<div class="entry-content"> <h3 style="text-align: justify;">Abstract</h3> <p><span class="transpan"><span id="tran0">This reflection fastens to the &ldquo;end of the book&rdquo; from the point of view of the &ldquo;sound poetry&rdquo;. Centered on the founding works, of Fran&ccedil;ois Dufr&ecirc;ne, Henri Chopin and Bernard Heidsieck, attentive to the absence of univocity of the speech, it returns on what, in them, shows &ndash; and prove &ndash; the desire of exit of the book, and on the obstinacy of paper publications. To wish the end of the book does not here amount to dream the disappearance of the object: the old medium remains a not insignificant possibility. Far from any biblioclasty, the expected end is the one of a hegemony; that of the equation: poetry = literature = book(s); that of the mythologies and the fetishist worship.</span></span></p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">sound poetry, Bernard Heidsieck, Fran&ccedil;ois Dufr&ecirc;ne, Henri Chopin</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">La question de &laquo;&nbsp;la fin du livre&nbsp;&raquo; est &agrave; la mode. Comme le sont, plus globalement, tous les discours de la fin&nbsp;: fin de l&rsquo;Histoire, fin de l&rsquo;Humanisme, fin de la Litt&eacute;rature. Stimul&eacute; par l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration des mutations technologiques, un imaginaire pessimiste voire apocalyptique qui confond la fin du livre avec celle de la litt&eacute;rature (quand ce n&rsquo;est pas de la culture et de la civilisation) se donne libre cours. Le devenir num&eacute;rique du livre, loin d&rsquo;&ecirc;tre pens&eacute; comme une mutation formelle comparable &agrave; celle qu&rsquo;a d&eacute;j&agrave; connue l&rsquo;objet livre, du <em>volumen</em> au codex, puis au codex typographique, est per&ccedil;u comme &laquo;&nbsp;synonyme de disparition&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;le basculement [&hellip;] dans le cyberespace&nbsp;&raquo; &eacute;quivalant &agrave; une dissolution &laquo;&nbsp;dans le flux informationnel&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;">Soit.</p> <p style="text-align: justify;">Pourtant rien n&rsquo;oblige &agrave; penser que le livre &eacute;lectronique doive remplacer le codex comme celui-ci l&rsquo;a fait du <em>volumen</em>. Depuis plus d&rsquo;un si&egrave;cle que les Cassandre proph&eacute;tisent sa fin, le tr&egrave;s traditionnel livre papier, qu&rsquo;auraient d&ucirc; p&eacute;rimer le disque phonographique, le film cin&eacute;matographique, la radio, la t&eacute;l&eacute;vision, la vid&eacute;o, continue de servir de support privil&eacute;gi&eacute; &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre litt&eacute;raire. &Agrave; l&rsquo;&oelig;uvre po&eacute;tique, surtout. Dans le champ po&eacute;tique en effet, o&ugrave; les &oelig;uvres circulent pour la plupart en marge des grands circuits de diffusion &agrave; travers un r&eacute;seau atomis&eacute; de petits &eacute;diteurs et de microdiffuseurs, l&rsquo;objet jouit d&rsquo;un prestige persistant. Papier, couverture, format, caract&egrave;res, spatialisation du texte, introduction de jeux chromatiques &eacute;ventuels, toute la physique du livre requiert l&rsquo;attention la plus aigu&euml;. La plus amoureuse. La plus f&eacute;tichiste. Au point qu&rsquo;une bibliophilie aussi g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;e a pu engendrer quelque agacement. En particulier chez ceux qui, &eacute;pris de modernit&eacute;, d&eacute;veloppent un discours technophile, exaltent l&rsquo;ad&eacute;quation de la litt&eacute;rature aux nouveaux m&eacute;dias&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a> et/ou pratiquent des formes pour lesquelles le livre n&rsquo;est pas le support le plus adapt&eacute;. Du c&ocirc;t&eacute; de ce qu&rsquo;il est convenu de nommer &laquo;&nbsp;po&eacute;sies exp&eacute;rimentales&nbsp;&raquo;, la fin de la &laquo;&nbsp;galaxie Gutenberg&nbsp;&raquo;, le passage de la graphosph&egrave;re&nbsp;&ndash;&nbsp;ou de la typosph&egrave;re&nbsp;&ndash;&nbsp;&agrave; la vid&eacute;osph&egrave;re ou &egrave;re &eacute;lectronique, &agrave; supposer qu&rsquo;il ait lieu, prendrait plut&ocirc;t des allures de lib&eacute;ration.</p> <p style="text-align: justify;">On sait combien l&rsquo;effort des avant-gardes historiques a vis&eacute; &agrave; affranchir le po&egrave;me des caract&eacute;ristiques qu&rsquo;il tirait en partie de son inscription dans le medium livre&nbsp;: s&eacute;quentialit&eacute;, lin&eacute;arit&eacute;, unidimensionnalit&eacute; par exemple. On se souvient des recherches et des querelles qui se d&eacute;velopp&egrave;rent dans les ann&eacute;es dix autour des notions de simultan&eacute;it&eacute; ou de simultan&eacute;, dont l&rsquo;article d&rsquo;Apollinaire &laquo;&nbsp;Simultanisme-librettisme&nbsp;&raquo; se fait l&rsquo;&eacute;cho et qui engendr&egrave;rent aussi bien les calligrammes que la <em>Prose du Transsib&eacute;rien </em>de Cendrars et Sonia Delaunay, premier &laquo;&nbsp;livre simultan&eacute;&nbsp;&raquo;, qui, dans son &eacute;dition originale, prend la forme d&rsquo;une longue bande de 2 x &nbsp;0,36 m, ob&eacute;issant &agrave; un syst&egrave;me de pliage semblable &agrave; celui des cartes routi&egrave;res et susceptible de s&rsquo;afficher au mur comme un tableau<em>.</em> Sans oublier les po&egrave;mes-pancartes et les po&egrave;mes-affiches de Pierre Albert-Birot, &eacute;crits au pinceau et &agrave; l&rsquo;encre de Chine noire sur papier d&rsquo;Arches, ou peints en couleurs, qui, &eacute;chappant &agrave; la lin&eacute;arit&eacute; et &agrave; la successivit&eacute; du livre, s&rsquo;accrochent sur les murs, s&rsquo;exposent, si l&rsquo;on veut. &laquo;&nbsp;Ode&nbsp;&raquo; est m&ecirc;me con&ccedil;u comme un &laquo;&nbsp;po&egrave;me tournant&nbsp;&raquo; qu&rsquo;Albert-Birot avait, selon son t&eacute;moignage, peint sur une grande feuille fa&ccedil;onn&eacute;e en colonne de 2 m de haut et 80 cm de diam&egrave;tre, laquelle, plac&eacute;e sur un plateau tournant, arrachait le po&egrave;me au plan de la page.</p> <p style="text-align: justify;">Quant aux futuristes italiens, &laquo;&nbsp;ivres de dynamisme r&eacute;volutionnaire et belliqueux&nbsp;&raquo;, contempteurs des biblioth&egrave;ques au m&ecirc;me titre que du mus&eacute;e, leur conception de la po&eacute;sie comme &laquo;&nbsp;reflet dionysiaque de la polyphonie des bruits, des couleurs et des formes de la ville&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo; les pousse &agrave; d&eacute;valuer l&rsquo;&eacute;criture, fixation r&eacute;ductrice de l&rsquo;&eacute;nergie vitale ou, plus justement, &agrave; chercher &agrave; la spatialiser, &agrave; la doter d&rsquo;une mat&eacute;rialit&eacute; nouvelle qui la lib&eacute;rerait de l&rsquo;horizontalit&eacute; et de la compacit&eacute; norm&eacute;es du texte imprim&eacute;, telles qu&rsquo;elles se sont impos&eacute;es depuis Gutenberg. La n&eacute;gation futuriste du livre, &laquo;&nbsp;compagnon statique des s&eacute;dentaires, des invalides, des nostalgiques&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo;, auquel &eacute;taient pr&eacute;f&eacute;r&eacute;s le cin&eacute;ma et les enseignes lumineuses, invite &agrave; privil&eacute;gier les planches motlibristes, que leurs grandes dimensions conduisent &agrave; sortir du livre une fois d&eacute;pli&eacute;es, ou encore le po&egrave;me-tableau et le po&egrave;me-affiche. Bref des pratiques o&ugrave; le po&egrave;me rel&egrave;ve plut&ocirc;t de la composition picturale. &Agrave; la fin de la Premi&egrave;re Guerre mondiale, Marinetti consid&egrave;re ainsi que le livre est d&eacute;finitivement d&eacute;pass&eacute; comme support de la cr&eacute;ation motlibriste.</p> <p style="text-align: justify;">Pourtant, et bien qu&rsquo;en 1933 encore, dans son manifeste <em>Immensifier la po&eacute;sie</em>, Escodam&eacute; ait pu juger &laquo;&nbsp;absurde et avilissant que les mots des po&egrave;tes soient enferm&eacute;s dans les quelques centim&egrave;tres carr&eacute;s des revues, des livres et des journaux&nbsp;&raquo; et se soit complu &agrave; r&ecirc;ver de &laquo;&nbsp;po&eacute;sies &eacute;crites sur les pages bleues du ciel par les panaches de fum&eacute;e des a&eacute;roplanes&nbsp;&raquo;, les futuristes, on ne l&rsquo;ignore pas, ont parfois, dans les ann&eacute;es vingt et trente, renou&eacute; avec l&rsquo;&eacute;criture lin&eacute;aire et op&eacute;r&eacute; &laquo;&nbsp;un vaste retour au livre comme objet d&rsquo;invention et d&rsquo;amour&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo;. Il est vrai qu&rsquo;ils travaillent alors plut&ocirc;t sur le mod&egrave;le du livre-objet. Textes en version manuscrite, peinte ou dactylographi&eacute;e, illustr&eacute;s de collages, aquarelles, bois grav&eacute;s. Insertion de feuilles volantes ou de feuilles de cellophane partiellement imprim&eacute;es permettant des effets de surimpression, textures de papier diff&eacute;rentes, d&eacute;coupage, perforation de la page, usage de l&rsquo;aluminium, du papier d&rsquo;argent ou du papier d&rsquo;aluminium, du fer blanc, reliures au moyen de boulons&nbsp;: il s&rsquo;agit d&rsquo;introduire dans le monde du livre imprim&eacute; des mat&eacute;riaux issus de la civilisation technologique. Non de rejeter le livre au pr&eacute;texte qu&rsquo;il serait un support obsol&egrave;te pour la cr&eacute;ation futuriste.</p> <p style="text-align: justify;">Si, dans les ann&eacute;es dix, le motlibrisme et la &laquo;&nbsp;r&eacute;volution typographique&nbsp;&raquo; pr&ocirc;n&eacute;s par Marinetti ont incit&eacute; les futuristes &agrave; d&eacute;faire la structure du livre et &agrave; bouleverser l&rsquo;ordre de la page, si une tendance &agrave; la biblioclastie s&rsquo;est parfois rencontr&eacute;e dans les manifestes, quand le livre s&rsquo;est constitu&eacute; en symbole du pass&eacute;isme, objet thanatique, &laquo;&nbsp;tombeau de l&rsquo;&eacute;lan vital, n&eacute;crose des passions&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo;, l&rsquo;avant-garde italienne a donc pu aussi donner naissance &agrave; une nouvelle forme de bibliophilie. &Agrave; un effort pour inventer un livre qui serait &laquo;&nbsp;l&rsquo;expression futuriste de [la] pens&eacute;e futuriste&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo;, au plus loin de &laquo;&nbsp;la conception idiote et naus&eacute;euse du livre de vers pass&eacute;iste, avec son papier &agrave; la main genre seizi&egrave;me si&egrave;cle orn&eacute; de gal&egrave;res, de minerves, d&rsquo;apollons, de grandes initiales et de paraphes, de l&eacute;gumes mythologiques, de rubans de missel, d&rsquo;&eacute;pigraphes et de chiffres romains&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Mais il y a, dans le vaste ensemble des po&eacute;sies exp&eacute;rimentales, une tendance&nbsp;&ndash;&nbsp;&agrave; l&rsquo;&eacute;mergence de laquelle le futurisme a d&rsquo;ailleurs contribu&eacute;&nbsp;&ndash;&nbsp;qui semble s&rsquo;accommoder fort mal d&rsquo;une assignation &agrave; r&eacute;sidence dans le livre&nbsp;: celle qui s&rsquo;est int&eacute;ress&eacute;e &agrave; la mati&egrave;re sonore de la langue, aux unit&eacute;s minimales de la syllabe et de la lettre, voire &agrave; la soufflerie corporelle et &agrave; tous les bruits non verbaux&nbsp;: po&eacute;sie phon&eacute;tique et, au-del&agrave;, po&eacute;sie sonore.</p> <p style="text-align: justify;">D&egrave;s les ann&eacute;es dix du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle, Henri Martin Barzun th&eacute;orise sa propre conception du simultan&eacute;isme sous le nom de dramatisme et entreprend avec <em>L&rsquo;Orph&eacute;&iuml;de</em> un &laquo;&nbsp;chant dramatique simultan&eacute;&nbsp;&raquo;. Pierre Albert-Birot propose ses po&egrave;mes &laquo;&nbsp;&agrave; deux voix&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;&agrave; trois voix simultan&eacute;es&nbsp;&raquo; et son &laquo;&nbsp;Po&egrave;me &agrave; crier et &agrave; danser&nbsp;&raquo;. Apollinaire se passionne pour les nouvelles techniques de son temps, le phonographe et le cin&eacute;ma notamment, nouveaux moyens d&rsquo;expression qui devaient, selon lui, offrir aux po&egrave;tes &laquo;&nbsp;une libert&eacute; inconnue&nbsp;&raquo;&nbsp;; et dans son c&eacute;l&egrave;bre po&egrave;me, &laquo;&nbsp;La Victoire&nbsp;&raquo;, il appelle &agrave; la cr&eacute;ation bruitiste, &agrave; la d&eacute;couverte de &laquo;&nbsp;nouveaux sons&nbsp;&raquo;. Du c&ocirc;t&eacute; du Futurisme italien, Marinetti voit dans les planches motlibristes &laquo;&nbsp;de v&eacute;ritables partitions musicales qui exigent le d&eacute;clamateur&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo;, Depero pratique l&rsquo;&laquo;&nbsp;onomalangue&nbsp;&raquo;, Russolo th&eacute;orise <em>L&rsquo;Art des bruits</em>. Enfin, Dada contribue activement &agrave; cette pr&eacute;histoire de la po&eacute;sie sonore. Hugo Ball lit au Cabaret Voltaire ses &laquo;&nbsp;vers sans mots&nbsp;&raquo;, <em>Karawane</em> et <em>Gadji beri bimba</em>, Tristan Tzara, Richard Huelsenbeck et Marcel Janco y font entendre le &laquo;&nbsp;po&egrave;me simultan&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;L&rsquo;amiral cherche une maison &agrave; louer&nbsp;&raquo;&nbsp;; &agrave; Berlin, Raoul Hausmann r&eacute;cite, mime et danse ses po&egrave;mes de lettres&nbsp;; Kurt Schwitters, de son c&ocirc;t&eacute;, &eacute;labore &agrave; partir de 1922 sa <em>Sonate de sons primitifs</em> (<em>Ursonate)</em>&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">Dans les ann&eacute;es cinquante quelques &eacute;crivains, d&rsquo;abord isol&eacute;s puis li&eacute;s de sympathie m&ecirc;me s&rsquo;ils ne forment pas une &eacute;cole, vont proprement fonder ce que l&rsquo;on a pris l&rsquo;habitude d&rsquo;appeler la po&eacute;sie sonore. Fran&ccedil;ois Dufr&ecirc;ne, transfuge du lettrisme, Henri Chopin et Bernard Heidsieck. Trois &eacute;crivains qui, selon des modalit&eacute;s diverses, travaillent la langue et le bruit&nbsp;; la langue comme bruit. Ou la voix comme mati&egrave;re. Fran&ccedil;ois Dufr&ecirc;ne, pr&eacute;f&eacute;rant ce qu&rsquo;il appelle dans &laquo;&nbsp;Fausse route&nbsp;&raquo; la &laquo;&nbsp;criation de transes intranscriptibles&nbsp;&raquo; &agrave; la cr&eacute;ation, cherche &agrave; &laquo;&nbsp;faire chanter jusqu&rsquo;&agrave; la visc&eacute;ralit&eacute; humaine&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo;. Pour Henri Chopin, il s&rsquo;agit de tirer parti des possibilit&eacute;s du corps comme machine &agrave; parler, comme &laquo;&nbsp;vaste usine &agrave; sons qui ne conna&icirc;t aucun silence&nbsp;&raquo; dont la bouche est &laquo;&nbsp;le haut-parleur&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo;. L&rsquo;audio-po&egrave;me se fait de souffles, de bruits de glotte, de chuintements salivaires enregistr&eacute;s et amplifi&eacute;s, superpos&eacute;s et d&eacute;multipli&eacute;s. Bernard Heidsieck en revanche travaille plut&ocirc;t d&rsquo;abord dans le sens de ce que Jean-Pierre Bobillot, qui lui a consacr&eacute; une &eacute;tude extr&ecirc;mement document&eacute;e, appelle une &laquo;&nbsp;<em>musication</em> <em>atomis&eacute;e</em> du texte&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo;, par radicalisation de proc&eacute;d&eacute;s musicalisants connus, comme allit&eacute;ration, assonance, r&eacute;duplications, mais aussi par &eacute;tirements vocalique et consonantique qui produisent des effets de <em>glissando</em>, par d&eacute;composition syllabique (&eacute;pellation), syllabes en libert&eacute;, aph&eacute;r&egrave;ses, apocopes, tm&egrave;ses qui dissocient les &eacute;l&eacute;ments linguistiques. Puis, d&eacute;passant ce que Bobillot propose d&rsquo;appeler la <em>musiture</em>, il int&egrave;gre peu &agrave; peu &agrave; son po&egrave;me des collages sonores.</p> <p style="text-align: justify;">Dufr&ecirc;ne, Heidsieck, Chopin&nbsp;: trois &eacute;crivains qui, assez rapidement, privil&eacute;gient non plus le stylo ou la machine &agrave; &eacute;crire mais le magn&eacute;tophone comme outil de travail. Non seulement comme instrument de transcription et de sauvegarde d&rsquo;une effectuation orale du po&egrave;me mais comme outil de cr&eacute;ation &ndash; ou, si l&rsquo;on veut &eacute;viter les connotations religieuses inh&eacute;rentes &agrave; ce terme, outil de composition. Bernard Heidsieck consid&egrave;re qu&rsquo;avec le magn&eacute;tophone est &laquo;&nbsp;n&eacute; un nouveau stylo, une nouvelle machine &agrave; &eacute;crire, et qu&rsquo;avec la bande magn&eacute;tique, ce nouveau medium, pouvait et allait s&rsquo;op&eacute;rer un renversement &agrave; 180 degr&eacute;s du texte, cela quant &agrave; sa facture et quant &agrave; sa transmission&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Facture du texte, d&rsquo;abord. Le microphone, la bande magn&eacute;tique et, pour Heidsieck au moins, les ciseaux et la colle qui permettent d&rsquo;intervenir directement sur la bande deviennent les v&eacute;ritables outils de ce qui n&rsquo;est plus une &eacute;criture mais plut&ocirc;t une <em>auditure</em> selon un autre n&eacute;ologisme propos&eacute; par Jean-Pierre Bobillot&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>. Qu&rsquo;il s&rsquo;agisse de faire entendre l&rsquo;infra langue, la soufflerie, les bruits corporels, gargouillis, chuintements salivaires, toux, rires, tout ce qui r&eacute;sonne dans la cavit&eacute; phonatoire ou de coller dans le po&egrave;me des bruits ext&eacute;rieurs &ndash; bruits de rues, cris d&rsquo;enfants, etc. &ndash; l&rsquo;enregistrement direct est indiscutablement plus satisfaisant que le mime scriptural&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>. C&rsquo;est d&rsquo;ailleurs l&rsquo;insatisfaction engendr&eacute;e par les recherches de ses compagnons lettristes, lesquels, pour repr&eacute;senter les sons non alphab&eacute;tiques, comme bruits de langue ou de glotte, soupirs, raclements ou toux, voulaient inventer de nouveaux signes graphiques, qui conduit Dufr&ecirc;ne &agrave; rompre avec le lettrisme et &agrave; recourir au magn&eacute;tophone pour enregistrer ses <em>Crirythmes</em>, cessant de confondre, comme le faisait Isou, po&egrave;me oral et &eacute;crit oralisable.</p> <p style="text-align: justify;">Du magn&eacute;tophone, tous ne font pas, il est vrai, le m&ecirc;me usage. Dufr&ecirc;ne, qui est pour Chopin &laquo;&nbsp;la voix pure [&hellip;] sommet du po&egrave;me phon&eacute;tique&nbsp;&raquo; mais se r&eacute;v&egrave;le &laquo;&nbsp;maladroit&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo; dans l&rsquo;emploi de la machine, y recourt surtout comme &agrave; un moyen de fixer ses improvisations. Chopin, pour sa part, d&eacute;sireux de &laquo;&nbsp;traquer [sa] voix et les sons de la voix&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo;, en use d&rsquo;une mani&egrave;re peu conventionnelle, qui a souvent &eacute;t&eacute; qualifi&eacute;e de barbare parce qu&rsquo;elle avait pour cons&eacute;quence une d&eacute;t&eacute;rioration rapide de l&rsquo;instrument. Selon ses propres descriptions, il enregistre &laquo;&nbsp;microphone coll&eacute; aux l&egrave;vres&nbsp;&raquo;, allant m&ecirc;me parfois jusqu&rsquo;&agrave; placer l&rsquo;objet dans sa bouche, voire &agrave; implanter un micro-sonde dans son estomac. Il r&eacute;alise avec les premiers magn&eacute;tophones dont il dispose des &laquo;&nbsp;superpositions manuelles en &eacute;cartant &agrave; l&rsquo;aide d&rsquo;une allumette la bande magn&eacute;tique de la t&ecirc;te d&rsquo;enregistrement&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;att&eacute;nu[e] la gravure du son vocal avec des feuilles de papier cigarettes pos&eacute;es salivairement sur cette t&ecirc;te&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo;. Plus tard, il utilise les magn&eacute;tophones &agrave; variateurs de vitesse et exploite toutes les possibilit&eacute;s offertes par les studios &eacute;lectro-acoustiques.</p> <p style="text-align: justify;">Quant &agrave; Heidsieck, dont le travail se fait tant&ocirc;t solitairement &agrave; l&rsquo;aide du seul magn&eacute;tophone (il int&egrave;gre alors les accidents et al&eacute;as dus &agrave; sa ma&icirc;trise, parfois insuffisante, de l&rsquo;instrument), tant&ocirc;t en studio avec toutes les ressources de l&rsquo;appareillage &eacute;lectro-acoustique, il privil&eacute;gie les inclusions d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments sonores &eacute;trangers, par intervention directe sur la bande magn&eacute;tique selon la technique du collage, et joue de plus en plus des effets de mixage, du d&eacute;roulement simultan&eacute; de s&eacute;ries d&rsquo;&eacute;nonc&eacute;s verbaux, parfois identiques ou de m&ecirc;me nature, parfois diff&eacute;rents voire totalement &eacute;trangers (un expos&eacute; de technique bancaire et des extraits de <em>Po&egrave;mes-Partitions</em> ant&eacute;rieurs, par exemple, dans <em>B2B3</em>),&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a> ainsi que des &eacute;chos, des r&eacute;verb&eacute;rations.</p> <p style="text-align: justify;">&Agrave; partir du moment o&ugrave; le po&egrave;me est &eacute;labor&eacute;, avec le magn&eacute;tophone, comme une totalit&eacute; qui non seulement tend &agrave; onomatop&eacute;iser la langue mais int&egrave;gre des composantes verbales et non verbales &ndash;&nbsp;bruits corporels ou bruits citadins&nbsp;&ndash;, qui, en outre, amplifie, superpose, mixe, monte ces diverses composantes, le livre cesse d&rsquo;&ecirc;tre un moyen de conservation et de diffusion ad&eacute;quat.</p> <p style="text-align: justify;">Les simultan&eacute;it&eacute;s qu&rsquo;autorise l&rsquo;enregistrement n&rsquo;ont aucun v&eacute;ritable &eacute;quivalent graphique possible. &laquo;&nbsp;L&rsquo;&oelig;il, Heidsieck le rappelle apr&egrave;s d&rsquo;autres, ne lira jamais deux phrases &agrave; la fois&nbsp;&raquo; quand &laquo;&nbsp;l&rsquo;oreille peut capter simultan&eacute;ment &ndash; et dans leurs nuances m&ecirc;mes &ndash; une multitude de ph&eacute;nom&egrave;nes&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo;. Barzun d&egrave;s les ann&eacute;es dix avait tent&eacute; de rem&eacute;dier &agrave; cette impuissance en utilisant l&rsquo;accolade pour indiquer sur la page la prof&eacute;ration simultan&eacute;e de plusieurs phrases ou sons. Mais Apollinaire d&eacute;j&agrave; avait mis en &eacute;vidence l&rsquo;insuffisance du proc&eacute;d&eacute;, et cherch&eacute; pour sa part du c&ocirc;t&eacute; d&rsquo;une nouvelle topologie un moyen de d&eacute;jouer la successivit&eacute; de l&rsquo;&eacute;crit. Encore cette spatialisation n&rsquo;est-elle pas une parfaite transposition graphique de la simultan&eacute;it&eacute; sonore&nbsp;: <em>La Poin&ccedil;onneuse</em> de Heidsieck pourra bien inscrire en verticalit&eacute; ascendante et descendante les &laquo;&nbsp;Arriv&eacute;es et d&eacute;parts de rames de m&eacute;tro&nbsp;&raquo; qui doivent s&rsquo;entendre en bruit de fond dans ce <em>Passe-partout</em>, cela n&rsquo;emp&ecirc;chera pas l&rsquo;&oelig;il de d&eacute;chiffrer en successivit&eacute; le discours du narrateur et ce que l&rsquo;on peut consid&eacute;rer comme une didascalie.</p> <p style="text-align: justify;">De surcro&icirc;t, comme le remarque Chopin, &laquo;&nbsp;l&rsquo;&eacute;crit ne peut d&eacute;crire le sonore, sinon avec des impressions re&ccedil;ues, ce qui est approximatif&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>&nbsp;&raquo;. Quant &agrave; le nommer&hellip; l&rsquo;inscription &laquo;&nbsp;cri d&rsquo;enfant&nbsp;&raquo; assortie d&rsquo;une transcription onomatop&eacute;ique &laquo;&nbsp;hiiiiiiiiiiiiiiIIII&nbsp;&raquo; restituera-t-elle jamais ad&eacute;quatement l&rsquo;effet contradictoire de rupture et de coh&eacute;sion qu&rsquo;op&egrave;re le cri prof&eacute;r&eacute; entre la s&eacute;quence initiale du po&egrave;me-partition &laquo;&nbsp;J&nbsp;&raquo; de Bernard Heidsieck&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>, averbale, et un premier segment verbal, soit entre un ensemble d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments capt&eacute;s &agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur, que la partition pr&eacute;sente comme &laquo;&nbsp;bruits de la rue [&hellip;] grisaille sans voix ni bruit particulier pr&eacute;dominante&nbsp;&raquo;, et le mot &laquo;&nbsp;grise&nbsp;&raquo; d&eacute;mesur&eacute;ment &eacute;tir&eacute; &ndash; au point d&rsquo;en devenir difficilement reconnaissable. Sans doute, la parent&eacute; visuelle des &eacute;l&eacute;ments graphiques &laquo;&nbsp;hiiiiiiiiiiiiiiIII&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;griiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiise&nbsp;&raquo; permet-elle de saisir la proximit&eacute; sonore entre le cri et le mot que son noyau vocalique allong&eacute; transforme en une sorte de mot-bruit&nbsp;; sans doute est-il possible de faire varier typographiquement l&rsquo;&eacute;tirement vocalique dans la notation de l&rsquo;onomatop&eacute;e en passant du bas de casse aux capitales, et d&rsquo;opposer ainsi sur la page la modulation cri&eacute;e &agrave; la prof&eacute;ration atone du mot &laquo;&nbsp;grise&nbsp;&raquo;&nbsp;; mais comment faire percevoir le contraste de l&rsquo;aigu et du grave, de la stridence et de la matit&eacute; qui s&rsquo;impose &agrave; l&rsquo;audition de l&rsquo;enregistrement&nbsp;? Pour rendre sensible la &laquo;&nbsp;pr&eacute;sence sonore de la mati&egrave;re&nbsp;&raquo;, ce que Chopin nomme par r&eacute;f&eacute;rence &agrave; Barthes &laquo;&nbsp;le &ldquo;grain&rdquo; [&hellip;] des sons et de la voix&nbsp;&raquo; ou encore &laquo;&nbsp;le physique sonore&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo;, la page du livre, qui autorise seulement l&rsquo;imitation approximative de ce que d&rsquo;autres moyens techniques permettent de pr&eacute;lever &agrave; m&ecirc;me le r&eacute;el et de coller directement dans le po&egrave;me, n&rsquo;est pas le vecteur le mieux adapt&eacute;.</p> <p style="text-align: justify;">Inad&eacute;quate au po&egrave;me sonore, elle ne peut plus &ecirc;tre qu&rsquo;une partition. C&rsquo;est d&rsquo;ailleurs ainsi que la pensent explicitement les premiers &laquo;&nbsp;Po&egrave;mes-partitions&nbsp;&raquo; de Bernard Heidsieck, au titre r&eacute;v&eacute;lateur. Et c&rsquo;est encore ainsi que la nomme Chopin lorsqu&rsquo;il pr&eacute;cise en 1966 que &laquo;&nbsp;depuis trois ans, [il] ne pren[d] plus la peine d&rsquo;&eacute;crire des partitions&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Partition, la page l&rsquo;est en ce qu&rsquo;elle fixe simplement des indications de lecture concernant par exemple le rythme ou la hauteur de ton, les ruptures, les silences et indique &eacute;ventuellement les bruits qui entrent en relation avec la voix. Encore faut-il pr&eacute;ciser qu&rsquo;elle n&rsquo;est pas, contrairement &agrave; la partition musicale, destin&eacute;e &agrave; un interpr&egrave;te. Pour exister vraiment le po&egrave;me-partition de Heidsieck doit, comme le crirythme &ndash; Dufr&ecirc;ne &ndash; et l&rsquo;audio-po&egrave;me &ndash; Chopin &ndash;, &ecirc;tre projet&eacute; hors de la page et du livre par le po&egrave;te lui-m&ecirc;me qui l&rsquo;ex&eacute;cute dans le cadre d&rsquo;une performance, &agrave; voix nue ou assist&eacute;e du magn&eacute;tophone, publique ou r&eacute;alis&eacute;e en studio. Significativement, le support papier de cette derni&egrave;re, quand il existe, n&rsquo;est plus un support livre et pr&eacute;sente m&ecirc;me des particularit&eacute;s int&eacute;ressantes de format qui peuvent le diff&eacute;rencier violemment de la page de codex. Ainsi la tr&egrave;s longue bande de papier sur laquelle s&rsquo;inscrit <em>Vaduz</em> et que Heidsieck d&eacute;roule au fur et &agrave; mesure lors de la lecture publique, qui s&rsquo;accumule en boucles et plis sur le sol autour de lui, n&rsquo;a plus rien &agrave; voir avec le format du codex typographique. Ni m&ecirc;me, bien que le po&egrave;te use du terme de &laquo;&nbsp;papyrus&nbsp;&raquo; pour la d&eacute;signer, avec l&rsquo;antique <em>volumen</em> au d&eacute;roulement horizontal. S&rsquo;il fallait chercher une parent&eacute; plastique sans doute serait-elle plut&ocirc;t &agrave; trouver avec la bande magn&eacute;tique ou la pellicule filmique dont elle a la longueur, l&rsquo;&eacute;troitesse et la souplesse. La structure usuelle du livre est bien loin. La bande qui se d&eacute;roule renvoie &agrave; d&rsquo;autres media, plus satisfaisants comme moyens de diffusion d&rsquo;une po&eacute;sie con&ccedil;ue pour &ecirc;tre entendue.</p> <p style="text-align: justify;">D&rsquo;ailleurs la sortie du livre est revendiqu&eacute;e &ndash; parfois de mani&egrave;re tranchante &ndash; par les fondateurs de la po&eacute;sie sonore. Quand Fran&ccedil;ois Dufr&ecirc;ne lance &laquo;&nbsp;Vite&nbsp;: Hors de page&nbsp;!&nbsp;&raquo;, quand il identifie ce qu&rsquo;il appelle en jouant sur les mots les &laquo;&nbsp;faibles caract&egrave;res&nbsp;&raquo; de la typographie &agrave; des &laquo;&nbsp;morts dor&eacute;s&nbsp;&raquo;, quand il enjoint &laquo;&nbsp;et, Gutenberg, que tes plombs sautent&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>&nbsp;&raquo;, le rejet du livre, li&eacute; au rejet de l&rsquo;alphabet typographique, con&ccedil;u comme un carcan pour le po&egrave;me phon&eacute;tique, ne fait gu&egrave;re de doute. Il en va de m&ecirc;me quand Heidsieck, activant d&rsquo;autres m&eacute;taphores, affirme son d&eacute;sir d&rsquo;&laquo;&nbsp;un po&egrave;me debout dress&eacute; les pieds sur la page&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>&nbsp;&raquo;, ce qui oppose implicitement le corps actif de la performance <em>live</em> au corps typographique qui permet, comme le dit si bien la langue, de coucher le po&egrave;me sur la page. Pour lui, nulle h&eacute;sitation&nbsp;: &laquo;&nbsp;[l]a po&eacute;sie &eacute;crite n&rsquo;a plus lieu d&rsquo;&ecirc;tre [&hellip;] la po&eacute;sie doit se hisser hors de la page, se d&eacute;raciner de ce terrain mort&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>&nbsp;&raquo;. Chopin en serait d&rsquo;accord, &agrave; qui il est arriv&eacute; d&rsquo;&eacute;crire, en 1966, &laquo;&nbsp;une caresse, &agrave; elle seule, vaut mieux que le livre des livres&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>&nbsp;&raquo;, nouvelle formulation de l&rsquo;opposition implicite entre le corps biologique, ici amoureux et sexu&eacute;, et le corps typographique qui d&eacute;sindividualise et abstrait le premier.</p> <p style="text-align: justify;">Ce rejet du livre peut se fonder dans des consid&eacute;rations pragmatiques. Pour Bernard Heidsieck tout part d&rsquo;une publication personnelle (un petit livre chez Seghers, <em>Sit&ocirc;t dit</em>, en 1955) qui lui inspire un certain nombre de consid&eacute;rations sur la circulation de la po&eacute;sie, ou, pour dire les choses plus pr&eacute;cis&eacute;ment, enclenche une critique du mode de diffusion de la po&eacute;sie&nbsp;; et, au-del&agrave;, de son statut social. Le constat initial est celui d&rsquo;une faible circulation &ndash; pour ne pas dire d&rsquo;une circulation nulle &ndash; qui tient non seulement &agrave; l&rsquo;enlisement du po&egrave;me dans des voies sans issue quand celui-ci s&rsquo;obstine &agrave; &laquo;&nbsp;se gargaris[er] encore de R&eacute;sistance&nbsp;&raquo;, &agrave; &laquo;&nbsp;se &ldquo;surr&eacute;aliser&rdquo; encore&nbsp;&raquo;, &agrave; &laquo;&nbsp;sombr[er] dans une inflation d&rsquo;images ou [&hellip;] cherch[er] &agrave; se terrer dans les ultimes replis du papier&nbsp;&raquo;, mais encore &agrave; l&rsquo;enfermement du texte dans les pages du livre o&ugrave;, &laquo;&nbsp;couch[&eacute;]&nbsp;&raquo; par l&rsquo;imprimerie, il ne peut que &laquo;&nbsp;roupiller&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>&nbsp;&raquo;, dans l&rsquo;attente d&rsquo;un hypoth&eacute;tique lecteur, qu&rsquo;il est bien incapable d&rsquo;aller chercher. L&rsquo;&eacute;dition po&eacute;tique contribue donc &agrave; la marginalit&eacute; socio-politique de la po&eacute;sie que son existence livresque confine dans une sorte de ghetto culturel, une &laquo;&nbsp;Tour d&rsquo;ivoire&nbsp;&raquo; o&ugrave; elle s&rsquo;isole du monde qui l&rsquo;entoure, se privant de toute possibilit&eacute; d&rsquo;agir sur lui. En cons&eacute;quence, il y a, selon Heidsieck, un &laquo;&nbsp;urgent besoin de sortir le po&egrave;me de sa passivit&eacute;&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;de lui faire faire sa rentr&eacute;e dans le monde&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;de lui faire assumer, enfin, &agrave; nouveau, les risques directs de la communication, instantan&eacute;e, physique, al&eacute;atoire&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>&nbsp;&raquo;. Soit un urgent besoin de s&rsquo;emparer des nouveaux m&eacute;dias &eacute;lectro-acoustiques. De s&rsquo;approprier les vertus de ces nouveaux supports et d&rsquo;en affronter les dangers. D&rsquo;occuper en outre de nouveaux lieux d&rsquo;expression&nbsp;: studio, sc&egrave;ne, salle d&rsquo;&eacute;coute. Ce faisant, la po&eacute;sie, qu&rsquo;elle se montre fid&egrave;le &agrave; sa vocation r&eacute;volutionnaire ou se mette simplement &laquo;&nbsp;au diapason ambiant d&rsquo;un ph&eacute;nom&egrave;ne de civilisation &ldquo;de masse&rdquo; surgissant&nbsp;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a>&nbsp;&raquo;, rel&egrave;vera enfin, en acceptant les ressources de la technologie et la communication de masse, le d&eacute;fi de son &eacute;poque. Il y a lieu de l&rsquo;en f&eacute;liciter.</p> <p style="text-align: justify;">Mais ce n&rsquo;est pas toujours la seule conscience d&rsquo;une inad&eacute;quation du livre au monde contemporain qui fonde l&rsquo;appel &agrave; une autre po&eacute;sie, sortie des pages du codex. Henri Chopin d&eacute;plore, sans nul doute, que &laquo;&nbsp;l&rsquo;homme litt&eacute;raire&nbsp;&raquo; m&eacute;connaisse &laquo;&nbsp;nos nouveaux media, visuels, sonores, &eacute;crits, radiophoniques et filmiques&nbsp;<a href="#_ftn32" name="_ftnref32">[32]</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;; il souhaite que la po&eacute;sie, acceptant &laquo;&nbsp;la naissance effective des fus&eacute;es &ndash; allant de pair avec celle des magn&eacute;tophones&nbsp;<a href="#_ftn33" name="_ftnref33">[33]</a>&nbsp;&raquo;, se lib&egrave;re de l&rsquo;&eacute;criture, donc du livre, qu&rsquo;il voue, semble-t-il, &agrave; l&rsquo;obsolescence. Comme Bernard Heidsieck, il met en effet l&rsquo;accent sur l&rsquo;inadaptation du livre &agrave; la soci&eacute;t&eacute; contemporaine. Il constate ainsi que le monde change, que le rythme de vie s&rsquo;acc&eacute;l&egrave;re et que le livre, qui impose de &laquo;&nbsp;r&eacute;fl&eacute;chir&nbsp;&raquo;, de &laquo;&nbsp;conna&icirc;tre le calme&nbsp;&raquo;, d&rsquo;&laquo;&nbsp;&ecirc;tre disponible&nbsp;&raquo;, toutes conditions qui &laquo;&nbsp;ne sont gu&egrave;re celles du si&egrave;cle entier&nbsp;<a href="#_ftn34" name="_ftnref34">[34]</a>&nbsp;&raquo;, n&rsquo;est que le vestige d&rsquo;un mode de vie en voie de disparition. D&eacute;suet, d&eacute;pass&eacute;, insuffisant, dans ses m&eacute;diocres capacit&eacute;s de diffusion, il devrait en cons&eacute;quence &ecirc;tre remplac&eacute; par d&rsquo;autres m&eacute;dias&nbsp;: le disque et la cassette, qui seuls donneront au po&egrave;me les moyens d&rsquo;affecter le public de son temps. Mais dans ses propos s&rsquo;entend aussi parfois un refus plus radical de la civilisation de l&rsquo;&eacute;crit, lequel est li&eacute; par lui aux &laquo;&nbsp;religions, &Eacute;tats et chapelles&nbsp;&raquo;. Il lui arrive en effet de s&rsquo;insurger contre l&rsquo;ordre impos&eacute; par le Verbe. Ce dernier terme, alors charg&eacute; de r&eacute;sonances n&eacute;gatives, para&icirc;t d&eacute;signer la parole articul&eacute;e en mots (les <em>verba</em> latins), indiff&eacute;rente aux unit&eacute;s de segmentation inf&eacute;rieures comme la lettre, la syllabe, le phon&egrave;me, indiff&eacute;rente aussi &agrave; tous les bruits de bouche et, plus largement, &agrave; tous les bruits corporels&nbsp;; la parole, disons, en ce qu&rsquo;elle n&rsquo;est qu&rsquo;un possible de la voix et pas forc&eacute;ment l&rsquo;essentiel, elle qui &eacute;nonce au lieu de sonner. Et sans doute aussi la parole en ce qu&rsquo;elle est transmissible par l&rsquo;&eacute;criture typographique. Car malgr&eacute; la trop c&eacute;l&egrave;bre proclamation des &Eacute;vangiles, le Verbe, dans la pens&eacute;e de Chopin, para&icirc;t s&rsquo;&ecirc;tre fait livre plut&ocirc;t que chair. Devenir qui le rend complice du didactisme et de l&rsquo;id&eacute;ologie. Ce Verbe, parfois d&ucirc;ment majuscul&eacute;, o&ugrave; s&rsquo;entend alors quelque chose de l&rsquo;&eacute;quation hugolienne &laquo;&nbsp;Car le Mot c&rsquo;est le Verbe, et le Verbe, c&rsquo;est Dieu&nbsp;&raquo;, s&rsquo;identifie &agrave; une puissance de coercition. Le mot, en somme, menace toujours, selon Chopin, de se figer en mot d&rsquo;ordre. Parce qu&rsquo;il impose la tyrannie du s&eacute;mantisme&nbsp;? Probablement. Et sans doute, de la Bible &agrave; <em>Mein Kampf</em>, celle de tous les pouvoirs constitu&eacute;s. &laquo;&nbsp;[M]ensonge qui s&rsquo;abolit lui-m&ecirc;me sur le papier&nbsp;<a href="#_ftn35" name="_ftnref35">[35]</a>&nbsp;&raquo;, mais qui dans cette abolition conserve &ndash; ou conquiert &ndash; un pouvoir jug&eacute; proprement destructeur (&laquo;&nbsp;Je ne supporte plus d&rsquo;&ecirc;tre d&eacute;truit par le Verbe&nbsp;<a href="#_ftn36" name="_ftnref36">[36]</a>&nbsp;&raquo;, note l&rsquo;inventeur de l&rsquo;audio-po&egrave;me), le Verbe, priv&eacute; de la labilit&eacute; de la voix, v&eacute;hicule dans la compacit&eacute; du codex les discours form&eacute;s des id&eacute;ologies&nbsp;; priv&eacute; de corporalit&eacute;, il s&rsquo;abstrait dans la r&eacute;gularit&eacute; norm&eacute;e des signes typographiques. Aussi faut-il en sortir. Sortir du Verbe &laquo;&nbsp;tout juste bon &agrave; donner des ordres, des imp&eacute;ratifs&nbsp;<a href="#_ftn37" name="_ftnref37">[37]</a>&nbsp;&raquo;. Soit sortir du livre, inapte &agrave; v&eacute;hiculer les microparticules vocales, les souffles, les borborygmes, pour retrouver par l&rsquo;interm&eacute;diaire de la machine (le magn&eacute;tophone et, par la suite, toutes les techniques de la composition &eacute;lectro-acoustique) la mat&eacute;rialit&eacute; sensible du corps et &laquo;&nbsp;faire un langage qui soit [sa] sueur, [ses] nerfs, [ses] peaux, [ses] sens, [ses] rires, [ses] amours fabuleuses qui disent qu&rsquo;[il est] vivant&nbsp;<a href="#_ftn38" name="_ftnref38">[38]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">De mani&egrave;re significative, Henri Chopin qui dirige &agrave; partir de son troisi&egrave;me num&eacute;ro la revue<em> Cinqui&egrave;me Saison</em>, fond&eacute;e en 1957 par Raymond Syte et assez vite orient&eacute;e vers une recherche po&eacute;tique et picturale que l&rsquo;on a pu placer sous le signe du concr&eacute;tisme, &eacute;prouve le besoin, en 1964, d&rsquo;en faire une revue sur disques, <em>OU-Cinqui&egrave;me Saison</em> qui devient <em>OU </em>&agrave; partir du num&eacute;ro 36/37, en 1970. &laquo;&nbsp;Avec la revue <em>OU</em>, remarque-t-il, en r&egrave;gle g&eacute;n&eacute;rale nous quittons les &ldquo;folios&rdquo; ordinaires &agrave; toutes publications&nbsp;; il n&rsquo;&eacute;tait plus de notre propos de suivre les lignes, lignes apr&egrave;s lignes compos&eacute;es, d&rsquo;ob&eacute;ir aux lectures de textes [&hellip;] il y avait au contraire l&rsquo;objet, l&rsquo;objectif, la vision &ldquo;po&eacute;sie sonore&rdquo; [&hellip;] L&rsquo;emploi de mat&eacute;riaux nouveaux et techniques du jour me conduisait &agrave; faire sortir les pages de leurs brochures&nbsp;: car, &agrave; po&eacute;sie &eacute;clat&eacute;e et &eacute;clatante il fallait un v&eacute;hicule lui-m&ecirc;me &eacute;clat&eacute;&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Sans renoncer compl&egrave;tement &agrave; prendre une forme papier, <em>OU</em>, premi&egrave;re revue express&eacute;ment faite pour &eacute;chapper &agrave; l&rsquo;enfermement dans le livre, propose en ses quatorze num&eacute;ros un ensemble composite de disques, de textes et d&rsquo;images. Les disques &ndash; 25 cm pour la plupart &ndash;, enregistrements de Dufr&ecirc;ne, Heidsieck, Gysin, Chopin, Rotella, Novak, etc. et m&ecirc;me, sp&eacute;cialement r&eacute;alis&eacute; par lui pour la revue, celui des po&egrave;mes phon&eacute;tiques de Raoul Hausmann &ndash; en font une v&eacute;ritable anthologie de la po&eacute;sie sonore&nbsp;; les textes m&ecirc;lent les po&egrave;mes &ndash; futuristes, phon&eacute;tiques, concrets, graphiques, parfois en version manuscrite &ndash; et les bilans critiques, comme la &laquo;&nbsp;Lettre aux Musiciens Aphones&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;Il faut bien rire un peu&nbsp;&raquo; de Chopin&nbsp;; la composante iconographique, dont participe pleinement la po&eacute;sie concr&egrave;te et graphique, inclut des collages, des affiches et posters, des jeux d&rsquo;enveloppes de Ben, des dessins. S&rsquo;il arrive &agrave; Chopin de d&eacute;signer un num&eacute;ro de <em>OU</em> par le terme de livre, cette d&eacute;signation ne doit donc pas masquer la sp&eacute;cificit&eacute; d&rsquo;un objet qui, &laquo;&nbsp;presque jamais broch[&eacute;]&nbsp;&raquo;, limit&eacute; &agrave; sa fonction de contenant, n&rsquo;est pas sans parent&eacute; avec la bo&icirc;te des artistes Fluxus qui comprend &eacute;galement des composantes &eacute;trang&egrave;res au papier imprim&eacute;, collages originaux, disques, bandes magn&eacute;tiques. Un objet qui refl&egrave;te les amiti&eacute;s et les affinit&eacute;s entre les po&egrave;tes sonores, eux-m&ecirc;mes parfois engag&eacute;s dans une pratique plastique, et un certain nombre d&rsquo;artistes de leur temps, Gianni Bertini, James Guitet, Paul Gette par exemple, lesquels ont r&eacute;alis&eacute; les couvertures de la revue et &eacute;labor&eacute; pour elle des &oelig;uvres originales, parfois d&rsquo;assez grand format (50 x 25 cm ou 75 x 50) exigeant l&rsquo;emploi de d&eacute;pliants.</p> <p style="text-align: justify;">Significative des points de convergence entre po&eacute;sie sonore et arts plastiques, la contribution des peintres r&eacute;pond aussi &agrave; un souci de rentabilit&eacute; financi&egrave;re. Les tirages de la revue comprennent toujours &laquo;&nbsp;un exemplaire &ldquo;A&rdquo; avec les originales, 10 exemplaires de luxe enrichis [par les artistes et po&egrave;tes pr&eacute;sents dans le num&eacute;ro], 10 petits luxes sign&eacute;s [&hellip;], 4 HC et le tirage&nbsp;<a href="#_ftn39" name="_ftnref39">[39]</a>&nbsp;&raquo;. Les exemplaires &laquo;&nbsp;A&nbsp;&raquo;, les exemplaires de luxe et les petits luxes, qui ambitionnent de toucher une client&egrave;le de bibliophiles sont pens&eacute;s comme un moyen de financer la revue &ndash; en particulier l&rsquo;&eacute;dition des disques. Et, de fait, selon le t&eacute;moignage de Chopin, cela &laquo;&nbsp;a fait que la revue <em>OU</em>, curieusement, au lieu d&rsquo;&ecirc;tre en d&eacute;ficit, a &eacute;t&eacute; un succ&egrave;s imm&eacute;diat. Des m&eacute;decins, des bibliophiles, des chercheurs, des math&eacute;maticiens sont venus pour l&rsquo;acheter. Ils avaient enfin quelque chose de nouveau, ils avaient une po&eacute;sie &agrave; voir, &agrave; &eacute;couter, et aussi l&rsquo;objet&nbsp;<a href="#_ftn40" name="_ftnref40">[40]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Reste que la dualit&eacute; de support n&rsquo;appartient pas en propre &agrave; la revue <em>OU</em>. Pour la plupart, les productions des po&egrave;tes sonores connaissent une double diffusion, par le livre et par le disque, le second&nbsp;&ndash;&nbsp;support de l&rsquo;&oelig;uvre v&eacute;ritable&nbsp;&ndash;&nbsp;g&eacute;n&eacute;ralement inclus dans le premier&nbsp;&ndash;&nbsp;qui en contient ou non la partition. C&rsquo;est que, bien qu&rsquo;ils aient eu le d&eacute;sir d&rsquo;accro&icirc;tre la perm&eacute;abilit&eacute; des fronti&egrave;res entre les arts, refusant en particulier &laquo;&nbsp;le divorce absurde qu&rsquo;il y avait entre la po&eacute;sie et la musique&nbsp;<a href="#_ftn41" name="_ftnref41">[41]</a>&nbsp;&raquo;, et m&ecirc;me si certains d&rsquo;entre eux ont utilis&eacute; les m&ecirc;mes techniques que les musiciens &ndash; par exemple lors des enregistrements au Studio de la radio su&eacute;doise ou du Centre Fylkingen&nbsp; &ndash;, les premiers po&egrave;tes sonores n&rsquo;ont jamais souhait&eacute; dissoudre compl&egrave;tement la po&eacute;sie dans la musique.</p> <p style="text-align: justify;">Sonores, soit, mais po&egrave;tes.</p> <p style="text-align: justify;">Or les habitudes sont tenaces. Ces po&egrave;tes ont beau chercher &agrave; d&eacute;lier la po&eacute;sie de la litt&eacute;rature, elle n&rsquo;en reste pas moins, pour la plupart des autres cr&eacute;ateurs, pour les critiques, chroniqueurs et universitaires, pour les biblioth&eacute;caires et pour les libraires, un secteur, aussi p&eacute;riph&eacute;rique soit-il, du champ litt&eacute;raire. En cons&eacute;quence, les habitudes ou, si l&rsquo;on veut, la mythologie, l&rsquo;id&eacute;ologie attach&eacute;es au livre ayant la vie dure, pour exister dans ce champ, il faut publier des livres. C&rsquo;&eacute;tait vrai dans les ann&eacute;es cinquante et soixante o&ugrave; la France demeure, comme l&rsquo;&eacute;crit B. Heidsieck, &laquo;&nbsp;fascin[&eacute;e] par la chose &eacute;crite et la fixit&eacute; de l&rsquo;imprim&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn42" name="_ftnref42">[42]</a>&nbsp;&raquo;. C&rsquo;&eacute;tait encore vrai dans les ann&eacute;es quatre-vingt-dix. Philippe Castellin, revenant sur cette &eacute;poque dans un essai de 2008, fait ainsi remarquer que les CD ou DVD accompagnant les num&eacute;ros de <em>DOC(K)S,</em> la revue lanc&eacute;e par Julien Blaine dont il a repris la direction en 1991, &laquo;&nbsp;&eacute;taient peu &ldquo;regard&eacute;s&rdquo;, peu &ldquo;mentionn&eacute;s&rdquo; par les critiques qui [&hellip;] faisaient la recension du num&eacute;ro dans tel ou tel journal. Comme si ces objets n&rsquo;existaient pas, ou, dans le meilleur des cas, comme s&rsquo;ils figuraient comme &ldquo;compl&eacute;ment-cadeau&rdquo;, un gadget &agrave; la Pif le Chien, bonus inclus&nbsp;<a href="#_ftn43" name="_ftnref43">[43]</a>&nbsp;&nbsp;!&nbsp;&raquo;&nbsp;&Agrave; en croire de telles d&eacute;clarations, le prestige de l&rsquo;objet livre, pour ne pas dire, comme le fait Castellin, le f&eacute;tichisme du livre, persiste m&ecirc;me dans un monde pourtant de plus en plus nettement domin&eacute; par l&rsquo;audio-visuel. &Agrave; tout le moins, le lien de la po&eacute;sie au Livre se d&eacute;noue mal.</p> <p style="text-align: justify;">Ainsi les po&egrave;tes sonores, tout en consid&eacute;rant que &laquo;&nbsp;le temps de l&rsquo;&eacute;crit vain est une page tourn&eacute;e&nbsp;<a href="#_ftn44" name="_ftnref44">[44]</a>&nbsp;&raquo;, ont d&ucirc; accepter de se faire un peu &eacute;crivains. De faire un peu l&rsquo;&eacute;crivain. &Agrave; leur corps d&eacute;fendant, peut-&ecirc;tre (ce corps auquel ils avaient voulu rendre toute sa place en restituant toutes les nuances de la voix, en faisant entendre les sons qu&rsquo;il ne cesse de produire, en le donnant &agrave; voir lors des performances <em>live</em> auxquelles tous ont conf&eacute;r&eacute; un r&ocirc;le majeur). Mais aussi et surtout dans la conscience que le livre papier, s&rsquo;il offre moins que l&rsquo;enregistrement audio en ce qu&rsquo;il ne rend que tr&egrave;s imparfaitement compte du po&egrave;me dont il ne peut donner &agrave; lire que la partition, offre aussi autre chose en plus. Il donne au po&egrave;te sonore l&rsquo;occasion d&rsquo;accompagner son po&egrave;me &ndash; pr&eacute;sent sur disque et/ou sous forme de partition &ndash; de commentaires, de notes et de gloses, voire de documents. Henri Chopin reconna&icirc;t d&rsquo;ailleurs que, s&rsquo;il a fallu &laquo;&nbsp;quitt[er] le m&eacute;dium ancien&nbsp;: le livre&nbsp;&raquo; pour s&rsquo;approprier les voix, il n&rsquo;&eacute;tait pas inint&eacute;ressant de &laquo;&nbsp;conserver celui-ci pour dire le pourquoi et le comment des analyses de la voix et de la vie&nbsp;<a href="#_ftn45" name="_ftnref45">[45]</a>&nbsp;&raquo;. Bref le livre, medium analytique, reste un support efficace pour l&rsquo;expos&eacute; critique, th&eacute;orique, programmatique. Et, de ce fait, un outil non n&eacute;gligeable pour l&eacute;gitimer la po&eacute;sie sonore, tr&egrave;s souvent rejet&eacute;e aux marges du champ, voire expuls&eacute;e de celui-ci. En t&eacute;moigne exemplairement l&rsquo;essai de Chopin, <em>Po&eacute;sie sonore internationale</em>, publi&eacute; en 1979, fruit de nombreuses ann&eacute;es de travail, v&eacute;ritable d&eacute;fense et illustration des pratiques qu&rsquo;il rassemble sous l&rsquo;&eacute;tiquette-titre, &agrave; la fois constitution d&rsquo;une histoire et cartographie d&rsquo;un territoire au pr&eacute;sent.</p> <p style="text-align: justify;">De surcro&icirc;t, il n&rsquo;est pas exclu que quelque nostalgie du codex typographique se m&ecirc;le &agrave; la volont&eacute; de sortir la po&eacute;sie du livre. En particulier s&rsquo;agissant d&rsquo;Henri Chopin, qui alterne romans, dactylopo&eacute;sie et po&eacute;sie sonore. Interrog&eacute; par Anne Moeglin-Delcroix sur le fait qu&rsquo;il fait encore des livres et m&ecirc;me des livres tr&egrave;s soign&eacute;s (belle typographie sur papier de qualit&eacute;), Henri Chopin r&eacute;pond qu&rsquo;il &laquo;&nbsp;aime l&rsquo;&eacute;criture, fabuleuse voie des pens&eacute;es, des civilisations [&hellip;] et [qu&rsquo;il] aime l&rsquo;Imprimerie, la Typographie que l&rsquo;on devrait conserver, les papiers, le bien fait, la jouissance physique du beau&nbsp;<a href="#_ftn46" name="_ftnref46">[46]</a>&nbsp;&raquo;. Bibliophilie avou&eacute;e, donc, qui interdit d&rsquo;identifier sans nuance les po&egrave;tes sonores &agrave; ces &laquo;&nbsp;biblioclaste[s] de gauche&nbsp;&raquo; que, dans ses &laquo;&nbsp;Notes sur une possible fin des livres&nbsp;&raquo;, Jean Clair oppose en 1974 aux &laquo;&nbsp;biblioclaste[s] de droite&nbsp;&raquo;, ceux-ci br&ucirc;lant le livre &laquo;&nbsp;par peur de la parole qu&rsquo;il contient&nbsp;&raquo; tandis que les premiers le br&ucirc;lent &laquo;&nbsp;pour lib&eacute;rer la parole qu&rsquo;il d&eacute;tient&nbsp;<a href="#_ftn47" name="_ftnref47">[47]</a>&nbsp;&raquo;. S&rsquo;ils ont pu parfois, en jouant de l&rsquo;opposition horizontalit&eacute; <em>vs</em> verticalit&eacute;, identifier l&rsquo;inscription du po&egrave;me dans le livre &agrave; un sommeil voire une mort, s&rsquo;ils ont voulu retrouver la &laquo;&nbsp;vive voix&nbsp;&raquo; et, pour cela, confier le po&egrave;me &agrave; de nouveaux m&eacute;dias, plus en accord selon eux avec le monde contemporain, ils n&rsquo;ont jamais souhait&eacute; la disparition radicale du livre. Pas plus qu&rsquo;ils n&rsquo;ont r&ecirc;v&eacute;, &agrave; la mani&egrave;re futuriste, l&rsquo;incendie des biblioth&egrave;ques.</p> <p style="text-align: justify;">Ainsi, m&ecirc;me les po&egrave;tes sonores, qui semblent pourtant devoir non seulement s&rsquo;accommoder d&rsquo;une fin du livre mais la d&eacute;sirer et travailler &agrave; son av&egrave;nement, ne tiennent pas &agrave; ce propos un discours univoque. Et pas simplement parce que leurs po&eacute;tiques sont moins unifi&eacute;es que le singulier <em>la</em> po&eacute;sie sonore ne le laisse supposer (Dufr&ecirc;ne n&rsquo;est pas Chopin, qui n&rsquo;est pas Heidsieck, qui n&rsquo;est pas Dufr&ecirc;ne). Si, bien entendu, aucun d&rsquo;entre eux ne se crispe sur une nostalgie morose et technophobe, aucun n&rsquo;est pour autant un biblioclaste r&eacute;solu, technophile b&eacute;at, appelant de ses v&oelig;ux un monde d&eacute;livr&eacute; de l&rsquo;obsol&egrave;te et tyrannique codex typographique. La fin &agrave; laquelle ils aspirent n&rsquo;est pas celle de l&rsquo;objet, le medium ancien restant pour eux une possibilit&eacute; non n&eacute;gligeable. C&rsquo;est celle d&rsquo;une h&eacute;g&eacute;monie&nbsp;; celle de l&rsquo;&eacute;quation&nbsp;: po&eacute;sie = litt&eacute;rature = livre(s). Celle des mythologies, de la sacralisation, de la v&eacute;n&eacute;ration f&eacute;tichiste qui fait dans chaque livre se profiler l&rsquo;ombre du Livre, r&eacute;ceptacle de la parole divine. Transformant le livre, &laquo;&nbsp;hier v&eacute;hicule absolu [&hellip; en] un v&eacute;hicule relatif&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;un instrument parmi d&rsquo;autres instruments&nbsp;<a href="#_ftn48" name="_ftnref48">[48]</a>&nbsp;&raquo;, cette fin-l&agrave; est une fin heureuse. Elle inaugure &laquo;&nbsp;<em>un certain usage contemporain du livre</em>. Envisag&eacute; de mani&egrave;re non &ldquo;religieuse&rdquo;, pris comme support d&rsquo;enregistrement parmi d&rsquo;autres, d&eacute;livr&eacute; de l&rsquo;id&eacute;ologie du texte&nbsp;<a href="#_ftn49" name="_ftnref49">[49]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <h2 style="text-align: justify;">Notes<br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a> P. Mounier, &laquo;&nbsp;Le livre et les trois dimensions du cyberespace&nbsp;&raquo;, dans M. Dacos (dir.), <em>Read/Write Book. Le livre inscriptible.</em> Nouvelle &eacute;dition [en ligne]. Marseille, OpenEdition Press, 2010. Disponible en ligne <a href="http://books.openedition.org/oep/128" target="_blank">ici</a>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a> L&rsquo;orthographe du mot, conforme &agrave; l&rsquo;origine latine ou francis&eacute;e, est variable. J&rsquo;opte pour la forme francis&eacute;e lorsqu&rsquo;il s&rsquo;agit de d&eacute;signer un moyen de diffusion massive de l&rsquo;information, r&eacute;servant la graphie latine pour d&eacute;signer en g&eacute;n&eacute;ral un support ou un moyen d&rsquo;expression. Dans les citations, la graphie du texte d&rsquo;origine est toujours respect&eacute;e.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a> G. Lista, &laquo;&nbsp;Entre <em>dynamis</em> et <em>physis</em> ou les mots en libert&eacute; du futurisme&nbsp;&raquo;, dans <em>Po&eacute;sure et peintrie, d&rsquo;un art l&rsquo;autre</em>, R&eacute;union des Mus&eacute;es nationaux/Mus&eacute;es de Marseille, 1993, p.&nbsp;48.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a> <em>Manifeste de la cin&eacute;matographie futuriste</em>, 1916, dans G. Lista, <em>Futuristie. Manifestes, documents, proclamations</em>, Lausanne, L&rsquo;&Acirc;ge d&rsquo;Homme, 1973, p.&nbsp;297.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a> G. Lista, &laquo;&nbsp;Entre <em>dynamis</em> et <em>physis</em> ou les mots en libert&eacute; du futurisme&nbsp;&raquo;,&nbsp;art.&nbsp;cit., p.&nbsp;62.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a> G. Lista, <em>Le livre futuriste. De la lib&eacute;ration du mot au po&egrave;me tactile</em>, Modena, &Eacute;ditions Panini, 1984, p.&nbsp;8.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a> F. T. Marinetti &laquo;&nbsp;L&rsquo;imagination sans fils et les mots en libert&eacute;&nbsp;&raquo;, 1913, dans <em>Po&eacute;sure et peintrie</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;494.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a><em> Ibid</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a> Cit&eacute; par G. Lista, <em>Le livre futuriste. De la lib&eacute;ration du mot au po&egrave;me tactile</em>, <em>op.&nbsp;cit</em>., p.&nbsp;41.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a> F. Dufr&ecirc;ne, &laquo;&nbsp;Pragmatique du crirythme&nbsp;&raquo;, <em>OU</em>, n&deg;&nbsp;28-29, 1966.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a> H. Chopin, &laquo;&nbsp;La po&eacute;sie sonore&nbsp;&raquo;, dans <em>Le Grand Atlas des litt&eacute;ratures</em>, Paris, Encyclop&aelig;dia universalis, 1990, p.&nbsp;114 et p.&nbsp;115.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a> J.-P. Bobillot, <em>Bernard Heidsieck. </em><em>Po&eacute;sie action</em>, Paris, <em>j</em>ean<em>m</em>ichel<em>p</em>lace, 1996, p.&nbsp;51. Pour approcher la po&eacute;sie sonore, les travaux de J.-P. Bobillot sont indispensables. Cet article leur doit beaucoup.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a> B. Heidsieck, <em>Nous &eacute;tions bien peu en&hellip;</em>, onestarpress, 2001, n. p. En ligne <a class="fancybox-pdf" href="https://www.onestarpress.com/products/nous-etions-bien-peu" target="_blank">ici</a>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a> Pour la d&eacute;finition des concepts d&rsquo;<em>auditure</em> et de <em>musiture</em>, d&eacute;j&agrave; pr&eacute;sents dans <em>Bernard Heidsieck. Po&eacute;sie action</em>, <em>op.&nbsp;cit</em>., voir &laquo;&nbsp;Quelques d&eacute;finitions&nbsp;&raquo; dans J.-P. Bobillot, <em>Po&eacute;sie sonore. &Eacute;l&eacute;ments de typologie historique</em>, Reims, Le clou dans le fer, &laquo;&nbsp;&Eacute;l&eacute;ments&nbsp;&raquo;, 2009, p.&nbsp;66-68.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a>&nbsp;&Agrave; preuve, par exemple, les enregistrements du crirythme de F. Dufr&ecirc;ne, &laquo;&nbsp;Paix en Alg&eacute;rie&nbsp;&raquo;&nbsp;: <a href="https://www.youtube.com/watch?v=-0ZOEraPmsE" target="_blank">ici</a>&nbsp;et de l&rsquo;audio-po&egrave;me d&rsquo;H. Chopin, &laquo;&nbsp;Vibrespace&nbsp;&raquo;&nbsp;: &nbsp;<a href="https://www.youtube.com/watch?v=Xo0avgYZd7c&amp;t=103s" target="_blank">ici</a>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a> H. Chopin &agrave; J. Donguy, &laquo;&nbsp;Entretien avec Henri Chopin&nbsp;&raquo; (juin 1992), dans <em>Po&eacute;sure et peintrie</em>, <em>op.&nbsp;cit</em>., p.&nbsp;369.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a> H. Chopin, &laquo;&nbsp;Au-del&agrave; des dada&iuml;smes, surr&eacute;alismes et tous autres isthmes par des forces d&rsquo;amour&nbsp;&raquo;, 1966, <em>ibid</em>., p.&nbsp;548.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a> H. Chopin, <em>Les Portes ouvertes ouvertement</em>, Voix, 2001, p.&nbsp;65-66.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a>&nbsp;Un enregistrement est disponible sur le site du cip<em>M</em>&nbsp;: <a href="http://www.cipmarseille.com/pop_audio.php?id=431" target="_blank">ici</a>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a> B. Heidsieck, <em>Nous &eacute;tions bien peu en&hellip;</em>, <em>op.&nbsp;cit</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a> H. Chopin,<em> &ndash; &amp; +</em>, Voix/Richard Meier, 1993, n. p.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a>&nbsp;On peut en entendre une interpr&eacute;tation &agrave; l&rsquo;adresse suivante&nbsp;:<a href="https://www.youtube.com/watch?v=GOx7xkBgB4k" target="_blank"> ici</a>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a> <em>Ibid</em><em>.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a> H. Chopin, &laquo;&nbsp;Au-del&agrave; des dada&iuml;smes, surr&eacute;alismes et tous autres isthmes par des forces d&rsquo;amour&nbsp;&raquo;, art. cit., p.&nbsp;549.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a> F. Dufr&ecirc;ne, &laquo;&nbsp;Le lyrisme est ce qui nous chante&nbsp;&raquo;, <em>Bizarre</em>, n&deg;&nbsp;32/33, d&eacute;cembre 1961. Cit&eacute; dans <em>Po&eacute;sure et peintrie</em>, <em>op.&nbsp;cit</em>., p.&nbsp;282.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a> B. Heidsieck, &laquo;&nbsp;Pour un po&egrave;me, donc, debout dress&eacute; les pieds sur la page&nbsp;&raquo;, 1961. Texte manifeste &eacute;crit pour l&rsquo;exposition de Jean Degottex &agrave; la Galerie internationale d&rsquo;art contemporain, &agrave; Paris.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a> B. Heidsieck, <em>Notes convergentes. </em>Cit&eacute; par J.-P. Bobillot, <em>Bernard Heidsieck. </em><em>Po&eacute;sie action</em>, <em>op.&nbsp;cit</em>., p. 21.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a> H. Chopin, &laquo;&nbsp;Au-del&agrave; des dada&iuml;smes, surr&eacute;alismes et tous autres isthmes par des forces d&rsquo;amour&nbsp;&raquo;, art. cit., p.&nbsp;548.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a> B. Heidsieck, <em>Nous &eacute;tions bien peu en</em>&hellip;, <em>op.&nbsp;cit</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a> B. Heidsieck, cit&eacute; par J.-P. Bobillot, <em>Bernard Heidsieck. </em><em>Po&eacute;sie action</em>, <em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;37.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a> B. Heidsieck, <em>Nous &eacute;tions bien peu en</em>&hellip;, <em>op.&nbsp;cit</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref32" name="_ftn32">[32]</a> H. Chopin, Lettre &agrave; Anne Moeglin-Delcroix du 16 octobre 1992, cit&eacute;e dans A. Moeglin-Delcroix, <em>Le livre d&rsquo;artiste 1960/1980</em>, Paris, <em>j</em>ean<em>m</em>ichel<em>p</em>lace / Biblioth&egrave;que nationale de France, 1997, note 100, p.&nbsp;88.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref33" name="_ftn33">[33]</a> H. Chopin,<em> Po&eacute;sie sonore internationale</em>, Paris, <em>j</em>ean<em>m</em>ichel<em>p</em>lace, 1979, p.&nbsp;054.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref34" name="_ftn34">[34]</a> H. Chopin, &laquo;&nbsp;La destruction du livre&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Art vivant</em>, n&deg;&nbsp;47, mars 1974, p.&nbsp;18.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref35" name="_ftn35">[35]</a> H. Chopin, &laquo;&nbsp;Pourquoi suis-je l&rsquo;auteur de la po&eacute;sie sonore et libre&nbsp;&raquo;, <em>Artes hispanicas</em>, n<sup>o</sup> 3-4, 1968. Repris dans <em>Po&eacute;sure et peintrie</em>, <em>op.&nbsp;cit</em>., p.&nbsp;557.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref36" name="_ftn36">[36]</a> <em>Ibid.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref37" name="_ftn37">[37]</a> H. Chopin, &laquo;&nbsp;Au-del&agrave; des dada&iuml;smes, surr&eacute;alismes et tous autres isthmes par des forces d&rsquo;amour&nbsp;&raquo;, art. cit., p.&nbsp;548.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref38" name="_ftn38">[38]</a> H. Chopin,<em> ibid.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref39" name="_ftn39">[39]</a> H. Chopin, <em>&Agrave; propos de</em> Ou-Cinqui&egrave;me Saison<em>, 1958-1974, un quart de si&egrave;cle d&rsquo;avant-garde</em>, Tielt, E. Veys, 1974, n.&nbsp;p.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref40" name="_ftn40">[40]</a> H. Chopin &agrave; J. Donguy, &laquo;&nbsp;Entretien avec Henri Chopin&nbsp;&raquo; (juin 1992), art. cit<em>.,</em> p.&nbsp;369.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref41" name="_ftn41">[41]</a> H. Chopin, <em>&ndash; &amp; +</em>, <em>op.&nbsp;cit</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref42" name="_ftn42">[42]</a> B. Heidsieck, <em>Nous &eacute;tions bien peu en</em>&hellip;, <em>op.&nbsp;cit</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref43" name="_ftn43">[43]</a> Ph. Castellin, <em>Update&nbsp;!</em>, Limoges, Dernier T&eacute;l&eacute;gramme, 2008, p.&nbsp;9.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref44" name="_ftn44">[44]</a> H. Chopin, &laquo;&nbsp;Petites notes pour Dana&eacute;&nbsp;&raquo;, <em>Cahiers Dana&eacute;</em>, 1987, p.&nbsp;79.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref45" name="_ftn45">[45]</a> H. Chopin, <em>&ndash; &amp; +</em>, <em>op. cit</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref46" name="_ftn46">[46]</a> H. Chopin, Lettre &agrave; A. Moeglin-Delcroix cit&eacute;e dans A. Moeglin-Delcroix, <em>op.&nbsp;cit</em>., p.&nbsp;90.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref47" name="_ftn47">[47]</a> J. Clair, &laquo;&nbsp;Notes pour une possible fin des livres&nbsp;&raquo;, <em>Art vivant</em>, n<sup>o</sup>&nbsp;47, mars 1974, p.&nbsp;5.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref48" name="_ftn48">[48]</a> H. Chopin, &laquo;&nbsp;La destruction du livre&nbsp;&raquo;, art. cit, p.&nbsp;18.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref49" name="_ftn49">[49]</a> Ph. Castellin, <em>Update !</em>, <em>op.&nbsp;cit</em>., p.&nbsp;22.</p> <h2 style="text-align: justify;">Bibliographie<br /> &nbsp;</h2> <p>Pour plus de pr&eacute;cisions, consulter les &laquo;&nbsp;&Eacute;l&eacute;ments phono-vid&eacute;ographiques (s&eacute;lectifs)&nbsp;&raquo; et les &laquo;&nbsp;&Eacute;l&eacute;ments bibliographiques (tr&egrave;s-s&eacute;lectifs)&nbsp;&raquo; dans Jean-Pierre Bobillot, <em>Po&eacute;sie sonore. &Eacute;l&eacute;ments de typologie historique</em>, r&eacute;f&eacute;rences <em>infra</em>.</p> <p>BOBILLOT Jean-Pierre, <em>Bernard Heidsieck. </em><em>Po&eacute;sie action </em>(avec un CD), Paris, <em>j</em>ean<em>m</em>ichel<em>p</em>lace, 1996.</p> <p><em>&mdash; Po&eacute;sie sonore. &Eacute;l&eacute;ments de typologie historique</em>, Reims, Le clou dans le fer, &laquo;&nbsp;&Eacute;l&eacute;ments&nbsp;&raquo;, 2009.</p> <p>CASTELLIN Philippe, <em>Update&nbsp;! </em>(avec un CD), Limoges, Dernier T&eacute;l&eacute;gramme, 2008.</p> <p>CHOPIN Henri, &laquo;&nbsp;La destruction du livre&nbsp;&raquo;, <em>Art vivant</em>, n<sup>o</sup>&nbsp;47, mars 1974, p. 18.</p> <p><em>&mdash; &Agrave; propos de</em> Ou-Cinqui&egrave;me Saison, <em>1958-1974, un quart de si&egrave;cle d&rsquo;avant-garde</em>, Tielt, E. Veys, 1974.</p> <p><em>&mdash; Po&eacute;sie sonore internationale</em>, Paris, <em>j</em>ean<em>m</em>ichel<em>p</em>lace, 1979.</p> <p>&mdash; &laquo;&nbsp;La po&eacute;sie sonore&nbsp;&raquo;, dans <em>Le Grand Atlas des litt&eacute;ratures</em>, Paris, Encyclop&aelig;dia universalis, 1990, p.&nbsp;114-115.</p> <p><em>&mdash; &nbsp;&ndash; &amp; +</em>, Voix/Richard Meier, 1993.</p> <p>&ndash; <em>Les Portes ouvertes ouvertement</em>, Voix, 2001.</p> <p>CLAIR Jean, &laquo;&nbsp;Notes sur une possible fin des livres&nbsp;&raquo;, <em>Art vivant</em>, n<sup>o</sup>&nbsp;47, mars 1974, p.&nbsp;4-5.</p> <p>HEIDSIECK Bernard, <em>Nous &eacute;tions bien peu en&hellip;</em>, onestapress, 2001, disponible en ligne <a class="fancybox-pdf" href="https://www.onestarpress.com/products/nous-etions-bien-peu" target="_blank">ici</a>.</p> <p><em>&mdash; La Poin&ccedil;onneuse</em> (avec un CD comprenant l&rsquo;int&eacute;gralit&eacute; de l&rsquo;enregistrement), Romainville, Al Dante, 2003.</p> <p><em>OU </em>(4 CD + livret), r&eacute;&eacute;d. Milan, Alga Marghen, 2002.</p> <p><em>Po&eacute;sure et peintrie, d&rsquo;un art l&rsquo;autre</em>, catalogue de l&rsquo;exposition tenue au Centre de la Vieille Charit&eacute; &agrave; Marseille, du 12 f&eacute;vrier au 23 mai 1993, R&eacute;union des Mus&eacute;es nationaux/Mus&eacute;es de Marseille, 1993.&nbsp;En particulier&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;Entretiens&nbsp;&raquo; r&eacute;alis&eacute;s par Jacques Donguy, p. 337-479 ;&laquo;&nbsp;Anthologie 1897/1990&nbsp;&raquo;, textes r&eacute;unis par Jacinto Lageira, p. 483-591.</p> <h3 style="text-align: justify;">Autrice</h3> <p style="text-align: justify;"><strong>Catherine Soulier </strong>est Ma&icirc;tre de conf&eacute;rences de litt&eacute;rature fran&ccedil;aise &agrave; l&rsquo;universit&eacute; Paul-Val&eacute;ry &agrave; Montpellier et membre du laboratoire RIRRA21. Elle travaille sur la po&eacute;sie contemporaine, notamment sur l&rsquo;oeuvre de Jean Tortel.</p> <p style="text-align: justify;"><strong>Copyright</strong></p> <p style="text-align: justify;">Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p> </div>