<div class="entry-content"> <h3>Abstract</h3> <p>Rationalism, functionalism, formalism. The musicality of this perfect harmony often comes to mind as one of the major symphonies of twentieth-century architectural language. Labeled as one of the conductors of the new industrial aesthetic that emerged between the wars, La Chaux-de-Fonds architect Le Corbusier was inevitably associated with these and many other &quot;isms&quot;. After the war, Le Corbusier&#39;s critics challenged the formula of this triad. All it did, however, was perpetuate an overemphasis on these notions, to the detriment of others. What&#39;s more, it eclipsed the complex web of verbal associations, relationships and circulation of ideas - that is, beyond the world of architecture - in which Le Corbusier was immersed.</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p>Blaise Cendrars, Le Corbusier</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">Rationalisme, fonctionnalisme, formalisme. La musicalit&eacute; de cet accord parfait se rappelle souvent &agrave; nous comme l&rsquo;une des symphonies majeures du langage architectural du vingti&egrave;me si&egrave;cle. &Eacute;tiquet&eacute; comme l&rsquo;un des chefs d&rsquo;orchestre de la nouvelle esth&eacute;tique industrielle apparue dans l&rsquo;entre-deux-guerres, l&rsquo;architecte de La Chaux-de-Fonds, Le Corbusier, fut in&eacute;vitablement associ&eacute; &agrave; ces notions comme &agrave; de nombreux autres &laquo;&nbsp;ismes&nbsp;&raquo;. Apr&egrave;s-guerre, la critique de Le Corbusier contesta la formule de cette triade. Elle ne fit cependant que perp&eacute;tuer une attention trop soutenue &agrave; ces notions, au d&eacute;triment d&rsquo;autres. De plus elle &eacute;clipsa le tissu complexe des associations verbales, des relations et de la circulation d&rsquo;id&eacute;es &minus; entendons, au-del&agrave; du monde de l&rsquo;architecture &minus; dans lequel Le Corbusier &eacute;tait immerg&eacute;.</p> <p style="text-align: justify;">Nous nous proposons de suivre une autre route et de mettre au jour des nuances qui ont profond&eacute;ment affect&eacute; le vocabulaire comme la vision du monde de Le Corbusier&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>. Parmi les id&eacute;es mentionn&eacute;es ci-dessus, la notion de <span style="font-style: normal !msorm;"><em>fonction</em></span> apparut au c&oelig;ur des d&eacute;bats que suscita Le Corbusier dans les ann&eacute;es 1920&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Le point de d&eacute;part de cet article r&eacute;side dans le terme de <em>fonction</em>. Plut&ocirc;t que de red&eacute;finir Le Corbusier comme un simple fonctionnaliste, les pages qui suivent vont &eacute;voquer ses &eacute;changes avec le po&egrave;te Blaise Cendrars, qui pr&eacute;sentent l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t d&rsquo;exposer les m&eacute;andres et le caract&egrave;re confus, parfois, de la signification attribu&eacute;e &agrave; ce terme. Ces correspondances mettent en lumi&egrave;re un autre ensemble lexical, autour du mot <em>utilit&eacute;</em>, et le relient &agrave; une exp&eacute;rience incarn&eacute;e du Nouveau Monde. Le ton et la cible des &eacute;crits de Le Corbusier subissent une mutation spectaculaire &agrave; la fin des ann&eacute;es 1920&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>. Ses rencontres avec l&rsquo;Am&eacute;rique des tropiques, non seulement par ses d&eacute;placements physiques mais aussi, et essentiellement, intellectuels, s&rsquo;av&egrave;rent ici d&eacute;terminantes pour cette m&eacute;tamorphose&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>. Mais comment un voyage peut-il avoir affect&eacute; le vocabulaire de l&rsquo;architecte&nbsp;? Un petit d&eacute;tour par une d&eacute;finition de notre approche du voyage s&rsquo;impose.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="1_Voyages_immobiles"><strong>1. Voyages immobiles</strong></span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;"><strong>&nbsp;</strong>Les voyages de Le Corbusier ont souvent fait l&rsquo;objet d&rsquo;&eacute;tudes de la part des historiens qui ont examin&eacute; les effets de ses d&eacute;placements physiques sur sa pratique architecturale&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>. Il y a cependant un type de voyage en particulier qui a rarement attir&eacute; l&rsquo;attention et sur lequel Le Corbusier lui-m&ecirc;me reste muet. Au cours de sa vie Le Corbusier &eacute;crivit presque cinquante ouvrages et publia plus de deux cents articles, tout en ex&eacute;cutant soixante-dix-neuf&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a> projets architecturaux. Il convient donc de prendre en consid&eacute;ration le fait que l&rsquo;activit&eacute; litt&eacute;raire faisait partie de la vie quotidienne de Le Corbusier et que cela ne devait pas &ecirc;tre sans cons&eacute;quence sur ses autres pratiques&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>. La biblioth&egrave;que consid&eacute;rable que Le Corbusier constitua reste sans doute le t&eacute;moignage le plus &eacute;vident du temps qu&rsquo;il vouait &agrave; la lecture chez lui ou &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>. Nous pouvons donc sugg&eacute;rer que Le Corbusier voyageait aussi &agrave; travers les livres et les textes, &laquo;&nbsp;voyages immobiles&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>&nbsp;&raquo; qui d&eacute;fient l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;un simple d&eacute;placement g&eacute;ographique. Au contraire, la notion de voyage peut &ecirc;tre comprise comme un d&eacute;placement de la pens&eacute;e et une mani&egrave;re autre de voir le monde.</p> <p style="text-align: justify;">Il semble donc appropri&eacute; et justifi&eacute;, si l&rsquo;on consid&egrave;re que la myriade de livres que poss&eacute;dait Le Corbusier lui &eacute;tait importante et famili&egrave;re, d&rsquo;analyser la biblioth&egrave;que priv&eacute;e de l&rsquo;architecte afin d&rsquo;examiner son discours. Cependant, hormis l&rsquo;&eacute;valuation de l&rsquo;influence de ces ouvrages sur l&rsquo;architecture de Le Corbusier, que peuvent encore nous r&eacute;v&eacute;ler ces documents sur sa pratique de lecteur, et que sugg&egrave;rent-ils concernant les voyages de Le Corbusier et sa propre production en tant qu&rsquo;&eacute;crivain&nbsp;? Je n&rsquo;ai pas l&rsquo;intention de produire une interpr&eacute;tation lin&eacute;aire, pas plus que causale, des textes que Le Corbusier peut avoir lus dans les ann&eacute;es 1920. Il serait hors de propos d&rsquo;extraire des fragments de ses livres et d&rsquo;insister sur une illusoire influence sur ses &oelig;uvres personnelles. Je tenterai plut&ocirc;t d&rsquo;attirer l&rsquo;attention sur la mani&egrave;re dont cette pratique continue de la lecture peut avoir affect&eacute; les autres activit&eacute;s de Le Corbusier, touriste, &eacute;crivain, architecte, avant et pendant son premier voyage sur le continent am&eacute;ricain en 1929, au Br&eacute;sil en particulier.</p> <p style="text-align: justify;">&Agrave; cet &eacute;gard, aucune autre figure ne fut plus cruciale en ce qui concerne le contact de Le Corbusier avec l&rsquo;Am&eacute;rique tropicale que celle de Blaise Cendrars. Le po&egrave;te fournit &agrave; Le Corbusier l&rsquo;occasion d&rsquo;une double rencontre. Il fut l&rsquo;acteur principal qui encouragea Le Corbusier &agrave; entreprendre un voyage outre-mer en lui pr&eacute;sentant des figures de premier plan, br&eacute;siliennes entre autres. De plus, les propres textes de Cendrars, ses impressions et son affinit&eacute; avec le Br&eacute;sil, eurent un impact cons&eacute;quent sur les perceptions et les attentes de Le Corbusier en ce qui concerne le voyage.</p> <p style="text-align: justify;">Le pr&eacute;sent article invite &agrave; d&eacute;couvrir ces &eacute;changes peu communs entre Le Corbusier et Cendrars et met l&rsquo;accent sur une constellation d&rsquo;affinit&eacute;s intellectuelles qui jettent un pont entre plusieurs dimensions&nbsp;: esth&eacute;tique, philosophique, politique et aussi historique. Nous avan&ccedil;ons ici que cette vision partag&eacute;e du monde est essentielle pour saisir leurs affinit&eacute;s et leur respect mutuel et m&ecirc;me l&rsquo;adoption des id&eacute;es et du vocabulaire de l&rsquo;un par l&rsquo;autre. La notion de d&eacute;placement est donc cruciale parce qu&rsquo;elle indique une exploration des rencontres physiques et intellectuelles, entre nos deux <em>Chaux-de-Fonniers</em>. De plus, elle rend compte d&rsquo;une pluralit&eacute; de mouvements transatlantiques qui traversent cartes, paysages, villes et gens. Il ne s&rsquo;agit pas de prouver si, oui ou non, l&rsquo;un lisait les livres de l&rsquo;autre. Le d&eacute;fi consiste plut&ocirc;t &agrave; extraire des textes &minus; lettres, notes et livres &ndash; les &eacute;l&eacute;ments qui furent effectivement d&rsquo;un int&eacute;r&ecirc;t particulier pour eux durant la p&eacute;riode 1922-1929, et &agrave; situer les domaines qui purent contribuer &agrave; forger le jugement de Le Corbusier sur le Br&eacute;sil et sa th&egrave;se sur la notion de fonction.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="2_De_La_Chaux-de-Fonds_a_Paris_carrefours_intellectuels"><strong>2. De La Chaux-de-Fonds &agrave; Paris&nbsp;: carrefours intellectuels</strong></span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Tout a commenc&eacute; &agrave; La Chaux-de-Fonds, ville du Jura dont la population a presque tripl&eacute; en cinq d&eacute;cennies au dix-neuvi&egrave;me si&egrave;cle&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a> gr&acirc;ce, pour l&rsquo;essentiel, au nouveau planning urbain et &agrave; la croissance &eacute;conomique due &agrave; la manufacture horlog&egrave;re. N&eacute;s &agrave; l&rsquo;automne 1887, au beau milieu de cette &eacute;poque de plein essor industriel, Fr&eacute;d&eacute;ric-Louis Sauser et Charles-&Eacute;douard Jeanneret-Gris v&eacute;curent pendant leur enfance &agrave; moins de deux cent cinquante m&egrave;tres l&rsquo;un de l&rsquo;autre dans cette ville du canton de Neuch&acirc;tel. &Agrave; l&rsquo;instar de maints jeunes citadins de l&rsquo;&eacute;poque, Sauser et Jeanneret, tous deux stimul&eacute;s par l&rsquo;activit&eacute; locale dominante, entam&egrave;rent leur vie d&rsquo;adulte en s&rsquo;essayant dans ces domaines li&eacute;s &agrave; la production horlog&egrave;re&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>. Apr&egrave;s avoir &eacute;tudi&eacute; &agrave; l&rsquo;&Eacute;cole municipale des Arts appliqu&eacute;s avec Charles L&rsquo;&Eacute;plattenier, &eacute;ducateur en vue qui assura la transformation des m&eacute;thodes p&eacute;dagogiques et artistiques de l&rsquo;&Eacute;cole, le jeune Le Corbusier entreprit en 1907, un voyage d&rsquo;&eacute;tude, non pas &agrave; Rome, comme le voulait la tradition, mais en Toscane. Quatre ans plus tard, il traversait l&rsquo;Europe centrale, les Balkans et la Turquie, pour aboutir dans les r&eacute;gions italiennes de la mer Tyrrh&eacute;nienne, un voyage, selon ses propres mots, &laquo;&nbsp;vers l&rsquo;est&nbsp;&raquo; que de nombreux chercheurs qualifient d&rsquo;apog&eacute;e des ann&eacute;es de formation de Le Corbusier&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>. Pendant ce temps, le jeune Cendrars portait le regard vers des horizons plus lointains. Entre 1904 et 1912 il devait rencontrer diff&eacute;rentes cultures&nbsp;; ses voyages le firent s&rsquo;aventurer dans diverses r&eacute;gions d&rsquo;Italie, d&rsquo;Allemagne, de Russie et des &Eacute;tats-Unis&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">La premi&egrave;re rencontre effective entre Fr&eacute;d&eacute;ric-Louis Sauser et Jeanneret devait se produire &agrave; des kilom&egrave;tres des terres helv&eacute;tiques et de l&rsquo;industrie horlog&egrave;re. Elle advint &agrave; Paris au d&eacute;but des ann&eacute;es 1920, au centre des d&eacute;bats intellectuels fran&ccedil;ais et des &eacute;v&eacute;nements artistiques. Ce fut lors de l&rsquo;un de ces &eacute;v&eacute;nements, plus pr&eacute;cis&eacute;ment au salon d&rsquo;automne 1922 &minus; comme Le Corbusier l&rsquo;indiqua lui-m&ecirc;me dans une lettre dat&eacute;e de 1960 &minus; que les deux personnages se rencontr&egrave;rent par hasard, alors qu&rsquo;&agrave; cette &eacute;poque ils avaient d&eacute;j&agrave; adopt&eacute; leurs nouveaux patronymes, Blaise Cendrars et Le Corbusier&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Cher Cendrars, toute mon amiti&eacute;&nbsp;! Souviens-toi&nbsp;: 1922 salon d&rsquo;Automne devant un vaste diorama d&rsquo;urbanisme, un type s&rsquo;est dress&eacute; devant moi. &laquo;&nbsp;Bravo, magnifique&nbsp;! Je suis Blaise Cendrars&nbsp;!&nbsp;&raquo; Ce fut le premier encouragement que je re&ccedil;us&hellip; Le Corbusier, 14 novembre 1960&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">&Agrave; la fin des ann&eacute;es 1910, Cendrars s&rsquo;&eacute;tait d&eacute;j&agrave; rapproch&eacute; de plusieurs artistes, collaborant par exemple pour <em>J&rsquo;ai tu&eacute;</em> (1918) et <em>La Fin du monde, film&eacute;e par l&rsquo;ange Notre-Dame</em> (1919) avec Fernand L&eacute;ger, peintre avec lequel Le Corbusier &eacute;tablit aussi une solide amiti&eacute; pour plus de quatre d&eacute;cennies&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>. En fait, d&egrave;s 1922, Cendrars &eacute;tait connu sur la sc&egrave;ne artistique parisienne, alors que Le Corbusier commen&ccedil;ait tout juste sa vie publique dans la capitale.</p> <p style="text-align: justify;">Toutefois ce fut une ann&eacute;e stimulante et d&eacute;cisive pour le d&eacute;veloppement de la carri&egrave;re de Le Corbusier en tant qu&rsquo;architecte et &eacute;crivain. Ce fut en 1922, en effet, qu&rsquo;il commen&ccedil;a &agrave; collaborer avec son cousin Pierre Jeanneret. Ce fut aussi &agrave; ce moment que Le Corbusier donna sa premi&egrave;re conf&eacute;rence publique, qui se tint en Sorbonne. Et ce fut l&rsquo;&eacute;poque o&ugrave; il con&ccedil;ut la maison-atelier dessin&eacute;e pour le peintre Am&eacute;d&eacute;e Ozenfant, avec qui il construisit une &eacute;troite collaboration. Tous deux cofond&egrave;rent le mouvement puriste et co&eacute;dit&egrave;rent la revue <em>L&rsquo;Esprit nouveau</em> qui faisait la publicit&eacute; de toutes sortes d&rsquo;activit&eacute;s industrielles, de la soci&eacute;t&eacute; des montres Om&eacute;ga aux industries automobiles Peugeot et Voisin. Le Corbusier d&eacute;veloppa aussi les &eacute;tudes de la maison Citrohan et exposa le projet de la <em>Ville contemporaine de trois millions d&rsquo;habitants </em>au salon d&rsquo;automne. Ce fut encore la p&eacute;riode o&ugrave; Le Corbusier, businessman audacieux, dut affronter de graves probl&egrave;mes financiers. Son projet visionnaire de gagner de l&rsquo;argent dans la production industrielle de briques devait vite trouver sa limite&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>. Comme Cendrars, Le Corbusier choisit Paris comme champ de bataille principal, d&rsquo;autant que la capitale fran&ccedil;aise &eacute;tait la ville o&ugrave;, notait Le Corbusier, &laquo;&nbsp;on se bat pour &ecirc;tre le premier&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;">La revue <em>L&rsquo;Esprit Nouveau</em>, fond&eacute;e avec Am&eacute;d&eacute;e Ozenfant et Paul Derm&eacute;e, devait &ecirc;tre une plate-forme importante pour la promotion du discours de Le Corbusier et la diffusion de plusieurs de ses pratiques qui recommandaient une attitude &laquo;&nbsp;moderne&nbsp;&raquo; dans les arts, la litt&eacute;rature et l&rsquo;architecture. D&rsquo;une mani&egrave;re typique, le premier volume d&eacute;butait par des termes emphatiques en faveur d&rsquo;une &laquo;&nbsp;esth&eacute;tique m&eacute;canique&nbsp;&raquo; exp&eacute;rimentale (<em>L&rsquo;Esth&eacute;tique m&eacute;canique</em>) qui s&rsquo;adressaient clairement &agrave; la fois au monde industriel et au monde artistique&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>. Non seulement Le Corbusier pr&eacute;sentait ses positions, quitte &agrave; les publier ult&eacute;rieurement sous forme de livres, mais il diffusait &eacute;galement les id&eacute;es de ses pairs ou des entrepreneurs <a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a> qui s&rsquo;effor&ccedil;aient de partager leurs visions de la modernit&eacute;. Dans les trois premi&egrave;res parutions de 1920, <em>L&rsquo;Esprit nouveau </em>avait d&eacute;j&agrave; publi&eacute; des &oelig;uvres&nbsp;en nombre&nbsp;: <em>Calligrammes</em> d&rsquo;Apollinaire, <em>La Nouvelle Po&eacute;sie allemande</em> et <em>L&rsquo;Esth&eacute;tique du cin&eacute;ma</em> d&rsquo;Yvan Goll, des fragments de <em>Ornament&nbsp;&amp;&nbsp;Verbrechen </em> d&rsquo;Adolf Loos, <em>La Danse futuriste</em> de Marinetti, et un choix de peintures de C&eacute;zanne, pour n&rsquo;en citer que quelques-unes&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>. Des textes de Cendrars n&rsquo;allaient pas tarder &agrave; figurer dans le magazine. En avril 1921, le premier chapitre de <em>L&rsquo;Eubage</em> &eacute;tait pr&eacute;sent&eacute;, avec des publicit&eacute;s pour ce roman en cours. Bien que des r&eacute;clames offrant des &eacute;ditions &agrave; tirage limit&eacute; de <em>L&rsquo;Eubage</em> &ndash; &laquo;&nbsp;tirage de luxe&nbsp;&raquo; des &eacute;ditions de <em>L&rsquo;Esprit nouveau</em> &ndash; soient apparues dans plusieurs num&eacute;ros de cette revue en 1921 et 1922, ce roman ne fut publi&eacute; qu&rsquo;en 1926 par les &eacute;ditions Au Sans Pareil&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>. Les premi&egrave;res lettres entre Le Corbusier et Cendrars du d&eacute;but des ann&eacute;es 1920 consistaient pour l&rsquo;essentiel en formalit&eacute;s, en offres polies d&rsquo;aide mutuelle. D&egrave;s le milieu des ann&eacute;es 1920 toutefois, le ton et le th&egrave;me de leur discours avaient chang&eacute; de mani&egrave;re significative.</p> <p style="text-align: justify;">Outre l&rsquo;&eacute;change de contacts, de clients potentiels et &eacute;diteurs des maisons influentes&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>, ces lettres manifestent le partage d&rsquo;une s&eacute;rie de rencontres, intellectuelles aussi bien que sensorielles, avec des paysages, des topographies, des villes et des architectures&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>. Un exemple concret en est le r&eacute;cit que fait Cendrars de son exp&eacute;rience&nbsp;&agrave; la suite de sa visite au projet de la cit&eacute; Frug&egrave;s &agrave; Pessac, projet pionnier d&rsquo;habitat collectif dans la banlieue de Bordeaux, con&ccedil;u par Le Corbusier et financ&eacute; par l&rsquo;entrepreneur industriel Henry Frug&egrave;s. En d&eacute;pit du fiasco financier, Pessac fut un authentique laboratoire pour l&rsquo;utilisation du b&eacute;ton arm&eacute;&nbsp;; et les id&eacute;es avanc&eacute;es par Le Corbusier et Pierre Jeanneret pour am&eacute;liorer la construction du logement social en France, en termes de qualit&eacute; et de technique, &eacute;taient totalement soutenues par Henry Frug&egrave;s :</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">J&rsquo;ai visit&eacute;, le mois dernier, le CHANTIER de Pessac. Ce qui m&rsquo;a surtout ravi, c&rsquo;est que l&rsquo;ensemble est gai et non pas tristement monotone comme je le croyais. Je regrette pour vous que cette premi&egrave;re d&eacute;monstration ait &eacute;t&eacute; faite dans la banlieue de Bordeaux, en dehors de toute circulation, et non pas un peu plus bas sur la route de Biarritz. [&hellip;] Je crois &eacute;galement que vu votre conception d&rsquo;une maison vous vous adressez en France plut&ocirc;t &agrave; une certaine &eacute;lite qu&rsquo;&agrave; la classe ouvri&egrave;re. C&rsquo;est pourquoi votre type villa doit r&eacute;ussir plus facilement que &laquo;&nbsp;la cit&eacute;&nbsp;&raquo;. [&hellip;] Ma main amie, Blaise Cendrars&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">En quelques mots Cendrars r&eacute;ussit &agrave; exposer le contexte dans lequel Le Corbusier &eacute;tait immerg&eacute; au milieu des ann&eacute;es 1920&nbsp;: le nombre croissant de commandes que l&rsquo;architecte recevait pour b&acirc;tir des maisons individuelles pour des intellectuels, des entrepreneurs et des m&eacute;c&egrave;nes de l&rsquo;art et la situation catastrophique &agrave; laquelle il dut faire face quand il tenta de faire passer ses id&eacute;es dans les domaines du logement social ou de l&rsquo;urbanisme. Les rencontres du milieu des ann&eacute;es 1920 furent donc cruciales pour les deux personnages. Les probl&egrave;mes relatifs au Nouveau Monde et aux villes de l&rsquo;Am&eacute;rique tropicale en particulier, n&rsquo;&eacute;taient pas les seuls &agrave; &eacute;merger. Cependant, ce fut pr&eacute;cis&eacute;ment ce th&egrave;me qui devint le pivot de leurs &eacute;changes et de leurs transferts intellectuels.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="3_Rencontres_americaines_et_voyages_utiles"><strong>3. Rencontres am&eacute;ricaines et voyages utiles</strong></span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;"><strong><em>&nbsp;</em></strong>&Agrave; la diff&eacute;rence de Le Corbusier, la premi&egrave;re rencontre de Cendrars avec les Am&eacute;riques eut lieu &agrave; New York en 1912. Pour nombre d&rsquo;auteurs qui ont &eacute;tudi&eacute; les relations du po&egrave;te avec les &Eacute;tats-Unis, cette Am&eacute;rique que Cendrars rencontra en 1912 est en quelque sorte rejet&eacute;e, ce qui se manifeste dans ses &oelig;uvres de jeunesse&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>. Yvette Bozon-Scalzitti, par exemple, &eacute;claire non seulement l&rsquo;aversion de Cendrars pour un tel &laquo;&nbsp;esprit mercantile&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>&nbsp;&raquo; une &laquo;&nbsp;hypocrisie puritaine&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>&nbsp;&raquo; et un paysage urbain atroce, mais aussi la mani&egrave;re dont ses textes initiaux comme <em>Les P&acirc;ques</em> et <em>S&eacute;jour &agrave; New York</em> mettent &agrave; mal l&rsquo;id&eacute;e du Nouveau Monde &ndash; son &laquo;&nbsp;r&ocirc;le illusoire de pont&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>&nbsp;&raquo; vers le paradis &ndash; et l&rsquo;arrachent &agrave; celle de la &laquo;&nbsp;nouvelle naissance&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Dans une analyse tr&egrave;s pertinente, Bozon-Scalzitti met en &eacute;vidence la situation plut&ocirc;t assombrie des &Eacute;tats-Unis dans l&rsquo;&oelig;uvre du po&egrave;te&nbsp;; mais ce qui compte peut-&ecirc;tre le plus pour nous est sa tentative de d&eacute;finir ce que les Am&eacute;riques signifiaient pour l&rsquo;auteur des <em>P&acirc;ques &agrave; New York</em>. Si, en 1912, Cendrars pouvait limiter l&rsquo;Am&eacute;rique &agrave; New York, avec les &eacute;tonnements, les frustrations et les distanciations de rigueur, au milieu des ann&eacute;es 1920 les Am&eacute;riques de Cendrars &eacute;taient investies d&rsquo;une complexit&eacute; et d&rsquo;une signification tout autres&nbsp;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a> qui transcendaient du m&ecirc;me coup les fronti&egrave;res g&eacute;ographiques. Les deux exemples les plus fascinants en pourraient &ecirc;tre les romans <em>Moravagine</em> et <em>L&rsquo;Or</em> &ndash; tous deux en la possession de Le Corbusier et sur lesquels je souhaite m&rsquo;arr&ecirc;ter un instant.</p> <p style="text-align: justify;">Dans <em>Moravagine</em>, publi&eacute; par l&rsquo;&eacute;diteur Grasset en 1926, Cendrars entrem&ecirc;lait diff&eacute;rents lieux, &eacute;poques et souvenirs&nbsp;<a href="#_ftn32" name="_ftnref32">[32]</a>. Ses lecteurs sont familiaris&eacute;s avec cette approche et je ne commenterai pas cet aspect. Disons simplement que notre globetrotter &eacute;maille <em>Moravagine</em> d&rsquo;aventures et de h&eacute;ros qui traversent l&rsquo;Atlantique et errent dans les Am&eacute;riques (Nord et Sud)&nbsp;<a href="#_ftn33" name="_ftnref33">[33]</a>. Dans ce roman, les Am&eacute;riques, pour Cendrars, &eacute;taient aur&eacute;ol&eacute;es d&rsquo;un optimisme que suscitaient les nouvelles technologies et les avanc&eacute;es de la m&eacute;canisation&nbsp;; et elles repr&eacute;sentaient &laquo;&nbsp;l&rsquo;affirmation de l&rsquo;ind&eacute;pendance virile&nbsp;<a href="#_ftn34" name="_ftnref34">[34]</a>&nbsp;&raquo; de l&rsquo;homme blanc am&eacute;ricain et son pouvoir sur les autres et les choses. &Agrave; cette &eacute;poque les Am&eacute;riques &eacute;taient donc pour Cendrars &ndash; et nous pouvons lui&nbsp;adjoindre Le Corbusier &ndash; la terre o&ugrave; &laquo;&nbsp;les hommes d&rsquo;action, optimistes et s&ucirc;rs d&rsquo;eux-m&ecirc;mes, savent prendre des risques et r&eacute;ussir&nbsp;<a href="#_ftn35" name="_ftnref35">[35]</a>&nbsp;&raquo; alors qu&rsquo;ils &laquo;&nbsp;marchent, pensent et agissent en droite ligne&nbsp;<a href="#_ftn36" name="_ftnref36">[36]</a>&nbsp;&raquo;, selon les mots de Bozon-Scalzitti. Il est tentant de rapprocher les mots de Cendrars de ceux de Le Corbusier &agrave; la m&ecirc;me &eacute;poque. Et l&rsquo;un des exemples les plus int&eacute;ressants est sans doute la pr&eacute;publication de Cendrars sous le titre &laquo;&nbsp;Le Principe de l&rsquo;utilit&eacute;&nbsp;&raquo; d&rsquo;un texte qui devint ensuite &laquo;&nbsp;Nos randonn&eacute;es en Am&eacute;rique&raquo;, de <em>Moravagine&nbsp;</em><a href="#_ftn37" name="_ftnref37">[37]</a>, que l&rsquo;auteur commenta aussi dans sa conf&eacute;rence&nbsp;<a href="#_ftn38" name="_ftnref38">[38]</a> de 1924 &agrave; S&atilde;o Paulo&nbsp;<a href="#_ftn39" name="_ftnref39">[39]</a>. A la diff&eacute;rence de Cendrars, Le Corbusier construisit un discours o&ugrave; la notion d&rsquo;utilit&eacute; le c&egrave;de &agrave; celle de beaut&eacute;, ce qu&rsquo;il d&eacute;veloppa de la mani&egrave;re la plus &eacute;vidente dans <em>D&eacute;fense de l&rsquo;architecture&nbsp;</em><a href="#_ftn40" name="_ftnref40">[40]</a>&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">La fonction beaut&eacute; est ind&eacute;pendante de la fonction utilit&eacute;&nbsp;; ce sont deux choses. Ce qui est d&eacute;plaisant &agrave; l&rsquo;esprit, c&rsquo;est le gaspillage&nbsp;; car le gaspillage est b&ecirc;te&nbsp;; c&rsquo;est pour cela que l&rsquo;utile nous pla&icirc;t. Mais l&rsquo;utile n&rsquo;est pas le beau.&nbsp;&raquo; Si nous quittons le plan plastique pour rechercher les effets de la SACHLICHKEIT dans les bienfaits du confort ‒ en l&rsquo;occurrence, pour voir &agrave; quel degr&eacute; nous sommes satisfaits par les progr&egrave;s du machinisme ‒ je puis raisonner ainsi&nbsp;: le luxe m&eacute;canique n&rsquo;est pas fonction directe du bonheur. Voyez les riches qui poss&egrave;dent tout&nbsp;: ils y sont automatiquement adapt&eacute;s&nbsp;; ils ne ressentent aucune joie de ce c&ocirc;t&eacute;-l&agrave;. [&hellip;] En ce qui me concerne, je suis personnellement priv&eacute; de tout confort. Mais je cr&eacute;e et je suis parfaitement heureux. J&rsquo;appr&eacute;cie d&rsquo;autant ce bonheur et suis d&rsquo;autant moins tent&eacute; par tout autre que, charri&eacute; par la vie pendant bien longtemps, j&rsquo;en ai &eacute;t&eacute; durement priv&eacute;. Si l&rsquo;adaptation aux bienfaits de la machine est automatique, et, par-l&agrave;, les joies qu&rsquo;elle procure, &eacute;ph&eacute;m&egrave;res, l&rsquo;accession aux bonheurs spirituels est permanente et particuli&egrave;rement ceux que nous devons &agrave; l&rsquo;harmonie&nbsp;<a href="#_ftn41" name="_ftnref41">[41]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Quoique divergeant parfois sur certains th&egrave;mes d&rsquo;actualit&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn42" name="_ftnref42">[42]</a>, le po&egrave;te et l&rsquo;architecte se saisirent des id&eacute;es de machine et de fonctionnalit&eacute;, d&eacute;cisives dans leurs essais, pour red&eacute;finir leurs conceptions de la beaut&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;poque contemporaine. Produit le plus c&eacute;l&egrave;bre de leur &eacute;poque, l&rsquo;essor de la machine suscitait la controverse. Ancr&eacute;e dans la pr&eacute;cision et la rigueur, la machine, telle que la concevaient Cendrars et Le Corbusier, ne serait abord&eacute;e ni dans l&rsquo;euphorie, ni par des attaques aveugles, mais int&eacute;gr&eacute;e, ou m&ecirc;me investie de sens d&rsquo;une toute nouvelle mani&egrave;re dans plusieurs domaines comprenant la litt&eacute;rature, les arts et l&rsquo;architecture. Cendrars, toutefois, alla plus loin dans son essai en liant de tels &laquo;&nbsp;principes d&rsquo;utilit&eacute;&nbsp;&raquo; &agrave; une vision de l&rsquo;Am&eacute;riques.</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Le berceau des hommes d&rsquo;aujourd&rsquo;hui est dans l&rsquo;Am&eacute;rique centrale, et plus particuli&egrave;rement sur les rives de l&rsquo;Amazone. [&hellip;] Et la marche actuelle de la civilisation, de l&rsquo;est &agrave; l&rsquo;ouest [&hellip;] n&rsquo;est qu&rsquo;un retour aux origines.</p> <p style="text-align: justify;">[&hellip;] &Agrave; cette nouvelle, les vieux peuples des cath&eacute;drales, les vieux pays d&rsquo;Europe se r&eacute;veillent [&hellip;] De l&rsquo;autre c&ocirc;t&eacute; des mers, des pays tout neufs, dont chacun est plus grand que plusieurs pays d&rsquo;Europe et dont plusieurs sont plus vastes que l&rsquo;Europe tout enti&egrave;re, renoncent, d&eacute;&ccedil;us, aux formules &eacute;triqu&eacute;es du vieux monde.</p> <p style="text-align: justify;">[&hellip;] Dans ce d&eacute;sordre apparent une forme de soci&eacute;t&eacute; humaine s&rsquo;impose et domine le tumulte. Elle travaille, elle cr&eacute;e. Elle transforme toutes les valeurs en pratiquant le krach et le boom. [&hellip;] C&rsquo;est une force formidable qui aujourd&rsquo;hui &eacute;treint le monde entier, et le fa&ccedil;onne, et le p&eacute;trit. C&rsquo;est la grande industrie moderne &agrave; forme capitaliste. Une soci&eacute;t&eacute; anonyme. Elle n&rsquo;a eu recours qu&rsquo;au principe de l&rsquo;utilit&eacute; pour donner aux peuples innombrables de la terre l&rsquo;illusion de la parfaite d&eacute;mocratie, du bonheur, de l&rsquo;&eacute;galit&eacute; et du confort. On construit des ports angulaires, des routes en palier, des villes g&eacute;om&eacute;triques&nbsp;<a href="#_ftn43" name="_ftnref43">[43]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Les sp&eacute;cialistes de Cendrars s&rsquo;accordent &agrave; dire que <em>Moravagine</em> a &eacute;t&eacute; &eacute;crit &agrave; des &eacute;poques diverses et en des lieux diff&eacute;rents. Une part importante du livre prit effectivement forme alors que l&rsquo;auteur traversait l&rsquo;Atlantique en 1924. Cependant, l&rsquo;autre roman &eacute;crit au retour de ce m&ecirc;me voyage, pr&eacute;sent dans la biblioth&egrave;que de Le Corbusier, <em>L&rsquo;Or</em>, d&eacute;voile l&rsquo;affinit&eacute; de Cendrars avec l&rsquo;histoire dramatique des aventures du g&eacute;n&eacute;ral Suter, un Suisse en qu&ecirc;te de fortune au-del&agrave; des mers. Cet homme de trente-et-un ans &laquo;&nbsp;abandonne sa femme et quatre enfants&nbsp;&raquo;, traverse les Alpes, atteint le port du Havre, prend la mer pour la ville des immigrants, New York, traverse d&eacute;serts et fleuves en caravane vers le Far-West californien, construit un &laquo;&nbsp;empire dor&eacute;&nbsp;&raquo; et fonde la colonie de la &laquo;&nbsp;Nouvelle-Helv&eacute;tie&nbsp;&raquo;, pour finir affaibli et banqueroutier. <em>L&rsquo;Or</em> est bien plus que le portrait d&rsquo;un compatriote du milieu du dix-neuvi&egrave;me si&egrave;cle&nbsp;; il implique le lecteur dans une histoire entre fiction et r&eacute;alit&eacute; qui ne se confine pas &agrave; la description &eacute;tendue et pr&eacute;cise de villes comme New York mais expose &eacute;galement les espoirs et les mis&egrave;res qui sont au c&oelig;ur de l&rsquo;imaginaire collectif europ&eacute;en du d&eacute;but des ann&eacute;es 1920.</p> <p style="text-align: justify;">Bien que les deux romans incluent des descriptions des &Eacute;tats-Unis, Cendrars, &agrave; l&rsquo;&eacute;poque, d&eacute;couvrait d&rsquo;autres contr&eacute;es d&rsquo;Am&eacute;rique, plus particuli&egrave;rement le Br&eacute;sil&nbsp;; et l&rsquo;impact de cette rencontre semble avoir produit quelque &eacute;cho dans la mani&egrave;re dont il appr&eacute;henda le Nouveau Monde. Les Am&eacute;riques, dans les textes de Cendrars, ne signifiaient plus la d&eacute;ception&nbsp;; pour lui, elles &eacute;taient devenues aussi un lieu d&rsquo;esp&eacute;rance, de r&eacute;alisation et d&rsquo;action. Face &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre de Le Corbusier, l&rsquo;&eacute;criture de Cendrars ne d&eacute;voile plus seulement une Europe d&eacute;cadente en crise dans la seconde moiti&eacute; des ann&eacute;es 1920 mais bien l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;un avenir au-del&agrave; des mers, lieu de perspectives et de conqu&ecirc;tes. En ce sens, le fait que Cendrars lie le &laquo;&nbsp;r&ecirc;ve de faire fortune&nbsp;&raquo; au nouveau continent ne peut sembler accidentel, comme il en est question dans <em>L&rsquo;Or</em>, et comme l&rsquo;indique la gen&egrave;se de Planaltina au Br&eacute;sil, qui fut annonc&eacute;e durant les p&eacute;r&eacute;grinations du po&egrave;te dans ce pays. Cendrars offrit un exemplaire de <em>L&rsquo;Or</em> &agrave; son ami, le jeune Le Corbusier, en 1926, et sur la page de titre il inscrivit &agrave; l&rsquo;intention de l&rsquo;architecte des mots explicites d&rsquo;encouragement et d&rsquo;optimisme <a href="#_ftn44" name="_ftnref44">[44]</a>.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="4Nouvelle_cartographie_des_villes_americaines_le_projet_de_construction_de_Planaltina"><strong>4.&nbsp;Nouvelle cartographie des villes am&eacute;ricaines&nbsp;: le projet de construction de Planaltina</strong></span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Planaltina &eacute;tait une &laquo;&nbsp;ville d&rsquo;un million d&rsquo;&acirc;mes&nbsp;<a href="#_ftn45" name="_ftnref45">[45]</a>&nbsp;&raquo; et &eacute;tait encore une &laquo;&nbsp;zone vierge&nbsp;<a href="#_ftn46" name="_ftnref46">[46]</a>&nbsp;&raquo; : tels &eacute;taient les mots de Cendrars, enthousiaste &agrave; l&rsquo;id&eacute;e de la construction de cette ville nouvelle au Br&eacute;sil&nbsp;<a href="#_ftn47" name="_ftnref47">[47]</a>. L&rsquo;architecte de <em>Moravagine</em> tenta d&rsquo;attirer l&rsquo;attention de son ami sur le projet Planaltina parce que ce n&rsquo;&eacute;tait pas un projet ordinaire d&rsquo;urbanisme ultramarin. C&rsquo;&eacute;tait sur cette terre, tr&egrave;s loin apparemment de l&rsquo;horizon de Le Corbusier, que le r&ecirc;ve d&rsquo;une nouvelle capitale f&eacute;d&eacute;rale telle qu&rsquo;elle &eacute;tait &laquo;&nbsp;pr&eacute;vue dans la Constitution&nbsp;<a href="#_ftn48" name="_ftnref48">[48]</a>&nbsp;&raquo; devait se r&eacute;aliser.</p> <p style="text-align: justify;">Le projet de transfert de la capitale vers l&rsquo;int&eacute;rieur du Br&eacute;sil, sur une proposition initiale de Jos&eacute; Bonif&aacute;cio de Andrada e Silva en 1823 faite un an apr&egrave;s que le Br&eacute;sil avait arrach&eacute; son ind&eacute;pendance au Portugal, fut enterr&eacute; plusieurs fois pendant le dix-neuvi&egrave;me si&egrave;cle et jusqu&rsquo;au d&eacute;but du vingti&egrave;me si&egrave;cle&nbsp;<a href="#_ftn49" name="_ftnref49">[49]</a>. Le projet de la nouvelle capitale r&eacute;int&eacute;gra l&rsquo;agenda politique br&eacute;silien au d&eacute;but des ann&eacute;es 1920. Le 7 septembre 1922, centenaire de l&rsquo;ind&eacute;pendance du Br&eacute;sil, fut pos&eacute;e la premi&egrave;re pierre, t&eacute;moignant que le r&ecirc;ve de la future capitale allait devenir r&eacute;alit&eacute;. Cette nouvelle ne passa pas inaper&ccedil;ue de Cendrars, dont le regard &eacute;tait tourn&eacute; vers le continent am&eacute;ricain, particuli&egrave;rement apr&egrave;s 1923, l&rsquo;ann&eacute;e o&ugrave; le po&egrave;te fit la connaissance du cercle politique et artistique br&eacute;silien &agrave; Paris.</p> <p style="text-align: justify;">Le <em>frisson</em> du projet Planaltina n&rsquo;a pas &eacute;t&eacute; seulement &eacute;voqu&eacute; dans la correspondance de Cendrars, mais &eacute;galement dans d&rsquo;autres documents, comme sur la couverture du roman <em>L&rsquo;Or</em>, offert en 1926 par le po&egrave;te &agrave; l&rsquo;architecte&nbsp;<a href="#_ftn50" name="_ftnref50">[50]</a>. &laquo;&nbsp;[L]e r&ecirc;ve de Planaltina &raquo; est de nouveau &eacute;voqu&eacute; cette fois dans une lettre de Le Corbusier &agrave; Paulo Prado, l&rsquo;ami Pauliste, qui parraina les voyages de Cendrars au Br&eacute;sil, et qui promut aussi le s&eacute;jour de Le Corbusier au Br&eacute;sil&nbsp;<a href="#_ftn51" name="_ftnref51">[51]</a>. &Eacute;crite en juillet 1929, c&rsquo;est-&agrave;-dire trois ans apr&egrave;s que Cendrars mentionne pour la premi&egrave;re fois les plans br&eacute;siliens d&rsquo;une nouvelle capitale, la lettre ne laisse aucun doute sur le grand int&eacute;r&ecirc;t de Le Corbusier pour ces nouvelles terres. En fait, le po&egrave;te et l&rsquo;architecte &eacute;taient tous deux obs&eacute;d&eacute;s par l&rsquo;id&eacute;e de la construction de Planaltina. L&rsquo;occasion se pr&eacute;sentait effectivement d&rsquo;appliquer de nouvelles id&eacute;es au Nouveau Monde. En d&eacute;pit de leur engagement, l&rsquo;id&eacute;e ne rencontra pas les r&eacute;sultats escompt&eacute;s. Cependant, le chemin &eacute;tait pav&eacute; pour de nouvelles avenues, avec en perspective des int&eacute;r&ecirc;ts neufs pour Le Corbusier, et leur impact sera visible dans le discours qui suit imm&eacute;diatement son s&eacute;jour br&eacute;silien, notamment dans la publication de <em>Pr&eacute;cisions sur un &eacute;tat pr&eacute;sent de l&rsquo;architecture et de l&rsquo;urbanisme</em> de 1930. &Agrave; travers les lettres &agrave; Le Corbusier qui nous restent, &eacute;crites au milieu des ann&eacute;es 1920, on sent &agrave; ses mots que Cendrars est rempli d&rsquo;excitation &agrave; propos du Br&eacute;sil et des possibilit&eacute;s nouvelles qu&rsquo;il est susceptible d&rsquo;offrir aux deux globetrotters&nbsp;<a href="#_ftn52" name="_ftnref52">[52]</a>. Le 26 juillet 1926, Cendrars encourage une fois de plus son ami &agrave; s&rsquo;informer des projets en cours de l&rsquo;autre c&ocirc;t&eacute; de l&rsquo;Atlantique. Cependant, comme Margareth da Silva Pereira&nbsp;<a href="#_ftn53" name="_ftnref53">[53]</a> l&rsquo;a montr&eacute;, ce n&rsquo;est pas avant la fin des ann&eacute;es 1920, au moment o&ugrave; des opportunit&eacute;s particuli&egrave;res de construire en Am&eacute;rique se pr&eacute;sent&egrave;rent &agrave; Le Corbusier, que l&rsquo;architecte daignera consid&eacute;rer avec int&eacute;r&ecirc;t l&rsquo;aide de son ami, le po&egrave;te :</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Alors, votre amiti&eacute; me managerait-elle au pays du caf&eacute;? c-&agrave;-d pourriez-vous en &eacute;crire utilement l&agrave;-bas, obtenir un engagement, + des conditions (je veux dire&nbsp;: la peine du d&eacute;rangement!) [&hellip;]</p> <p style="text-align: justify;">Pour Buenos-Ayres, on m&rsquo;attend en ao&ucirc;t-septembre voyage&nbsp;: pour mes aises, dites-moi donc quel paquebot, quelle ligne et en deux mots, comment on peut s&rsquo;&eacute;baudir sur la maison flottante.</p> <p style="text-align: justify;">Voil&agrave; ! Et merci de tout c&oelig;ur</p> <p style="text-align: justify;">un type de Oklahoma City USA, nous demande des plans de maisons de s&eacute;rie et demande &ldquo;pour quelle somme on pourrait n&eacute;gocier avec nous&rdquo;? Dites-moi donc combien nous valons l&agrave;-bas.</p> <p style="text-align: justify;">Amiti&eacute;s Ch.E. Jeanneret&nbsp;<a href="#_ftn54" name="_ftnref54">[54]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Satisfaisant aux requ&ecirc;tes de Le Corbusier, Cendrars s&rsquo;engagea promptement &agrave; contacter ses relations afin d&rsquo;organiser des conf&eacute;rences pour l&rsquo;architecte &agrave; S&atilde;o Paulo et Rio, de sorte qu&rsquo;il puisse &ecirc;tre pr&eacute;sent&eacute; au maire de Rio de Janeiro, lequel formait des plans pour la reconstruction de la ville&nbsp;<a href="#_ftn55" name="_ftnref55">[55]</a>. En fait, tout en &eacute;largissant le r&eacute;seau de Le Corbusier au-del&agrave; des mers, la relation entre les deux protagonistes va plus loin que la simple fr&eacute;quentation des m&ecirc;mes cercles sociaux. Plusieurs des pratiques de Cendrars &minus; en tant qu&rsquo;ami, voyageur et po&egrave;te, naturellement &minus; contribu&egrave;rent largement &agrave; former les id&eacute;es de Le Corbusier sur le Br&eacute;sil, pays qui s&rsquo;av&eacute;ra central dans l&rsquo;agenda du parcours am&eacute;ricain de l&rsquo;architecte.</p> <h2 style="text-align: justify;"><strong>5. G&eacute;ographies revisit&eacute;es&nbsp;: les Am&eacute;riques de Cendrars deviennent les Am&eacute;riques de Le Corbusier</strong><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Lors de ses p&eacute;riples dans les Am&eacute;riques tropicales, Cendrars d&eacute;couvrit S&atilde;o Paulo en voiture et visita les centres historiques des villes mini&egrave;res du Minas Gerais, par exemple, o&ugrave; il trouva une grande concentration des plus remarquables &eacute;glises baroques br&eacute;siliennes, des b&acirc;timents et des squares &eacute;galement, tandis qu&rsquo;&agrave; Rio, il participa aux parades du carnaval et, tout comme Le Corbusier en d&eacute;cembre 1929, fr&eacute;quenta la boh&egrave;me des cercles de samba et s&rsquo;&eacute;gara dans les collines des bidonvilles de Rio, surtout le <em>morro da favela&nbsp;</em><a href="#_ftn56" name="_ftnref56">[56]</a>. Le po&egrave;te fut profond&eacute;ment impressionn&eacute; par ces excursions, le Br&eacute;sil devenant une source tr&egrave;s vive d&rsquo;inspiration pour ses po&egrave;mes de <em>Feuilles de route</em>, de <em>Sud-Am&eacute;ricaines</em> et de nombreux textes de prose pour toutes les ann&eacute;es &agrave; venir, comme le notent bon nombre de chercheurs&nbsp;<a href="#_ftn57" name="_ftnref57">[57]</a>. Le cr&eacute;ateur de <em>L&rsquo;Or</em> continuera &agrave; &eacute;crire, non seulement des ouvrages sur des histoires et des &laquo;&nbsp;h&eacute;ros br&eacute;siliens&nbsp;&raquo;, par exemple sur l&rsquo;artiste baroque Aleijadinho ou m&ecirc;me sur le carioca prisonnier Febr&ocirc;nio &Iacute;ndio do Brasil, mais aussi &agrave; travailler sur un projet de film sur le Br&eacute;sil.</p> <p style="text-align: justify;">Dans <em>Moravagine</em>, en 1926, il fait de l&rsquo;Am&eacute;rique du Sud la terre originelle de l&rsquo;humanit&eacute;&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Le berceau des hommes d&rsquo;aujourd&rsquo;hui est dans l&rsquo;Am&eacute;rique centrale et plus particuli&egrave;rement sur les rives de l&rsquo;Amazone. [&hellip;] les shellheaps qui jalonnent toute la c&ocirc;te de l&rsquo;Atlantique, les paraderos argentins, les sambaquis br&eacute;siliens sont l&agrave; pour l&rsquo;attester. Ces &eacute;normes accumulations de d&eacute;bris, amas de coquilles, d&rsquo;ar&ecirc;tes de poissons, d&rsquo;os d&rsquo;oiseaux et de mammif&egrave;res, hauts comme des montagnes, prouvent que des groupes humains tr&egrave;s nombreux ont v&eacute;cu l&agrave; de tr&egrave;s bonne heure, bien avant les dates historiques&hellip; Et la marche actuelle de la civilisation, de l&rsquo;est &agrave; l&rsquo;ouest, de l&rsquo;orient vers l&rsquo;occident, n&rsquo;est qu&rsquo;un retour aux origines&nbsp;<a href="#_ftn58" name="_ftnref58">[58]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Plusieurs des ouvrages de Cendrars pr&eacute;sents dans les dossiers de Le Corbusier &minus; publi&eacute;s dans les ann&eacute;es 1920 (et identifi&eacute;s comme &eacute;tant ceux que Le Corbusier avait re&ccedil;us ou acquis &agrave; cette &eacute;poque) &minus; sont impr&eacute;gn&eacute;s de l&rsquo;exp&eacute;rience personnelle des tropiques de son ami Cendrars, comme de beaucoup d&rsquo;autres exp&eacute;riences tir&eacute;es de ses voyages. Il est tentant d&rsquo;avancer que l&rsquo;appel de Cendrars &agrave; se tourner vers les Am&eacute;riques, qui sont pour lui le &laquo;&nbsp;berceau des hommes&nbsp;<a href="#_ftn59" name="_ftnref59">[59]</a>&nbsp;&raquo; &minus; puisse avoir touch&eacute; Le Corbusier :</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Et voici &agrave; quoi je pensais dans la for&ecirc;t de la San Martino, &agrave; douze heures d&rsquo;express vers le centre du Br&eacute;sil&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il faut savoir &ecirc;tre en &eacute;tat de jugement, toujours. Vous &ecirc;tes aux tropiques du Br&eacute;sil, &agrave; la Pampa argentine, &agrave; Asuncion des Indiens, etc. [&hellip;] Expliquons-nous&nbsp;: Tout est conforme aux livres, aux r&eacute;cits de notre enfance&nbsp;: la for&ecirc;t vierge, la Pampa. [&hellip;] Il y a des jaguars&nbsp;: notre compagnon en a tir&eacute; un il y a huit jours&nbsp;; mais on n&rsquo;en voit pas! Il y a des serpents immenses [&hellip;] L&rsquo;&eacute;tang est plein de crocodiles [&hellip;] La for&ecirc;t est silencieuse, immobile, touffue, imp&eacute;n&eacute;trable, peut-&ecirc;tre mena&ccedil;ante. [&hellip;] Tout est dans la for&ecirc;t d&rsquo;Am&eacute;rique, mais on ne voit rien&nbsp;<a href="#_ftn60" name="_ftnref60">[60]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Cendrars pense en outre que les &eacute;l&eacute;ments organiques comme les os, coquillages et autres objets naturels sont en fait la preuve arch&eacute;ologique que tout provient en dernier ressort de la r&eacute;gion du fleuve Amazone. Lecteur de <em>Moravagine</em>, Le Corbusier est susceptible d&rsquo;avoir remarqu&eacute; l&rsquo;extrait cit&eacute; plus haut, or nous savons que, quelques ann&eacute;es plus tard, il se mit &agrave; collectionner pr&eacute;cis&eacute;ment ces types de d&eacute;bris et restes que l&rsquo;on trouve dans la nature, qu&rsquo;il qualifiait d&rsquo;&laquo;&nbsp;objets &agrave; r&eacute;action po&eacute;tique&nbsp;<a href="#_ftn61" name="_ftnref61">[61]</a>&nbsp;&raquo; et reconnaissait comme sources d&rsquo;inspiration de ses peintures, de ses &eacute;crits et de son design. Cendrars publia deux textes dans les ann&eacute;es 1920 qui, en d&eacute;pit de leur absence dans la biblioth&egrave;que de l&rsquo;architecte, furent tr&egrave;s probablement connus de Le Corbusier. Il s&rsquo;agit du po&egrave;me <em>Une nuit dans la for&ecirc;t</em> (1929) et du recueil <em>Feuilles de route</em> (1924), dans lequel figurent des illustrations de Tarsila do Amaral&nbsp;<a href="#_ftn62" name="_ftnref62">[62]</a>&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Depuis, j&rsquo;ai entendu de lui des histoires am&eacute;ricaines, des histoires du Br&eacute;sil, des histoires de serpents de quinze m&egrave;tres de long, de crocodiles, de fleurs dangereuses, etc&hellip; Cendrars n&rsquo;a jamais manqu&eacute; d&rsquo;id&eacute;es. Il avait le don de la mat&eacute;rialit&eacute; des faits &eacute;motionnels&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le crocodile &eacute;tait l&agrave;&nbsp;; j&rsquo;&eacute;tais au bord de l&rsquo;&eacute;tang avec mon fusil. Je fais un mouvement&nbsp;; le crocodile plonge, s&rsquo;enfonce dans la rivi&egrave;re. J&rsquo;en fais autant. Je le trouve au fond de l&rsquo;eau. Je le tue net d&rsquo;une balle&hellip;&nbsp;&raquo; Et pourquoi pas&nbsp;! Il n&rsquo;y a pas de type qui ait imagin&eacute; plus d&rsquo;histoires solidement assises sur la fiction, mais cette fiction &eacute;tait toujours humaine, plausible, tr&eacute;pidante de vie, empoignante. Et Cendrars est devenu l&rsquo;un des chefs de la litt&eacute;rature contemporaine. Plus que cela, un ma&icirc;tre de la pens&eacute;e. Plus que cela, un incitateur &agrave; l&rsquo;action&nbsp;<a href="#_ftn63" name="_ftnref63">[63]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Les repr&eacute;sentations cendrarsiennes des tropiques et des Am&eacute;riques &eacute;taient assez diff&eacute;rentes du lieu imaginaire qu&rsquo;avaient construit les artistes europ&eacute;ens durant le dix-neuvi&egrave;me si&egrave;cle et au d&eacute;but du vingti&egrave;me si&egrave;cle. Cependant, des villes comme Rio de Janeiro et S&atilde;o Paulo ne semblaient plus si &eacute;loign&eacute;es des villes europ&eacute;ennes dont il &eacute;tait familier, comme Paris, Nice ou Londres. Au contraire, en d&eacute;pit de sa localisation g&eacute;ographique &agrave; des milliers de kilom&egrave;tres de l&rsquo;Europe, S&atilde;o Paulo semblait moins distante que La Chaux-de-Fonds, comme Cendrars l&rsquo;indique lui-m&ecirc;me dans <em>Feuilles de route</em>.</p> <p style="text-align: justify;">Dans ses r&eacute;cits, Cendrars ne parle pas d&rsquo;un Br&eacute;sil exotique, primitif et sauvage, mais plut&ocirc;t d&rsquo;une terre plurielle, complexe et urbaine prise dans un constant processus de changement. Dans <em>Feuilles de Route</em>, Cendrars ne faisait pas r&eacute;ellement de distinction entre les Am&eacute;riques et le Br&eacute;sil, pr&eacute;cis&eacute;ment parce que, pour lui, ces deux mots repr&eacute;sentaient cette partie du Nouveau Monde o&ugrave; il pensait avoir v&eacute;cu ses exp&eacute;riences les plus significatives. &nbsp;Pour le po&egrave;te, les Am&eacute;riques ne se distinguaient pas des notions de beaut&eacute;, d&rsquo;utilit&eacute; et de modernit&eacute;. La question demeure&nbsp;: pourrait-on soutenir que la repr&eacute;sentation cendrarsienne du Nouveau Monde a exerc&eacute; une influence sur Le Corbusier&nbsp;? Une fois de plus on peut trouver dans <em>Pr&eacute;cisions</em>&nbsp;une r&eacute;ponse &eacute;clairante. D&egrave;s le premier chapitre du &laquo;&nbsp;Prologue am&eacute;ricain&nbsp;&raquo;, Le Corbusier r&eacute;v&egrave;le sa familiarit&eacute; avec le vocabulaire puis&eacute; dans les r&eacute;cits de voyage de Cendrars, autour d&rsquo;une vie errante, de la nostalgie poignante de la vie dangereuse et de la fascination pour la question de l&rsquo;autre. Comme l&rsquo;a montr&eacute; Christine Le Quellec Cottier, la publication d&rsquo;<em>&Eacute;<span style="font-style: normal !msorm;">loge de la vie dangereuse</span></em> en 1926 avec les confidences d&rsquo;un assassin &laquo;&nbsp;pr&eacute;figure la fascination de Cendrars&nbsp;<a href="#_ftn64" name="_ftnref64">[64]</a>&nbsp;&raquo; pour le criminel afro-br&eacute;silien et indien Febr&ocirc;nio, dont la biographie et les crimes ont paru dans les journaux br&eacute;siliens en 1927&nbsp;<a href="#_ftn65" name="_ftnref65">[65]</a>, et &laquo;&nbsp;dont l&rsquo;histoire para&icirc;tra dans le recueil <span style="font-style: normal !msorm;"><em>La Vie dangereuse</em></span>, en 1938&nbsp;<a href="#_ftn66" name="_ftnref66">[66]</a>&nbsp;&raquo;. Si l&rsquo;on regarde les termes employ&eacute;s par Le Corbusier sur les &laquo;&nbsp;<em>favellas</em>&nbsp;des noirs&nbsp;<a href="#_ftn67" name="_ftnref67">[67]</a>&raquo;, d&eacute;crites dans le chapitre conclusif du livre, la proximit&eacute; de la description avec, par exemple, la nouvelle consacr&eacute;e &agrave; Febr&ocirc;nio dans <em>La</em> <span style="font-style: normal !msorm;"><em>Vie dangereuse</em></span> semble r&eacute;v&eacute;ler des croisements d&rsquo;influences r&eacute;ciproques entre l&rsquo;architecte et le po&egrave;te&nbsp;<a href="#_ftn68" name="_ftnref68">[68]</a>&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Quand on a escalad&eacute; les &laquo;&nbsp;Favellas&nbsp;&raquo; des n&egrave;gres, les collines tr&egrave;s hautes et tr&egrave;s raides o&ugrave; ils ont accroch&eacute; leurs maisons de bois et de torchis peintes en couleurs sonnantes, comme s&rsquo;accrochent les moules aux enrochements du port&nbsp;: &minus;&nbsp;les n&egrave;gres sont propres et de stature magnifique, les n&eacute;gresses sont v&ecirc;tues de calicot blanc toujours frais lav&eacute;&nbsp;; il n&rsquo;y a ni rues, ni chemins, c&rsquo;est trop raide, mais des sentiers qui sont autant le torrent que l&rsquo;&eacute;gout&nbsp;; il s&rsquo;y d&eacute;veloppe des sc&egrave;nes de vie populaire anim&eacute;es d&rsquo;une si magistrale dignit&eacute; qu&rsquo;une &eacute;cole de grande peinture de genre trouverait &agrave; Rio des destin&eacute;es tr&egrave;s hautes&nbsp;; le n&egrave;gre a sa maison presque toujours &agrave; pic, juch&eacute;e sur des pilotis au-devant, la porte &eacute;tant derri&egrave;re, du c&ocirc;t&eacute; de la colline&nbsp;; du haut des &laquo;&nbsp;Favellas&nbsp;&raquo; on voit toujours la mer, les rades, les ports, les &icirc;les, l&rsquo;oc&eacute;an, les montagnes, les estuaires&nbsp;; le n&egrave;gre voit tout cela&nbsp;; le vent r&egrave;gne, utile sous les tropiques&nbsp;; une fiert&eacute; est dans l&rsquo;&oelig;il du n&egrave;gre qui voit tout &ccedil;a&nbsp;; l&rsquo;&oelig;il de l&rsquo;homme qui voit de vastes horizons est plus hautain&nbsp;; les vastes horizons conf&egrave;rent de la dignit&eacute;&nbsp;; c&rsquo;est une r&eacute;flexion d&rsquo;urbaniste&nbsp;<a href="#_ftn69" name="_ftnref69">[69]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Ces Am&eacute;riques que repr&eacute;sente Le Corbusier n&rsquo;&eacute;taient pas celles o&ugrave; technocratie et fonctionnalisme exer&ccedil;aient le pouvoir d&rsquo;une &eacute;conomie virile, mais celles d&rsquo;autres complexit&eacute;s, d&rsquo;autres possibilit&eacute;s. Elles &eacute;taient associ&eacute;es &agrave; l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;utopie, avec romantisme et na&iuml;vet&eacute; certes, sans aucune intention de contester le discours eurocentriste oppressant construit durant des si&egrave;cles mais plut&ocirc;t en lien avec une notion de modernit&eacute; partag&eacute;e par un groupe d&rsquo;individus qui laissaient le champ libre &agrave; la cr&eacute;ation et au dialogue entre les deux continents.</p> <p style="text-align: justify;">Le po&egrave;te, qui tendait toujours sa <em>main amie</em> en fin de lettre, et l&rsquo;architecte, qui traduisit ult&eacute;rieurement ce geste fraternel en architecture quand il construisit <em>La Main ouverte</em> sous l&rsquo;Himalaya&nbsp;<a href="#_ftn70" name="_ftnref70">[70]</a> &minus;la principale sculpture du grand projet urbain de Le Corbusier pour la capitale de l&rsquo;&Eacute;tat indien du Pendjab&minus; pratiquaient tous deux les &laquo;&nbsp;voyages utiles&nbsp;&raquo;. Ils voyageaient &agrave; travers les livres, les villes et les paysages. Ils &eacute;taient les vagabonds et les usagers des avanc&eacute;es technologiques de leur temps&nbsp;: la voiture, le train, le paquebot et l&rsquo;avion. Cependant ils &eacute;taient loin d&rsquo;&ecirc;tre compl&egrave;tement fonctionnalistes. Hommes de l&rsquo;&acirc;ge de la m&eacute;canisation et de l&rsquo;urbanisation, ces deux artistes se sont reconnus le devoir de cr&eacute;er &agrave; partir de l&rsquo;homme et pour l&rsquo;homme. En d&eacute;pit de leurs diff&eacute;rences, Cendrars et Le Corbusier partageaient, non seulement une grande et forte affection, mais aussi la vision de nouveaux mondes possibles.</p> <p style="text-align: justify;">Le nom &laquo;&nbsp;Utopialand&nbsp;&raquo;, titre d&rsquo;un chapitre d&eacute;di&eacute; &agrave; Le Corbusier de <em>Trop c&rsquo;est trop</em>, publi&eacute; en janvier 1957, &agrave; la fin de la vie de Cendrars, semble parfaitement d&eacute;finir cet espace d&rsquo;&eacute;change, d&rsquo;exploration commune et d&rsquo;aventure continue entre les deux hommes. L&rsquo;expression <em>Utopia + land</em> n&rsquo;ob&eacute;it pas &agrave; une construction arbitraire. Cendrars manifestait-il une certaine admiration &agrave; son ami, &laquo;&nbsp;ce tr&egrave;s gentil gar&ccedil;on mais [&hellip;]&nbsp;doctrinaire dans son m&eacute;tier&nbsp;<a href="#_ftn71" name="_ftnref71">[71]</a>&nbsp;&raquo;, en accordant que les utopies en faveur d&rsquo;un environnement urbanis&eacute; ne sauraient &ecirc;tre arr&ecirc;t&eacute;es d&egrave;s lors que quelqu&rsquo;un de d&eacute;termin&eacute; voulait poursuivre son r&ecirc;ve&nbsp;? ‒ Sans doute. Le po&egrave;te semble ainsi indiquer que lui aussi avait pris le&ccedil;on de son ami architecte.</p> <p style="text-align: right;"><em>Traduit de l&rsquo;anglais par&nbsp;G&eacute;rard P&eacute;corari</em></p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h3> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a> Je suis reconnaissante &agrave; Claude Leroy de m&rsquo;avoir pr&eacute;sent&eacute;e aux chercheurs cendrarsiens notamment ceux qui sont associ&eacute;s au Centre d&rsquo;&eacute;tudes Blaise Cendrars et aux Archives Cendrars de la Biblioth&egrave;que Nationale Suisse &agrave; Berne. Leur enthousiasme et leur d&eacute;vouement au service de la construction de nouvelles approches des &eacute;tudes biographiques et po&eacute;tiques de Cendrars est admirable. Je voudrais en particulier remercier Marie-Th&eacute;r&egrave;se Lathion et Vincent Yersin pour avoir guid&eacute; avec g&eacute;n&eacute;rosit&eacute; mon exploration des archives et Christine Le Quellec Cottier ainsi que Marie-Paule Berranger pour leur invitation &agrave; leur journ&eacute;e d&rsquo;&eacute;tudes autour de la correspondance de Cendrars et pour les commentaires qu&rsquo;elles m&rsquo;ont prodigu&eacute;s.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a> Un article int&eacute;ressant de Bruno Reichlin a nourri la question du mouvement moderniste et de la notion de fonctionnalisme&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;infortune critique du fonctionnalisme&nbsp;&raquo;, dans <em>Les Ann&eacute;es 30. L&rsquo;architecture et les arts de l&rsquo;espace entre industrie et nostalgie</em>, Jean-Louis Cohen (dir.), Paris, &Eacute;ditions du Patrimoine, 1997,&nbsp;186-196.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a> Stanislaus von Moos fut le premier &agrave; indiquer le changement de ton du livre que Le Corbusier publia juste apr&egrave;s son voyage en Am&eacute;rique du Sud, <em>Pr&eacute;cisions sur un &eacute;tat pr&eacute;sent de l&rsquo;architecture et de l&rsquo;urbanisme</em>, &eacute;dit&eacute; &agrave; Paris en 1930 par Cr&egrave;s et Cie. En r&eacute;sum&eacute;, <em>Pr&eacute;cisions</em> comporte quatre parties&nbsp;: (1) &laquo;&nbsp;Prologue am&eacute;ricain&nbsp;&raquo;&nbsp;; (2) la s&eacute;rie des dix conf&eacute;rences donn&eacute;es &agrave; Buenos Aires&nbsp;; (3) &laquo;&nbsp;Corollaire br&eacute;silien&hellip; qui est aussi uruguayen&nbsp;&raquo;&nbsp;; (4) Appendice (&laquo;&nbsp;Temp&eacute;rature parisienne&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;Atmosph&egrave;re moscovite&nbsp;&raquo;). Selon von Moos, l&rsquo;introduction et la postface sont &laquo; le plus vivant compte rendu de voyage &raquo; de Le Corbusier, et de ce fait &laquo;&nbsp;consid&eacute;rablement plus puissants que la rh&eacute;torique d&eacute;clamatoire et r&eacute;p&eacute;titive des conf&eacute;rences elles-m&ecirc;mes&nbsp;&raquo; (&laquo;Voyages en Zig-Zag &raquo;, dans <em>Le Corbusier Before Le Corbusier</em>, Arthur R&uuml;egg and Stanislaus von Moos (dir.), New Haven and London,Yale University Press, 2002, p. 23-44). Un autre critique, Tim Benton, qui a &eacute;tudi&eacute; en profondeur les conf&eacute;rences de Le Corbusier et le livre <em>Pr&eacute;cisions&hellip;</em>, r&eacute;v&egrave;le que l&rsquo;ouvrage a &eacute;t&eacute; &eacute;crit &agrave; quatre moments diff&eacute;rents&nbsp;: &agrave; bord du navire de ligne<em> Massilia, </em>qui le conduit en Argentine en septembre 1929&nbsp;; pendant son s&eacute;jour sur le Nouveau Continent d&rsquo;octobre &agrave; d&eacute;cembre 1929&nbsp;; &agrave; bord du Lutetia au retour en Europe et &agrave; Paris en janvier et f&eacute;vrier 1930 (&laquo;&nbsp;An Introduction to <em>Pr&eacute;cisions</em>&nbsp;&raquo;, dans <em>Precisions on the Present State of Architecture and City Planning</em>, Zurich, Park Books, 2015, A7-A47).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a> Le changement de ton de Le Corbusier &agrave; la fin des ann&eacute;es 1920 tourne autour de la notion d&rsquo;un &laquo;&nbsp;temps primitif&nbsp;&raquo;, l&rsquo;&laquo;&nbsp;ordinaire&nbsp;&raquo; et le &laquo;&nbsp;populaire&nbsp;&raquo; &eacute;tant utilis&eacute;s comme les notions cl&eacute;s d&rsquo;un nouveau langage architectural. Au cours de ces mois de formation et juste&nbsp;avant son voyage, se fait jour chez lui une modification de son image des Am&eacute;riques. Dans ma th&egrave;se sur la rencontre de Le Corbusier avec les deux Am&eacute;riques (<em>Routes of Modernity o<span style="font-style: normal !msorm;">r the Americas of</span> <span style="font-style: normal !msorm;">Le Corbusier</span>&nbsp;:<span style="font-style: normal !msorm;"> Voyages, Affinities and Anthropophagy</span></em>, th&egrave;se de PhD, ETH Zurich, 2017), je d&eacute;montre qu&rsquo;il commence &agrave; situer le nouveau continent comme un lieu o&ugrave; la modernit&eacute; s&rsquo;&eacute;tait construite entre une sensibilit&eacute; technologique et une autre, esth&eacute;tique, remontant &agrave; ses origines, entre l&rsquo;ordinaire et le populaire. Si cette nouvelle saisie de l&rsquo;&eacute;mergence des Am&eacute;riques faisait &eacute;cho aux id&eacute;es partag&eacute;es dans un vaste r&eacute;seau de relations et d&rsquo;&oelig;uvres litt&eacute;raires &agrave; la fin des ann&eacute;es vingt &ndash;&nbsp;&eacute;manant principalement des cercles artistiques&nbsp;&ndash;, il a &eacute;t&eacute; d&eacute;j&agrave; montr&eacute; qu&rsquo;il avait &eacute;t&eacute; impressionn&eacute; par le discours d&rsquo;un petit nombre d&rsquo;intellectuels plus particuli&egrave;rement Blaise Cendrars, Paulo Prado, Oswald de Andrade et Tarsila do Amaral.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a> Giuliano Gresleri, Jean-Louis Cohen et Yannis Tsiomis ont tous trois beaucoup trait&eacute; des voyages de Le Corbusier et de leur impact sur l&rsquo;architecture. Voir par exemple, Giuliano Gresleri, &laquo;&nbsp;Camere con vista e disattesi itinerari&nbsp;: Le &ldquo;voyage d&rsquo;Italie&rdquo; di Ch. E. Jeanneret, 1907&nbsp;&raquo;, dans <em>Le Corbusier. </em><em>Il viaggio in Toscana (1907),</em>Venezia, Cataloghi Marsilio, 1987, p. 3-26&nbsp;; <em>Le Corbusier,Viaggio in Oriente. Charles Edouard Jeanneret fotografo e scrittore</em>, Venezia, Paris, Marseille, FLC, 1995&nbsp;; <em>Le Corbusier, Voyage d&rsquo;Orient&nbsp;: Carnets</em>, Giuliano Gresleri (&eacute;d.), Milano, Electa Architecture, Paris, FLC, 1987&nbsp;; Yannis Tsiomis, &laquo;&nbsp;De l&rsquo;utopie et de la r&eacute;alit&eacute; du paysage&nbsp;&raquo; dans <em>Le Corbusier &ndash; Rio de Janeiro&nbsp;: 1929, 1936</em>, Yannis Tsiomis (&eacute;d.), Rio de Janeiro, Centro de Arquitetura e Urbanismo do Rio de Janeiro, 1998, p. 132-135&nbsp;; <em>Conf&eacute;rences de Rio. Le Corbusier au Br&eacute;sil &ndash; 1936</em>, Paris, Flammarion, 2006&nbsp;; Jean-Louis Cohen, ed., <em>Le Corbusier</em><em>&nbsp;: An Atlas of Modern Landscapes</em>, New York, The Museum of Modern Art, 2013&nbsp;; &laquo;&nbsp;Moments suspendus&nbsp;: le voyage a&eacute;rien et les m&eacute;taphores volantes&nbsp;&raquo;, dans <em>Le Corbusier. </em><em>Moments biographiques</em>, Claude Prelorenzo (dir.), Paris, &Eacute;ditions de la Villette, 2008, p.&nbsp;144-57.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a> On trouvera la liste des projets r&eacute;alis&eacute;s et non r&eacute;alis&eacute;s par Le Corbusier sur la page d&rsquo;accueil du site de la Fondation Le Corbusier.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a> Pour plus d&rsquo;informations sur Le Corbusier &eacute;crivain, voir Christine Boyer, <em>Le Corbusier&nbsp;: homme de lettres</em>, New York, Princeton Architectural Press, 2011 et Catherine de Smet, <em>Vers une architecture du livre. Le Corbusier&nbsp;: &eacute;dition et mise en pages</em>, <em>1912-1965</em>, Baden, Lars M&uuml;ller, 2007.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a> Sur la biblioth&egrave;que personnelle de Le Corbusier, voir le r&eacute;pertoire complet de ses livres dans l&rsquo;ouvrage du Colegio Oficial de Arquitectos de Catalu&ntilde;a y Baleares, <em>Le Corbusier et le livre&nbsp;: les livres de Le Corbusier dans leurs &eacute;ditions originales</em>, Barcelona, Actar, 2005.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a> Le th&egrave;me des &laquo;&nbsp;Voyages Immobiles&nbsp;&raquo; est d&eacute;velopp&eacute; dans ma th&egrave;se o&ugrave; je montre qu&rsquo;une s&eacute;rie de rencontres a lieu entre Le Corbusier et le Br&eacute;sil avant que ne se concr&eacute;tise le d&eacute;placement &agrave; destination de l&rsquo;Am&eacute;rique tropicale.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a> En 1850 il y avait 13 268 habitants et 35 971 en 1900. Source&nbsp;: Biblioth&egrave;que de la Ville de La Chaux-de-Fonds.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a> Le jeune Cendrars travailla pour l&rsquo;horloger suisse Leuba &agrave; Saint-P&eacute;tersbourg entre 1904 et 1907. &Agrave; cette &eacute;poque Le Corbusier &eacute;tait inscrit &agrave; l&rsquo;&Eacute;cole des Arts appliqu&eacute;s de La Chaux-de-Fonds, institution fond&eacute;e en 1873 qui se destinait &agrave; la formation d&rsquo;horlogers et de graveurs. Pour plus d&rsquo;informations biographiques sur Cendrars et la jeunesse de Le Corbusier, voir Miriam Cendrars, <em>La Vie, le Verbe, l&rsquo;&Eacute;criture</em>, Deno&euml;l, 2006&nbsp;; H. Allen Brooks, <em>Le Corbusier&rsquo;s Formative Years&nbsp;: Charles-&Eacute;douard Jeanneret at La Chaux-de-Fonds</em>, Chicago, University of Chicago Press, 1997&nbsp;; <em>Le Corbusier Before Le Corbusier</em>, <em>op. cit.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a> En &eacute;tudiant les voyages du jeune Le Corbusier, Stanislaus von Moos a &eacute;tabli une analogie avec les traditionnels voyages qu&rsquo;effectuaient les artistes et les architectes au terme de leurs &eacute;tudes, et les a d&eacute;finis comme le &laquo;&nbsp;Grand Tour&nbsp;&raquo; de Le Corbusier. En compl&eacute;ment sur le sujet, on lira la publication des minutes&nbsp;des &laquo;&nbsp;Rencontres de la fondation Le Corbusier&nbsp;&raquo; de 2013, consacr&eacute;es au voyage d&rsquo;Orient, dans Roberta Amirante, Yannis Tsiomis, Panayotis Tournikiotis and Burcu Kutuk&ccedil;uoglu, <em>L&rsquo;invention d&rsquo;un architecte. Le voyage en Orient de Le Corbusier</em>, Paris, &Eacute;Editions de la Villette, FLC, 2013.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a> Miriam Cendrars, <em>op. cit</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a> Dans le premier article sur l&rsquo;architecture qui devait &ecirc;tre publi&eacute; dans la revue <em>L&rsquo;Esprit nouveau</em>, Jeanneret avait d&eacute;j&agrave; invent&eacute; le nom Le Corbusier-Saugnier et signera dor&eacute;navant ainsi tous les articles portant sur l&rsquo;architecture ou l&rsquo;urbanisme. Les textes sur l&rsquo;art moderne et le purisme continueront cependant &agrave; &ecirc;tre sign&eacute;s Jeanneret, m&ecirc;me dans les &eacute;ditions ult&eacute;rieures de <em>L&rsquo;Esprit nouveau</em>, en un temps o&ugrave; le nom de Le Corbusier &eacute;tait d&eacute;j&agrave; bien connu au sein du milieu de l&rsquo;art et de l&rsquo;architecture. En ce qui concerne son &oelig;uvre plastique, la signature de Le Corbusier allait mettre quelques ann&eacute;es de plus &agrave; appara&icirc;tre. Jeanneret commencera &agrave; signer Le Corbusier en 1928, mais cela ne sera pas le cas pour toutes ses peintures (dont quelques-unes, datant de la m&ecirc;me ann&eacute;e, continueront d&rsquo;&ecirc;tre sign&eacute;es Jeanneret).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a> Lettre de Le Corbusier &agrave; Blaise Cendrars depuis Chandigarh du 14 novembre 1960, Archives de la fondation Le Corbusier (E1-13-22).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a> Sur les contacts artistiques de Cendrars lors de son arriv&eacute;e &agrave; Paris, voir Miriam Cendrars, <em>op. cit.</em>&nbsp;et la pr&eacute;face de Claude Leroy &agrave; <em>Partir</em><em>&nbsp;: po&egrave;mes, romans, nouvelles, m&eacute;moires</em>, Paris, Gallimard, 2011, p. 9-29. Gr&acirc;ce au travail remarquable sur la vie et l&rsquo;&oelig;uvre de Cendrars r&eacute;alis&eacute; par Miriam Cendrars et Claude Leroy, nous avons appris comment Cendrars entre en contact avec Guillaume Apollinaire &agrave; Paris en 1912, ce qui lui donnera l&rsquo;occasion d&rsquo;&eacute;tablir de solides amiti&eacute;s et des collaborations avec plusieurs figures du milieu de l&rsquo;avant-garde parisienne comme Robert et Sonia Delaunay, Marc Chagall, Amedeo Modigliani, Mo&iuml;se Kisling, Joseph Cs&aacute;ky, Francis Picabia. Sa curiosit&eacute; s&rsquo;&eacute;tendait aussi au cin&eacute;ma et au monde du th&eacute;&acirc;tre. En 1918, par exemple, Cendrars figurait au g&eacute;n&eacute;rique du film <em>J</em><em>&rsquo;accuse</em>, dirig&eacute; par Abel Gance et, avec le chor&eacute;graphe Jean B&ouml;rlin, le musicien Darius Milhaud, le critique d&rsquo;art Maurice Raynal, le peintre Fernand L&eacute;ger et le directeur des Ballets su&eacute;dois Rolf de Mar&eacute;, il participa &agrave; <em>La Cr&eacute;ation</em><em> du monde</em> donn&eacute;e au Th&eacute;&acirc;tre des Champs-&Eacute;lys&eacute;es en 1923.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a> Par une enqu&ecirc;te compl&egrave;te sur l&rsquo;aventure de Le Corbusier entrepreneur briquetier malheureux (ce qui co&iuml;ncida avec la p&eacute;riode &agrave; laquelle il commen&ccedil;a &agrave; &eacute;crire ses textes embl&eacute;matiques sur l&rsquo;architecture moderne), Tim Benton attire notre attention sur &laquo;&nbsp;le gouffre entre la r&eacute;alit&eacute; de la production industrielle et le symbolisme de la modernit&eacute;&nbsp;&raquo; dans la vie de Le Corbusier pendant les ann&eacute;es de <em>L&rsquo;Esprit nouveau</em> (&laquo;&nbsp;From Jeanneret to Le Corbusier. Rusting iron, bricks and coal and the modern utopia&nbsp;&raquo;, <em>Massilia</em> 3, 2003, p. 28-39).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a> &laquo;&nbsp;&Agrave; vingt ans j&rsquo;&eacute;tais un spectateur du monde. Aujourd&rsquo;hui un soldat sur la ligne de feu. Et c&rsquo;est dur.&nbsp;&raquo; Fragment de la lettre de Le Corbusier &agrave; ses parents du 20 mars 1921, FLC Archives (R1-6-184), publi&eacute; par R&eacute;mi Baudou&iuml;, et Arnaud Dercelles dans <em>Le Corbusier. Correspondance. Lettres &agrave; la famille 1900-1925</em>. Vol. I, Gollion, Infolio, 2011, p. 617.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a> <em>L&rsquo;Esprit nouveau</em>, n&deg;1, octobre 1920.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a> Les &eacute;tudes de Benton sur <em>L&rsquo;Esprit nouveau</em> ainsi que les lettres de Le Corbusier des ann&eacute;es 1920, nous apprennent que ce dernier utilisait aussi <em>L&rsquo;Esprit nouveau</em> pour promouvoir des produits et des firmes &ndash;&nbsp;y compris la briqueterie dont il &eacute;tait propri&eacute;taire&nbsp;&ndash; liant ainsi l&rsquo;imagerie de la vie moderne &agrave; la production technologique et industrielle. Certaines des publicit&eacute;s pr&eacute;sent&eacute;es dans <em>L&rsquo;Esprit nouveau</em> seraient m&ecirc;me des faux forg&eacute;s par Le Corbusier en personne. D&rsquo;autres auraient &eacute;t&eacute; publi&eacute;es gratuitement par la revue, du simple fait qu&rsquo;elles embrassaient les id&eacute;es de Le Corbusier (v. &laquo;&nbsp;From Jeanneret to Le Corbusier&nbsp;&raquo;, art. cit., p. 28-39).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a> Les <em>Calligrammes</em> d&rsquo;Apollinaire tout comme <em>La Nouvelle Po&eacute;sie allemande</em> d&rsquo;Yvan Goll paraissent dans <em>L&rsquo;Esprit nouveau</em> n&deg;1 (octobre 1920)&nbsp;; <em>Ornement et crime</em> d&rsquo;Adolf Loos, la lettre et les peintures de C&eacute;zanne figurent dans <em>L&rsquo;Esprit nouveau</em> n&deg;2 (novembre 1920) et le manifeste de Marinetti dans <em>L&rsquo;Esprit nouveau</em> n&deg;3 (d&eacute;cembre 1920).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a> Bien que la premi&egrave;re contribution &eacute;crite de Cendrars ne paraisse pas avant avril 1921, le po&egrave;te &eacute;tait inscrit comme collaborateur d&egrave;s le tout premier volume de la revue. On peut lire en compl&eacute;ment, sur Cendrars et <em>L&rsquo;Eubage</em>, l&rsquo;analyse approfondie de Jean-Carlo Fl&uuml;ckiger dans le deuxi&egrave;me num&eacute;ro des Cahiers Blaise Cendrars&nbsp;: <em>Blaise Cendrars,</em> L&rsquo;Eubage&nbsp;:<em> aux antipodes de l&rsquo;unit&eacute;</em>, Paris, Champion, 1995, et dans son &eacute;dition du texte dans les <em>&OElig;uvres romanesques</em> de Cendrars, Claude Leroy (dir.), Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que de la Pl&eacute;iade&nbsp;&raquo;, I, 2017, p. 1468-1496.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a> Cendrars semble avoir jou&eacute; un r&ocirc;le significatif en pr&eacute;sentant Le Corbusier &agrave; diff&eacute;rentes figures des cercles qu&rsquo;il fr&eacute;quentait, au-del&agrave; de ses contacts avec des Br&eacute;siliens. On citera parmi elles Paul Otlet et de nombreux &eacute;diteurs en France et en Suisse, comme Au Sans Pareil. Voir la lettre de Blaise Cendrars &agrave; Le Corbusier (Archives fondation Le Corbusier, A1-18) et une lettre de Le Corbusier &agrave; M. Vogel, directeur de <em>Vu</em>, en date du 13 avril 1934 (documents personnels de Paul Otlet, Mundaneum Archives). Je suis reconnaissante &agrave; Andreas Kapalcki pour l&rsquo;information concernant la correspondance d&rsquo;Otlet.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a> Le Corbusier a aussi tent&eacute; de pr&eacute;senter Cendrars &agrave; ses relations, comme le r&eacute;v&egrave;le clairement sa lettre &agrave; l&rsquo;historien d&rsquo;art et d&rsquo;architecture Sigfried Giedion, qui fut le secr&eacute;taire g&eacute;n&eacute;ral des <em>Congr&egrave;s internationaux d&rsquo;architecture moderne</em> (CIAM)&nbsp;; il joua un r&ocirc;le d&eacute;cisif dans la promotion et la l&eacute;gitimation de l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;une architecture moderne dans la premi&egrave;re moiti&eacute; du vingti&egrave;me si&egrave;cle. Dat&eacute;e du 30 d&eacute;cembre 1928, c&rsquo;est-&agrave;-dire six mois apr&egrave;s la premi&egrave;re rencontre du groupe du CIAM &agrave; La Sarraz en Suisse, la lettre mentionne le nom de Cendrars, de l&rsquo;historien fran&ccedil;ais Lucien Romier, du Mar&eacute;chal Lyautey et d&rsquo;un patron d&rsquo;industrie, Gabriel Voisin. Le Corbusier encourageait &agrave; les inviter &agrave; assister aux congr&egrave;s de la CIAM. Dans cette lettre, Le Corbusier &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Mon cher Giedion, [&hellip;] Nous, les repr&eacute;sentants de toute l&rsquo;Europe technique, nous voyons clair. Nous affirmons, nous r&eacute;clamons, nous demandons, au nom de l&rsquo;architecture. Nos voix ont le poids du monde professionnel, etc. Je pourrais d&rsquo;autre part, vous donner les noms de hautes personnalit&eacute;s enthousiastes, telles que Mal Lyautey, Voisin, Cendrars, Romier etc., etc. et les articles d&eacute;j&agrave; parus. Et qu&rsquo;ainsi nous recommencions, cette fois-ci ensemble, sur un document bien &eacute;tabli, complet, sur lequel s&rsquo;appuieraient les associations&nbsp;&raquo; (gta Archives/ETH Zurich). Effectivement, Romier, Lyautey et Voisin furent convi&eacute;s aux d&eacute;bats de la CIAM &agrave; la fin des ann&eacute;es vingt.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a> Lettre de Cendrars &agrave; Le Corbusier du 15 novembre 1926, FLC Archives (E1-13-11).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a> Yvette Bozon-Scalzitti, &laquo;&nbsp;L&rsquo;Am&eacute;rique invisible de Cendrars,&nbsp;&raquo; dans <em>Cendrars et l&rsquo;Am&eacute;rique</em>, Monique Chefdor dir., Paris, Lettres modernes, Minard, 1989,&nbsp;p. 145-171.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a> <em>Ibid</em>., p. 151-52.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a> <em>Ibid.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a> <em>Ibid.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a> <em>Ibid. </em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a> Miriam Cendrars, Claude Leroy, Yvette Bozon-Scalzitti et Maria-Teresa de Freitas ont &eacute;t&eacute; les premiers &agrave; d&eacute;celer un tel changement dans l&rsquo;activit&eacute; litt&eacute;raire de Cendrars, concernant les Am&eacute;riques (Nord et Sud). Voir, par exemple, d&eacute;j&agrave; cit&eacute;s, l&rsquo;essai de Bozon-Scalzitti, &laquo;&nbsp;L&rsquo;Am&eacute;rique invisible de Cendrars&nbsp;&raquo; et la biographie de Miriam Cendrars&nbsp;; <em>Br&eacute;sil, l&rsquo;Utopialand de Blaise Cendrars</em>, Maria Teresa de Freitas et Claude Leroy (dir.), Paris, L&rsquo;Harmattan, 1998&nbsp;; Blaise Cendrars, <em>Po&eacute;sies compl&egrave;tes avec 41 po&egrave;mes in&eacute;dits</em>, pr&eacute;face de Claude Leroy, Paris, Deno&euml;l, 2001&nbsp;; Carlos Augusto Calil et Alexandre Eul&aacute;lio<em>, A aventura brasileira de Blaise Cendrars, </em>S&atilde;o Paulo, Edusp, 2001<em>.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref32" name="_ftn32">[32]</a> Pour une lecture approfondie de <em>Moravagine</em>, il convient de se reporter &agrave; l&rsquo;analyse que Jean-Carlo Fl&uuml;ckiger propose de la construction de ce roman dans la r&eacute;cente publication des <em>&OElig;uvres romanesques</em> de Blaise Cendrars en Pl&eacute;iade, vol. I, <em>op. cit.</em>, p. 1405 ss.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref33" name="_ftn33">[33]</a> <em>La Travers&eacute;e de l&rsquo;Atlantique</em> et <em>Nos randonn&eacute;es en Am&eacute;rique</em> sont en fait les titres de deux sous-chapitres de <em>Moravagine</em>. Le Corbusier re&ccedil;ut de Cendrars un exemplaire de ce livre publi&eacute; en 1926.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref34" name="_ftn34">[34]</a> Bozon-Scalzitti, &laquo;&nbsp;L&rsquo;Am&eacute;rique invisible de Cendrars&nbsp;&raquo;, <em>op. cit.</em>, p. 1-2.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref35" name="_ftn35">[35]</a> <em>Ibid.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref36" name="_ftn36">[36]</a> <em>Ibid.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref37" name="_ftn37">[37]</a> Le Corbusier poss&eacute;dait la premi&egrave;re &eacute;dition de <em>Moravagine</em>, publi&eacute;e en 1926 chez Grasset&nbsp;; c&rsquo;est celle &agrave; laquelle se r&eacute;f&egrave;re la pr&eacute;sente &eacute;tude.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref38" name="_ftn38">[38]</a> Les notes de la conf&eacute;rence de Cendrars &laquo;&nbsp;Les tendances g&eacute;n&eacute;rales de l&rsquo;esth&eacute;tique contemporaine&nbsp;&raquo;, tenue le 12 juin 1924 &agrave; S&atilde;o Paulo, ont &eacute;t&eacute; r&eacute;unies et comment&eacute;es par Augusto Calil, &laquo;&nbsp;Le Brasier br&eacute;silien de Blaise. Les conf&eacute;rences de Cendrars &agrave; S&atilde;o Paulo en 1924&nbsp;&raquo; (cit&eacute; dans <em>Blaise Cendrars au c&oelig;ur des arts</em>, Gabriel Umstaetter (dir.), Milan, Silvana Editoriale, 2015, p. 247-285).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref39" name="_ftn39">[39]</a> Dans cette conf&eacute;rence, la th&egrave;se de Cendrars sur l&rsquo;esth&eacute;tique des ing&eacute;nieurs, tout comme la liste des machines technologiques &eacute;voqu&eacute;es (l&rsquo;automobile, le chemin de fer, le transatlantique, l&rsquo;avion, etc.) correspondent aux id&eacute;es que Le Corbusier d&eacute;veloppe dans la revue <em>L&rsquo;Esprit nouveau</em> en 1920 et 1921. Ses articles &laquo;&nbsp;Esth&eacute;tique de l&rsquo;ing&eacute;nieur, Architecture&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Les yeux qui ne voient pas&nbsp;: les paquebots, les avions, les autos&nbsp;&raquo; furent reprises en volume dans <em>Vers une architecture</em> (1923).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref40" name="_ftn40">[40]</a> Les dossiers de Le Corbusier &agrave; Paris contiennent une version pr&eacute;liminaire de <em>D&eacute;fense de l&rsquo;architecture</em> datant de 1929. Quoi qu&rsquo;il en soit, l&rsquo;essai ne fut int&eacute;gralement publi&eacute; que dans <em>L&rsquo;Architecture d&rsquo;Aujourd&rsquo;hui</em>, vol.10, 1933, p. 38-61.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref41" name="_ftn41">[41]</a> Le Corbusier, 1929, p.&nbsp;44-45.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref42" name="_ftn42">[42]</a> Quand, dans <em>D&eacute;fense de l&rsquo;architecture</em>, Le Corbusier d&eacute;fendait le r&ocirc;le majeur et la paternit&eacute; de l&rsquo;architecte eu &eacute;gard au processus de construction et de m&eacute;canisation dans la soci&eacute;t&eacute; occidentale, Cendrars attirait l&rsquo;attention sur un certain &laquo;&nbsp;anonymat&nbsp;&raquo; de ce processus. Pour le po&egrave;te, les machines comme le gratte-ciel, la voiture, le transatlantique, ou m&ecirc;me l&rsquo;avion sont essentiellement des &oelig;uvres anonymes faites par des gens anonymes et con&ccedil;ues pour les foules (&laquo;&nbsp;&OElig;uvre d&rsquo;art, &oelig;uvre d&rsquo;esth&eacute;tique, &oelig;uvre anonyme, &oelig;uvre destin&eacute;e &agrave; la foule, aux hommes, &agrave; la vie, aboutissant logique du principe de l&rsquo;utilit&eacute;&nbsp;&raquo; (Cendrars, <em>Moravagine</em>, &eacute;d. cit., p. 350).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref43" name="_ftn43">[43]</a> Blaise Cendrars, &laquo;&nbsp;Nos randonn&eacute;es en Am&eacute;rique&nbsp;&raquo;, <em>Moravagine</em>, &eacute;d. cit., p. 350.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref44" name="_ftn44">[44]</a> Comme mentionn&eacute; ci-dessus, cet ouvrage figure aux archives Le Corbusier &agrave; la fondation Le Corbusier &agrave; Paris.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref45" name="_ftn45">[45]</a> Carte postale de Cendrars &agrave; Le Corbusier &eacute;crite au Tremblay le 13 juillet 1926, Archives de la Fondation Le Corbusier.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref46" name="_ftn46">[46]</a> <em>Ibid.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref47" name="_ftn47">[47]</a> Dans les ann&eacute;es 1920, dans sa correspondance avec Le Corbusier, aussi bien que dans les livres qu&rsquo;il lui d&eacute;dicace, Cendrars l&rsquo;appelle soit par son vrai nom, Jeanneret, ou <em>cher ami</em>. Ce n&rsquo;est qu&rsquo;apr&egrave;s les ann&eacute;es 1930 qu&rsquo;il change pour Le Corbusier, ou simplement <em>Corbu</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref48" name="_ftn48">[48]</a> Carte postale de Cendrars &agrave; Le Corbusier du 13 juillet 1926, Archives de la Fondation Le Corbusier.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref49" name="_ftn49">[49]</a> Petr&oacute;polis et Brasilia &eacute;taient les noms sugg&eacute;r&eacute;s pour la nouvelle capitale par De Andrada e Silva. Dans les ann&eacute;es 1920, le nom de Planaltina fut &eacute;galement propos&eacute; dans les d&eacute;bats, mais Brasilia s&rsquo;imposa et fut officiellement adopt&eacute; sous le gouvernement de Juscelino Kubitschek (1956-1961) plus d&rsquo;un si&egrave;cle apr&egrave;s la proposition originale de De Andrada. Pour une lecture d&eacute;taill&eacute;e concernant De Andrada et le projet de capitale f&eacute;d&eacute;rale, voir Jos&eacute; Bonif&aacute;cio de Andrada e Silva, <em>O Patriarcha da Independ&ecirc;ncia</em>, Rio de Janeiro, Companhia Nacional, 1939&nbsp;; Mario Magalh&atilde;es, &laquo;&nbsp;Jos&eacute; Bonif&aacute;cio&rsquo;s Bras&iacute;lia in Between Brazil&nbsp;: Multiple Territorial Scales of Planning Collective Life&nbsp;&raquo;, 16th International Planning History Society Conference, St. Augustine (USA), juillet 2014.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref50" name="_ftn50">[50]</a> Cendrars inscrit sur l&rsquo;exemplaire de Le Corbusier&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ce bouquin de <em>L&rsquo;Or</em> en lui souhaitant d&rsquo;[en gagner] en faisant Planaltina&nbsp;&raquo; Archives de la Fondation Le Corbusier &agrave; Paris</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref51" name="_ftn51">[51]</a> &laquo;&nbsp;En effet, le r&ecirc;ve de &ldquo;Planaltina&rdquo; me trotte en t&ecirc;te [&hellip;] J&rsquo;aimerais pouvoir entreprendre dans vos pays neufs quelques-uns de vastes travaux dont je me suis tant occup&eacute; ici et dont la l&eacute;thargie continentale ne provoquera certainement jamais la r&eacute;alisation&nbsp;&raquo; (lettre de Le Corbusier &agrave; Paulo Prado dat&eacute;e du 28 juillet 1929, FLC Archives, C3-5-288).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref52" name="_ftn52">[52]</a> Bien que la relation entre Cendrars et Le Corbusier n&rsquo;ait pas encore fait l&rsquo;objet d&rsquo;une &eacute;tude, les mat&eacute;riaux conserv&eacute;s r&eacute;v&egrave;lent un &eacute;change fertile. Les deux lettres cit&eacute;es dans le pr&eacute;sent article ont d&eacute;j&agrave; &eacute;t&eacute; publi&eacute;es et mentionn&eacute;es par des chercheurs comme Da Silva Pereira, Augusto Calil et P&eacute;rez Oyarz&uacute;n qui ont &eacute;tudi&eacute; les relations entre Le Corbusier et des figures br&eacute;siliennes. Voir Margareth da Silva Pereira, <em>Le Corbusier e o Brasil</em>, S&atilde;o Paulo, Tessela, Projeto, 1987&nbsp;; Fernando P&eacute;rez Oyarz&uacute;n, &laquo;&nbsp;Le Corbusier in South America&nbsp;: Reinventing the South American City&raquo;, dans <em>Le Corbusier &amp; The Architecture of Reinvention</em>, Mohsen Mostafavi (dir.), London, AA Publications, 2003, p. 140-53&nbsp;; et l&rsquo;ouvrage ci-dessus mentionn&eacute; de Carlos Augusto Calil, <em>A aventura brasileira de Blaise Cendrars</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref53" name="_ftn53">[53]</a> Da Silva Pereira, <em>Le Corbusier e o Brazil</em>, p. 33-34.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref54" name="_ftn54">[54]</a> Lettre de Le Corbusier &agrave; Cendrars du 7 mai 1929 (Archives de la Fondation Le Corbusier).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref55" name="_ftn55">[55]</a> Lettre de Cendrars &agrave; Le Corbusier de 1929 (Archives de la Fondation Le Corbusier). Dans cette lettre, Cendrars &eacute;voque aussi la requ&ecirc;te de Le Corbusier concernant la question&nbsp;de l&rsquo;Oklahoma. Il &eacute;crit&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;Je n&rsquo;ai aucune id&eacute;e de ce que vous valez &agrave; Oklahoma. C&rsquo;est une ville jeune, &eacute;tant contraire d&rsquo;ici &ndash; les jeunes y ont de l&rsquo;argent.&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref56" name="_ftn56">[56]</a> <em>Morro da favela</em> est le titre d&rsquo;une oeuvre de Tarsila do Amaral de 1924 pr&eacute;sent&eacute;e dans sa 1<sup>re</sup> exposition individuelle du 7 au 23 juin 1926 &agrave; la galerie Percier &agrave; Paris. Le titre fait r&eacute;f&eacute;rence au premier bidonvillede Rio de Janeiro. Situ&eacute; dans le centre ville, ce quartier d&eacute;favoris&eacute; &eacute;tait connu comme <span style="font-style: normal !msorm;"><em>morro da Provi</em></span><span style="font-style: normal !msorm;"><em>d&ecirc;ncia ou morro da favela</em></span>. Pour une lecture plus approfondie sur le sujet, voir les publications de Paola Berenstein-Jacques, <em>Les </em><em>Favelas de Rio</em> et de Rafael Soares Gon&ccedil;alves, <em>Les </em><em>Favelas de Rio de Janeiro,</em> publi&eacute;es aux &eacute;ditions L&rsquo;Harmattan en 2001 et 2010, respectivement.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref57" name="_ftn57">[57]</a> Voir les ouvrages d&eacute;j&agrave; mentionn&eacute;s de Calil, <em>A aventura brasileira de Blaise Cendrars</em> et de&nbsp;De Freitas et Leroy, <em>Br&eacute;sil. Utopialand de Blaise Cendrars</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref58" name="_ftn58">[58]</a> Blaise Cendrars, &laquo;&nbsp;Nos randonn&eacute;es en Am&eacute;rique&nbsp;&raquo;, <em>Moravagine</em>, &eacute;d. cit., p. 350</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref59" name="_ftn59">[59]</a> <em>Ibid.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref60" name="_ftn60">[60]</a> Le Corbusier,<em> Pr&eacute;cisions</em>, <em>op. cit.</em>, p. 13-14.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref61" name="_ftn61">[61]</a> Entre la fin des ann&eacute;es vingt et 1935, le vocabulaire de Le Corbusier a &eacute;t&eacute; model&eacute; par ses recherches sur les &eacute;l&eacute;ments organiques trouv&eacute;s dans la nature et dans la vie quotidienne, qu&rsquo;il nomme <em>objets &agrave; r&eacute;action po&eacute;tique</em> et qui se sont montr&eacute;s puissants et op&eacute;ratoires dans la construction du discours de l&rsquo;architecte pendant toute cette p&eacute;riode. Dani&egrave;le Pauly, qui a publi&eacute; un ensemble substantiel d&rsquo;&eacute;tudes sur les dessins de Le Corbusier, d&eacute;fend l&rsquo;id&eacute;e que ces <em>objets</em> ont prouv&eacute; qu&rsquo;ils n&rsquo;&eacute;taient pas seulement significatifs dans l&rsquo;&oelig;uvre du peintre, mais aussi pour l&rsquo;architecte, (&laquo;&nbsp;Objets &agrave; r&eacute;action po&eacute;tique&nbsp;&raquo;, dans <em>Le Corbusier, une encyclop&eacute;die, </em>Jacques Lucan (dir<em>.</em>), Paris, Centre Georges Pompidou, 1987, p. 276-277).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref62" name="_ftn62">[62]</a> Voir dans ce num&eacute;ro l&rsquo;article d&rsquo;Adrien Roig, &laquo;&nbsp;Un po&egrave;me oubli&eacute; de Blaise Cendrars&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref63" name="_ftn63">[63]</a> Le Corbusier, &laquo;&nbsp;Salut &agrave; Blaise Cendrars&nbsp;: Toi, au moins, tu crois &agrave; ce que tu fais&nbsp;&raquo;, <em>La Gazette de Lausanne</em>, septembre 1960, Archives fondation Le Corbusier (U3-09-416).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref64" name="_ftn64">[64]</a> Christine Le Quellec Cottier, <span style="font-style: normal !msorm;"><em>Blaise Cendrars </em></span><span style="font-style: normal !msorm;"><em>&ndash;</em></span> <span style="font-style: normal !msorm;"><em>U</em></span><span style="font-style: normal !msorm;"><em>n homme en partance</em></span>, Lausanne, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, 2010, p.80.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref65" name="_ftn65">[65]</a> Carlos Augusto Calil, &laquo;&nbsp;A&iacute; vem o Febr&ocirc;nio&nbsp;&raquo;, <span style="font-style: normal !msorm;"><em>Teresa revista de Literatura Brasileira</em></span> [São Paulo], 15, 2015, p.&nbsp;101-116.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref66" name="_ftn66">[66]</a> <span style="font-style: normal !msorm;"><em>Ibid.</em></span></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref67" name="_ftn67">[67]</a> Le Corbusier, <em>Pr&eacute;cisions </em>[1930], <em>op. cit.</em>, p.235.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref68" name="_ftn68">[68]</a> Pour une lecture sur ce sujet voir <em>Br&eacute;sil, l&rsquo;Utopialand de Blaise Cendrars</em>, <em>op. cit.</em>, et Anouck&nbsp;Cape, &laquo;&nbsp;Febr&ocirc;nio/F&eacute;bronio&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Cahiers des Am&eacute;riques latines</em>&nbsp;[En ligne], 48-49&nbsp;|&nbsp;2005, mis en ligne le 15 ao&ucirc;t 2017, consult&eacute; le 30 octobre 2018. URL&nbsp;: http&nbsp;://journals.openedition.org/cal/7868&nbsp;; DOI&nbsp;: 10.4000/cal.7868.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref69" name="_ftn69">[69]</a> <em>Ibid.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref70" name="_ftn70">[70]</a> <em>La main ouverte</em> est le nom de la principale sculpture du projet urbain de Le Corbusier &eacute;labor&eacute;e entre 1950 et 1965 pour Chandighar, la capitale de l&rsquo;&Eacute;tat du Penjab.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref71" name="_ftn71">[71]</a> &laquo;&nbsp;Content du succ&egrave;s de Jeanneret, c&rsquo;est un tr&egrave;s gentil gar&ccedil;on, mais un doctrinaire dans son m&eacute;tier. Je serai curieux d&rsquo;avoir ses impressions quand il reviendra. Au fond, c&rsquo;est un &nbsp;&ldquo;&eacute;pat&eacute;&rdquo; et un&nbsp;&ldquo;timide&rdquo;, c&rsquo;est pourquoi il reste sympathique, malgr&eacute; la doctrine&nbsp;&raquo; (lettre de Blaise Cendrars &agrave; Paulo Prado du 11 d&eacute;cembre 1929 cit&eacute;e par Augusto Calil et Alexandre Eul&aacute;lio, <span style="font-style: normal !msorm;"><em>A aventura </em></span><em>brasileira <span style="font-style: normal !msorm;">de Blaise Cendrars</span></em>, <em>op. cit.</em>, p. 204, et par Yannis Tsiomis, <span style="font-style: normal !msorm;"><em>Con</em></span><span style="font-style: normal !msorm;"><em>f&eacute;rences de Rio</em></span><em>&nbsp;: Le Corbusier au Br&eacute;sil, 1936</em>, <em>op. cit.</em>, p.18.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="Auteur">Auteur</span></h3> <p style="text-align: justify;"><strong>Daniela Ortiz Dos Santos</strong>&nbsp;est ma&icirc;tre de conf&eacute;rences en histoire de l&rsquo;architecture &agrave; la Goethe Universit&eacute; &agrave; Francfort-sur-le-Main et membre du laboratoire d&rsquo;&eacute;tudes urbaines de l&rsquo;universit&eacute; f&eacute;d&eacute;rale de Rio de Janeiro. Ses th&egrave;mes de recherche portent sur&nbsp;les &eacute;tudes culturelles de la ville, de l&rsquo;architecture et des Am&eacute;riques. La notion de voyage chez l&rsquo;architecte Le Corbusier, ses visions sur le Br&eacute;sil et ses interactions avec des &eacute;crivains&nbsp;tel Blaise Cendrars ont &eacute;t&eacute; abord&eacute;s&nbsp;dans sa&nbsp;th&egrave;se de doctorat soutenue &agrave; l&rsquo;&Eacute;cole polytechnique f&eacute;d&eacute;rale de Zurich. Elle poursuit actuellement des recherches autour des relations entre architecture et litt&eacute;rature.</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>Copyright</strong></h3> <p style="text-align: justify;">Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p> </div>