<h3>Abstract</h3> <p>The examination of the relationship between literature and anthropology, which has been underway for several decades, has attracted considerable interest in recent years. These relations have been approached in many ways: consideration of anthropology as a text and examination of its writing games; analysis of fictional processes and the &#39;creative lives&#39; that embody them; exploration of literary narratives as models, albeit imaginary, of situations and worlds that lend themselves to anthropological questioning. Added to this, in literary criticism, was the desire to use questions of this kind to go beyond some of the limits attributed to linguistic and structural formalisms; the widening of the range of texts subjected to analysis, going beyond the most consecrated of them, which made it possible to include travelogues, for example; but also the taking into account, perhaps more across the Atlantic, of the effects of power associated with the production of certain narratives, in the wake of Edward Sa&iuml;d&#39;s famous Orientalism.</p> <p>&nbsp;</p> <p>Entrepris depuis plusieurs d&eacute;cennies, l&rsquo;examen des relations entre litt&eacute;rature et anthropologie a suscit&eacute; ces derni&egrave;res ann&eacute;es un int&eacute;r&ecirc;t manifeste. Ces relations ont pu &ecirc;tre abord&eacute;es de multiples fa&ccedil;ons&nbsp;: consid&eacute;ration de l&rsquo;anthropologie comme texte et examen de ses jeux d&rsquo;&eacute;criture&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>&nbsp;; analyse des processus fictionnels comme des &laquo;&nbsp;vies cr&eacute;atives&nbsp;&raquo; qui les incarnent&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>&nbsp;; explorations des r&eacute;cits litt&eacute;raires comme mod&eacute;lisations, certes imaginaires, de situations et d&rsquo;univers qui se pr&ecirc;tent &agrave; des questionnements anthropologiques&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>. &Agrave; cela s&rsquo;ajoute, du c&ocirc;t&eacute; de la critique litt&eacute;raire, la volont&eacute; de recourir &agrave; des interrogations de cet ordre pour d&eacute;passer certaines des limites pr&ecirc;t&eacute;es aux formalismes linguistiques et structuraux&nbsp;; l&rsquo;&eacute;largissement de l&rsquo;espace des textes soumis &agrave; l&rsquo;analyse, allant au-del&agrave; des plus consacr&eacute;s d&rsquo;entre eux, ce qui permettait d&rsquo;y inclure les r&eacute;cits de voyage par exemple&nbsp;; mais aussi la prise en compte, peut-&ecirc;tre plus outre-Atlantique, des effets de pouvoir associ&eacute;s &agrave; la production de certains r&eacute;cits, dans le sillage du c&eacute;l&egrave;bre&nbsp;<em>Orientalism</em>&nbsp;d&rsquo;Edward Sa&iuml;d&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>.</p> <p>Ce recensement, qui plus est loin d&rsquo;&ecirc;tre exhaustif, sugg&egrave;re s&rsquo;il en &eacute;tait besoin que les analyses de ces relations entre anthropologie et litt&eacute;rature sont aujourd&rsquo;hui assez d&eacute;velopp&eacute;es. Elles se prolongent d&rsquo;ailleurs gr&acirc;ce &agrave; divers d&eacute;placements, en portant par exemple le regard sur des champs connexes, comme la po&eacute;sie&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>. Le choix fait dans ce num&eacute;ro est quelque peu diff&eacute;rent. Il s&rsquo;agit de porter l&rsquo;attention sur deux notions, celles d&rsquo;exotisme et de pittoresque, qui ont occup&eacute; une place importante en anthropologie et dans la litt&eacute;rature, bien qu&rsquo;elle ne soit pas la m&ecirc;me dans chacun de ces domaines. Si cette place justifie l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t que l&rsquo;on peut leur porter, s&rsquo;ajoute &agrave; cela le fait que ces notions ont aussi servi &agrave; la d&eacute;finition des voisinages de ces espaces. L&rsquo;entr&eacute;e par l&rsquo;exotisme et le pittoresque permet ainsi selon nous d&rsquo;examiner le r&ocirc;le que jouent ces cat&eacute;gories dans divers textes et de penser de fa&ccedil;on relationnelle la sp&eacute;cificit&eacute; des &laquo;&nbsp;territoires narratifs&nbsp;&raquo; auxquels ces textes ressortissent.</p> <h2>1. Proximit&eacute;s</h2> <p>Cependant, pourquoi mobiliser ensemble deux termes qui semblent extr&ecirc;mement proches ? Tous les deux sont en effet fr&eacute;quemment accol&eacute;s, et si l&rsquo;exotisme peut sembler renvoyer au lointain et le pittoresque &agrave; des horizons de proximit&eacute;, cette r&eacute;partition appara&icirc;t n&eacute;anmoins fragile ou relative. Le &laquo;&nbsp;voyage pittoresque&nbsp;&raquo;, tel qu&rsquo;il s&rsquo;&eacute;tablit durant les derni&egrave;res d&eacute;cennies du XVIII<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, peut tout &agrave; fait mener vers des contr&eacute;es extra-europ&eacute;ennes. Et l&rsquo;expression parfois employ&eacute;e d&rsquo;&laquo;&nbsp;exotisme du proche&nbsp;&raquo; signifie bien que celui-ci peut se d&eacute;cliner&nbsp;<em>at home</em>. De plus, que l&rsquo;on se situe ici ou l&agrave;-bas, ces deux notions renvoient &agrave; des r&eacute;alit&eacute;s similaires, bigarr&eacute;es ou &eacute;tranges, qui suscitent l&rsquo;attrait, retiennent le regard et frappent l&rsquo;imagination de part leur caract&egrave;re singulier. Elles ne se diff&eacute;rencient pas r&eacute;ellement non plus en fonction des ressorts qu&rsquo;elles mobilisent. Toutes deux sont en effet des cat&eacute;gories cognitives, fond&eacute;es sur le primat accord&eacute; &agrave; la vue (j&rsquo;y &eacute;tais, j&rsquo;ai vu), ce qui a conduit &agrave; ce qu&rsquo;elles aient jou&eacute; (et jouent encore parfois) un r&ocirc;le notable dans plusieurs disciplines. Elles organisent aussi des sch&egrave;mes esth&eacute;tiques de perception et de repr&eacute;sentation, ce qui explique leur pr&eacute;sence active dans divers genres narratifs et dans les arts figuratifs. L&rsquo;emploi de ces sch&egrave;mes esth&eacute;tiques ne n&eacute;cessitent pas obligatoirement d&rsquo;avoir &eacute;t&eacute; sur place, quel que soit le lieu concern&eacute;. Ils peuvent se rapporter &agrave; des choses lues et/ou imagin&eacute;es. Cependant, les modes d&rsquo;exposition &agrave; l&rsquo;&eacute;crit s&rsquo;appuient fr&eacute;quemment sur la dimension visuelle, picturale et descriptive (le tableau, la sc&egrave;ne), de telle sorte que voir, savoir, lire, imaginer et d&eacute;crire constituent en somme une cha&icirc;ne assez unifi&eacute;e dans les textes qui comportent une dimension pittoresque ou exotique.</p> <p>Ces deux caract&eacute;ristiques cognitive et esth&eacute;tique structurent ainsi une fa&ccedil;on sp&eacute;cifique de percevoir le monde et d&rsquo;en rendre compte, de l&rsquo;<em>&eacute;voquer</em>&nbsp;&ndash; soit cette capacit&eacute;, toujours quelque peu magique, de faire appara&icirc;tre des choses, des lieux, des personnes, des atmosph&egrave;res &agrave; l&rsquo;esprit&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>. Les visions du monde et les pouvoirs d&rsquo;&eacute;vocation attach&eacute;s &agrave; ces deux notions sont en effet sous-tendus par des principes de mise en ordre et des tentatives de ma&icirc;trise des &eacute;carts (g&eacute;ographiques, historiques, sociaux ou culturels) s&eacute;parant le sujet de ce &agrave; quoi s&rsquo;applique son regard (un univers, grand ou petit, et les choses et les hommes qui le peuplent). Ces principes concernent certes un art de peindre ou de d&eacute;peindre. Mais la ma&icirc;trise de cet art est aussi li&eacute;e &agrave; des positions sp&eacute;cifiques, celles &agrave; partir desquelles un sujet prend pour objet des r&eacute;alit&eacute;s &eacute;trang&egrave;res et effectue leur mise en ordre, au sens intellectuel comme politique du terme. De ce point de vue, ces r&eacute;alit&eacute;s n&rsquo;appara&icirc;traient que comme la surface de projection pacifi&eacute;e de cadres culturels de r&eacute;f&eacute;rence faisant sens pour l&rsquo;observateur et forg&eacute;s au sein de sa soci&eacute;t&eacute;. Exotisme et pittoresque ne seraient ainsi que les outils parmi d&rsquo;autres d&rsquo;un gouvernement des populations, des diff&eacute;rences et des identit&eacute;s. Aux critiques relatives &agrave; cet aspect s&rsquo;ajouterait celle selon laquelle ces cat&eacute;gories seraient finalement inaptes &agrave; rendre compte des ph&eacute;nom&egrave;nes auxquels elles s&rsquo;appliquent, dont le caract&egrave;re diapr&eacute;, &eacute;tonnant, voire &eacute;nigmatique, leur r&eacute;sisterait. Bref, pittoresque et exotisme rateraient toujours leurs cibles, comme l&rsquo;indique Christina Kullberg dans ce num&eacute;ro.</p> <h2>2. Distinctions</h2> <p>Toutefois, comme nous le soutiendrons ici, exotisme et pittoresque, connexes et bien souvent associ&eacute;s, voire confondus, ne sont pas pour autant &eacute;quivalents. Leurs origines m&ecirc;mes, puis les p&eacute;r&eacute;grinations de leurs significations, ne les associent pas aux m&ecirc;mes registres s&eacute;mantiques. Entr&eacute; dans la langue fran&ccedil;aise au milieu du XVI<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, l&rsquo;exotisme renvoie &agrave; la mat&eacute;rialit&eacute; de biens venant d&rsquo;ailleurs, tout &agrave; tour attirants et d&eacute;cevants si l&rsquo;on suit les analyse de Frank Lestringant &agrave; propos du&nbsp;<em>Quart Livre</em>&nbsp;de Rabelais&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>. Le terme glisse cependant rapidement vers la d&eacute;signation des espaces propres &agrave; ces ailleurs, et finit par &ecirc;tre utilis&eacute; au sens figur&eacute; au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, pour &ecirc;tre appliqu&eacute; aux m&oelig;urs ainsi qu&rsquo;&agrave; des objets d&rsquo;art&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>. Pr&eacute;sent en France &agrave; partir du milieu du XVII<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, le pittoresque renvoie tout d&rsquo;abord &agrave; l&rsquo;acte de composition du peintre, avant d&rsquo;&ecirc;tre utilis&eacute; pour qualifier les ressorts de la repr&eacute;sentation picturale (choix du sujet, couleurs, contraste, etc.), ce qui permet son transfert plus g&eacute;n&eacute;ral dans les arts et la litt&eacute;rature, avant qu&rsquo;il ne soit appliqu&eacute; &agrave; un regard port&eacute; sur des &eacute;l&eacute;ments naturels composant un paysage, puis culturels piquant la curiosit&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>. D&egrave;s lors, outre qu&rsquo;exotisme et pittoresque sont chacun &agrave; accorder au pluriel si l&rsquo;on tient compte de la variabilit&eacute; de leur sens selon les p&eacute;riodes, ce n&rsquo;est qu&rsquo;&agrave; la faveur des glissements s&eacute;mantiques &eacute;voqu&eacute;s ici tr&egrave;s rapidement que les deux termes ont fini par renvoyer &agrave; des &eacute;l&eacute;ments plus ou moins communs et &agrave; des modes de perception et de description proches.</p> <p>Cependant, selon nous, proximit&eacute; n&rsquo;est pas identit&eacute;, notamment en ce qui concerne les perspectives li&eacute;es &agrave; ces notions et les positions qui les sous-tendent. Le pittoresque fait du monde un point de vue, tableau, voire spectacle, dont l&rsquo;observateur n&rsquo;est bien souvent pas r&eacute;ellement d&eacute;rang&eacute; ni par les objets vers lesquels se tourne son regard, ni par les conditions de cette observation, qui ne remettent pas en cause sa qualit&eacute; et sa position. La perspective du pittoresque serait ainsi celle d&rsquo;une diff&eacute;rence ma&icirc;tris&eacute;e, suscitant l&rsquo;attention sans pour autant d&eacute;r&eacute;gler le rapport entretenu &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment, naturel ou culturel, qui incarne cette singularit&eacute;. Si cette derni&egrave;re peut tout &agrave; fait appara&icirc;tre t&eacute;n&eacute;breuse et effroyable, ces deux qualit&eacute;s occasionnent un frisson &laquo;&nbsp;confortable&nbsp;&raquo; plus que scandaleux.</p> <p>L&rsquo;exotisme est lui aussi associ&eacute; &agrave; une perspective. N&eacute;anmoins, les logiques relationnelles qui l&rsquo;animent ne sont pas identiques &agrave; celles du pittoresque. Elles combinent proximit&eacute; et distance, d&eacute;couverte en l&rsquo;autre du comparable et, inversement, de l&rsquo;&eacute;tranget&eacute; en soi, jeux de miroir entre similitude et diff&eacute;rence maintenant n&eacute;anmoins cette alt&eacute;rit&eacute; et cette &eacute;tranget&eacute; dans leur irr&eacute;ductibilit&eacute;. Ce n&rsquo;est donc que sous des conditions bien particuli&egrave;res, celles de l&rsquo;expansion des soci&eacute;t&eacute;s dites occidentales notamment, que cet exotisme a pu voir r&eacute;duite &agrave; l&rsquo;univocit&eacute;&nbsp;et &agrave; l&rsquo;unilat&eacute;ralit&eacute; la relation qui le constitue&nbsp;: plut&ocirc;t s&ucirc;r de sa position, l&rsquo;observateur/descripteur traite alors le r&eacute;el comme une sc&egrave;ne dont il retient des contenus marqu&eacute;s par leur bizarrerie et le caract&egrave;re chatoyant de leurs couleurs. Et ce serait finalement dans ce cas, celui d&rsquo;un rapport de pouvoir, que pittoresque et exotisme seraient &agrave; m&ecirc;me de se confondre, ce qui a conduit &agrave; leur critique conjointe. Ce rapprochement entre les deux cat&eacute;gories n&rsquo;est d&rsquo;ailleurs pas uniquement associ&eacute; &agrave; des conditions politiques de possibilit&eacute;. Ces conditions sont aussi celles d&rsquo;un certain nombre de transformations &eacute;conomiques et technologiques, qui ont par exemple favoris&eacute; l&rsquo;accessibilit&eacute; &agrave; des lieux qui l&rsquo;&eacute;taient peu (ou moins) auparavant, induisant un contraste entre espaces int&eacute;gr&eacute;s ou &laquo;&nbsp;recul&eacute;s&nbsp;&raquo; (arri&eacute;r&eacute;s ou pr&eacute;serv&eacute;s selon l&rsquo;alternative du primitivisme), et assurant aussi le d&eacute;veloppement d&rsquo;un consum&eacute;risme sensible au &laquo;&nbsp;go&ucirc;t des autres&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>&nbsp;&raquo;, qui prit d&rsquo;ailleurs rapidement la forme d&rsquo;un r&eacute;el march&eacute;.</p> <h2>3. R&eacute;els&nbsp;: fiction et connaissance</h2> <p>Les &eacute;crits &eacute;manant de ces deux notions que sont l&rsquo;exotisme et le pittoresque ne font pas que circonscrire une vision r&eacute;ductrice, ethnocentrique, d&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;s &agrave; qui l&rsquo;on pr&ecirc;te une sp&eacute;cificit&eacute;. Ils les font aussi advenir en tant que sujets de r&eacute;alit&eacute;s et de v&eacute;rit&eacute;s. L&rsquo;&eacute;criture des lieux, des personnages et de l&rsquo;atmosph&egrave;re qui se d&eacute;gage de leurs liaisons est bien porteuse d&rsquo;un pouvoir cr&eacute;ateur, fictionnel au sens litt&eacute;ral, capacit&eacute; &agrave; faire exister du r&eacute;el par l&rsquo;&eacute;criture, ses inventions et ses montages. Par ce pouvoir, les univers ainsi d&eacute;crits acqui&egrave;rent une vie propre, qui n&rsquo;est pas que de papier et se poursuit dans le monde social, &agrave; la faveur de la circulation des textes, de leurs effets de r&eacute;ception, de la reconnaissance dont ils b&eacute;n&eacute;ficient et de leur aptitude &agrave; instituer des imaginaires&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>. Ces m&eacute;canismes sociaux et symboliques de production du r&eacute;el, lorsqu&rsquo;ils mobilisent les deux cat&eacute;gories auxquelles nous portons notre attention ici, sont certes porteurs de capacit&eacute;s d&rsquo;imposition et d&rsquo;assignation. Cependant, ils suscitent aussi de multiples r&eacute;actions, d&rsquo;opposition, d&rsquo;appropriation ou de d&eacute;tournement par exemple. Ces r&eacute;actions complexifient les syst&egrave;mes de points de vue associ&eacute;s &agrave; l&rsquo;usage de ces cat&eacute;gories, qui sont peut-&ecirc;tre moins univoques qu&rsquo;on ne le consid&egrave;re bien souvent &ndash; en les concevant comme de purs produits de l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie occidentale. L&rsquo;exotisme peut &ecirc;tre critiqu&eacute;, non seulement au nom de son ethnocentrisme, mais aussi &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur des cadres qui l&rsquo;organisent. C&rsquo;est par exemple le cas dans les ouvrages auxquels s&rsquo;int&eacute;resse ici Florian Alix. Dans l&rsquo;un d&rsquo;entre eux,&nbsp;<em>Un N&egrave;gre &agrave; Paris</em>&nbsp;de Bernard Bilin Dadi&eacute;, paru en 1959, la direction habituelle du voyage est invers&eacute;e (de l&rsquo;Afrique vers la France) et le registre ethnologique de la description use avec finesse de la parodie et de la satire.</p> <p>L&rsquo;ancrage dans le r&eacute;el de l&rsquo;exotisme et du pittoresque rel&egrave;ve aussi de la place prise par ces notions dans des dispositifs de connaissance. C&rsquo;est notamment le cas en anthropologie, discipline dont les objets auraient pr&eacute;cis&eacute;ment &eacute;t&eacute; d&eacute;finis &laquo;&nbsp;au loin&nbsp;&raquo;, &agrave; partir de l&rsquo;importance des diff&eacute;rences qu&rsquo;entretenaient les soci&eacute;t&eacute;s &eacute;tudi&eacute;es avec celles des observateurs. Non pas simplement &laquo;&nbsp;fille du colonialisme&nbsp;&raquo; selon l&rsquo;expression pr&ecirc;t&eacute;e &agrave; Claude L&eacute;vi-Strauss&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>, l&rsquo;anthropologie serait aussi fille de l&rsquo;exotisme, comme modalit&eacute; explicite ou implicite de s&eacute;lection de ses objets d&rsquo;&eacute;tudes. Plus encore, le jeu des relations entre soi et l&rsquo;autre, les allers-retours entre l&rsquo;&eacute;trange et le familier dont nous avons signal&eacute; qu&rsquo;ils &eacute;taient partie prenante de l&rsquo;exotisme, sont aussi des ressorts de l&rsquo;exp&eacute;rience ethnographique et des processus d&rsquo;invention culturelle qui l&rsquo;accompagnent&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>. Dans ses formes canoniques, cette exp&eacute;rience et ces inventions n&rsquo;&eacute;chappent d&rsquo;ailleurs pas au tropisme des gr&egrave;ves tropicales et &agrave; la vie &laquo;&nbsp;au milieu des indig&egrave;nes&nbsp;&raquo; &ndash; &agrave; la fa&ccedil;on d&rsquo;un Bronislaw Malinowski&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>. Par ailleurs, comme l&rsquo;indique Arnauld Chandivert dans ce num&eacute;ro, ant&eacute;rieurement &agrave; la p&eacute;riode de professionnalisation avanc&eacute;e de l&rsquo;ethnologie o&ugrave; son utilisation fut critiqu&eacute;e, la cat&eacute;gorie du pittoresque fut directement associ&eacute;e &agrave; la d&eacute;finition de certains de ses objets (des m&oelig;urs, des us et des coutumes). Elle fut aussi reli&eacute;e &agrave; la saisie taxinomique des sp&eacute;cificit&eacute;s d&rsquo;ensembles socioculturels comme &agrave; l&rsquo;&eacute;vocation de &laquo;&nbsp;l&rsquo;&acirc;me&nbsp;&raquo; qui s&rsquo;en d&eacute;gage&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>. D&egrave;s lors, si la sp&eacute;cialisation disciplinaire a conduit &agrave; rompre, de mani&egrave;re annonc&eacute;e mais peut-&ecirc;tre pas enti&egrave;rement consomm&eacute;e, avec l&rsquo;exotisme et le pittoresque, on ne peut que constater &agrave; quel point certains des processus dont ils sont porteurs ont jou&eacute; un r&ocirc;le d&eacute;terminant dans la production de connaissances. Ces connaissances n&rsquo;ont d&rsquo;ailleurs pas n&eacute;cessairement &eacute;chapp&eacute; aux rapports entre fiction et r&eacute;el &eacute;voqu&eacute;s ci-dessus, les &eacute;crits ethnologiques &eacute;tant &agrave; m&ecirc;me, eux aussi, de prendre place dans ce r&eacute;el et d&rsquo;&ecirc;tre associ&eacute;s &agrave; des processus d&rsquo;exotisation&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>.</p> <h2>4. Fronti&egrave;res de la critique</h2> <p>Le recours au pittoresque et &agrave; l&rsquo;exotisme en anthropologie et en litt&eacute;rature comporte ainsi un caract&egrave;re ambivalent. Si l&rsquo;&eacute;tude des &laquo;&nbsp;autres&nbsp;&raquo; mobilise les ressorts d&rsquo;une app&eacute;tence pour l&rsquo;ailleurs et fait des anthropologues des &laquo;&nbsp;marchands d&rsquo;&eacute;tonnement&nbsp;&raquo;, vendant &laquo;&nbsp;de l&rsquo;anormal&nbsp;&raquo; et colportant &laquo;&nbsp;de l&rsquo;&eacute;trange&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>&nbsp;&raquo;, l&rsquo;exotisme est aussi pour eux l&rsquo;objet d&rsquo;une critique constante. Elle appara&icirc;t par exemple dans un texte d&rsquo;hommage &agrave; Marcel Mauss en 1950. Selon l&rsquo;auteur, par son travail, Mauss aurait permis que &laquo;&nbsp;pour la premi&egrave;re fois, l&rsquo;homme exotique [ne soit] plus objet de curiosit&eacute;, mais objet d&rsquo;&eacute;tude syst&eacute;matique&nbsp;&raquo;. Ce faisant, &laquo; la description des peuples exotiques devint une science aux r&eacute;sultats interpr&eacute;t&eacute;s dans les chaires universitaires, et non plus r&eacute;cits, ou romans, de voyageurs&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>&nbsp;&raquo;. Ce marquage des fronti&egrave;res avec la litt&eacute;rature ne r&eacute;cuse pas totalement l&rsquo;exotisme (l&rsquo;auteur emploie bien l&rsquo;expression &laquo;&nbsp;l&rsquo;homme exotique&nbsp;&raquo;), mais bascule la curiosit&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;gard des peuples qui l&rsquo;incarnent dans le domaine scientifique. Des proc&eacute;d&eacute;s analogues existent aussi &agrave; propos du pittoresque, le folkloriste Arnold Van Gennep prenant par exemple clairement ses distances en France, au d&eacute;but des ann&eacute;es 1930, avec la litt&eacute;rature r&eacute;gionaliste et ses &laquo;&nbsp;roucoulades pseudo-romantiques&nbsp;&raquo;, avides de &laquo;&nbsp;savoureux&nbsp;&raquo; plut&ocirc;t que de m&eacute;thodologie&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>. Traverser les fronti&egrave;res, g&eacute;ographiques ou sociales en ce qui concerne le folklore, ne peut plus &ecirc;tre un geste m&ucirc; par la recherche d&rsquo;une &eacute;tranget&eacute; jug&eacute;e comme trop superficiellement appr&eacute;hend&eacute;e. L&rsquo;&eacute;vasion serait d&rsquo;ailleurs condamn&eacute;e &agrave; l&rsquo;&eacute;chec et ne conduirait qu&rsquo;&agrave; la d&eacute;ception, comme l&rsquo;affirmait Claude L&eacute;vi-Strauss dans un texte rest&eacute; c&eacute;l&egrave;bre&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Pauvre gibier pris aux pi&egrave;ges de la civilisation m&eacute;canique, sauvages de la for&ecirc;t amazonienne, tendres et impuissantes victimes, je peux me r&eacute;signer &agrave; comprendre le destin qui vous an&eacute;antit, mais non point &ecirc;tre dupe de cette sorcellerie plus ch&eacute;tive que la v&ocirc;tre, qui brandit devant un public avide des albums en kodachrome rempla&ccedil;ant vos masques d&eacute;truits. Croit-il par leur interm&eacute;diaire r&eacute;ussir &agrave; s&rsquo;approprier vos charmes ? Non satisfait encore ni m&ecirc;me conscient de vous abolir, il lui faut rassasier fi&eacute;vreusement de vos ombres le cannibalisme nostalgique d&rsquo;une histoire &agrave; laquelle vous avez d&eacute;j&agrave; succomb&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>.</p> </blockquote> <p>Cependant, l&rsquo;utilisation de l&rsquo;exotisme en anthropologie comme &eacute;l&eacute;ment de marquage des fronti&egrave;res avec la litt&eacute;rature ne va pas sans l&rsquo;existence de critiques au sein du champ litt&eacute;raire quant &agrave; l&rsquo;usage de cette cat&eacute;gorie. Cette derni&egrave;re a certes des adeptes&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Avec quels d&eacute;lices nous abordions des &icirc;les inconnues, dans des oc&eacute;ans lointains, ou bien nous montions par les &eacute;troites ruelles des villes barbaresques vers les blanches casbahs ! [&hellip;] Et comment exprimer ce que nous &eacute;prouvions aussi, lorsque, dans la surprise de l&rsquo;&eacute;trange et du bizarre, dans un m&eacute;lange vibrant et pourtant assourdi de silence, nous &eacute;tait r&eacute;v&eacute;l&eacute;e la torpeur inou&iuml;e de l&rsquo;Extr&ecirc;me-Orient ! Ah ! Loti, Loti, de quelle adorable et &eacute;nervante musique vous avez berc&eacute; nos &acirc;mes&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>&nbsp;!</p> </blockquote> <p>Mais l&rsquo;on sait aussi que Loti fut rang&eacute; avec d&rsquo;autres (touristes, colons ou &eacute;crivains) par Victor Segalen dans la cat&eacute;gorie des &laquo;&nbsp;prox&eacute;n&egrave;tes de la sensation du divers&nbsp;&raquo;, receleurs de clich&eacute;s et de pacotilles&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>. Des critiques similaires, bien qu&rsquo;&eacute;mises depuis des positions tr&egrave;s diff&eacute;rentes, se retrouvent dans le premier tiers du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle chez les promoteurs de la litt&eacute;rature dite coloniale, soit une litt&eacute;rature sur les colonies &eacute;crite par des coloniaux et non par des voyageurs de passage. Au contraire de son pendant exotique, &laquo;&nbsp;litt&eacute;rature d&rsquo;escale&nbsp;&raquo; selon le jugement de l&rsquo;auteur fran&ccedil;ais Robert Randau&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>, &laquo;&nbsp;le roman colonial, lui, entend expliquer, d&eacute;montrer, d&eacute;monter, rendre compr&eacute;hensible &ldquo;objectivement&rdquo; &ndash; quitte &agrave; gommer l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; radicale&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>&nbsp;&raquo;. Port&eacute;e par un principe de r&eacute;alisme, il n&rsquo;est pas surprenant que la premi&egrave;re anthologie de cette litt&eacute;rature en langue fran&ccedil;aise soit pr&eacute;fac&eacute;e par Maurice Delafosse, ethnographe et administrateur colonial&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>.</p> <p>Il n&rsquo;est pas surprenant non plus que l&rsquo;exotisme soit par la suite devenu la cible des discours anticoloniaux. Si, par exemple, &laquo;&nbsp;la soci&eacute;t&eacute; antillaise en arrive &agrave; &ecirc;tre pour elle-m&ecirc;me exotique, c&rsquo;est &agrave; dire &eacute;trang&egrave;re pour elle-m&ecirc;me&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;la condition d&rsquo;une telle aberration n&rsquo;est pas autre chose que la situation coloniale&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>.&nbsp;&raquo; Finalement, exotisme et pittoresque se trouvent pris apr&egrave;s-guerre dans le m&ecirc;me faisceau de critiques&nbsp;: trop superficiels, li&eacute;s aux regards r&eacute;ifiants de dominants attir&eacute;s par le spectacle de &laquo;&nbsp;l&rsquo;autre&nbsp;&raquo; et de &laquo;&nbsp;l&rsquo;ailleurs&nbsp;&raquo;, port&eacute;s par des imaginaires essentialisants qui renvoient &agrave; une &laquo;&nbsp;utopie p&eacute;rim&eacute;e de la diff&eacute;rence&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>&nbsp;&raquo;. Ces critiques ont certes &eacute;t&eacute; adress&eacute;es &agrave; l&rsquo;ethnologie, de par les liens que cette discipline a entretenus avec le colonialisme. Cependant, comme l&rsquo;indique Vincent Debaene, elles &eacute;taient peut-&ecirc;tre moins &eacute;videntes qu&rsquo;il n&rsquo;y para&icirc;t pour la g&eacute;n&eacute;ration des premiers &eacute;crivains francophones &laquo;&nbsp;pr&eacute;-postcoloniaux&nbsp;&raquo; issus des colonies, pour lesquels &laquo;&nbsp;le rapport &agrave; l&rsquo;anthropologie a souvent &eacute;t&eacute; complexe &ndash; ni adh&eacute;sion enthousiaste, ni rejet massif&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est donc un peu plus tard, depuis la critique litt&eacute;raire et &agrave; la faveur du d&eacute;veloppement des&nbsp;<em>postcolonial studies</em>, que l&rsquo;ethnologie fut associ&eacute;e &agrave; d&rsquo;autres productions narratives dans la d&eacute;nonciation des dominations culturelles, dont l&rsquo;exotisme appara&icirc;t comme une modalit&eacute; et un r&eacute;sultat.</p> <p>Des consid&eacute;rations somme toute analogues conduisent d&rsquo;ailleurs encore relativement r&eacute;cemment, en anthropologie, &agrave; demander que l&rsquo;on en finisse avec un exotisme disciplinaire sous-jacent, au profit d&rsquo;une pratique plus sensible &agrave; l&rsquo;histoire, aux contextes et aux acteurs&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>. Comme l&rsquo;&eacute;voque Violaine Sauty dans l&rsquo;article qu&rsquo;elle consacre dans ce num&eacute;ro &agrave; l&rsquo;anthropologue &Eacute;ric Chauvier, puisque tout discours sur des autres courrait le risque de l&rsquo;exotisme, notamment suite &agrave; l&rsquo;introduction d&rsquo;un &eacute;cart entre une exp&eacute;rience de terrain et une mise en forme th&eacute;orique, ce qui contribuerait &agrave; objectiver une alt&eacute;rit&eacute;, c&rsquo;est bien cette exp&eacute;rience qui doit &ecirc;tre plac&eacute;e au c&oelig;ur du texte. Ce faisant, Chauvier recourt &agrave; des proc&eacute;d&eacute;s que l&rsquo;on qualifie g&eacute;n&eacute;ralement de litt&eacute;raires, pour renouveler une discipline qui a g&eacute;n&eacute;ralement consid&eacute;r&eacute; qu&rsquo;un regain d&rsquo;objectivit&eacute; et une prise de distance avec ces proc&eacute;d&eacute;s &eacute;taient n&eacute;cessaires pour &eacute;tudier divers groupes et se couper des diff&eacute;rents avatars de l&rsquo;exotisme (litt&eacute;raire, m&eacute;diatique, touristique). L&rsquo;on aboutit ainsi &agrave; une position sym&eacute;triquement inverse &agrave; celle qui pr&eacute;valait lorsque l&rsquo;autonomisation d&rsquo;un savoir anthropologique s&rsquo;appuyait sur une mise &agrave; distance de la litt&eacute;rature et des emplois de l&rsquo;exotisme ou du pittoresque qui lui &eacute;taient pr&ecirc;t&eacute;s.</p> <p>On le per&ccedil;oit, ces deux notions ont donc &eacute;t&eacute; de constants points d&rsquo;appui dans les op&eacute;rations de marquage interne et externe des fronti&egrave;res entre domaines narratifs et dans la caract&eacute;risation de leurs propri&eacute;t&eacute;s respectives. Mais au-del&agrave; de ces op&eacute;rations de distinction, anthropologues et &eacute;crivains ont cependant partag&eacute; certains usages de l&rsquo;exotisme et du pittoresque ainsi que diverses critiques &agrave; leur &eacute;gard &ndash; S&eacute;galen et L&eacute;vi-Strauss ont par exemple en commun celles de la superficialit&eacute; de l&rsquo;exotisme et de l&rsquo;effacement de la diversit&eacute;. D&rsquo;une fa&ccedil;on somme toute assez classique, les fronti&egrave;res entre anthropologie et litt&eacute;rature &eacute;tablies en r&eacute;f&eacute;rence &agrave; l&rsquo;exotisme et au pittoresque sont &agrave; la fois ce qui s&eacute;pare et ce qui lie ces deux domaines, fronti&egrave;res &eacute;paisses dont la morphologie d&eacute;pend des configurations et contextes historiques. Puisque ces proc&eacute;d&eacute;s de marquage et les d&eacute;marches critiques qui les accompagnent ne se sont jamais interrompus, et alors que la c&eacute;l&eacute;bration contemporaine de la diversit&eacute; culturelle pourrait &ecirc;tre le masque contemporain de l&rsquo;exotisme et du pittoresque&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>, on peut se demander si les m&eacute;canismes, notamment de march&eacute;, li&eacute;s &agrave; cette c&eacute;l&eacute;bration, ne conduisent pas &agrave; la r&eacute;introduction d&rsquo;un certaine dose d&rsquo;exotisme ou de pittoresque chez les auteurs contemporains qui souhaitent pourtant rompre de fa&ccedil;on d&eacute;finitive avec de tels regards.</p> <h2>5. Les th&eacute;ories et les litt&eacute;ratures postcoloniales contre l&rsquo;exotisme occidental</h2> <p>&Agrave; partir de cette derni&egrave;re question, nous voudrions &eacute;galement interroger le succ&egrave;s croissant des litt&eacute;ratures dites &laquo;&nbsp;postcoloniales&nbsp;&raquo; et probl&eacute;matiser ainsi la proclamation de l&rsquo;av&egrave;nement contemporain d&rsquo;une alt&eacute;rit&eacute; d&eacute;colonis&eacute;e.</p> <p>Comme le rappelle en effet Anthony Mangeon, &laquo;&nbsp;Qu&rsquo;on s&rsquo;en r&eacute;jouisse ou qu&rsquo;on le d&eacute;plore, les &eacute;tudes postcoloniales font d&eacute;sormais partie de notre horizon critique&nbsp;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a>&nbsp;&raquo;. Il n&rsquo;est pas question ici de retracer l&rsquo;histoire intellectuelle de cette n&eacute;buleuse complexe, li&eacute;e intimement &agrave; l&rsquo;arriv&eacute;e massive dans les universit&eacute; &eacute;tats-uniennes d&rsquo;intellectuels issus des anciennes colonies europ&eacute;ennes&nbsp;<a href="#_ftn32" name="_ftnref32">[32]</a>, principalement britanniques, dans le cadre des grands mouvements de la circulation transnationale des id&eacute;es, notamment de l&rsquo;acclimatation nord-am&eacute;ricaine des philosophes fran&ccedil;ais postmodernistes, traduits et enr&ocirc;l&eacute;s sous le nom de &laquo;&nbsp;French Theory&nbsp;<a href="#_ftn33" name="_ftnref33">[33]</a>&nbsp;&raquo;. Les sources et les ramifications de ce carrefour interdisciplinaire, fortement enracin&eacute; dans les d&eacute;partements de litt&eacute;rature anglaise et compar&eacute;e des plus grandes universit&eacute;s am&eacute;ricaines, sont multiples, et l&rsquo;on conna&icirc;t la diversit&eacute; des d&eacute;finitions du mot &laquo;&nbsp;postcolonial&nbsp;&raquo; lui-m&ecirc;me, qui varient souvent selon les auteurs rattach&eacute;s &agrave; ce courant de pens&eacute;e. Disons pour r&eacute;sumer le propos que &laquo;&nbsp;postcolonial&nbsp;&raquo; signifie simultan&eacute;ment &laquo;&nbsp;ce qui vient apr&egrave;s&nbsp;&raquo; la colonisation&nbsp;au plan chronologique&nbsp;et &laquo;&nbsp;ce qui proc&egrave;de d&rsquo;elle&nbsp;&raquo; au plan causal. S&rsquo;inscrire dans une telle perspective, c&rsquo;est consid&eacute;rer que les ind&eacute;pendances formelles de la plupart des colonies sous domination europ&eacute;enne n&rsquo;ont pas constitu&eacute; une rupture d&eacute;finitive avec le moment colonial et qu&rsquo;elles n&rsquo;ont pas supprim&eacute; les influences n&eacute;ocoloniales qui t&eacute;moignent d&rsquo;une permanence de l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie occidentale sur le reste du monde&nbsp;; c&rsquo;est poser &agrave; l&rsquo;inverse, dans le cadre d&rsquo;une continuit&eacute; historique, la question des h&eacute;ritages contemporains de la colonisation&nbsp;<a href="#_ftn34" name="_ftnref34">[34]</a>, et interroger la mani&egrave;re dont les &laquo;&nbsp;h&eacute;ritages in&eacute;gaux de la domination coloniale&nbsp;infl&eacute;chissent r&eacute;ellement les processus actuels de la mondialisation&nbsp;<a href="#_ftn35" name="_ftnref35">[35]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p>Il est difficile d&rsquo;en donner une d&eacute;finition unique et univoque, mais la plupart des auteurs postcoloniaux ont en commun au moins trois grandes positions intellectuelles. Il y a d&rsquo;abord l&rsquo;exigence d&rsquo;un renversement du point de vue sur l&rsquo;histoire coloniale au profit du domin&eacute;&nbsp;ou du &laquo;&nbsp;subalterne&nbsp;<a href="#_ftn36" name="_ftnref36">[36]</a>&nbsp;&raquo;, histoire vue &laquo;&nbsp;par le bas&nbsp;&raquo;, et non plus de haut, dans le regard du dominant. Il y a ensuite la revendication d&rsquo;un d&eacute;centrement &eacute;pist&eacute;mologique visant &agrave; contester ou &agrave; rejeter plus ou moins radicalement l&rsquo;&laquo;&nbsp;&eacute;pist&eacute;m&egrave;&nbsp;&raquo; occidentale et ses cat&eacute;gories, et incluant notamment une contestation de l&rsquo;universel comme &eacute;tant une expression de l&rsquo;ethnocentrisme europ&eacute;en et de sa volont&eacute; de puissance&nbsp;; soit pour cong&eacute;dier, soit pour &laquo;&nbsp;provincialiser&nbsp;<a href="#_ftn37" name="_ftnref37">[37]</a>&nbsp;&raquo; la pens&eacute;e europ&eacute;enne, en vue d&rsquo;une r&eacute;habilitation des cultures domin&eacute;es, des modes de pens&eacute;e et des syst&egrave;mes de connaissance de toutes les cultures non-occidentales. Il y a enfin l&rsquo;insistance sur les m&eacute;canismes de r&eacute;sistance des domin&eacute;s (<em>agency</em>) &agrave; la domination coloniale, &agrave; travers tous les types d&rsquo;adaptation, d&rsquo;appropriation ou de d&eacute;tournement de la culture europ&eacute;enne coloniale et la mise en valeur de toutes les formes culturelles d&rsquo;hybridation ou de m&eacute;tissage produites par la domination coloniale et traditionnellement minor&eacute;es ou exclues des canons esth&eacute;tiques occidentaux.</p> <p>L&agrave; o&ugrave; les mouvements anticoloniaux s&rsquo;attaquaient principalement &agrave; la domination politique et &eacute;conomique de l&rsquo;Europe, ce qui fait donc la sp&eacute;cificit&eacute; de la pens&eacute;e postcoloniale, c&rsquo;est qu&rsquo;elle est principalement une r&eacute;action &agrave; un aspect particulier de la violence coloniale, la violence culturelle, intellectuelle et &eacute;pist&eacute;mologique de la colonisation, ce qui n&rsquo;emp&ecirc;che pas qu&rsquo;elle puisse int&eacute;grer &eacute;galement une dimension politique, voire &eacute;conomique. Il s&rsquo;agit ainsi, pour la plupart des penseurs postcoloniaux de lutter contre la centralit&eacute; culturelle et intellectuelle de l&rsquo;Occident, de contester sa pr&eacute;tention exclusive &agrave; l&rsquo;universel, et de valoriser des savoirs alternatifs, fond&eacute;s le plus souvent sur une hybridation entre la tradition de pens&eacute;e occidentale et d&rsquo;autres traditions de pens&eacute;e, et rejetant parfois plus radicalement toute influence europ&eacute;enne au profit de savoirs endog&egrave;nes non occidentaux. Chez beaucoup d&rsquo;&eacute;crivains et d&rsquo;intellectuels postcoloniaux, ce questionnement politique s&rsquo;accompagne &eacute;galement d&rsquo;une vis&eacute;e du &laquo;&nbsp;post&nbsp;&raquo;, d&rsquo;un d&eacute;passement de la &laquo;&nbsp;postcolonialit&eacute;&nbsp;&raquo;.</p> <p>En apparence, les &eacute;tudes postcoloniales semblent ainsi entretenir une certaine proximit&eacute; avec l&rsquo;ethnologie, avec laquelle elles partagent le souci de prendre en compte le point de vue de l&rsquo;autre, de restituer sa vision du monde en r&eacute;tablissant ses propres cat&eacute;gories de pens&eacute;e. Mais l&rsquo;ethnologie fait l&rsquo;objet chez la plupart des auteurs postcoloniaux d&rsquo;une critique plus ou moins radicale&nbsp;: elle est accus&eacute;e d&rsquo;avoir partie li&eacute;e avec le colonialisme, dans la mesure o&ugrave; elle serait prise originellement dans un geste historique et une structure intellectuelle de domination europ&eacute;enne des autres cultures du monde, qui l&rsquo;am&egrave;neraient n&eacute;cessairement &agrave; une r&eacute;duction objectivante et une compr&eacute;hension pr&eacute;datrice (&laquo;&nbsp;orientaliste&nbsp;&raquo;, dirait Edward Said) de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;. A l&rsquo;ethnologie comme expression du discours h&eacute;g&eacute;monique occidental, les &eacute;tudes postcoloniales opposent l&rsquo;id&eacute;e fondamentale que pour penser le monde dans ses propres cat&eacute;gories, l&rsquo;individu non-occidental n&rsquo;a pas d&rsquo;autre choix que d&rsquo;&ecirc;tre le sujet de son propre discours&nbsp;: il s&rsquo;agit, comme l&rsquo;affirme L&eacute;onora Miano dans un texte de r&eacute;flexion dat&eacute; de f&eacute;vrier 2016, publi&eacute; dans&nbsp;<em>L&rsquo;Imp&eacute;ratif transgressif</em>, de &laquo;&nbsp;s&rsquo;&eacute;manciper des cat&eacute;gorisations&nbsp;<a href="#_ftn38" name="_ftnref38">[38]</a>&nbsp;&raquo; europ&eacute;ennes inad&eacute;quates, le plus souvent imp&eacute;rialistes (notamment &laquo;&nbsp;raciales&nbsp;&raquo;, concernant les Subsahariens) et d&rsquo;affirmer &laquo;&nbsp;la capacit&eacute; &agrave; user de mots justes pour se dire &agrave; soi-m&ecirc;me&nbsp;<a href="#_ftn39" name="_ftnref39">[39]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p>Cette exigence d&rsquo;un affranchissement vis-&agrave;-vis de la tutelle &eacute;pist&eacute;mologique occidentale a entra&icirc;n&eacute; toute une s&eacute;rie de positions qui tentent d&rsquo;hybrider la pens&eacute;e europ&eacute;enne et celle d&rsquo;autres aires culturelles ou qui au contraire rejettent radicalement la premi&egrave;re au profit de savoirs endog&egrave;nes produits exclusivement par les acteurs-locuteurs locaux, hors de toute rationalit&eacute; de type occidental. D&rsquo;un c&ocirc;t&eacute;, on trouvera donc des approches mixtes ou de &laquo;&nbsp;tension permanente&nbsp;<a href="#_ftn40" name="_ftnref40">[40]</a>&nbsp;&raquo; comme celle de l&rsquo;historien indien Dipesh Chakrabarty, qui consid&egrave;re que remettre en cause les grands paradigmes historicistes de la pens&eacute;e europ&eacute;enne (et notamment l&rsquo;id&eacute;e, index&eacute;e sur l&rsquo;histoire europ&eacute;enne, que l&rsquo;histoire humaine est constitu&eacute;e d&rsquo;un temps homog&egrave;ne orient&eacute; par le progr&egrave;s) et sa d&eacute;finition d&rsquo;une modernit&eacute; politique unique et eurocentr&eacute;e ne signifie ni un cong&eacute; donn&eacute; &agrave; l&rsquo;Europe, ni un refus de reconna&icirc;tre ses apports&nbsp;intellectuels, ni une &laquo;&nbsp;d&eacute;fense du relativisme culturel&nbsp;<a href="#_ftn41" name="_ftnref41">[41]</a>&nbsp;&raquo; et un &laquo;&nbsp;appel [&hellip;] &agrave; des histoires indig&eacute;nistes et ataviques&nbsp;<a href="#_ftn42" name="_ftnref42">[42]</a>&nbsp;&raquo;. Il s&rsquo;agit d&rsquo;une part de relativiser la pens&eacute;e europ&eacute;enne en la ramenant &agrave; son lieu particulier et ses contextes historiques de production, de la d&eacute;centrer, et d&rsquo;autre part de la &laquo;&nbsp;renouveler&nbsp;&raquo; &laquo;&nbsp;&agrave; partir des marges et pour elle&nbsp;&raquo;, marges qui sont d&rsquo;ailleurs &laquo;&nbsp;tout aussi plurielles et diverses que les centres&nbsp;&raquo;, car la &laquo;&nbsp;pens&eacute;e europ&eacute;enne est aussi indispensable qu&rsquo;inad&eacute;quate pour penser l&rsquo;exp&eacute;rience de la modernit&eacute; politique dans les nations non occidentales<a href="#_ftn43" name="_ftnref43">[43]</a>&nbsp;&raquo;. L&rsquo;id&eacute;e n&rsquo;est donc pas</p> <blockquote> <p>de rejeter les cat&eacute;gories des sciences sociales, mais de lib&eacute;rer, dans l&rsquo;espace occup&eacute; par les histoires europ&eacute;ennes particuli&egrave;res qui y sont s&eacute;diment&eacute;es, une autre pens&eacute;e normative et th&eacute;orique pr&eacute;serv&eacute;e dans d&rsquo;autres pratiques de vie existantes et dans leurs archives. C&rsquo;est seulement de cette fa&ccedil;on que nous pourrons cr&eacute;er des horizons normatifs pluriels propres &agrave; notre existence et ad&eacute;quats &agrave; l&rsquo;examen de nos vies et des possibilit&eacute;s qu&rsquo;elles rec&egrave;lent&nbsp;<a href="#_ftn44" name="_ftnref44">[44]</a>.</p> </blockquote> <p>Mais d&rsquo;un autre c&ocirc;t&eacute;, on trouvera &eacute;galement sous des formes multiples la revendication, afin de &laquo;&nbsp;d&eacute;coloniser l&rsquo;esprit&nbsp;&raquo; (pour reprendre le titre d&rsquo;un essai c&eacute;l&egrave;bre de l&rsquo;&eacute;crivain kenyan Ngugi wa Thiong&rsquo;o&nbsp;<a href="#_ftn45" name="_ftnref45">[45]</a>) et se d&eacute;sali&eacute;ner le plus profond&eacute;ment possible de l&rsquo;influence occidentale, de la n&eacute;cessit&eacute; de rejeter enti&egrave;rement tout apport occidental, con&ccedil;u comme fondamentalement n&eacute;o-colonial, au profit de toutes les autres traditions de pens&eacute;e, elles-m&ecirc;mes mentalement li&eacute;es de mani&egrave;re organique &agrave; leurs langues propres, dans lesquelles elles d&eacute;veloppent de mani&egrave;re bien vivante des &eacute;pist&eacute;mologies, des sch&egrave;mes conceptuels et des modes d&rsquo;&ecirc;tre dans le monde alternatifs &agrave; l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie occidentale&nbsp;: en Inde, dans le monde arabe, dans le monde musulman, en Afrique subsaharienne, dans certains pays d&rsquo;Asie (Chine, Japon), en Am&eacute;rique latine, etc. Cette solution de repli ou de &laquo;&nbsp;r&eacute;sistance&nbsp;<a href="#_ftn46" name="_ftnref46">[46]</a>&nbsp;&raquo; pr&eacute;sente l&rsquo;avantage de permettre de lutter contre l&rsquo;extraversion impos&eacute;e par les langues et des cat&eacute;gories europ&eacute;ennes et de souligner le propre et l&rsquo;intraduisible qui sont &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre dans les visions culturelles particuli&egrave;res du monde. Mais elle proc&egrave;de cependant souvent au plan intellectuel d&rsquo;une diff&eacute;renciation antagonique face &agrave; la domination coloniale, que Gregory Bateson appellerait une &laquo;&nbsp;schismogen&egrave;se sym&eacute;trique&nbsp;<a href="#_ftn47" name="_ftnref47">[47]</a>&nbsp;&raquo; et qui comporte toujours le risque d&rsquo;une d&eacute;rive vers des formes plus ou moins essentialistes d&rsquo;ethnophilosophies fond&eacute;es sur la n&eacute;gation de l&rsquo;id&eacute;e de circulations et d&rsquo;&eacute;changes culturels et sur la ruine culturaliste de la possibilit&eacute; d&rsquo;un universel&nbsp;<a href="#_ftn48" name="_ftnref48">[48]</a>.</p> <h2>6. Un exotisme postcolonial&nbsp;?</h2> <p>Les critiques des th&eacute;ories postcoloniales ont &eacute;t&eacute; extr&ecirc;mement&nbsp; nombreuses et tout aussi diverses que ces th&eacute;ories elles-m&ecirc;mes, dans le monde anglo-saxon et en France m&ecirc;me, o&ugrave; leur introduction, qui s&rsquo;est effectu&eacute;e d&rsquo;abord dans le cadre des &eacute;tudes anglophones puis des francophones, avant qu&rsquo;elles ne se diffusent progressivement &agrave; d&rsquo;autres disciplines acad&eacute;miques et, &agrave; partir de l&rsquo;ann&eacute;e charni&egrave;re 2005, &agrave; la sph&egrave;re m&eacute;diatique et politique, a donn&eacute; lieu &agrave; des pol&eacute;miques particuli&egrave;rement virulentes et &agrave; des d&eacute;bats extr&ecirc;mement cliv&eacute;s&nbsp;<a href="#_ftn49" name="_ftnref49">[49]</a>.</p> <p>Mais ces critiques parfois virulentes, et c&rsquo;est ce qui retiendra tout particuli&egrave;rement notre attention dans ce dossier, ne concernent pas seulement les intellectuels et les th&eacute;ories, et elles portent &eacute;galement sur les litt&eacute;ratures postcoloniales. La litt&eacute;rature et la critique litt&eacute;raire constituent en effet le lieu d&rsquo;origine, d&rsquo;&eacute;mergence et de constitution, dans les d&eacute;partements nord-am&eacute;ricains de litt&eacute;rature anglaise et compar&eacute;e, des &eacute;tudes postcoloniales. La premi&egrave;re &eacute;dition en 1989 du livre d&eacute;sormais c&eacute;l&egrave;bre&nbsp;<em>The Empire writes back. Theory and Practice in Post-colonial Literatures&nbsp;</em><a href="#_ftn50" name="_ftnref50">[50]</a>&nbsp;s&rsquo;est impos&eacute;e &agrave; la fois comme le manifeste du mot &laquo;&nbsp;postcolonial&nbsp;&raquo;, entendu dans le sens que lui donnent les &eacute;tudes ainsi qualifi&eacute;es (continuit&eacute;s &agrave; l&rsquo;&eacute;poque contemporaine des h&eacute;ritages de la domination coloniale), et comme le manifeste de son utilisation dans le domaine de la critique litt&eacute;raire au sujet d&rsquo;auteurs qui, depuis cette date, ont pr&eacute;cis&eacute;ment &eacute;t&eacute; d&eacute;sign&eacute;s et caract&eacute;ris&eacute;s r&eacute;trospectivement ainsi, m&ecirc;me si leur &oelig;uvre avait souvent &eacute;t&eacute; publi&eacute;e bien ant&eacute;rieurement au livre. Ensuite, dans les ann&eacute;es 1990, le mot et le concept se sont diffus&eacute;s dans la plupart des disciplines dans les universit&eacute;s du monde anglo-saxon, s&rsquo;enrichissant au passage d&rsquo;une &eacute;paisseur notionnelle et se lestant &eacute;galement d&rsquo;une polys&eacute;mie source &agrave; la fois de richesse s&eacute;mantique et d&rsquo;&eacute;quivocit&eacute;. Mais les &eacute;tudes postcoloniales doivent beaucoup &agrave; cet enracinement originel dans la critique litt&eacute;raire, qui explique qu&rsquo;une grande partie de leurs repr&eacute;sentants, comme Edward Said, Gayatri Spivak ou Homi Bhabha, soient de formation litt&eacute;raire, ancrage litt&eacute;raire qui motive aussi les reproches s&eacute;v&egrave;res qu&rsquo;on leur a adress&eacute;s au plan m&eacute;thodologique et scientifique (absence de ma&icirc;trise des principes de base de la m&eacute;thodologie des sciences humaines et sociales concernant l&rsquo;enqu&ecirc;te de terrain, faiblesse des mat&eacute;riaux empiriques&nbsp;<a href="#_ftn51" name="_ftnref51">[51]</a>).</p> <p>Parce qu&rsquo;elles ont constitu&eacute; le socle originel des &eacute;tudes du m&ecirc;me nom, les litt&eacute;ratures postcoloniales ont incarn&eacute; et embl&eacute;matis&eacute; l&rsquo;id&eacute;e postcoloniale elle-m&ecirc;me comme processus axiologiquement positif de r&eacute;sistance critique &agrave; l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie culturelle occidentale et &agrave; l&rsquo;exotisme constitutif de sa domination ethnocentriste. Elles sont devenues le symbole de ce que Mar Garcia appelle la &laquo;&nbsp;doxa postcoloniale anti-exotique&nbsp;<a href="#_ftn52" name="_ftnref52">[52]</a>&nbsp;&raquo;, entendue &agrave; la fois comme la condamnation normative de l&rsquo;exotisme et l&rsquo;affirmation d&rsquo;une authenticit&eacute; culturelle et d&rsquo;une alt&eacute;rit&eacute; d&eacute;colonis&eacute;e, dont elles seraient les repr&eacute;sentantes les plus incontestables. Or, apr&egrave;s le temps h&eacute;ro&iuml;que initial de leur promotion et de leur valorisation critique, ces litt&eacute;ratures sont entr&eacute;es progressivement dans ce que l&rsquo;on pourrait appeler une nouvelle &laquo;&nbsp;&egrave;re du soup&ccedil;on&nbsp;<a href="#_ftn53" name="_ftnref53">[53]</a>&nbsp;&raquo;. De multiples doutes sont apparus quant &agrave; leur validit&eacute;, leur authenticit&eacute; ou leur l&eacute;gitimit&eacute;. On a pu montrer que de nombreux &eacute;crivains postcoloniaux, loin de se d&eacute;prendre du colonial, manifestaient au contraire dans leurs &oelig;uvres une int&eacute;riorisation de la &laquo;&nbsp;biblioth&egrave;que coloniale&nbsp;&raquo;, des cat&eacute;gories, voire des clich&eacute;s europ&eacute;ens sur les &laquo;&nbsp;ailleurs&nbsp;&raquo; dont ils &eacute;taient issus. On s&rsquo;est aper&ccedil;u &eacute;galement qu&rsquo;ils produisaient des textes et des esth&eacute;tiques qui s&rsquo;int&eacute;graient parfaitement &agrave; l&rsquo;horizon d&rsquo;attente europ&eacute;en, et qui semblaient m&ecirc;me parfois destin&eacute;s &agrave; plaire &agrave; un lectorat occidental. Bref, il semblait bien que ces auteurs n&rsquo;&eacute;taient pas compl&egrave;tement sortis de l&rsquo;exotisme, et que les litt&eacute;ratures postcoloniales &eacute;taient &agrave; la fois un espace de persistance de formes anciennes d&rsquo;exotisme et le lieu de production et de circulations de nouvelles, et que peut-&ecirc;tre le postcolonial lui-m&ecirc;me, pour le dire brutalement et un peu dramatiquement, n&rsquo;&eacute;tait pas autre chose, dans ses r&eacute;alisations litt&eacute;raires, qu&rsquo;une &laquo;&nbsp;ruse de la raison coloniale&nbsp;&raquo; et une m&eacute;tamorphose contemporaine de l&rsquo;exotisme.</p> <p>Graham Huggan, dans son article &laquo;&nbsp;The Postcolonial Exotic&nbsp;<a href="#_ftn54" name="_ftnref54">[54]</a>&nbsp;&raquo; puis dans son livre&nbsp;<em>The post-colonial exotic. Marketing the margins&nbsp;</em><a href="#_ftn55" name="_ftnref55">[55]</a>, a formul&eacute; ces critiques d&rsquo;une mani&egrave;re particuli&egrave;rement stimulante, sur la base d&rsquo;une relecture de certains &eacute;crivains postcoloniaux et de la sociologie de la litt&eacute;rature. Comme le montre Claire Ducournau, Graham Huggan, en &eacute;tudiant le fonctionnement du prestigieux prix litt&eacute;raire Booker Prize, a r&eacute;v&eacute;l&eacute; en effet &laquo;&nbsp;la tension nich&eacute;e au c&oelig;ur de la cons&eacute;cration postcoloniale d&rsquo;&oelig;uvres artistiques per&ccedil;ues et vendues comme des marchandises exotiques par les &eacute;diteurs et les agents culturels qui les l&eacute;gitiment depuis une ancienne m&eacute;tropole coloniale&nbsp;<a href="#_ftn56" name="_ftnref56">[56]</a>&nbsp;&raquo;. Pour Graham Huggan, loin de consacrer l&rsquo;internationalisation heureuse et &eacute;galitaire des litt&eacute;ratures du monde en anglais, le ressort du Booker Prize repose sur des fondements commerciaux qui font du terme &laquo;&nbsp;postcolonial&nbsp;&raquo; une &laquo;&nbsp;&eacute;tiquette promotionnelle sur le march&eacute; culturel international propre au capitalisme tardif&nbsp;<a href="#_ftn57" name="_ftnref57">[57]</a>&nbsp;&raquo;. En &laquo;&nbsp;jouant de leur attrait exotique, les &eacute;crivains risquent alors&nbsp; de &laquo;&nbsp;se rendre complices de l&rsquo;imp&eacute;rialisme culturel qu&rsquo;ils d&eacute;noncent &raquo;&nbsp;:</p> <blockquote> <p>D&rsquo;in&eacute;vitables contradic&shy;tions se font jour : ces &eacute;crivains souhaitent prendre la plume contre le &laquo;&nbsp;centre&nbsp;&raquo;, mais ils &eacute;crivent aussi pour ce &laquo; centre &raquo;, qui les dote d&rsquo;une valeur marchande ; ils souhaitent prendre la parole depuis les marges, mais sont pris dans la culture dominante ; ils souhaitent d&eacute;faire les oppositions entre un moi europ&eacute;en et ceux qui se trouvent d&eacute;sign&eacute;s comme ses autres, et sont pourtant enr&ocirc;l&eacute;s au service de cette alt&eacute;rit&eacute; culturelle transform&eacute;e en marchandise (Appiah).</p> <p>&Eacute;noncer cela ne revient pas &agrave; accuser les &eacute;crivains de mauvaise foi ou d&rsquo;opportunisme caract&eacute;ris&eacute; ; c&rsquo;est simplement insister pour replacer la litt&eacute;rature postcoloniale dans le contexte mat&eacute;riel qui la conditionne : comme un maillon dans une cha&icirc;ne plus longue o&ugrave; les convictions anti-imp&eacute;rialistes de l&rsquo;&eacute;crivain sont n&eacute;cessairement confront&eacute;es aux forces imp&eacute;rialistes du march&eacute;. La litt&eacute;rature post-coloniale brouille la fronti&egrave;re entre r&eacute;sistance et conni&shy;vence ; les &eacute;crivains les plus reconnus sont ceux qui, comme Rushdie &ndash; ou, dans une autre perspective, V.S. Naipaul &ndash;, comprennent comment s&rsquo;arranger avec la&nbsp;<em>Realpolitik&nbsp;</em>de la domination m&eacute;tropolitaine&nbsp;<a href="#_ftn58" name="_ftnref58">[58]</a>.</p> </blockquote> <p>Les auteurs postcoloniaux sont ainsi contraints &agrave; une oscillation tragique entre r&eacute;sistance, d&eacute;possession et complicit&eacute;. Claire Ducournau fait remarquer &agrave; juste titre que malgr&eacute; le d&eacute;calage entre la r&eacute;ception des litt&eacute;ratures postcoloniales de langue anglaise et les litt&eacute;ratures postcoloniales francophones, un parall&egrave;le s&rsquo;impose, dans la mesure o&ugrave; des m&eacute;canismes semblables de&nbsp;&laquo;&nbsp;marketing des marges&nbsp;&raquo; sont &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre &eacute;galement dans le syst&egrave;me &eacute;ditorial fran&ccedil;ais, o&ugrave; &laquo;&nbsp;les modes de s&eacute;lection et de reconnaissance de ces biens conjointement symboliques et mat&eacute;riels semblent y suivre les m&ecirc;mes r&egrave;gles implicites&nbsp;<a href="#_ftn59" name="_ftnref59">[59]</a>&nbsp;&raquo;. Certains auteurs postcoloniaux francophones comme Dany Laferri&egrave;re ou Alain Mabanckou semblent pour leur part &ecirc;tre pass&eacute;s ma&icirc;tres dans l&rsquo;art de manipuler les r&egrave;gles de ce jeu litt&eacute;raire et commercial o&ugrave; la production de l&rsquo;&oelig;uvre litt&eacute;raire s&rsquo;inscrit dans un contexte n&eacute;o-colonial de commercialisation des biens culturels.</p> <p>Est-il vraiment possible de d&eacute;passer la fatalit&eacute; de l&rsquo;exotisme&nbsp;dans le cadre de relations culturelles in&eacute;galitaires entre le monde occidental et les autres aires culturelles&nbsp;? Mar Garcia affirme que &laquo;&nbsp;Ce qui est certain, c&rsquo;est qu&rsquo;il est presque aussi difficile de trouver un auteur postcolonial qui se r&eacute;clamerait ouvertement de l&rsquo;exotisme qu&rsquo;un auteur postcolonial qui aurait r&eacute;ussi &agrave; s&rsquo;en &eacute;carter compl&egrave;tement&nbsp;<a href="#_ftn60" name="_ftnref60">[60]</a>&nbsp;&raquo;. Les &eacute;crivains postcoloniaux sont-ils donc condamn&eacute;s, de mani&egrave;re complice ou &agrave; leur corps d&eacute;fendant, par int&eacute;riorisation passive, par r&eacute;utilisation active ou par les effets incontr&ocirc;lables de r&eacute;ception de leurs textes, &agrave; &ecirc;tre &laquo;&nbsp;postexotiques&nbsp;&raquo;, pour reprendre l&rsquo;expression de Mar Garcia, sans jamais pouvoir s&rsquo;affranchir de l&rsquo;exotisme dans un v&eacute;ritable apr&egrave;s, vers l&rsquo;horizon d&rsquo;un d&eacute;passement ? Peut-on esp&eacute;rer surmonter l&rsquo;exotisme sans renverser les rapports de forces globaux (politiques, &eacute;conomiques et culturels) qui fondent l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie occidentale&nbsp;?</p> <p>Dans son article, Maxime Del Fiol analyse en ce sens les enjeux postcoloniaux de la recr&eacute;ation litt&eacute;raire de l&rsquo;Afrique pr&eacute;coloniale dans le roman&nbsp;<em>La Saison de l&rsquo;ombre</em>&nbsp;(2013) de l&rsquo;&eacute;crivaine francophone d&rsquo;origine camerounaise L&eacute;onora Miano. Dans ce roman, l&rsquo;&eacute;vocation des d&eacute;buts de l&rsquo;esclavage et de la traite transatlantique passe par une immersion fictionnelle prenant pour pivot le point de vue des personnages&nbsp;et une africanisation de la langue. En r&eacute;&eacute;crivant cette histoire d&rsquo;un point de vue &laquo;&nbsp;subsaharien&nbsp;&raquo;, il s&rsquo;agissait pour l&rsquo;&eacute;crivaine, au plan philosophique et politique, d&rsquo;inverser la perspective habituelle et d&rsquo;africaniser les modes de repr&eacute;sentation du r&eacute;el. Mais parvient-elle &agrave; &eacute;chapper &agrave; la fatalit&eacute; de cet &laquo;&nbsp;exotisme postcolonial&nbsp;&raquo;, dont Graham Huggan pense qu&rsquo;il est constitutif des actes d&rsquo;&eacute;criture et de lecture dans un march&eacute; mondial du livre domin&eacute; par l&rsquo;Occident&nbsp;? D&rsquo;autre part, en &eacute;voquant l&rsquo;Afrique avant la rencontre avec l&rsquo;Europe, ne rejoint-elle pas paradoxalement la vis&eacute;e primitiviste et la qu&ecirc;te des origines des premiers ethnologiques africanistes, alors m&ecirc;me qu&rsquo;elle cherche aussi &agrave; renverser le discours occidental savant de v&eacute;rit&eacute; sur l&rsquo;Afrique&nbsp;?</p> <h2><strong>Notes</strong></h2> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a>&nbsp;James Clifford &amp; George Marcus (dir.),&nbsp;<em>Writing culture. The Poetics and Politics of Ethnography</em>, Berkeley, University of California Press, 1986.</p> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a>&nbsp;Jean Jamin, &laquo; Fictions haut r&eacute;gime. Du th&eacute;&acirc;tre v&eacute;cu au mythe romanesque&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>L&rsquo;Homme</em>, n&deg;&nbsp;175-176, 2005, p.&nbsp;165-201&nbsp;; Daniel Fabre &amp; Jean Jamin, &laquo; Pleine page. Quelques consid&eacute;rations sur les rapports entre anthropologie et litt&eacute;rature&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>L&rsquo;Homme</em>, n&deg;&nbsp;203-204, 2012, p.&nbsp;579-612&nbsp;; Nicolas Adell,&nbsp;&laquo;&nbsp;Des vies cr&eacute;atives.&nbsp;&Agrave; propos de&nbsp;<em>Gradhiva</em>, 2014, 20&nbsp;:&nbsp;<em>Cr&eacute;ation fiction.</em>&nbsp;&Eacute;d. par Daniel Fabre. Paris, Mus&eacute;e du quai Branly, 2014&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>L&rsquo;Homme</em>,&nbsp;n&deg;&nbsp;217, 2016,&nbsp;p.&nbsp;109-122.</p> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a>&nbsp;Gaetano Ciarcia, &laquo;&nbsp;L&rsquo;objet invisible ou le gambit du capitaine&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>L&rsquo;Homme</em>, n&deg;&nbsp;170, 2004, p.&nbsp;199-229&nbsp;; Gaetano Ciarcia, &laquo;&nbsp;Fictions et visions litt&eacute;raires d&rsquo;un bateau n&eacute;grier. Penser en ethnographe le conte&nbsp;<em>Benito Cereno</em>&nbsp;d&rsquo;Hermann Melville&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Labyrinthe</em>, n&deg;&nbsp;41, 2014/2015, p.&nbsp;91-105; Jean Jamin,&nbsp;<em>Faulkner. Le nom, le sol et le sang</em>, Paris, CNRS &Eacute;ditions, 2011.</p> <p><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a>&nbsp;Edward Sa&iuml;d&nbsp;<em>Orientalism</em>, New York, Pantheon Books, 1978.</p> <p><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a>&nbsp;Voir le dossier coordonn&eacute; par Nicolas Adell &amp; Vincent Debaene, &laquo;&nbsp;Anthropologie et po&eacute;sie&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Fabula LHT</em>, n&deg;&nbsp;21, 2018.</p> <p><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a>&nbsp;Rappelons que le mot &eacute;vocation d&eacute;signe le fait de faire appara&icirc;tre des esprits par des incantations comme d&rsquo;engendrer chez quelqu&rsquo;un la repr&eacute;sentation mentale de quelque chose d&rsquo;inconnu.</p> <p><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a>&nbsp;Frank Lestringant, &laquo;&nbsp;L&rsquo;exotisme en France &agrave; la Renaissance de Rabelais &agrave; L&eacute;ry&nbsp;&raquo; dans&nbsp;<em>Litt&eacute;rature et exotisme (XVIe-XVIIIe si&egrave;cle)</em>, Dominique de Courcelles (dir.), Paris, Ecole des Chartes, 1997, p.&nbsp;5-16.</p> <p><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a>&nbsp;Ana&iuml;s Fl&eacute;chet, &laquo;&nbsp;L&rsquo;exotisme comme objet d&rsquo;histoire&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Hypoth&egrave;ses</em>, n&deg;&nbsp;11, 2008, p.&nbsp;15-26.</p> <p><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a>&nbsp;V. notamment Odile Parsis-Barub&eacute;, &laquo; Introduction &raquo;, dans&nbsp;<em>Le Pittoresque. M&eacute;tamorphoses d&rsquo;une qu&ecirc;te dans l&rsquo;Europe moderne et contemporaine</em>, Jean-Pierre Lethuillier &amp; Odile Parsis-Barub&eacute; (dir.), Paris, Garnier, 2012, p. 11-26.</p> <p><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a>&nbsp;Beno&icirc;t De l&rsquo;Estoile,&nbsp;<em>Le go&ucirc;t des autres. De l&rsquo;Exposition coloniale aux Arts premiers</em>, Paris, Flammarion, 2007.</p> <p><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a>&nbsp;Jean Jamin, &laquo; Fictions haut r&eacute;gime. Du th&eacute;&acirc;tre v&eacute;cu au mythe romanesque&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>op. cit</em>., p.&nbsp;165-201.</p> <p><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a>&nbsp;Michel Panoff,&nbsp;<em>L&rsquo;ethnologie&nbsp;: le deuxi&egrave;me souffle</em>, Paris, Payot, 1979, p.&nbsp;5.</p> <p><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a>&nbsp;Roy Wagner,&nbsp;<em>L&rsquo;invention de la culture&nbsp;</em>[1976], Paris, Zones sensibles, 2014, particuli&egrave;rement chapitre 1.</p> <p><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a>&nbsp;Cet anthropologue est consid&eacute;r&eacute; comme &laquo;&nbsp;l&rsquo;inventeur&nbsp;&raquo; de la m&eacute;thodologie ethnographique &agrave; partir des travaux qu&rsquo;il a men&eacute;s au large de la Nouvelle-Guin&eacute;e durant la Premi&egrave;re Guerre mondiale. V. James Clifford, &laquo;&nbsp;De l&rsquo;ethnographie comme fiction. Conrad et Malinowski&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>&Eacute;tudes rurales</em>, n&deg;&nbsp;97-98, 1985, p.&nbsp;47-67</p> <p><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a>&nbsp;Daniel Fabre &amp; Jean Jamin, &laquo; Pleine page. Quelques consid&eacute;rations sur les rapports entre anthropologie et litt&eacute;rature&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>op. cit</em>., p.&nbsp;598&nbsp;; Arnauld Chandivert, &laquo;&nbsp;&Agrave; l&rsquo;&eacute;cole des Pyr&eacute;n&eacute;es. Pratiques d&rsquo;&eacute;criture et regards ethnographiques dans le premier tiers du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle&nbsp;&raquo;, dans Sylvie Sagnes (dir.),&nbsp;<em>Litt&eacute;rature r&eacute;gionaliste et ethnologie</em>, Arles, Museon Arlaten/GARAE/Actes Sud, 2015, p.&nbsp;131-149.</p> <p><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a>&nbsp;V. Gaetano Ciarcia,&nbsp;<em>De la m&eacute;moire ethnographique. L&rsquo;exotisme du pays dogon</em>, Paris, &Eacute;ditions de l&rsquo;EHESS, 2003.</p> <p><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a>&nbsp;Clifford Geertz, &laquo;&nbsp;Anti anti-relativism &raquo;,&nbsp;<em>American Anthropologist</em>, n&deg;&nbsp;86-2, 1984, p.&nbsp;263-278.</p> <p><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a>&nbsp;Jean Poirier, &laquo;&nbsp;Marcel Mauss et l&rsquo;&eacute;laboration de la science ethnologique&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Journal de la Soci&eacute;t&eacute; des oc&eacute;anistes</em>, tome 6, 1950, p.&nbsp;212-219, ici p.&nbsp;213.</p> <p><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a>&nbsp;Je reprends ici une formulation utilis&eacute;e par Arnold Van Gennep au d&eacute;but des ann&eacute;es 1930. V. Jean-Marie Privat,&nbsp;<em>Les chroniques de folklore d&rsquo;Arnold Van Gennep. Recueil de textes parus dans le</em>&nbsp;Mercure de France<em>, 1905-1949</em>, Paris, CTHS,&nbsp; 2001, p.&nbsp;27.</p> <p><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a>&nbsp;Claude L&eacute;vi-Strauss,&nbsp;<em>Tristes tropiques</em>, Paris, Plon, 1955, p.&nbsp;40-41.</p> <p><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a>&nbsp;Jean Rodes, &laquo;&nbsp;L&rsquo;exotisme nouveau&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>La grande France</em>, juin 1903, cit&eacute; dans Louis Cario &amp; Charles Regismanset,&nbsp;<em>L&rsquo;exotisme. La litt&eacute;rature coloniale</em>, Paris, Mercure de France, 1911, p.&nbsp;199.</p> <p><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a>&nbsp;Victor Segalen,&nbsp;<em>Essai sur l&rsquo;exotisme</em>, Paris, Fata Morgana, 1978. Rappelons que pour Segalen, l&rsquo;exotisme est &laquo;&nbsp;la notion du diff&eacute;rent&nbsp;; la perception du Divers&nbsp;; la connaissance de quelque chose qui n&rsquo;est pas soi-m&ecirc;me&nbsp;&raquo; &ndash;&nbsp;<em>ibid.</em>, p. 41.</p> <p><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a>&nbsp;Robert Randau, &laquo;&nbsp;La litt&eacute;rature coloniale hier et aujourd&rsquo;hui&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>La Revue des deux mondes</em>, n&deg;&nbsp;52-2, 1929, p.&nbsp;416-434, ici p.&nbsp;419.</p> <p><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a>&nbsp;Alain Quella-Vill&eacute;ger, &laquo;&nbsp;Des bains de mer aux bains de sang&nbsp;&raquo;, dans Alain Quella-Vill&eacute;ger<em>, Voyages en exotismes. Ailleurs, histoire et litt&eacute;rature (XIX<sup>e</sup>-XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cles)</em>, Paris, Classiques Garnier, 2017, p.&nbsp;9-28, ici p.&nbsp;17-18. V. aussi Jean-Marc Moura, &laquo;&nbsp;Litt&eacute;rature coloniale et exotisme : examen d&rsquo;une opposition de la th&eacute;orie litt&eacute;raire coloniale&nbsp;&raquo;, dans Jean-Fran&ccedil;ois Durand (dir.),&nbsp;<em>Regards sur les litt&eacute;ratures coloniales. Tome 1 : Afrique francophone : D&eacute;couvertes</em>, Paris, L&rsquo;Harmattan, 1999, p.&nbsp;21-39.</p> <p><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a>&nbsp;Roland Lebel,&nbsp;<em>Le livre du pays noir. Anthologie de litt&eacute;rature africaine. Avec une pr&eacute;face de Maurice Delafosse, et 14 bois grav&eacute;s de Jean Hainaut. Pr&eacute;sentation et &eacute;tude de Jean-Claude Blach&egrave;re, avec la collaboration de Roger Little,</em>&nbsp;Paris-Budapest-Torino, L&rsquo;Harmattan, 2005&nbsp;; Jean-Loup Amselle &amp; Emmanuelle Sibeud (dir.),&nbsp;<em>Maurice Delafosse. Entre orientalisme et ethnographie&nbsp;: l&rsquo;itin&eacute;raire d&rsquo;un africaniste</em>, Paris, Maisonneuve et Larose, 1998.</p> <p><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a>&nbsp;Ren&eacute; Menil, &laquo;&nbsp;De l&rsquo;exotisme colonial&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>La nouvelle critique</em>, n&deg;&nbsp;106, 1959, p.&nbsp;139-145, ici p.&nbsp;140. Pour une analyse analogue qui fait de l&rsquo;exotisme le r&eacute;sultat d&rsquo;une structure d&rsquo;oppression, voir Franz Fanon, &laquo;&nbsp;Racisme et culture&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Pr&eacute;sence africaine</em>, n&deg;&nbsp;8-10, 1956, p.&nbsp;122-131.</p> <p><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a>&nbsp;Alain Quella-Vill&eacute;ger,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;9-10.</p> <p><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a>&nbsp;Vincent Debaene, &laquo;&nbsp;Les &eacute;crivains contre l&rsquo;ethnologie&nbsp;? Ethnographie, ethnologie et litt&eacute;rature d&rsquo;Afrique et des Antilles, 1921‑1948&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Romanic Review</em>, n&deg;&nbsp;104/3‑4, 2013, p.&nbsp;353‑374, ici p.&nbsp;356. Sur l&rsquo;usage de l&rsquo;expression &laquo;&nbsp;pr&eacute;-postcolonial&nbsp;&raquo;, v. Vincent Debaene, &laquo;&nbsp;La&ldquo;litt&eacute;rature indig&egrave;ne d&rsquo;expression fran&ccedil;aise&rdquo;: une histoire pr&eacute;-postcoloniale&nbsp;&raquo;, dans Vincent Debaene, Jean-Louis Jeannelle, Marielle Mac&eacute; &amp; Michel Murat (dir.),&nbsp;<em>L&rsquo;Histoire litt&eacute;raire des &eacute;crivains</em>, Paris, PUPS, 2013, p.&nbsp;279-304.</p> <p><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a>&nbsp;Alban Bensa,&nbsp;<em>La fin de l&rsquo;exotisme. Essai d&rsquo;anthropologie critique</em>, Toulouse, Anacharsis, 2006.</p> <p><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a>&nbsp;Homi Bhabha,&nbsp;<em>Les lieux de la culture. Une th&eacute;orie postcoloniale&nbsp;</em>[1994], Paris, Payot, 2007.</p> <p><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a>&nbsp;Anthony Mangeon (dir.),&nbsp;<em>Postures postcoloniales</em>, Paris, Karthala/MSH-M, 2012, p.&nbsp;5.</p> <p><a href="#_ftnref32" name="_ftn32">[32]</a>&nbsp;On renverra sur ce point aux diff&eacute;rents travaux de Thomas Brisson, et notamment &agrave; son dernier ouvrage,&nbsp;<em>D&eacute;centrer l&rsquo;Occident. Les intellectuels postcoloniaux chinois, arabes et indiens et la critique de la modernit&eacute;</em>, Paris, La D&eacute;couverte, 2018.</p> <p><a href="#_ftnref33" name="_ftn33">[33]</a>&nbsp;Fran&ccedil;ois Cusset,&nbsp;<em>French Theory. Foucault, Derrida, Deleuze et Cie et les mutations de la vie intellectuelle aux Etats-Unis</em>, Paris, La D&eacute;couverte, 2003.</p> <p><a href="#_ftnref34" name="_ftn34">[34]</a>&nbsp;H&eacute;ritages que le politiste fran&ccedil;ais Jean-Fran&ccedil;ois Bayart, dans son pamphlet contre les &eacute;tudes postcoloniales, propose d&rsquo;appeler le &laquo;&nbsp;legs colonial&nbsp;&raquo; &ndash; Jean-Fran&ccedil;ois Bayart,&nbsp;<em>Les &eacute;tudes postcoloniales.&nbsp;</em><em>Un carnaval acad&eacute;mique</em>, Paris, Karthala, &laquo;&nbsp;Disputatio&nbsp;&raquo;, 2010.</p> <p><a href="#_ftnref35" name="_ftn35">[35]</a>&nbsp;Dipesh Chakrabarty,&nbsp;<em>Provincialiser l&rsquo;Europe.&nbsp;</em><em>La pens&eacute;e postcoloniale et la diff&eacute;rence historique&nbsp;</em>[2000], Paris, Amsterdam, 2009, p.&nbsp;27.</p> <p><a href="#_ftnref36" name="_ftn36">[36]</a>&nbsp;Terme repris &agrave; Antonio Gramsci et largement diffus&eacute; par les historiens indiens, marxistes critiques, du courant des &laquo;&nbsp;subaltern studies &raquo; dans les ann&eacute;es 1980.</p> <p><a href="#_ftnref37" name="_ftn37">[37]</a>&nbsp;Dipesh Chakrabarty,&nbsp;<em>Provincialiser l&rsquo;Europe</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>.</p> <p><a href="#_ftnref38" name="_ftn38">[38]</a>&nbsp;Miano L&eacute;onora,&nbsp;<em>L&rsquo;Imp&eacute;ratif transgressif</em>, Paris, L&rsquo;Arche, 2016, p. 152.</p> <p><a href="#_ftnref39" name="_ftn39">[39]</a>&nbsp;<em>Ibid</em>., 144.</p> <p><a href="#_ftnref40" name="_ftn40">[40]</a>&nbsp;Dipesh Chakrabarty,&nbsp;<em>Provincialiser l&rsquo;Europe</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>. p. 375.</p> <p><a href="#_ftnref41" name="_ftn41">[41]</a>&nbsp;<em>Ibid</em>., p. 88.</p> <p><a href="#_ftnref42" name="_ftn42">[42]</a>&nbsp;<em>Ibid</em>., p. 92.</p> <p><a href="#_ftnref43" name="_ftn43">[43]</a>&nbsp;<em>Ibid</em>., p. 53.</p> <p><a href="#_ftnref44" name="_ftn44">[44]</a>&nbsp;<em>Ibid</em>., p. 59.</p> <p><a href="#_ftnref45" name="_ftn45">[45]</a>&nbsp;NGUGI Wa Thiong&rsquo;o,&nbsp;<em>Decolonizing the Mind. The Politics of Language in African Literature&nbsp;</em>[1986], Oxford, Nairobi, Portsmouth, James Currey, EAEP, Heinemann, 2005.</p> <p><a href="#_ftnref46" name="_ftn46">[46]</a>&nbsp;<em>Ibid</em>.</p> <p><a href="#_ftnref47" name="_ftn47">[47]</a>&nbsp;Gregory Bateson,&nbsp;<em>Vers une &eacute;cologie de l&rsquo;esprit&nbsp;</em>[1977], Tome 1, chapitre &laquo;&nbsp;Contact culturel et schismogen&egrave;se&nbsp;&raquo;, traduction de Ferial Drosso, Laurencine Lot et Eug&egrave;ne Simion, Paris, Le Seuil, &laquo;&nbsp;Points Essais&nbsp;&raquo;, 1995.</p> <p><a href="#_ftnref48" name="_ftn48">[48]</a>&nbsp;On renverra &agrave; la discussion, passionnante mais aussi partiale et pol&eacute;mique, nourrie par la pens&eacute;e r&eacute;publicaine fran&ccedil;aise universaliste, qu&rsquo;en proposent Jean-Loup Amselle dans son essai&nbsp;<em>L&rsquo;Occident d&eacute;croch&eacute;. Enqu&ecirc;te sur les postcolonialismes</em>&nbsp;(Paris, Stock, 2008) et, s&rsquo;agissant plus sp&eacute;cifiquement du domaine africain, Anthony Mangeon dans son livre&nbsp;<em>La pens&eacute;e noire et l&rsquo;Occident. De la biblioth&egrave;que coloniale &agrave; Barack Obama</em>&nbsp;(Sulliver, 2010).</p> <p><a href="#_ftnref49" name="_ftn49">[49]</a>&nbsp;On trouvera plusieurs synth&egrave;ses de ces discussions dans des num&eacute;ros sp&eacute;ciaux de revue et des ouvrages collectifs. On renverra, parmi de nombreuses autres r&eacute;f&eacute;rences, &agrave; l&rsquo;ouvrage collectif&nbsp;<em>Ruptures postcoloniales</em>&nbsp;(Nicolas Bancel&nbsp;<em>et al</em>.,&nbsp;<em>Ruptures postcoloniales. Les nouveaux visages de la soci&eacute;t&eacute; fran&ccedil;aise</em>, Paris, La D&eacute;couverte, 2010), qui revendique de mani&egrave;re militante l&rsquo;h&eacute;ritage et la r&eacute;appropriation fran&ccedil;aise des &eacute;tudes postcoloniales, mais qui propose aussi un grand nombre d&rsquo;articles passionnants et des synth&egrave;ses tr&egrave;s utiles au sujet de l&rsquo;histoire particuli&egrave;re de leur r&eacute;ception en France, ainsi qu&rsquo;au livre d&eacute;j&agrave; cit&eacute; d&rsquo;Anthony Mangeon,&nbsp;<em>Postures postcoloniales</em>&nbsp;et &agrave; l&rsquo;ouvrage dirig&eacute; par le collectif &laquo;&nbsp;Write back&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Postcolonial studies. Modes d&rsquo;emploi</em>&nbsp;(Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2013).</p> <p><a href="#_ftnref50" name="_ftn50">[50]</a>&nbsp;Bill Ashcroft, Gareth Griffiths &amp; Helen Tiffin,&nbsp;<em>The Empire Writes Back.&nbsp;</em><em>Theory and Practice in Post-Colonial Literatures&nbsp;</em>[1989], Routledge, 2002.</p> <p><a href="#_ftnref51" name="_ftn51">[51]</a>&nbsp;Voir par exemple pour le domaine fran&ccedil;ais les remarques parfois tr&egrave;s pertinentes du pamphlet souvent discutable de Jean-Fran&ccedil;ois Bayart,&nbsp;<em>Les &eacute;tudes postcoloniales. Un carnaval acad&eacute;mique</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>.</p> <p><a href="#_ftnref52" name="_ftn52">[52]</a>&nbsp;Mar Garcia, &laquo;&nbsp;Postures (post) exotiques&nbsp;: &ldquo;R&eacute;veiller les vieux d&eacute;mons de l&rsquo;exotisme&rdquo; &raquo;, dans Anthony Mangeon,&nbsp;<em>Postures postcoloniales</em>, Paris, Karthala, MSH-M, 2012, p. 259-284.</p> <p><a href="#_ftnref53" name="_ftn53">[53]</a>&nbsp;Nathalie Sarraute,&nbsp;<em>L&rsquo;&egrave;re du soup&ccedil;on</em>, Paris, Gallimard, 1956.</p> <p><a href="#_ftnref54" name="_ftn54">[54]</a>&nbsp;Graham Huggan, &laquo;&nbsp;The Postcolonial Exotic. Salman Rushdie and the Booker of Bookers&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Transition</em>, 64, 1994, p. 22-29.</p> <p><a href="#_ftnref55" name="_ftn55">[55]</a>&nbsp;Graham Huggan,&nbsp;<em>The post-colonial exotic. Marketing the margins</em>, New York, Routledge, 2001. Je remercie vivement ma coll&egrave;gue Claire Ducournau de m&rsquo;avoir fait d&eacute;couvrir l&rsquo;article de Graham Huggan ainsi que son ouvrage, qui n&rsquo;est pas traduit en fran&ccedil;ais. Claire Ducournau a propos&eacute; dans le livre &eacute;dit&eacute; par le collectif Write back,&nbsp;<em>Postcolonial studies&nbsp;: Modes d&rsquo;emploi</em>&nbsp;(Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2013, p. 287-300), la traduction in&eacute;dite et la pr&eacute;sentation de l&rsquo;article de Graham Huggan. Je renvoie &eacute;galement au livre qu&rsquo;elle a r&eacute;cemment publi&eacute; :&nbsp;<em>La fabrique des classiques africains. &Eacute;crivains d&rsquo;Afrique subsaharienne francophone</em>, Paris, CNRS &Eacute;ditions, 2017.</p> <p><a href="#_ftnref56" name="_ftn56">[56]</a>&nbsp;Claire Ducournau, &laquo;&nbsp;L&rsquo;exotisme postcolonial par Graham Huggan. Pr&eacute;sentation&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;<em>Postcolonial Studies : modes d&rsquo;emploi</em>, Collectif Write back, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2013, p. 280.</p> <p><a href="#_ftnref57" name="_ftn57">[57]</a>&nbsp;Graham Huggan, &laquo;&nbsp;L&rsquo;exotisme postcolonial. Salman Rushdie et le &ldquo;Booker des Bookers&rdquo; &raquo; [1994], pr&eacute;sent&eacute; et traduit par Claire Ducournau, dans Collectif Write back,&nbsp;<em>Postcolonial Studies : modes d&rsquo;emploi</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p. 289.</p> <p><a href="#_ftnref58" name="_ftn58">[58]</a>&nbsp;<em>Ibid</em>., p. 290.</p> <p><a href="#_ftnref59" name="_ftn59">[59]</a>&nbsp;Claire Ducournau, &laquo;&nbsp;L&rsquo;exotisme postcolonial par Graham Huggan. Pr&eacute;sentation&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>op. cit</em>., p. 281.</p> <p><a href="#_ftnref60" name="_ftn60">[60]</a>&nbsp;Mar Garcia, &laquo;&nbsp;Postures (post) exotiques&nbsp;: &ldquo;R&eacute;veiller les vieux d&eacute;mons de l&rsquo;exotisme&rdquo; &raquo;,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p. 280.</p> <h3>Auteurs</h3> <p><strong>Arnauld Chandivert</strong>&nbsp;est ma&icirc;tre de conf&eacute;rences au d&eacute;partement d&rsquo;ethnologie de l&rsquo;universit&eacute; Paul-Val&eacute;ry &ndash; Montpellier 3 et membre du LERSEM, &eacute;quipe CERCE. Ses travaux portent sur l&rsquo;histoire de l&rsquo;ethnologie, sur les r&eacute;f&eacute;rences aux patrimoines et &agrave; la culture dans l&rsquo;&eacute;laboration d&rsquo;appartenances collectives ainsi que sur leur mise en valeurs (morale et &eacute;conomique). Il a notamment coordonn&eacute; en 2015 avec Sylvie Sagnes un num&eacute;ro sp&eacute;cial d&rsquo;<em>Ethnologie fran&ccedil;aise</em>&nbsp;portant sur la promotion contemporaine des &laquo;&nbsp;petites capitales&nbsp;&raquo; ainsi que divers articles concernant les Pyr&eacute;n&eacute;es, en traitant par exemple des liens entre ethnologie et litt&eacute;rature r&eacute;gionaliste.</p> <p><strong>Maxime Del Fiol</strong>, ancien &eacute;l&egrave;ve de l&rsquo;&Eacute;cole Normale Sup&eacute;rieure de Fontenay Saint-Cloud, agr&eacute;g&eacute; de lettres modernes et docteur &egrave;s lettres, est Professeur de litt&eacute;ratures fran&ccedil;aise et francophones &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; Paul-Val&eacute;ry Montpellier 3, o&ugrave; il est responsable du master d&rsquo;&Eacute;tudes culturelles. Il est &eacute;galement membre du laboratoire RIRRA 21 (EA 4209), dont il dirige le programme&nbsp;&laquo;&nbsp;Francophonies et mondialisation des litt&eacute;ratures&nbsp;&raquo;. Ses travaux portent sur la po&eacute;sie fran&ccedil;aise contemporaine, les litt&eacute;ratures francophones postcoloniales, la mondialisation des litt&eacute;ratures et l&rsquo;Islam arabe. Il a dirig&eacute; plusieurs volumes collectifs, notamment&nbsp;<em>Les Occidents des mondes arabes et musulmans. Afrique du Nord, XIX<sup>e</sup>-XXI<sup>e&nbsp;</sup>si&egrave;cles</em>&nbsp;(en collaboration avec Claire C&eacute;cile Mitatre, Paris, Geuthner, 2018) et publi&eacute; deux ouvrages personnels&nbsp;:&nbsp;<em>Salah St&eacute;ti&eacute;. Figures et infigurable</em>&nbsp;(Paris, Alain Baudry et Compagnie, 2009) et&nbsp;<em>Lorand Gaspar. Approches de l&rsquo;immanence</em>&nbsp;(Paris, Hermann, 2013). Son prochain livre,&nbsp;<em>De la litt&eacute;rature fran&ccedil;aise &agrave; la litt&eacute;rature mondiale en fran&ccedil;ais. Pour une relecture francophone de l&rsquo;histoire litt&eacute;raire fran&ccedil;aise</em>&nbsp;(Paris, Classiques Garnier, &agrave; para&icirc;tre en 2020), consacr&eacute; aux litt&eacute;ratures francophones, est &eacute;galement une contribution &agrave; l&rsquo;&eacute;laboration d&rsquo;une histoire litt&eacute;raire transnationale des litt&eacute;ratures de langue fran&ccedil;aise.</p> <h3><strong>Copyright</strong></h3> <p>Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p>