<div class="entry-content"> <h3 style="text-align: justify;">Abstract</h3> <p>&ldquo;Carnet de voyage&rdquo; (travel journal), &ldquo;carnet de route&rdquo; (road journal): that is how Soupault categorizes two of his radio broadcasts, <em>Instantan&eacute;s de Perse</em> [<em>Snapshots from Persia</em>] (1950) and <em>Bagdad 1950</em> [<em>Baghdad 1950</em>] (1951). These two narratives constitute two modest attempts to put into practice the evocative art he dreamt of in <em>Le Monde des sons</em> (1952) [&ldquo;The World of Sounds&rdquo;]. This article describes in part the evolution that occurred from illustration of sound in the former to the sensory suggestions of the latter. It studies their generic status, comparing them to radio talk shows and journalistic reporting as identical trips in the Middle East lead to different types of narratives, depending on the media. From the broadcasting of the travel notes, it progressively appears that radio is a way to carry on with poetic writing through other means Listeners can hear in the recurring motive of water drops what readers, since <em>Les Champs magn&eacute;tiques</em>, found in Soupault&rsquo;s works, an &ldquo;obsessing metaphor&rdquo; (&ldquo;m&eacute;taphore obs&eacute;dante&rdquo;) of the poem&rsquo;s creation: thus, sound&rsquo;s evocative resources, greater than that of the visual image, make radio a more faithful medium than poetry.</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p>Soupault, poetry, travel journal, waves put, intermediality</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">Dans &laquo;&nbsp;Lettre-Oc&eacute;an&nbsp;&raquo;, premier id&eacute;ogramme lyrique publi&eacute; en 1914, Apollinaire rendait hommage aux ondes que l&rsquo;antenne TSF propage du haut de la Tour Eiffel, et qui le relient &agrave; son fr&egrave;re Albert &agrave; Mexico&nbsp;; il en faisait l&rsquo;image m&ecirc;me d&rsquo;une po&eacute;sie qui rapproche les hommes. Dans l&rsquo;une des chroniques radiophoniques qu&rsquo;il tenait dans <em>L&rsquo;Intransigeant</em>, Carlos Larronde, po&egrave;te proche de Barzun avant la guerre 14, &eacute;crivait le 27 juin 1932, que le cin&eacute;ma et la radio &laquo;&nbsp;ont ce commun privil&egrave;ge de d&eacute;placer le spectateur et l&rsquo;auditeur, de le promener autour du globe, de lui donner une omnipr&eacute;sence&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>&nbsp;&raquo;. Et dans le m&ecirc;me journal, en mai 1934, il invite &agrave; utiliser davantage son &laquo;&nbsp;merveilleux pouvoir&nbsp;&raquo;&nbsp;ajoutant &agrave; la &laquo;&nbsp;fuite dans l&rsquo;espace&nbsp;&raquo; le &laquo;&nbsp;voyage dans le temps&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>&nbsp;&raquo;. Philippe Soupault partage sans nul doute cette appr&eacute;hension du merveilleux radiophonique&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a> et envisage la radio comme le prolongement et le medium parfait de la po&eacute;sie. Il d&eacute;fend encore cette id&eacute;e dans l&rsquo;&eacute;mission intitul&eacute;e <em>Le Monde des sons&nbsp;</em><a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a> et dans &laquo;&nbsp;Un monde nouveau&nbsp;&raquo;, un article de 1957&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>&nbsp;: comme la po&eacute;sie, elle annihile les distances&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a> et permet la communication entre les Cultures&nbsp;; comme le po&egrave;me, elle investit les vertus sonores des mots, marie les bruits &agrave; la langue (souvenons-nous des cr&eacute;pitements de l&rsquo;antenne qui sont aussi bien ceux des chaussures neuves du po&egrave;te dans le po&egrave;me &laquo;&nbsp;Lettre-Oc&eacute;an&nbsp;&raquo;), et ouvre sur un art de la suggestion.</p> <p style="text-align: justify;">Ce double avantage du medium&nbsp;: raccourcir les distances, sugg&eacute;rer toutes les autres sensations par un art des sons, dispose particuli&egrave;rement la radio &agrave; un petit genre de la litt&eacute;rature, le carnet de voyage. Ce terme g&eacute;n&eacute;rique est revendiqu&eacute; par Soupault pour deux &eacute;missions<em>, Instantan&eacute;s de Perse&nbsp;</em><a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a> et <em>Bagdad 1950&nbsp;</em><a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>, qui se distinguent des chroniques et articles qu&rsquo;il donne &agrave;<em> La Revue de Paris</em> &agrave; la m&ecirc;me &eacute;poque. J&rsquo;essaierai de montrer quel usage fait Soupault de la sp&eacute;cificit&eacute; de la radio dans ces deux &eacute;missions, la seconde b&eacute;n&eacute;ficiant d&rsquo;une &laquo;&nbsp;mise en ondes&nbsp;&raquo; quand la premi&egrave;re traite les sons comme des vignettes illustratives ; on verra ainsi dans <em>Bagdad 1950</em> une timide esquisse des conceptions qu&rsquo;il explicite dans <em>Le Monde des sons</em> et dans &laquo;&nbsp;Un monde nouveau&nbsp;&raquo;, en m&ecirc;me temps que le lieu o&ugrave; se poursuit par d&rsquo;autres moyens la po&eacute;sie &ndash;&nbsp;de l&rsquo;onde aux ondes, goutte &agrave; goutte elle s&rsquo;entend int&eacute;rieurement comme un &eacute;coulement scand&eacute; qui r&eacute;active l&rsquo;exp&eacute;rience vitale de l&rsquo;entr&eacute;e en po&eacute;sie. Les carnets de route rapportent ainsi, autant que des vues de Perse et d&rsquo;Irak, des r&eacute;miniscences sonores du voyage de po&eacute;sie, des <em>Champs magn&eacute;tiques</em>, de <em>Westwego</em> &agrave; <em>Chansons</em>.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="1_Premiere_ecoute">1. Premi&egrave;re &eacute;coute</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;"><em>Instantan&eacute;s de Perse</em> dure 1h05. <em>Bagdad 1950&nbsp;</em><a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a> seulement dix minutes. Seules ces deux &eacute;missions rel&egrave;vent du carnet de voyage&nbsp; ̶ &nbsp;carnet de route est plus exact pour la seconde, car on ne d&eacute;couvre de Bagdad que des bandes color&eacute;es abstraites vues d&rsquo;avion, une chambre d&rsquo;h&ocirc;tel o&ugrave; on s&rsquo;arr&ecirc;te prendre une douche et un pont sur le Tigre travers&eacute; en taxi. Quant &agrave; <em>Instantan&eacute;s de Perse</em>, le pr&eacute;sentateur qui d&eacute;sannonce l&rsquo;&eacute;mission le d&eacute;signe explicitement comme carnet de voyage&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>, et la d&eacute;nomination rend compte de la discontinuit&eacute; inscrite dans le substantif mais ne correspond pas &agrave; la composition, structur&eacute;e en plusieurs grandes rubriques aux encha&icirc;nements travaill&eacute;s&nbsp;: le march&eacute; de T&eacute;h&eacute;ran, la chanson, la po&eacute;sie perse, les roses d&rsquo;Ispahan, l&rsquo;Iran d&rsquo;hier et d&rsquo;aujourd&rsquo;hui (vu par Gobineau il y a 150 ans, Loti, il y a 50 ans, Soupault aujourd&rsquo;hui). Des passages tr&egrave;s &eacute;crits assez longs alternent avec des bruits de vie quotidienne (voix, marteaux des artisans du cuivre quand on est dans le souk), des illustrations musicales vari&eacute;es et br&egrave;ves, des lectures de po&egrave;mes, de r&eacute;cits d&rsquo;&eacute;crivains voyageurs, qui ponctuent chaque s&eacute;quence. L&rsquo;&eacute;mission s&rsquo;ouvre sur un air attendu, &laquo;&nbsp;Sur un march&eacute; persan&nbsp;&raquo; du compositeur britannique Albert Ketelbey (1920), o&ugrave; l&rsquo;on devine l&rsquo;animation exotique du souk, et se ferme avec &laquo;&nbsp;Dans les steppes de l&rsquo;Asie centrale&nbsp;&raquo; compos&eacute; par Alexandre Borodine en 1880, un po&egrave;me symphonique qui &eacute;voque le d&eacute;sert.</p> <p style="text-align: justify;">Les deux carnets diff&egrave;rent sensiblement&nbsp;: dans <em>Bagdad 1950</em>, les sons, voix, musique et bruits cr&eacute;ent une atmosph&egrave;re anim&eacute;e et les &eacute;changes se succ&egrave;dent rapidement, &agrave; peine reli&eacute;s par des notations descriptives ou un &eacute;l&eacute;ment narratif&nbsp;: la proportion du r&eacute;cit et de la sc&egrave;ne s&rsquo;inverse par rapport aux <em>Instantan&eacute;s de Perse. </em>Les interruptions du r&eacute;cit par la sonnerie de t&eacute;l&eacute;phone, les interpellations, dialogues, rumeur mondaine et ambiance de bar chic, l&rsquo;emportent sur l&rsquo;exploration de la ville, ouvrant l&rsquo;&eacute;mission sur une sorte de kal&eacute;idoscope d&rsquo;impressions ou de st&eacute;r&eacute;otypes &agrave; corriger, ce qui dans la dur&eacute;e restreinte de l&rsquo;&eacute;mission permet d&rsquo;&eacute;voquer par une vignette sonore ce qu&rsquo;on n&rsquo;a pas le temps de d&eacute;crire. La mise en ondes para&icirc;t aujourd&rsquo;hui un peu d&eacute;su&egrave;te ‒&nbsp;dans sa conception et surtout dans les sonorit&eacute;s, qui portent un charme nostalgique. On entend ainsi la voix de l&rsquo;h&ocirc;tesse de l&rsquo;air qui joue les guides de voyage, le bruit d&rsquo;eaux vives, le moteur d&rsquo;un petit avion&nbsp;: des sons simples, imm&eacute;diatement identifiables, l&rsquo;&eacute;quivalent sonore du poncif en peinture. Ces sons restent majoritairement illustratifs mais ont aussi parfois une fonction temporelle (bruit monotone, r&eacute;p&eacute;titif pour souligner la dur&eacute;e et l&rsquo;ennui) et structurelle (relais entre s&eacute;quences).</p> <p style="text-align: justify;">R&eacute;pondant &agrave; une enqu&ecirc;te en 1938, Cocteau pensait que la radio serait un genre inf&eacute;rieur si on la traitait comme un &laquo;&nbsp;daguerr&eacute;otype de l&rsquo;oreille&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;; certes, les <em>Instantan&eacute;s de Perse</em>, comme on va voir, ne se limitent pas, malgr&eacute; leur titre photographique et leur pr&eacute;ambule, &agrave; une s&eacute;rie d&rsquo;&eacute;chos r&eacute;alistes. On est loin cependant de ce que Daniel Deshays appelle &laquo;&nbsp;une &eacute;criture du son&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;; ici, le mart&egrave;lement du cuivre en contrepoint de la voix narrative rel&egrave;ve de l&rsquo;illustration, donnant juste une couleur sonore &agrave; la sc&egrave;ne.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="2_Carnet_radiophonique_entretien_reportage_apercus_generiques">2. Carnet radiophonique, entretien, reportage&nbsp;: aper&ccedil;us g&eacute;n&eacute;riques</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Dans ces deux &laquo;&nbsp;Carnets&nbsp;&raquo; Soupault d&eacute;nonce &agrave; la fois les lieux communs et les pr&eacute;jug&eacute;s que l&rsquo;occidental projette sur le pays de Sh&eacute;h&eacute;razade et le parisien sur la Perse&nbsp;; il les convoque cependant parce qu&rsquo;ils sont ancr&eacute;s dans les mythes collectifs qu&rsquo;on ne peut d&eacute;mentir frontalement&nbsp;; il est plus habile de les d&eacute;placer, les affiner et les dissoudre par des percepts r&eacute;actualis&eacute;s. La radio se voit conf&eacute;rer une mission d&rsquo;&eacute;ducation populaire&nbsp;: la voix est claire, l&rsquo;&eacute;locution soign&eacute;e, les phrases tr&egrave;s articul&eacute;es, le d&eacute;bit pas trop rapide, sans qu&rsquo;il y ait de silence ‒&nbsp;on prend son temps. Soupault vise une vulgarisation de bonne tenue, qui ne s&rsquo;interdit pas des digressions anecdotiques, un trait d&rsquo;humour, une page de Gobineau ou de Claudel, la lecture d&rsquo;un po&egrave;me en arabe, mais ne r&eacute;cuse pas non plus les romans plus populaires de Pierre Loti. Prenant pr&eacute;texte du voyage, il glisse au passage des aper&ccedil;us sur l&rsquo;oralit&eacute; et la diction, sur l&rsquo;universalit&eacute; de la chanson, vecteur de la po&eacute;sie. Les <em>Instantan&eacute;s&hellip; </em>qui annon&ccedil;aient des choses vues, des sc&egrave;nes vivantes, sont des &eacute;chantillons repr&eacute;sentatifs de choses lues et entendues, des aper&ccedil;us sur les fondements d&rsquo;une culture, des convictions que le voyageur tire de son exp&eacute;rience. Au point qu&rsquo;on y voit recycl&eacute; l&rsquo;exemple de &laquo;&nbsp;La Vie en rose&nbsp;&raquo;, d&eacute;velopp&eacute; dans l&rsquo;Avertissement au recueil de 1949, <em>Chansons&nbsp;</em><a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>. Ceux qui attendaient une soir&eacute;e diapositives en sont pour leurs frais, mais on a de quoi r&eacute;fl&eacute;chir &agrave; ce qui constitue l&rsquo;image d&rsquo;un pays ou d&rsquo;une ville dans la m&eacute;moire culturelle collective.</p> <p style="text-align: justify;">Le carnet de voyage, qui met l&rsquo;accent sur le ressenti du narrateur, se distingue dans les deux cas de l&rsquo;&eacute;mission de 30 mn intitul&eacute;e &laquo;&nbsp;Mer rouge&nbsp;&raquo;, qui se fonde sur le voyage de 1949&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>. Enregistr&eacute;e le 28 d&eacute;cembre 1949, celle-ci se pr&eacute;sentait comme une &laquo;&nbsp;causerie&nbsp;&raquo;&nbsp;: un journaliste pose des questions sur les pays travers&eacute;s, Soupault r&eacute;pond par de larges consid&eacute;rations g&eacute;o-politiques, avec quelques incrustations d&rsquo;anecdotes plus personnelles et de choses vues, po&eacute;tiquement &eacute;voqu&eacute;es pour illustrer une caract&eacute;ristique locale. La voix est celle, pos&eacute;e, du sp&eacute;cialiste qui essaie de donner &agrave; saisir concr&egrave;tement des r&eacute;alit&eacute;s complexes, impliquant des valeurs, une tradition, une pens&eacute;e profond&eacute;ment &eacute;loign&eacute;es des usages fran&ccedil;ais.</p> <p style="text-align: justify;">Il serait int&eacute;ressant de comparer cet entretien radiophonique avec deux articles que Soupault donne &agrave; <em>La Revue de Paris</em> (&laquo;&nbsp;Arabie S&eacute;oudite&nbsp;&raquo; dans le n&deg; 5 en mai 1951, et &laquo;&nbsp;Mer rouge&nbsp;&raquo; en ao&ucirc;t 1951&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>). Les trois se proposent de pr&eacute;senter toute une r&eacute;gion en mutation qui va devenir, selon Soupault, &laquo;&nbsp;un des centres nerveux de l&rsquo;&eacute;conomie mondiale&nbsp;&raquo; et se fondent sur les m&ecirc;mes mat&eacute;riaux. Soupault se montre attentif aux mutations rapides du Moyen Orient&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le moment viendra &nbsp;̶ &nbsp;et il est peut-&ecirc;tre d&eacute;j&agrave; venu&nbsp; ̶ &nbsp;o&ugrave; le probl&egrave;me de l&rsquo;homme du moyen-&acirc;ge aux prises avec les imp&eacute;ratifs du monde moderne provoquera de l&eacute;gitimes inqui&eacute;tudes.&nbsp;&raquo; On trouve dans l&rsquo;article comme dans la causerie radiophonique des donn&eacute;es objectives, statistiques d&eacute;mographiques, &eacute;conomiques et des rappels historiques.</p> <p style="text-align: justify;">&Agrave; la radio, Soupault avait privil&eacute;gi&eacute; des anecdotes et des images curieuses ou dr&ocirc;les qu&rsquo;il distillait entre les aper&ccedil;us politiques ou &eacute;conomiques appuy&eacute;s sur quelques chiffres, plus aust&egrave;res&nbsp;: l&rsquo;effacement des traces de la pr&eacute;sence de Rimbaud &agrave; Aden, o&ugrave; il ne voit pas la maison du po&egrave;te, d&eacute;truite par l&rsquo;incendie&nbsp;; le paysage qu&rsquo;il nous d&eacute;crit et qui est celui m&ecirc;me que Rimbaud voyait de la jet&eacute;e&nbsp;; la rencontre avec le n&eacute;gociant originaire de Carcassonne, arriv&eacute; en 1897, qui a succ&eacute;d&eacute; &agrave; Rimbaud&nbsp;; la quinzaine de th&eacute;s qu&rsquo;il faut avaler en une journ&eacute;e&nbsp;; la blague de l&rsquo;oiseau moqueur&nbsp;; sa stup&eacute;faction devant les ch&egrave;vres de Djeddah qui portent un soutien-gorge pour emp&ecirc;cher &laquo;&nbsp;leur abondante prog&eacute;niture de les t&eacute;ter&nbsp;&raquo;. Les souvenirs personnels alternent avec des descriptions pr&eacute;cises de la gouvernance royale, de l&rsquo;&eacute;conomie du pays, de la proportion et de la r&eacute;partition des populations &eacute;trang&egrave;res, de la strat&eacute;gie p&eacute;troli&egrave;re am&eacute;ricaine, de l&rsquo;implantation d&rsquo;un ghetto am&eacute;ricain dot&eacute; du seul cin&eacute;ma pr&eacute;sent dans le pays. On retrouvera ces donn&eacute;es et ces sc&egrave;nes mais plus nombreuses, plus d&eacute;velopp&eacute;es, dans les deux articles de la <em>Revue de Paris</em> o&ugrave; l&rsquo;expos&eacute; g&eacute;o-politique s&eacute;rieux n&rsquo;exclut pas le r&eacute;cit autobiographique&nbsp;: un &eacute;pisode en taxi (le chauffeur loquace se figeant quand son passager pr&eacute;tend franchir la ligne invisible qui, &agrave; 7 km de La Mecque, interdit le passage aux &eacute;trangers)&nbsp;; une vue de la chambre d&rsquo;h&ocirc;tel o&ugrave; d&eacute;filent des serviteurs avec un th&eacute;, puis un savon, puis une serviette&nbsp;̶&nbsp;14 en tout, qui interdisent au voyageur de se reposer &agrave; la descente d&rsquo;avion.</p> <p style="text-align: justify;">Ce sont &eacute;galement les m&ecirc;mes lectures qui nourrissent le premier Carnet de voyage, l&rsquo;entretien radiophonique et le reportage g&eacute;o-politique de <em>La Revue de Paris&nbsp;</em>: Gobineau qui dans <em>Trois ans en Asie</em> faisait la description &laquo;&nbsp;un peu optimiste&nbsp;&raquo; de la L&eacute;gation de France, <em>Les Lettres persanes</em>, les <em>Mille et une nuits</em>, Rimbaud. Dans les Carnets de voyage, Soupault n&rsquo;improvise pas davantage que dans l&rsquo;article de revue. Cela produit parfois un curieux m&eacute;lange entre la volont&eacute; de restituer un d&eacute;cor ̶&nbsp;qu&rsquo;on n&rsquo;appelle pas encore un paysage sonore&nbsp;‒, des &eacute;changes faussement spontan&eacute;s, comme dans une dramatique radiophonique, avec des voix masculines, f&eacute;minines, tant&ocirc;t en premier plan, tant&ocirc;t lointaines, et des bruits de foule, de caf&eacute;, de t&eacute;l&eacute;phone&nbsp;: l&rsquo;impromptu est &eacute;crit, la surprise est jou&eacute;e, la discontinuit&eacute; affich&eacute;e est produite, soigneusement minut&eacute;e, bien que je n&rsquo;aie pas pu consulter les notes pr&eacute;paratoires de l&rsquo;&eacute;mission&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>. Dans le monde oriental o&ugrave; Soupault feint de d&eacute;barquer, il n&rsquo;est pas un voyageur sans bagage&nbsp;: toute une culture l&rsquo;a pr&eacute;c&eacute;d&eacute;, toute une m&eacute;moire sonore aussi qui habite forc&eacute;ment (au moins partiellement) ses auditeurs, qu&rsquo;il lui faut r&eacute;activer et, si elle est devenue poncif comme la musique de &laquo;&nbsp;Sur un march&eacute; persan&nbsp;&raquo;, coloriser.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="3_Mise_en_condition_de_lauditeur-voyageur">3. Mise en condition de l&rsquo;auditeur-voyageur</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;"><em>Bagdad 1950</em> s&rsquo;ouvre sur un air de oud accompagnant un chant d&rsquo;homme. Le r&eacute;cit de Soupault aussit&ocirc;t coupe le chant qui s&rsquo;estompe, et d&eacute;crit au pr&eacute;sent l&rsquo;effervescence des derniers pr&eacute;paratifs de d&eacute;part, apr&egrave;s quelques notations nominales qui simulent le journal et, pr&eacute;cis&eacute;ment, renvoient au support de l&rsquo;impression sur le vif, le carnet. On entre dans une sorte de monologue int&eacute;rieur&nbsp;; le voyageur r&eacute;capitule &agrave; voix haute sa liste&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;">Veille de d&eacute;part. Bagages &agrave; finir. T&eacute;l&eacute;grammes &agrave; exp&eacute;dier. T&eacute;l&eacute;phoner &agrave; l&rsquo;a&eacute;rogare. O&ugrave; est ma liste&nbsp;? Tant de choses encore&hellip; Mais je ne pourrai pas y arriver. J&rsquo;ai oubli&eacute; de retenir une chambre&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>. Sept lettres &agrave; &eacute;crire encore&hellip;</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Une sonnerie de t&eacute;l&eacute;phone interrompt le monologue f&eacute;brile, et s&rsquo;ensuit un &eacute;change de th&eacute;&acirc;tre de boulevard qui dure 1 mn&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;">‒ Allo, oui&hellip;. C&rsquo;est bien moi&hellip; Philippe Soupault [une attestation d&rsquo;identit&eacute; que tous les lecteurs de Soupault connaissent et qu&rsquo;il r&eacute;it&egrave;re dans ses r&eacute;cits, ses po&egrave;mes. La voix est un peu tra&icirc;nante. On entend alors celle, tr&egrave;s lointaine, de son interlocuteur]<br /> ‒ Dites-moi, c&rsquo;est ce soir que vous partez&nbsp;?<br /> ‒ Oui, oui&hellip; Ce soir, mon vieux, exactement dans quelques heures.<br /> ‒ Il faut absolument que vous veniez me dire au revoir. Nous avons organis&eacute; une petite r&eacute;ception. Quelques amis&hellip; &agrave; tout &agrave; l&rsquo;heure. <em>(intonation pressante, un peu mondaine)</em><br /> ‒ Entendu, &agrave; tout &agrave; l&rsquo;heure.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Cette sayn&egrave;te introduit une autre sc&egrave;ne&nbsp;: la r&eacute;ception. Les pr&eacute;ambules parisiens se multiplient. On entend un brouhaha de voix en fond sonore d&rsquo;o&ugrave; se d&eacute;tachent successivement des voix de femmes et d&rsquo;hommes &agrave; l&rsquo;&eacute;locution un peu snob. Le dialogue permet, apr&egrave;s la musique du oud qui couvre une vaste aire culturelle, de localiser la destination&nbsp;: le nom de Bagdad, en effet, n&rsquo;a pas encore &eacute;t&eacute; introduit.</p> <blockquote> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;">‒ Vous partez, quelle chance vous avez. Quand partez-vous&nbsp;?<br /> ‒ Mais&hellip; tout &agrave; l&rsquo;heure<br /> ‒ O&ugrave; allez-vous&nbsp;?<br /> ‒ Je pars pour Bagdad.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Le nom magique permet d&rsquo;ajouter au chapitre proustien de nouvelles r&ecirc;veries sur un nom de pays&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;">‒ Bagdad&nbsp;? C&rsquo;est merveilleux. S&eacute;miramis, Nabuchodonosor. Les jardins suspendus&hellip;<br /> ‒ Vous partez pour Bagdad&nbsp;? Formidable. Vous allez pouvoir retrouver les traces du calife Haroum El Rachi&hellip; / <em>(voix plus lointaine)</em>&nbsp;: des adolescentes merveilleuses&hellip;<br /> ‒ On peut toujours r&ecirc;ver, mon cher. Mais Bagdad&hellip;.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Une voix &eacute;grillarde l&rsquo;interrompt&nbsp;; elle chante &laquo;&nbsp;Partons pour la Syrie&nbsp;&raquo;. Soupault intervient gentiment et bri&egrave;vement&nbsp;: &laquo; Bagdad n&rsquo;est pas en Syrie&nbsp;&raquo;. Une autre voix masculine lui demande s&rsquo;il conna&icirc;t cette &oelig;uvre jadis bien connue de Boieldieu&nbsp;: <em>Le Calife de Bagdad</em>. On entend un chant, des rires, le narrateur s&rsquo;&eacute;clipse. Le r&eacute;cit &agrave; la premi&egrave;re personne reprend apr&egrave;s cette sc&egrave;ne sur le vif.</p> <p style="text-align: justify;">Celle-ci a permis de poser deux pr&eacute;alables&nbsp;: Bagdad, par son seul nom produit les images d&rsquo;un orient fantasm&eacute; qui parle &agrave; chacun selon sa culture, et l&rsquo;on fait ainsi le tour du bagage limit&eacute; de l&rsquo;auditeur fran&ccedil;ais &ndash;&nbsp;sans le blesser, puisqu&rsquo;il pourra se d&eacute;marquer des parisiens snobs qui v&eacute;hiculent ces st&eacute;r&eacute;otypes. La sayn&egrave;te a aussi pos&eacute; un autoportrait minimal du je-voyageur, un Soupault courtois, mais bref, solitaire dans un milieu mondain assez b&ecirc;te. Observateur ac&eacute;r&eacute;, il prend comme lui la tangente &agrave; la premi&egrave;re occasion.</p> <p style="text-align: justify;">On trouvait semblable revue des pr&eacute;jug&eacute;s et m&eacute;prises &agrave; la fin des <em>Instantan&eacute;s de Perse</em>&nbsp;: il s&rsquo;agit de placer en regard des usages et des cultures irakienne et iranienne, que le fran&ccedil;ais d&eacute;value volontiers au nom d&rsquo;une sup&eacute;riorit&eacute; occidentale, quelques &eacute;chantillons sonores de nos usages et de notre &laquo;&nbsp;culture&nbsp;&raquo; saisis comme de l&rsquo;ext&eacute;rieur. L&rsquo;&eacute;mission se cl&ocirc;t comme <em>Bagdad 1950</em> d&eacute;bute, par un &eacute;chantillon des st&eacute;r&eacute;otypes mondains. En quelques phrases Soupault exprime sa surprise devant la quantit&eacute; de questions qui lui ont &eacute;t&eacute; pos&eacute;es par des europ&eacute;ens curieux de la Perse, questions qui sont &laquo;&nbsp;reflet des pr&eacute;jug&eacute;s, des l&eacute;gendes, des faits divers et des articles de journaux&nbsp;&raquo; et qui pr&eacute;sentent, dit-il, un &laquo;&nbsp;tableau assez exact bien que tr&egrave;s incomplet des diff&eacute;rents aspects aussi bien que des petits c&ocirc;t&eacute;s de la Perse&nbsp;&raquo;. On entend alors une rumeur de conversations indistinctes, sur laquelle se d&eacute;tachent une voix de femme puis une voix d&rsquo;homme. &laquo;&nbsp;Est-ce que vous avez vu de beaux chats persans&nbsp;?&nbsp;&raquo; demande la femme et le narrateur r&eacute;pond par une description de chats de goutti&egrave;re efflanqu&eacute;s. &laquo;&nbsp;Mais puisque vous &ecirc;tes po&egrave;te, pouvez-vous r&eacute;sumer en une image votre impression de T&eacute;h&eacute;ran&nbsp;?&nbsp;&raquo; demande une voix masculine. Soupault ne se d&eacute;robe pas mais souligne la pauvret&eacute; de cette exigence somme toute journalistique&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;">En une image&hellip; Cette m&ecirc;me question m&rsquo;a &eacute;t&eacute; pos&eacute;e par un journaliste persan &agrave; qui j&rsquo;ai r&eacute;pondu ceci&nbsp;: T&eacute;h&eacute;ran est comparable &agrave; une jolie femme dont la t&ecirc;te est pos&eacute;e sur les genoux du g&eacute;ant des montagnes, le Mont Damavand, blanc de la t&ecirc;te aux pieds, probablement le plus beau mont du monde. Le journaliste persan a paru satisfait de cette r&eacute;ponse puisqu&rsquo;il la publia le lendemain dans son journal.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">On devine que l&rsquo;interlocuteur ne peut l&rsquo;&ecirc;tre moins que le journaliste iranien. Une voix lointaine s&rsquo;est d&rsquo;ailleurs exclam&eacute;e&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&rsquo;est beau&nbsp;!&nbsp;&raquo; Les voix f&eacute;minines et masculines continuent le feu roulant des questions&nbsp;: &laquo;&nbsp;Est-ce qu&rsquo;on mange bien?&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Quel mets avez-vous le plus go&ucirc;t&eacute;&nbsp;? &ndash;&nbsp;Le caviar, incomparable, et le riz, meilleur que dans aucun autre pays du monde&nbsp;&raquo;. On apprend qu&rsquo;il a bu du vin de Chiraz, de la vodka, beaucoup de th&eacute;. Puis, questionn&eacute; sur les miniatures persanes, il confirme que les iraniens sont amateurs d&rsquo;images, de miniatures admirables, qu&rsquo;on ne voit que dans les mus&eacute;es, mais surtout de chromos import&eacute;s d&rsquo;Europe (le Pr&eacute;sident Loubet, Sarah Bernhardt, Th&eacute;r&egrave;se de Lisieux et le Mar&eacute;chal Foch). &Agrave; la question &laquo;&nbsp;Les femmes sont-elles jolies&nbsp;&raquo;, il r&eacute;pond avec conviction&nbsp;: &laquo;&nbsp;Tr&egrave;s jolies, admirables yeux noirs, teint chaud, l&egrave;vres dessin&eacute;es &agrave; ravir, mains fines mais on n&rsquo;en voit pas dans les rues.&nbsp;&raquo; &laquo;&nbsp;Comment sont-elles habill&eacute;es&nbsp;? Elles ne sont plus voil&eacute;es mais s&rsquo;enveloppent dans de vastes &eacute;toffes sem&eacute;es de petites &eacute;toiles dont elles se couvrent la t&ecirc;te et une partie du visage.&nbsp;&raquo; La conversation passe ensuite &agrave; la circulation, au nombre d&rsquo;habitants, &agrave; la pr&eacute;sence fran&ccedil;aise &agrave; T&eacute;h&eacute;ran. Ces questions d&eacute;cousues qui justifient le terme d&rsquo;<em>instantan&eacute;s</em> lui ont permis au passage de donner quelques informations d&eacute;mographiques, &eacute;conomiques, culturelles de fa&ccedil;on vivante. Il a ainsi livr&eacute; en d&eacute;sordre un certain nombre de donn&eacute;es objectives qu&rsquo;il juge sans doute impossible de passer sous silence si l&rsquo;on pr&eacute;tend traiter de l&rsquo;Iran d&rsquo;aujourd&rsquo;hui (l&rsquo;influence fran&ccedil;aise, l&rsquo;influence russe, la modernisation de la capitale&hellip;), et qu&rsquo;il exposera plus doctement dans l&rsquo;entretien et l&rsquo;article &laquo;&nbsp;Mer du Sud&nbsp;&raquo; d&eacute;j&agrave; cit&eacute;.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="4_Bagdad_1950_carnet_de_route">4.<em> Bagdad 1950</em>, carnet de route&nbsp;?</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">La mise en condition de l&rsquo;auditeur au d&eacute;but de l&rsquo;&eacute;mission est assez longue puisque le journal de d&eacute;part se poursuit par une promenade sur les quais de Paris, pour profiter seul d&rsquo;une derni&egrave;re nuit parisienne. On n&rsquo;entend pas la Seine ni des bruits naturels mais des voix, des bruits de rue, puis un dialogue entre Soupault et celui qu&rsquo;il nous pr&eacute;sente comme &laquo;&nbsp;mon ami S&eacute;bastien&nbsp;&raquo;, qui le convie &agrave; prendre le coup de l&rsquo;&eacute;trier avant le d&eacute;part. On n&rsquo;en finit pas de partir&hellip; On entend de nouveaux bruits d&rsquo;ambiance de bar&nbsp;: on demande du champagne, l&rsquo;orchestre joue&nbsp;: nouvelle vignette sonore de la vie noctambule. L&rsquo;ami qui, dit le narrateur, aime se faire remarquer, va parler &agrave; l&rsquo;orchestre&nbsp;; on entend un rag-time, et l&rsquo;ami parie un cigare que le narrateur n&rsquo;en trouvera pas le titre&nbsp;; S&eacute;bastien l&rsquo;annonce triomphalement&nbsp;: &laquo;&nbsp;Bagdad Boogie&nbsp;&raquo;. En r&eacute;ponse, la voix de Soupault clame&nbsp;: &laquo;&nbsp;Gar&ccedil;on&nbsp;! un cigare&nbsp;!&nbsp;&raquo; Le retour au r&eacute;cit&nbsp;se fait sans transition&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je h&egrave;le un taxi&nbsp;; je vais chercher mes bagages et me voil&agrave; pris dans l&rsquo;engrenage.&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;">Un voyage c&rsquo;est cela&nbsp;: un engrenage, des rituels de d&eacute;part. Sans autre transition narrative, une voix d&rsquo;a&eacute;roport r&eacute;sonne&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les voyageurs pour Bagdad sont pri&eacute;s de se pr&eacute;senter&hellip;&nbsp;&raquo; Comme souvent Soupault se contente de l&rsquo;amorce, la fin de l&rsquo;annonce se perd dans le ronronnement d&rsquo;un moteur d&rsquo;avion. La plupart du temps, en effet, il cherche la nervosit&eacute; des encha&icirc;nements, un rythme dynamique fait d&rsquo;alternances de s&eacute;quences de dur&eacute;e vari&eacute;es, et de ruptures impr&eacute;visibles. Les bruits du quotidien ont dans ses carnets une fonction didascalique. La mise en place narrative qui a pris presque la moiti&eacute; du temps de l&rsquo;&eacute;mission s&rsquo;ach&egrave;ve, sur cette phrase qu&rsquo;on pourrait lire dans <em>En Joue&nbsp;!</em>&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;">Entre ciel et terre, entre [mot inaudible] et l&rsquo;aventure, pr&egrave;s de l&rsquo;inconnu, j&rsquo;essaie de dormir pour quitter cette ville et cette journ&eacute;e, d&eacute;finitivement. J&rsquo;entends le ronflement des moteurs et des passagers. Je flotte et je vole.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Des <em>Champs magn&eacute;tiques</em> &agrave; <em>Chansons</em>, dans l&rsquo;&eacute;criture romanesque comme dans l&rsquo;&eacute;criture radiophonique on reconna&icirc;t la voix du po&egrave;te dans sa propension &agrave; l&rsquo;ironie rentr&eacute;e, son minimalisme, son d&eacute;sir de se soustraire.</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;aube est marqu&eacute;e par l&rsquo;escale &agrave; Damas en trois phrases descriptives&nbsp;: le genre du &laquo;&nbsp;carnet&nbsp;&raquo; s&rsquo;affiche dans une s&eacute;rie de notations po&eacute;tiques condens&eacute;es. Damas est peinte comme &laquo;&nbsp;une ville verte ferm&eacute;e de jardins d&rsquo;o&ugrave; jaillissent, comme des jets d&rsquo;eau, les minarets.&nbsp;&raquo; Gardons en m&eacute;moire cette eau, pur comparant qui viendra bient&ocirc;t au premier plan comme une obsession auditive. Le r&eacute;cit reprend sobrement&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je change d&rsquo;avion. Je suis le seul passager si l&rsquo;on ne compte pas d&rsquo;adorables oiseaux rouges et bleus qui viennent eux aussi de Paris et qui sont destin&eacute;s &agrave; la voli&egrave;re du roi d&rsquo;Irak&nbsp;&raquo; ‒&nbsp;une note qui ne d&eacute;parerait pas dans <em>Vu</em> ou <em>Paris Match</em>, et qui pose discr&egrave;tement le statut privil&eacute;gi&eacute; du voyageur officiel. Apr&egrave;s avoir pr&eacute;cis&eacute; que la reine d&rsquo;Irak a une passion pour les oiseaux&nbsp;: &laquo;&nbsp;Premi&egrave;re impression sonore que j&rsquo;aie not&eacute;e sur mon <strong><em>carnet de route&nbsp;</em><a href="#_ftn18" name="_ftnref18"><strong>[18]</strong></a></strong>&nbsp;: les p&eacute;piements des oiseaux accompagn&eacute;s du vrombissement du moteur.&nbsp;&raquo; Les deux bruits seront superpos&eacute;s en fond sonore pendant que la voix de Soupault &eacute;voque le survol du d&eacute;sert et tente de donner une id&eacute;e de l&rsquo;&eacute;tendue d&rsquo;une monotonie d&eacute;sesp&eacute;rante&nbsp;: trois heures de d&eacute;sert &agrave; la vitesse de 350 km/h lui apparaissent &laquo;&nbsp;trois ann&eacute;es, trois si&egrave;cles&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Rien que le sable. Parfois cependant quelques taches intraduisibles sur fond beige&nbsp;&raquo; ‒&nbsp;libre &agrave; l&rsquo;auditeur d&rsquo;imaginer un campement, une caravane. Au moment o&ugrave;, dit le voyageur, il va s&rsquo;assoupir, l&rsquo;h&ocirc;tesse de l&rsquo;air annonce l&rsquo;arriv&eacute;e &agrave; Bagdad et une voix f&eacute;minine prend le relais pour une topographie de Bagdad vu du ciel, tableau abstrait esquiss&eacute; par une h&ocirc;tesse qui parle comme Soupault &eacute;crit&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;">Trois longs rubans. Un large ruban vert de gris. Voyez-vous les palmiers de Bagdad. Un autre ruban de moire jaune ocre. Le Tigre, il para&icirc;t qu&rsquo;il est furieux. Sa queue devient dangereuse. On craint qu&rsquo;il veuille tout d&eacute;vorer. Et l&agrave;-bas, ce long ruban qui para&icirc;t gris mais vivant comme un velours de fourmis, c&rsquo;est le grand boulevard de Bagdad&nbsp;; les autos s&rsquo;y suivent et s&rsquo;y poursuivent tout le long du jour. Mais regardez l&agrave;-bas &agrave; droite, un peu plus loin que les ponts, ces minarets bleu turquoise. C&rsquo;est la mosqu&eacute;e sainte, la plus c&eacute;l&egrave;bre de tout l&rsquo;Irak&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;auditeur est dans l&rsquo;avion, tournant la t&ecirc;te &agrave; gauche, &agrave; droite&nbsp;: la radio est son moyen de transport, &agrave; la fois l&rsquo;invitation au voyage et son accomplissement po&eacute;tique. La voix masculine, reprend la narration au pass&eacute; simple&nbsp;: &laquo;&nbsp;Apr&egrave;s un virage sur l&rsquo;aile, je pus distinguer l&rsquo;&eacute;chiquier de la ville, les petites maisons carr&eacute;es domin&eacute;es par des palmiers.&nbsp;&raquo; Est-ce Bagdad&nbsp;? Est-ce un tableau de Paul Klee&nbsp;?</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="5_Carnets_radiophoniques_ou_les_ondes_de_la_poesie">5. Carnets radiophoniques ou les ondes de la po&eacute;sie</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Les deux Carnets de voyage se distinguent de la causerie en ce qu&rsquo;ils font l&rsquo;objet d&rsquo;une mise en ondes avec des illustrations sonores, et qui fr&ocirc;le parfois la dramatique radiophonique comme on vient de le voir dans <em>Bagdad 1950</em>. Ils mettent en &oelig;uvre les conceptions de Soupault sur la puissance des sons, la pr&eacute;s&eacute;ance po&eacute;tique de l&rsquo;&eacute;vocation auditive, et esquissent avec une sorte de gr&acirc;ce na&iuml;ve une d&eacute;fense et illustration du pouvoir de la radio, con&ccedil;ue selon deux axes&nbsp;: l&rsquo;espace, la rapidit&eacute;. Celle des ondes r&eacute;pond &agrave; cette acc&eacute;l&eacute;ration g&eacute;n&eacute;rale que Soupault observe, mais qui frappait d&eacute;j&agrave; Marinetti, Apollinaire, Cendrars et Larbaud avant la guerre de 1914. L&rsquo;auditeur, sugg&egrave;re Soupault, va faire par les ondes, un voyage encore plus rapide que celui qu&rsquo;il fit en prenant l&rsquo;avion. Cette vitesse qui le fascine permet de traverser les &eacute;poques et de ressusciter les temps r&eacute;volus, mais elle a &eacute;videmment une incidence essentielle sur les distances.</p> <p style="text-align: justify;">Soupault insiste sur le saut dans l&rsquo;espace, l&rsquo;excitation affair&eacute;e des heures qui pr&eacute;c&egrave;dent, la dur&eacute;e du voyage en avion. Le d&eacute;paysement est confi&eacute; d&rsquo;une part &agrave; la musique&nbsp;: les accords du oud, des chansons et musiques orientales contrastant avec les chansons et airs d&rsquo;op&eacute;ra occidentaux ou avec quelques mesures de jazz. D&rsquo;autre part, la rupture culturelle et spatio-temporelle est symbolis&eacute;e par l&rsquo;avion. On aborde le paysage d&rsquo;en haut dans les deux cas. Dans <em>Bagdad 1950</em>, le vrombissement continu, seul d&rsquo;abord, puis en arri&egrave;re-plan de la voix, rend la monotonie du d&eacute;sert par celle du moteur, l&rsquo;&eacute;tendue par la dur&eacute;e du son. Soupault ne d&eacute;plore pas l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration du monde qui pousse &agrave; vivre vite&nbsp;: elle correspond &agrave; l&rsquo;attraction du d&eacute;sir, &agrave; l&rsquo;instabilit&eacute; ontologique que le voyage rend productive, &agrave; une pratique du d&eacute;paysement qui l&rsquo;a conduit vers le surr&eacute;alisme, mais l&rsquo;a aussi emp&ecirc;ch&eacute; de s&rsquo;y fixer.</p> <p style="text-align: justify;">Les Carnets de voyage l&rsquo;ont-ils mis sur la voie des principes qu&rsquo;il d&eacute;fendra dans <em>Le Monde des sons</em>&nbsp;? Rien de fortuit &agrave; ce que Borodine ferme <em>Instantan&eacute;s de Perse</em>&nbsp;: son po&egrave;me symphonique pr&eacute;tendait, par une description sonore, faire voir successivement le d&eacute;sert puis des chevaux et des chameaux, les soldats russes, une caravane. Soupault r&eacute;investit dans <em>Bagdad 1950 </em>le proc&eacute;d&eacute; d&rsquo;ouverture de Borodine&nbsp;: un son tenu dans l&rsquo;aigu lentement croissant, dans le ronronnement continu du moteur travers&eacute; par les cris aigus r&eacute;p&eacute;t&eacute;s des oiseaux. &Agrave; la fin d&rsquo;<em>Instantan&eacute;s de Perse</em>, il vient de parler de l&rsquo;influence russe quand r&eacute;sonnent les premi&egrave;res notes de cet air c&eacute;l&egrave;bre du musicien russe, qui visait comme lui une &eacute;vocation r&ecirc;veuse.</p> <p style="text-align: justify;">Dans <em>Le Monde des sons</em>, Soupault expose ce qui l&rsquo;attache &agrave; la radio. Rien de r&eacute;volutionnaire pour nous aujourd&rsquo;hui, surtout si nous comparons avec les recherches du Studio d&rsquo;essai de Schaeffer, et relisons Carlos Larronde, Jean Tardieu, Daniel Deshays. Soupault a la conviction absolue de la primaut&eacute; de la sensation et plaide pour la sup&eacute;riorit&eacute; des sensations auditives sur la vue, ce qui peut surprendre chez un surr&eacute;aliste &ndash;&nbsp;la pr&eacute;s&eacute;ance de l&rsquo;image est bien connue, mais on ne doit pas oublier que Breton jugeait lui aussi l&rsquo;image issue de l&rsquo;automatisme verbo-auditif sup&eacute;rieure &agrave; celle que produit l&rsquo;automatisme visuel.</p> <p style="text-align: justify;">Dans <em>Bagdad 1950, </em>l&rsquo;implication sensorielle de l&rsquo;auditeur est obtenue par des moyens &eacute;l&eacute;mentaires. Trois s&eacute;quences de clapotis d&rsquo;eau ‒&nbsp;les deux derni&egrave;res durant plusieurs secondes&nbsp;‒ &eacute;voquent tout autant que Bagdad les rigoles du jardin du Generalife, mais portent, apr&egrave;s les descriptions insistantes de la chaleur, de la sueur, une connotation de sensualit&eacute; orientale, un art de vivre dans les jardins secrets. En po&egrave;te encore baudelairien et en lecteur de Proust, Soupault d&eacute;fend l&rsquo;art de la suggestion sensorielle comme vecteur de la po&eacute;sie et de la m&eacute;moire. Ainsi l&rsquo;atterrissage &agrave; 11h du matin se r&eacute;duit au bruit de roulement sur la piste et &agrave; la sensation de chaleur, la premi&egrave;re sensation de Bagdad qu&rsquo;il faut faire &eacute;prouver &agrave; l&rsquo;auditeur&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;">Je sors de l&rsquo;avion et je suis litt&eacute;ralement saisi par la chaleur. Une chaleur &eacute;paisse et intol&eacute;rable. Des flammes de chaleur me sautent aux yeux. Mes paupi&egrave;res me br&ucirc;lent [&hellip;] comme un sac je tangue vers la douane.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Mais il ne suffit pas de dire &laquo;&nbsp;je marche&nbsp;&raquo; dans un po&egrave;me pour qu&rsquo;il se mette en mouvement, ni &laquo;&nbsp;j&rsquo;ai chaud&nbsp;&raquo; &agrave; la radio pour que l&rsquo;auditeur sue&nbsp;; la m&eacute;taphore, la comparaison n&rsquo;y suffisent pas non plus. Soupault &eacute;voque donc la travers&eacute;e de la ville en taxi &agrave; 100 km/h jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;h&ocirc;tel&nbsp;; on passe le Tigre sur le pont de Bagdad, en une phrase minimale qui ne donne rien &agrave; voir&nbsp;: (&laquo;&nbsp;je passe le Tigre et j&rsquo;entends l&rsquo;eau&nbsp;&raquo;). Un murmure d&rsquo;eaux vives, bref, nous parvient puis la voix insiste et justifie son insistance&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je voudrais vous faire entendre longtemps ce bruit de l&rsquo;eau, bruit merveilleux, inoubliable, bruit prodigieux, miraculeux, c&rsquo;est mon plus beau souvenir.&nbsp;&raquo; ‒&nbsp;et l&rsquo;on repart pour quelques secondes de clapotis. Le narrateur souligne la sensation de fra&icirc;cheur li&eacute;e au son&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il fait chaud comme dans un four. On a tellement soif, la bouche, la gorge, le pharynx en m&eacute;tal. Le corps ruisselle, mais le bruit de l&rsquo;eau est une merveilleuse promesse.&nbsp;&raquo; ‒&nbsp;le bruit de source, tenu plusieurs secondes, confirme cette promesse. Le son, qui n&rsquo;&eacute;tait la premi&egrave;re fois qu&rsquo;une illustration, ponctue, avec une &eacute;vidente fonction rythmique, la voix narrative et appuie hypnotiquement la suggestion.</p> <blockquote> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;">Je monte dans ma chambre &ndash;&nbsp;oh&nbsp;! pas trop vite&nbsp;‒, j&rsquo;actionne le ventilateur et me pr&eacute;cipite naturellement sous la douche, quelle b&eacute;n&eacute;diction&nbsp;! Puis je me jette sur mon lit tout mouill&eacute; et &eacute;coute le bruit qui me berce. Est-ce que je dors&nbsp;? Des images comme celles du d&eacute;lire galopent sous mes paupi&egrave;res encore chaudes. J&rsquo;entends une voix comme d&rsquo;outre-tombe. Je me figure en grand voyageur en me souvenant des <em>Mille et une nuits</em>. C&rsquo;est celle de Sh&eacute;h&eacute;razade.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">On voit comment le carnet de route ouvre les portes de Bagdad par la sensation, vecteur du r&ecirc;ve et de l&rsquo;imaginaire&nbsp;: la radio ici doit faire &eacute;prouver le voyage &agrave; l&rsquo;auditeur statique devant son poste. La chaleur, la sueur, les ruissellements de l&rsquo;eau lui diront plus de Bagdad que la description des ruelles et des avenues monumentales. Au voyageur-Soupault du d&eacute;but se substitue un voyageur imm&eacute;morial, celui des <em>Mille et une nuits</em>. La voix de Bagdad alors parle directement &agrave; travers les &acirc;ges&nbsp;: une voix de femme, celle de Sh&eacute;h&eacute;razade, commence le conte de Sindbad le Portefaix. Le monde r&eacute;el et celui du conte communiquent par cette sensation de fra&icirc;cheur dont on vient de faire l&rsquo;exp&eacute;rience. Au d&eacute;but du conte, Sindbad &eacute;cras&eacute; sous sa charge par un jour de canicule tente d&rsquo;&eacute;chapper &agrave; la chaleur intol&eacute;rable sur un banc o&ugrave; circulent des brises l&eacute;g&egrave;res&nbsp;: &laquo;&nbsp;alors il per&ccedil;ut un concert d&rsquo;instruments et de luths&nbsp;&raquo;&hellip; l&rsquo;auditeur devenu Sindbad entend lui aussi le oud qui relaie la voix de Sh&eacute;h&eacute;razade et la bande-son s&rsquo;arr&ecirc;te l&agrave;, abruptement.</p> <p style="text-align: justify;">N&eacute;anmoins on est all&eacute; au terme de la d&eacute;monstration car il me semble que ce petit carnet de voyage en pr&eacute;supposait une. Si on ne voit rien de la ville r&eacute;elle, les sensations de soif, les bouff&eacute;es br&ucirc;lantes, les taches de couleurs, tout un univers sonore&nbsp; ̶&nbsp;moteur, p&eacute;piements, friselis d&rsquo;eau, accords de oud&nbsp;‒ ouvre l&rsquo;espace du d&eacute;paysement, comme si le secret du lieu &eacute;tait enclos dans ces sensations. Aux images visuelles et tactiles des noms de pays proustiens, aux vues de porte-plume qui les figent en vignettes souvenirs, Soupault substitue des pr&eacute;cipit&eacute;s sonores qui ne sont pas moins st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;s mais, plus &eacute;vasifs, laissent l&rsquo;imaginaire prendre le relais. Le son seul peut porter dans son sillage toutes les autres sensations&nbsp;; la radio qui fait ici litt&eacute;ralement voyager dans l&rsquo;espace et dans le temps, est le m&eacute;dium de la po&eacute;sie&nbsp;: sans nous parler de Bagdad elle nous y a conduit, et a ouvert les portes de ce Bagdad r&ecirc;v&eacute; que les occidentaux du d&eacute;but avaient enferm&eacute; dans le toponyme.</p> <p style="text-align: justify;">Dans <em>Le Monde des sons</em>, on entend d&rsquo;abord quelques mesures de ragtime, qui prennent la place de ces accords de oud ouvrant les deux carnets de voyage, pour signifier l&rsquo;Orient&nbsp;; elles sont remplac&eacute;es par un bruit de vagues, puis une rumeur de foule de laquelle se distingue une voix qui dit &laquo;&nbsp;Je proteste je proteste&nbsp;&raquo;. L&rsquo;illustration sonore pr&eacute;c&egrave;de le dialogue dans lequel on entre <em>in media res</em>, le po&egrave;te d&eacute;fenseur de la radio et du monde des sons r&eacute;futant son interlocuteur grincheux pour qui tout cela n&rsquo;est que du bruit. Il tance ce mauvais auditeur qu&rsquo;il lui faut convaincre de son infirmit&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Que dirait-on de quelqu&rsquo;un qui n&eacute;gligerait les couleurs, les lignes de la nature et r&eacute;duirait le monde visible &agrave; la peinture&nbsp;?&nbsp;&raquo;. Il pr&eacute;cise que la musique n&rsquo;est qu&rsquo;une toute petite partie de l&rsquo;univers des sons qui reste <em>terrae incognitae</em>&nbsp;: &laquo;&nbsp;Depuis des si&egrave;cles, l&rsquo;humanit&eacute; a donn&eacute; de l&rsquo;importance &agrave; la vue et n&eacute;glig&eacute; le monde des sons&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>&nbsp;&raquo;. Le bruit est d&eacute;j&agrave;, comme le dira Deshays, &laquo;&nbsp;par excellence le lieu du r&ecirc;ve&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Soupault r&eacute;active dans cette &eacute;mission la forme du dialogue philosophique ch&egrave;re au <em>Neveu de Rameau</em>, ce qui n&rsquo;a rien de fortuit, le neveu &eacute;tant celui d&rsquo;un musicien, mais surtout Diderot faisant parler un aveugle de naissance dans la <em>Lettre aux aveugles &agrave; l&rsquo;usage de ceux qui voient&nbsp;</em>; ce texte sert encore de point de d&eacute;part &agrave; Soupault dans son article ult&eacute;rieur des <em>Cahiers d&rsquo;&Eacute;tudes de Radio-T&eacute;l&eacute;vision</em>, &laquo;&nbsp;Un Monde nouveau&nbsp;&raquo;. Dans les deux cas, l&rsquo;univers sonore appara&icirc;t comme un continent &agrave; d&eacute;couvrir, et les ondes sont le vaisseau de cette exp&eacute;dition.</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;auditeur grincheux ne manque pas d&rsquo;opposer au locuteur que le monde des sons n&rsquo;est pas beau, et, quand il est press&eacute; de s&rsquo;expliquer, il avoue que les sons les plus d&eacute;sagr&eacute;ables s&rsquo;imposent pour lui avec plus de force que les autres. C&rsquo;est alors que Soupault revient &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rience de Bagdad&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;">Imaginez que vous pourriez vivre dans un pays tr&egrave;s chaud. 40<sup>&deg;</sup> de chaleur, et vous &eacute;coutez le bruit de l&rsquo;eau qui coule. Pareille aventure m&rsquo;est arriv&eacute;e r&eacute;cemment &agrave; Bagdad. Pour moi, le bruit de l&rsquo;eau est demeur&eacute; un souvenir plus beau, plus merveilleux que le plus beau, le plus merveilleux paysage. Et je crois que les po&egrave;tes qui sont les plus sensibles des hommes ne me contrediront pas.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;ou&iuml;e est valoris&eacute;e pour son aptitude &agrave; d&eacute;payser l&rsquo;auditeur jusque dans son propre corps&nbsp;; Soupault ajoute&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les sons ont une puissance d&rsquo;&eacute;vocation que ni les couleurs ni les parfums ne poss&egrave;dent. Les sons sugg&egrave;rent&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>.&nbsp;&raquo; Ils donnent aussi la vie&nbsp;: le narrateur convoque un exemple r&eacute;current dans son &oelig;uvre, avec de multiples variantes, le r&eacute;cit mythique de son av&egrave;nement &agrave; la po&eacute;sie, seconde naissance&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;">J&rsquo;&eacute;tais seul et triste un soir dans une chambre d&rsquo;h&ocirc;tel. Le robinet du cabinet de toilette &eacute;tait d&eacute;traqu&eacute; [on entend des gouttes d&rsquo;eau tomber, bien nettement s&eacute;par&eacute;es]. Les gouttes d&rsquo;eau me dict&egrave;rent un po&egrave;me. Je voudrais maintenant que vous entendiez ce que les gouttes d&rsquo;eau ont sugg&eacute;r&eacute; au musicien Andr&eacute; Popp qui les a mises en musique.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Ces gouttes d&rsquo;eau sont un marqueur personnel, depuis celles dont &laquo;&nbsp;nous sommes prisonniers&nbsp;&raquo; dans <em>Les Champs magn&eacute;tiques&nbsp;</em><a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>. Il est frappant de voir qu&rsquo;en elles se r&eacute;sume tout Bagdad et que si, dans les successifs r&eacute;cits de &laquo;&nbsp;premi&egrave;re fois&nbsp;&raquo;, elles ont d&eacute;li&eacute; le flux de la po&eacute;sie, c&rsquo;est encore le son hypnotique de l&rsquo;eau qui ouvre le monde merveilleux des sons, ainsi figur&eacute; dans un jeu de polys&eacute;mie par celui des ondes. Lorsque Tardieu, parlant de l&rsquo;apport du Club d&rsquo;essai &agrave; l&rsquo;effort culturel de la radiodiffusion fran&ccedil;aise en 1956, &eacute;voque la radio &laquo;&nbsp;lan&ccedil;ant &agrave; travers l&rsquo;espace une pluie d&rsquo;impressions justes&nbsp;&raquo; proc&eacute;dant &laquo;&nbsp;par une sorte d&rsquo;arrosage &agrave; la mani&egrave;re des nuages&nbsp;&raquo;, il me semble qu&rsquo;il caract&eacute;rise assez bien l&rsquo;esprit des Carnets de voyage de Soupault qui prend au mot ce que Tardieu appelle joliment, &laquo;&nbsp;la m&eacute;t&eacute;orologie culturelle&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;"><em>Instantan&eacute;s de Perse </em>commence par cette question&nbsp;: &laquo;&nbsp;Comment peut-on &ecirc;tre persan&nbsp;?&nbsp;&raquo; &laquo; C&rsquo;est la question que depuis Montesquieu se posent les fran&ccedil;ais et les europ&eacute;ens&nbsp;&raquo; constate-t-il et il s&rsquo;excuse &agrave; l&rsquo;avance de la superficialit&eacute; du genre&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;">Ce n&rsquo;est pas en quelques minutes, m&ecirc;me en soixante minutes, qu&rsquo;on peut r&eacute;pondre &agrave; cette question, mais peut-&ecirc;tre n&rsquo;est-il pas absolument inutile que les voyageurs qui ont parcouru la Perse et [qui peuvent se vanter] de conna&icirc;tre, un peu, les persans livrent leurs impressions rapidement comme l&rsquo;exige la radio, mais fid&egrave;lement.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">La radio est le m&eacute;dium de l&rsquo; &laquo;&nbsp;homme press&eacute;&nbsp;&raquo;. <em>Instantan&eacute;s de Perse</em> revendique par son titre la discontinuit&eacute; d&rsquo;une s&eacute;rie d&rsquo;impressions clairement r&eacute;f&eacute;r&eacute;es &agrave; la vue &ndash;et &agrave; la prise de vue.</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Voyageur endurci, je me souviens que j&rsquo;ai appris davantage des pays qui m&rsquo;&eacute;taient inconnus en regardant ces petites photos que les Europ&eacute;ens et davantage encore les Am&eacute;ricains ont l&rsquo;habitude de consid&eacute;rer comme des chefs-d&rsquo;&oelig;uvre lorsqu&rsquo;ils les rapportent de pays lointains. En regardant des instantan&eacute;s, pas un homme ou une femme de bonne foi ne dissimulera sa surprise. Voici donc des instantan&eacute;s de la Perse.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Le son entend ainsi clairement donner &agrave; voir. Quant &agrave; la fid&eacute;lit&eacute;, c&rsquo;est au monde des sons qu&rsquo;il revient de la garantir, non par le documentaire r&eacute;aliste mais par la recr&eacute;ation de percepts hallucin&eacute;s &agrave; partir du son. Le pluriel et la notion m&ecirc;me d&rsquo;instantan&eacute;s &eacute;voquent des impressions recueillies au fil du voyage, dans leur surgissement&nbsp;; or les encha&icirc;nements sur des associations d&rsquo;id&eacute;es et de mots sont subtilement fil&eacute;s. Apr&egrave;s ce pr&eacute;ambule, une autre voix masculine prend le relais pour vanter le pouvoir &eacute;vocateur d&rsquo;une rengaine, &laquo;&nbsp;un air c&eacute;l&egrave;bre, trop c&eacute;l&egrave;bre&nbsp;&raquo;&hellip; &laquo;&nbsp;cet air si incroyablement populaire qu&rsquo;on nomme, on ne sait trop pourquoi, &ldquo;Sur un march&eacute; persan&rdquo;. On entend alors 30 secondes des premi&egrave;res mesures. Elles introduisent la premi&egrave;re partie ‒&nbsp;le premier instantan&eacute;&nbsp;‒ consacr&eacute; au grand bazar de T&eacute;h&eacute;ran. Le s&eacute;same sonore lib&egrave;re une s&eacute;rie de vues. La voix masculine sollicite l&rsquo;auditeur et l&rsquo;invite &agrave; entrer dans le labyrinthe du souk&nbsp;: &laquo;&nbsp;Imaginez-vous les couloirs du m&eacute;tropolitain, faiblement &eacute;clair&eacute;s par une petite lucarne o&ugrave; plongent les rayons du soleil. On s&rsquo;habitue ais&eacute;ment d&rsquo;ailleurs &agrave; cette p&eacute;nombre.&nbsp;&raquo; Tr&egrave;s sym&eacute;trique, la conclusion de l&rsquo;&eacute;mission referme l&rsquo;album en cong&eacute;diant la m&eacute;taphore visuelle&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;">Apr&egrave;s tous ces instantan&eacute;s et ces quelques vieilles gravures, peut-&ecirc;tre convient-il pour conclure de rechercher quelle est l&rsquo;impression dominante qui demeure apr&egrave;s les contacts avec un monde si diff&eacute;rent du n&ocirc;tre. [&hellip;]. Nous n&rsquo;avons plus le droit de nous contenter de d&eacute;tails et de pr&eacute;f&eacute;rer le pittoresque.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Et moi-m&ecirc;me avec cent ans de retard ou, si l&rsquo;on pr&eacute;f&egrave;re, d&rsquo;avance, en survolant la Perse, je ne pouvais m&rsquo;emp&ecirc;cher de penser aux grandes r&eacute;gions d&eacute;sertiques qui entourent les villes d&rsquo;Iran. Il me semblait que ces d&eacute;serts, ces steppes, qui forment cette Asie Centrale, o&ugrave; est n&eacute;e notre civilisation, exercent encore, en d&eacute;pit de notre ignorance et de notre inconscience, une influence sur notre destin et sur toute l&rsquo;humanit&eacute;. Je cherchais &agrave; d&eacute;finir mon impression de cette grandeur lorsque le hasard voulut que j&rsquo;entendisse un soir ce morceau symphonique de Borodine, &laquo;&nbsp;Dans les steppes de l&rsquo;Asie Centrale&nbsp;&raquo;. Mieux que les mots, cette musique &eacute;voqua pour moi les horizons de la Perse, ceux que nous sommes tent&eacute;s d&rsquo;oublier.</p> <p style="text-align: justify;">On entend la musique de Borodine jusqu&rsquo;&agrave; la fin pendant 2 mn 30, d&rsquo;abord seule, puis en arri&egrave;re-plan de la parole&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;">Je terminerai cette suite d&rsquo;images de la Perse sur ces steppes de l&rsquo;Asie Centrale. Ce petit tour d&rsquo;horizon, ce voyage en raccourci est certes un peu rapide, peut-&ecirc;tre un peu incomplet, certainement m&ecirc;me, mais je souhaite, j&rsquo;esp&egrave;re avoir r&eacute;ussi &agrave; vous donner de la Perse une id&eacute;e un peu moins conventionnelle que celle que les fran&ccedil;ais ont commun&eacute;ment.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Un air de oud &eacute;court&eacute; ach&egrave;ve l&rsquo;&eacute;mission. La fin montre encore ce que Soupault attend de la radio&nbsp;: mieux que les mots, elle transmet les bruits propres &agrave; &eacute;voquer sans circonscrire, dans un temps restreint &ndash;&nbsp;et cette condensation n&rsquo;est pas pour d&eacute;plaire au po&egrave;te, non plus que le d&eacute;cousu que les exigences techniques, toutefois, obligent &agrave; simuler. &laquo;&nbsp;Horizons de la Perse&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;petit tour d&rsquo;horizon&nbsp;&raquo;&nbsp;: avec insistance la radio appara&icirc;t comme un des horizons possibles de la po&eacute;sie, la po&eacute;sie demeurant &laquo;&nbsp;le r&eacute;el absolu&nbsp;&raquo;.</p> <h3 style="text-align: justify;">Notes<br /> &nbsp;</h3> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a> <em>L&rsquo;Intransigeant</em>, 27 juin 1932, p. 8.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a> <em>L&rsquo;Intransigeant, </em>11 mai 1934, p. 11.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a> Larronde dit dans <em>L&rsquo;Intransigeant </em>du 19 mars 1931 que le v&eacute;ritable plan de la TSF est le merveilleux&nbsp;; nul doute que Soupault et lui ont &eacute;t&eacute; d&rsquo;embl&eacute;e sur la m&ecirc;me longueur d&rsquo;ondes. V. Christopher Todd, &laquo;&nbsp;Carlos Larronde, id&eacute;aliste des ondes&nbsp;&raquo;, dans <em>Les &Eacute;crivains hommes de radio,</em> textes pr&eacute;sent&eacute;s et rassembl&eacute;s par Pierre-Marie H&eacute;ron, Montpellier, Presses universitaires de la M&eacute;diterran&eacute;e, 2001.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a> Dans la s&eacute;rie <em>Archives sonores</em>, 31 mai 1952 (17&rsquo;30). Cette &eacute;mission, pr&eacute;sent&eacute;e par Philippe Soupault, avec le concours de Fran&ccedil;ois Chaumette et Maurice Biraut, est une production de la Phonoth&egrave;que centrale de la Radiodiffusion fran&ccedil;aise. La documentation est de Paulette Le Tailleur et Georges Sennequier, r&eacute;alisation de Georges Godebert.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a> <em>Cahiers d&rsquo;&Eacute;tudes de Radio-T&eacute;l&eacute;vision</em>, n&deg;16, 1957, p.&nbsp;351-353.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a> Voir l&rsquo;article &laquo;&nbsp;Mer Rouge&nbsp;&raquo;, dans <em>La Revue de Paris</em>, n&deg;8, ao&ucirc;t 1951&nbsp;: la radio relay&eacute;e par le bouche-&agrave;-oreille est le seul moyen d&rsquo;acc&egrave;s au monde, explique-t-il, pour les nomades de Somalie.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a> &laquo;&nbsp;Carnet de voyage de Philippe Soupault&nbsp;&raquo;, r&eacute;alisateur Georges Herzog. Programme national, 22 octobre 1950.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a> &laquo;&nbsp;Carnet de route de Philippe Soupault&nbsp;&raquo;, r&eacute;alisateur Albert Ri&eacute;ra, diffusion Programme national, 18 mars 1951, 21h30.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a> R&eacute;alisation Albert Ri&eacute;ra, avec une distribution importante, comparable &agrave; celle d&rsquo;une dramatique&nbsp;: Paula de Helli, Sh&eacute;h&eacute;razade, Roert Moore, l&rsquo;ami du voyageur, Mesdames Nelly Delmas, Raymonde Fernelle, Raymonde Vassier, Fran&ccedil;oise Moreau et Messieurs Jean Daguerre, Gilles P&eacute;an, L&eacute;on Arvelle, Jacques Bernier, Marc Darnout, G&eacute;rard Gervais et l&rsquo;auteur.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a> &laquo; Instantan&eacute;s de Perse, carnets de voyage de Philippe Soupault, avec le concours de Louis Arbessier, Pierre Olivier, Jean Topart, Andr&eacute; Dauri&egrave;re, Nelly Benedetti, Denise Bonal.&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a> &laquo;&nbsp;Le p&eacute;ril des ondes menace-t-il la litt&eacute;rature&nbsp;?&nbsp;&raquo;, <em>Le Figaro</em>, 5 novembre 1938, p.&nbsp;5. R&eacute;ponse &agrave; une enqu&ecirc;te de G. Ravon.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a> <em>Pour une &eacute;criture du son, </em>Paris, Klincksieck, 2006.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a> &laquo;&nbsp;Au cours d&rsquo;un voyage dans diff&eacute;rentes parties du monde et dans des milieux tr&egrave;s divers, j&rsquo;ai pu suivre le sillage d&rsquo;une chanson qui non seulement plaisait aux hommes et aux femmes de tous les &acirc;ges et de toutes les conditions qui ne parlaient pas la m&ecirc;me langue, mais aussi, manifestement, les fascinait. Siffl&eacute;e, fredonn&eacute;e, murmur&eacute;e, chant&eacute;e &agrave; pleine voix, <em>La Vie en rose</em> s&rsquo;&eacute;panouissait &agrave; tous les carrefours de l&rsquo;univers&nbsp;&raquo; (<em>Chansons,</em> Paris, Eynard, 1949, p. 15).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a> Selon Henry-Jacques Dupuy, c&rsquo;est en 1949 que Soupault se rend en Somalie Britannique, sur la C&ocirc;te des Somalies, au Kenya, &agrave; Aden, Chypre, en Jordanie hach&eacute;mite, en Irak, Isra&euml;l, Iran, Arabie S&eacute;oudite, Syrie. Rappelons que l&rsquo;&eacute;crivain est charg&eacute; en 1946 par l&rsquo;Unesco d&rsquo;enqu&ecirc;tes sur la presse, la radio et le cin&eacute;ma ‒&nbsp;d&rsquo;abord en Europe puis au Mexique, Honduras, Ha&iuml;ti, Nicaragua, Cura&ccedil;ao, Cuba, r&eacute;publique dominicaine en 1947. En 1948 il va en &Eacute;gypte, au Liban, en Turquie. En 1950 il continue cette enqu&ecirc;te au Cameroun, en Afrique &eacute;quatoriale, en &Eacute;thiopie, au Congo belge, au Ruan-Da-Urundi, au Soudan anglo-&eacute;gyptien, &agrave; Madagascar, en Somalie italienne, en Angola, au Mozambique. Il faut regretter que les ouvrages biographiques sur Soupault traitent peu de ce chapitre important des ann&eacute;es 1946-1950.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a> On laissera de c&ocirc;t&eacute; le reportage publi&eacute; en 1954 &laquo;&nbsp;Au Monomotapa&nbsp;&raquo;, r&eacute;cit de son voyage au Mozambique dans la m&ecirc;me revue (n&deg; 9, septembre) qui n&rsquo;a pas donn&eacute; lieu &agrave; une &eacute;mission radiophonique.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a> &nbsp;Ce texte, dat&eacute; du 1<sup>er</sup> janvier 1951, est &nbsp;conserv&eacute; au Bureau des manuscrits de Radio France, 35 f., cote R 5055, 12 personnages.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a> Est-ce la cons&eacute;quence de cet oubli&nbsp;? Dans l&rsquo;article de <em>La Revue de Paris,</em> le voyageur peine &agrave; trouver une chambre&nbsp;: il n&rsquo;a pas r&eacute;serv&eacute;, et doit se contenter de partager une chambre d&rsquo;h&ocirc;tel de seconde zone avec plusieurs touristes en rade.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a> Je souligne.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a> La causerie intitul&eacute;e &laquo; Mer rouge&nbsp;&raquo;, comme le reportage qui porte le m&ecirc;me titre dans <em>La Revue de Paris</em>, montreront que le p&egrave;lerinage est une ressource &eacute;conomique. Ici la chose vue se suffit. Le carnet implique qu&rsquo;on renonce &agrave; exploiter, prolonger la notation.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a> <em>Le Monde des sons</em>, s&eacute;rie <em>Archives sonores</em>, Paris Inter, 31 mai 1952.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a> Daniel Deshays lie &agrave; la nostalgie du d&eacute;j&agrave; connu cette dimension &eacute;vocatoire&nbsp;: &laquo;&nbsp;Dans la pratique, le son s&rsquo;inscrit comme une empreinte dans la m&eacute;moire, et l&rsquo;&eacute;coute, jeu de reconnaissance et d&rsquo;appr&eacute;ciation, nous conduit vite sur le terrain du go&ucirc;t. On n&rsquo;aura de go&ucirc;t que pour ce que l&rsquo;on a connu&nbsp;; on le pr&eacute;f&egrave;rera, de fait, &agrave; la nouveaut&eacute;.&nbsp;&raquo; (<em>Pour une &eacute;criture du son, op. cit.</em>).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a> Cette phrase ouvre les <em>Champs magn&eacute;tiques </em>de Breton et Soupault en 1920. On sait qu&rsquo;elle est venue de la plume de Soupault.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a> Jean Tardieu, &laquo;&nbsp;Le Club d&rsquo;Essai et son apport &agrave; l&rsquo;effort culturel de la Radio-diffusion fran&ccedil;aise&nbsp;&raquo;, 1956, cit&eacute; dans Pierre-Marie H&eacute;ron (dir.), <em>Les &Eacute;crivains hommes de radio</em>, <em>op. cit</em>.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="Auteur">Autrice</span></h3> <p style="text-align: justify;"><strong>Marie-Paule Berranger</strong> est Professeur de litt&eacute;rature fran&ccedil;aise du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; de Paris 3 Sorbonne nouvelle, et appartient &agrave; l&rsquo;&eacute;quipe de recherche Thalim (&eacute;critures de la modernit&eacute;). Ses travaux portent sur l&rsquo;histoire du mouvement surr&eacute;aliste et la po&eacute;tique de ses auteurs, la question des genres dans la po&eacute;tique des avant-gardes, la po&eacute;sie de Blaise Cendrars. Elle a fond&eacute; le Groupe d&rsquo;&Eacute;tudes Mandiarguiennes (GEM) et publi&eacute; plusieurs ouvrages, dont <em>D&eacute;paysement de l&rsquo;aphorisme</em> (Corti, 1987), <em>Les Genres mineurs dans la po&eacute;sie moderne</em> (PUF, 2004), Du Monde entier au c&oelig;ur du monde<em> de Blaise Cendrars</em> (Gallimard, &laquo;&nbsp;Folioth&egrave;que&nbsp;&raquo;, 2007), Corps et biens<em> de Robert Desnos</em> (Gallimard, &laquo;&nbsp;Folioth&egrave;que&nbsp;&raquo;, 2010) ainsi que les actes du colloque <em>Plaisir &agrave; Mandiargues (1909-1991)</em>, en collaboration avec Claude Leroy (Hermann, 2011). Derniers volumes publi&eacute;s&nbsp;: <em>1913 cent ans apr&egrave;s&nbsp;: enchantement et d&eacute;senchantement</em>, Paris, Hermann, 2014 (actes du colloque de Cerisy, 8-15 juillet 2013)&nbsp;; <em>&Eacute;volutions/R&eacute;volutions des valeurs critiques (1860-1940)</em>, Montpellier, PULM, &laquo;&nbsp;Le Centaure&nbsp;&raquo;, 2015&nbsp;(actes du colloque de Caen, juin 2012).</p> <p style="text-align: justify;"><strong>Copyright</strong></p> <p style="text-align: justify;">Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p> </div>