<div class="entry-content"> <h3>Abstract</h3> <p>Correspondence, as much or more than other books, is subject to the risk of expiry: the 37-year exchange between Cendrars and Jacques-Henry L&eacute;vesque, from 1922 to 1959, is not the exhumation of a hidden treasure, since Monique Chefdor procured the first edition, now out of print, as part of the &OElig;uvres compl&egrave;tes published by Deno&euml;l in March 1991, of which it constituted the 9th volume, under the title &quot;Je vous &eacute;cris. Write to me&quot;. Correspondance Blaise Cendrars - Jacques-Henry L&eacute;vesque, 1924-1959. It included 652 letters, most of them from Blaise Cendrars and a few of his recipient&#39;s replies, reproductions of the summaries and covers of Orbes, the magazine L&eacute;vesque edited, and requests for insertions, together with information on Jacques-Henry and his family. The main source of this correspondence was in fact the recipient&#39;s wife, Ang&egrave;le L&eacute;vesque, whose collection joined the Cendrars collection in Bern; but the Swiss National Archives have since purchased some of the lots on sale. Monique Chefdor, Olivier Brien, Claude Leroy, Maurice Poccachard and other collectors have discovered letters since 1991, bringing the known exchanges between the two writers to 740 letters: 666 from Cendrars and 74 from J.-H. L&eacute;vesque (plus three partial letters from Cendrars).</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p>correspondence, Blaise Cendrars, Jacques-Henry L&eacute;vesque</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">Les correspondances, autant ou plus que les autres livres, sont guett&eacute;es par la p&eacute;remption&nbsp;: l&rsquo;&eacute;change qui pendant 37 ans, de 1922 &agrave; 1959, a li&eacute; Cendrars et Jacques-Henry L&eacute;vesque, ne rel&egrave;ve pas de l&rsquo;exhumation d&rsquo;un tr&eacute;sor cach&eacute;, puisque Monique Chefdor a procur&eacute; la premi&egrave;re &eacute;dition, &eacute;puis&eacute;e aujourd&rsquo;hui, dans le cadre des <em>&OElig;uvres compl&egrave;tes</em> parues chez Deno&euml;l en mars 1991 dont elle constituait le 9e&nbsp;volume, sous le titre <em>&laquo;&nbsp;Je vous &eacute;cris. &Eacute;crivez-moi&nbsp;&raquo;. Correspondance Blaise Cendrars &ndash; Jacques-Henry L&eacute;vesque, 1924-1959</em>. On y d&eacute;couvrait 652 lettres, la plupart de Blaise Cendrars et quelques-unes des r&eacute;ponses de son destinataire, des reproductions des sommaires et couvertures de <em>Orbes, </em>revue que dirigea L&eacute;vesque, les pri&egrave;res d&rsquo;ins&eacute;rer, compl&eacute;t&eacute;s d&rsquo;informations sur Jacques-Henry et sa famille. La source majeure de cette correspondance &eacute;tait en effet la femme du destinataire, Ang&egrave;le L&eacute;vesque, dont la collection a rejoint le fonds Cendrars &agrave; Berne&nbsp;; mais les archives nationales suisses ont, depuis, achet&eacute; certains lots pass&eacute;s en vente. Monique Chefdor, Olivier Brien, Claude Leroy, Maurice Poccachard et d&rsquo;autres collectionneurs ont d&eacute;couvert des lettres depuis 1991, qui portent les &eacute;changes connus entre les deux &eacute;crivains &agrave; 740 lettres soit 666 lettres de Cendrars et 74 de J.-H. L&eacute;vesque (auxquelles s&rsquo;ajoutent trois lettres seulement partielles de Cendrars).</p> <p style="text-align: justify;">Que peut apporter, au-del&agrave; de ces compl&eacute;ments au corpus, une nouvelle &eacute;dition&nbsp;? Quelques corrections de date, au vu des cachets postaux, conduisent &agrave; r&eacute;viser la place de telle ou telle lettre, ce qui n&rsquo;est pas sans incidence sur la biographie ni sur l&rsquo;histoire des &oelig;uvres&nbsp;: les dates de certains d&eacute;placements, les premiers signes d&rsquo;un projet d&rsquo;&eacute;criture, les dates d&rsquo;ach&egrave;vement d&rsquo;un ouvrage, tenus pour acquis sur la foi de la correspondance publi&eacute;e, sont d&egrave;s lors &agrave; v&eacute;rifier ; l&rsquo;acc&egrave;s aux originaux a aussi permis de r&eacute;tablir une expression tronqu&eacute;e, un verso de lettre oubli&eacute; dans les photocopies fournies autrefois par Ang&egrave;le L&eacute;vesque, de d&eacute;chiffrer des s&eacute;quences illisibles, de corriger des le&ccedil;ons erron&eacute;es en assez grand nombre &ndash; Cendrars par exemple se dit &laquo;&nbsp;retranch&eacute; des vivants&nbsp;&raquo;, non &laquo;&nbsp;des avants&nbsp;&raquo;, et une myst&eacute;rieuse &laquo;&nbsp;&eacute;thique de Raut&nbsp;&raquo; nous dissimulait celle de Kant, plus famili&egrave;re. Immanquablement, il sera n&eacute;cessaire de reprendre un jour la nouvelle &eacute;dition, on ne peut en la mati&egrave;re d&eacute;clarer un ensemble clos, d&rsquo;autant que ce qui p&eacute;rime sans doute le plus une &eacute;dition critique, c&rsquo;est la vie posthume de l&rsquo;auteur, la masse des connaissances nouvelles qui ont enrichi la lecture et l&rsquo;apport d&rsquo;un nouveau lectorat dans une contemporan&eacute;it&eacute; qui red&eacute;finit sa litt&eacute;rarit&eacute; et sa place. Ainsi, les strates successives de la critique cendrarsienne sur un quart de si&egrave;cle ont profit&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;lucidation de nombre d&rsquo;allusions laconiques et internet a permis d&rsquo;identifier certains protagonistes obscurs. Le d&eacute;veloppement de la sociologie litt&eacute;raire, la publication de nombreuses correspondances d&rsquo;&eacute;crivains contemporains de l&rsquo;auteur, l&rsquo;apport des historiens&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>, notamment le changement de regard induit par les travaux de Paxton sur l&rsquo;histoire de la Seconde Guerre mondiale et de l&rsquo;Occupation ouvrent l&rsquo;appareil critique &agrave; des analyses renouvel&eacute;es.</p> <p style="text-align: justify;">Je ne m&rsquo;arr&ecirc;terai pas sur les supports ni sur la graphie bien qu&rsquo;ils soient la part directement &eacute;mouvante pour le chercheur&nbsp;: ils n&rsquo;ont rien de sp&eacute;cifique dans ces &eacute;changes avec L&eacute;vesque, sinon par le contraste qui se manifeste visuellement entre les deux interlocuteurs. Les cartes postales et les cartes de correspondance, les feuillets bleus adh&eacute;sifs (du Tremblay, de Hy&egrave;res, du Gelria au retour du Br&eacute;sil, des Ardennes, de Biarritz, d&rsquo;Aix-en-Provence, de Villefranche-sur-Mer, de la rue Jean Dolent &agrave; Paris, ou de l&rsquo;h&ocirc;tel d&rsquo;Ouchy), se retrouvent d&rsquo;un destinataire &agrave; l&rsquo;autre, de m&ecirc;me que les papiers &agrave; en-t&ecirc;te des Deux Gar&ccedil;ons, le caf&eacute;-restaurant que fr&eacute;quente Cendrars &agrave; Aix pendant la guerre, des grands h&ocirc;tels de France, de Biarritz, de Rio, ou les blocs &agrave; petits carreaux &eacute;crits &agrave; l&rsquo;horizontale &agrave; l&rsquo;encre bleue ou violette sur des demi-feuillets. On retrouve dans la graphie toutes les couleurs de l&rsquo;humeur du jour&nbsp;: l&rsquo;&eacute;criture du Blaise press&eacute;, pour une demande urgente avant la derni&egrave;re lev&eacute;e, celle du Blaise exasp&eacute;r&eacute; que signale une nette gradation vers l&rsquo;illisible&nbsp;; on suit le sismographe de la fatigue, les tremblements dans les p&eacute;riodes de cr&eacute;ation intense et dans les petits mots laconiques qui succ&egrave;dent au premier AVC de 1956&nbsp;; on constate les progr&egrave;s du retour &agrave; l&rsquo;&eacute;criture, avant le grand silence qui suit le second AVC en 1958, que rompt seulement la signature d&eacute;form&eacute;e de la &laquo;&nbsp;main amie&nbsp;&raquo;, au-bas d&rsquo;une carte envoy&eacute;e par Raymone. La lettre suit au plus pr&egrave;s la voix dans une conversation qui lie les amis s&eacute;par&eacute;s&nbsp;; l&rsquo;intonation se marque dans la v&eacute;h&eacute;mence typographique&nbsp;: traits de soulignements &ndash; deux, trois, ou plus ; tirets d&eacute;mesur&eacute;s (double ou triple cadratin), points d&rsquo;exclamation en rafales, lignes de pointill&eacute;s. Tant&ocirc;t la phrase m&eacute;andre, accueillant des &eacute;num&eacute;rations, incises et d&eacute;tails d&rsquo;une pr&eacute;cision obsessionnelle&nbsp;; tant&ocirc;t la violence exp&eacute;ditive des jugements, le lexique cru, les &eacute;motions d&eacute;bordent et serpentent sur le bord, jusqu&rsquo;en haut du feuillet. &Agrave; l&rsquo;&eacute;diteur d&rsquo;assurer la lisibilit&eacute; et une certaine r&eacute;gularit&eacute; de la mise en page et des codes de transcription, sans sacrifier totalement le geste d&rsquo;&eacute;criture, le tempo de l&rsquo;humeur, que seul le fac-simil&eacute; pourrait rendre fid&egrave;lement.</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;En contraste,&nbsp;Jacques-Henry L&eacute;vesque sature ses pages &ndash;&nbsp;souvent deux ou plus&nbsp;&ndash; d&rsquo;une &eacute;criture prolixe, r&eacute;guli&egrave;re, avec des ajouts &agrave; la relecture et toutes sortes de marques d&rsquo;intensit&eacute;. Il signe invariablement &laquo;&nbsp;votre AMI&nbsp;&raquo; avec une na&iuml;vet&eacute; d&rsquo;enfant affectueux et le plus souvent, abonde dans le sens de Blaise, prodigue en actes d&rsquo;all&eacute;geance. Il faut dire que le ma&icirc;tre pratique m&eacute;thodiquement l&rsquo;assassinat th&eacute;rapeutique et le coup de b&acirc;ton zen. Cendrars a la dent dure avec ses correspondants &ndash;&nbsp;&agrave; l&rsquo;exception peut-&ecirc;tre de t&rsquo;Serstevens&nbsp;: il se fait un devoir de dire &agrave; Poulaille ses r&eacute;ticences sur ses publications, de descendre en fl&egrave;che le dernier livre de Guiette qui lui demandait son avis et de corriger longuement dans plusieurs lettres de suite le texte d&rsquo;introduction aux <em>Po&eacute;sies compl&egrave;tes</em> qu&rsquo;il a sollicit&eacute; de son ami L&eacute;vesque, un texte dont il s&rsquo;&eacute;tait pourtant d&eacute;clar&eacute; enti&egrave;rement satisfait.</p> <p style="text-align: justify;">Le statut de document autobiographique d&rsquo;une correspondance demande quelques pr&eacute;cautions&nbsp;: si le cachet de la poste a valeur de preuve, une fois v&eacute;rifi&eacute; l&rsquo;appariement de la lettre &agrave; l&rsquo;enveloppe, le contenu ne l&egrave;ve pas tous les voiles et demande des recoupements&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>&nbsp;; ainsi, les voyages en Espagne avant, pendant et apr&egrave;s la guerre civile restent en partie myst&eacute;rieux&nbsp;: certains s&rsquo;&eacute;clairent gr&acirc;ce aux lettres &agrave; Louis Brun, ou &agrave; d&rsquo;autres aficionados de corridas. D&rsquo;autres non. La lettre, exceptionnellement espace de confidence o&ugrave; s&rsquo;avoue, en prolongement d&rsquo;une conversation nocturne &agrave; bord du <em>Normandie</em>, un d&eacute;sir suicidaire, prot&egrave;ge aussi les secrets ou permet dans d&rsquo;autres circonstances de nourrir la l&eacute;gende pr&egrave;s d&rsquo;un destinataire cr&eacute;dule qui la r&eacute;pandra. Comme toute correspondance celle-ci, surtout si nous la mettons en parall&egrave;le avec les lettres &agrave; Raymone, permet de combler quelques lacunes biographiques &agrave; la fin des ann&eacute;es trente lors de la brouille avec la com&eacute;dienne&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a> et d&rsquo;&eacute;clairer d&rsquo;un autre jour la vie quotidienne &agrave; Aix. Dans les lettres &agrave; L&eacute;vesque, les d&eacute;tails d&rsquo;intendance sont plus sobres, tandis que se pr&eacute;cisent quelques zones douteuses de l&rsquo;histoire, par exemple une escapade en Irlande o&ugrave; Cendrars pr&eacute;tend &ecirc;tre all&eacute; boire un bon whisky pour justifier pr&egrave;s de Maximilien Vox son silence, se trouve d&eacute;mentie par le cachet des courriers envoy&eacute;s d&rsquo;Aix &agrave; Jacques-Henry L&eacute;vesque aux m&ecirc;mes dates,&nbsp;dans lesquels on lit un compte rendu de l&rsquo;avanc&eacute;e de l&rsquo;&eacute;criture quotidienne. Mais on attend des correspondances autre chose que ces &laquo; exploits d&rsquo;huissier&nbsp;&raquo; comme dirait Breton, ou ces flagrants d&eacute;lits de (petits) mensonges. Tout au plus v&eacute;rifie-t-on ici que la lettre permet de tendre au destinataire une image de soi conforme &agrave; son attente&nbsp;: celle de de l&rsquo;homme viril, libre et impr&eacute;visible, qui peut braver la guerre pour aller boire un verre et qu&rsquo;aucun &eacute;diteur n&rsquo;encha&icirc;nera &agrave; sa table d&rsquo;&eacute;crivain, mais pour Jacques-Henry celle du moine reclus qui sacrifie l&rsquo;ailleurs &agrave; la cellule d&rsquo;&eacute;criture. Le premier paradoxe de cette correspondance pourrait s&rsquo;intituler &laquo;&nbsp;ne le dites &agrave; personne&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>&nbsp;&raquo;, une phrase qu&rsquo;on retrouve dans d&rsquo;autres &eacute;changes de Cendrars, qui permet de constituer le cercle des intimes &ndash;&nbsp;ceux avec qui on partage des secrets&nbsp;&ndash; ou du moins ceux auxquels Cendrars veut faire savoir ou croire qu&rsquo;il les distingue de tous les autres.</p> <p style="text-align: justify;">Apr&egrave;s avoir rapidement dessin&eacute; la construction de la relation au fil des lettres &ndash;&nbsp;car la lettre n&rsquo;est pas dans ce cas seulement un document qui t&eacute;moigne, un support m&eacute;diateur, elle est l&rsquo;agent m&ecirc;me de cette construction&nbsp;&ndash;, je m&rsquo;arr&ecirc;terai sur un aspect central de cette correspondance&nbsp;: le journal de bord de l&rsquo;&oelig;uvre, riche en discussions m&eacute;tapo&eacute;tiques. Cendrars s&rsquo;adresse &agrave; Jacques-Henry L&eacute;vesque lui-m&ecirc;me po&egrave;te, lecteur sensible aux techniques de narration, de composition. Avec lui il peut parler des ficelles du &laquo;&nbsp;m&eacute;tier&nbsp;&raquo;, cong&eacute;dier les images d&rsquo;&Eacute;pinal de l&rsquo;&eacute;crivain baroudeur au profit d&rsquo;une autre figure de soi, celle de l&rsquo;asc&egrave;te et du &laquo;&nbsp;constructeur&nbsp;&raquo;. Le refus de l&rsquo;Histoire, l&rsquo;angoisse de mort, le pessimisme misanthrope et la certitude du pire s&rsquo;aggravent au fil de la guerre et, conjugu&eacute;s &agrave; la lecture des mystiques, montrent chez Cendrars, comme chez plusieurs po&egrave;tes du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle, que l&rsquo;attraction de l&rsquo;espace a pu constituer une alternative au temps lin&eacute;aire jug&eacute; hostile.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="1_Je_ne_puis_compter_que_sur_vous"><strong>1. &laquo;&nbsp;Je ne puis compter que sur vous&nbsp;&raquo;</strong></span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Jacques-Henry L&eacute;vesque (1899-1971) est le fils d&rsquo;un couple d&rsquo;amis proches de Cendrars, Marie et Marcel L&eacute;vesque, un com&eacute;dien reconnu, que Cendrars n&rsquo;a pas pu manquer lorsqu&rsquo;il jouait Judex dans <em>Fant&ocirc;mas</em>. Marcel L&eacute;vesque poursuit &agrave; la fois une carri&egrave;re au cin&eacute;ma et au th&eacute;&acirc;tre &ndash; Cendrars ne manque pas de saluer chacun de ses retours &agrave; la sc&egrave;ne et fait transmettre ses amiti&eacute;s aux parents de Jacques en fin de lettre. Les archives conservent quelques lettres &eacute;chang&eacute;es entre Cendrars et Marcel ou Marie, qui partagent en voisins les loisirs et les ap&eacute;ritifs de Blaise et Raymone au Tremblay-sur-Mauldre o&ugrave; ils se sont install&eacute;s pour les vacances et le week-end. Ils accueillent aussi Blaise et Raymone dans leur vill&eacute;giature &agrave; Hy&egrave;res. C&rsquo;est justement dans le Sud, sur la Promenade des Anglais &agrave; Nice, que Cendrars a fait la connaissance du fils de son ami, un jeune homme de 19 ans, timide, port&eacute; vers la po&eacute;sie et la litt&eacute;rature, fascin&eacute; par la libert&eacute; d&rsquo;allure et de langage de cet ami de son p&egrave;re. La relation bienveillante de Cendrars avec ce jeune po&egrave;te attir&eacute; par Dada devient au fil du temps une amiti&eacute; en passant par toutes les couleurs du prisme affectif.</p> <p style="text-align: justify;">La correspondance de Blaise le montre enclin &agrave; &laquo;&nbsp;mettre le pied &agrave; l&rsquo;&eacute;trier&nbsp;&raquo; aux jeunes po&egrave;tes &ndash; quitte &agrave; se montrer s&eacute;v&egrave;re avec les &eacute;crivains &laquo;&nbsp;arriv&eacute;s&nbsp;&raquo;&nbsp;: il s&rsquo;entremet pr&egrave;s des directeurs de revue pour faire publier les textes de Luc Elgid&eacute; (Luc Dietrich), de Raymond L&egrave;ques, r&eacute;pond aux sollicitations du jeune Guiette, et plus tard accueille &agrave; Saint-Segond Fr&eacute;d&eacute;ric Jacques Temple et rue Jean Dolent Georges Brassens ou le jeune Jacques Roubaud. Il envoie volontiers ses textes &agrave; publier &agrave; ceux qui se lancent dans l&rsquo;aventure d&rsquo;une revue (<em>Orbes</em>,<em> R&eacute;alit&eacute;s</em>, <em>Souffle&hellip;)</em>. Cendrars a manifestement pris sous son aile Jacques-Henry L&eacute;vesque, et lui confie de petites t&acirc;ches de factotum &ndash; d&eacute;p&ocirc;t, r&eacute;cup&eacute;ration de manuscrits, recherche en biblioth&egrave;que quand il veut &eacute;viter de se d&eacute;placer, report de corrections sur les &eacute;preuves quand il est au Br&eacute;sil. Puis, la formation du disciple pr&eacute;f&eacute;r&eacute; se poursuit par &eacute;tapes dans les ann&eacute;es trente&nbsp;: il r&eacute;dige les pri&egrave;res d&rsquo;ins&eacute;rer, les comptes rendus, les articles et pr&eacute;sentations pour les journaux. Promu secr&eacute;taire de r&eacute;daction et charg&eacute; de presse, documentaliste, premier lecteur et conseiller technique, il est aussi &eacute;diteur&nbsp;: Blaise donne un texte presque dans chaque num&eacute;ro de la revue <em>Orbes </em>co-fond&eacute;e par son jeune ami. Ce dernier joue pendant la p&eacute;riode d&rsquo;Aix le r&ocirc;le d&rsquo;interm&eacute;diaire dans les n&eacute;gociations &eacute;ditoriales, r&eacute;cup&egrave;re les ch&egrave;ques, relance les radios qui diffusent sans payer&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a> et la reconnaissance de Blaise se marque lors de l&rsquo;&eacute;dition des <em>Po&eacute;sies compl&egrave;tes</em> chez Deno&euml;l en 1944&nbsp;: le po&egrave;te lui confie la redoutable t&acirc;che de r&eacute;unir les po&egrave;mes et recueils &eacute;pars&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>, l&rsquo;envoie &agrave; la chasse aux manuscrits, aux revues &eacute;ph&eacute;m&egrave;res et lui confie l&rsquo;&eacute;criture de l&rsquo;introduction. Jacques-Henry L&eacute;vesque ayant pass&eacute; l&rsquo;&eacute;preuve avec succ&egrave;s se voit charg&eacute; d&rsquo;&eacute;crire en 1946 le premier essai officiel sur le po&egrave;te, propos&eacute; par Keller aux &eacute;ditions de La Nouvelle Revue Critique. Avant m&ecirc;me la publication de l&rsquo;ouvrage en 1947 il est invit&eacute; &agrave; constituer l&rsquo;anthologie qui doit compl&eacute;ter l&rsquo;essai de Louis Parrot chez Seghers, et s&rsquo;en acquitte &agrave; marche forc&eacute;e avant son d&eacute;part pour New York o&ugrave; il rejoint Ang&egrave;le, sa future femme. D&eacute;sormais, le ton a chang&eacute;. Cendrars met les formes&nbsp;&agrave; ses demandes&nbsp;: &laquo;&nbsp;Vous voil&agrave; encore avec du travail sur les bras, mon pauvre Jacques. Excusez-moi, mais je ne puis compter que sur vous.&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;">Le rythme des &eacute;changes d&eacute;pend des al&eacute;as habituels. La moisson est tr&egrave;s in&eacute;gale selon les ann&eacute;es, avec des ann&eacute;es blanches comme 1934, une p&eacute;riode o&ugrave; Blaise en plein marasme se terre, &agrave; moins que, plus simplement, les deux amis se voient assez souvent &agrave; Paris et au Tremblay pour n&rsquo;avoir pas besoin de s&rsquo;&eacute;crire. Toutefois ce silence total &ndash;&nbsp;pas m&ecirc;me un billet fixant une date de rencontre&nbsp;&ndash; sugg&egrave;re plut&ocirc;t qu&rsquo;une partie des lettres reste enclose dans des collections priv&eacute;es ou a &eacute;t&eacute; d&eacute;truite. Certaines p&eacute;riodes clairsem&eacute;es de billets brefs et factuels s&rsquo;expliquent par la d&eacute;pression, la maladie, les ab&icirc;mes psychiques dans lesquels Cendrars peut s&rsquo;enfoncer par cycles, notamment lors de la rupture avec Raymone&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>. Dans ce d&eacute;sert des ann&eacute;es trente, o&ugrave; il se r&eacute;fugie dans l&rsquo;&eacute;criture de reportages, presque aussit&ocirc;t repris en livres (<em>Rhum)</em> ou constitu&eacute;s en recueils (<em>Histoires vraies</em>, <em>La Vie dangereuse, D&rsquo;Oultremer &agrave; indigo)</em>, le s&eacute;jour dans les Ardennes chez &Eacute;lizabeth Pr&eacute;vost, une oasis dans un moment de crise, se traduit par une exaltation lyrique sur fond de d&eacute;sespoir et de joie suicidaire. C&rsquo;est aussi une parenth&egrave;se enchant&eacute;e de la correspondance avec L&eacute;vesque, o&ugrave; Cendrars &eacute;crit des lettres de haut vol &eacute;maill&eacute;es de descriptions sensorielles saisissantes de la nature, d&rsquo;anecdotes de la vie locale lorsqu&rsquo;il s&rsquo;imagine un instant en <em>gentleman farmer</em> dressant les chevaux du haras. Ses lettres prennent de l&rsquo;ampleur, y compris sur un registre rare, celui de la confidence personnelle. Jacques-Henry L&eacute;vesque est un des seuls destinataires auquel Cendrars ouvre un soupirail sur les caves piran&eacute;siennes de ses angoisses sans fuir aussit&ocirc;t dans l&rsquo;auto-d&eacute;rision.</p> <p style="text-align: justify;">La courbe d&rsquo;ensemble dessine bien la mont&eacute;e en puissance d&rsquo;une amiti&eacute; qui devient paternelle. Des lettres rares et circonstancielles des d&eacute;buts de la relation &eacute;pistolaire en 1922 jusqu&rsquo;en 1938, on passe au d&eacute;but des ann&eacute;es quarante &agrave; une ou plusieurs lettres chaque mois. Le rythme se pr&eacute;cipite quand Cendrars r&eacute;dige &laquo;&nbsp;Le Vieux port&nbsp;&raquo; pour une &eacute;dition de luxe chez Vigneau. Lorsque s&rsquo;engage la &laquo;&nbsp;Rhapsodie gitane&nbsp;&raquo; qui va ouvrir les &eacute;cluses de <em>L&rsquo;Homme foudroy&eacute;</em>, l&rsquo;&eacute;nergie de la cr&eacute;ation d&eacute;borde dans l&rsquo;activit&eacute; &eacute;pistolaire&nbsp;: deux ou trois lettres par semaine, et m&ecirc;me parfois deux voire trois par jour, accompagn&eacute;es parfois de listes&nbsp;de plusieurs feuillets&nbsp;: titres d&rsquo;ouvrages &agrave; consulter en biblioth&egrave;que, corrections &agrave; reporter, titres des journaux qui ont assur&eacute; la r&eacute;ception du dernier livre, floril&egrave;ge de citations des critiques. La prolixit&eacute; des ann&eacute;es 44-46 vient aussi en partie de ce que, une fois revenu le flot de l&rsquo;&eacute;criture, devant l&rsquo;imminence du d&eacute;barquement puis les destructions et les r&egrave;glements de compte, le sentiment d&rsquo;urgence s&rsquo;est empar&eacute; de Cendrars qui demande &agrave; son ami d&rsquo;accepter d&rsquo;&ecirc;tre son ex&eacute;cuteur testamentaire&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>; il s&rsquo;agit d&rsquo;aller au bout de l&rsquo;&oelig;uvre, de r&eacute;&eacute;diter ce qui n&rsquo;est plus disponible avant de dispara&icirc;tre. Apr&egrave;s la guerre, lorsque l&rsquo;&eacute;crivain redevient visible pour les journaux, les revues et les radios, se multiplient les demandes de services divers au documentaliste-secr&eacute;taire-agent-attach&eacute; de presse. Par exemple une recherche de citation en d&eacute;cembre 1944, ou un service command&eacute; en biblioth&egrave;que&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Pouvez-vous me trouver chez l&rsquo;un des bouquinistes eccl&eacute;siastiques des environs de la place S<sup>t</sup> -Sulpice (il y en a un bien achaland&eacute; rue de Rennes, un peu avant la rue du Vieux-Colombier, &agrave; droite en descendant) le bouquin signal&eacute; au dos. Payez-le n&rsquo;importe quel prix. Je vous rembourserai par mandat.</p> <p style="text-align: justify;"><em>voir au dos&nbsp;</em><a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">En 1848 sortirent des fameux ateliers de l&rsquo;abb&eacute; <em>Migne</em>, au Petit Montrouge, pr&egrave;s de la carri&egrave;re d&rsquo;Enfer &agrave; Paris, <em><u>deux in-quarto</u></em>, intitul&eacute;s&nbsp;: <em><u>Monuments in&eacute;dits</u> </em>sur l&rsquo;apostolat de sainte Marie-Madeleine en Provence et sur les autres ap&ocirc;tres de cette contr&eacute;e&nbsp;: S. Lazare, S. Maximin, S<sup>te</sup> Marthe et les saintes Maries Jacob&eacute; et Salom&eacute;, &mdash; pour servir de suppl&eacute;ment aux <em>Acta Sanctorum </em>de Bollandus, etc., etc.</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;auteur des <em>Monuments in&eacute;dits </em>est FAILLON, un sulpicien; mais bien des catalogues portent ce bouquin sous le nom de MIGNE&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">Bonne chance et merci.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Apr&egrave;s le d&eacute;barquement, Jacques-Henry devient le fil qui relie &agrave; la vue litt&eacute;raire parisienne un Cendrars isol&eacute; &agrave; Aix, o&ugrave; les journaux arrivent erratiquement. Il envoie les revues, page &agrave; page dans la p&eacute;riode o&ugrave; les courriers ne peuvent d&eacute;passer 100g.&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Merci, mon petit Jacques, du grand plaisir que vous m&rsquo;avez fait en m&rsquo;envoyant <em>Les Lettres fran&ccedil;aises</em>, bien arriv&eacute; in extenso. C&rsquo;est tout de m&ecirc;me l&rsquo;air de Paris. Ici on &eacute;touffe. &mdash; Continuez chaque semaine, voulez-vous&nbsp;? Et envoyez-moi un n<sup>o</sup> de <em>Carrefour</em>. Merci. &mdash; Quand vous aurez re&ccedil;u <em>L&rsquo;Homme foudroy&eacute;</em>, je vous dirai ce qu&rsquo;il faut faire du manuscrit&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Mais il doit aussi &ecirc;tre pr&ecirc;t &agrave; r&eacute;pondre dans l&rsquo;instant &agrave; des billets comme ceux-ci&nbsp;: &laquo;&nbsp;Pouvez-vous me dire quelle est la date de naissance de Marcel Proust&nbsp;?&nbsp;&raquo; (mardi 28 [11/44]), &laquo;&nbsp;Quelle &eacute;tait la lettre min&eacute;ralogique de l&rsquo;immatriculation des automobiles du d&eacute;partement de la Somme avant 1914&nbsp;? <em>/ </em>Vous pouvez trouver ce renseignement dans un vieil almanach Hachette (sur les quais)&nbsp;&raquo; (lundi 16 [7/45])<em>.</em></p> <p style="text-align: justify;">Comme il est aussi le premier lecteur, critique et r&eacute;dacteur publicitaire, Jacques-Henry L&eacute;vesque donne son avis, toujours enthousiaste, sur les manuscrits que Blaise lui adresse d&egrave;s ach&egrave;vement, un avis attendu avec insistance &agrave; partir de 1944&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>. Cendrars, apr&egrave;s avoir prodigu&eacute; de s&eacute;v&egrave;res le&ccedil;ons de style et inflig&eacute; ses corrections aux introductions de Jacques, peut d&eacute;sormais demander conseil&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Je voudrais avoir votre avis sur une question d&rsquo;&eacute;criture&nbsp;: j&rsquo;ai l&rsquo;impression que les <em>Rhapsodies </em>fourmille de &laquo; mais &raquo; au d&eacute;but et dans la construction des phrases. De m&ecirc;me beaucoup de &laquo;pour&raquo; dans l&rsquo;emploi des verbes &agrave; l&rsquo;infinitif. Cela vous a-t-il frapp&eacute;&nbsp;? Avez-vous remarqu&eacute; d&rsquo;autres faiblesses de style ou affaissements&nbsp;? Je corrigerai sur &eacute;preuves. Cela est d&ucirc; au fait que je reste des 15 jours sans parler. Il ne faut pas que le murmure int&eacute;rieur d&eacute;borde dans l&rsquo;&eacute;criture. J&rsquo;y mettrai le hol&agrave;! Comme tout est difficile ! Embrassez Ang&egrave;le si elle est encore l&agrave;&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Si les d&eacute;bats sur le conformisme politique et l&rsquo;auto-censure ou sur l&rsquo;art romanesque sont passionnants en ce qu&rsquo;ils obligent Cendrars &agrave; expliciter ses choix, le ma&icirc;tre se rend rarement aux arguments d&rsquo;un disciple qui, apr&egrave;s tout, pourrait l&rsquo;aimer pour de mauvaises raisons&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Mon cher Jacques,</p> <p style="text-align: justify;">[&hellip;]</p> <p style="text-align: justify;">Dites-moi en quoi ce livre est &laquo;path&eacute;tique &raquo;&nbsp;? (qualificatif que vous employez). Je serais curieux de conna&icirc;tre vos raisons&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">Je vous enverrai la <em>Rhapsodie III</em> &agrave; la premi&egrave;re occasion. C&rsquo;est un sacr&eacute; morceau.</p> <p style="text-align: justify;">[&hellip;]</p> <p style="text-align: justify;">Je suis assez d&rsquo;accord avec ce que vous me dites de mon reportage <em>Chez les Anglais</em>. Un chapitre comme l&rsquo;Avionnerie me r&eacute;jouit encore. Mais, justement, ce chapitre <em>n&rsquo;est pas objectif</em>. Tout au contraire. J&rsquo;ai &eacute;t&eacute; le seul parmi mes confr&egrave;res &agrave; noter ce &laquo; cri de b&eacute;b&eacute;&raquo; qui fait de l&rsquo;avionnerie une pouponni&egrave;re. Eux, j&rsquo;en ai eu le t&eacute;moignage, ne l&rsquo;avaient m&ecirc;me pas entendu. Qu&rsquo;est-ce donc l&rsquo;objectivisme&nbsp;? Une fa&ccedil;on d&rsquo;&ecirc;tre et de sentir. La forme la plus intime du subjectivisme&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a> ! &mdash;</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Il le r&eacute;p&egrave;te d&eacute;sormais r&eacute;guli&egrave;rement, il a besoin, dans sa solitude, de l&rsquo;avis de son premier lecteur&nbsp;mais conscient de qu&eacute;mander des conseils qu&rsquo;il ne suit jamais, Cendrars flatte parfois son interlocuteur&nbsp;: &laquo;&nbsp;Beaucoup de ces petites choses ne me seraient pas venues &agrave; l&rsquo;esprit si je ne vous avais connu, mon cher Jacques, et tenu &agrave; vous faire plaisir. Ceci dit en toute simplicit&eacute; &raquo; (vendredi 22 [12/44]) mais il doit revenir &agrave; la charge pour d&eacute;cider son destinataire &agrave; sortir d&rsquo;un silence prudent devant les passages les plus agressifs de <em>L&rsquo;Homme foudroy&eacute;</em>&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Mon cher Jacques,</p> <p style="text-align: justify;">A deux ou trois reprises vous m&rsquo;avez annonc&eacute; que vous aviez encore beaucoup de choses &agrave; me dire au sujet des <em>Rhapsodies</em>. Je voudrais bien que vous m&rsquo;envoyiez vos observations avant que je ne re&ccedil;oive les &eacute;preuves. Vous savez bien que j&rsquo;en tiendrai compte dans la mesure du possible et, qu&rsquo;en tout cas, vos remarques intelligentes me font r&eacute;fl&eacute;chir&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a> &mdash;</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Le rapport de forces semble peu &agrave; peu s&rsquo;inverser, notamment quand Jacques-Henry peut enfin, en 1946, s&rsquo;installer &agrave; New York&nbsp;: Blaise attend la visite de Jacques &agrave; chacun de ses s&eacute;jours en France &ndash;&nbsp;et d&eacute;sormais le dit, m&ecirc;me s&rsquo;il use de l&rsquo;alibi de la nostalgie du voyageur pour dissimuler la demande affective&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&rsquo;est gentil de m&rsquo;envoyer ce petit mot&nbsp;; naturellement, j&rsquo;imagine bien que vous avez un monde de commissions &agrave; faire ! Mais quand vous serez un peu plus libre, poussez donc jusqu&rsquo;ici pour me raconter N.Y.&nbsp;!&nbsp;&raquo; &eacute;crit-il le mardi 1<sup>er</sup> avril (1947)&nbsp;; le jeudi 10 il r&eacute;it&egrave;re son invitation&nbsp;: &laquo;&nbsp;Mon cher Jacques, / Merci de votre lettre. Je suis impatient d&rsquo;entendre New York sortir de votre bouche ! [&hellip;] Quand rappliquez-vous pour que j&rsquo;entende parler d&rsquo;un autre monde. Je suis impatient de N. Y. / Blaise&nbsp;&raquo;. On le voit se pencher avec sollicitude sur la sant&eacute; de Jacques, ou s&rsquo;inqui&eacute;ter pour Ang&egrave;le, le 5 mars 1940&nbsp;: &laquo;&nbsp;P.S. Aper&ccedil;u Ang&egrave;le chez Raymone avant mon d&eacute;part. J&rsquo;ai &eacute;t&eacute; frapp&eacute; de ce qu&rsquo;elle avait mauvaise mine. Attention. Que se passe-t-il&nbsp;?&nbsp;&raquo; Le 1<sup>er</sup> juillet 1942&nbsp;: &laquo;&nbsp;[&hellip;] Mais je me demande aussi pourquoi vous avez tant maigri&nbsp;? C&rsquo;est inqui&eacute;tant. &Ecirc;tes-vous bien s&ucirc;r de ne pas &ecirc;tre malade, mon cher Jacques, de ne pas couver un microbe de mauvaise fi&egrave;vre&nbsp;? Dormez-vous bien et suffisamment&nbsp;? Et excusez mon indiscr&eacute;tion.&nbsp;&raquo; Il propose ses rem&egrave;des de bonne femme, prodigue ses conseils&nbsp;: d&egrave;s lors, Jacques et Ang&egrave;le font partie de la famille d&rsquo;&eacute;lection et la correspondance prend un tour protecteur qu&rsquo;on ne rencontre que dans les lettres &agrave; Raymone. On passe sans transition des nouvelles du monde des lettres &agrave; la recette m&eacute;dicinale &ndash; et cette brutalit&eacute; du coq-&agrave;-l&rsquo;&acirc;ne est un trait constant des lettres de Cendrars, r&eacute;v&eacute;lateur du statut de son &eacute;criture &eacute;pistolaire&nbsp;: la lettre n&rsquo;est pas un futur morceau d&rsquo;anthologie mais un simple substitut conversationnel d&rsquo;un locuteur qui se livre dans l&rsquo;instant, &agrave; b&acirc;tons rompus.</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Mon cher Jacques,</p> <p style="text-align: justify;">J&rsquo;ai oubli&eacute; de vous dire hier que <em>Le Cheval de Troie</em>, la revue du R.P. Bruckberger, para&icirc;t &agrave; la fin du mois. J&rsquo;ai un gros paquet (80 pages) dans ce 1<sup>er</sup> n<sup>o</sup>. Malheureusement ils [ils = la censure dominicaine] ont cru bon de faire sauter une quinzaine de pages tout de suite apr&egrave;s le d&eacute;but de mon histoire si bien qu&rsquo;elle est d&eacute;s&eacute;quilibr&eacute;e et boite furieusement. N&eacute;anmoins procurez-vous le premier n<sup>o</sup>. Je serai curieux de savoir ce que vous en penserez. Ce sera une surprise pour bien des gens. Je ne vous en dis pas plus &mdash;</p> <p style="text-align: justify;">La pyorrh&eacute;e se rapporte souvent des &Eacute;tats-Unis. Cela est d&ucirc; neuf fois sur dix &agrave; une trop forte consommation de conserves ou de conserves de mauvaise qualit&eacute; ou trop pauvres en vitamines B. Cela se soigne comme le scorbut. Mangez beaucoup de verdure. Frottez-vous les gencives avec du citron frais ou avec une pomme de terre crue. C&rsquo;est ce que faisaient les baleiniers &agrave; Chilo&eacute;. / <a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>&nbsp;[&hellip;]</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Jacques semble immunis&eacute; contre les acc&egrave;s de mauvaise humeur&nbsp;; en bon fils, il rapporte de New York des cravates amusantes pour Blaise, qui le remercie par courrier.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="2_Au_foyer_de_la_creation"><strong>2. Au foyer de la cr&eacute;ation</strong></span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Au-del&agrave; des demandes de renseignement, des missions et comptes rendus de Jacques, qui conf&egrave;rent &agrave; la correspondance une valeur documentaire, les lettres de Cendrars ont bien d&rsquo;autres fonctions qu&rsquo;informationnelles &nbsp;&ndash;&nbsp; d&rsquo;expulsion, ex&eacute;cration, expression du d&eacute;sespoir et de l&rsquo;euphorie, construction de figures vivables de soi. Elles sont en profonde capillarit&eacute; avec les chantiers successifs, notamment dans les ann&eacute;es quarante-trois &agrave; quarante-six, o&ugrave; le rythme des lettres s&rsquo;accro&icirc;t parce que Cendrars retrouve l&rsquo;inspiration et que ce polygraphe se repose de l&rsquo;&eacute;criture d&rsquo;un r&eacute;cit en r&eacute;digeant des lettres; l&rsquo;activit&eacute; &eacute;pistolaire n&rsquo;est pas un substitut au tarissement de la fiction, ni &agrave; l&rsquo;&eacute;chec de <em>John Paul Jones&nbsp;</em><a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>, elle suit les al&eacute;as de la pulsion d&rsquo;&eacute;criture, elle est la mise en forme du matin et la r&eacute;cr&eacute;ation salubre du soir o&ugrave; s&rsquo;ouvrent les vannes, apr&egrave;s une &eacute;criture plus surveill&eacute;e, tendue par la mise en jeu des souvenirs personnels et l&rsquo;ambition d&rsquo;un grand projet&nbsp;: &laquo;&nbsp;je travaille comme un poss&eacute;d&eacute;&nbsp;&raquo; &eacute;crit-il en d&eacute;cembre 1944, &laquo;&nbsp;[&hellip;] et &eacute;crire 12-14 heures par jour, comme je le fais, congestionne le cerveau au point que je ne sens pas le froid &raquo;. Sans pouvoir toujours dire dans quel sens op&egrave;re la transfusion entre les chantiers en cours et la correspondance, on lit dans les lettres &agrave; L&eacute;vesque des citations de Descartes, des sp&eacute;culations sur le mysticisme, des discussions patristiques, des anecdotes et des r&eacute;miniscences qui se retrouvent presque&nbsp;<em>in extenso </em>dans tel ou tel volume de la t&eacute;tralogie &ndash; ce qui fait de la lettre cendrarsienne, comme l&rsquo;ont depuis longtemps not&eacute; les sp&eacute;cialistes des correspondances d&rsquo;&eacute;crivains, le &laquo;&nbsp;laboratoire de l&rsquo;&oelig;uvre&nbsp;&raquo;, et de Jacques-Henry le premier t&eacute;moin et le premier destinataire du chapitre en cours.</p> <p style="text-align: justify;">D&egrave;s les ann&eacute;es trente, o&ugrave; il s&rsquo;adonne davantage &agrave; l&rsquo;&eacute;criture journalistique, Cendrars reconna&icirc;t que quoi qu&rsquo;il en ait, il lui faut choisir entre p&ecirc;cher la truite, &eacute;couter les histoires des contrebandiers &agrave; la fronti&egrave;re espagnole ou assumer sa condition d&rsquo;&eacute;crivain. L&rsquo;Occupation pr&eacute;cipitera dix ans plus tard la r&eacute;alisation de la proph&eacute;tie&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>&nbsp;: Diog&egrave;ne se fait moine et s&rsquo;enferme &agrave; Aix dans son tonneau d&rsquo;&eacute;criture :&nbsp;apr&egrave;s un long temps de sid&eacute;ration devant la capitulation de la France et l&rsquo;omnipr&eacute;sence de la langue allemande dans les rues de Paris, il vit comme une renaissance le retour &agrave; la cr&eacute;ation. L&rsquo;emballement de l&rsquo;inspiration et l&rsquo;intensit&eacute; de l&rsquo;&eacute;criture se trahissent certains jours dans l&rsquo;exaltation d&rsquo;une lettre, d&rsquo;autres jours au contraire par le laconisme des billets ‒ pas le temps d&rsquo;en dire plus&nbsp;! Ce que retrace aussi cette correspondance, c&rsquo;est l&rsquo;&eacute;mergence de la conscience, &agrave; partir de 1943, que ce qui s&rsquo;&eacute;crit est bien un monde &agrave; soi, &agrave; la merci du prochain bombardement&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>&nbsp;; malgr&eacute; les doutes et les &eacute;checs, la certitude d&rsquo;&ecirc;tre un &eacute;crivain appelle une r&eacute;solution&nbsp;: assumer ce &laquo;&nbsp;sale m&eacute;tier&nbsp;&raquo; d&rsquo;homme de lettres, qui passe aussi par la &laquo;&nbsp;gestion&nbsp;&raquo; des publications. Il lui faut &agrave; la fois achever les nouveaux chantiers et assurer la p&eacute;rennit&eacute; de ce qui pr&eacute;c&egrave;de, r&eacute;&eacute;diter les anciens titres, rassembler les po&egrave;mes dispers&eacute;s en urgence en ce temps o&ugrave; il doute de sa survie. La proposition que lui fait Deno&euml;l en 1943 de r&eacute;unir ses po&eacute;sies vient &agrave; pic&nbsp;en d&eacute;pit des obstacles. L&rsquo;&eacute;loignement de Cendrars qui le prive de ses exemplaires personnels, de ses manuscrits, de l&rsquo;acc&egrave;s aux petites revues o&ugrave; dorment des po&egrave;mes qui n&rsquo;ont encore jamais &eacute;t&eacute; recueillis, la perte de certains manuscrits font plus que jamais de Jacques-Henry L&eacute;vesque &laquo;&nbsp;la main&nbsp;&raquo; de Cendrars, qui t&eacute;l&eacute;guide les op&eacute;rations dans des lettres qui nous d&eacute;voilent la fabrication du volume, les conflits avec Deno&euml;l sur le titre&hellip; C&rsquo;est aussi l&rsquo;occasion pour nous aujourd&rsquo;hui de d&eacute;couvrir, au-del&agrave; des po&egrave;mes retrouv&eacute;s et des recueils connus, la partie immerg&eacute;e de projets avort&eacute;s, et parfois des r&eacute;f&eacute;rences et des mod&egrave;les insoup&ccedil;onn&eacute;s. Cendrars est conduit &agrave; pr&eacute;ciser la place d&rsquo;un po&egrave;me dans un recueil rest&eacute; en pi&egrave;ces d&eacute;tach&eacute;es et &agrave; en exposer le plan initial&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">La place du po&egrave;me que je vous ai envoy&eacute; est bien apr&egrave;s le &laquo; Ventre de ma m&egrave;re&raquo;, donc en queue de volume. <em>Au c&oelig;ur du monde </em>est un long po&egrave;me (ou Prose) dans lequel viennent s&rsquo;inscrire ce que j&rsquo;appelais &agrave; l&rsquo;&eacute;poque des po&eacute;sies &laquo; &agrave; forme fixe &raquo; qui elles portent un titre&nbsp;: &laquo; H&ocirc;tel N-D &raquo;, &laquo; Le Ventre de ma m&egrave;re &raquo; et (la 1<sup>re</sup> strophe) &laquo; H&ocirc;tel des &Eacute;trangers &raquo;. <em>Tout cela se suit et se tient</em>. Il y en a 400 pages dont 175 po&eacute;sies titr&eacute;es. Un MS est au Tremblay, un autre &agrave; Biarritz, un troisi&egrave;me au Br&eacute;sil. Tout cela dort depuis 1917, date &agrave; laquelle j&rsquo;ai pris cong&eacute; des po&egrave;tes sans leur dire un mot, les laissant &agrave; leur &laquo; malentendu&raquo;. Jugez si j&rsquo;ai vu juste. N&eacute;anmoins, je suis responsable de leur g&acirc;chis&hellip; pour autant que je me suis tu. Merci de votre lettre&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Il pr&eacute;cise le m&ecirc;me jour&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Tout cela se tient, se suit. Dans aucun cas les po&egrave;mes fixes ne doivent &ecirc;tre isol&eacute;s de leur contexte. Un blanc serait trop brutal. Un num&eacute;ro arr&ecirc;terait l&rsquo;&eacute;coulement du po&egrave;me. Le titre de chaque &laquo;&nbsp;po&egrave;me fixe&nbsp;&raquo; suffit pour marquer un temps d&rsquo;arr&ecirc;t et en m&ecirc;me temps le titre me sert de tremplin imaginaire&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">Vous ne pouviez saisir cet ensemble ni son agencement puisque vous avez ramass&eacute; ces fragments d&eacute;tach&eacute;s dans diff&eacute;rentes revues. D&rsquo;o&ugrave; l&rsquo;erreur de la mise en pages o&ugrave; tous ces fragments ne se tenaient pas &eacute;paule contre &eacute;paule. Je vais les bloquer. Nous n&rsquo;aurons plus qu&rsquo;un seul fragment&nbsp;: le d&eacute;but de l&rsquo;ensemble&nbsp;: un seul morceau.</p> <p style="text-align: justify;">Vale</p> <p style="text-align: justify;">Blaise</p> <p style="text-align: justify;">N.B. &agrave; chaque point de chute ou domicile correspond &eacute;galement une femme ou tout au moins une aventure, qui n&rsquo;est pas toujours amoureuse&hellip; comme vous vous en rendrez compte un jour quand cette tapisserie sera d&eacute;pli&eacute;e&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">&Agrave; la veille de l&rsquo;impression, le po&egrave;te envoie &laquo;&nbsp;un po&egrave;me absolument in&eacute;dit tir&eacute; de <em>Au c&oelig;ur du monde</em>, si cela ne doit pas faire de complications avec la censure&nbsp;&raquo;, &agrave; ajouter en fin de volume. Et il peut enfin d&eacute;cerner &agrave; son &eacute;diteur b&eacute;n&eacute;vole un satisfecit temp&eacute;r&eacute; : &laquo;&nbsp;Tel quel le volume ne se pr&eacute;sente pas mal. Il est un peu un Cendrars&hellip; des familles&nbsp;! / Je vous remercie du mal que vous vous &ecirc;tes donn&eacute;. Mais en voici la fin&nbsp;!&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;">Si Raymone re&ccedil;oit aussi des nouvelles d&eacute;taill&eacute;es de ce &laquo;&nbsp;front&nbsp;&raquo; d&rsquo;&eacute;criture, et des tractations &eacute;ditoriales, Jacques-Henry L&eacute;vesque est le seul destinataire que Blaise laisse &agrave; ce point entrer dans le d&eacute;bat technique qu&rsquo;il entretient avec lui-m&ecirc;me&nbsp;; &agrave; lui, Cendrars d&eacute;couvre ses intentions et ses pr&eacute;suppos&eacute;s po&eacute;tiques. Il pr&eacute;f&egrave;re souvent laisser croire au grand public et &agrave; ses confr&egrave;res qu&rsquo;il &eacute;crit &agrave; la hussarde, en voyageant librement dans ses souvenirs et en laissant s&rsquo;encha&icirc;ner les anecdotes au fil des rencontres m&eacute;morables de sa vie. Mais vex&eacute; que les critiques&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a> mordent &agrave; l&rsquo;hame&ccedil;on et que ses confr&egrave;res&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>, saluant sa facilit&eacute; native, m&eacute;connaissent la part d&rsquo;un art concert&eacute;, il tente d&egrave;s cette &eacute;poque de substituer au baroudeur des lettres l&rsquo;image du travailleur acharn&eacute;, du reclus dans la cuisine d&rsquo;Aix, &laquo;&nbsp;en marge de ce monde idiot&nbsp;&raquo;. Si ses lettres ne sont pas destin&eacute;es &agrave; un public posthume, Cendrars a donn&eacute; explicitement &agrave; Jacques l&rsquo;autorisation de s&rsquo;en servir pour exposer ses conceptions de la cr&eacute;ation dans son essai en 1946. &Agrave; Jacques-Henry, il se montre comme l&rsquo;orchestrateur minutieux d&rsquo;architectures novatrices&nbsp;; il insiste sur son souci de la composition &ndash; s&rsquo;&eacute;tonnant que le titre des &laquo;<strong><em>&nbsp;</em></strong>Rhapsodies gitanes&nbsp;&raquo; n&rsquo;ait pas averti la critique de <em>L&rsquo;Homme foudroy&eacute;</em> de la structure subtile de son r&eacute;cit. Il revient sur ce principe de <em>composition</em>, et en fait un argument d&eacute;cisif quand son interlocuteur effray&eacute; lui sugg&egrave;re qu&rsquo;il faudrait retrancher ou att&eacute;nuer certaines attaques&nbsp;: le texte apparemment d&eacute;cousu ob&eacute;it &agrave; un ordre secret et la moindre intervention affecterait l&rsquo;ensemble.</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Je suis bien content que vous ayez re&ccedil;u la <em>Rhapsodie III</em>. Vous ne pouvez pas vous rendre compte de la composition du livre tant que vous n&rsquo;avez pas lu la <em>IV </em>o&ugrave; tous les personnages du livre et les th&egrave;mes trait&eacute;s viennent s&rsquo;&eacute;teindre, mourir ou s&rsquo;apaiser les uns apr&egrave;s les autres sur un grand point d&rsquo;orgue qui vous est nominativement d&eacute;di&eacute; et qui entame cette <em>IV<sup>e</sup></em> (et derni&egrave;re&nbsp;!) Rhapsodie&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Mod&egrave;le musical ou non&nbsp;? Lui-m&ecirc;me semble se contredire &agrave; ce sujet ― &laquo;&nbsp;La <em>Rhapsodie </em>n&rsquo;a de la musique que dans le titre&nbsp;&raquo; &eacute;crit-il le 24 juin 1944 ― mais le 31 janvier 1945&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Dans <em>La Main coup&eacute;e </em>[&hellip;] je n&rsquo;ouvrirai aucune parenth&egrave;se ni ferai aucune interf&eacute;rence, dont j&rsquo;ai abus&eacute; dans les <em>Rhapsodies </em>&mdash; par analogie avec la composition musicale, selon laquelle la composition des <em>Rhapsodies </em>progresse. &mdash;</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">&Agrave; Jacques-Henry qui s&rsquo;inqui&egrave;te de le voir multiplier les pr&eacute;publications, il expose sa conception de la structure rhapsodique, &agrave; g&eacute;om&eacute;trie variable, dans laquelle les significations de l&rsquo;ensemble sont ind&eacute;pendantes de celles de chaque pi&egrave;ce. C&rsquo;est finalement un art du temps qu&rsquo;il d&eacute;voile &agrave; partir de l&rsquo;agencement et de la combinatoire spatiale de s&eacute;quences autonomes&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">si les hebdos publient tout ce que je leur ai adress&eacute;, fragments qui repr&eacute;sentent un bon tiers du livre, <em>L&rsquo;Homme foudroy&eacute; </em>ne sera en rien d&eacute;flor&eacute;, et la surprise sera enti&egrave;re &agrave; la parution du bouquin&nbsp;! Et cependant je n&rsquo;ai pas tripatouill&eacute; ces fragments dont certains sont m&ecirc;me tr&egrave;s longs. Cela tient &agrave; la composition en contrepoint de ce livre et au r&ocirc;le qu&rsquo;y joue &laquo;&nbsp;le temps &raquo; &mdash; chaque histoire ou chaque fragment d&rsquo;histoire peut faire une nouvelle &laquo;&nbsp;d&eacute;tach&eacute;e&nbsp;&raquo; &mdash; et ce n&rsquo;est que dans le livre qu&rsquo;elles font un &laquo; tout &raquo;. J&rsquo;ai tellement battu les cartes que dans la version finale du bouquin tout pourrait encore y &ecirc;tre interverti sur une ultime &eacute;preuve sans que rien ne soit chang&eacute;. C&rsquo;est que je suis ma&icirc;tre du temps. Et c&rsquo;est pourquoi mon bouquin n&rsquo;est pas lin&eacute;aire mais se situe dans la profondeur. Et c&rsquo;est pourquoi j&rsquo;en suis content &mdash;&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a></p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">D&rsquo;un livre au suivant, la correspondance permet de comprendre comment se poursuit en d&eacute;pit de la diversit&eacute; des sujets et les ruptures formelles la m&ecirc;me qu&ecirc;te de la &laquo;&nbsp;profondeur&nbsp;&raquo;, en lien avec la mystique &ndash; l&agrave; encore Jacques-Henry, parce qu&rsquo;il s&rsquo;est ouvert tout jeune &agrave; Blaise de son attraction pour la mystique orientale, est le seul interlocuteur auquel Cendrars puisse exposer ses propres sources, opposer ses pr&eacute;f&eacute;rences pour la mystique chr&eacute;tienne et d&eacute;battre de l&rsquo;exp&eacute;rience contemplative&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>. On voit ainsi se construire une image de soi en &laquo;&nbsp;stylite &eacute;veill&eacute;&nbsp;&raquo; qui s&rsquo;assortit d&rsquo;une profonde r&eacute;flexion sur la vie monacale actuelle et ce que pourrait &ecirc;tre une vie vraiment contemplative (lettre du lundi 27 <em>[11/44]</em>) ou, dans la lettre qui suit, sur l&rsquo;&eacute;criture et la&nbsp;saintet&eacute;&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Les deux heures de travail &agrave; l&rsquo;aube, je les consacre &agrave; la cr&eacute;ation. Si j&rsquo;&eacute;tais religieux et si j&rsquo;avais la foi, je les aurais consacr&eacute;es &agrave; la pri&egrave;re matinale, et je n&rsquo;&eacute;crirais pas mais serais depuis des ann&eacute;es &agrave; la Trappe pour laquelle je suis m&ucirc;r, si j&rsquo;avais un sou de foi. Mais, attention, ces deux heures du petit jour, et en vue de <em>La Carissima</em>, je les consacre d&rsquo;ores et d&eacute;j&agrave; &agrave; la contemplation. &mdash; C&rsquo;est ainsi qu&rsquo;une ligne de conduite se perfectionne ou s&rsquo;avilit dans la pratique, de m&ecirc;me que la pratique peut ennuyer &agrave; la longue et devenir une mauvaise habitude. La vertu est souvent un vice et tel saint trouve le diable au clo&icirc;tre. La vie n&rsquo;a rien de th&eacute;orique et se pla&icirc;t &agrave; se contredire elle-m&ecirc;me. Le plus gros danger pour un &eacute;crivain est la d&eacute;formation professionnelle. La po&eacute;sie n&rsquo;est pas un m&eacute;tier. La cr&eacute;ation est une puissance. Et la magie n&rsquo;est pas dans les recettes, aussi abracadabrantes soient-elles. Tout cela, c&rsquo;est bon pour les cocos d&rsquo;Acad&eacute;mie et d&rsquo;Universit&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>&nbsp;!</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Le travail sur le temps narratif et la fragmentation est ce qui assure le lien entre les lectures de Remy de Gourmont et celle des P&egrave;res de l&rsquo;&Eacute;glise, entre l&rsquo;&eacute;criture de <em>L&rsquo;Homme foudroy&eacute;</em> et les projets de Vie des Saints &ndash; Marie-Madeleine <em>(La Carissima, </em>ouvrage inachev&eacute;) puis Saint-Joseph de Cupertino (chapitre du <em>Lotissement du ciel</em>) &ndash;, et implique un usage diff&eacute;rent du dialogue dans le roman<em>.</em> C&rsquo;est dans la correspondance qu&rsquo;on saisit alors les enjeux fondamentaux de la construction romanesque de Cendrars qui, tirant parti d&rsquo;autres mod&egrave;les (le montage cin&eacute;matographique et la composition musicale), attente &agrave; l&rsquo;ordre narratif &agrave; chaque roman depuis <em>Moravagine</em> &ndash; ce dont seul Dos Passos s&rsquo;&eacute;tait tr&egrave;s t&ocirc;t avis&eacute;, &eacute;tonn&eacute; de voir les Fran&ccedil;ais le cr&eacute;diter de ce qu&rsquo;il pr&eacute;tend avoir appris de Cendrars.</p> <p style="text-align: justify;">Le 22 f&eacute;vrier 1945 apr&egrave;s sa journ&eacute;e d&rsquo;&eacute;criture, Cendrars dresse ce bilan&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Le travail marche dur. Je suis tellement ma&icirc;tre de la dislocation du temps que je l&rsquo;applique jusque dans d&rsquo;infimes d&eacute;tails, et ce matin pour la premi&egrave;re fois dans un dialogue ! Cela m&rsquo;amuse beaucoup. Mais je pense d&eacute;j&agrave; &agrave; employer tout autrement le temps dans <em>La Carissima</em>, sur le sujet mystique, o&ugrave; le temps est supprim&eacute; et l&rsquo;&eacute;poque de Ste Madeleine, aujourd&rsquo;hui, hier et demain, o&ugrave; le temps est sublim&eacute;&hellip; Mais, je n&rsquo;en suis pas encore l&agrave;&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>&nbsp;!</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Cendrars &eacute;claire sa conception du dialogue dans le roman dans des formulations qui annoncent ce qu&rsquo;il ne r&eacute;alisera que dans <em>Emm&egrave;ne-moi au bout du monde&nbsp;!&hellip;</em>&nbsp;(1949-1956), le dernier roman qui se d&eacute;roule dans le monde du th&eacute;&acirc;tre, et dont la protagoniste, une vieille com&eacute;dienne, justifie une composition en longs monologues, arias, duos, r&eacute;citatifs et <em>a parte</em>&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Mon cher Jacques. Je voudrais que vous me donniez votre opinion sur mes dialogues dans <em>L&rsquo;Homme foudroy&eacute;</em>. J&rsquo;en emploie beaucoup dans <em>La Main coup&eacute;e</em>, non pas pour remplacer l&rsquo;action comme au cin&eacute;ma depuis qu&rsquo;il est parlant, mais pour la pr&eacute;cipiter et aussi pour remplacer les consid&eacute;rations psychologiques de l&rsquo;Auteur sur ses personnages (encore une de ces conventions des romanciers qui me crispe parce qu&rsquo;elle est fausse !). Sonnent-ils juste&nbsp;? Est-ce nature&nbsp;? Le dialogue fait si facilement th&eacute;&acirc;tre. Vu le grand nombre de personnages qui grouillent dans <em>La Main coup&eacute;e </em>je voudrais que chacun de mes dialogues ouvre au moins des lucarnes sur la vie int&eacute;rieure de mes personnages en plus de ce qu&rsquo;ils peuvent dire. En somme, on ne devine ses semblables que par ce qu&rsquo;ils laissent entendre sous leurs paroles, m&ecirc;me celui qui ne sait pas s&rsquo;exprimer. Y a-t-il de cela dans les dialogues de l&rsquo;<em>H.F.&nbsp;</em><a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>&nbsp;?</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">La carte-lettre suivante, le 10 d&eacute;cembre 1945 poursuit cette r&eacute;flexion sur la port&eacute;e indicielle des propos anodins jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;image de &laquo;&nbsp;ce son de cloche f&ecirc;l&eacute;e&nbsp;&raquo; qui &eacute;claire avec finesse la partition du po&egrave;te romancier, &agrave; l&rsquo;&eacute;coute de ce que livre la langue&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">(suite au sujet des dialogues) Je crois que seul dans un dialogue on peut marquer, sans avoir l&rsquo;air d&rsquo;y toucher (et sans faire un plat !) les qualit&eacute;s et les d&eacute;fauts essentiels d&rsquo;un personnage, tels que la gentillesse, l&rsquo;ignominie, l&rsquo;honneur, l&rsquo;avarice secr&egrave;te, la grossi&egrave;ret&eacute;, la parfaite &eacute;ducation, etc., etc., et jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;atavisme et les tics individuels. Tout cela se sous-entend dans les paroles dites &mdash; et m&ecirc;me dans les plus maladroites. Quelle &eacute;conomie d&rsquo;&eacute;criture si l&rsquo;on touche juste et quand l&rsquo;on arrive &agrave; faire entendre ce son de cloche f&ecirc;l&eacute;e sous les propos ! Est-ce que j&rsquo;y arrive&nbsp;? Assur&eacute;ment pas &agrave; chaque coup. Mais je vais pousser &ccedil;a&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>&hellip;</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">S&rsquo;il est un secret &agrave; extraire des lettres &agrave; L&eacute;vesque c&rsquo;est bien celui de la coh&eacute;rence de l&rsquo;&oelig;uvre et de la solidarit&eacute; formelle qui lie comme autant d&rsquo;&eacute;pisodes d&rsquo;une m&ecirc;me qu&ecirc;te les r&eacute;cits disparates de l&rsquo;apr&egrave;s-guerre, sans &laquo;&nbsp;faire syst&egrave;me&nbsp;&raquo; car il ne s&rsquo;agit pas de r&eacute;p&eacute;ter d&rsquo;un roman &agrave; l&rsquo;autre une technique brevet&eacute;e&nbsp;; l&agrave; aussi il faut savoir quitter ce qu&rsquo;on aime, selon l&rsquo;&eacute;thique du voyage qui conduit son &eacute;criture.</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Composition et d&eacute;composition du r&eacute;cit dans le temps&nbsp;: je viens de terminer un long chapitre o&ugrave; la dislocation du temps est pouss&eacute;e &agrave; l&rsquo;extr&ecirc;me et se termine sur un enchev&ecirc;trement de toutes petites mesures qui se chevauchent &mdash; le pass&eacute; apr&egrave;s, le futur avant le pr&eacute;sent &mdash; fragmentations qui tiennent souvent &agrave; quelques minutes ! Je crois qu&rsquo;on ne peut pas aller plus loin sans en faire un syst&egrave;me emmerdant &mdash;J&rsquo;ai h&acirc;te de faire autre chose, <em>La Carissima </em>par exemple &mdash; mais ce ne sera h&eacute;las pas avant un an! Oui, je vais encore passer toute l&rsquo;ann&eacute;e 46 sur <em>La Main coup&eacute;e </em>&mdash;&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a></p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">La composition reste la pr&eacute;occupation majeure de <em>La Main coup&eacute;e</em>, mais le changement de registre passe toujours par la polyphonie et le travail sur les dialogues&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Tel que j&rsquo;en ai &eacute;tabli le plan <em>La Main coup&eacute;e </em>aura 50 chapitres. C&rsquo;est peut-&ecirc;tre beaucoup&hellip; [&hellip;] La technique en est tout autre que celle des <em>Rhapsodies</em>. Tout en style direct. Je pense faire quelque chose d&rsquo;absolument nouveau sur un vieux sujet comme la guerre. Je vous en dirai plus long d&rsquo;ici un mois quand j&rsquo;aurai termin&eacute; la premi&egrave;re partie.</p> <p style="text-align: justify;"><em>La Main coup&eacute;e </em>va bon train. Je suis mon programme d&rsquo;assez pr&egrave;s. Aucun probl&egrave;me de style. Aucun lyrisme. Toute mon attention est port&eacute;e sur la composition du r&eacute;cit. Je voudrais arriver &agrave; faire plus vrai que vrai. Je suis assez content jusqu&rsquo;&agrave; pr&eacute;sent. Mes bonshommes sont d&eacute;pouill&eacute;s de toute gloriole ou vantardise, ce qui n&rsquo;est pas toujours commode vu le genre du r&eacute;cit et son sujet&nbsp;: la Guerre. Mais je crois pouvoir y arriver. C&rsquo;est, comme vous dites, un tour de force&nbsp;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">En r&eacute;ponse &agrave; une description topographique pr&eacute;cise des bistros du quartier de la gare du Nord, de leur enseigne, de leur allure et du nom du patron longuement d&eacute;taill&eacute;e le 26 novembre 1945 par Jacques-Henry, Cendrars, qui n&rsquo;utilisera aucun de ses renseignements directement, justifie la place qu&rsquo;il accorde &agrave; l&rsquo;exactitude de la fiche de terrain dans un usage fictionnel :</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Merci, ces renseignements me sont tr&egrave;s utiles. Gr&acirc;ce &agrave; vous je revois tous ces bistros pouilleux que je connais tous, mais o&ugrave; l&rsquo;on entre habituellement sans prendre garde ni aux enseignes ni aux noms des patrons. On y ribote avant de reprendre le train et de prendre cong&eacute; d&rsquo;une donzelle. C&rsquo;est plein de petites gens du Nord bruyants, fumeux, vazouillards&hellip; Merci&nbsp;<a href="#_ftn32" name="_ftnref32">[32]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">De m&ecirc;me qu&rsquo;il a retourn&eacute; la d&eacute;finition de &laquo;&nbsp;l&rsquo;objectivisme&nbsp;&raquo;, il place ici le r&eacute;alisme non dans la fid&eacute;lit&eacute; &agrave; la r&eacute;f&eacute;rence mais dans la recr&eacute;ation de l&rsquo;atmosph&egrave;re et, pourrait-on dire, dans ce que les th&eacute;oriciens des ann&eacute;es soixante-dix appelleront &laquo;&nbsp;l&rsquo;effet de r&eacute;el&nbsp;&raquo;. Cela passe par l&rsquo;emploi des &laquo;&nbsp;vrais noms&nbsp;&raquo; contre certaines hypocrisies ou prudences conventionnelles de la fiction&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;&eacute;criture maya est une des plus anciennes du globe. D&rsquo;o&ugrave; l&rsquo;analogie dont vous parlez entre la caverne symbolique et chaque lettre de l&rsquo;alphabet dit &laquo; des villes saintes&raquo;. [&hellip;] Mais ce passage n&rsquo;est pas un hors-d&rsquo;&oelig;uvre curieux. Son but est de p&eacute;n&eacute;trer le plus avant possible dans la mentalit&eacute; de Paquita (<em>cf</em>. la f&eacute;rocit&eacute; mexicaine) et de faire assister &agrave; la formation de son caract&egrave;re d&egrave;s son enfance (<em>Rhapsodie IV</em>, les Poup&eacute;es de Paquita) et donner la raison profonde de son suicide&hellip; (Paquita, encore un nom que je ne voudrais pas &agrave; avoir &agrave; changer car elle vit encore&nbsp;!) &mdash; Autre chose&nbsp;: puis-je laisser le terme dont je qualifie Cingria&nbsp;? Et si je change son nom, tout le passage ne rime plus &agrave; rien&nbsp;! Je voudrais pouvoir appeler tous mes personnages par leur nom. C&rsquo;est tellement mieux. J&rsquo;ai l&rsquo;impression de tailler en pleine chair de la r&eacute;alit&eacute;. Je suis fatigu&eacute; du fictif&nbsp;<a href="#_ftn33" name="_ftnref33">[33]</a>&hellip;</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">On suit d&rsquo;une lettre &agrave; la suivante, le d&eacute;bat que l&rsquo;&eacute;crivain a poursuivi dans la solitude. Ainsi, le lendemain, il ajoute de nouveaux arguments &agrave; son refus de la convention romanesque et semble envisager le &laquo;&nbsp;r&eacute;alisme&nbsp;&raquo; du r&eacute;cit comme incrustation ou collage&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Vous souvenez-vous de mon article sur Paul Laffitte dans <em>Les Nouvelles litt&eacute;raires</em>&nbsp;? Il m&rsquo;avait brouill&eacute; avec Laffitte (plut&ocirc;t avec Madame). C&rsquo;est cette r&eacute;action d&rsquo;un ami &agrave; propos d&rsquo;un article sympathique qui me fait tiquer sur la r&eacute;action possible des gens que je nomme dans mon MS. Comme vous le dites je les &eacute;claire d&rsquo;une lumi&egrave;re qui ne leur plaira pas (et &agrave; laquelle ils ne sont pas habitu&eacute;s). Alors, que faire&nbsp;? changer les noms me d&eacute;go&ucirc;te. Ne mettre que les initiales comme je l&rsquo;ai fait pour &laquo; les 3 d&eacute;licats &raquo; de banlieue, <em>Rhapsodie III</em>, c&rsquo;est toc. Les laisser, c&rsquo;est s&rsquo;exposer &agrave; un proc&egrave;s perdu d&rsquo;avance. Un nom, c&rsquo;est encore de la r&eacute;alit&eacute; et je ne voudrais travailler que dans la r&eacute;alit&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn34" name="_ftnref34">[34]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Cette correspondance est bien la grande correspondance litt&eacute;raire de Cendrars que compl&egrave;tent les &eacute;changes tr&egrave;s riches mais plus circonscrits dans le temps avec certains &eacute;diteurs comme Louis Brun, Maximilien Vox, Guy Tosi ou des amis proches comme Paul Gilson et t&rsquo;Serstevens. L&agrave; o&ugrave; les lettres aux &eacute;diteurs les plus amicales sont toujours suspectes d&rsquo;intentions strat&eacute;giques, celles qu&rsquo;il adresse &agrave; L&eacute;vesque font entrer v&eacute;ritablement dans les coulisses de la cr&eacute;ation des textes majeurs de Cendrars&nbsp;; chaque r&eacute;&eacute;dition des textes ant&eacute;rieurs lui permet d&rsquo;&eacute;clairer ses intentions d&rsquo;alors et de mesurer son &eacute;volution &agrave; la relecture de ses propres textes. Il expose ses lubies int&eacute;rieures, ses proc&eacute;d&eacute;s de fabrique, laisse appara&icirc;tre les obsessions et les rituels, d&rsquo;une vie en &eacute;criture, combat de Titan men&eacute; quotidiennement pour r&eacute;sister &agrave; l&rsquo;attraction de la fuite, de la d&eacute;faite et de la mort.</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h3> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a> <em>Robert Paxton, Olivier Corpet, Claire Paulhan</em>, <em>Archives de la vie litt&eacute;raire sous l&rsquo;Occupation</em>, Paris, Tallandier&nbsp;/ Imec, 2009&nbsp;; Robert Mencherini, <em>Midi rouge, ombres et lumi&egrave;res, </em>Paris, Syllepse, t. 3, <em>R&eacute;sistance et Occupation (1940-1944)</em>, 2011&nbsp;; Henri Amouroux, <em>La Grande Histoire des Fran&ccedil;ais sous l&rsquo;Occupation, </em>Robert Laffont, r&eacute;&eacute;d. &laquo;&nbsp;Bouquins&nbsp;&raquo;, t.7, 1999&nbsp;<em>; </em>Jacques Semelin, <em>Pers&eacute;cutions et entraides dans la France occup&eacute;e</em>, Paris, Seuil, 2013.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a> Par exemple, sur un feuillet de petit format manuscrit &agrave; l&rsquo;encre noire dans une enveloppe bleue &agrave; l&rsquo;en-t&ecirc;te des <em>Deux Gar&ccedil;ons</em>, avec cachet du jeudi 6 f&eacute;vrier 1941&nbsp;: &laquo;&nbsp;Jeudi // Mon cher Jacques, // Je pars tout &agrave; l&rsquo;heure pour Vichy, puis Madrid, puis Lisbonne ― Mme Duch&acirc;teau fera suivre votre courrier et j&rsquo;ai donn&eacute; des instructions au facteur. J&rsquo;esp&egrave;re qu&rsquo;il n&rsquo;y aura pas d&rsquo;anicroches.&nbsp;&raquo; De ce voyage L&eacute;vesque ne saura rien de plus&hellip; mais les recoupements nous apprennent que Cendrars, qui s&rsquo;est rapproch&eacute; de Raymone, l&rsquo;accompagne lorsqu&rsquo;elle s&rsquo;embarque au Portugal pour sa grande tourn&eacute;e en Am&eacute;rique du Sud avec la troupe de Louis Jouvet. Voir <em>Blaise Cendrars &ndash; Jacques-Henry L&eacute;vesque, </em>Correspondance 1922 &ndash; 1959, <em>&laquo; Et maintenant veillez au grain ! &raquo;, </em>&eacute;dition critique de Marie-Paule Berranger, Gen&egrave;ve, &Eacute;ditions Zo&eacute;, 2017, p. 174.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a> Voir ci-dessus Myriam Boucharenc, &laquo; &ldquo;Sans ta carte je pourrais me croire sur un autre plan&egrave;te&rdquo; &raquo;&hellip;</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a> Cette carte postale d&rsquo;avril 40 montrant le ch&acirc;teau de Tilloloy (Somme) en est l&rsquo;arch&eacute;type&nbsp;: &laquo;&nbsp;Samedi soir 13/4/40/ Mon cher Jacques, // Je suis rentr&eacute;, ne le dites &agrave; personne et surtout pas chez Grasset &mdash; Et venez d&eacute;jeuner <em>mardi&nbsp;</em>&raquo; (&eacute;d. cit. p. 164).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a> Se faire verser ses droits, notamment pendant et apr&egrave;s la guerre, devient un souci constant de Blaise qui d&eacute;pend enti&egrave;rement de sa plume et dresse souvent dans ses courriers la liste des sommes dont il attend la rentr&eacute;e.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a> Certaines archives que Cendrars conservait au Tremblay ont disparu avec le pillage de sa maison pendant la guerre et il en va de m&ecirc;me de certains manuscrits et livres laiss&eacute;s &agrave; Biarritz chez Eugenia Errazuriz, qui accueillait lib&eacute;ralement les artistes &ndash; Cendrars et Picasso notamment &ndash; et chez laquelle il a souvent s&eacute;journ&eacute;.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a> Voir sur ce moment de rupture l&rsquo;article d&eacute;j&agrave; cit&eacute; de Myriam Boucharenc dans ce num&eacute;ro.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a> Ce que L&eacute;vesque ne semble pas avoir accept&eacute; puisque c&rsquo;est Paul Gilson qui s&rsquo;en chargera.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a> Lettre du 17 juillet 1943, &eacute;d. cit., p. 228. La suite est &eacute;crite horizontalement au verso.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a> Lettre du samedi 11 [11/44], <em>ibid.</em>, &nbsp;p. 309.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a> Par exemple, le jeudi 9 (11/44) o&ugrave; il s&rsquo;agit de strat&eacute;gie litt&eacute;raire en une p&eacute;riode politiquement sensible&nbsp;: &laquo;&nbsp;[&hellip;] Je suis curieux d&rsquo;avoir votre impression de premi&egrave;re lecture et votre sentiment sur l&rsquo;opportunit&eacute; de publication, non &agrave; cause de certains d&eacute;tails (et j&rsquo;en ai biff&eacute; !) mais vu &ldquo;l&rsquo;esprit&rdquo; de la chose&nbsp;&raquo; (<em>ibid.</em>, p. 307).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a> Lettre du jeudi 7 [12/44], <em>ibid.</em>, p. 320.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a> Lettre du lundi 27 [11/44], <em>ibid.</em>, p. 313.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a> Lettre du mercredi 21[3/45], <em>ibid.</em>, p. 345.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a> Lettre du vendredi 11 [4/47], <em>ibid.</em>, p. 524.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a> On suivra les &eacute;pisodes majeurs de ce long combat d&rsquo;&eacute;criture dans la notice de Jean-Carlo Fl&uuml;ckiger dans le volume II des <em>&OElig;uvres romanesques</em>, sous la direction de Claude Leroy, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que de la Pl&eacute;iade&nbsp;&raquo;, 2017.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a> &laquo;&nbsp;&mdash;&mdash;&mdash;&mdash; Je suis content de tout ce que j&rsquo;ai fait jusqu&rsquo;&agrave; pr&eacute;sent, mais je crains fort en avoir encore pour six mois&nbsp;! tellement le fignolage des documents est difficile dans sa minutie &mdash;&mdash; Quel sale m&eacute;tier que celui d&rsquo;&eacute;crire ou plut&ocirc;t quelle saloperie d&rsquo;&eacute;crire quand &ccedil;a devient un m&eacute;tier voil&agrave; o&ugrave; le b&acirc;t me blesse, c&rsquo;est si contraire &agrave; mon temp&eacute;rament &mdash;&mdash; un jour je finirai peut-&ecirc;tre comme Diog&egrave;ne dans un tonneau &mdash;&mdash;&nbsp;&raquo; [lettre du 14 mars 1933].</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a> &laquo;&nbsp;Poussez &agrave; la roue pour que je re&ccedil;oive le bon &agrave; tirer. / Il ne faut pas perdre de temps, sinon, les &eacute;v&eacute;nements&hellip; &raquo; &eacute;crit-il &agrave; Jacques le 13 janvier 44, &agrave; propos des <em>Po&eacute;sie compl&egrave;tes</em>, &eacute;d. cit., p. 86.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a> Lettre dat&eacute;e du jeudi [20/1/44], &eacute;d. cit., p. 249.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a> <em>Ibid.</em>, p. 250.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a> &laquo;&nbsp;Lundi 21 [1/45]<em>/ </em>Mon cher Jacques, <em>/ </em>Article sympathique d&rsquo;Yves Gandon dans <em>Minerve </em>du 18. Mais lui aussi &eacute;crit textuellement &ldquo;insouci complet de la composition&rdquo;. Combien d&rsquo;ann&eacute;es mettront-ils pour d&eacute;couvrir la dislocation du temps et la technique musicale des <em>Rhapsodies </em>qui saute aux yeux rien que pour la division ext&eacute;rieure en 8 chapitres chacun et de m&ecirc;me longueur&hellip; [&hellip;] Ils me font pouffer&nbsp;&raquo; (<em>ibid.</em>, p. 471).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a> &laquo;&nbsp;Mardi 26 [26/12/44] <em>/ </em>Mon cher Jacques, <em>/ </em>Hier, Peisson, chez qui j&rsquo;ai &eacute;t&eacute; manger le coq de No&euml;l, qui ne conna&icirc;t pas une ligne des <em>Rhapsodies </em>mais &agrave; qui j&rsquo;ai fait lire comme je vous l&rsquo;ai d&eacute;j&agrave; dit, <em>Le Vieux-Port</em>, il y a six mois, Peisson m&rsquo;a dit&nbsp;: &ldquo;En somme Blaise, tu as trouv&eacute; la bonne formule. Tu racontes des histoires &agrave; tire-larigot et l&rsquo;on sent que tu peux encore en raconter dix mille ; alors que nous, nous nous battons les flancs pour mener un roman &agrave; bout.&rdquo; C&rsquo;est bien &ccedil;a&nbsp;! Mais ils s&rsquo;imaginent que c&rsquo;est facile de se laisser aller &agrave; raconter des histoires, ils se trompent. Primo, il faut avoir v&eacute;cu. Secundo, r&eacute;agir. Tertio, etc., etc. Qu&rsquo;en pensez-vous&nbsp;? La remarque de Peisson est symptomatique&nbsp;&raquo; (<em>ibid.</em>, p. 326).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a> Lettre du 22 d&eacute;cembre 1944, <em>ibid.</em>, p. 325.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a> Lettre du 6 ao&ucirc;t 1945, <em>ibid.</em>, p. 405.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a> &laquo;&nbsp;[&hellip;] et voici la citation compl&egrave;te et lisible de ce que je vous avais un jour, gribouill&eacute; sur une carte. Je regrette que dans votre introduction vous n&rsquo;ayez jamais cit&eacute; un P&egrave;re de l&rsquo;&Eacute;glise plut&ocirc;t que tous ces mahom&eacute;tans et hindous. &mdash; C&rsquo;est l&agrave; le seul point faible (parce que frisant la mode litt&eacute;raire) de votre introduction par ailleurs si remarquable. Les P&egrave;res ont tout dit concernant le Verbe &mdash; et plusieurs &eacute;taient d&rsquo;immenses po&egrave;tes. Nous leur devons le peu que nous sommes, nous, les po&egrave;tes modernes, et, finalement, nous sommes chr&eacute;tiens &mdash; de c&oelig;ur, d&rsquo;esprit, de corps, de sensibilit&eacute; et d&rsquo;intelligence &mdash; m&ecirc;me si nous avons perdu la foi &mdash;&nbsp;&raquo; (<em>ibid.</em>, p. 258).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a> Mardi 30 [1/45], <em>ibid.</em>, p. 346.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a> <em>Ibid.</em>, p. 358-359.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a> Samedi 24 [11/45], <em>ibid.</em>, p. 443.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a> <em>Ibid.</em>, p. 444.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a> Lettre du 10 d&eacute;cembre 1945,<em> ibid.</em>, p. 450.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a> Lettre du 21 mars 1945,<em> ibid.</em>, p. 358.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref32" name="_ftn32">[32]</a> <em>Ibid.</em>, p. 447.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref33" name="_ftn33">[33]</a> Lettre du Jeudi 4 [1/45]<em> ibid.</em>, p. 334-335.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref34" name="_ftn34">[34]</a> Lettre du vendredi 5 [1/45]<em>, ibid</em>.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="Auteur">Auteur</span></h3> <p style="text-align: justify;"><strong>Marie-Paule Berranger</strong>&nbsp;est professeur de litt&eacute;rature fran&ccedil;aise du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; Sorbonne nouvelle, au sein de l&rsquo;UMR Thalim. Ses travaux portent sur le surr&eacute;alisme (<em>D&eacute;paysement de l&rsquo;aphorisme</em>, Corti, 1988), la po&eacute;sie de Robert Desnos, Blaise Cendrars, Fr&eacute;d&eacute;ric Jacques Temple (<em>P&eacute;riples et parages, l&rsquo;&oelig;uvre de Fr&eacute;d&eacute;ric Jacques Temple</em>, actes du colloque de Cerisy en collaboration avec Pierre-Marie H&eacute;ron et Claude Leroy, Hermann, 2016), les genres dans la po&eacute;tique des avant-gardes et l&rsquo;histoire de la critique (<em>&Eacute;volutions/R&eacute;volutions des valeurs critiques</em>, Presses de la M&eacute;diterran&eacute;e, 2015). Elle a &eacute;dit&eacute; en 2017 le &nbsp;dernier roman de Blaise Cendrars <em>Emm&egrave;ne-moi au bout du monde&nbsp;!&hellip; </em>(Biblioth&egrave;que de la Pl&eacute;iade) et la correspondance Blaise Cendrars ‒ Jacques-Henry L&eacute;vesque aux &eacute;ditions Zo&eacute;.</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>Copyright</strong></h3> <p style="text-align: justify;">Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p> </div>