automne pr&eacute;c&eacute;dent avec l&rsquo;&eacute;mission <em>Masterpiece</em> sur RAI 3 dont le vainqueur devait &ecirc;tre &eacute;dit&eacute; par la prestigieuse maison d&rsquo;&eacute;dition milanaise Bompiani.</p> <p style="text-align: justify;">Notre objectif, qui a conduit la s&eacute;lection des sources mobilis&eacute;es dans le cadre de l&rsquo;enseignement, visait &agrave; la fois &agrave; nous interroger sur les caract&eacute;ristiques de l&rsquo;&eacute;mission litt&eacute;raire aussi bien &agrave; la radio et &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision tout en d&eacute;veloppant une grille d<strong>&rsquo;</strong>analyse propre &agrave; d&eacute;passer la seule &eacute;tude du contenu pour rep&eacute;rer et mettre en perspective les composantes formelles, tant sonores que visuelles, qui sont partie prenante du mat&eacute;riel audiovisuel. Nous avons ainsi d&eacute;limit&eacute; plusieurs bassins d&rsquo;&eacute;mission susceptibles de pr&eacute;senter &agrave; la fois une certaine repr&eacute;sentativit&eacute; quant &agrave; la diversit&eacute; des formats concern&eacute;s tout en refl&eacute;tant une certaine &eacute;volution de ceux-ci dans la dur&eacute;e. Nous avons ainsi privil&eacute;gi&eacute; quatre &eacute;missions radiophoniques &ndash; <em>D&eacute;couverte de la litt&eacute;rature</em> (1962-1972), <em>La Semaine litt&eacute;raire </em>(1962-1975), <em>La Librairie des ondes</em> (1974-1982) et <em>Empreintes </em>(1982-1988) &ndash; et deux &eacute;missions t&eacute;l&eacute;visuelles &ndash; <em>La Voix au chapitre</em> (1971-1980) et <em>H&ocirc;tel</em> (1989-1992) &ndash;. L&rsquo;analyse plus fine des descripteurs et des r&eacute;sum&eacute;s de ces &eacute;missions nous a permis d&rsquo;en s&eacute;lectionner 160 susceptibles de servir de corpus commun pour les travaux de s&eacute;minaire.</p> <p style="text-align: justify;">Ce choix devait pouvoir r&eacute;pondre &agrave; trois types d&rsquo;approches que nous entendions soumettre aux &eacute;tudiants. En premier lieu, une r&eacute;flexion sur les formats permettant de construire une premi&egrave;re typologie des &eacute;missions litt&eacute;raires en fonction de leur dispositif m&eacute;diatique (&eacute;mission en studio ou en ext&eacute;rieur, enregistr&eacute;e ou en direct, etc.) mais aussi de l&rsquo;organisation et de la distribution de la prise de parole (entretien, table ronde, chronique, etc.). Un deuxi&egrave;me angle d&rsquo;analyse devait prendre en compte la diversit&eacute; des intervenants au sein de l&rsquo;&eacute;mission en pr&ecirc;tant une attention toute particuli&egrave;re aux interactions entre intervieweur et interview&eacute;, journalistes-animateurs et &eacute;crivains, tout en soulignant la relative interchangeabilit&eacute; des r&ocirc;les, beaucoup d&rsquo;auteurs &eacute;tant hommes (ou femmes) de radio et de t&eacute;l&eacute;vision. Enfin, nous avons identifi&eacute; certains sujets r&eacute;currents, comme par exemple la m&eacute;diatisation de genres litt&eacute;raires sp&eacute;cifiques (la po&eacute;sie notamment), la prise en compte de litt&eacute;ratures &eacute;trang&egrave;res, les d&eacute;bats sur la litt&eacute;rature f&eacute;minine et enfin la situation de l&rsquo;&eacute;crivain en Suisse romande.</p> <p style="text-align: justify;">Sur le plan des approches privil&eacute;gi&eacute;es, nous avons opt&eacute; pour une r&eacute;flexion crois&eacute;e articulant &eacute;troitement l&rsquo;analyse m&eacute;diatique &agrave; une perspective de sociologie de la litt&eacute;rature, et cela &agrave; trois niveaux&nbsp;:</p> <ol style="text-align: justify;"> <li>En reprenant l&rsquo;hypoth&egrave;se d&rsquo;Anne-Outram Mott qui veut que &laquo;&nbsp;l&rsquo;entretien culturel radiophonique est un poste d&rsquo;observation f&eacute;cond de la construction de l&rsquo;identit&eacute; m&eacute;diatique de l&rsquo;artiste-&eacute;crivain et de ses variations dans le temps&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>&raquo;, on analysera l&rsquo;interaction croissante du champ litt&eacute;raire et de l&rsquo;espace m&eacute;diatique en nous interrogeant sur les raisons de l&rsquo;investissement de celui-ci par les &eacute;crivains, au-del&agrave; de strat&eacute;gies promotionnelles conjoncturelles. Une attention particuli&egrave;re sera port&eacute;e parall&egrave;lement aux relations entre intervieweur et interview&eacute; qui induisent un rapport de force a priori moins favorable &agrave; l&rsquo;auteur, souvent peu familiaris&eacute; avec le dispositif m&eacute;diatique. Ce dernier repr&eacute;sente toutefois une opportunit&eacute; propre &agrave; construire une forme d&rsquo;<em>ethos</em> auctorial qui peut prolonger, accentuer ou au contraire contraster d&eacute;lib&eacute;r&eacute;ment la posture privil&eacute;gi&eacute;e dans le registre de l&rsquo;&eacute;criture.</li> </ol> <ol start="2" style="text-align: justify;"> <li>Quelles ressources sp&eacute;cifiques (orales, gestuelles, etc.) &agrave; la performance radiophonique ou t&eacute;l&eacute;visuelle l&rsquo;&eacute;crivain mobilise-t-il afin d&rsquo;affirmer une certaine image de lui-m&ecirc;me en public&nbsp;? Comme le signifie de mani&egrave;re embl&eacute;matique le gilet rouge port&eacute; jadis par Th&eacute;ophile Gautier lors de la premi&egrave;re repr&eacute;sentation d&rsquo;<em>Hernani, </em>les &eacute;crivains ont pris l&rsquo;habitude depuis longtemps d&rsquo;intensifier leur visibilit&eacute; par leur posture et leur apparence. La radio, qui s&rsquo;adresse &agrave; un public d&rsquo;aveugles, conf&egrave;re une pr&eacute;sence toute particuli&egrave;re &agrave; l&rsquo;&eacute;locution, au rythme de l&rsquo;expression, &agrave; la marque de l&rsquo;accent, enfin, qui a comme particularit&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre professionnellement interdit &agrave; l&rsquo;intervieweur, l&agrave; o&ugrave; il peut constituer une forme de signature pour l&rsquo;homme de lettres ou de culture. &Agrave; la t&eacute;l&eacute;vision, l&rsquo;habillement, la physionomie, la pose sont autant de marqueurs, tout en fonctionnant comme substituts au livre dont le contenu ne peut &ecirc;tre rendu accessible au t&eacute;l&eacute;spectateur sans m&eacute;diation.</li> </ol> <ol start="3" style="text-align: justify;"> <li>Quel r&ocirc;le jouent les dispositifs m&eacute;diatiques dans la construction des diff&eacute;rentes postures auctoriales&nbsp;? Chaque &eacute;mission d&eacute;veloppe une sc&eacute;nographie de l&rsquo;&eacute;crivain qui renvoie &agrave; certains st&eacute;r&eacute;otypes ou passages oblig&eacute;s. L&rsquo;enregistrement au domicile de l&rsquo;auteur reconduit les <em>topo&iuml; </em>de la visite &agrave; l&rsquo;&eacute;crivain, mettant notamment en exergue le lieu de travail du grand auteur. Dans le m&ecirc;me temps, un accompagnement musical, une lecture en voix <em>off</em>, le montage et la pr&eacute;sence intercal&eacute;e d&rsquo;archives sonores ou visuelles permettent de construire une forme de singularit&eacute; qui, dans certains cas, rel&egrave;ve du choix du (des) m&eacute;diateurs et peut &eacute;chapper, selon des modalit&eacute;s variables, &agrave; l&rsquo;&eacute;crivain. En d&eacute;rogeant quelque peu au principe de ce num&eacute;ro th&eacute;matique centr&eacute; sur la radio d&rsquo;abord et sur l&rsquo;entretien ensuite, on s&rsquo;interrogera sur les diff&eacute;rences observables entre radio et t&eacute;l&eacute;vision d&rsquo;une part, entre des formats m&eacute;diatiques aussi diff&eacute;rents que l&rsquo;interview, la chronique ou encore la table ronde, de l&rsquo;autre&nbsp;? Plus fondamentalement, le dispositif m&eacute;diatique est-il li&eacute; &agrave; une forme de d&eacute;sacralisation de l&rsquo;&eacute;crivain &ndash; via sa m&eacute;diatisation dans son univers quotidien ou son assujettissement &agrave; un rythme m&eacute;diatique en total porte-&agrave;-faux au travail de cr&eacute;ation &ndash; ou au contraire une nouvelle modalit&eacute; de sa cons&eacute;cration&nbsp;? Une interrogation qui peut &ecirc;tre prolong&eacute;e, au-del&agrave; des seuls &eacute;crivains en activit&eacute;, &agrave; des auteurs d&eacute;c&eacute;d&eacute;s, via l&rsquo;exercice de l&rsquo;hommage ou de la comm&eacute;moration.</li> </ol> <h2 style="text-align: justify;"><span id="2_L8217emission_litteraire_et_ce_qu8217elle_est">2. L&rsquo;&eacute;mission litt&eacute;raire et ce qu&rsquo;elle est</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">La d&eacute;finition m&ecirc;me des caract&eacute;ristiques de l&rsquo;&eacute;mission litt&eacute;raire ne va pas de soi. Au vu de la pr&eacute;sence tr&egrave;s pr&eacute;coce des &eacute;crivains au micro, document&eacute;e par les travaux de Pierre-Marie H&eacute;ron&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>, au vu encore de la multiplicit&eacute; de leurs formes d&rsquo;intervention, il convenait d&rsquo;int&eacute;grer l&rsquo;h&eacute;t&eacute;rog&eacute;n&eacute;it&eacute; des formes m&eacute;diatiques qui peuvent &ecirc;tre regroup&eacute;es sous cette &eacute;tiquette g&eacute;n&eacute;rique. Deux &eacute;cueils nous semblaient en outre importants &agrave; contourner&nbsp;: r&eacute;sister au tropisme fran&ccedil;ais selon lequel l&rsquo;&eacute;mission litt&eacute;raire est une caract&eacute;ristique hexagonale ainsi qu&rsquo;au tropisme &laquo;&nbsp;pivotien&nbsp;&raquo; (voire &laquo;&nbsp;amrouchien&nbsp;&raquo;) qui associe &eacute;troitement l&rsquo;&eacute;mission litt&eacute;raire au genre de l&rsquo;entretien, qu&rsquo;il s&rsquo;agisse de dialogue ou de polylogue.</p> <p style="text-align: justify;">En Suisse, comme dans la plupart des pays europ&eacute;ens, les relations entre &eacute;crivains et radio sont tr&egrave;s anciennes. En effet, d&egrave;s 1924 &ndash; soit deux ans apr&egrave;s la mise en place des premiers studios &ndash; des contacts sont pris entre acteurs radiophoniques et plusieurs &eacute;crivains afin de d&eacute;terminer la disponibilit&eacute; de ces derniers &agrave; diffuser leurs &oelig;uvres par la radio et/ou &agrave; faire lire celles-ci par un tiers. Tr&egrave;s vite, c&rsquo;est la Soci&eacute;t&eacute; suisse des &eacute;crivains (SSE) qui va constituer le cadre de ces discussions. En 1928, une commission radio sera cr&eacute;&eacute;e en Suisse al&eacute;manique au sein de l&rsquo;association fa&icirc;ti&egrave;re des &eacute;crivains, commission qui peut annoncer tr&egrave;s rapidement la conclusion d&rsquo;un accord avec le studio de Zurich selon lequel la SSE dispose de plages horaires fixes consacr&eacute;es &agrave; la litt&eacute;rature suisse. Une demi-heure hebdomadaire l&rsquo;apr&egrave;s-midi est plus sp&eacute;cifiquement consacr&eacute;e &agrave; des lectures alors qu&rsquo;une plage vesp&eacute;rale est li&eacute;e &agrave; des lectures d&rsquo;&oelig;uvres plus longues, d&rsquo;auteurs vivants ou d&eacute;c&eacute;d&eacute;s, ainsi qu&rsquo;&agrave; des causeries litt&eacute;raires.</p> <p style="text-align: justify;">Une commission romande appara&icirc;t pour sa part en septembre 1932 qui est &agrave; l&rsquo;origine de l&rsquo;instauration, deux ans plus tard, d&rsquo;une fen&ecirc;tre radiophonique hebdomadaire &agrave; Radio-Lausanne consacr&eacute;e &agrave; la vie litt&eacute;raire&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>. Il s&rsquo;agit la plupart du temps de conf&eacute;rences (causeries) qui se d&eacute;clinent selon trois cycles distincts&nbsp;: un cycle sur la litt&eacute;rature romande contemporain, un cycle al&eacute;manique (Paul Budry parle de Felix Moeschlin, Jean Moser &eacute;voque Jakob Schaffner, etc.), enfin un cycle fran&ccedil;ais (des Suisses parlent d&rsquo;auteurs fran&ccedil;ais&hellip;).</p> <p style="text-align: justify;">Outre cette tribune fixe, il existe des causeries produites par Radio-Lausanne et Radio-Gen&egrave;ve, des &eacute;missions sur l&rsquo;actualit&eacute; litt&eacute;raire (<em>Vient de para&icirc;tre</em> anim&eacute; par Jean Nicollier puis Georges Verd&egrave;ne et <em>Livres nouveaux</em>) et th&eacute;&acirc;trale, ainsi que des lectures. Beaucoup d&rsquo;&eacute;missions sont confi&eacute;es &agrave; des professeurs d&rsquo;universit&eacute; ou &agrave; des &eacute;crivains. Parall&egrave;lement, plusieurs auteurs militent pour le d&eacute;veloppement de formes litt&eacute;raires sp&eacute;cifiquement destin&eacute;es au support m&eacute;diatique: des concours sont lanc&eacute;s pour encourager la production de th&eacute;&acirc;tre radiophonique. Dans ce cadre, on observe une intense discussion sur la &laquo;&nbsp;radiog&eacute;nie&nbsp;&raquo; qui insiste sur la n&eacute;cessit&eacute; de d&eacute;velopper des r&egrave;gles propres au medium radiophonique et aptes &agrave; captiver l&rsquo;auditeur.</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;apr&egrave;s-guerre voit le passage de la lecture, de la critique et de la causerie (qui se maintiendra toutefois avec les &eacute;missions d&rsquo;Henri Guillemin) &agrave; des &eacute;missions dont l&rsquo;hybridit&eacute; sera toujours davantage la norme, cumulant plusieurs rubriques&nbsp;: l&rsquo;interview, l&rsquo;entretien, l&rsquo;hommage, la table ronde, la chronique, etc. Ces formats sont souvent pris en charge par des &eacute;crivains, et parmi ceux-ci de nombreuses femmes&nbsp;: la plus connue est la romanci&egrave;re Yvette Z&rsquo;Graggen qui devient productrice d&rsquo;&eacute;missions culturelles et &eacute;ducatives&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>. Z&rsquo;Graggen promeut l&rsquo;&eacute;criture radiophonique avec l&rsquo;&eacute;mission <em>Banc d&rsquo;essai</em> d&egrave;s 1958 qui se veut un espace r&eacute;serv&eacute; &agrave; la lecture au micro de textes in&eacute;dits mais aussi un espace pr&eacute;sentant des &oelig;uvres sp&eacute;cialement &eacute;crites pour la radio. L&rsquo;&eacute;mission litt&eacute;raire a ainsi travers&eacute; le temps m&ecirc;me si elle a tendanciellement fait place au magazine culturel (repr&eacute;sent&eacute; dans notre corpus par <em>Empreintes</em>), la litt&eacute;rature figurant comme l&rsquo;un des sujets d&rsquo;&eacute;missions traitant plus largement de l&rsquo;actualit&eacute; culturelle.</p> <p style="text-align: justify;">&Agrave; la t&eacute;l&eacute;vision, l&rsquo;&eacute;mission litt&eacute;raire est quasi contemporaine des d&eacute;buts du m&eacute;dia&nbsp;: la t&eacute;l&eacute;vision exp&eacute;rimentale genevoise d&eacute;bute sa programmation le 1<sup>er</sup> novembre 1954 et une premi&egrave;re &eacute;mission litt&eacute;raire est pr&eacute;sente d&egrave;s novembre 1955, <em>Lecture &agrave; vue</em>. Elle s&rsquo;institutionnalise d&egrave;s 1961 (avec <em>Pr&eacute;faces</em>, magazine r&eacute;alis&eacute; en collaboration avec la Radio T&eacute;l&eacute;vision fran&ccedil;aise, et, d&egrave;s 1962, l&rsquo;&eacute;mission mensuelle <em>&Agrave; livre ouvert</em>) pour s&rsquo;inscrire d&eacute;sormais dans une continuit&eacute; jusqu&rsquo;en 1992.</p> <p style="text-align: justify;">Si l&rsquo;entretien, empreint d&rsquo;une tonalit&eacute; professorale et d&rsquo;une sc&eacute;nographie minimaliste, domine, on remarque toutefois une ouverture pr&eacute;coce &agrave; des reportages ext&eacute;rieurs et une ouverture aux auteurs suisses. <em>La Voix au chapitre</em> s&rsquo;impose par sa long&eacute;vit&eacute; (9 ans) durant la d&eacute;cennie 1970. Diffus&eacute;e originellement chaque vendredi soir &agrave; 21h50, elle changera de case quotidienne tout en restant programm&eacute;e en deuxi&egrave;me partie de soir&eacute;e. D&egrave;s 1977, le reportage privil&eacute;giant souvent une approche r&eacute;solument sociale de la litt&eacute;rature (&laquo;&nbsp;La lecture dans les p&eacute;nitenciers&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;La femme dans la vie civique&nbsp;&raquo;) ou arpentant des territoires paralitt&eacute;raires et/ou plus politiques (&laquo;&nbsp;Sp&eacute;cial policier&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Bande dessin&eacute;e&nbsp;&raquo; ou encore &laquo;&nbsp;Angela Davis&nbsp;&raquo;), fait place &agrave; une table ronde sur l&rsquo;actualit&eacute; litt&eacute;raire, suivi de l&rsquo;accueil d&rsquo;un grand invit&eacute;. La m&eacute;diatisation de l&rsquo;&eacute;crivain &laquo;&nbsp;en personne&nbsp;&raquo; est d&eacute;sormais pr&eacute;dominante.</p> <p style="text-align: justify;">Plusieurs formats se succ&egrave;deront par la suite sans v&eacute;ritablement trouver leur assise et surtout sans trouver une marque distinctive face au mod&egrave;le dominant constitu&eacute; par <em>Apostrophes</em>&nbsp;: <em>Noir sur Blanc</em> (1980-1982), <em>Miroirs</em> (1983) qui revient au format magazine, <em>Dis-moi ce que tu lis</em> (1984-1986), puis <em>Livre &agrave; vous</em> (1987-1988). La derni&egrave;re &eacute;mission litt&eacute;raire &agrave; ce jour est <em>H&ocirc;tel</em> (1989-1992), produite et anim&eacute;e par un ancien pr&eacute;sentateur vedette du journal t&eacute;l&eacute;vis&eacute; et qui fait alterner reportages et entretiens. Sa suppression causera une grande pol&eacute;mique, l&rsquo;&eacute;mission litt&eacute;raire traditionnelle faisant place &agrave; la forme du <em>talk show</em>.</p> <p style="text-align: justify;">Au vu de ce panorama rapide, peut-on parler de l&rsquo;&eacute;mission litt&eacute;raire comme d&rsquo;un genre m&eacute;diatique&nbsp;? L&rsquo;h&eacute;t&eacute;rog&eacute;n&eacute;it&eacute; du format, sa red&eacute;finition constante mais aussi le caract&egrave;re non lin&eacute;aire de cette &eacute;volution rendent toute caract&eacute;risation difficile. Dans le m&ecirc;me temps, l&rsquo;&eacute;mission litt&eacute;raire en tant qu&rsquo;id&eacute;al-type constitue, jusque dans les ann&eacute;es 1990 tout au moins pour le cas de la Suisse romande, une sorte de r&eacute;f&eacute;rence et de passage oblig&eacute; de la programmation de service public. Elle est aussi un lieu d&rsquo;observation privil&eacute;gi&eacute; de la mission culturelle de la radio et de la t&eacute;l&eacute;vision. Durant toute la phase exp&eacute;rimentale qui accompagne les d&eacute;buts de la t&eacute;l&eacute;vision en Suisse, une p&eacute;riode caract&eacute;ris&eacute;e par une grande m&eacute;fiance envers un m&eacute;dia qui ne reposerait selon certains que sur le sensationnalisme et le divertissement, l&rsquo;&eacute;mission litt&eacute;raire fait office de caution pour un service public de qualit&eacute;. Les choses vont toutefois &eacute;voluer au cours des ann&eacute;es. Ainsi au d&eacute;but des ann&eacute;es 1970, la vis&eacute;e &eacute;ducative de la t&eacute;l&eacute;vision mais aussi son r&ocirc;le prospectif et innovant est r&eacute;affirm&eacute; par certains r&eacute;alisateurs qui d&eacute;noncent la mise en avant par la direction du &laquo;&nbsp;go&ucirc;t du public&nbsp;&raquo;. Une tension qui va trouver son paroxysme en 1992 lorsque Raymond Vouillamoz, le chef des programmes, d&eacute;cide de supprimer l&rsquo;&eacute;mission litt&eacute;raire t&eacute;l&eacute;vis&eacute;e <em>H&ocirc;tel&nbsp;</em>: &agrave; ses yeux, le format est inad&eacute;quat &agrave; relever les nouveaux d&eacute;fis d&rsquo;une t&eacute;l&eacute;vision soumise &agrave; la concurrence toujours plus vive des cha&icirc;nes fran&ccedil;aises d&rsquo;abord, et plus largement &agrave; la d&eacute;multiplication de l&rsquo;offre. Le directeur de la T&eacute;l&eacute;vision suisse romande, Guillaume Chenevi&egrave;re, parle significativement d&rsquo;<em>H&ocirc;tel</em> comme du &laquo;&nbsp;salon des Verdurin de la Suisse romande&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;!</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="3_L8217emission_litteraire_et_ce_qu8217elle_fait">3. L&rsquo;&eacute;mission litt&eacute;raire et ce qu&rsquo;elle fait</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Ind&eacute;pendamment de ces ph&eacute;nom&egrave;nes qui sont largement li&eacute;es &agrave; l&rsquo;&eacute;volution de l&rsquo;audiovisuel de service public, l&rsquo;&eacute;mission litt&eacute;raire a des effets importants au sein d&rsquo;un espace litt&eacute;raire &laquo;&nbsp;p&eacute;riph&eacute;rique&nbsp;&raquo; comme celui de la Suisse romande&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>. Outre la valorisation d&rsquo;auteurs du cru, c&rsquo;est l&rsquo;ensemble du milieu litt&eacute;raire r&eacute;gional qui trouve via un m&eacute;dia couvrant l&rsquo;ensemble du territoire suisse francophone une caisse de r&eacute;sonance privil&eacute;gi&eacute;e. Parall&egrave;lement aux &eacute;crivains, les &eacute;missions font la part belle aux &eacute;diteurs mais aussi aux libraires, aux critiques, &agrave; certains universitaires, ainsi qu&rsquo;aux traducteurs. Enfin, les &eacute;crivains y interviennent sous plusieurs casquettes, aussi bien en tant qu&rsquo;interview&eacute; et intervieweur. Si rares sont les auteurs stipendi&eacute;s par la radio et la t&eacute;l&eacute;vision, cet aspect ne saurait &ecirc;tre tenu comme de port&eacute;e n&eacute;gligeable&nbsp;; mais ce sont surtout les retomb&eacute;es sociales et symboliques de ces apparitions r&eacute;currentes qu&rsquo;il s&rsquo;agit de souligner, la p&eacute;riode de plein &eacute;panouissement des &eacute;missions litt&eacute;raires correspondant au moment de la prise de conscience d&rsquo;une &laquo;&nbsp;nouvelle litt&eacute;rature romande&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>. Le caract&egrave;re distinctif de celle-ci passe par un rapport aux m&eacute;dias que certains voudront articuler en d&eacute;calage vis-&agrave;-vis des usages parisiens, qu&rsquo;il s&rsquo;agisse de posture (ou de &laquo;&nbsp;parlure&nbsp;&raquo;) ou de sc&eacute;nographie, accentuant une forme de symbiose avec un certain environnement et un paysage. Au niveau des contenus, les &eacute;missions interrogent fr&eacute;quemment la sp&eacute;cificit&eacute; de la production litt&eacute;raire r&eacute;gionale ou encore le rapport &agrave; Paris. Si elles tendent g&eacute;n&eacute;ralement &agrave; la c&eacute;l&eacute;bration d&rsquo;une cr&eacute;ation &laquo;authentique&raquo; pr&eacute;munie des effets de mode et des coups &eacute;ditoriaux, elles n&rsquo;en soulignent pas moins &eacute;galement certains errements de la politique culturelle helv&eacute;tique et la grande solitude des acteurs artistiques dans le pays.</p> <p style="text-align: justify;">Deux autres caract&eacute;ristiques de ces productions m&eacute;diatiques doivent encore &ecirc;tre soulign&eacute;es. La radio surtout contribue &agrave; mettre tout particuli&egrave;rement en exergue certains genres dont la l&eacute;gitimit&eacute; purement litt&eacute;raire est moindre. Sans revenir ici sur le cas tr&egrave;s particulier du th&eacute;&acirc;tre, on mentionnera les tr&egrave;s nombreuses &eacute;missions consacr&eacute;es &agrave; la po&eacute;sie. Mousse Boulanger, journaliste et po&egrave;te, est productrice avec son mari, le com&eacute;dien Pierre Boulanger, de plusieurs &eacute;missions consacr&eacute;es &agrave; la po&eacute;sie&nbsp;: les potentialit&eacute;s du m&eacute;dia et cet investissement d&eacute;termin&eacute; au service d&rsquo;un genre plut&ocirc;t confidentiel contribuent &agrave; conf&eacute;rer un autre statut &agrave; plusieurs po&egrave;tes de la r&eacute;gion. Sur un tout autre plan, l&rsquo;ouverture des &eacute;missions &agrave; la litt&eacute;rature europ&eacute;enne et mondiale ne saurait &ecirc;tre pass&eacute;e sous silence. En t&eacute;moigne la pr&eacute;sence non anecdotique de traducteurs mais &eacute;galement de nombreux auteurs francophones (fran&ccedil;ais, belges, qu&eacute;becois, ha&iuml;tiens) mais aussi non francophones&nbsp;: pour se limiter aux &eacute;missions radiophoniques de notre corpus, on peut mentionner Pier Maria Pasinetti (1963), Italo Calvino (1966), Carlo Cassola (1966), Natalia Ginzburg (1980) pour le domaine italien, le Hongrois Josef Silagi (1963), le Roumain Virgil Gheorghiu (1966), le Polonais Constantin Jelenski (1967), les Russes Zinoviev (d&egrave;s 1977) et Vladimir Volkoff (1979), le Britannique Lawrence Durrell (1981), etc.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="4_Ressources_et_originalites_de_tels_corpus_trois_exemples">4. Ressources et originalit&eacute;s de tels corpus : trois exemples</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Devant l&rsquo;&eacute;mergence de corpus documentant les &oelig;uvres et la vie litt&eacute;raire, on peut se demander si les interventions en radio et t&eacute;l&eacute;vision sont &agrave; consid&eacute;rer comme de simples commentaires joints &agrave; un ouvrage, ou s&rsquo;ils constituent une extension du domaine de l&rsquo;&oelig;uvre dont l&rsquo;histoire litt&eacute;raire gagnerait &agrave; prendre toute la mesure. Autrement dit, la question se pose de savoir ce que les sources radio-tv font &agrave; la documentation de l&rsquo;histoire litt&eacute;raire. Que se passe-t-il lorsque l&rsquo;&oelig;uvre s&rsquo;&eacute;tend et se r&eacute;fl&eacute;chit, dans les formats audiovisuels, au-del&agrave; m&ecirc;me du livre&nbsp;? Et quelles sont les cons&eacute;quences de cette nouvelle sc&egrave;ne de discours sur les &eacute;crits&nbsp;?</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="41Jacques_Chessex">4.1.&nbsp;Jacques Chessex</span></h3> <p style="text-align: justify;">Le premier exemple touche &agrave; un ensemble d&rsquo;&eacute;missions auxquelles participe l&rsquo;&eacute;crivain Jacques Chessex (1934-2009). &Agrave; propos de cet auteur tr&egrave;s m&eacute;diatis&eacute; en Suisse comme en France, on s&rsquo;interrogera sur la fonction de cette pr&eacute;sence aussi constante que diversifi&eacute;e&nbsp;: tr&egrave;s souvent sollicit&eacute; par la radio et la t&eacute;l&eacute;vision, notamment au moment de sa cons&eacute;cration parisienne (prix Goncourt 1973 pour <em>L&rsquo;Ogre</em>, chez Grasset), Chessex participe en effet aux &eacute;missions litt&eacute;raires &agrave; divers titres&nbsp;: chroniqueur, &eacute;crivain interview&eacute;, t&eacute;moin. La pluralit&eacute; des r&ocirc;les que permettent les &eacute;missions litt&eacute;raires (le m&ecirc;me ph&eacute;nom&egrave;ne a d&eacute;j&agrave; &eacute;t&eacute; remarqu&eacute; &agrave; propos de la presse &eacute;crite) exigent des auteurs une adaptation de leur discours. Ainsi Chessex accorde-t-il nombre d&rsquo;interviews. Dans<em> La Librairie des ondes</em> du 22 avril 1982, l&rsquo;&eacute;crivain et journaliste G&eacute;rard Valbert,&nbsp; producteur de l&rsquo;&eacute;mission, s&rsquo;entretient avec lui de son roman <em>Judas le transparent </em>(Grasset) dans la rubrique &laquo;&nbsp;Le livre de la semaine&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>. Dans <em>La Semaine litt&eacute;raire </em>du 3 novembre 1971, le m&ecirc;me Valbert pr&eacute;sente <em>Carabas</em> (&eacute;d. Cahiers de la Renaissance vaudoise). Face &agrave; l&rsquo;auteur, et sans quitter le registre de la complicit&eacute;, il fait l&rsquo;hypoth&egrave;se d&rsquo;un livre c&eacute;linien, au ton nombriliste et narcissique. Chessex r&eacute;agit &agrave; cette remarque en &eacute;non&ccedil;ant lui-m&ecirc;me le propos critique qu&rsquo;il aurait souhait&eacute; entendre. Le voil&agrave; qui se d&eacute;double d&rsquo;auteur en critique autoris&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;aimerais bien qu&rsquo;on consid&egrave;re aussi ce livre comme un grand moment de style &raquo;&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>.&nbsp; Autre r&ocirc;le, celui d&rsquo;acteur et de t&eacute;moin d&rsquo;une &eacute;poque de la litt&eacute;rature romande&nbsp;: le 19 septembre 1973, moins de deux mois avant le prix Goncourt, Chessex est interview&eacute;, avec son ami Fran&ccedil;ois Nourissier, conseiller litt&eacute;raire de Grasset, &agrave; propos &laquo;&nbsp;de la litt&eacute;rature romande et du roman <em>L&rsquo;Ogre&nbsp;</em>&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>. Les deux invit&eacute;s &eacute;voquent ensemble la vitalit&eacute; nouvelle de la litt&eacute;rature romande, dans le sillage d&rsquo;un int&eacute;r&ecirc;t m&eacute;diatique pour la diversit&eacute; de la francophonie. Dans une &eacute;mission consacr&eacute;e &agrave; &laquo;&nbsp;Vingt ans de litt&eacute;rature en Suisse romande&nbsp;&raquo;, Chessex endosse le r&ocirc;le de l&rsquo;&eacute;crivain consacr&eacute; &eacute;voquant ses d&eacute;buts litt&eacute;raires. Apr&egrave;s deux s&eacute;quences consacr&eacute;es respectivement aux revues romandes de l&rsquo;apr&egrave;s-guerre, puis aux &eacute;ditions Bertil Galland, l&rsquo;&eacute;crivain s&rsquo;exprime sur &laquo;&nbsp;la biblioth&egrave;que de mes vingt ans&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>. &Agrave; travers ses souvenirs de lecture, il &eacute;bauche une histoire de la formation des jeunes &eacute;crivains des ann&eacute;es 1950. La po&egrave;te et journaliste Mousse Boulanger, amie de Chessex, lui fait dire combien tr&egrave;s t&ocirc;t, vers 11-12 ans, il a commenc&eacute; &agrave; lire de la po&eacute;sie. L&rsquo;&eacute;crivain ajoute&nbsp;: &laquo;&nbsp;Sans forfanterie, &agrave; vingt ans je savais <em>Les Fleurs du mal</em> &agrave; peu pr&egrave;s par c&oelig;ur&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Jacques Chessex se trouve encore sollicit&eacute; &agrave; titre d&rsquo;&eacute;crivain pour tenir un &laquo;&nbsp;Carnet de l&rsquo;&eacute;crivain&nbsp;&raquo; dans l&rsquo;&eacute;mission <em>Empreintes</em>. Il dispose d&rsquo;une carte blanche pour s&rsquo;exprimer, lire ses propres textes ou ses r&eacute;flexions sur la vie culturelle. Au sein de notre corpus, Chessex assure &agrave; six reprises cette rubrique r&eacute;guli&egrave;re tenue par plusieurs auteurs romands et commune &agrave; deux &eacute;missions, <em>La Librairie des ondes</em> (entre 1979-1981) et <em>Empreintes </em>(entre 1982-1987). Un &laquo;&nbsp;Carnet&nbsp;&raquo; dure six minutes environ. Chessex y lit ses propres textes r&eacute;cemment parus, il ne s&rsquo;agit donc pas de cr&eacute;ation radiophonique. Il y pr&eacute;sente aussi deux ouvrages r&eacute;cents d&rsquo;auteurs fran&ccedil;ais qu&rsquo;il appr&eacute;cie. De mani&egrave;re plus g&eacute;n&eacute;rale, si certains carnets s&rsquo;inscrivent dans le registre du &laquo;morceau choisi&raquo;, d&rsquo;autres d&eacute;veloppent une r&eacute;flexion m&eacute;tapo&eacute;tique ou profitent de cet espace pour d&eacute;velopper un propos plus pol&eacute;mique.</p> <p style="text-align: justify;">Dernier r&ocirc;le attribu&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;crivain, celui de critique et de commentateur de l&rsquo;histoire litt&eacute;raire. L&rsquo;&eacute;mission t&eacute;l&eacute;vis&eacute;e <em>H&ocirc;tel</em> consacre un hommage &agrave; Flaubert, le 9 mai 1991&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>, &agrave; l&rsquo;occasion de deux essais r&eacute;cents que lui consacrent Jacques Chessex et Roger Kempf. Arborant &agrave; l&rsquo;&eacute;cran une moustache flaubertienne d&eacute;j&agrave; remarqu&eacute;e par la presse, Chessex se place dans une filiation r&eacute;v&eacute;rencieuse &agrave; l&rsquo;&eacute;gard du ma&icirc;tre. L&rsquo;&eacute;vocation de l&rsquo;esth&eacute;tique flaubertienne permet de souligner la continuit&eacute; entre celle-ci et celle du romanesque chessexien. Dans les termes de Max Weber, on dira que le m&eacute;diateur-passeur r&eacute;colte une bonne partie du b&eacute;n&eacute;fice c&eacute;r&eacute;moniel &agrave; son profit. &Agrave; ce sujet, un point commun est &agrave; souligner dans la s&eacute;rie d&rsquo;&eacute;missions d&rsquo;&laquo;&nbsp;hommages&nbsp;&raquo; que regroupe notre corpus&nbsp;: une nette persistance du religieux est perceptible dans le rituel de c&eacute;l&eacute;bration litt&eacute;raire. Le sacerdoce est certes devenu la&iuml;c, depuis le si&egrave;cle pr&eacute;c&eacute;dent, mais la rh&eacute;torique demeure inspir&eacute;e de la sph&egrave;re religieuse. Ainsi dominent les formules courantes de l&rsquo;&eacute;loge fun&egrave;bre. Par exemple, C.&nbsp;F.&nbsp;Ramuz, est pr&eacute;sentifi&eacute; (&laquo;&nbsp;nous l&rsquo;aimons&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;il est parmi nous&nbsp;&raquo;) tel un anc&ecirc;tre tot&eacute;mique. De m&ecirc;me l&rsquo;&eacute;diteur Bertil Galland parle de la nouvelliste Corinna Bille, peu apr&egrave;s son d&eacute;c&egrave;s, comme d&rsquo;un &laquo;&nbsp;ange terrestre&nbsp;&raquo;. Enfin, nombre d&rsquo;&laquo;&nbsp;hommages&nbsp;&raquo; sont accompagn&eacute;s de musique classique&nbsp;: un lien de connotation ou d&rsquo;affinit&eacute; est ainsi postul&eacute; entre les publics de la litt&eacute;rature et ceux de la musique classique.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="42Anne-Lise_Grobety">4.2.&nbsp;&nbsp;Anne-Lise Grob&eacute;ty</span></h3> <p style="text-align: justify;">Le deuxi&egrave;me exemple des int&eacute;r&ecirc;ts et ressources d&rsquo;un tel corpus audiovisuel porte sur l&rsquo;aspect genr&eacute; de la repr&eacute;sentation des &eacute;crivains, ici &agrave; partir d&rsquo;une &eacute;mission consacr&eacute;e &agrave; Anne-Lise Grob&eacute;ty (1949-2010). Le genre du portrait t&eacute;l&eacute;visuel fournit un bon exemple de l&rsquo;impact ambivalent de la m&eacute;diatisation&nbsp;: celle-ci assure &agrave; la fois une forme de cons&eacute;cration mais simultan&eacute;ment elle impose ses codes de repr&eacute;sentation des femmes en litt&eacute;rature, sans &eacute;chapper aux clich&eacute;s du temps. L&rsquo;&eacute;mission t&eacute;l&eacute;visuelle <em>La Voix au</em> <em>chapitre</em>, produite par Catherine Charbon et r&eacute;alis&eacute;e par Philippe Grand, propose une formule de portrait, intitul&eacute;e toujours &laquo;&nbsp;Trois jours avec&hellip;&nbsp;&raquo;, m&ecirc;me si une unique &eacute;mission se d&eacute;ploie sur une plus longue dur&eacute;e, &laquo;&nbsp;Quatre jours avec Alexandre Voisard&nbsp;&raquo;. En 20 &agrave; 30 minutes, ce reportage recourt massivement au genre m&eacute;diatique de l&rsquo;entretien. L&rsquo;&eacute;mission est mont&eacute;e &agrave; partir d&rsquo;images prises sur le vif, hors studio, durant les trois (ou quatre) jours o&ugrave; l&rsquo;&eacute;quipe de tournage a accompagn&eacute; le quotidien d&rsquo;un &eacute;crivain. Ainsi, suit-on Alexandre Voisard dans sa librairie-papeterie, Nicolas Bouvier dans son atelier d&rsquo;iconographe, Anne-Lise Grob&eacute;ty dans un bistro de Neuch&acirc;tel et Corinna Bille en for&ecirc;t. Sous l&rsquo;&oelig;il de la cam&eacute;ra, les &eacute;crivains pr&eacute;parent un repas, rencontrent des amis ou aident leurs enfants dans leurs devoirs scolaires. Ainsi s&rsquo;&eacute;laborent aussi, plus ou moins consciemment, diverses postures publiques d&rsquo;auteurs invit&eacute;s &agrave; d&eacute;voiler une partie de leur vie. En esquissant ainsi le portrait de l&rsquo;&eacute;crivain en personne ordinaire, l&rsquo;&eacute;mission en fait aussi des &ecirc;tres accessibles, figures d&rsquo;identification possibles pour les t&eacute;l&eacute;spectateurs. Cette approche s&rsquo;accorde avec l&rsquo;aspiration de la t&eacute;l&eacute;vision &ndash; m&eacute;dium de masse par excellence &ndash; &agrave; offrir des contenus propres &agrave; s&eacute;duire une audience large et diversifi&eacute;e.</p> <p style="text-align: justify;">&laquo;&nbsp;Trois jours avec Anne-Lise Grob&eacute;ty&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>, pr&eacute;sente une auteure d&eacute;couverte par le Prix Georges-Nicole en 1969 avec <em>Pour mourir en f&eacute;vrier</em> (monologue douloureux d&rsquo;une adolescente). &Acirc;g&eacute;e de 24 ans, elle a publi&eacute; des nouvelles et un livre pour enfants. Elle travaille alors &agrave; un deuxi&egrave;me roman. Membre du Parti socialiste, elle est la plus jeune d&eacute;put&eacute;e du Grand conseil neuch&acirc;telois. Enjou&eacute;e, elle r&eacute;pond de mani&egrave;re vive et pr&eacute;cise &agrave; treize questions en quinze minutes d&rsquo;entretien. Sachant que le droit de vote des femmes n&rsquo;a &eacute;t&eacute; obtenu en Suisse qu&rsquo;en 1971, comment repr&eacute;sente-t-on les activit&eacute;s et les engagements de cette jeune femme&nbsp;? La voil&agrave; en promenade, en ville, mais surtout &agrave; domicile, jouant avec un enfant et un chat, &eacute;coutant de la musique classique (Schubert, <em>La Jeune fille et la mort</em>), confectionnant un g&acirc;teau et &eacute;crivant le soir&nbsp;: alors qu&rsquo;un &eacute;crivain de sexe masculin, &agrave; cette &eacute;poque, aurait &eacute;t&eacute; film&eacute; dans son bureau ou devant sa biblioth&egrave;que, la jeune auteure est mise en sc&egrave;ne devant la table de cuisine qui lui sert d&rsquo;&eacute;critoire. Grob&eacute;ty appara&icirc;t aussi en pleine discussion avec son mari, de culture scientifique, qui parle sans complaisance des livres de son &eacute;pouse&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;excuse un livre dans la mesure o&ugrave; il est utile&hellip; 95% de la litt&eacute;rature c&rsquo;est du gadget inutile.&nbsp;&raquo; lance-t-il. Selon lui, la meilleure r&eacute;ussite d&rsquo;Anne-Lise Grob&eacute;ty, c&rsquo;est encore le livre pour enfants&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">Mais la t&eacute;l&eacute;vision ne pr&eacute;sente pas qu&rsquo;un contexte de vie quotidienne, elle documente aussi le processus m&ecirc;me de l&rsquo;&eacute;criture. La romanci&egrave;re neuch&acirc;teloise r&eacute;dige un texte lu simultan&eacute;ment en voix off, qui &eacute;voque divers objets visibles &agrave; l&rsquo;&eacute;cran. Une cam&eacute;ra&nbsp;subjective filme l&rsquo;&eacute;criture en cours, par-dessus l&rsquo;&eacute;paule de Grob&eacute;ty, permettant aux t&eacute;l&eacute;spectateurs d&rsquo;assister &agrave; la naissance d&rsquo;un r&eacute;cit. L&rsquo;&eacute;cran devient alors une surface o&ugrave; se mat&eacute;rialise une &eacute;criture et sa graphie singuli&egrave;re&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">La t&eacute;l&eacute;vision a partie li&eacute;e avec la c&eacute;l&eacute;brit&eacute; et la reconnaissance. En ce sens, elle exerce un effet sur l&rsquo;image de l&rsquo;&eacute;crivain. L&rsquo;&eacute;mission fait d&rsquo;ailleurs place &agrave; cette question quand Grob&eacute;ty raconte un cauchemar r&eacute;cent, &agrave; dimension clairement genr&eacute;e&nbsp;: plusieurs hommes la poursuivent de nuit avec des appareils de photos, et, dans sa ville natale, on lui reproche, &laquo;&nbsp;il para&icirc;t que tu ne salues plus personne&nbsp;!&nbsp;&raquo;. Malaise li&eacute; au succ&egrave;s public, avec pour corollaire la suspicion d&rsquo;une forme d&rsquo;orgueil. En effet, pour Grob&eacute;ty, la cam&eacute;ra n&rsquo;est pas sans poser probl&egrave;me, car elle constitue un dispositif qui privil&eacute;gie le regard d&rsquo;une machine &agrave; la parole partag&eacute;e, au risque de remplacer l&rsquo;&eacute;change par une spectacularisation artificielle&nbsp;: &laquo;&nbsp;&hellip; je suis pas regardable, je suis l&agrave; pour m&rsquo;exprimer aussi&hellip; j&rsquo;&eacute;tais angoiss&eacute;e par cette approche que vous aviez de moi uniquement par une machine [la cam&eacute;ra]. Alors il fallait que quelqu&rsquo;un me dise quelque chose et que je lui dise quelque chose.&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a></p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="43Nicolas_Bouvier">4.3.&nbsp;Nicolas Bouvier</span></h3> <p style="text-align: justify;">Le troisi&egrave;me et dernier exemple porte sur les sources audiovisuelles comme documentation de l&rsquo;&oelig;uvre et questionne la pr&eacute;sence m&eacute;diatique de Nicolas Bouvier (1929-1998). Nous avons &eacute;voqu&eacute; la pluralit&eacute; et l&rsquo;interchangeabilit&eacute; des fonctions occup&eacute;es par les auteurs dans les &eacute;missions litt&eacute;raires romandes. Ainsi, Nicolas Bouvier collabore-t-il de mani&egrave;re alimentaire &agrave; diverses formules t&eacute;l&eacute;vis&eacute;es&nbsp;: le 28 janvier 1975, il est cobaye dans une &eacute;mission m&eacute;dicale, <em>Dimensions</em>, consacr&eacute;e au sommeil&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>&nbsp;: on lui implante des &eacute;lectrodes pour &eacute;tudier son sommeil et ses r&ecirc;ves. Le m&eacute;decin lui demande si, en tant qu&rsquo;&eacute;crivain, il utilise son mat&eacute;riel onirique&hellip; Le 9 octobre 1974, le voil&agrave; journaliste-pr&eacute;sentateur &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision pour une &eacute;mission jeunesse, <em>5 &agrave; 6 des jeunes&nbsp;</em><a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>. Il y pr&eacute;sente l&rsquo;Inde, montrant des villes sur la carte avec une baguette, comme le ferait un enseignant. En mars 1983, Bouvier commente son propre reportage, &laquo;&nbsp;Pacifisme&nbsp;&raquo;, pour l&rsquo;&eacute;mission de politique et soci&eacute;t&eacute; <em>Temps pr&eacute;sent</em>, consacr&eacute;e aux mouvements de Berlin. Enfin, l&rsquo;&eacute;crivain genevois intervient &eacute;videmment dans diverses &eacute;missions &agrave; titre d&rsquo;&eacute;crivain&nbsp;: &agrave; la radio, il donne un &laquo;&nbsp;Carnet de l&rsquo;&eacute;crivain&nbsp;&raquo; (<em>Empreintes</em>, 5 octobre 1983) ainsi qu&rsquo;un entretien&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Mais venons-en &agrave; un exemple pr&eacute;cis et, croyons-nous, assez rare. Le portrait &laquo;&nbsp;Trois jours avec Nicolas Bouvier&nbsp;&raquo; de <em>La Voix au chapitre&nbsp;</em><a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a> mobilise un format de reportage identique &agrave; celui de la rencontre avec Anne-Lise Grob&eacute;ty, en 33 minutes. On y voit l&rsquo;&eacute;crivain dans trois lieux significatifs&nbsp;: son atelier d&rsquo;iconographe, la cuisine de sa maison de Cologny, en famille avec son &eacute;pouse &Eacute;liane et son fils a&icirc;n&eacute;, enfin son bureau d&rsquo;&eacute;criture. Film&eacute; dans son atelier, Bouvier se pr&eacute;sente comme &laquo;&nbsp;photographe&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;documentaliste&nbsp;&raquo;-iconographe (&laquo;&nbsp;Je suis chercheur d&rsquo;images&nbsp;&raquo;). Pour divers &eacute;diteurs, il a r&eacute;alis&eacute; l&rsquo;iconographie d&rsquo;ouvrages sur l&rsquo;&eacute;lectricit&eacute;, sur l&rsquo;histoire de la m&eacute;decine, ainsi que douze volumes consacr&eacute;s &agrave; l&rsquo;espionnage. Interrog&eacute; sur <em>L&rsquo;Usage du monde</em>, il d&eacute;clare&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je ne me consid&egrave;re pas comme un &eacute;crivain, plut&ocirc;t un voyageur qui a &eacute;crit. Pour moi, &eacute;crire est ma mani&egrave;re de r&eacute;fl&eacute;chir.&nbsp;&raquo; Saisi dans son bureau d&rsquo;&eacute;criture, cette fois, Bouvier pr&eacute;sente le projet de son prochain r&eacute;cit, une angoissante exp&eacute;rience v&eacute;cue &agrave; Ceylan lors de son p&eacute;riple asiatique. Il s&rsquo;agit des travaux pr&eacute;paratoires &agrave; ce qui deviendra <em>Le Poisson scorpion</em> (1982, Prix des Critiques). Bouvier commente les supports sur lesquels il prend les premi&egrave;res notes avant r&eacute;daction&nbsp;: plans, notes, images, documents divers et insectes dessin&eacute;s&nbsp;<a href="#_ftn32" name="_ftnref32">[32]</a>. Sur l&rsquo;une des planches murales de son bureau appara&icirc;t le titre du roman en pr&eacute;paration&nbsp;: &laquo;&nbsp;La Zone de silence&nbsp;&raquo;. Durant un long travelling rapproch&eacute;, la cam&eacute;ra parcourt le mur et capte des inscriptions diverses parmi lesquelles des citations de C&eacute;line, Silesius ou Paracelse, aux c&ocirc;t&eacute;s de notes personnelles. Celles-ci donnent mati&egrave;re &agrave; une critique g&eacute;n&eacute;tique de nature transm&eacute;diale, puisque le document t&eacute;l&eacute;visuel livre un &eacute;tat interm&eacute;diaire de cette derni&egrave;re. La diff&eacute;rence entre la captation audiovisuelle de l&rsquo;&eacute;bauche et sa conservation sous forme physique r&eacute;side dans le fait que les brouillons et manuscrits restent g&eacute;n&eacute;ralement en possession priv&eacute;e ou confin&eacute;s dans des archives o&ugrave; ils sont soumis &agrave; des restrictions de consultation, tandis que leur reproduction peut &ecirc;tre diffus&eacute;e en masse &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision, et cela avant m&ecirc;me la publication du livre. Rien d&rsquo;anodin ici, car l&rsquo;&eacute;mission produit litt&eacute;ralement sous les yeux du spectateur une &oelig;uvre qui n&rsquo;a pas encore atteint son &eacute;tat publiable ou public. Assur&eacute;ment, il s&rsquo;agit d&rsquo;un document rare et instructif sur la gen&egrave;se de l&rsquo;&eacute;criture de Nicolas Bouvier. En plus de donner &agrave; lire publiquement un fragment d&rsquo;&eacute;crit avant m&ecirc;me son ach&egrave;vement et de l&rsquo;int&eacute;grer au portrait de l&rsquo;auteur au travail, l&rsquo;archive t&eacute;l&eacute;visuelle &ndash; qui ne saurait toutefois &ecirc;tre r&eacute;duite &agrave; cette seule dimension &ndash; compl&egrave;te ici avec profit la documentation &eacute;crite laiss&eacute;e par l&rsquo;auteur (dont certaines pi&egrave;ces ne sont que rarement conserv&eacute;es dans leur contexte d&rsquo;usage premier).</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="5_Conclusions">5. Conclusions</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Apr&egrave;s ce parcours d&rsquo;un corpus d&rsquo;environ 160 sons et images s&eacute;lectionn&eacute;s dans les archives de la RTS dans six &eacute;missions et sur une trentaine d&rsquo;ann&eacute;es, plusieurs &eacute;l&eacute;ments se d&eacute;gagent quant &agrave; l&rsquo;&eacute;volution des &eacute;missions litt&eacute;raires durant cette p&eacute;riode. Avec cet ensemble, adoss&eacute; &agrave; une histoire plus longue des m&eacute;dias en Suisse, on dispose d&rsquo;abord d&rsquo;un premier point de vue comparatif avec les travaux fran&ccedil;ais portant sur la m&ecirc;me p&eacute;riode. Ces &eacute;l&eacute;ments renseignent ensuite sur la mani&egrave;re sp&eacute;cifique dont le service public suisse envisage la m&eacute;diatisation de la vie litt&eacute;raire, en se r&eacute;f&eacute;rant &agrave; la fois &agrave; la sc&egrave;ne m&eacute;diatique parisienne (attention, adaptation et d&eacute;marcation &agrave; l&rsquo;&eacute;gard d&rsquo;<em>Apostrophes</em>) et &agrave; sa propre tradition radio et t&eacute;l&eacute;visuelle.</p> <p style="text-align: justify;">Soulignons le souci constant, entre 1960-1990, de proposer une forme de m&eacute;diation de la litt&eacute;rature pour un large public. Pour ce faire, les producteurs de la radio-t&eacute;l&eacute;vision romande misent sur l&rsquo;extr&ecirc;me plasticit&eacute; et diversit&eacute; des formats d&rsquo;&eacute;missions (entretien, d&eacute;bat, portrait), ainsi que sur la pluralit&eacute; de rubriques. &Agrave; ce titre, il est frappant de voir comment le dispositif m&eacute;diatique recourt &agrave; des genres de discours qui lui pr&eacute;existent (entretien, chronique, hommage, billet) et invente ses formes sp&eacute;cifiques (le vaste domaine de la cr&eacute;ation radiophonique).</p> <p style="text-align: justify;">Les &eacute;missions donnent la parole &agrave; des auteurs &agrave; divers titres (&eacute;crivain, t&eacute;moin, critique, animateur-journaliste) et &agrave; la plupart des acteurs du champ litt&eacute;raire (&eacute;diteurs, libraires, lecteurs, biblioth&eacute;caires, etc.). Les &eacute;missions de radio, ainsi, sont elles-m&ecirc;mes souvent r&eacute;alis&eacute;es par des journalistes-&eacute;crivains, comme Yvette Z&rsquo;Graggen, G&eacute;rard Valbert ou Mousse Boulanger, qui entretiennent des liens de sociabilit&eacute; intenses dans le milieu litt&eacute;raire.</p> <p style="text-align: justify;">Les sources audiovisuelles offrent un contrepoint documentaire important aux traditionnelles sources de l&rsquo;histoire litt&eacute;raire. Plus qu&rsquo;un ensemble de donn&eacute;es suppl&eacute;mentaires, elles constituent une extension de la litt&eacute;rature hors du livre. Dans le cas de la cr&eacute;ation radiophonique ou de formats sp&eacute;cifiques comme le &laquo;&nbsp;billet&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;carnet&nbsp;&raquo;, susceptibles d&rsquo;&ecirc;tre ensuite publi&eacute;s en volume, elles ajoutent une modalit&eacute; &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre imprim&eacute;e et dans certains cas en documentent la gen&egrave;se (Grob&eacute;ty, Bouvier).</p> <p style="text-align: justify;">Croisant des donn&eacute;es de l&rsquo;histoire litt&eacute;raire suisse et fran&ccedil;aise mises en perspectives par l&rsquo;analyse m&eacute;diatique et la sociologie de la litt&eacute;rature, nous avons pu observer la construction de l&rsquo;image de l&rsquo;&eacute;crivain et ses postures publiques dans leur relation aux formats (comme le &laquo;&nbsp;carnet d&rsquo;&eacute;crivain&nbsp;&raquo; pratiqu&eacute; notamment par Jacques Chessex, Yves Velan ou Georges Haldas) et aux genres convoqu&eacute;s (comme le portrait film&eacute;). Cette pr&eacute;sence sonore et visuelle induit une nouvelle &laquo;&nbsp;identit&eacute; m&eacute;diatique&nbsp;&raquo; de l&rsquo;&eacute;crivain&nbsp;<a href="#_ftn33" name="_ftnref33">[33]</a> li&eacute;e &agrave; sa mani&egrave;re d&rsquo;appara&icirc;tre en public. Un travail postural se joue ici, qui porte &agrave; la fois sur l&rsquo;<em>ethos</em> et les conduites non verbales (v&ecirc;tements, gestes, corps, accessoires, etc.) dans un contexte fortement pr&eacute;contraint, d&rsquo;abord, par la sc&egrave;ne sp&eacute;cifique que propose le m&eacute;dia radio/tv&nbsp;: par ses contraintes techniques (formats, rubriques)&nbsp;; par le dispositif-d&eacute;cor du studio&nbsp;; enfin, par les statuts et r&ocirc;les des divers intervenants. Mais aussi, ensuite et en amont, par les macro-contraintes du champ politique quant aux m&eacute;dias, comme l&rsquo;exigence de neutralit&eacute; politique de la radio-t&eacute;l&eacute;vision de service public.</p> <p style="text-align: justify;">Nous sommes accoutum&eacute;s, depuis les premi&egrave;res d&eacute;cennies du xx<sup>e</sup> si&egrave;cle, &agrave; un &eacute;crivain audible puis visible. L&rsquo;&eacute;crivain n&rsquo;est plus repr&eacute;sent&eacute; par le seul livre, mais bien par un compl&eacute;ment de pr&eacute;sence sonore et visuelle. Il ajoute d&eacute;sormais au texte une signature vocale et corporelle. Telles apparaissent ces retrouvailles tardives de la litt&eacute;rature avec la voix et le corps, comme dans la po&eacute;sie antique et chez les troubadours, mais avec une m&eacute;diation suppl&eacute;mentaire, celle, technique, des m&eacute;dias radio et t&eacute;l&eacute;visuels.</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h3> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a> Par exemple, Olivia Rosenthal &amp; Lionel Ruffel (dir.), <em>La Litt&eacute;rature expos&eacute;e</em>, num&eacute;ro th&eacute;matique de <em>Litt&eacute;rature</em>, n&deg;&nbsp;160, 2010&nbsp;; Jan Baetens, <em>&Agrave; voix haute</em>, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2016&nbsp;; Vincent Laisney, <em>En lisant en &eacute;coutant</em>, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2017&nbsp;; J&eacute;r&ocirc;me Meizoz, <em>La litt&eacute;rature &laquo;&nbsp;en personne&nbsp;&raquo;. Sc&egrave;ne m&eacute;diatique et formes d&rsquo;incarnation</em>, Gen&egrave;ve, Slatkine, 2016.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a> Voir David Martens, Jean-Pierre Montier, Anne Reverseau (dir.), <em>L&rsquo;&eacute;crivain vu par la photographie. Formes, usages, enjeux</em>, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a> Roger Francillon (dir.), <em>Histoire de la litt&eacute;rature en Suisse romande</em>, &eacute;dition augment&eacute;e, Gen&egrave;ve, Zo&eacute;, 2015.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a> Daniel Maggetti, J&eacute;r&ocirc;me Meizoz, &laquo;&nbsp;Les institutions de la vie litt&eacute;raire en Suisse romande de 1968 &agrave; 1996&nbsp;&raquo;, <em>ibid.</em>, p.&nbsp;1220-1285.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a> <a href="http://memoriav.ch/projects/vocs-voix-de-la-culture-suisse/?lang=fr" target="_blank">http://memoriav.ch/projects/vocs-voix-de-la-culture-suisse/?lang=fr</a> Site consult&eacute; en ao&ucirc;t 2017.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a> <a href="http://memoriav.ch/projects/imvocs/?lang=fr" target="_blank">http://memoriav.ch/projects/imvocs/?lang=fr</a> Site consult&eacute; en ao&ucirc;t 2017.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a> Par exemple Fran&ccedil;oise Fornerod, <em>Alice Rivaz, p&ecirc;cheuse et berg&egrave;re de mots</em>, Gen&egrave;ve, Zo&eacute;, 1998, ou plus r&eacute;cemment Fran&ccedil;ois Vallotton, &laquo;&nbsp;Voix et postures du po&egrave;te&nbsp;: la pr&eacute;sence de Gustave Roud &agrave; la radio et &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision suisse romande&nbsp;&raquo;, dans Philippe Kaenel, Daniel Maggetti (dir.),<em> Gustave Roud. La plume et le regard</em>, Gollion, Infolio, 2015, p.&nbsp;257-271.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a> <a href="http://www.rts.ch/archives/" target="_blank">http://www.rts.ch/archives/</a> Site consult&eacute; en ao&ucirc;t 2017.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a> J&eacute;r&ocirc;me Meizoz, <em>Postures litt&eacute;raires. Mises en sc&egrave;ne modernes de l&rsquo;auteur</em>, Gen&egrave;ve, Slatkine, &laquo;&Eacute;rudition&raquo;, 2007&nbsp;; idem, <em>La Fabrique des singularit&eacute;s. Postures litt&eacute;raires II</em>, Gen&egrave;ve, Slatkine, &laquo;&Eacute;rudition&raquo;, 2011.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a> Patrick Tudoret, <em>L&rsquo;&Eacute;crivain sacrifi&eacute;. Vie et mort de l&rsquo;&eacute;mission litt&eacute;raire</em>, Paris, INA-Le Bord de l&rsquo;eau, &laquo;&nbsp;Penser les m&eacute;dias&nbsp;&raquo;, 2009&nbsp;; Nathalie Heinich, <em>De la visibilit&eacute;. Excellence et singularit&eacute; en r&eacute;gime m&eacute;diatique</em>, Paris, Gallimard, 2012.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a> Philippe Lejeune, &laquo;&nbsp;La Voix de son Ma&icirc;tre. L&rsquo;entretien radiophonique&nbsp;&raquo;, dans Philippe Lejeune, <em>Je est un autre. L&rsquo;autobiographie, de la litt&eacute;rature aux m&eacute;dias</em>, Paris, Seuil, &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;, 1980, p.&nbsp;103-160&nbsp;; Odile Cornuz, <em>D&rsquo;une pratique m&eacute;diatique &agrave; un geste litt&eacute;raire. Le livre d&rsquo;entretien au XX<sup>e </sup>si&egrave;cle</em>, Gen&egrave;ve, Librairie Droz, 2016&nbsp;; Galia Yanoshevsky, &laquo;&nbsp;L&rsquo;entretien litt&eacute;raire. Un objet privil&eacute;gi&eacute; pour l&rsquo;analyse du discours&nbsp;?&nbsp;&raquo;, <em>Argumentation et Analyse du discours</em>, n&deg;&nbsp;12, 2014, <a href="https://aad.revues.org/1622" target="_blank">https://aad.revues.org/1622</a>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a> David Buxton, James Francis (dir.), <em>Les Intellectuels de m&eacute;dias en France</em>, Paris, L&rsquo;Harmattan, 2005&nbsp;; Claude Jaegl&eacute;, <em>L&rsquo;Interview. Artistes et intellectuels face aux journalistes</em>, Paris, Puf, &laquo;&nbsp; Perspectives critiques&nbsp;&raquo;, 2007.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a> Anne-Outram Mott, <em>L&rsquo;&Iota;dentit&eacute; m&eacute;diatique et ses sc&eacute;nographies dans l&rsquo;entretien culturel &agrave; la radio. De la mise en discours de l&rsquo;identit&eacute; de l&rsquo;artiste-&eacute;crivain aux variations de sa mise en sc&egrave;ne dans le dialogue radiophonique</em>, th&egrave;se de doctorat de l&rsquo;Universit&eacute; de Gen&egrave;ve, 1<sup>er</sup> juillet 2011, p.&nbsp;14.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a> Parmi ses nombreux ouvrages, voir Pierre-Marie H&eacute;ron (dir.), <em>Les &Eacute;crivains et la radio</em>, Actes du colloque international de Montpellier (2002), Centre d&rsquo;&eacute;tudes du XXe si&egrave;cle, Universit&eacute; de Montpellier 3 / Institut national de l&rsquo;audiovisuel, 2003.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a> Sur ce contexte, voir Antoine Guenot, <em>Pr&eacute;sence de l&rsquo;&eacute;crivain romand sur les ondes de la Soci&eacute;t&eacute; suisse de radiodiffusion (1931-1940)</em>, M&eacute;moire de licence en histoire de l&rsquo;Universit&eacute; de Lausanne, janvier 2011.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a> Yvette Z&rsquo;Graggen, <em>Une femme au volant de sa vie. Entretiens avec Yvette Z&rsquo;Graggen suivi de</em> Vieille maison &agrave; vendre<em>, sc&eacute;nario in&eacute;dit</em>, Vevey, L&rsquo;Aire, 2016.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a> Jean-Louis Kuffer, &laquo;&nbsp;On cherche &eacute;mission litt&eacute;raire. Les &oelig;uvres &eacute;crites au ventilateur&nbsp;&raquo;, <em>24 Heures</em>, 20 juin 1992.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a> Sur les particularit&eacute;s de l&rsquo;espace &eacute;ditorial romand, voir Fran&ccedil;ois Vallotton, <em>Les Batailles du livre. L&rsquo;&eacute;dition romande de l&rsquo;&acirc;ge d&rsquo;or &agrave; l&rsquo;&egrave;re num&eacute;rique</em>, Lausanne, PPUR, 2014.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a> Manfred Gsteiger, <em>La Nouvelle litt&eacute;rature romande</em> [1974], trad. fr., Vevey, Bertil Galland, 1978.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a> <em>La Librairie des ondes, </em>&laquo;&nbsp;Le livre de la semaine&nbsp;: &ldquo;Judas le transparent&rdquo; de Jacques Chessex&nbsp;&raquo;, Radio suisse romande&nbsp;: deuxi&egrave;me programme, 22 avril 1982.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a> <em>La Semaine litt&eacute;raire</em>, &laquo;&nbsp;Interview de Jacques Chessex: &Agrave; propos de son dernier livre&nbsp;: &ldquo;Carabas&rdquo;&nbsp;&raquo;, Radio suisse romande&nbsp;: premier programme, 3 novembre 1971.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a> <em>La Semaine litt&eacute;raire</em>, &laquo;&nbsp;Interview de Fran&ccedil;ois Nourissier et de Jacques Chessex&nbsp;: &Agrave; propos de la litt&eacute;rature romande et du roman de Chessex &ldquo;L&rsquo;Ogre&rdquo;, Radio suisse romande&nbsp;: deuxi&egrave;me programme, 19 septembre 1973.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a> <em>La Librairie des ondes, </em>&laquo;&nbsp;Vingt ans de litt&eacute;rature en Suisse romande (2/2)&nbsp;&raquo;, Radio suisse romande&nbsp;: deuxi&egrave;me programme, 27 octobre 1976.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a> <em>H&ocirc;tel, </em>&laquo;&nbsp;Le printemps Flaubert&nbsp;&raquo;, T&eacute;l&eacute;vision suisse romande, 9 mai 1981.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a> <em>La Voix au chapitre</em>, &laquo;&nbsp;Trois jours avec Anne-Lise Grob&eacute;ty&nbsp;&raquo;, T&eacute;l&eacute;vision suisse romande, 21 juin 1973.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a> Plusieurs &eacute;l&eacute;ments de cette partie ont b&eacute;n&eacute;fici&eacute; de la remarquable pr&eacute;sentation d&rsquo;une &eacute;tudiante de notre s&eacute;minaire&nbsp;: Selina Follonier, &laquo;&nbsp;&ldquo;Trois jours avec&hellip;&rdquo; ou la litt&eacute;rature au quotidien. &Eacute;crivains et &eacute;criture au prisme de l&rsquo;entretien-reportage t&eacute;l&eacute;vis&eacute; (1973-1976)&nbsp;&raquo;, s&eacute;minaire de Master, Universit&eacute; de Lausanne, automne 2017, 23 p.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a> <em>La Voix au chapitre</em>, &laquo;&nbsp;Trois jours avec Anne-Lise Grob&eacute;ty&nbsp;&raquo;, <em>op.&nbsp;cit</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a> <em>Dimensions, </em>&laquo;&nbsp;Le sommeil&nbsp;&raquo;, T&eacute;l&eacute;vision suisse romande, 28 janvier 1975.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a> <em>5 &agrave; 6 des jeunes</em>, &laquo;&nbsp;Bourlinguer en Inde&nbsp;&raquo;, T&eacute;l&eacute;vision suisse romande, 9 octobre 1974.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a> <em>La Librairie des ondes, </em>&laquo;&nbsp;<em>L&rsquo;Usage du monde</em>. Interview de l&rsquo;&eacute;crivain Nicolas Bouvier&nbsp;&raquo;, Radio suisse romande&nbsp;: deuxi&egrave;me programme, 27 juillet 1982.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a> <em>La Voix au chapitre</em>, &laquo;&nbsp;Trois jours avec Nicolas Bouvier&nbsp;&raquo;, T&eacute;l&eacute;vision suisse romande, 22 septembre 1975.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref32" name="_ftn32">[32]</a> <em>Ibid</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref33" name="_ftn33">[33]</a> Voir Anne-Outram Mott, <em>op.cit</em>.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="Auteurs">Auteurs</span></h3> <p style="text-align: justify;"><strong>J&eacute;r&ocirc;me Meizoz</strong> est professeur associ&eacute; de litt&eacute;rature fran&ccedil;aise &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; de Lausanne. Parmi ses ouvrages critiques&nbsp;: <em>L&rsquo;&Acirc;ge du roman parlant 1919-1939</em>, Droz, 2001&nbsp;;&nbsp;<em>Le Gueux philosophe. Jean-Jacques Rousseau</em>, Antipodes, 2003&nbsp;;&nbsp;<em>Confrontations 1994-2004</em>&nbsp;(Antipodes, 2005)&nbsp;;&nbsp;<em>Postures litt&eacute;raires : mises en sc&egrave;ne modernes de l&rsquo;auteur</em>, Slatkine, &laquo; &Eacute;rudition&raquo;, 2007&nbsp;;&nbsp;<em>La Fabrique des singularit&eacute;s</em>, 2011&nbsp;;&nbsp;<em>La litt&eacute;rature &ldquo;en personne&rdquo;. Sc&egrave;ne m&eacute;diatique et formes d&rsquo;incarnation,</em><em>&nbsp;</em>2016. A particip&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;dition des romans de Ramuz dans la Biblioth&egrave;que de la Pl&eacute;iade (2005) et aux&nbsp;<em>&OElig;uvres compl&egrave;tes</em><em>&nbsp;</em>de Ch.-A. Cingria (L&rsquo;&Acirc;ge d&rsquo;Homme, 2012).</p> <p style="text-align: justify;"><strong>Fran&ccedil;ois Vallotton&nbsp;</strong>est professeur d&rsquo;histoire contemporaine &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; de Lausanne o&ugrave; il enseigne plus sp&eacute;cialement l&rsquo;histoire des m&eacute;dias.&nbsp;Auteur de nombreuses contributions sur l&rsquo;histoire culturelle et intellectuelle de la Suisse, il a notamment consacr&eacute; sa th&egrave;se &agrave; l&rsquo;histoire de l&rsquo;&eacute;dition suisse francophone (<em>L&rsquo;&eacute;dition romande et ses acteurs 1850-1920</em>, Gen&egrave;ve, Slatkine, 2001) et a particip&eacute; de mani&egrave;re r&eacute;guli&egrave;re aux r&eacute;unions internationales (de Sherbrooke en 2000 &agrave; Jinan en 2015) qui ont contribu&eacute; &agrave; d&eacute;velopper une histoire comparative et transnationale du livre, de l&rsquo;imprim&eacute; et de la lecture.&nbsp;Il a aussi d&eacute;velopp&eacute; de nombreux projets d&rsquo;enseignement et de recherche portant sur l&rsquo;histoire de la radio et de la t&eacute;l&eacute;vision dans une perspective suisse mais &eacute;galement transnationale. Parmi ses publications, citons, en relation avec les objets du colloque, la direction de&nbsp;: <em>Culture de masse et culture m&eacute;diatique en Europe et dans les Am&eacute;riques 1860-1940</em>, (2006, avec J.-Y. Mollier et J.-F. Sirinelli) et&nbsp;<em>La radio et la t&eacute;l&eacute;vision en Suisse: histoire de la Soci&eacute;t&eacute; suisse de radiodiffusion et t&eacute;l&eacute;vision SSR de 1983 &agrave; nos jours</em> (2012, avec&nbsp;Theo M&auml;usli et Andreas Steigmeier).</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>Copyright</strong></h3> <p style="text-align: justify;">Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p> </div>