<div class="entry-content"> <h3>Abstract</h3> <p>In this article, I&#39;ve chosen to take a well-defined object of study: Cocteau&#39;s correspondence during his stay in Grasse from December 30, 1917 to February 9, 1918 at the Croisset villa, i.e. a short month and a half, and to see what can be said about it from two points of view: publishing and the author&#39;s posture. How many letters, to whom and from whom? Which have been published, since when and how, and which are unpublished? What do they tell us about Cocteau and his authorial strategy at the time? Among the letters received, two are from Cendrars, framing the meeting of the two poets in Nice on Monday January 28, 1918, which launched Cocteau&#39;s collaboration with Editions de la Sir&egrave;ne. But he was far from being the only correspondent: Cocteau was one of those who could not live without conversation, and whose distance from Paris stimulated him to write letters of varying length, but above all numerous, to multiple recipients (first and foremost his mother), as if to maintain through this flow of correspondence the invigorating crackle of interrupted conversations and the tempo of ongoing projects. At a distance too, work and business continue, the need to please but also to seduce, to engage real friends and useful contacts in the Parisian artistic milieu to push his projects forward, always in the same direction, quite exactly expressed by Gide in <em>Les Faux-Monnayeurs</em>: to get ahead.&nbsp;After Parade, Cocteau was driven by a need to succeed (a word he took as an insult) and to be treated as a peer by the great men of the day. Hence the posture of an author in constant adaptation, never really detached from his public image, even in his friendliest correspondence.</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p>Cocteau, Cendrars, correspondence January-February 1918, Gide, Georges Auric, Apollinaire, Jean Hugo</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <h2>Introduction<br /> &nbsp;</h2> <p>J&rsquo;ai choisi, dans cet article, de prendre un objet d&rsquo;&eacute;tude bien d&eacute;limit&eacute;&nbsp;: la correspondance de Cocteau durant son s&eacute;jour &agrave; Grasse du 30 d&eacute;cembre 1917 au 9 f&eacute;vrier 1918 dans la villa des Croisset, soit un petit mois et demi, et de voir ce qu&rsquo;on peut en dire de deux points de vue&nbsp;: l&rsquo;&eacute;dition et la posture d&rsquo;auteur. Combien de lettres, &agrave; qui et de qui&nbsp;? Lesquelles &eacute;dit&eacute;es, depuis quand et comment, lesquelles in&eacute;dites&nbsp;? Que nous apprennent-elles de Cocteau et de sa strat&eacute;gie d&rsquo;auteur &agrave; ce moment&nbsp;? Parmi les lettres re&ccedil;ues, deux sont de Cendrars et encadrent la rencontre des deux po&egrave;tes &agrave; Nice lundi 28 janvier 1918 qui met en route la collaboration de Cocteau aux &eacute;ditions de la Sir&egrave;ne. Mais il est loin d&rsquo;&ecirc;tre le seul correspondant&nbsp;: Cocteau est de ceux qui ne peuvent vivre sans conversation et que l&rsquo;&eacute;loignement de Paris stimule &agrave; &eacute;crire des lettres de longueur variable et surtout nombreuses &agrave; de multiples destinataires (et d&rsquo;abord &agrave; sa m&egrave;re), comme pour maintenir par ce flux de correspondance le cr&eacute;pitement vivifiant des conversations interrompues et le tempo des projets en cours. &Agrave; distance aussi, le travail et les affaires continuent, le besoin de plaire mais aussi de s&eacute;duire, d&rsquo;<em>entreprendre</em> vrais amis et relations utiles du milieu artistique parisien pour faire avancer ses projets, toujours dans le m&ecirc;me sens, assez exactement exprim&eacute; quand m&ecirc;me par Gide dans <em>Les Faux-Monnayeurs</em>&nbsp;: passer devant&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>.&nbsp;Car Cocteau apr&egrave;s <em>Parade</em>, est habit&eacute; d&rsquo;un besoin de parvenir (mot qu&rsquo;il prendrait comme une insulte) et d&rsquo;&ecirc;tre trait&eacute; de pair &agrave; pair par les grands hommes du moment. De l&agrave; une posture d&rsquo;auteur en adaptation permanente et jamais vraiment d&eacute;tach&eacute;e de son image publique, jusque dans sa correspondance la plus amicale.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="1_Edition"><strong>1. &Eacute;dition</strong></span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Que conna&icirc;t-on actuellement de la correspondance de Cocteau durant son s&eacute;jour &agrave; Grasse&nbsp;?</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="11_Reperages"><strong>1.1. Rep&eacute;rages</strong></span></h3> <p style="text-align: justify;"><strong>&nbsp;</strong>Un premier instrument d&rsquo;enqu&ecirc;te est l&rsquo;&eacute;dition des lettres du po&egrave;te &agrave; sa m&egrave;re, v&eacute;ritable journal de ses occupations au jour le jour loin de Paris sur trente ans, publi&eacute;es en deux volumes en 1989 et 2007, le premier (1898-1918) par mon coll&egrave;gue Pierre Caizergues aid&eacute; de Pierre Chanel&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>. L&rsquo;&eacute;dition choisit de ne pas donner les lettres maternelles, mais seulement d&rsquo;en citer certaines en note. Pour le s&eacute;jour &agrave; Grasse, elle donne une s&eacute;rie apparemment compl&egrave;te de douze lettres, cartes ou cartes-lettres du po&egrave;te (1 en d&eacute;cembre, 9 en janvier, 3 en f&eacute;vrier), et cite en note trois lettres maternelles, dont elle signale aussi une lettre non retrouv&eacute;e. Une des difficult&eacute;s qu&rsquo;on rencontre avec Cocteau est son utilisation des marges (soit pour continuer une lettre quand il arrive au bout, soit pour y piquer ici et l&agrave; des ajouts) et du dessin, autour duquel alors l&rsquo;&eacute;criture s&rsquo;organise. Ici pas de dessin, mais des suites en marge dans cinq lettres, que l&rsquo;&eacute;diteur, &agrave; d&eacute;faut de fac-simil&eacute;, a choisi de transcrire en fin de lettre, dans l&rsquo;ordre des feuillets, pr&eacute;c&eacute;d&eacute;es de mentions entre crochets du type &laquo;&nbsp;[En marge droite deuxi&egrave;me feuillet]&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;[En marge gauche quatri&egrave;me feuillet]&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Au fil de ces lettres donc, Cocteau &eacute;num&egrave;re les lettres et d&eacute;p&ecirc;ches envoy&eacute;es ou re&ccedil;ues, se plaint du silence prolong&eacute; de certains (Valentine Gross, L&eacute;on-Paul Fargue, Georges Auric), se r&eacute;jouit quand il cesse, utilise sa m&egrave;re pour relancer certains &laquo;&nbsp;coupables&nbsp;&raquo;. Le 7 janvier&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les lettres sont bouteilles &agrave; la mer. Qu&rsquo;est-ce qui vous arrive&nbsp;? / Jamais je n&rsquo;ai plus souvent &eacute;crit &agrave; tous et je ne re&ccedil;ois rien de personne. Ta lettre seule (du 4) me renseigne. [&hellip;] T&eacute;l&eacute;phone &agrave; Lhote que je lui ai envoy&eacute; d&eacute;p&ecirc;che de Jour de l&rsquo;An et cinq pages le 2&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>.&nbsp;&raquo; Le 13 janvier (lettre inexactement dat&eacute;e du dimanche 11, qui n&rsquo;existe pas)&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je veux bien que Valentine n&rsquo;&eacute;crive jamais. Tout de m&ecirc;me huit lettres m&eacute;ritent une r&eacute;ponse et Fargue pourrait bien aussi me mettre une carte. Sois un ange. T&eacute;l&eacute;phone &agrave; six heures et demie &agrave; la N.R.F. Fleurus 12-26 et demande &agrave; Fargue si tout le monde est mort&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>.&nbsp;&raquo; Le 22 janvier&nbsp;: &laquo;&nbsp;Toujours <em>aucune </em>nouvelle de Auric ni de Satie malgr&eacute; des d&eacute;p&ecirc;ches pressantes. [&hellip;] Si j&rsquo;avais une lettre de mes musiciens rien ne manquerait &agrave; mon calme. / Je renonce &agrave; nouvelles de Fargue, rien de Valentine, sauf une longue lettre apr&egrave;s Carentec&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;">On d&eacute;nombre 27 correspondants, dont on peut, en laissant de c&ocirc;t&eacute; le cercle familial&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a> et des d&eacute;marches li&eacute;es au proc&egrave;s en diffamation de Satie alors en cours&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>, extraire une premi&egrave;re liste mondaine et artistique o&ugrave; se m&ecirc;lent les attaches rive droite et rive gauche de Cocteau, certaines anciennes, d&rsquo;autres r&eacute;centes. Peintres&nbsp;: Andr&eacute; Lhote, Jacques-&Eacute;mile Blanche, Valentine Gross, Roger de La Fresnaye&nbsp;; ajoutons Jean Hugo, pas encore connu de Cocteau comme peintre cependant. Musiciens&nbsp;: Lucien Daudet, Georges Auric, Erik Satie. &Eacute;crivains et po&egrave;tes&nbsp;: L&eacute;on-Paul Fargue, Jean Le Roy, rencontr&eacute; l&rsquo;ann&eacute;e pr&eacute;c&eacute;dente par l&rsquo;entremise d&rsquo;Apollinaire&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>, Andr&eacute; Gide, Drieu La Rochelle, qui vient de publier en d&eacute;cembre &agrave; la N.R.F. <em>Interrogation</em>, un livre de guerre. Plusieurs amies de sa m&egrave;re, devenues les siennes aussi, la plupart tenant salon &agrave; Paris&nbsp;: la princesse Marie Murat (1876-1951), Madeleine Le Chevrel, la comtesse Jacqueline de Pourtal&egrave;s, Clotilde Legrand, dite &laquo;&nbsp;Clothon&nbsp;&raquo; (voisine et amie d&rsquo;Anna de Noailles, un des mod&egrave;les proustiens de Blanche Leroi dans <em>La Recherche</em>). Ajoutons Misia Edwards [Sert] (il se plaint de son silence), l&rsquo;imp&eacute;rieuse m&eacute;c&egrave;ne des Ballets russes&nbsp;; son demi-fr&egrave;re Cipa [Cyprien] Godebski, ami de la famille Hugo&nbsp;; Reginald Bridgeman, secr&eacute;taire d&rsquo;ambassade, un ami anglais qui lui rend visite &agrave; Grasse.</p> <p style="text-align: justify;">Il y a aussi, pour terminer, deux correspondances d&rsquo;&eacute;dition&nbsp;: avec Draeger, &eacute;diteur d&rsquo;une plaquette publicitaire pour l&rsquo;avion Spad dont il r&eacute;dige le texte &laquo;&nbsp;Dans le ciel de la patrie&nbsp;&raquo; (envoi du texte le 1<sup>er</sup> janvier, r&eacute;ponse le 13)&nbsp;; avec Fran&ccedil;ois Le Gris (envoi des &eacute;preuves du <em>Potomak</em> le 1<sup>er</sup> janvier, r&eacute;ponse le 19).</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="12_Constats"><strong>1.2. Constats</strong></span></h3> <p style="text-align: justify;">Premier constat&nbsp;: la majorit&eacute; de ces correspondances sont encore aujourd&rsquo;hui in&eacute;dites. Ce qui nous prive de mieux conna&icirc;tre, du c&ocirc;t&eacute; &laquo;&nbsp;rive gauche&nbsp;&raquo; de Valentine Gross ou d&rsquo;Andr&eacute; Lhote comme du c&ocirc;t&eacute; &laquo;&nbsp;rive droite&nbsp;&raquo; de Lucien Daudet ou des comtesses Murat et de Pourtal&egrave;s, non seulement les &laquo;&nbsp;potins&nbsp;&raquo; du moment, mais certains d&eacute;tails ou aspects des &oelig;uvres et projets en cours du po&egrave;te. L&rsquo;impatience de Cocteau, par exemple, &agrave; obtenir r&eacute;ponse de Valentine Gross, relanc&eacute;e deux semaines durant par une dizaine de lettres et d&eacute;p&ecirc;ches, semble bien li&eacute;e aussi au r&ocirc;le de copiste qu&rsquo;elle a accept&eacute; de jouer de son grand po&egrave;me en cours, <em>Le Cap de Bonne-Esp&eacute;rance</em>. De m&ecirc;me, ses plaintes r&eacute;p&eacute;titives du silence de &laquo;&nbsp;Fargue le paresseux&nbsp;&raquo; (9 janvier) semblent li&eacute;es &agrave; son r&ocirc;le d&rsquo;interm&eacute;diaire-cl&eacute; aupr&egrave;s de Gallimard pour faire publier le m&ecirc;me po&egrave;me aux &eacute;ditions de la N.R.F. o&ugrave; il travaille et est influent.</p> <p style="text-align: justify;"><em>A contrario</em>, depuis l&rsquo;&eacute;dition de la correspondance avec Auric &agrave; Montpellier en 1999, incluant une s&eacute;rie de deux cartes-lettres de Cocteau des 1<sup>er</sup> et 15 janvier 1918, d&rsquo;une lettre de r&eacute;ponse d&rsquo;Auric datable du 24 janvier&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a> et de l&rsquo;imm&eacute;diate r&eacute;ponse du po&egrave;te le 27 janvier, on en sait plus sur leur projet de ballet apr&egrave;s <em>Parade</em> (une &laquo;&nbsp;Symphonie am&eacute;ricaine&nbsp;&raquo;), sur les occupations de la bande d&rsquo;amis laiss&eacute;e &agrave; Paris et sur la mise en route d&rsquo;un &laquo;&nbsp;petit livre&hellip; sur la musique&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>&nbsp;&raquo;, qui sera <em>Le Coq et l&rsquo;Arlequin</em>, d&eacute;dicac&eacute; &agrave; Auric pr&eacute;cis&eacute;ment.</p> <p style="text-align: justify;">Deuxi&egrave;me constat&nbsp;: pour la s&eacute;rie des lettres de Grasse, toutes les correspondances 1917-1918 de Cocteau &eacute;dit&eacute;es comportent des lacunes documentaires ou des erreurs de datation, avec ce que cela entra&icirc;ne de &laquo;&nbsp;lettres baladeuses&nbsp;&raquo;, ins&eacute;r&eacute;es au mauvais endroit. &Agrave; savoir (dans l&rsquo;ordre de parution)&nbsp;: correspondances avec Andr&eacute; Gide (1970), Blaise Cendrars (1989), Apollinaire (1991), Jacques-&Eacute;mile Blanche (1993), Jean Hugo (1995) et Georges Auric (1999)&nbsp;; sans oublier les lettres &agrave; sa m&egrave;re (tome 1 en 1989). Les lacunes nous sont connues soit par les notes des &eacute;diteurs eux-m&ecirc;mes, soit par le croisement d&rsquo;informations des correspondances de l&rsquo;&eacute;poque &agrave; mesure de leur publication, soit par d&rsquo;autres sources. On met aussi dans la rubrique &laquo;&nbsp;lacunes&nbsp;&raquo; l&rsquo;omission de documents joints &agrave; une lettre, pour des raisons &eacute;ditoriales ou non.</p> <p style="text-align: justify;">Par exemple, on conna&icirc;t depuis 1970 une lettre de Cocteau &agrave; Gide du 19 janvier 1918, r&eacute;pondant &agrave; une carte postale de Gide quant &agrave; elle &eacute;gar&eacute;e. Mais l&rsquo;&eacute;dition ne signale pas l&rsquo;existence probable d&rsquo;une ou plusieurs autres lettres de Cocteau apr&egrave;s cette carte, que nous apprenons par une lettre du po&egrave;te &agrave; Blanche du 4 f&eacute;vrier&nbsp;: &laquo;&nbsp;Savez-vous si Gide a re&ccedil;u mes lettres en r&eacute;ponse &agrave; son chamois rose&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>&nbsp;?&nbsp;&raquo; Par ailleurs, la lettre juste &eacute;voqu&eacute;e du 19 janvier&nbsp;annonce une &laquo;&nbsp;photo miracle&nbsp;&raquo; jointe : &laquo;&nbsp;Moi l&rsquo;ange en peignoir &eacute;ponge et la vierge Madame de Beaumont&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>&nbsp;&raquo;, dans les jardins de la villa Croisset. Or l&rsquo;&eacute;diteur ne la reprend pas, et choisit de renvoyer en note &agrave; sa publication s&eacute;par&eacute;e par Pierre Chanel la m&ecirc;me ann&eacute;e, dans l&rsquo;<em>Album Cocteau</em> chez Tchou&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>. Ce qui est d&rsquo;autant plus dommage que ladite photo n&rsquo;est pas seulement amusante, mais fait sens dans l&rsquo;envoi apr&egrave;s le dessin d&rsquo;Eug&egrave;ne du d&eacute;but de la lettre (premier feuillet repris en fac-simil&eacute;)&nbsp;: apr&egrave;s un Eug&egrave;ne de la guerre, une Annonciation, messag&egrave;re de paix&hellip; De m&ecirc;me, deux autres photos de Grasse envoy&eacute;es par le po&egrave;te &agrave; sa m&egrave;re dans une lettre du m&ecirc;me jour pour t&eacute;moigner de sa bonne mine, pourtant publi&eacute;es en 1989 par Pierre Caizergues dans <em>Jean Cocteau et le Sud</em>, n&rsquo;ont pas &eacute;t&eacute; reprises dans l&rsquo;&eacute;dition des <em>Lettres &agrave; sa m&egrave;re</em> parue la m&ecirc;me ann&eacute;e.</p> <p style="text-align: justify;">Quant &agrave; la correspondance avec Cendrars, d&rsquo;une part on n&rsquo;en conna&icirc;t toujours que le volet &laquo;&nbsp;passif&nbsp;&raquo;, pas &laquo;&nbsp;actif&nbsp;&raquo;, d&rsquo;autre part les deux lettres de Cendrars qui entrent dans notre corpus sont malheureusement mal dat&eacute;es, l&rsquo;une de &laquo;&nbsp;d&eacute;cembre 1917&nbsp;&raquo;, l&rsquo;autre de &laquo;&nbsp;fin d&eacute;cembre 1917&nbsp;&raquo;. L&rsquo;&eacute;l&eacute;ment manquant ici est la date de la rencontre des deux po&egrave;tes &agrave; Nice, que la premi&egrave;re lettre envisage comme prochaine (&laquo;&nbsp;Je re&ccedil;ois &agrave; l&rsquo;instant ta lettre. Donc tu peux venir&nbsp;&raquo;)&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a> et la suivante comme survenue peu auparavant&nbsp;(&laquo;&nbsp;Comment es-tu rentr&eacute; l&rsquo;autre jour&nbsp;? Pas trop fatigu&eacute;&nbsp;?&nbsp;&raquo;). Or une lettre &agrave; Auric du dimanche 27 janvier 1918, publi&eacute;e par Pierre Caizergues dix ans plus tard, nous apprend que la rencontre en question aura lieu le lendemain 28 janvier&nbsp;: &laquo;&nbsp;Vais voir demain Cendrars &agrave; Nice &ndash; Voyage Jules Verne &ndash; J&rsquo;emporte des bouteilles de digestif et des boules d&rsquo;eau chaude &ndash; et la <em>bavette rouge&nbsp;</em><a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>&nbsp;!&nbsp;&raquo; Partant de l&agrave;, la mention &laquo;&nbsp;mercredi&nbsp;&raquo; en en-t&ecirc;te de la premi&egrave;re lettre peut raisonnablement &ecirc;tre rapport&eacute;e &agrave; l&rsquo;un des deux mercredis pr&eacute;c&eacute;dents, 16 ou 23 janvier, et la deuxi&egrave;me au d&eacute;but de f&eacute;vrier. Ce qui peut permettre aux sp&eacute;cialistes de Cendrars d&rsquo;utiliser plus finement&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; dans la premi&egrave;re lettre &agrave; Cocteau, les quatre phrases relatives &agrave; <em>L&rsquo;Eubage</em> et &agrave; <em>Moravagine</em>&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je viens de terminer mon livre sur le ciel. &ldquo;Aux antipodes de l&rsquo;Unit&eacute;&rdquo;. Le roman par contre ne marche pas du tout. Il faut que je le recommence&nbsp;&raquo;&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; dans la deuxi&egrave;me, ce qui a trait &agrave; l&rsquo;&eacute;dition du <em>Panama</em> et &agrave; l&rsquo;implication de Cocteau aux c&ocirc;t&eacute;s de Cendrars dans la librairie maison d&rsquo;&eacute;dition La Sir&egrave;ne ouverte par Paul Laffitte en mars 1917 boulevard Haussmann &agrave; Paris et juste transf&eacute;r&eacute;e, en d&eacute;cembre, rue La Bo&eacute;tie&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>. Lesquelles &eacute;ditions vont imprimer en 1918, dans la foul&eacute;e de cet accord de coop&eacute;ration en quelque sorte, <em>Le Coq et l&rsquo;Arlequin&nbsp;</em><a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a> et le fameux long po&egrave;me confi&eacute; d&rsquo;abord &agrave; Fargue pour la N.R.F., <em>Le Cap de Bonne-Esp&eacute;rance&nbsp;</em><a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="2_Cocteau_en_conversation_le_voyage_vers_la_gauche20"><strong>2. Cocteau en conversation&nbsp;: le &laquo;&nbsp;voyage vers la gauche&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20"><strong>[20]</strong></a>&raquo;</strong></span><br /> &nbsp;</h2> <h3 style="text-align: justify;"><span id="21_Relations_rive_gauche_etrelations_rive_droite"><strong>2.1. Relations &laquo;&nbsp;rive gauche&nbsp;&raquo; et&nbsp;relations &laquo;&nbsp;rive droite&nbsp;&raquo;</strong></span></h3> <p style="text-align: justify;">Si beaucoup de correspondances encore in&eacute;dites nous sont inconnues et peuvent nous m&eacute;nager des surprises, on peut avancer, d&rsquo;apr&egrave;s celles qui nous sont connues, que le comportement &eacute;pistolaire du po&egrave;te tient compte assez syst&eacute;matiquement de l&rsquo;appartenance &laquo;&nbsp;rive gauche&nbsp;&raquo;, comme Auric ou Apollinaire, ou &laquo;&nbsp;rive droite&nbsp;&raquo; (artistiquement parlant) de ses amis ou relations&nbsp;: aux uns Cocteau, tout simplement, ne parle pas des autres. Dans ses lettres &agrave; des destinataires comme Auric ou Apollinaire, il ne parle pas de Paul Morand, Proust ou de son vieil ami peintre et critique d&rsquo;art Jacques-&Eacute;mile Blanche (&agrave; qui il reproche de ne rien comprendre &agrave; Satie), encore moins de ses relations proprement mondaines, et inversement. &Agrave; Auric par exemple, il va parler du Flore, ce caf&eacute; du boulevard Saint-Germain o&ugrave; Apollinaire donne rendez-vous le mardi de 5 &agrave; 7 depuis mars 1917, mais pas de Mlle le Chevrel ou de Marie Murat. Cela avec des degr&eacute;s, des nuances, et parmi ses destinataires des amis qui comme lui font plus ou moins trait d&rsquo;union entre les deux mondes, comme Valentine Gross (future Valentine Hugo). Mais le fait reste tr&egrave;s significatif. Il illustre bien ce &laquo;&nbsp;g&eacute;nie de plaire&nbsp;&raquo; que Paul Morand lui reconna&icirc;t par excellence, qui est un g&eacute;nie de l&rsquo;adaptation aux situations et aux personnes, un sens tactique (diplomatique) de &laquo;&nbsp;ce qui convient&nbsp;&raquo; ‒&nbsp;vertu combien classique de l&rsquo;art de plaire&nbsp;‒. Un g&eacute;nie que Cocteau applique &agrave; sa conception de la communication litt&eacute;raire et de la relation aux m&eacute;dias comme, on le v&eacute;rifie ici, de ses conversations &eacute;pistolaires&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="22_Destinataires_oublies_dans_les_Lettres_a_sa_mere"><strong>2.2. Destinataires &laquo;&nbsp;oubli&eacute;s&nbsp;&raquo; dans les </strong><em>Lettres &agrave; sa m&egrave;re</em></span></h3> <p style="text-align: justify;">De cela, la correspondance du po&egrave;te avec sa m&egrave;re, pourtant si d&eacute;taill&eacute;e sous son aspect de rapport d&rsquo;activit&eacute;s tri-hebdomadaire, donne une illustration int&eacute;ressante, par les silences apparemment d&eacute;lib&eacute;r&eacute;s qu&rsquo;elle observe sur au moins trois destinataires &laquo;&nbsp;rive gauche&nbsp;&raquo; des lettres de Grasse&nbsp;: Albert Gleizes, Apollinaire et Cendrars. Du peintre cubiste Albert Gleizes, collaborateur du journal <em>Le Mot</em> en 1915, &eacute;migr&eacute; aux &Eacute;tats-Unis depuis, Cocteau re&ccedil;oit une lettre envoy&eacute;e &agrave; son adresse &agrave; Paris et y r&eacute;pond le 30 janvier. La lettre est cit&eacute;e par Francis Steegmuller dans sa biographie de l&rsquo;auteur parue en 1970&nbsp;: &laquo;&nbsp;De plus en plus je mets en garde contre la d&eacute;cadence impressionniste [&hellip;] Oui certes Renoir, mais je dis &agrave; bas Renoir comme &agrave; bas Wagner. J&rsquo;ai fini le <em>Cap</em>. Je travaille au <em>Secteur 131</em> et &agrave; un petit livre sur la musique&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>.&nbsp;&raquo; La veille, le 29 janvier, Cocteau a &eacute;crit une lettre assez br&egrave;ve &agrave; Apollinaire qu&rsquo;on lira plus bas, publi&eacute;e en 1991 avec leur (maigre) correspondance par Pierre Caizergues et Michel D&eacute;caudin, et apparemment rest&eacute;e sans r&eacute;ponse, au lendemain de sa visite &agrave; Cendrars&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>. Enfin, comme on sait, le po&egrave;te a aussi eu un &eacute;change de lettres avec Cendrars avant cette rencontre, et re&ccedil;u une lettre de son ami peu apr&egrave;s, avant son d&eacute;part pour Paris le 9 f&eacute;vrier.</p> <p style="text-align: justify;">Pourquoi ces &laquo;&nbsp;oublis&nbsp;&raquo;&nbsp;? Sans doute parce que, quand il s&rsquo;agit de ses relations artistiques &laquo;&nbsp;rive gauche&nbsp;&raquo;, Cocteau se montre prudent avec sa m&egrave;re, tr&egrave;s &laquo;&nbsp;rive droite&nbsp;&raquo;. Il a d&eacute;j&agrave; eu droit, au moment de son rapprochement avec Satie en 1916, puis de la pr&eacute;paration de <em>Parade</em>, en mai 1917, &agrave; des remarques sceptiques et des mises en garde de sa part, confort&eacute;es chez elle par les jugements d&rsquo;amies du Tout-Paris. Dans une lettre du 8 juin 1916, le po&egrave;te avait longuement et vertement r&eacute;pondu &agrave; des jugements de leur amie commune Madeleine Le Chevrel sur la musique de Satie, que sa m&egrave;re lui rapportait&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">&laquo;&nbsp;Tu t&rsquo;embrouilles, &agrave; travers Madeleine, bien <em>gentille</em>, mais <em>nulle</em>. [&hellip;] Ne t&rsquo;imagine pas que je me trompe. Je <em>renifle</em> sans commettre une erreur et un jour, pour te rassurer tout &agrave; fait, tu entendras peut-&ecirc;tre Mlle Gross la bien portante qui n&rsquo;est sensible ni &agrave; ces peintres cubistes ni &agrave; la litt&eacute;rature (surtout la po&eacute;sie) en g&eacute;n&eacute;ral, parler de l&rsquo;&oelig;uvre que je pr&eacute;pare. C&rsquo;est un bon juge, bien public et <em>sa vie en est transform&eacute;e&nbsp;</em><a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;ann&eacute;e suivante, d&eacute;but mars 1917, depuis Rome o&ugrave; il pr&eacute;parait <em>Parade</em>, parlant de la princesse [Lucien] Murat&nbsp;et de &laquo;&nbsp;la pauvre Made&nbsp;&raquo; [Madeleine Le Chevrel], Cocteau rench&eacute;rissait&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Ils consid&egrave;rent tout art comme un passe-temps, ce qui est l&eacute;gitime au lieu d&rsquo;y lire une marche de la culture europ&eacute;enne. Ils trouvent par exemple la musique de Satie &ldquo;dr&ocirc;le&rdquo; alors que sa <em>Parade</em> est plus importante que <em>Pell&eacute;as</em> [de Debussy]. Ils trouvent Picasso un farceur de talent alors que c&rsquo;est un ma&icirc;tre [&hellip;]&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a></p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Tous ces mondains amateurs d&rsquo;art devraient en somme se borner &agrave; suivre ceux qui savent, comme Cocteau l&rsquo;&eacute;crit &agrave; Auric le 27 janvier 1918 apr&egrave;s avoir annonc&eacute; qu&rsquo;il &eacute;crit sur la musique et cit&eacute; un passage du prologue de <em>Secteur 131</em>&nbsp;invitant les lecteurs au respect devant son &laquo;&nbsp;psaume&nbsp;&raquo; : &laquo;&nbsp;Nous sommes n&eacute;s pour qu&rsquo;on nous suive et pas pour suivre. S&rsquo;ils ne le sentent pas tant pis pour eux&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>.&nbsp;&raquo; Il fera de cette conviction le principe de la s&eacute;rie de presse <em>Carte blanche</em> l&rsquo;ann&eacute;e suivante, dont le but avou&eacute; est de renseigner un grand public amateur sur les &laquo;&nbsp;valeurs nouvelles&nbsp;&raquo; de l&rsquo;art (&eacute;crivains, peintres, musiciens&hellip;), et notamment la &laquo;&nbsp;petite &eacute;lite bien intentionn&eacute;e&nbsp;&raquo; qui suit les manifestations d&rsquo;Esprit nouveau mais manque de rep&egrave;res pour bien juger et &laquo;&nbsp;demande qu&rsquo;on la dirige&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Dans cette perspective, on comprend pourquoi lors de son s&eacute;jour &agrave; Grasse, s&rsquo;agissant de ses relations &laquo;&nbsp;rive gauche&nbsp;&raquo;, Cocteau pr&eacute;f&egrave;re parler &agrave; sa m&egrave;re, non d&rsquo;Apollinaire ou de Cendrars, mais de ceux qu&rsquo;il lui a d&eacute;j&agrave; &laquo;&nbsp;impos&eacute;s&nbsp;&raquo;, de plus ou moins bon gr&eacute;&nbsp;: Satie donc, Auric, Valentine (qu&rsquo;elle appr&eacute;cie beaucoup et comme personne et comme peintre), ou Andr&eacute; Lhote, avec qui le po&egrave;te a pass&eacute; une partie de l&rsquo;&eacute;t&eacute; 1917 pr&egrave;s d&rsquo;Arcachon.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="3_Une_posture_de_grand_homme_eclats_et_miroitements"><strong>3. Une posture de grand homme&nbsp;: &eacute;clats et miroitements</strong></span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Cette gestion diplomatique de la conversation &eacute;pistolaire se manifeste aussi dans la mani&egrave;re dont Cocteau parle aux uns et aux autres de son travail en cours, c&rsquo;est-&agrave;-dire dont il se pr&eacute;sente &agrave; eux comme auteur&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>. Sachant qu&rsquo;il ne faut pas seulement, pour l&rsquo;appr&eacute;cier, chercher des d&eacute;clarations en forme (ou pas), des attitudes tranch&eacute;es, &eacute;clatantes, comme y poussent les interviews de presse qui imposent de mettre les points sur les i, mais plut&ocirc;t lire entre les lignes, sentir les sous-entendus, identifier des allusions, et tout ce qui rel&egrave;ve du mine de rien et du miroitement allusif&hellip; Voyons ce qu&rsquo;il en est avec Jean Hugo, Georges Auric, Gide, Apollinaire et pour finir Cendrars.</p> <p style="text-align: justify;"><strong>3.1. Avec Jean Hugo</strong></p> <p style="text-align: justify;">Jean Hugo (n&eacute; en 1894, 23 ans)&nbsp;: Cocteau (n&eacute; en 1889, 28 ans) l&rsquo;a rencontr&eacute; six mois plus t&ocirc;t &agrave; peu pr&egrave;s, le 24 juillet 1917, lors d&rsquo;une soir&eacute;e chez Valentine Gross. Six mois plus tard le cadet n&rsquo;est encore pour l&rsquo;a&icirc;n&eacute; qu&rsquo;un ami, pas encore le dessinateur aigu et &laquo;&nbsp;sage&nbsp;&raquo; dont il d&eacute;couvre les dessins chez Valentine en avril 1918&hellip; et dont il pourrait tirer profit pour ses propres projets, comme il le fera trois ans plus tard en lui confiant les masques et costumes des <em>Mari&eacute;s de la Tour Eiffel </em>(1921). Aussi la lettre de Cocteau &agrave; Hugo du 15 janvier 1918 reste-t-elle purement amicale et ne souffle mot des travaux en cours, seulement des lettres et nouvelles qui n&rsquo;arrivent pas et des ennuis de la guerre&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Neiges et buffles Rio Jim arr&ecirc;tent les trains de poste et on reste imb&eacute;cile, loin de tout ce qu&rsquo;on aime &agrave; recevoir un soleil qui ne chauffe pas le c&oelig;ur. [&hellip;] L&rsquo;engagement de Fran&ccedil;ois [demi-fr&egrave;re de Jean Hugo] ajoute une dose d&rsquo;amertume &agrave; l&rsquo;&eacute;norme drogue. Ce monstre informe qui sautille patauge &eacute;crase du monde par maladresse en mange par gourmandise et vomit de droite et de gauche offre un joli spectacle&nbsp;! [&hellip;] Quand je pense qu&rsquo;on aurait pu se conna&icirc;tre, toute la tribu des c&oelig;urs fid&egrave;les sous &ldquo;le rire&rdquo; dont parle Nietzsche, &ldquo;comme une tente multicolore&rdquo; &ndash; et ce demi-sommeil sous les b&acirc;ches&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;amiti&eacute;, la guerre, mais pas l&rsquo;&oelig;uvre&nbsp;: le po&egrave;te ne prend pas la peine de se montrer&nbsp;; l&rsquo;enjeu est nul.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="32_Avec_Georges_Auric"><strong>3.2. Avec Georges Auric</strong></span></h3> <p style="text-align: justify;">C&rsquo;est tout le contraire avec le jeune musicien prodige Georges Auric (18 ans et demi en 1918), lui aussi rencontr&eacute;, en 1915, par l&rsquo;interm&eacute;diaire de Valentine. Avec lui, comme en litt&eacute;rature avec le jeune po&egrave;te Jean Le Roy, connu par Apollinaire, avec qui il a une correspondance suivie depuis No&euml;l 1917 &ndash; donc &agrave; Grasse &ndash; et avant que Radiguet ne surgisse dans sa vie en 1919, Cocteau commence &agrave; r&ecirc;ver d&rsquo;une relation de ma&icirc;tre &agrave; disciple o&ugrave; il serait le ma&icirc;tre, apr&egrave;s avoir lui-m&ecirc;me beaucoup admir&eacute; et imit&eacute; (tour &agrave; tour Rostand, Oscar Wilde, Montesquiou, Anna de Noailles, Gide, Apollinaire). Auric s&rsquo;y pr&ecirc;te volontiers, qui lui &eacute;crit le 24 janvier, pudiquement emphatique&nbsp;: &laquo;&nbsp;Vous &ecirc;tes mon Schiller et moi je suis Beethoven&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>.&nbsp;&raquo; Durant l&rsquo;&eacute;t&eacute; 1917 il a compos&eacute; plusieurs m&eacute;lodies sur des po&egrave;mes de Cocteau. Six mois plus tard ils s&rsquo;appellent encore par leurs noms, mais une grande complicit&eacute; les r&eacute;unit, une m&ecirc;me admiration pour Satie, et les m&ecirc;mes id&eacute;es sur la musique, que ratifie la d&eacute;dicace &agrave; Auric du <em>Coq et l&rsquo;Arlequin</em> r&eacute;dig&eacute;e un mois apr&egrave;s le retour de Grasse (elle est dat&eacute;e du 19 mars 1918).</p> <p style="text-align: justify;">D&eacute;but 1918, &agrave; Grasse, ce qui occupe Cocteau est un projet de ballet qui ferait suite &agrave; <em>Parade</em>, et ses trois lettres sont des lettres de travail, pressant gentiment Auric d&rsquo;&eacute;crire sa partition, tout en donnant lui-m&ecirc;me l&rsquo;exemple d&rsquo;un po&egrave;te au travail, m&ecirc;me et surtout loin de Paris&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Lettre du 1<sup>er</sup> janvier&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Je pense &agrave; vous et au travail. Avez-vous vu Bertin&nbsp;? Il faut qu&rsquo;il cherche des &laquo;&nbsp;techniciens&nbsp;&raquo; du guignol et qu&rsquo;il les trouve avant mon retour. Rasez-le. Mais qu&rsquo;il vous laisse &eacute;crire la Symphonie am&eacute;ricaine. <em>U.S.A.</em> comme titre serait pas mal. Que croyez-vous&nbsp;? Ici j&rsquo;ai une chambre chaude qui donne sur une &eacute;norme carte en couleurs. Je corrige les &eacute;preuves [du <em>Potomak</em>] et vais me mettre au &laquo;&nbsp;Po&egrave;me&nbsp;&raquo; [<em>Secteur 131</em>]. Je suis sans patience pour votre &oelig;uvre&nbsp;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">&laquo;&nbsp;Po&egrave;me&nbsp;&raquo;, avec majuscule &agrave; l&rsquo;initiale et entre guillemets, affirme (toujours sur cet air d&rsquo;emphase qui se veut dr&ocirc;le quand il est question de choses graves) le profil majeur, celui par lequel Cocteau veut &ecirc;tre connu apr&egrave;s <em>Parade</em>, et annonce un po&egrave;me long, une &laquo;&nbsp;grande &oelig;uvre&nbsp;&raquo; pouvant pr&eacute;tendre au format d&rsquo;un livre, au lieu des petits po&egrave;mes que privil&eacute;gient les revues d&rsquo;avant-garde. Un po&egrave;me long comme en ont donn&eacute; ses deux mod&egrave;les du moment, Apollinaire avec &laquo;&nbsp;Zone&nbsp;&raquo; (1912) dans <em>Alcools</em>, Cendrars avec &laquo;&nbsp;Les P&acirc;ques&nbsp;&raquo; la m&ecirc;me ann&eacute;e, &laquo;&nbsp;Prose du Transsib&eacute;rien&nbsp;&raquo;, et bient&ocirc;t <em>Le Panama</em>, &agrave; para&icirc;tre aux &eacute;ditions de la Sir&egrave;ne apr&egrave;s de nombreux d&eacute;boires en juin 1918.</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; Face au silence d&rsquo;Auric, la carte-lettre du 15 janvier se concentre sur le ballet en souffrance et le motif du travail&nbsp;: &laquo;&nbsp;Pourquoi ce silence&nbsp;? Si votre excuse est le travail, tant mieux &ndash; Si les trains arr&ecirc;t&eacute;s par buffles, neige et Sioux perdent vos lettres j&rsquo;enrage &ndash; Si vous n&rsquo;&eacute;crivez pas, ne composez pas et ne poussez pas [Pierre] Bertin &agrave; voir des sp&eacute;cialistes, Lhote, etc&hellip; vous &ecirc;tes un monstre&nbsp;<a href="#_ftn32" name="_ftnref32">[32]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;">&ndash; La longue et bonne r&eacute;ponse d&rsquo;Auric le 24 janvier est pleine d&rsquo;excuses, de contrition, de bonne volont&eacute; et de bonnes nouvelles du ballet et de la bande, tout cela sur un ton joueur&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">‒ Travaill&eacute; &agrave; l&rsquo;ANGE [la &laquo;&nbsp;Symphonie am&eacute;ricaine&nbsp;&raquo;]</p> <p style="text-align: justify;">Cela &laquo;&nbsp;part&nbsp;&raquo; je suis assez content.</p> <p style="text-align: justify;">Mais je crois que ce sera plus long que la IX<sup>e</sup>.</p> <p style="text-align: justify;">Vous &ecirc;tes mon Schiller et je suis Beethoven.</p> <p style="text-align: justify;">O&ugrave; allons-nous&nbsp;<a href="#_ftn33" name="_ftnref33">[33]</a>&hellip;</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">&ndash; Trop heureux, Cocteau r&eacute;pond le 27 par retour de courrier en donnant libre cours &agrave; une sc&eacute;nographie d&rsquo;auteur m&ecirc;lant &eacute;troitement musique et litt&eacute;rature, encadr&eacute;e par deux r&eacute;f&eacute;rences &agrave; leur admiration commune en musique, Erik Satie, et dans laquelle s&rsquo;&eacute;bauche d&eacute;j&agrave; un nouveau projet de conqu&ecirc;te du champ litt&eacute;raire et artistique&nbsp;<a href="#_ftn34" name="_ftnref34">[34]</a>. Il s&rsquo;agit pour le po&egrave;te d&rsquo;occuper une place laiss&eacute;e libre par un Apollinaire ami des peintres, comme il l&rsquo;&eacute;crira tr&egrave;s directement &agrave; sa m&egrave;re le 17 juin 1920&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ne crois pas que je m&rsquo;occupe des musiciens par esprit de sacrifice. Ma situation parmi eux ajoute beaucoup &agrave; ma figure de po&egrave;te. J&rsquo;y tiens &eacute;norm&eacute;ment. Elle me donne une force d&rsquo;action qu&rsquo;on ne trouve jamais dans son propre domaine&nbsp;<a href="#_ftn35" name="_ftnref35">[35]</a>.&nbsp;&raquo; Au c&oelig;ur de la lettre, le Po&egrave;te prend (involontairement&nbsp;?) la pose biblique, celle de Mo&iuml;se descendant de la montagne apr&egrave;s ses 40 jours de solitude avec Dieu&nbsp;: &laquo;&nbsp;Triste loin de la bande &ndash; c&rsquo;est n&eacute;cessaire &ndash; J&rsquo;ai des choses &agrave; dire &ndash; [&hellip;] Quand je redescendrai parmi vous j&rsquo;aurai du calme &ndash; je verrai juste&nbsp;<a href="#_ftn36" name="_ftnref36">[36]</a>.&nbsp;&raquo; Le grand Po&egrave;me en cours, <em>Secteur 131</em>, devrait, lui annonce-t-il &laquo;&nbsp;d&eacute;go&ucirc;te[r] la faune de Flore &ndash; peu importe &ndash; Je ne peux pas jouer toute ma vie de la guitare, de la pipe et de l&rsquo;arlequin&nbsp;&raquo;. La r&eacute;f&eacute;rence au Flore, quartier g&eacute;n&eacute;ral d&rsquo;Apollinaire, indique bien la cible &agrave; atteindre et sans doute &agrave; d&eacute;ranger pour mieux s&rsquo;imposer par ce &laquo;&nbsp;psaume&nbsp;&raquo; qui devrait &ecirc;tre un grand coup, &laquo;&nbsp;car il y a des chants qui d&eacute;foncent l&rsquo;&eacute;corce / un souffle si dur qu&rsquo;il imprime / sa forme aux trompettes&nbsp;&raquo;, affirme-t-il &agrave; Auric en recopiant un passage du prologue du po&egrave;me. Apr&egrave;s Mo&iuml;se, voici le sonore cocorico de l&rsquo;ange joueur de trompette de l&rsquo;Apocalypse, compl&eacute;t&eacute; d&rsquo;une r&eacute;f&eacute;rence &agrave; un th&egrave;me pictural f&eacute;tiche des cubistes, dont Picasso se serait gr&acirc;ce &agrave; lui &eacute;mancip&eacute; en devenant d&eacute;corateur de sc&egrave;ne pour <em>Parade</em>&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;"><em>habituez vous &agrave; ce psaume</em></p> <p style="text-align: justify;">ici le souffle est aussi naturel</p> <p style="text-align: justify;">que cette sainte famille</p> <p style="text-align: justify;">un litre un jeu de cartes une pipe</p> <p style="text-align: justify;">un paquet de tabac</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Conclusion&nbsp;: &laquo;&nbsp;Nous sommes n&eacute;s pour qu&rsquo;on nous suive et pas pour suivre. S&rsquo;ils ne le sentent pas tant pis pour eux.&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;">Cocteau abat donc tr&egrave;s librement son jeu devant Auric. Il le fait aussi en lui r&eacute;v&eacute;lant qu&rsquo;il est en train d&rsquo;&eacute;crire &laquo;&nbsp;un petit livre&hellip; sur la musique&nbsp;<a href="#_ftn37" name="_ftnref37">[37]</a>&nbsp;&raquo;. Telle est bien la carte &agrave; jouer pour esp&eacute;rer &laquo;&nbsp;prendre la direction&nbsp;&raquo; des musiciens gravitant autour de Satie avec qui il est en contact r&eacute;gulier depuis les premi&egrave;res manifestations &laquo;&nbsp;po&eacute;sie et musique&nbsp;&raquo; lanc&eacute;es par Cendrars rue Huyghens en 1916 avec Auric, Durey, Honegger, le noyau originel des Nouveaux Jeunes.</p> <p style="text-align: justify;">La troisi&egrave;me partie de la lettre flatte en ce sens le jeune disciple, dont il a vitalement besoin pour conqu&eacute;rir non seulement le Flore mais Paris&hellip; et tenter de garder la main sur Satie&nbsp;: &laquo;&nbsp;Tr&egrave;s inquiet de savoir votre avis sur les axiomes Musique&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;Dites &agrave; nos belles pianistes et violonistes que je les aime et qu&rsquo;elles devraient &ldquo;&eacute;tablir un piano dans les Alpes&nbsp;<a href="#_ftn38" name="_ftnref38">[38]</a>&rdquo; &ndash; Je cr&egrave;ve sans musique. Essayez de faire comprendre &agrave; la Pa&iuml;va [Satie] que je lui &ldquo;recommande&rdquo; les petits po&egrave;mes Intermezzo U.S.A. [Usage Satie Auric]&nbsp;<a href="#_ftn39" name="_ftnref39">[39]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;">Dans tout cela, on peut se demander si la mention en passant d&rsquo;une visite &agrave; Cendrars le lendemain &agrave; Nice, en fin de lettre, ne vise pas &agrave; souligner leur bonne entente et l&rsquo;absence de mauvais coup en pr&eacute;paration dans tous ces beaux projets de litt&eacute;rature et musique. Il est certain en tout cas, comme la lettre de 1920 &agrave; sa m&egrave;re cit&eacute;e et d&rsquo;autres avant elle en t&eacute;moignent, que Cocteau a senti l&agrave; sa chance de percer dans le champ artistique de la fin de la guerre&nbsp;<a href="#_ftn40" name="_ftnref40">[40]</a>.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="33_Avec_Andre_Gide"><strong>3.3. Avec Andr&eacute; Gide</strong></span></h3> <p style="text-align: justify;">Avec Gide, les relations sont depuis plusieurs ann&eacute;es compliqu&eacute;es&nbsp;: Gide est fascin&eacute; par l&rsquo;aisance de Cocteau, son brio, sa dr&ocirc;lerie aussi, mais tr&egrave;s mis en garde par ses amis de la N.R.F. contre sa mondanit&eacute; et son arrivisme. La correspondance des deux &eacute;crivains montre que le plus jeune ne cesse de revenir &agrave; leur rencontre de 1913 en Normandie, chez Blanche, o&ugrave; sont n&eacute;s les Eug&egrave;nes du <em>Potomak</em> (livre de ton par ailleurs tr&egrave;s gidien, tr&egrave;s <em>Paludes</em>), comme au moment fondateur de leur (fragile) amiti&eacute;. Les Eug&egrave;nes, voil&agrave; par o&ugrave; il pla&icirc;t &agrave; Gide, et voil&agrave; pourquoi les lettres de Cocteau ne cessent d&rsquo;y faire allusion.</p> <p style="text-align: justify;">Celle du 19 janvier 1918 surench&eacute;rit en faisant cadeau d&rsquo;un dessin d&rsquo;Eug&egrave;ne. Il faut dire que depuis <em>Parade</em> la relation s&rsquo;est refroidie, Gide ayant (malgr&eacute; l&rsquo;insistance de Cocteau) boud&eacute; les repr&eacute;sentations. Veut-il se faire pardonner en prenant l&rsquo;initiative de la carte postale &agrave; laquelle la lettre-dessin r&eacute;pond&nbsp;? Le cadeau du dessin, soulign&eacute; d&rsquo;un &laquo;&nbsp;Pensez &agrave; l&rsquo;Eug&egrave;ne d&rsquo;Offranville&nbsp;!&nbsp;&raquo;, vaut en tout cas remerciement sp&eacute;cial du po&egrave;te, qui pr&eacute;cise&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je pense &agrave; vous avec tendresse et m&eacute;lancolie. Si loin l&rsquo;un de l&rsquo;autre toujours et pourtant &agrave; chaque rencontre le bon fluide circule et la main r&eacute;chauffe la main. / Votre chamois saute dans ma chambre et apporte l&rsquo;odeur alpicole&nbsp;<a href="#_ftn41" name="_ftnref41">[41]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;">Autre enrichissement, la &laquo;&nbsp;photo miracle&nbsp;&raquo; jointe, qui montre Cocteau et Mme de Beaumont posant en ange Gabriel et en Vierge Marie, propose une dr&ocirc;le de mise en sc&egrave;ne du po&egrave;te, saugrenue, frivole dans le contexte de guerre rappel&eacute; par l&rsquo;Eug&egrave;ne. Mais c&rsquo;est encore pour toucher Gide par cet autre c&ocirc;t&eacute; qui l&rsquo;agace et l&rsquo;attire &agrave; la fois dans son cadet, son c&ocirc;t&eacute; pitre et gavroche, insouciant, peut-&ecirc;tre m&ecirc;me &laquo;&nbsp;incapable de gravit&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn42" name="_ftnref42">[42]</a>&nbsp;&raquo;, &eacute;crivait l&rsquo;a&icirc;n&eacute; dans son journal apr&egrave;s une rencontre dans un caf&eacute; de Paris en septembre 1914, et dont il se sait, lui, incapable.</p> <p style="text-align: justify;">Au centre de cette sc&eacute;nographie, comme dans la derni&egrave;re lettre &agrave; Auric, Cocteau se risque &agrave; parler de &laquo;&nbsp;choses s&eacute;rieuses&nbsp;&raquo; et &agrave; se montrer sous un profil plus grave&nbsp;: &laquo;&nbsp;Que faites-vous&nbsp;? Travaillez-vous&nbsp;? Moi j&rsquo;ach&egrave;ve le prologue ou pr&eacute;ambule du <em>Secteur 131</em>, suite du <em>Cap</em>, et j&rsquo;essaye de gu&eacute;rir mes rhumatismes&nbsp;<a href="#_ftn43" name="_ftnref43">[43]</a>.&nbsp;&raquo; Les autres correspondances ne nous parlent pas de ces rhumatismes, motif mis l&agrave; sans doute pour excuser sa vill&eacute;giature de luxe &agrave; Grasse &ndash; &agrave; 20 km de Cendrars s&eacute;journant &agrave; Nice avec les siens dans une quasi mis&egrave;re&nbsp;<a href="#_ftn44" name="_ftnref44">[44]</a>. Il n&rsquo;est plus question du <em>Potomak</em>, que Gide, c&eacute;dant &agrave; l&rsquo;entreprenant et persuasif auteur, avait mollement propos&eacute; aux &eacute;ditions de la N.R.F. en 1914. Pas question non plus du projet de ballet faisant suite &agrave; <em>Parade</em>, qu&rsquo;il a snob&eacute; l&rsquo;ann&eacute;e pr&eacute;c&eacute;dente, mais seulement du long po&egrave;me en cours, de guerre visiblement d&rsquo;apr&egrave;s son titre, <em>Secteur 131</em>, pr&eacute;sent&eacute; comme suite du <em>Cap de Bonne-Esp&eacute;rance</em>, c&rsquo;est-&agrave;-dire du livre que Cocteau essaie au m&ecirc;me moment, via Fargue notamment, de faire accepter par Gallimard&nbsp;<a href="#_ftn45" name="_ftnref45">[45]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">On voit donc par cette lettre du 19 janvier que Gide n&rsquo;est plus pour Cocteau la cl&eacute; &agrave; utiliser pour entrer dans la maison si convoit&eacute;e, devenue depuis sa cr&eacute;ation en 1910 &laquo;&nbsp;la position dominante dans la hi&eacute;rarchie interne du champ&nbsp;<a href="#_ftn46" name="_ftnref46">[46]</a>&nbsp;&raquo; (129-130). Mais aussi que son opinion compte toujours&nbsp;: les quelques lignes s&eacute;rieuses au centre de la lettre signifient que l&rsquo;inqui&eacute;tant auteur des Eug&egrave;nes, l&rsquo;amusant gavroche mondain, est aussi un po&egrave;te qui a du fond, un po&egrave;te &laquo;&nbsp;capable de gravit&eacute;&nbsp;&raquo; et de continuit&eacute;, travaillant &agrave; un grand po&egrave;me de guerre d&rsquo;ambition &eacute;gale &agrave; celle du <em>Cap de Bonne-Esp&eacute;rance</em> dont Cocteau a fait d&eacute;j&agrave; plusieurs lectures-test en 1917 et que cette fois, moyennant une ruse de bonne guerre racont&eacute;e par Adrienne Monnier dans ses souvenirs, il lira rue de l&rsquo;Od&eacute;on en pr&eacute;sence de Gide en f&eacute;vrier 1919, peu apr&egrave;s sa sortie&nbsp;<a href="#_ftn47" name="_ftnref47">[47]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Dans ces lignes &laquo;&nbsp;s&eacute;rieuses&nbsp;&raquo;, le propos est sobre, Cocteau se surveille. Il ne s&rsquo;abandonne surtout pas, comme dans la lettre &agrave; Auric, &agrave; proph&eacute;tiser l&rsquo;importance de ce <em>Secteur 131</em> pour la po&eacute;sie moderne et l&rsquo;ensemble du champ litt&eacute;raire. Mais il lui suffit de traiter Gide d&rsquo;&eacute;gal &agrave; &eacute;gal, en restant lui-m&ecirc;me, et de lui tendre encore et toujours la main.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="34_Avec_Guillaume_Apollinaire"><strong>3.4. Avec Guillaume Apollinaire</strong></span></h3> <p style="text-align: justify;">La lettre &agrave; Apollinaire du 29 janvier 1918, qui n&rsquo;est pas une r&eacute;ponse mais une initiative de Cocteau, n&rsquo;est pas moins tactique que celle &agrave; Gide. Elle est tr&egrave;s br&egrave;ve, la voici&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Mon cher Guillaume &ndash; je pense souvent &agrave; vous et au &ldquo;livre de l&rsquo;olive&nbsp;<a href="#_ftn48" name="_ftnref48">[48]</a>&rdquo;. Vu Cendrars qui me parle d&rsquo;une brochure avec Rouveyre&nbsp;<a href="#_ftn49" name="_ftnref49">[49]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Pourriez-vous dire &agrave; Morisse de me la faire envoyer&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">Je travaille et j&rsquo;essaye de reprendre <em>des forces</em>.</p> <p style="text-align: justify;">[dessin d&rsquo;un c&oelig;ur]</p> <p style="text-align: justify;">Villa Croisset</p> <p style="text-align: justify;">Grasse A.M.&nbsp;<a href="#_ftn50" name="_ftnref50">[50]</a></p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Cocteau a nourri de grands espoirs en mars de l&rsquo;ann&eacute;e pr&eacute;c&eacute;dente quand, r&eacute;pondant &agrave; un projet qu&rsquo;il avait de cr&eacute;er un &laquo;&nbsp;journal de l&rsquo;Ordre&nbsp;&raquo;, Apollinaire lui avait envoy&eacute; une lettre on ne peut plus aimable et m&ecirc;me courtisane&nbsp;<a href="#_ftn51" name="_ftnref51">[51]</a>, assortie d&rsquo;une promesse de pr&eacute;senter <em>Le Potomak</em> au Mercure de France, lettre interpr&eacute;t&eacute;e par le cadet comme une proposition d&rsquo;&laquo;&nbsp;assurer ensemble la direction morale de notre milieu&nbsp;&raquo;, ainsi qu&rsquo;il l&rsquo;&eacute;crit &agrave; Andr&eacute; Lhote peu apr&egrave;s&nbsp;<a href="#_ftn52" name="_ftnref52">[52]</a>. Or rien de concret n&rsquo;a suivi, sinon l&rsquo;article d&rsquo;Apollinaire au moment de <em>Parade</em>, dont Cocteau, qui n&rsquo;est pas aveugle, a bien vu qu&rsquo;il ne le mentionnait qu&rsquo;&agrave; peine et n&rsquo;en avait que pour Satie, Picasso et Massine&nbsp;<a href="#_ftn53" name="_ftnref53">[53]</a>. Depuis, les deux po&egrave;tes se regardent en rivaux, mais en rivaux qui ont besoin l&rsquo;un de l&rsquo;autre, et donc se font des amabilit&eacute;s&nbsp;<a href="#_ftn54" name="_ftnref54">[54]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Dans ce contexte, la lettre du 29 janvier semble s&rsquo;expliquer surtout par les projets agit&eacute;s par Cocteau la veille &agrave; Grasse avec Cendrars autour de la Sir&egrave;ne. Le po&egrave;te y &eacute;voque d&rsquo;embl&eacute;e un projet de roman ancien d&rsquo;Apollinaire qui, brodant sur la fin du monde, serait sans doute assez d&rsquo;actualit&eacute; en cette quatri&egrave;me ann&eacute;e de guerre, <em>La Gloire de l&rsquo;olive</em>, toujours in&eacute;dit. Il glisse aussi le nom de Cendrars, figure indiscutable du milieu &laquo;&nbsp;rive gauche&nbsp;&raquo; dont le d&eacute;fenseur de l&rsquo;Esprit nouveau s&rsquo;efforce depuis son retour du front en 1916 d&rsquo;&ecirc;tre le rassembleur&nbsp;<a href="#_ftn55" name="_ftnref55">[55]</a>. &laquo;&nbsp;Brochure&nbsp;&raquo;, &agrave; propos de la derni&egrave;re plaquette de vers du grand homme, au titre latin bien peu &laquo;&nbsp;Esprit nouveau&nbsp;&raquo; lui, et pudiquement esquiv&eacute; par Cocteau, para&icirc;t quelque peu condescendant, alors que le cadet a lui-m&ecirc;me le projet, avec <em>Secteur 131</em>, d&rsquo;&eacute;tonner le Flore et les milieux de l&rsquo;art moderne. Pas un mot bien s&ucirc;r &agrave; ce sujet, non plus que du ballet avec Auric dans lequel Cocteau veut embarquer Satie pour continuer apr&egrave;s <em>Parade</em> la &laquo;&nbsp;s&eacute;rie de manifestations&nbsp;&raquo; de l&rsquo;Esprit nouveau dont son ballet &eacute;tait en 1917, de l&rsquo;aveu d&rsquo;Apollinaire, &laquo;&nbsp;le point de d&eacute;part&nbsp;<a href="#_ftn56" name="_ftnref56">[56]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Pas un mot non plus, &agrave; vrai dire, des &eacute;ditions de la Sir&egrave;ne et de leurs intentions, &agrave; Cendrars et lui, d&rsquo;y publier Apollinaire tant qu&rsquo;il le voudra, comme il appara&icirc;tra par la suite.</p> <p style="text-align: justify;">C&rsquo;est donc un Cocteau masqu&eacute;, cachant ses batteries et ses intentions, qui &eacute;crit &agrave; Apollinaire une lettre utile&nbsp;: il s&rsquo;agit avant tout de redonner signe de vie et de se montrer en compagnie de Cendrars, pour pr&eacute;parer le terrain des projets &eacute;ditoriaux &agrave; venir.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="35_Avec_Blaise_Cendrars"><strong>3.5. Avec Blaise Cendrars</strong></span></h3> <p style="text-align: justify;">Quant &agrave; Cendrars, que dire en l&rsquo;absence des lettres de Cocteau&nbsp;? Les cartes et lettres que Cendrars lui adresse en 1917 montrent toute la chaleur de l&rsquo;amiti&eacute; qu&rsquo;il a alors pour le po&egrave;te, et son d&eacute;sir sans cesse redit de le voir plus souvent&nbsp;<a href="#_ftn57" name="_ftnref57">[57]</a>. La capitale lettre du 1<sup>er</sup> septembre 1917 sur le &laquo;&nbsp;monstre&nbsp;&raquo; litt&eacute;raire dont il a accouch&eacute; pour ses trente ans&nbsp;<a href="#_ftn58" name="_ftnref58">[58]</a>, bien connue des sp&eacute;cialistes de Cendrars, t&eacute;moigne de l&rsquo;exceptionnelle confiance du po&egrave;te des <em>P&acirc;ques</em> et du <em>Transsib&eacute;rien</em> envers son ami. Mais cette confiance a-t-elle &eacute;t&eacute; partag&eacute;e au m&ecirc;me degr&eacute;&nbsp;? Dans ce cas, pourquoi ces questions dans la lettre de Cendrars qui suit leur rencontre du 28 janvier &agrave; Nice&nbsp;: &laquo;&nbsp;Si je fais mon affaire avec Laffitte il me faut une liste de bouquins &agrave; lui soumettre. Qu&rsquo;as-tu de pr&ecirc;t pour l&rsquo;&eacute;dition&nbsp;? / Et les autres, qui parmi les autres&nbsp;<a href="#_ftn59" name="_ftnref59">[59]</a>&nbsp;?&nbsp;&raquo; Mais de quoi ont-ils donc parl&eacute; exactement&nbsp;? &laquo;&nbsp;Qu&rsquo;as-tu de pr&ecirc;t pour l&rsquo;&eacute;dition&nbsp;?&nbsp;&raquo;&nbsp;: la question revient &agrave; dire que Cocteau n&rsquo;aurait parl&eacute; &agrave; Cendrars ni du <em>Coq et l&rsquo;Arlequin</em> &ndash;&nbsp;achev&eacute; d&rsquo;imprimer par la Sir&egrave;ne en juin suivant, ni du <em>Secteur 131</em> &ndash; annonc&eacute; &agrave; para&icirc;tre, sous le titre&nbsp;: <em>Secteur calme</em>, dans l&rsquo;&eacute;dition du <em>Coq et l&rsquo;Arlequin</em>, ni du <em>Cap de Bonne-Esp&eacute;rance</em> &ndash; dont les premiers essais de mise en page commencent &agrave; la Sir&egrave;ne en juin. Cela fait donc trois titres pr&ecirc;ts &agrave; &eacute;diter ou en bonne voie, et Cendrars peut demander apr&egrave;s leur rencontre &agrave; Nice&nbsp;: &laquo;&nbsp;Qu&rsquo;as-tu de pr&ecirc;t pour l&rsquo;&eacute;dition&nbsp;?&nbsp;&raquo;&nbsp;! Comment expliquer cette incoh&eacute;rence, sachant les grands projets de Cocteau pour cette maison d&egrave;s l&rsquo;&eacute;t&eacute; suivant&nbsp;<a href="#_ftn60" name="_ftnref60">[60]</a>&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">Une explication peut-&ecirc;tre se trouve dans une lettre du po&egrave;te &agrave; son vieil ami &laquo;&nbsp;Blanchie&nbsp;&raquo; (Jacques-&Eacute;mile Blanche), datant du printemps 1918&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Ne me reprochez pas de montrer mon &oelig;uvre &agrave; quiconque. <em>Personne</em> ne conna&icirc;t une ligne de moi sauf huit amis (dont un seul artiste) auxquels certaines circonstances tr&egrave;s sp&eacute;ciales m&rsquo;ont fait lire <em>Le Cap de Bonne-Esp&eacute;rance</em>.</p> <p style="text-align: justify;">(M&ecirc;me Cendrars, Apollinaire, etc., etc., n&rsquo;en connaissant RIEN.)</p> <p style="text-align: justify;">La raison de ce silence est la crainte <em>timide</em> que le po&egrave;me ne touche pas ceux que je souhaite le plus atteindre &ndash; ne livre pas d&rsquo;un seul coup son architecture nouvelle et ses perspectives. Quel gros jeu&nbsp;! On tourne autour de la table, on a la somme dans sa main et la main dans sa poche, on fixe de l&rsquo;&oelig;il un chiffre entre tous, le c&oelig;ur bat &agrave; se rompre&nbsp;<a href="#_ftn61" name="_ftnref61">[61]</a>&hellip;</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Cocteau le timide&nbsp;: voil&agrave; une image inattendue, exag&eacute;r&eacute;e sans doute comme l&rsquo;affirmation que le po&egrave;me n&rsquo;est connu que de &laquo;&nbsp;huit amis (dont un seul artiste)&nbsp;&raquo;. Et en m&ecirc;me temps admissible, si l&rsquo;on songe que les quatre lectures du <em>Cap de Bonne-Esp&eacute;rance</em> en 1917 ont lieu chez des amis plut&ocirc;t ouverts aux id&eacute;es modernes, mais tous ancr&eacute;s &laquo;&nbsp;rive droite&nbsp;&raquo; (Edith et &Eacute;tienne de Beaumont, Paul Morand, Valentine Gross)&nbsp;<a href="#_ftn62" name="_ftnref62">[62]</a>. Parmi les auditeurs de ces s&eacute;ances ne figure aucun de ceux que Cocteau &laquo;&nbsp;souhaite le plus atteindre&nbsp;&raquo; et que les seuls noms de Cendrars et d&rsquo;Apollinaire suffisent ici &agrave; d&eacute;signer&nbsp;: tout le milieu &laquo;&nbsp;rive gauche&nbsp;&raquo; des po&egrave;tes amis et/ou rivaux dont Cocteau ambitionne de devenir un des chefs. &laquo;&nbsp;Qu&rsquo;as-tu de pr&ecirc;t pour l&rsquo;&eacute;dition&nbsp;?&nbsp;&raquo; Le possible silence de Cocteau &agrave; Nice le 28 janvier nous laisse imaginer un po&egrave;te d&rsquo;autant plus h&eacute;sitant sur la sc&eacute;nographie de sa r&eacute;v&eacute;lation en po&eacute;sie que son ami Cendrars est un de ceux dont l&rsquo;avis compte le plus pour lui &agrave; ce moment. Pourtant, c&rsquo;est sans doute &agrave; cette date qu&rsquo;il va d&eacute;cider de miser &laquo;&nbsp;gros jeu&nbsp;&raquo; sur la Sir&egrave;ne, avec l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;en faire la maison d&rsquo;&eacute;dition des po&egrave;tes et de tous ceux qui, de Picasso tr&egrave;s vite d&eacute;march&eacute; &agrave; Satie, incarneront l&rsquo;Esprit nouveau dans &laquo;&nbsp;toutes les branches de l&rsquo;art&nbsp;<a href="#_ftn63" name="_ftnref63">[63]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="Conclusion"><strong>Conclusion</strong></span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Il est int&eacute;ressant de rep&eacute;rer, en lisant les lettres de Grasse, la diversit&eacute; des facettes qu&rsquo;un auteur comme Cocteau peut composer ou laisser voir selon ses destinataires et les biais sociaux et artistiques par lesquels ils sont en relation. Le profil d&rsquo;artiste multiple dessin&eacute; globalement par les lettres de Grasse (roman, po&eacute;sie, danse, musique) et qui va bient&ocirc;t marquer sa posture de po&egrave;te durant le si&egrave;cle, Cocteau le d&eacute;cline expr&egrave;s tr&egrave;s diff&eacute;remment selon les destinataires, de l&rsquo;elliptique &laquo;&nbsp;Je travaille&nbsp;&raquo; (&agrave; Apollinaire) aux confidences &agrave; c&oelig;ur ouvert (&agrave; Auric) en passant par les listes plus ou moins exhaustives de travaux en cours (&agrave; Gleizes, Gide, Blanche&hellip;)&nbsp;<a href="#_ftn64" name="_ftnref64">[64]</a>. Avec chacun, m&ecirc;me avec les plus proches, il y a un r&ocirc;le &agrave; tenir, des choses &agrave; dire et &agrave; ne pas dire et des mani&egrave;res diff&eacute;rentes de le faire, tout sp&eacute;cialement quand il s&rsquo;agit de parler de son &oelig;uvre en cours. La polarit&eacute; esth&eacute;tique rive droite / rive gauche qui organise le territoire de ces relations agit l&agrave; fortement, comme on l&rsquo;a soulign&eacute;, mais aussi les degr&eacute;s de camaraderie et/ou de rivalit&eacute;, qui situent par exemple Auric et Cendrars mais aussi Valentine Gross et Jacques-&Eacute;mile Blanche &agrave; l&rsquo;oppos&eacute; de Gide ou Apollinaire. Ainsi, en lisant la lettre &agrave; Auric du 27 janvier 1918, on voit se d&eacute;voiler sans fard, apr&egrave;s quelques propos mi-lyriques mi-amusants, la posture quasi hugolienne&nbsp;<a href="#_ftn65" name="_ftnref65">[65]</a> de Po&egrave;te-proph&egrave;te qui se cache derri&egrave;re le projet du <em>Secteur 131</em> (&laquo;&nbsp;J&rsquo;ai des choses &agrave; dire&nbsp;&raquo;&hellip; &laquo;&nbsp;Je ne peux pas jouer toute ma vie de la guitare, de la pipe et de l&rsquo;arlequin&nbsp;&raquo;&hellip;&nbsp;&laquo;&nbsp;il y a des chants qui d&eacute;foncent l&rsquo;&eacute;corce&nbsp;&raquo;&hellip;). Dans la lettre &agrave; Gide du 19 janvier en revanche, qu&rsquo;accompagne une photo amusante (Cocteau d&eacute;guis&eacute; en ange, Mme de Beaumont en vierge), il faut une certaine sagacit&eacute; pour deviner la posture proph&eacute;tique dans la rapide mention &ndash;&nbsp;au centre de la lettre&nbsp;&ndash; du <em>Secteur 131 </em>comme &laquo;&nbsp;suite du <em>Cap</em>&nbsp;&raquo;, le long po&egrave;me &eacute;pique d&eacute;pos&eacute; chez Gallimard, et dans le &laquo;&nbsp;jeu&nbsp;&raquo; de l&rsquo;Annonciation interpr&eacute;t&eacute; sur un mode si enfantin. Mais soulignons aussi que, s&rsquo;il y a un point commun entre toutes ces lettres, c&rsquo;est la coexistence du badinage et du s&eacute;rieux, toujours&nbsp;; ce qui varie est leur dosage, tout comme celui du dr&ocirc;le et du douloureux dans l&rsquo;&oelig;uvre m&ecirc;me d&rsquo;un po&egrave;te assumant d&rsquo;&ecirc;tre un &laquo;&nbsp;faux frivole type&nbsp;&raquo; &agrave; la mani&egrave;re de Stendhal&nbsp;<a href="#_ftn66" name="_ftnref66">[66]</a>. Car si la sc&eacute;nographie d&rsquo;auteur de Cocteau s&rsquo;inscrit dans un certain h&eacute;ritage romantique, les enfantillages y jouent un r&ocirc;le d&rsquo;ingr&eacute;dient bien plus que de masque&nbsp;: la version du g&eacute;nie que le po&egrave;te veut incarner est &agrave; la fois proph&eacute;tique <em>et</em> amicale, sociable, gentille, capable de dr&ocirc;lerie&nbsp;<a href="#_ftn67" name="_ftnref67">[67]</a>. Quant &agrave; sa manifestation dans des &oelig;uvres et dans le champ litt&eacute;raire et artistique en ce d&eacute;but de l&rsquo;ann&eacute;e 1918, elle est encore &agrave; venir&nbsp;: <em>Le Cap de Bonne-Esp&eacute;rance</em>, lu ici et l&agrave; par l&rsquo;auteur courant 1917, est en panne d&rsquo;&eacute;diteur, <em>Secteur 131</em> n&rsquo;est pas achev&eacute;, les &eacute;preuves du <em>Potomak</em> tout juste corrig&eacute;es (d&eacute;but janvier) et <em>Le Coq et l&rsquo;Arlequin</em> tout juste &eacute;crit (fin janvier). Du c&ocirc;t&eacute; des projets en collaboration, c&rsquo;est le flou&nbsp;: Auric commence &agrave; travailler &agrave; la musique du ballet qui doit faire suite &agrave; <em>Parade</em>, mais Satie ne semble pas se laisser convaincre. Quant &agrave; l&rsquo;association avec Cendrars &agrave; la Sir&egrave;ne, elle vient tout juste de se d&eacute;cider lors de la rencontre des deux &eacute;crivains &agrave; Nice le 24 janvier. Bref, Cocteau travaille &agrave; sortir de l&rsquo;ombre, mais il est encore, litt&eacute;rairement, dans l&rsquo;ombre. Or, tous ces calculs d&rsquo;image et de strat&eacute;gie de r&eacute;ussite n&rsquo;ont-ils pas des r&eacute;sultats bien souvent impr&eacute;visibles&nbsp;? L&rsquo;ann&eacute;e suivante, ce n&rsquo;est pas du tout par sa &laquo;&nbsp;po&eacute;sie de po&eacute;sie&nbsp;&raquo; (<em>Le Cap de Bonne-Esp&eacute;rance</em>, <em>Secteur 131</em>), &agrave; quoi il attache alors le plus d&rsquo;importance, que Cocteau va se faire un nom, mais par un petit &laquo;&nbsp;tract&nbsp;&raquo; sur la musique, <em>Le Coq et l&rsquo;Arlequin</em>, et ses talents de promoteur d&rsquo;une esth&eacute;tique musicale passag&egrave;rement incarn&eacute;e par le &laquo;&nbsp;Groupe des Six&nbsp;&raquo;. Le Po&egrave;te devra attendre encore quelques ann&eacute;es (<em>Plain-Chant</em>, en 1923) avant de s&rsquo;imposer par le po&egrave;me&hellip;</p> <h2 style="text-align: justify;"><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a> Passavant est dans ce roman le nom du personnage inspir&eacute; par Cocteau. Il est frappant de voir combien de relations de Cocteau avec des personnalit&eacute;s de&nbsp;l&rsquo;&eacute;poque sont plac&eacute;es sous le signe du malentendu, de Gide &agrave; Apollinaire en passant par Reverdy ou peu apr&egrave;s par Aragon, sans oublier Satie ou Picasso.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a> Jean Cocteau, <em>Lettres &agrave; sa m&egrave;re</em>, I (1898-1918), texte &eacute;tabli et annot&eacute; par Pierre Caizergues ; avec le concours de Pierre Chanel, Paris, Gallimard, 1989.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a> <em>Ibid.</em>, p.&nbsp;348.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a> <em>Ibid.</em>, p.&nbsp;347.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a> <em>Ibid.</em>, p.&nbsp;350-351.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a> <em>Ibid.</em>, p.&nbsp;353-354.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a> Sa s&oelig;ur Marthe, mari&eacute;e, vivant &agrave; Londres (une lettre en bas d&rsquo;une lettre &agrave; sa m&egrave;re, les autres in&eacute;dites)&nbsp;; son fr&egrave;re Paul, aviateur, au front&nbsp;(quelques lettres, in&eacute;dites).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a> Une lettre au romancier Paul Adam, intervenu dans le proc&egrave;s de Satie en cours, une autre &agrave; Straus l&rsquo;avocat du musicien, une troisi&egrave;me &agrave; Jos&eacute; Th&eacute;ry l&rsquo;avocat de son adversaire, toutes in&eacute;dites. Des remerciements aussi &agrave; Mme Casella, pour avoir &eacute;t&eacute; cit&eacute; dans la revue de son mari le pianiste et compositeur Alfredo Casella.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a> Claude Arnaud, <em>Jean Cocteau</em>, Paris, Gallimard, 2003, p.&nbsp;195.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a> D&rsquo;autant plus circonstanci&eacute;e (et quelque peu flagorneuse) qu&rsquo;elle a &laquo;&nbsp;l&acirc;chement&nbsp;&raquo; tra&icirc;n&eacute; (s&rsquo;accuse-t-il), puisqu&rsquo;elle r&eacute;pond &agrave; sa carte&hellip; du Jour de l&rsquo;An.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a> Georges Auric, Jean Cocteau, <em>Correspondance</em>, Pierre Caizergues (&eacute;d.), Montpellier, Centre d&rsquo;&eacute;tude du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle, Service des publications de l&rsquo;Universit&eacute; Paul-Val&eacute;ry, 1999, p.&nbsp;25 (lettre de Cocteau du 27 janvier).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a> Jacques-&Eacute;mile Blanche, Jean Cocteau, <em>Correspondance</em>, Maryse Renault-Garneau (&eacute;d.), Paris, la Table ronde, 1993, p.&nbsp;124.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a> Jean Cocteau, <em>Lettres &agrave; Andr&eacute; Gide. Avec quelques r&eacute;ponses d&rsquo;Andr&eacute; Gide</em>, Jean-Jacques Kihm (&eacute;d.), Paris, la Table ronde, 1970, p.&nbsp;64.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a> Pierre Chanel, <em>Album Cocteau</em>, Paris, Tchou, 1970, p.&nbsp;40. Photo communiqu&eacute;e &agrave; l&rsquo;auteur par le comte Henri de Beaumont (h&eacute;ritier d&rsquo;&Eacute;tienne de Beaumont).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a> Elle r&eacute;pond &agrave; une lettre pr&eacute;c&eacute;dente de Cocteau visiblement d&eacute;j&agrave; arriv&eacute; chez les Croisset.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a> Georges Auric, Jean Cocteau, <em>Correspondance</em>, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;25.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a> <em>Le Panama</em> sort en juin 1918.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a> &laquo;&nbsp;Tracts&nbsp;&raquo;, n&deg;1, achev&eacute; d&rsquo;imprimer en juin 1918, distribu&eacute; en janvier 1919.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a> Premiers essais de mise en page en juin 1918, achev&eacute; d&rsquo;imprimer le 7 d&eacute;cembre 1918, mise en vente le 25 janvier 1919 (v.&nbsp;Georges Auric, Jean Cocteau, <em>Correspondance</em>, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;9 et 53).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a> Titre d&rsquo;un projet de livre de Cocteau &eacute;voqu&eacute; dans le &laquo;&nbsp;Prospectus&nbsp;&raquo; du <em>Potomak</em>, dat&eacute; de 1916, qui aurait racont&eacute; sa d&eacute;couverte de la &laquo;&nbsp;boh&egrave;me neuve&nbsp;&raquo; d&rsquo;Apollinaire, Max Jacob, Picasso, Braque et offert &agrave; &laquo;&nbsp;toute une jeunesse un itin&eacute;raire afin de gagner du temps&nbsp;&raquo; (Jean Cocteau, <em>&OElig;uvres romanesques compl&egrave;tes</em>, Serge Linar&egrave;s (&eacute;d.), pr&eacute;face de Henri Godard, Gallimard, &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que de la Pl&eacute;iade&nbsp;&raquo;, 2006, p.&nbsp;13).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a> V. Pierre-Marie H&eacute;ron, <em>Cocteau. Entre &eacute;criture et conversation</em>, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, &laquo; Interf&eacute;rences &raquo;, 2010.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a> Francis Steegmuller, <em>Cocteau: A Biography</em>, Boston, Atlantic-Little, Brown, 1970, puis <em>Cocteau</em>, traduit de l&rsquo;anglais par Marcelle Jossua&nbsp;, Buchet/Chastel [1973], 1997, p.&nbsp;150.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a> <em>Correspondance Guillaume Apollinaire, Jean Cocteau</em>, Pierre Caizergues et Michel D&eacute;caudin (&eacute;d.), avec le concours de Gilbert Boudar, Paris, J.-M. Place, 1991.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a> Jean Cocteau, <em>Lettres &agrave; sa m&egrave;re</em>, I, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;261.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a> <em>Id.</em>, p.&nbsp;302. D&eacute;but novembre 1917, Cocteau ferraillait de m&ecirc;me avec son vieil ami &laquo;&nbsp;Blanchie&nbsp;&raquo; (Jacques-&Eacute;mile Blanche) dont il ne comprenait pas l&rsquo;opinion sur la musique de Satie (&laquo;&nbsp;Pour moi c&rsquo;est nul, &agrave; part de petites gentillesses [&hellip;] que d&rsquo;autres ont mises en &oelig;uvre&nbsp;&raquo;, lui &eacute;crivait ce dernier le 5 novembre).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a> Georges Auric, Jean Cocteau, <em>Correspondance</em>, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;24.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a> <em>Carte blanche</em>, article 12 du 16 juin 1919, Paris, &Eacute;ditions de la Sir&egrave;ne, juillet 1920, p.&nbsp;65-66. La s&eacute;rie compte vingt articles hebdomadaires, publi&eacute;s du 31 mars au 11 ao&ucirc;t 1919, le lundi dans <em>Paris-Midi</em>, le lendemain dans <em>Le Si&egrave;cle</em>. V. Pierre-Marie H&eacute;ron, &laquo;&nbsp;Les &ldquo;articles de clan&rdquo; dans la s&eacute;rie de presse <em>Carte blanche</em>&nbsp;&raquo;,&nbsp;dans&nbsp;<em>Cocteau journaliste</em>, P.-M. H&eacute;ron et M.-&Egrave;. Th&eacute;renty (&eacute;d.), Rennes, Presses universitaires de Rennes, &laquo;&nbsp;Interf&eacute;rences&nbsp;&raquo;, 2014, p.&nbsp;49-70.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a> Pour m&eacute;moire, d&eacute;but janvier il exp&eacute;die la petite besogne d&rsquo;un texte pour une plaquette publicitaire, corrige les &eacute;preuves du <em>Cap</em> et les envoie &agrave; l&rsquo;&eacute;diteur. Courant janvier il termine le prologue de son deuxi&egrave;me grand po&egrave;me, <em>Secteur 131</em>. Fin janvier, il &eacute;crit, assez vite, les notes sur la musique du <em>Coq et l&rsquo;Arlequin</em>. Durant tout le mois il relance Auric sur un projet de ballet lanc&eacute; en novembre ou d&eacute;cembre pr&eacute;c&eacute;dent, et qui tra&icirc;ne, <em>USAnge de New York</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a> Jean Cocteau, Jean Hugo, <em>Correspondance</em>, Brigitte Borsaro et Pierre Caizergues (&eacute;d.), Montpellier, Centre d&rsquo;&eacute;tude du XXe si&egrave;cle, 1995, p.&nbsp;31.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a> Georges Auric, Jean Cocteau, <em>Correspondance</em>, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;22.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a> <em>Ibid.</em>, p.&nbsp;20.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref32" name="_ftn32">[32]</a> <em>Ibid.</em>, p.&nbsp;21.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref33" name="_ftn33">[33]</a> <em>Ibid.</em>, p.&nbsp;22.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref34" name="_ftn34">[34]</a> Lequel, apr&egrave;s le retrait de Satie en novembre 1918 du groupe des &laquo;&nbsp;Nouveaux Jeunes&nbsp;&raquo; cr&eacute;&eacute; par lui en 1917, aboutira en janvier 1920 au label &laquo;&nbsp;groupe des Six&nbsp;&raquo; dont on conna&icirc;t la fortune publicitaire.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref35" name="_ftn35">[35]</a> Cocteau, <em>Lettres &agrave; sa m&egrave;re</em>, Gallimard, II (1919-1938), Jean Touzot &eacute;d. (avec le concours de Pierre Chanel), 2007, p.&nbsp;55. Voir aussi la lettre de Cocteau &agrave; sa m&egrave;re du 31 ao&ucirc;t 1918&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;ai d&eacute;cid&eacute; avec Madame Bathori et nos camarades (ils me l&rsquo;ont demand&eacute;) de prendre la direction du ou des spectacles consacr&eacute;s aux jeunes.&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref36" name="_ftn36">[36]</a> Georges Auric, Jean Cocteau, <em>Correspondance</em>, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;24 pour cette citation et les suivantes.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref37" name="_ftn37">[37]</a> <em>Ibid.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref38" name="_ftn38">[38]</a> Citation des <em>Illuminations</em>, &laquo;&nbsp;Apr&egrave;s le D&eacute;luge&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref39" name="_ftn39">[39]</a> Cocteau veut donc croire Auric capable d&rsquo;associer Satie &agrave; son projet de nouveau ballet post-<em>Parade</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref40" name="_ftn40">[40]</a> V. Herv&eacute; Lacombe, &laquo;&nbsp;Posture de Cocteau au fil du si&egrave;cle&nbsp;&raquo;,&nbsp;dans&nbsp;<em>Jean</em> <em>Cocteau</em>, Serge Linar&egrave;s (dir.), Paris, <em>&Eacute;ditions de l&rsquo;Herne, &laquo;&nbsp;L&rsquo;Herne&nbsp;&raquo;, 2016, p.&nbsp;380-381.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref41" name="_ftn41">[41]</a> Jean Cocteau, <em>Lettres &agrave; Andr&eacute; Gide. Avec quelques r&eacute;ponses d&rsquo;Andr&eacute; Gide</em>, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;64.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref42" name="_ftn42">[42]</a> Andr&eacute; Gide, <em>Journal</em>, &Eacute;ric Marty (&eacute;d.), Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que de la Pl&eacute;iade&nbsp;&raquo;, I (1887-1925), 1996, p.&nbsp;846.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref43" name="_ftn43">[43]</a> Jean Cocteau, <em>Lettres &agrave; Andr&eacute; Gide. Avec quelques r&eacute;ponses d&rsquo;Andr&eacute; Gide</em>, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;64.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref44" name="_ftn44">[44]</a> Une lettre de Blaise Cendrars &agrave; F&eacute;la du 5 mai 1918 (l&rsquo;&eacute;crivain est revenu &agrave; Paris) donne une bonne id&eacute;e de ses conditions de vie &agrave; cette &eacute;poque (cit&eacute;e par Miriam Cendrars dans <em>Blaise Cendrars : la vie, le verbe, l&rsquo;&eacute;criture</em>, Paris, Deno&euml;l, &eacute;d. revue, corrig&eacute;e, augment&eacute;e, 2006, p.&nbsp;408-409).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref45" name="_ftn45">[45]</a> Affaire peut-&ecirc;tre d&eacute;j&agrave; class&eacute;e, Gaston Gallimard ayant assist&eacute; &agrave; une lecture du po&egrave;me chez Valentine Gross le 4 ao&ucirc;t pr&eacute;c&eacute;dent&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref46" name="_ftn46">[46]</a> Anna Boschetti, <em>La po&eacute;sie partout</em><em>. Apollinaire homme-&eacute;poque (1898-1918)</em>, Paris, Seuil, &laquo;&nbsp;Liber&nbsp;&raquo;, 2001, p.&nbsp;130.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref47" name="_ftn47">[47]</a> V. son r&eacute;cit dans Jean-Jacques Kihm, Elizabeth Sprigge, Henri Behar, <em>Jean Cocteau, l&rsquo;homme et les miroirs</em>, Paris, La Table ronde, &laquo;&nbsp;Les Vies perpendiculaires&nbsp;&raquo;, 1968 p.&nbsp;411-414.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref48" name="_ftn48">[48]</a> <em>La Gloire de l&rsquo;Olive</em>, projet 1902-1903 de roman sur la fin du monde, inachev&eacute;&nbsp;; des fragments en ont &eacute;t&eacute; utilis&eacute;s pour les chapitres 15 &agrave; 17 du <em>Po&egrave;te assassin&eacute;</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref49" name="_ftn49">[49]</a> <em>Vitam impendere mori</em>, plaquette de vers publi&eacute;e en novembre 1917 au Mercure de France.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref50" name="_ftn50">[50]</a> <em>Correspondance Guillaume Apollinaire, Jean Cocteau</em>, <em>op. cit.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref51" name="_ftn51">[51]</a> <em>Ibid.</em> Lettre du 13 mars 1917&nbsp;: &laquo;&nbsp;Votre lettre m&rsquo;a paru &ecirc;tre dans un accord merveilleux avec tout ce que j&rsquo;aime, tout ce que je sens, tout ce que je pense&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;le choix m&ecirc;me du titre du journal est une preuve heureuse d&rsquo;une entente et d&rsquo;une amiti&eacute; d&eacute;sormais indissolubles&nbsp;&raquo;, etc.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref52" name="_ftn52">[52]</a> Lettre dat&eacute;e de mars 1917, cit&eacute;e par Ornella Volta dans <em>Satie / Cocteau, les malentendus d&rsquo;une entente</em>, B&egrave;gles, Le Castor astral, 1993, p.&nbsp;40.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref53" name="_ftn53">[53]</a> Apollinaire, &laquo;&nbsp;<em>Parade</em> et l&rsquo;Esprit nouveau&nbsp;&raquo;, <em>Excelsior</em>, 11 mai 1917, texte repris dans le programme du ballet. Cocteau, &agrave; peine mentionn&eacute;, r&eacute;agit en publiant la semaine suivante dans <em>Excelsior</em> un article qui met en lumi&egrave;re son r&ocirc;le d&rsquo;auteur dans la cr&eacute;ation du ballet (&laquo;&nbsp;Avant <em>Parade</em>&nbsp;&raquo;, 18 mai 1917), suivi d&rsquo;un autre dans <em>Nord-Sud</em> (&laquo;&nbsp;La Collaboration de <em>Parade</em>&nbsp;&raquo;, <em>Nord-Sud</em>, n&deg;4-5, juin-juillet 1917).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref54" name="_ftn54">[54]</a> Courant 1917, Cocteau esp&egrave;re trouver un point de chute &agrave; son livre au Mercure de France apr&egrave;s le refus de la N.R.F., et Apollinaire a besoin de lui pour atteindre Diaghilev, &agrave; qui il veut faire passer un projet de ballet et du m&ecirc;me coup &laquo;&nbsp;quitter les petits th&eacute;&acirc;tres d&rsquo;avant-garde pour &ecirc;tre jou&eacute;, lui aussi, dans un cadre prestigieux&nbsp;&raquo; (Ornella Volta, <em>Satie / Cocteau, les malentendus d&rsquo;une entente</em>, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;42).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref55" name="_ftn55">[55]</a> La conf&eacute;rence au Vieux-Colombier sur &laquo;&nbsp;L&rsquo;Esprit nouveau et les po&egrave;tes&nbsp;&raquo; date du 26 novembre 1917, un mois avant le s&eacute;jour de Cocteau &agrave; Grasse.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref56" name="_ftn56">[56]</a> Apollinaire, &laquo;&nbsp;<em>Parade</em> et l&rsquo;Esprit nouveau&nbsp;&raquo;, op. cit.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref57" name="_ftn57">[57]</a> Correspondance publi&eacute;e par Pierre Caizergues en annexe de son article &laquo;&nbsp;Blaise Cendrars et Jean Cocteau&nbsp;&raquo;, <em>Cahiers Blaise Cendrars</em>, n&deg;3&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;Encrier de Cendrars&nbsp;&raquo;, 1989, p. 121-141. Repris dans Pierre Caizergues, <em>Apollinaire &amp; Cie</em>, Montpellier, PULM, 2018.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref58" name="_ftn58">[58]</a> <em>Id.</em>, p.&nbsp;129-130.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref59" name="_ftn59">[59]</a> <em>Id.</em>, p.&nbsp;134.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref60" name="_ftn60">[60]</a> V. la lettre &agrave; sa m&egrave;re du 10 septembre 1918, in <em>Lettres &agrave; sa m&egrave;re</em>, I, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;429.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref61" name="_ftn61">[61]</a> Jacques-&Eacute;mile Blanche, Jean Cocteau, <em>Correspondance</em>, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;126-127.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref62" name="_ftn62">[62]</a> Claude Arnaud ne date pas la premi&egrave;re s&eacute;ance de lecture, chez les Beaumont, en pr&eacute;sence d&rsquo;Anna de Noailles (<em>Jean Cocteau</em>, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;187). Les suivantes ont lieu le 15 juin 1917 chez Paul Morand (pr&eacute;sents&nbsp;: les Beaumont, Jacques Porel et Louis Gautier-Vignal &ndash; deux amis de Proust&nbsp;&ndash;, Valentine Gross)&nbsp;; le 4 ao&ucirc;t chez Valentine Gross (pr&eacute;sents, entre autres&nbsp;: Valery Larbaud, Gaston Gallimard, Proust &ndash; en retard&nbsp;&ndash;)&nbsp;; le 13 ao&ucirc;t chez l&rsquo;auteur (en pr&eacute;sence de Mauriac et de Picasso)&nbsp;: le 15 ao&ucirc;t chez Valentine Gross &agrave; nouveau (<em>ibid.</em>, p.&nbsp;188-190). Les autres lectures connues accompagnent la sortie du livre, mis en vente &agrave; la mi-janvier 1919&nbsp;: le 3 d&eacute;cembre 1918 chez Valentine Gross, devant un auditoire plus composite allant de Misia Sert &agrave;&hellip; Andr&eacute; Breton, encore inconnu de Cocteau&nbsp;; le 26 janvier 1919 chez le comte &Eacute;tienne de Beaumont&nbsp;; le 21 f&eacute;vrier dans la librairie d&rsquo;Adrienne Monnier ; le 27 avril &agrave; la galerie de L&eacute;once Rosenberg &laquo;&nbsp;L&rsquo;Effort moderne&nbsp;&raquo;. On notera, d&rsquo;une lecture &agrave; l&rsquo;autre, le d&eacute;ploiement du territoire d&rsquo;action de Cocteau, de la &laquo;&nbsp;rive droite&nbsp;&raquo; &agrave; la &laquo;&nbsp;rive gauche&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref63" name="_ftn63">[63]</a> Jean Cocteau, <em>Carte blanche</em>, article du 31 mars 1919, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;10. Ce premier article de la s&eacute;rie contient tout un paragraphe promotionnel sur les prochains livres &agrave; para&icirc;tre aux &Eacute;ditions de la Sir&egrave;ne (p.&nbsp;8-9). Pour une &eacute;valuation du r&ocirc;le effectif de Cocteau aupr&egrave;s de Cendrars &agrave; la Sir&egrave;ne en 1918 et 1919, v. Pierre Caizergues, &laquo;&nbsp;Blaise Cendrars et Jean Cocteau&nbsp;&raquo;, <em>op. cit.</em>, p. 112-114 (&laquo;&nbsp;&Agrave; Cocteau semble revenir, [&hellip;], &agrave; plusieurs reprises, le r&ocirc;le de d&eacute;marcheur aupr&egrave;s des &eacute;crivains et des artistes&nbsp;: il pouvait utiliser alors relations et entregent dont Cendrars ne disposait pas toujours&nbsp;&raquo;).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref64" name="_ftn64">[64]</a> &Agrave; Gide par exemple, Cocteau ne parle que du <em>Secteur 131</em>, pas du projet de ballet, comme &agrave; Auric ou &agrave; Blanche. Cela s&rsquo;explique sans peine.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref65" name="_ftn65">[65]</a> &laquo;&nbsp;Quasi hugolienne&nbsp;&raquo;&nbsp;: on pense ici &agrave; la r&eacute;action du po&egrave;te face au silence de Breton, convi&eacute; par Valentine Gross &agrave; une lecture du <em>Cap de Bonne-Esp&eacute;rance</em> le 4 d&eacute;cembre 1918. &laquo;&nbsp;Cocteau, comprenant de quelle r&eacute;probation ce silence &eacute;tait gros, cru bon de r&eacute;pondre &agrave; sa place&nbsp;: &ldquo;Mais&hellip; ce n&rsquo;est plus &ccedil;a qu&rsquo;il faut faire&rdquo; &ndash;&nbsp;avant de se tourner vers Jean Hugo [&hellip;]&nbsp;: &ldquo;&Ccedil;a fait trop sublime, trop Victor Hugo&nbsp;&raquo; (Claude Arnaud, <em>Jean Cocteau</em>, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;190).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref66" name="_ftn66">[66]</a> Jean Cocteau, <em>Lettres &agrave; sa m&egrave;re</em>, II, <em>op. cit., </em>p.&nbsp;223-224. Lettre du 3 novembre 1922. <em>Discours du grand sommeil</em> (version d&eacute;finitive du <em>Secteur 131</em>) contient de nombreuses notations dr&ocirc;les.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref67" name="_ftn67">[67]</a> V. Pierre-Marie H&eacute;ron, &laquo;&nbsp;Posture de Cocteau au fil du si&egrave;cle&nbsp;&raquo;,&nbsp;dans&nbsp;<em>Jean </em><em>Cocteau</em>, Cahier de l&rsquo;Herne, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;493-508.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="Auteur">Auteur</span></h3> <p style="text-align: justify;"><strong>Pierre-Marie H&eacute;ron</strong> est professeur de litt&eacute;rature fran&ccedil;aise &agrave; l&rsquo;universit&eacute; Paul-Val&eacute;ry Montpellier 3 et membre de l&rsquo;Institut universitaire de France. Il anime &agrave; Montpellier, au sein du Centre de recherche RIRRA 21, un programme de recherche sur Cocteau et les &eacute;crivains de son temps, dans le cadre duquel il coordonne la publication d&rsquo;ouvrages sur le sujet. Prochains titres &agrave; para&icirc;tre, en 2019&nbsp;: Cocteau d&rsquo;une guerre &agrave; l&rsquo;autre aux Presses universitaires de Rennes (avec Michel Collomb et David Gullentops)&nbsp;; Douze ans de journal posthume : Le Pass&eacute; d&eacute;fini de Jean Cocteau aux Presses universitaires de la M&eacute;diterran&eacute;e (avec Pierre Caizergues). Il a r&eacute;cemment r&eacute;uni et pr&eacute;fac&eacute;, sous le titre Apollinaire &amp; Cie, un riche choix d&rsquo;articles de Pierre Caizergues sur Apollinaire, Cendrars, Cocteau et Jean-Claude Renard (PULM, 2018, 504 p.).</p> <h3><strong>Copyright</strong></h3> <p>Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p> </div>