<div class="entry-content"> <h3 style="text-align: justify;">Abstract</h3> <p style="text-align: justify;">As many writers of his generation, Philippe Soupault was passionate about the cinema, the journalism et finally the radio. He considers the radio as an opportunity to say and broadcast the poetry. This article shows the radio voice of the poet is worked by the same requirements as those of his poetry: simplicity, nature, art of the images and sense or rhythm.</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p>Soupault, radio, poetry, song, voice, world, meeting, portrait, word, silence, recite, youth</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">Cocteau souhaitait que la &laquo;&nbsp;grande femme de silence au collier d&rsquo;ondes&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>&nbsp;&raquo; devienne &laquo;&nbsp;une muse de plus. Une muse tout court&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>&nbsp;&raquo;, Jean Tardieu &eacute;tait fascin&eacute; par les &laquo;&nbsp;voix sans personne&nbsp;&raquo; et Cendrars par les &laquo;&nbsp;mille oreilles&nbsp;&raquo; qui &eacute;coutent en m&ecirc;me temps&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>. Soupault, pour sa part, aurait pu lancer la formule &laquo;&nbsp;Radio&nbsp;=&nbsp;po&eacute;sie&nbsp;&raquo;, car seule la po&eacute;sie, croyait-il, peut donner &agrave; la radio &laquo;&nbsp;le pouvoir d&rsquo;exprimer la vie&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>&nbsp;&raquo;. Il n&rsquo;&eacute;tait pas le seul &agrave; le penser&nbsp;: la po&eacute;sie est reine dans les ann&eacute;es trente, o&ugrave; on l&rsquo;entend et on la voit &laquo;&nbsp;<em>partout</em>&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;non seulement dans les mots, mais aussi dans les bruits, les &ecirc;tres, les habits, les objets, les rues, les vitrines des magasins, les fleuves&nbsp;&raquo;, se souvient Jean Chouquet&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>. La radio, quant &agrave; elle, mart&egrave;le Soupault, est l&rsquo;&laquo;&nbsp;une des grandes apparitions de ce si&egrave;cle&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;sa rapidit&eacute; de transmission&nbsp;&raquo; est proprement merveilleuse, elle &laquo;&nbsp;fait faire des bonds prodigieux &agrave; la culture&nbsp;&raquo;, elle rapproche les hommes les uns des autres et met &laquo;&nbsp;les foules en contact avec le cr&eacute;ateur&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>.&nbsp;&raquo; On aura reconnu dans ce r&ecirc;ve de diffusion &agrave; grande &eacute;chelle l&rsquo;un des grands <em>lieux communs</em> de la modernit&eacute;.</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;activit&eacute; radiophonique de Soupault n&rsquo;a rien, non plus, d&rsquo;original en soi. Elle s&rsquo;inscrit dans un parcours semblable &agrave; celui de nombreux &eacute;crivains entr&eacute;s en litt&eacute;rature peu avant ou peu apr&egrave;s la grande guerre qui, comme lui, se sont passionn&eacute;s pour le cin&eacute;ma &ndash;&nbsp;voire la publicit&eacute;&nbsp;&ndash;, ont &eacute;t&eacute; tent&eacute;s par le roman puis par le reportage, avant de se tourner vers l&rsquo;activit&eacute; radiophonique&nbsp;: on songe &agrave; Cendrars, bien s&ucirc;r, mais aussi, avec quelques variantes, &agrave; Andr&eacute; Beucler, &agrave; Pierre Mac Orlan ou &agrave; L&eacute;on-Paul Fargue. La singularit&eacute; de Soupault tiendrait davantage dans le fait d&rsquo;avoir combin&eacute; cette trajectoire, caract&eacute;ristique des &laquo;&nbsp;modernes&nbsp;&raquo;, avec celle, avant-gardiste, des dada&iuml;stes et des surr&eacute;alistes, plus d&eacute;fiants &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de l&rsquo;invention technique.</p> <p style="text-align: justify;">Original, Soupault le serait donc plut&ocirc;t d&rsquo;avoir investi avec une m&ecirc;me ferveur deux &laquo;&nbsp;postures&nbsp;&raquo; qui, sur la sc&egrave;ne litt&eacute;raire et artistique de l&rsquo;Entre-deux-guerres, ont coexist&eacute; sans n&eacute;cessairement se rencontrer&nbsp;: l&rsquo;une contestataire et r&eacute;volutionnaire, arm&eacute;e d&rsquo;une volont&eacute; de table rase et de destruction du pass&eacute;, l&rsquo;autre, moins radicale, mais plus sensible &agrave; la d&eacute;couverte et &agrave; l&rsquo;exploration des &laquo;&nbsp;mondes nouveaux&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est comme tel, comme un &laquo;&nbsp;nouveau monde dont nous soup&ccedil;onnons &agrave; peine l&rsquo;existence, mais dont nous subissons &agrave; chaque seconde de notre vie la puissante influence&nbsp;&raquo;, que Soupault envisage &laquo;&nbsp;le monde des sons&nbsp;&raquo;</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="1_La_voix_de_Soupault">1. La voix de Soupault</span><br /> &nbsp;</h2> <blockquote> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;">Certains qui n&rsquo;&eacute;coutent pas plus loin que le bout de leur oreille, ne voudrons pas comprendre que le monde sonore est encore &agrave; d&eacute;couvrir. Ils se contentent (et pas toujours) de la musique. Mais il faudrait leur r&eacute;pondre que la musique est une petite r&eacute;gion, m&ecirc;me pas un d&eacute;partement, un canton du pays des sons&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Ainsi s&rsquo;exprimait Soupault en 1946, l&rsquo;ann&eacute;e m&ecirc;me de la transition entre le Studio d&rsquo;Essai et le Club d&rsquo;Essai, dans un article des <em>Lettres fran&ccedil;aises</em> o&ugrave; il rend hommage aux chercheurs qui travaillent dans le Radio-Laboratoire de la Radiodiffusion fran&ccedil;aise (RDF). Les d&eacute;couvertes de ces explorateurs des ondes, qu&rsquo;il nomme des &laquo;&nbsp;scaphandriers&nbsp;&raquo;, ne b&eacute;n&eacute;ficient pas, d&eacute;plore-t-il, de la publicit&eacute; qu&rsquo;elles m&eacute;ritent. Soupault est dans l&rsquo;un de ses r&ocirc;les pr&eacute;f&eacute;r&eacute;s, celui de qui s&rsquo;emploie &agrave; faire reconna&icirc;tre les artistes ou les univers injustement m&eacute;connus.</p> <p style="text-align: justify;">Suit, sur la m&ecirc;me page, sign&eacute; du sociologue Roger Veill&eacute;, le r&eacute;cit de quelques-unes des exp&eacute;riences men&eacute;es par ce dernier avec le r&eacute;alisateur Albert Ri&eacute;ra dans le cadre de l&rsquo;&eacute;mission Radio-Laboratoire qu&rsquo;ils anim&egrave;rent ensemble sur le Poste parisien de janvier 1945 &agrave; la mi-mars 1946. Avec la collaboration du public, ils ont pu conduire diverses investigations sur le &laquo;&nbsp;mouvement&nbsp;&raquo; ou sur la &laquo;&nbsp;lumi&egrave;re des sons&nbsp;&raquo;. Cette derni&egrave;re tend &agrave; d&eacute;montrer que la radio disposerait de &laquo;&nbsp;trois gammes d&rsquo;&eacute;clairage sonore&nbsp;&raquo;&nbsp;: les sons graves, assourdis, qui &eacute;voquent l&rsquo;obscurit&eacute;, les sons aigus la lumi&egrave;re, tandis que la voix &laquo;&nbsp;normale&nbsp;&raquo; sugg&egrave;re la demi-obscurit&eacute;. La voix chaude, grave remontant parfois vers l&rsquo;aigu, l&eacute;g&egrave;rement voil&eacute;e de Philippe Soupault, serait donc plut&ocirc;t une voix de nuit, travers&eacute;e de cr&eacute;puscules et d&rsquo;aurores, en accord avec &laquo;&nbsp;la couleur d&rsquo;insomnie&nbsp;&raquo; et le &laquo;&nbsp;ton du nocturne&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>&nbsp;&raquo;qui de <em>Westwego</em> aux <em>Derni&egrave;res Nuits de Paris</em>, baigne son univers po&eacute;tique.</p> <p style="text-align: justify;">S&rsquo;interrogeant &eacute;galement sur les &laquo;&nbsp;caract&eacute;risations de la voix&nbsp;&raquo;, les deux animateurs demandent aux auditeurs de dire quels traits physiques et moraux &eacute;voquent pour eux la voix anonyme dont on leur fait entendre un &eacute;chantillon. Les r&eacute;sultats sont surprenants. Chez 80% des correspondants, on voit &laquo;&nbsp;un trait physique s&rsquo;imposer. Tant&ocirc;t la corpulence&nbsp;: il y a des voix maigres&nbsp;; tant&ocirc;t la taille&nbsp;: des voix petites&nbsp;; tant&ocirc;t l&rsquo;&acirc;ge. &laquo;&nbsp;Il semble que l&rsquo;individualit&eacute; physique &eacute;voqu&eacute;e par la voix se d&eacute;finisse avant tout par un seul trait pr&eacute;cis&nbsp;: la blondeur, chez l&rsquo;un, la vieillesse chez l&rsquo;autre. La caract&eacute;risation morale para&icirc;t aussi sommaire et nette, c&rsquo;est tant&ocirc;t la brutalit&eacute;, tant&ocirc;t la distinction, la vulgarit&eacute;, etc. qui dominent&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>.&nbsp;&raquo; Ces recherches ne sauraient manquer de retenir l&rsquo;attention de qui s&rsquo;int&eacute;resse &agrave; cette s&oelig;ur cadette de la photog&eacute;nie, qu&rsquo;est la &laquo;&nbsp;radiog&eacute;nie&nbsp;&raquo;, ce &laquo;&nbsp;charisme des ondes&nbsp;&raquo;, pourrait-on dire, qui fait d&rsquo;une voix passant par le micro vous touchera tandis qu&rsquo;une autre vous laissera indiff&eacute;rent.</p> <p style="text-align: justify;">Il me faut avouer ici la d&eacute;ception que m&rsquo;a d&rsquo;abord procur&eacute;e l&rsquo;&eacute;coute intensive, &agrave; l&rsquo;Inath&egrave;que, de Philippe Soupault &agrave; la radio, principalement dans les entretiens, les portraits et quelques carnets de voyage. Non que ses propos et son style radiophonique manquent d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t &ndash;&nbsp;j&rsquo;y ai beaucoup appris&nbsp;&ndash;, mais parce qu&rsquo;ils ne m&rsquo;ont procur&eacute; aucune r&eacute;elle surprise, pas de v&eacute;ritable r&eacute;v&eacute;lation. Comme si l&rsquo;image et la voix, la parole et l&rsquo;&eacute;criture se faisaient &eacute;cho, s&rsquo;inscrivaient dans une parfaite continuit&eacute;. Trop parfaite, justement. Fallait y voir l&rsquo;effet d&rsquo;une sorte d&rsquo;accommodation, qui au fil du temps m&rsquo;aurait conduite &agrave; fondre en une seule image, les repr&eacute;sentations depuis longtemps famili&egrave;res du visage, de la voix &ndash;&nbsp;moins connue mais que j&rsquo;avais d&eacute;j&agrave; entendue&nbsp;&ndash; et de l&rsquo;&oelig;uvre de Philippe Soupault&nbsp;? Qu&rsquo;aurais-je d&egrave;s lors &agrave; dire de cette voix, que je n&rsquo;aurais pu dire sans elle&nbsp;? &Agrave; moins qu&rsquo;il ne faille accorder quelque cr&eacute;dit &agrave; cette impression d&rsquo;harmonie &ndash;&nbsp;sachant qu&rsquo;<em>a contrario</em>, je n&rsquo;ai jamais pu m&rsquo;habituer &agrave; la voix de Cendrars, que je continue de ressentir comme <em>impossible</em>&nbsp;? Mais comment, en ce cas, faire la part de l&rsquo;&eacute;coute &laquo;&nbsp;originale&nbsp;&raquo; et de la reconstitution&nbsp;? D&rsquo;autant que dans les ann&eacute;es 1990, je me souviens que presque toutes les personnes que je sollicitais &agrave; propos de Soupault (qui venait de dispara&icirc;tre), se rappelaient imm&eacute;diatement l&rsquo;avoir &laquo;&nbsp;entendu &agrave; la radio&nbsp;&raquo;. N&rsquo;&eacute;tait-ce pas lui, le po&egrave;te surr&eacute;aliste de <em>Faites vous-m&ecirc;me votre anthologie</em>, et de <em>Nos quatre cent coups</em>&nbsp;? Sans doute, mais le romancier, le journaliste, et m&ecirc;me l&rsquo;auteur des <em>Champs magn&eacute;tiques</em>&nbsp;? Il ne leur disait finalement pas grand-chose&nbsp;: entendu, Philippe Soupault l&rsquo;a sans doute &eacute;t&eacute; bien davantage qu&rsquo;il n&rsquo;a &eacute;t&eacute; lu. Tel est l&rsquo;&eacute;trange constat qui s&rsquo;impose.</p> <p style="text-align: justify;">Constat d&rsquo;autant plus troublant que nous ne conna&icirc;trons jamais vraiment, malgr&eacute; quelques pr&eacute;cieux t&eacute;moignages, ce portrait sonore de l&rsquo;auteur des <em>Chansons</em>. Car si les paroles radiophoniques ne s&rsquo;envolent pas, comme les &eacute;crits restent, elles n&rsquo;en <em>passent</em> pas moins, comme passent les couleurs ou les parfums. Telles des &laquo;&nbsp;conserves sonores&nbsp;&raquo;, selon une judicieuse formule de Cocteau, elles sont dot&eacute;es d&rsquo;une date de p&eacute;remption, au-del&agrave; de laquelle elles perdent une partie de leur saveur d&rsquo;origine. Le portrait radiophonique de Philippe Soupault serait-il &agrave; jamais celui d&rsquo;un fant&ocirc;me&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">Qu&rsquo;&agrave; cela ne tienne&nbsp;! Faisons-lui jouer un instant le r&ocirc;le du revenant. Pour le faire revenir, j&rsquo;ai choisi de mettre en &oelig;uvre le test de &laquo;&nbsp;caract&eacute;risations de la voix&nbsp;&raquo; de Radio-Laboratoire, aupr&egrave;s d&rsquo;un groupe d&rsquo;une quarantaine d&rsquo;&eacute;tudiants de Master 2. Ayant s&eacute;lectionn&eacute; des extraits de l&rsquo;&eacute;mission de Louis Mollion &laquo;&nbsp;Les r&ecirc;ves perdus de Philippe Soupault&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>&nbsp;&raquo;, en faisant en sorte que le contenu soit le moins r&eacute;v&eacute;lateur possible du caract&egrave;re de la personne et de son identit&eacute;, je les ai soumis &agrave; leur &eacute;coute. Une &eacute;coute innocente donc, litt&eacute;ralement <em>en aveugle</em>, c&rsquo;est-&agrave;-dire &agrave; la mani&egrave;re de quelqu&rsquo;un que sa c&eacute;cit&eacute; oblige &agrave; consid&egrave;re les sons &agrave; part enti&egrave;re et non comme de simples &laquo;&nbsp;trouble-vue&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>&nbsp;&raquo;. Toutes les r&eacute;ponses, sans exception, ont cru reconna&icirc;tre la voix d&rsquo;un homme &acirc;g&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;vieux&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;plut&ocirc;t vieux&nbsp;&raquo;. S&rsquo;agissant des qualit&eacute;s morales, le calme vient en premi&egrave;re position, suivi de la douceur, puis de la cordialit&eacute;. L&rsquo;image d&rsquo;un homme paisible, affable et sympathique s&rsquo;impose tr&egrave;s majoritairement. Physiquement, on l&rsquo;imagine petit, trapu, voire &laquo;&nbsp;replet&nbsp;&raquo;, avec un visage &laquo;&nbsp;plut&ocirc;t carr&eacute;&nbsp;&raquo; mais n&eacute;anmoins &eacute;l&eacute;gant&nbsp;! Quelqu&rsquo;un plaque sur sa voix le physique de Niels Arestrup, quelqu&rsquo;un d&rsquo;autre le visage d&rsquo;Andr&eacute; Dussolier. Un portrait paradoxal donc, d&rsquo;o&ugrave; se d&eacute;gage une impression de force et de d&eacute;licatesse, de pr&eacute;sence tranquille et d&rsquo;affabilit&eacute;. Ainsi se trouve confirm&eacute; le fait que l&rsquo;image acoustique tend &agrave; ramener &agrave; quelques traits la repr&eacute;sentation des personnes, &agrave; les &laquo;&nbsp;antonomaser&nbsp;&raquo;, si l&rsquo;on peut dire, en leur faisant incarner des essences. Elle est sans nuances, certes, mais non sans pertinence.</p> <p style="text-align: justify;">Ce petit sondage a &eacute;t&eacute; conduit, il faut en convenir, sans grands &eacute;gards pour les r&egrave;gles du genre qui aurait voulu que l&rsquo;&eacute;chantillonnage des auditeurs soit beaucoup plus important et plus vari&eacute; en &acirc;ges, et bien s&ucirc;r, que les morceaux choisis proviennent de diff&eacute;rents types d&rsquo;&eacute;missions, d&rsquo;&eacute;poques diverses. Tentons n&eacute;anmoins de rebondir &agrave; partir de ces r&eacute;sultats.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="2_Simplicite">2. Simplicit&eacute;</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">La question de l&rsquo;&acirc;ge, tout d&rsquo;abord, demande &agrave; &ecirc;tre interpr&eacute;t&eacute;e. Soupault a 58 ans au moment de l&rsquo;&eacute;mission, ce qui dans les repr&eacute;sentations de jeunes auditeurs peut ais&eacute;ment passer pour &laquo;&nbsp;vieux&nbsp;&raquo;. Il faut &eacute;galement tenir compte du fait que l&rsquo;enregistrement remontant &agrave; 1955 &ndash;&nbsp;la modulation de fr&eacute;quence commence tout juste &agrave; s&rsquo;imposer face &agrave; la modulation d&rsquo;amplitude&nbsp;&ndash;, la perception de l&rsquo;&acirc;ge de la personne tend &agrave; se confondre avec celle de l&rsquo;&eacute;mission elle-m&ecirc;me, dont les normes, tr&egrave;s polic&eacute;es, tranchent avec les habitudes radiophoniques actuelles. Les liaisons appuy&eacute;es &ndash;&nbsp;dont Soupault n&rsquo;est pas avare (&laquo;&nbsp;qu&rsquo;il ait &eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;serait absolument&nbsp;&raquo;)&nbsp;&ndash; qui tendent aujourd&rsquo;hui &agrave; dispara&icirc;tre&nbsp;; l&rsquo;emploi du pass&eacute; simple (&laquo;&nbsp;Nous fr&eacute;quentions beaucoup le cin&eacute;ma&nbsp;&raquo;), un certains lexique qui, sans &ecirc;tre soutenu &agrave; l&rsquo;&eacute;poque, appara&icirc;t quelque peu comme tel de nos jours (les &laquo;&nbsp;jeunes gens&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;remarquable&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;prodigieux&nbsp;&raquo; &ndash;&nbsp;un mot qu&rsquo;il affectionne), une l&eacute;g&egrave;re tendance &agrave; ouvrir les voyelles (&laquo;&nbsp;Reverdy&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;adoration&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;cauchemars&nbsp;&raquo;) suffiraient &agrave; communiquer cette impression d&rsquo;anciennet&eacute; qui &eacute;mane du d&eacute;calage historique. Ce que certains &eacute;tudiants ont per&ccedil;u, au demeurant, lorsqu&rsquo;ils disent se repr&eacute;senter quelqu&rsquo;un de &laquo;&nbsp;d&eacute;suet&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Mais qu&rsquo;en aurait-il &eacute;t&eacute; si on leur avait fait &eacute;couter le &laquo;&nbsp;Magazine des arts&nbsp;&raquo;, anim&eacute; par Jean Wahl, consacr&eacute; &agrave; l&rsquo;exposition William Blake de 1947&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>, artiste auquel Soupault a consacr&eacute; en 1928 un essai et dont il a traduit avec son &eacute;pouse Marie-Louise les <em>Chants d&rsquo;innocence et d&rsquo;exp&eacute;rience</em>&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>&nbsp;? Sans doute, auraient-ils aussit&ocirc;t compris combien &laquo;&nbsp;jeune&nbsp;&raquo; est, relativement du moins, l&rsquo;&eacute;locution de Philippe Soupault lorsqu&rsquo;on la compare &agrave; la voix compass&eacute;e de Jean Wahl, ou &agrave; celle, caricaturale, de Ren&eacute; Drouin, l&rsquo;organisateur de l&rsquo;exposition, qui ponctue chacune de ses phrases d&rsquo;un &laquo;&nbsp;n&rsquo;est-ce-pas&nbsp;?&nbsp;&raquo; prof&eacute;r&eacute; d&rsquo;une voix nasale, pontifiant sur les &laquo;&nbsp;aqu<strong>&acirc;</strong>relles&nbsp;&raquo; de l&rsquo;artiste, tandis que le plus sympathique Bachelard fait songer &agrave; un &laquo;&nbsp;paysan de Paris&nbsp;&raquo;, lorsqu&rsquo;il &eacute;voque, en roulant les &laquo;&nbsp;r&nbsp;&raquo;, les &laquo;&nbsp;mythes de la c<strong>r</strong>&eacute;ation chez Blake&nbsp;&raquo;. &laquo; &ndash;&nbsp;Est-ce que Philippe Soupault aurait un petit mot &agrave; dire&hellip;&nbsp;&raquo;, s&rsquo;enquiert l&rsquo;animateur. &laquo;&nbsp;&ndash; Rien du tout, rien du tout&hellip; c&rsquo;est abominable&hellip;&nbsp;&raquo;, r&eacute;pond Soupault que l&rsquo;on pourrait &ecirc;tre tent&eacute; de croire atteint de quelque exc&egrave;s de timide, si son exp&eacute;rience de la radio (il a d&eacute;j&agrave; dirig&eacute; &agrave; cette &eacute;poque Radio Tunis) ne donnait plut&ocirc;t &agrave; penser qu&rsquo;il se refuse &agrave; jouer le jeu de cet entretien hautement culturel, pour ne pas dire passablement snob. &laquo;&nbsp;&ndash;&nbsp;Rien &agrave; dire sur le mal&nbsp;? &raquo;, insiste Jean Wahl. R&eacute;ponse de Soupault&nbsp;: &laquo;&nbsp;&ndash;&nbsp;C&rsquo;est parce que je le connais&nbsp;&raquo;. Et son interlocuteur de revenir &agrave; la charge&nbsp;: &laquo;&nbsp;&ndash;&nbsp;Je vois que Philippe Soupault sourit, probablement va-t-il revenir sur sa d&eacute;cision&hellip;&nbsp;&raquo;. &laquo;&nbsp;&ndash; Blake, dit-il, est avant tout un graveur&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;un po&egrave;te&nbsp;&raquo;, et Drouin qui ne souffre visiblement pas l&rsquo;ancien dada&iuml;ste, de pinailler&nbsp;: &laquo;&nbsp;&ndash;&nbsp;Qu&rsquo;il ait grav&eacute; beaucoup, oui&hellip;&nbsp;&raquo; Soupault l&rsquo;emporte finalement en une formule, qui a l&rsquo;art de d&eacute;tendre l&rsquo;atmosph&egrave;re en suscitant quelques rires&nbsp;: &laquo; &ndash;&nbsp;Le surr&eacute;alisme est &eacute;ternel.&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;">Cet interm&egrave;de pour dire que la mani&egrave;re radiophonique de Soupault est r&eacute;solument hostile au style &laquo;&nbsp;&eacute;mission culturelle entre lettr&eacute;s&nbsp;&raquo;, d&rsquo;une simplicit&eacute; sans surench&egrave;re, d&eacute;pourvue de toute hyst&eacute;risation. Une voix profonde qui monte du corps, bien pos&eacute;e, th&eacute;&acirc;trale mais sans th&eacute;&acirc;tralit&eacute;, sans emphase. Une voix naturelle, sans pour autant &ecirc;tre &laquo;&nbsp;nature&nbsp;&raquo;, qui ne fait pas chanter la Provence, comme celle de Giono, ni entendre la Champagne-Bourgogne de Colette ou de Gaston Bachelard. Une voix pour tout dire <em>classique</em> &ndash;&nbsp;de qui a fait ses classes&nbsp;&ndash;, mais de qui a aussi h&eacute;rit&eacute; de son milieu, celui de la grande bourgeoisie, une puret&eacute; syntaxique et un niveau de langue que Soupault, quoi qu&rsquo;il en ait, ne semble pas avoir song&eacute; &agrave; contester. Une voix cultiv&eacute;e mais qui se refuse &agrave; connoter la culture. Soupault n&rsquo;a pas le go&ucirc;t du mot rare pour le mot rare. Il parle une langue sobre, d&eacute;pourvue de luxuriance, sans exotisme, qui laisse toute sa place &agrave; la force de l&rsquo;image qui surgit &agrave; l&rsquo;improviste, mine de rien, sans aucun effet de manche. Elle n&rsquo;en est que plus frappante et plus juste&nbsp;: &laquo;&nbsp;je suis une fleur de macadam&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>&nbsp;&raquo; (pour exprimer son amour de la ville)&nbsp;; Apollinaire avait un &laquo;&nbsp;sourire de soleil&nbsp;&raquo;&nbsp;; le d&eacute;sert est une &laquo;&nbsp;mer dor&eacute;e&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;; la po&eacute;sie &laquo;&nbsp;une &ldquo;vie exhaustive&rdquo;&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>&nbsp;&raquo;&hellip; Ne seraient ces p&eacute;pites distill&eacute;es sans exc&egrave;s, que l&rsquo;on pourrait presque conclure &agrave; une certaine monotonie de ce discours quelque peu hypnotique, qui berce l&rsquo;auditeur mais sans l&rsquo;endormir.</p> <p style="text-align: justify;">Car Soupault a le sens du rythme. &laquo;&nbsp;Je suis moins sensible &agrave; la beaut&eacute; sonore qu&rsquo;&agrave; la puissance rythmique&nbsp;&raquo; confie-t-il au micro des &laquo;&nbsp;r&ecirc;ves perdus&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>&nbsp;&raquo;.&nbsp;&laquo;&nbsp;Dada a eu <u>cette vertu</u>,/ <u>merveilleuse</u> / de su<u>pprimer</u> <u>tout</u>/ et de dire z&eacute;ro,/ z&eacute;ro,/ nous ne croyons &agrave; rien,/ nous refusons le monde&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>&nbsp;&raquo; &ndash;&nbsp;voici, parmi tant d&rsquo;autres, l&rsquo;une de ces phrases toutes simples qui exercent cependant une grande force de s&eacute;duction par sa cadence, son accentuation, sa construction binaire. L&rsquo;&eacute;loquence, chez Soupault, sait rester discr&egrave;te, pr&eacute;f&eacute;rant s&rsquo;exercer sur le mode mineur qui lui &eacute;tait cher. Il aime aussi &agrave; ponctuer ses propos de rappels &agrave; l&rsquo;ordre de la conversation&nbsp;: &laquo;&nbsp;voyez-vous&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;figurez-vous&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;vous savez&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;je dois dire&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;toujours est-il&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;m&rsquo;enfin tout de m&ecirc;me&nbsp;&raquo;&hellip; sont quelques-unes de ces expressions, quasiment phatiques, qui maintiennent le contact avec l&rsquo;interlocuteur et &agrave; travers lui, avec l&rsquo;auditeur. Luc B&eacute;rimont cite-t-il Novalis &ndash;&nbsp;&laquo;&nbsp;La philosophie c&rsquo;est l&rsquo;h&ocirc;pital de la po&eacute;sie&nbsp;&raquo;&nbsp;&ndash; Soupault est enchant&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&rsquo;est un beau mot que je ne connaissais pas&nbsp;; c&rsquo;est un mot merveilleux&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>.&nbsp;&raquo; Il vit la conversation, il est l&agrave;, pr&eacute;sent &agrave; sa parole.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="3_Lenteur">3. Lenteur</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Mais revenons &agrave; notre portrait en aveugle de Philippe Soupault. L&rsquo;homme massif, rond ou carr&eacute;, imagin&eacute; &agrave; l&rsquo;audition par les &eacute;tudiants, est en assez large d&eacute;saccord, nonobstant la distinction qui lui est pr&ecirc;t&eacute;e, avec &laquo;&nbsp;l&rsquo;allure rac&eacute;e de grand l&eacute;vrier&nbsp;&raquo; et le &laquo;&nbsp;visage aigu qui coupe le vent&nbsp;&raquo; que nous d&eacute;crit Henri-Jacques Dupuy&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>. Si la gentillesse et l&rsquo;urbanit&eacute; du po&egrave;te sont av&eacute;r&eacute;es par ceux qui l&rsquo;ont connu, il faut n&eacute;anmoins lui adjoindre, si l&rsquo;on en croit Jean Chouquet, Soupault &laquo;&nbsp;l&rsquo;ironique&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;le moqueur, le persifleur, le cruel, le sadique, le diabolique&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>&nbsp;&raquo;&hellip; &laquo;&nbsp;doux comme un tigre&nbsp;&raquo;, confie-t-il dans l&rsquo;une de ses chansons&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>. Quant au flegme qui &eacute;mane de sa voix, il est en totale contradiction avec l&rsquo;homme qui passe en coup de vent, toujours sur le d&eacute;part, donnant l&rsquo;impression d&rsquo;&ecirc;tre perp&eacute;tuellement en fuite qu&rsquo;a volontiers laiss&eacute;e Philippe Soupault &agrave; ceux qui l&rsquo;ont connu et que Jean Chouquet r&eacute;sume ainsi sur le ton de l&rsquo;humour&nbsp;: &laquo;&nbsp;Bonjour&hellip; bonsoir&hellip; Et hop&nbsp;! &hellip; je suis pass&eacute;&hellip; Je suis press&eacute;. Je fous le camp&nbsp;! &Agrave; demain&hellip; &agrave; bient&ocirc;t&hellip; Au revoir&hellip; Adieu&hellip; Oubliez-moi&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>&nbsp;!&nbsp;&raquo; Ne croirait-on pas reconna&icirc;tre le Julien de <em>En Joue</em>&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>?</p> <p style="text-align: justify;">Une telle discordance peut assur&eacute;ment provenir du caract&egrave;re trompeur de la voix, pour autant que l&rsquo;on consid&egrave;re &ndash;&nbsp;&agrave; tort&nbsp;&ndash; celle-ci comme un reflet de l&rsquo;image visuelle ou de l&rsquo;image interne qu&rsquo;une personne peut avoir d&rsquo;elle-m&ecirc;me. On sait le choc que Gide, par exemple, &eacute;prouva &agrave; l&rsquo;audition de sa propre voix&nbsp;: elle n&rsquo;&eacute;tait pas la sienne, il ne s&rsquo;y reconnaissait pas. Dans le cas de Soupault, son objective lenteur d&rsquo;&eacute;locution serait &agrave; mettre au compte de sa capacit&eacute; d&rsquo;adaptation au media. Il semble, en effet, qu&rsquo;une certaine nervosit&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre disparaisse, chez lui, dans la situation radiophonique. Comme si celle-ci ouvrait une parenth&egrave;se dans le rythme de l&rsquo;existence, et que, en le mettant face &agrave; autre chose que lui-m&ecirc;me, face &agrave; la langue et face au public, son rapport au temps s&rsquo;en trouvait chang&eacute;. &laquo;&nbsp;Comme tout grand homme de radio, il sait respecter les silences entre les mots&nbsp;&raquo;, se souvient Jean Chouquet&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>. Ces silences, il les fait pour ainsi dire parler, en les faisant entendre. De cette voix au ralenti, on serait tent&eacute; de dire ce que Soupault lui-m&ecirc;me dit de celle de la Greta Garbo de l&rsquo;&eacute;poque du muet, lorsqu&rsquo;il la qualifie de &laquo;&nbsp;voix silencieuse&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>&nbsp;&raquo;. Cet art du silence qui caract&eacute;rise sa parole radiophonique est loin d&rsquo;&ecirc;tre partag&eacute;e par tous les &eacute;crivains&nbsp;: que l&rsquo;on songe, l&agrave; encore, &agrave; la voix brouillonne de Cendrars qui d&eacute;marre &laquo;&nbsp;en trombe &eacute;grenant les phrases &agrave; toute vitesse, sans &eacute;gard pour les syllabes jug&eacute;es secondaires, superflues&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>&nbsp;&raquo;, qui coupe volontiers la parole &agrave; ses interlocuteurs. Le phras&eacute; de Soupault est toujours clair, net&nbsp;: les mots se d&eacute;tachent les uns des autres comme les perles d&rsquo;un collier. Et en se d&eacute;tachant, ils prennent consistance, rev&ecirc;tent un &eacute;clat singulier. Ce plaisir, perceptible &agrave; l&rsquo;&eacute;coute, des mots en bouche, exprime mieux que tout discours une intimit&eacute; physique avec la po&eacute;sie.</p> <p style="text-align: justify;">Le tempo lent laisse &eacute;galement aux auditeurs le temps de se repr&eacute;senter l&rsquo;image des choses. Un pouvoir &eacute;vocatoire qui tient au fait que la voix de Soupault n&rsquo;est pas narcissique, elle sait se faire oublier, ne s&rsquo;interpose pas entre l&rsquo;&eacute;metteur et son discours, comme si elle s&rsquo;effa&ccedil;ait au profit de ce qu&rsquo;elle suscite. Aucune recherche, aucun mani&eacute;risme, mais le rythme de qui &laquo;&nbsp;p&egrave;se ses mots&nbsp;&raquo; et p&egrave;se sur eux de tout le poids d&rsquo;une parole habit&eacute;e, v&eacute;cue, qui se pense dans le temps m&ecirc;me o&ugrave; elle se dit. On en subit le charme sans se l&rsquo;expliquer. Mais quoi de plus fragile qu&rsquo;un charme&nbsp;?</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="4_Extinction_de_voix">4. Extinction de voix</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Il suffit que Soupault se mette &agrave; &laquo;&nbsp;r&eacute;citer&nbsp;&raquo; pour que sa voix cesse d&rsquo;&ecirc;tre vivante. Rien ne le dessert plus que quand il lit un texte &eacute;crit pour une &eacute;mission &ndash;&nbsp;ainsi que cela est souvent le cas lorsqu&rsquo;il se trouve, non dans la position de l&rsquo;&eacute;crivain avec lequel on s&rsquo;entretient, mais dans le r&ocirc;le professionnel du pr&eacute;sentateur d&rsquo;une &eacute;mission, comme par exemple &laquo;&nbsp;Tels qu&rsquo;en eux-m&ecirc;mes&nbsp;&raquo;, dont il est &eacute;galement le producteur, avec Philippe Fayet&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>. C&rsquo;est &agrave; peine si l&rsquo;on reconna&icirc;t sa voix, tant elle semble emprisonn&eacute;e. Elle se fait alors impersonnelle, &laquo;&nbsp;&eacute;teinte&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;m&eacute;canique&nbsp;&raquo;, pareille &agrave; la Georgette des <em>Derni&egrave;res nuits de</em> <em>Paris</em> qui, lorsqu&rsquo;elle s&rsquo;engouffre au petit matin dans une bouche de m&eacute;tro perd toutes ses qualit&eacute;s de &laquo;&nbsp;reine du myst&egrave;re&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>&nbsp;&raquo;. Quelle diff&eacute;rence entre cette parole &laquo;&nbsp;professionnelle&nbsp;&raquo;, d&eacute;saffect&eacute;e, et l&rsquo;&eacute;lan qui &eacute;mane de sa lecture des premi&egrave;res pages des <em>Champs magn&eacute;tiques</em> (pages dont nous savons &agrave; pr&eacute;sent qu&rsquo;il est l&rsquo;auteur)&nbsp;: une lecture qui impose l&rsquo;&eacute;vidence d&rsquo;un texte que nul autre que lui ne saurait lire avec une telle justesse, en m&ecirc;me temps qu&rsquo;avec une si parfaite &eacute;conomie de moyens. La diction repose enti&egrave;rement sur le rythme, tant&ocirc;t syncop&eacute;, tant&ocirc;t ralenti par un impeccable d&eacute;coupage syllabique, qui restitue d&rsquo;une mani&egrave;re &eacute;tonnante le souffle m&ecirc;me de l&rsquo;&eacute;criture&nbsp;: une lecture qui donne le sentiment que le texte s&rsquo;&eacute;crit au moment m&ecirc;me o&ugrave; il est prof&eacute;r&eacute;. Nous sommes en juin 1975, lors de l&rsquo;un des entretiens avec Bernard Delvaille pour France Culture&nbsp;: Soupault a 78 ans. Sa voix para&icirc;t plus jeune que, trois ans plus t&ocirc;t, dans la radioscopie de Jacques Chancel o&ugrave; elle semble plus lasse&nbsp;: le rythme de la phrase est plus uniforme, les propos sont plus lisses, le discours se fige, comme en proie &agrave; la lassitude de se redire &ndash;&nbsp;cent fois sur le m&eacute;tier &laquo;&nbsp;le dernier survivant du surr&eacute;alisme&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>&nbsp;&raquo; aura remis son t&eacute;moignage&hellip; Ce n&rsquo;est pas tant l&rsquo;&acirc;ge qui fait la jeunesse, que le degr&eacute; d&rsquo;adh&eacute;sion &agrave; sa propre parole.</p> <p style="text-align: justify;">La voix de Philippe Soupault est &eacute;ternellement jeune lorsqu&rsquo;elle ressemble, en somme, &agrave; sa po&eacute;sie. Et si en sa voix vive il parle comme il &eacute;crit, c&rsquo;est peut-&ecirc;tre parce qu&rsquo;il &eacute;crivait comme il parle. Mieux encore, parce qu&rsquo;il s&rsquo;&eacute;coutait &eacute;crire&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ces chansons, je crois qu&rsquo;avant de les &eacute;crire je les ai entendues au cours de mes r&ecirc;veries, pendant mes r&ecirc;veries et mes songes&nbsp;&raquo;, confie-t-il au micro lors de la premi&egrave;re &eacute;mission de&nbsp;<em>Chansons d&rsquo;&eacute;crivains</em>&nbsp;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a>. Philippe Soupault est en somme radiog&eacute;nique dans la po&eacute;sie. Tel pourrait bien &ecirc;tre le secret de sa voix &laquo;&nbsp;sans rides&nbsp;&raquo;.</p> <h2 style="text-align: justify;">Notes<br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a> Jean Cocteau, &laquo;&nbsp;Radio Luxembourg parle au monde&nbsp;&raquo; (1938),<em> Jean Cocteau, unique et multiple</em>, Pierre-Marie&nbsp;H&eacute;ron (&eacute;d.), DVD-Rom et livre ab&eacute;c&eacute;daire, Montpellier, &eacute;ditions L&rsquo;entretemps, 2012, p.&nbsp;44.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a> Jean Cocteau, &laquo;&nbsp;Radio City&nbsp;&raquo; (1938), <em>Cahiers Jean Cocteau</em>, nouvelle s&eacute;rie, n&deg; 8, <em>Cocteau et la radio</em>, Pierre-Marie H&eacute;ron (dir.), 2010, p.&nbsp;10-11.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a> Jean Tardieu, <em>Une voix sans personne</em>, Paris, Gallimard, 1954&nbsp;; Cendrars cit&eacute; par Christine Le Quellec Cottier, &laquo;&nbsp;&ldquo;Au micro, tout doit &ecirc;tre dit&rdquo;&nbsp;&raquo;, <em>Entretiens avec Blaise Cendrars. Sous le signe du d&eacute;part</em>, deux CD audio et un livret, RTS-CEBC-&eacute;ditions Zo&eacute;, 2013, p.&nbsp;8.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a> Cit&eacute; par Jean Chouquet, &laquo;&nbsp;Mes belles ann&eacute;es de Radio-Po&eacute;sie, en compagnie de Philippe Soupault&nbsp;&raquo;, <em>Cahiers Philippe Soupault</em>, n&deg; 2, 1997, p.&nbsp;210.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a> Jean Chouquet,&nbsp;<em>ibid</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a> Philippe Soupault, &laquo;&nbsp;La radio&nbsp;&raquo;, s&eacute;rie <em>Les dix cl&eacute;s du si&egrave;cle</em>, Cha&icirc;ne nationale, 28 d&eacute;cembre 1949.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a> Philippe Soupault, &laquo;&nbsp;D&eacute;couverte du monde sonore&nbsp;&raquo;, <em>Les Lettres fran&ccedil;aises</em>, 12 avril 1946, p.&nbsp;3.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a> Henri-Jacques Dupuy, <em>Philippe Soupault</em>, Paris, Seghers, &laquo;&nbsp;Po&egrave;tes d&rsquo;aujourd&rsquo;hui&nbsp;&raquo;,1957, p.&nbsp;90-91.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a> Philippe Soupault, &laquo;&nbsp;D&eacute;couverte du monde sonore&nbsp;&raquo;, <em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;3.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a> &laquo;&nbsp;Les r&ecirc;ves perdus de Philippe Soupault&nbsp;&raquo;, s&eacute;rie <em>Le Bureau des r&ecirc;ves perdus</em>, Cha&icirc;ne parisienne, 27 janvier 1955, 22h15.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a> V. Philippe Soupault, &laquo;&nbsp;Un monde nouveau&nbsp;&raquo;, <em>Cahier d&rsquo;&eacute;tudes de Radio-T&eacute;l&eacute;vision</em>, n&deg; 16, 1957, p.&nbsp;351-353. Dans cet article, l&rsquo;auteur rapporte une conversation qu&rsquo;il a eue avec un aveugle sur les sons et leur perception.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a> 28 mars 1947, cha&icirc;ne non d&eacute;termin&eacute;e, 13h11.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a> Philippe Soupault, <em>William Blake</em>, Paris, Rieder, &laquo;&nbsp;Ma&icirc;tres de l&rsquo;art moderne&nbsp;&raquo;, 1928&nbsp;; William Blake, <em>Chants d&rsquo;innocence et d&rsquo;exp&eacute;rience</em>, tr. Marie-Louise et Philippe Soupault (1927), Paris, Charlot, 1947.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a> Louis Mollion, &laquo;&nbsp;Une heure 46, rue de l&rsquo;universit&eacute;&nbsp;&raquo;, s&eacute;rie <em>Soir&eacute;es de Paris</em>, 8 janvier 1956.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a> &laquo;&nbsp;Les r&ecirc;ves perdus de Philippe Soupault&nbsp;&raquo;, <em>op.&nbsp;cit</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a> Luc B&eacute;rimont, &laquo;&nbsp;Nos quatre cent coups&nbsp;: entretiens avec Philippe Soupault&nbsp;&raquo;, France Inter, 31 mars 1963.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a> &laquo;&nbsp;Les r&ecirc;ves perdus de Philippe Soupault&nbsp;&raquo;, <em>op.&nbsp;cit</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;Le mouvement Dada&nbsp;&raquo;, Archives litt&eacute;raires&nbsp;: Philippe Soupault, Radio T&eacute;l&eacute;vision Fran&ccedil;aise (RTF), 1<sup>er</sup> janvier 1952 (diffusion 17 avril 1957).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a>&nbsp;Luc B&eacute;rimont, &laquo;&nbsp;Nos quatre cent coups&nbsp;&raquo;, <em>op.&nbsp;cit</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a> Henri-Jacques Dupuy, <em>Philippe Soupault</em>, <em>op.&nbsp;cit</em>., p.&nbsp;81.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a> Jean Chouquet, &laquo;&nbsp;Soupault l&rsquo;&eacute;l&eacute;phant&nbsp;&raquo;, <em>Cahiers Philippe Soupault</em>, n&deg; 1, 1994, p.&nbsp;24.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a> Philippe Soupault, &laquo;&nbsp;Et vous&nbsp;&raquo;, <em>Chansons</em>, Lausanne, Eynard, 1949.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a> Jean Chouquet, &laquo;&nbsp;Soupault l&rsquo;&eacute;l&eacute;phant&nbsp;&raquo;, <em>op.&nbsp;cit</em>. p.&nbsp;27.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a> Philippe Soupault, <em>En joue&nbsp;!</em>, Paris, Grasset, 1925. Le roman commence ainsi&nbsp;: &laquo;&nbsp;Julien dort. Que fait-il&nbsp;? Il ronfle. Que fait-il&nbsp;? Il r&ecirc;ve et il chasse une mouche. Julien s&rsquo;&eacute;veille. Il b&acirc;ille, il s&rsquo;&eacute;tire, il se dresse sur son s&eacute;ant. Julien se pr&eacute;cipite dans sa baignoire, lit le journal et fume. Il a la manie de faire plusieurs choses &agrave; la fois. &ldquo;Je suis vivant&rdquo;, r&eacute;pond-il &agrave; chaque instant et, pour le prouver, il s&rsquo;agite. Il avale son caf&eacute; au lait en &eacute;crivant des lettres et en jouant du piano sur la table.&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a> Jean Chouquet, &laquo;&nbsp;Mes belles ann&eacute;es de Radio-Po&eacute;sie en compagnie de Philippe Soupault, <em>op.&nbsp;cit, </em>p.&nbsp;191.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a> &laquo;&nbsp;Greta Garbo. Extrait d&rsquo;une &eacute;mission radiophonique non identifi&eacute;e&nbsp;&raquo;, reproduit dans la plaquette-programme &laquo;&nbsp;Cin&eacute; Soupault du 19 au 25 novembre 1997&nbsp;&raquo;, Cin&eacute;ma <em>L&rsquo;&Eacute;p&eacute;e de bois</em>, n. p.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a> Voir Jean-Carlo Fl&uuml;ckiger, &laquo;&nbsp;&ldquo;Il pleut dans ma gorge&rdquo;&nbsp;: la voix de Cendrars&nbsp;&raquo;, <em>BlaiseM&eacute;dia. Blaise Cendrars et les m&eacute;dias</em>, Birgit Wagner et Claude Leroy (dir.), <em>Ritm</em>, n&deg; 36, Universit&eacute; Paris X, 2006, p.&nbsp;11-28.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a> Dans l&rsquo;&eacute;mission sur Jules Verne, par exemple, diffus&eacute;e par France-Culture le 19 juin 1966 &agrave; 21 h, on constate en consultant les <em>Cahiers litt&eacute;raires de l&rsquo;ORTF</em> (Quatri&egrave;me ann&eacute;e, n&deg; 17, 12-25 juin 1966), que la pr&eacute;sentation de l&rsquo;auteur de <em>Michel Strogoff</em> par Soupault est enti&egrave;rement r&eacute;dig&eacute;e.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a> Philippe Soupault, <em>Les Derni&egrave;res Nuits de Paris</em> (1928), r&eacute;&eacute;d. Seghers, 1975, p.&nbsp;61.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a> Monique Petillon, &laquo;&nbsp;La mort de Philippe Soupault&nbsp;&raquo;, <em>Le Monde</em>, 13 mars 1990.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a>&nbsp;Jean Chouquet, &laquo;&nbsp;<em>Chansons d&rsquo;&eacute;crivains</em>&nbsp;: Philippe Soupault&nbsp;&raquo;, Club d&rsquo;Essai, 30 mars 1952, 13h25-13h45.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="Auteur">Autrice</span></h3> <p style="text-align: justify;"><strong>Myriam Boucharenc</strong> est professeur de litt&eacute;rature&nbsp;&agrave; l&rsquo;universit&eacute; Paris Ouest Nanterre, responsable, au sein du Centre des Sciences de la litt&eacute;rature fran&ccedil;aise, de l&rsquo;&eacute;quipe &laquo;&nbsp;Interf&eacute;rences de la litt&eacute;rature&nbsp;&raquo;. Elle a consacr&eacute; sa th&egrave;se de doctorat &agrave; Philippe Soupault (<em>L&rsquo;&eacute;chec et son double</em>, Champion, 1997) et co-dirig&eacute; avec Claude Leroy le colloque de Cerisy pour le centenaire de la&nbsp;naissance de l&rsquo;auteur (<em>Pr</em><em>&eacute;</em><em>sence de Philippe Soupault</em>, Presses universitaires de Caen, 1999). Depuis elle&nbsp;travaille sur les rapports entre Presse et litt&eacute;rature au XX<sup>e</sup> si&egrave;cle et porte depuis janvier 2015 le projet ANR Litt&eacute;Pub (Litt&eacute;rature publicitaire et publicit&eacute; litt&eacute;raire de 1830 &agrave; nos jours).</p> <p style="text-align: justify;"><strong>Copyright</strong></p> <p style="text-align: justify;">Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p> </div>