<div class="entry-content"> <h3 style="text-align: justify;">Abstract</h3> <p>The mars 1974 issue of <em>L&rsquo;Art vivant</em> entitled &ldquo;Biblioclastes&hellip; bibliophiles&rdquo; is the occasion of going back over the Death of the Book at a turning point in comparison with current changes. Intellectuals and book artists combine the announced disappearance of the printed medium with the archaic event of the ideologic Biblioclasm.</p> <p><em>Fahrenheit 451</em>&nbsp;(Bradbury&rsquo;s Novel as well as Truffaut&rsquo;s Movie) and the Elias Canetti&rsquo;s Novel, <em>Die Blendung</em> (1935&nbsp;; translated in english in 1946 as <em>Auto-da-fe</em>) are presented in <em>L&rsquo;Art vivant</em> as beginnings for such a problematical relationship with book and print.</p> <p>But we must question this historicizing and consider the place of fiction. The corollary of the Death of the Book&rsquo;s may be the integration of the medium in the human body. Above all, fiction seems to play with its own medium and to show their failure.</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p class="meta-tags">biblioclasme, Bradbury, Truffaut, Canetti, fiction, medium</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">Qui ne se souvient de la fin de <em>Fahrenheit 451</em> &ndash;&nbsp;des presque derni&egrave;res pages de la nouvelle de Bradbury (1953) comme de la derni&egrave;re s&eacute;quence du film de Truffaut (1966)&nbsp;? Dans une dictature qui veille &agrave; la destruction de tous les livres, Montag, <em>Fireman</em> repenti, rejoint les hommes et les femmes qui ont appris par c&oelig;ur les textes qu&rsquo;ils jugent les plus pr&eacute;cieux&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">Jean Clair notait cependant&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;">Truffaut a pourtant omis quelque chose&nbsp;: c&rsquo;est que, dans <em>toute</em> civilisation future, la for&ecirc;t n&rsquo;existera plus, tu&eacute;e qu&rsquo;elle aura &eacute;t&eacute;&hellip; par le livre. L&rsquo;&eacute;dition dominicale du <em>New-York Times</em> &laquo;&nbsp;consume&nbsp;&raquo; &agrave; elle seule une for&ecirc;t enti&egrave;re. Et l&rsquo;on peut pr&eacute;voir, d&rsquo;ici quelques ann&eacute;es, la disparition compl&egrave;te du papier faute de bois &agrave; exploiter.</p> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;">Le livre, sous sa forme actuelle du moins, aura disparu, mais nous ne pourrons plus m&ecirc;me &eacute;couter le bruissement proph&eacute;tique des ch&ecirc;nes olympiens. L&rsquo;incendie d&eacute;truit toujours la biblioth&egrave;que, mais le livre a lui-m&ecirc;me, symboliquement, d&eacute;j&agrave; d&eacute;truit la Parole. Nous n&rsquo;irons plus au bois&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">En passant de l&rsquo;utopie id&eacute;ologique &agrave; la prospective &eacute;cologique, quitte &agrave; &ecirc;tre contredit ne serait-ce que parce nous pouvons dor&eacute;navant croire que les &eacute;ditions papier et dominicales des journaux dispara&icirc;tront avant les for&ecirc;ts, Jean Clair &eacute;tablissait un lien entre un processus historique relatif au <em>medium</em> et un ph&eacute;nom&egrave;ne id&eacute;ologique ancien&nbsp;: la fin du livre, comme support traditionnel d&rsquo;inscription, est ici articul&eacute;e &agrave; ce que l&rsquo;on pourrait appeler la fin des livres, la destruction des livres voire un &laquo;&nbsp;biblioclasme&nbsp;&raquo;. Tel est en effet le terme frappant utilis&eacute; en couverture de la revue dans laquelle le texte de Jean Clair, qui en &eacute;tait le r&eacute;dacteur en chef, faisait office d&rsquo;&eacute;ditorial.</p> <p style="text-align: justify;">Parler de &laquo;&nbsp;biblioclasme&nbsp;&raquo;, implicitement mis en regard de l&rsquo;iconoclasme, pourrait renvoyer &agrave; plusieurs &eacute;pisodes qui t&eacute;moignent des rapports particuli&egrave;rement ambivalents que les religions du Livre entretiennent avec <em>les</em> livres, mais aussi plus largement &agrave; la dimension id&eacute;ologique radicale qui caract&eacute;rise ces rapports. Le titre m&ecirc;me de cette livraison de mars 1974 de <em>L&rsquo;Art vivant, </em>&laquo;&nbsp;Biblioclastes&hellip; bibliophiles&nbsp;&raquo;, fait d&rsquo;ailleurs &eacute;cho aux couples antagonistes qui personnifiaient de tels conflits th&eacute;ologiques en autant de groupes de z&eacute;lateurs, comme les iconoclastes et les iconodules&hellip; La revue d&rsquo;Aim&eacute; Maeght, galeriste, collectionneur et &eacute;diteur, joue de ces r&eacute;f&eacute;rences et fait de la bibliophilie &ndash;&nbsp;et sans doute de l&rsquo;amour de l&rsquo;art&nbsp;&ndash; une religion moderne et un champ de bataille.</p> <p style="text-align: justify;">Il ne s&rsquo;agit pourtant pas ici de passer en revue les destructions de livres, aussi anciennes, nous dit un historien du livre comme Lucien Polastron, que les livres eux-m&ecirc;mes&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>, bien que l&rsquo;occasion se pr&ecirc;terait &agrave; rappeler la destruction de livres h&eacute;bra&iuml;ques, &agrave; Montpellier avant Paris, en 1233. Il n&rsquo;est pas non plus dans mon intention de restreindre le champ &agrave; ce qu&rsquo;un libraire du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle appelle la &laquo;&nbsp;bibliolytie&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo;. Il ne s&rsquo;agit pas davantage de chercher &agrave; faire la liste des &oelig;uvres litt&eacute;raires qui mettent en sc&egrave;ne la destruction des livres, notamment &agrave; l&rsquo;&eacute;poque moderne, de Rabelais &agrave; Am&eacute;lie Nothomb, ou de Cervantes &agrave; Paul Auster&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">Je voudrais plus simplement m&rsquo;interroger sur les rencontres possibles entre la dimension proprement m&eacute;diologique de la fin du livre et la mise en cause, par la fiction, de son propre support ; je ne le ferai ici qu&rsquo;&agrave; travers quelques exemples et dans une approche comparatiste mais sans oublier un contexte historique qui me semble partie prenante du probl&egrave;me&nbsp;: dans cette perspective, situer la r&eacute;flexion dans une p&eacute;riode charni&egrave;re, ant&eacute;rieure aux mutations dans lesquelles nous sommes d&eacute;j&agrave; tellement avanc&eacute;s que leurs enjeux semblent parfois nous &eacute;chapper, pourrait &ecirc;tre salutaire&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">En partant de ce num&eacute;ro de mars 1974 de la revue <em>L&rsquo;Art vivant</em>, nous verrons &agrave; quel point le fantasme d&rsquo;une fin du livre est jusque dans les ann&eacute;es 1970 et sans doute d&egrave;s les ann&eacute;es 1950, li&eacute; &agrave; la mutation m&eacute;diologique fondamentale de l&rsquo;informatisation. On se demandera pourtant s&rsquo;il ne faut pas se m&eacute;fier de cette historicisation&nbsp;: s&rsquo;agit-il d&rsquo;une association tardive et comme au seuil du v&eacute;ritable bouleversement du livre papier, qui restait encore &agrave; venir&nbsp;? Nous tenterons surtout d&rsquo;int&eacute;grer cette analyse dans une r&eacute;flexion plus g&eacute;n&eacute;rale sur la fiction et ses supports, sur la mat&eacute;rialit&eacute; et l&rsquo;imaginaire des supports de la fiction.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="1_Un_biblioclasme_heureux">1. Un biblioclasme heureux</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">&Agrave;&nbsp;l&rsquo;aube de la r&eacute;volution num&eacute;rique, dans les ann&eacute;es 1950-1970, il y eut ce qu&rsquo;il faut bien appeler un biblioclasme heureux&nbsp;; la disparition annonc&eacute;e, sinon du livre, du moins d&rsquo;une certaine forme d&rsquo;imprim&eacute;, semble &ecirc;tre apparue alors comme une v&eacute;ritable lib&eacute;ration, corollaire de la foi dans un progr&egrave;s radieux par lequel la technique laisse place &agrave; la technologie.</p> <p style="text-align: justify;">En prendre conscience r&eacute;trospectivement pourrait cependant &ecirc;tre le fait de notre d&eacute;but de si&egrave;cle d&eacute;senchant&eacute;. Une exposition, pour autant que l&rsquo;on puisse appeler ainsi ce qui est expos&eacute; dans l&rsquo;&laquo;&nbsp;espace virtuel&nbsp;&raquo; en ligne du Mus&eacute;e du Jeu de Paume en 2013-2014 sous le titre &laquo;&nbsp;<a href="https://jeudepaume.org/evenement/erreur-dimpression-publier-a-lheure-du-numerique/" target="_blank">Erreur d&rsquo;impression, publier &agrave; l&rsquo;&egrave;re du num&eacute;rique</a>&nbsp;&raquo;, peut le mettre en lumi&egrave;re.</p> <p style="text-align: justify;">Alessandro Ludovico, son commissaire, a publi&eacute; parall&egrave;lement une &eacute;tude sur les transformations de l&rsquo;imprimerie depuis la fin du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>. Il y met en avant le mod&egrave;le du <em>Paperless Office</em> vant&eacute; par les promoteurs de l&rsquo;informatisation de la fin des ann&eacute;es 60, notamment &agrave; travers l&rsquo;exemple d&rsquo;un court m&eacute;trage de Jim Henson, qui n&rsquo;est autre qu&rsquo;une publicit&eacute; pour l&rsquo;entreprise IBM&nbsp;: <em>Paperwork Explosion</em>.</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;explosion de la paperasse est ici &agrave; double sens&nbsp;: il s&rsquo;agit de l&rsquo;inflation incontr&ocirc;lable du papier dans la gestion et l&rsquo;administration et tout &agrave; la fois de sa disparition possible gr&acirc;ce &agrave; l&rsquo;informatisation&nbsp;; le court m&eacute;trage est construit autour d&rsquo;une s&eacute;quence r&eacute;currente, qui montre ainsi des dossiers exploser et se disperser. Dans ce monde merveilleux, qui n&rsquo;&eacute;tait pas une utopie puisque les machines vant&eacute;es existaient d&eacute;j&agrave;, les hommes et les femmes sont lib&eacute;r&eacute;s de l&rsquo;esclavage de la paperasserie&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Machines should work, people could think</em>&nbsp;&raquo;, annonce le slogan&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Bien entendu, il ne s&rsquo;agit pas de litt&eacute;rature, voire &agrave; peine de livre et nous pourrions croire &ecirc;tre loin de nos pr&eacute;occupations&nbsp;; Alessandro Ludovico va cependant chercher un exemple litt&eacute;raire dans lequel il voit la premi&egrave;re annonce de la disparition du livre papier, une nouvelle de 1894 d&rsquo;Octave Uzanne tir&eacute;e de ses <em>Contes pour bibliophiles</em>, dont l&rsquo;un s&rsquo;intitule pr&eacute;cis&eacute;ment &laquo;&nbsp;La Fin des livres&nbsp;&raquo;, compl&eacute;t&eacute; par&nbsp;: &laquo;&nbsp;Suggestions d&rsquo;avenir&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo;. Bien avant cet exemple anecdotique pourtant, la v&eacute;ritable fiction de la fin du <em>Paperwork</em>, qui n&rsquo;a pas besoin d&rsquo;&ecirc;tre imprim&eacute;, pourrait bien &ecirc;tre &laquo;&nbsp;Bartleby the Scrivener&nbsp;&raquo;, paru d&egrave;s 1856&nbsp;; et les r&eacute;f&eacute;rences melvilliennes constitueraient d&rsquo;ailleurs le fil rouge de notre r&eacute;flexion&nbsp;: c&rsquo;est l&agrave; que s&rsquo;inaugure en effet non le <em>Paperless Office</em>, puisque les scribes sont encore &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre, mais quelque chose comme une <em>Literature of paperlessness</em>, &agrave; d&eacute;faut d&rsquo;&ecirc;tre d&eacute;j&agrave; une <em>Paperless Literature</em>.</p> <p style="text-align: justify;">Il me semble donc que nous ne pouvons tout simplement pas ignorer cet aspect mat&eacute;riel de la litt&eacute;rature, non seulement parce que la fiction elle-m&ecirc;me le met en sc&egrave;ne, comme mis en abyme, mais parce que cela informe la fiction et notre rapport &agrave; la fiction. J&rsquo;en veux pour preuve la r&eacute;ponse, orale mais imprim&eacute;e ensuite, que Michel Butor, que l&rsquo;on sait particuli&egrave;rement int&eacute;ress&eacute; par les formes et les transformations du livre, a donn&eacute;e &agrave; une question de Lucien Giraudo dans leur entretien sur &laquo;&nbsp;La page du livre-objet&nbsp;&raquo;&nbsp;; la question portait sur la &laquo;&nbsp;place du livre dans la soci&eacute;t&eacute; contemporaine&nbsp;&raquo;, d&rsquo;embl&eacute;e pr&eacute;sent&eacute;e comme &laquo;&nbsp;fragile&nbsp;&raquo; et appelant la pr&eacute;servation&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;">Le livre est un canton de cette r&eacute;gion beaucoup plus vaste qu&rsquo;est l&rsquo;&eacute;crit. Celui-ci joue un r&ocirc;le &eacute;norme dans notre soci&eacute;t&eacute;&nbsp;; tout tourne encore autour de lui. Le pouvoir s&rsquo;exprime par lui&nbsp;: les administrations, les minist&egrave;res, les entreprises sont d&rsquo;&eacute;normes fabriques de textes &eacute;crits&nbsp;; ils sont d&rsquo;un ennui insupportable et tr&egrave;s rapidement d&eacute;truits. Notre &eacute;poque a le privil&egrave;ge d&rsquo;avoir invent&eacute; des machines sp&eacute;cialement con&ccedil;ues pour d&eacute;truire les textes&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Si Butor se refusait ici &agrave; parler de &laquo;&nbsp;livres&nbsp;&raquo;, leur pr&eacute;f&eacute;rant &laquo;&nbsp;textes&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;&eacute;crits&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est qu&rsquo;il paraissait exclure la production litt&eacute;raire d&rsquo;une destruction, qui restait le propre d&rsquo;une modernit&eacute; administrative et technique. Pourtant, le num&eacute;ro de <em>L&rsquo;Art vivant</em>, et &agrave; propos de la production ant&eacute;rieure de Butor, celle des ann&eacute;es 60 (<em>Mobile</em>, <em>L&rsquo;Appel des Rocheuses</em>&hellip;), allait jusqu&rsquo;&agrave; placer l&rsquo;artiste parmi les &laquo;&nbsp;biblioclastes&nbsp;&raquo;. Et il ne s&rsquo;agissait pas d&rsquo;un palmar&egrave;s mais de la communication de Jean-Fran&ccedil;ois Lyotard, qui connaissait Butor de longue date, en ouverture de la d&eacute;cade de Cerisy consacr&eacute;e &agrave; l&rsquo;auteur&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>. A partir de cet exemple, j&rsquo;ai essay&eacute; de montrer ailleurs que la fiction de Butor recouvrait ce rapport difficile au livre&nbsp;: l&rsquo;on peut par exemple penser dans <em>La Modification</em> au livre sans cesse d&eacute;plac&eacute; et jamais lu par le personnage, mais aussi &agrave; celui qui, dans les passages de r&ecirc;verie cauchemardesque du h&eacute;ros, est r&eacute;duit &agrave; des bribes&hellip;&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a></p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="2_Fahrenheit_451_It_was_a_pleasure_to_burn">2.<em> Fahrenheit</em> <em>451</em>. &laquo;&nbsp;<em>It was a pleasure to burn&nbsp;</em>&raquo;</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">La destruction des livres dans la fiction avait cependant un mod&egrave;le pr&eacute;cis pour les intellectuels du d&eacute;but des ann&eacute;es 70. On a vu que Jean Clair &eacute;voquait <em>Fahrenheit&nbsp;</em>; la r&eacute;f&eacute;rence semble en effet un passage oblig&eacute;, sans doute gr&acirc;ce au film encore assez r&eacute;cent de Truffaut et &agrave; l&rsquo;interpr&eacute;tation politique continue du roman de Bradbury comme d&eacute;nonciation du maccarthysme contemporain de sa publication. En outre, le texte v&eacute;hicule aussi le souvenir, reconstitu&eacute; et d&eacute;plac&eacute;, des destructions nazies&nbsp;: Fahrenheit est certes le nom de l&rsquo;unit&eacute; de mesure de la temp&eacute;rature utilis&eacute;e dans les pays anglo-saxons mais le mot fait entendre aussi l&rsquo;origine allemande de son inventeur&nbsp;; que le h&eacute;ros du film s&rsquo;appelle <em>Montag</em>, &laquo;&nbsp;Lundi&nbsp;&raquo; en allemand, irait dans le m&ecirc;me sens.</p> <p style="text-align: justify;">La censure est port&eacute;e &agrave; son apog&eacute;e radical, non par le caviardage mais par la destruction pure et simple. Il est absolument remarquable que le &laquo;&nbsp;plaisir&nbsp;&raquo; l&agrave; encore s&rsquo;affirme, et d&egrave;s la premi&egrave;re phrase du roman, isol&eacute;e par la typographie. S&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;un plaisir ignoble avec lequel, d&egrave;s les pages suivantes, l&rsquo;auteur prendra explicitement de la distance par l&rsquo;interm&eacute;diaire de Clarisse, le texte est redondant et, adoptant d&rsquo;abord le point de vue du pompier pyromane, il prend le temps de d&eacute;velopper la perspective radieuse de la <em>tabula rasa</em>&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;">Le plaisir d&rsquo;incendier&nbsp;!<br /> Quel plaisir extraordinaire c&rsquo;&eacute;tait de voir les choses se faire d&eacute;vorer, de les voir noircir et se <em>transformer</em>.<br /> Les poings serr&eacute;s sur l&rsquo;embout de cuivre, arm&eacute; de ce python g&eacute;ant qui crachait son venin de p&eacute;trole sur le monde, il sentait le sang battre &agrave; ses tempes, et ses mains devenaient celles d&rsquo;un prodigieux chef d&rsquo;orchestre dirigeant toutes les symphonies en feu majeur pour abattre les guenilles et les ruines carbonis&eacute;es de l&rsquo;histoire&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Que penser de la prose lyrique, biblique et comme emprunt&eacute;e au psalmiste, d&rsquo;un pompier qui pr&eacute;tend &agrave; Clarisse n&rsquo;avoir jamais <em>lu</em> les livres qu&rsquo;il a br&ucirc;l&eacute;s&nbsp;? A moins que d&eacute;j&agrave; ce ne soit des mots d&rsquo;amour, emprunt&eacute;s aux livres eux-m&ecirc;mes&hellip; puisque l&rsquo;on d&eacute;couvrira ensuite qu&rsquo;il en a d&eacute;j&agrave; sauv&eacute; un certain nombre du feu&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Truffaut contredit le roman sur ce point et, dans son film, rien ne laisse penser que Montag a auparavant d&eacute;j&agrave; soustrait des livres &agrave; leur destruction. Truffaut fait de la rencontre avec Clarisse McClellan le seul d&eacute;clencheur de la prise de conscience de Montag mais aussi du geste par lequel il se met &agrave; sauver des livres. Le biblioclaste aura la ferveur du converti, moins bibliophile qu&rsquo;idol&acirc;tre, voire bibliol&acirc;tre pourrait-on dire&nbsp;: la tenue d&rsquo;Oscar Werner dans la premi&egrave;re sc&egrave;ne d&rsquo;incendie, &agrave; l&rsquo;ouverture du film, ancre la pratique des pompiers dans un rituel religieux&nbsp;; et celle qu&rsquo;il endosse lors des sc&egrave;nes nocturnes de lecture, &agrave; mi-chemin entre le peignoir de bain et la bure monacale, en constitue le sym&eacute;trique.</p> <p style="text-align: justify;">Mais les premiers mots du texte trouvent aussi un &eacute;cho dans ceux de Truffaut lorsqu&rsquo;il justifie le recours &agrave; la couleur alors que nombre de films, &agrave; commencer par les quatre films ant&eacute;rieurs du cin&eacute;aste, &eacute;taient encore en noir et blanc. Dans l&rsquo;&eacute;mission &laquo;&nbsp;Les &eacute;crans de la ville&nbsp;&raquo;, en 1966, il pr&eacute;cise cette nouveaut&eacute; et affirme ne pas &ecirc;tre un &laquo;&nbsp;passionn&eacute; de films en couleurs&nbsp;&raquo; mais que dans le cas de <em>Fahrenheit 451</em>, &laquo;&nbsp;les flammes exigeaient la couleur&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>&nbsp;&raquo;. Truffaut remarque aussi que si les livres sont difficiles &agrave; br&ucirc;ler, il y a parfois de &laquo;&nbsp;bonnes surprises&nbsp;&raquo;, comme ce livre dont les pages se racornissent une par une, &laquo;&nbsp;comme des coquilles&nbsp;&raquo;&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">Cet &eacute;loge du feu devrait &ecirc;tre explicitement retourn&eacute;&nbsp;; le roman construit en effet en filigrane une sorte de fonctionnement archa&iuml;que, symbolique et caricatural, qui oppose deux &eacute;l&eacute;ments contrastant avec le feu&nbsp;: les r&eacute;f&eacute;rences aquatiques sont compl&eacute;t&eacute;es par le paradigme lunaire, dont le nom du h&eacute;ros <em>Montag</em>, jour de la lune, signalait &agrave; quel point il &eacute;tait marquant, et que Clarisse, au visage d&rsquo;un &laquo;&nbsp;blanc laiteux&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>&nbsp;&raquo;, v&ecirc;tue d&rsquo;une robe blanche dans le roman, incarne litt&eacute;ralement&nbsp;; c&rsquo;est enfin lors de sa fuite nocturne, se laissant porter par le lent courant du fleuve sous les rayons de la lune, que Montag fait l&rsquo;exp&eacute;rience qui le d&eacute;tourne d&eacute;finitivement du feu (&laquo;&nbsp;Il sut pourquoi il ne devait plus jamais r&eacute;pandre le feu&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>&nbsp;&raquo;). Truffaut l&rsquo;a d&rsquo;une certaine fa&ccedil;on compris lorsqu&rsquo;il choisit de tourner les derni&egrave;res sc&egrave;nes de son film, malgr&eacute; ou gr&acirc;ce &agrave; la neige&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>. Tout devrait tendre vers cette lutte entre pompiers et &laquo;&nbsp;<em>bookpeople&nbsp;</em>&raquo;&nbsp;; <em>goodpeople&nbsp;</em>? demande d&rsquo;ailleurs Oscar Werner dans le film, comme s&rsquo;il avait mal compris&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Pourtant, le roman &eacute;nonce aussi explicitement que la politique de destruction des livres n&rsquo;est que la cons&eacute;quence de la d&eacute;saffection g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;e pour le livre. Si Truffaut montre d&egrave;s le d&eacute;but des livres cach&eacute;s dans une fausse t&eacute;l&eacute;vision&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>, Bradbury met en sc&egrave;ne l&rsquo;invasion des &eacute;crans qui se substituent aux murs des maisons et des programmes qui remplacent la r&eacute;alit&eacute;. Les &eacute;crans sont &eacute;voqu&eacute;s de fa&ccedil;on significative la premi&egrave;re fois par Clarisse qui dit regarder &laquo;&nbsp;rarement les murs-&eacute;cran<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>&nbsp;&raquo;, avant que Mildred, la femme de Montag, ne vienne incarner la consommatrice passive et n&eacute;vros&eacute;e des divertissements omnipr&eacute;sents.</p> <p style="text-align: justify;">Mildred appara&icirc;t d&rsquo;ailleurs d&rsquo;abord dans le roman comme un corps inerte, victime d&rsquo;une <em>overdose</em> de m&eacute;dicaments, avant de se remettre de plus belle &agrave; son addiction de &laquo;&nbsp;femme d&rsquo;int&eacute;rieur&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>&nbsp;&raquo;, se pr&eacute;parant comme une actrice pour la &laquo;&nbsp;dramatique qui va passer sur les murs-&eacute;crans dans dix minutes&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>&nbsp;&raquo; et r&eacute;clamant &agrave; son mari le quatri&egrave;me &laquo;&nbsp;mur-&eacute;cran&nbsp;&raquo; &ndash;&nbsp;&laquo;&nbsp;<em>Wall-TV&nbsp;</em>&raquo;&nbsp;&ndash; qui viendrait parfaire le dispositif d&rsquo;intrusion&nbsp;: &laquo;&nbsp;Si avait un quatri&egrave;me mur, ce serait comme si cette pi&egrave;ce n&rsquo;&eacute;tait plus la n&ocirc;tre, mais celle de toutes sortes de gens extraordinaires&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Cependant, c&rsquo;est au capitaine Beatty, dans une &laquo;&nbsp;conf&eacute;rence&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>&nbsp;&raquo; particuli&egrave;rement claire, voire p&eacute;dagogique, que nous devons l&rsquo;analyse historique la plus d&eacute;velopp&eacute;e de la d&eacute;saffection &agrave; l&rsquo;&eacute;gard des livres dans la soci&eacute;t&eacute; domin&eacute;e par des &laquo;&nbsp;ph&eacute;nom&egrave;nes de masse&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>&nbsp;&raquo;. On pourrait y lire une expression des positions r&eacute;actionnaires ult&eacute;rieures que l&rsquo;on relev&eacute;es chez Bradbury mais il semble bien que la fiction l&rsquo;emporte ici sur un tel positionnement. Surtout, laisser au chef des pompiers la responsabilit&eacute; de ce discours est nettement une fa&ccedil;on de le mettre &agrave; distance&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Une r&eacute;f&eacute;rence signale peut-&ecirc;tre d&rsquo;ailleurs cette distance &agrave; tout lecteur am&eacute;ricain&nbsp;: il est frappant en effet que Benjamin Franklin soit d&eacute;sign&eacute; ici comme &laquo;&nbsp;Premier pompier&nbsp;&raquo; d&rsquo;un corps &laquo;&nbsp;Fond&eacute; en 1790 pour br&ucirc;ler les livres d&rsquo;ob&eacute;dience anglaise dans les Colonies&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>&nbsp;&raquo;. Si Franklin a effectivement mis en place l&rsquo;<em>Union Fire Compagny</em>, brigade de Pompiers volontaires, &agrave; Philadelphie et ce, d&egrave;s 1736, non seulement on pourrait dire que tout &eacute;tait &agrave; faire &agrave; cette date dans cette ville et que Franklin y fonda aussi l&rsquo;Universit&eacute;, l&rsquo;h&ocirc;pital, r&eacute;forma la police, instaura l&rsquo;&eacute;clairage public&hellip; mais qu&rsquo;un P&egrave;re fondateur, r&eacute;dacteur de la Constitution, ne soit plus que &laquo;&nbsp;<em>First Fireman</em>&nbsp;&raquo; ne peut manquer d&rsquo;attirer l&rsquo;attention du lecteur&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Aussi le discours sur l&rsquo;abandon spontan&eacute; des livres n&rsquo;est-il peut-&ecirc;tre qu&rsquo;un leurre, servi par le pouvoir lui-m&ecirc;me. Certes le roman, au contraire du film de Truffaut, fait &eacute;galement parler celui qui passe pour le porte-parole des intellectuels&nbsp;; mais s&rsquo;il n&rsquo;est pas ambivalent, il est particuli&egrave;rement l&acirc;che et il accepte difficilement d&rsquo;aider Montag dans sa r&eacute;bellion. Quand il le fait enfin, c&rsquo;est en le suivant sans cesse par le biais d&rsquo;un appareillage&nbsp;; l&rsquo;intellectuel est un bricoleur comme son nom, <em>Faber</em>, l&rsquo;annon&ccedil;ait d&egrave;s l&rsquo;abord. Avec un mat&eacute;riel digne de celui des oppresseurs, Faber peut parler en permanence &agrave; Montag&nbsp;: cette voix obs&eacute;dante de celui qui doit d&eacute;fendre les livres insupporte le h&eacute;ros, qui d&eacute;truit, quoique involontairement, l&rsquo;appareil, lorsqu&rsquo;il tue le capitaine Beatty qui l&rsquo;a d&eacute;couvert. Ce luddisme, tourn&eacute; contre ce qui lui a &eacute;t&eacute; pr&eacute;sent&eacute; comme une arme, un outil de lib&eacute;ration, rejoint sa haine des murs-&eacute;crans qui abrutissent sa femme.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="3_Die_Blendung_Laveuglement_du_collectionneur">3.<em> Die Blendung</em>. L&rsquo;aveuglement du collectionneur</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Au regard de ces articulations complexes, on peut se demander si des exemples ant&eacute;rieurs pourraient faire l&rsquo;&eacute;conomie de la dimension technique et laisser place aux enjeux id&eacute;ologiques. Ce n&rsquo;est pas par hasard me semble-t-il que <em>L&rsquo;Art vivant</em> &eacute;voque un autre exemple, qui rel&egrave;ve lui aussi d&rsquo;une certaine actualit&eacute; &eacute;ditoriale pour Jean Clair puisqu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;un roman qui venait d&rsquo;&ecirc;tre republi&eacute; en fran&ccedil;ais sous le titre d&rsquo;<em>Auto-da-f&eacute;&nbsp;</em><a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Ce gros roman d&rsquo;Elias Canetti, qui avait pour titre original allemand <em>Die Blendung</em>, &laquo;&nbsp;L&rsquo;&eacute;blouissement&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;l&rsquo;aveuglement&nbsp;&raquo;, avait &eacute;t&eacute; achev&eacute; &agrave; en croire son auteur en 1931 et avait &eacute;t&eacute; publi&eacute; en 1935, &agrave; Vienne, chez Herbert Reichner, avec une vignette d&rsquo;Alfred Kubin&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>&nbsp;; il avait &eacute;t&eacute; traduit en anglais et publi&eacute; &agrave; Londres en 1946 sous le titre d&rsquo;<em>Auto-da-fe</em> tandis que l&rsquo;&eacute;dition am&eacute;ricaine qui parut l&rsquo;ann&eacute;e suivante lui conf&eacute;rait le titre de <em>The Tower of Babel</em>, qui fut conserv&eacute; pour la traduction fran&ccedil;aise de Paule Arhex sortie chez Arthaud en 1949&nbsp;; ce n&rsquo;est que lors de r&eacute;&eacute;ditions que le titre d&rsquo;<em>Auto-da-fe</em> s&rsquo;est impos&eacute;, en 1964 pour l&rsquo;&eacute;dition anglaise et en 1968 pour l&rsquo;&eacute;dition fran&ccedil;aise&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Canetti n&rsquo;avait donc pas choisi ce titre, qui signifie litt&eacute;ralement &laquo;&nbsp;acte de foi&nbsp;&raquo; mais qui d&eacute;signait dans le contexte de l&rsquo;Inquisition la destruction par le feu des h&eacute;r&eacute;tiques et de leurs ouvrages. Pourtant ce roman contemporain des autodaf&eacute;s nazis, &agrave; moins qu&rsquo;il ne les ait devanc&eacute;s&nbsp;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a>, est bien celui de l&rsquo;analyse d&rsquo;un bibliophile monomaniaque confront&eacute; &agrave; l&rsquo;incompr&eacute;hension et &agrave; la brutalit&eacute; de ses contemporains&nbsp;: cette &oelig;uvre est d&eacute;j&agrave; partie prenante de l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t d&rsquo;Elias Canetti pour les ph&eacute;nom&egrave;nes id&eacute;ologiques, qu&rsquo;il d&eacute;veloppera dans <em>Masse und Macht&nbsp;</em><a href="#_ftn32" name="_ftnref32">[32]</a>. C&rsquo;est d&rsquo;ailleurs &agrave; la faveur du succ&egrave;s de cet essai que le roman fut, semble-t-il, r&eacute;&eacute;dit&eacute;.</p> <p style="text-align: justify;">Surtout, ce livre ne met en sc&egrave;ne le fameux autodaf&eacute; que dans les derni&egrave;res lignes, sans le d&eacute;crire vraiment, et en l&rsquo;attribuant au collectionneur lui-m&ecirc;me, le professeur Kien, dans un acc&egrave;s de folie. Jusque-l&agrave;, autant dire tout au long du roman, les livres prennent, dans tous les sens du terme, toute la place. Comme dans une sorte d&rsquo;apog&eacute;e du mod&egrave;le, la biblioth&egrave;que de Kien, est la plus grande collection priv&eacute;e&nbsp;<a href="#_ftn33" name="_ftnref33">[33]</a> d&rsquo;une ville que le lecteur peut identifier &agrave; Vienne&nbsp;; elle occupe les derniers &eacute;tages de l&rsquo;immeuble du collectionneur, dont les fen&ecirc;tres ont &eacute;t&eacute; mur&eacute;es pour pouvoir disposer de davantage de rayonnages. Ici, rien ne semble devoir pr&eacute;dire la disparition des livres, qui ont le monopole. Et la sc&egrave;ne qui ouvre le roman, un dialogue devant la vitrine d&rsquo;une librairie, entre un enfant curieux d&rsquo;apprendre et le professeur d&rsquo;abord d&eacute;daigneux puis s&eacute;duit malgr&eacute; lui, pourrait tracer la voie d&rsquo;un <em>Bildungsroman</em>. Il n&rsquo;en sera pourtant rien.</p> <p style="text-align: justify;">Cette biblioth&egrave;que est en effet aussi, ce faisant, une biblioth&egrave;que assi&eacute;g&eacute;e et qui semble d&eacute;j&agrave; avoir perdu la bataille contre la foule et l&rsquo;ignorance. Kien &eacute;voque le souvenir insupportable d&rsquo;un &eacute;pisode c&eacute;l&egrave;bre de biblioclasme, attest&eacute; par les historiens&nbsp;: celui d&eacute;cr&eacute;t&eacute; par l&rsquo;empereur de Chine en 213 avant notre &egrave;re&nbsp;<a href="#_ftn34" name="_ftnref34">[34]</a>. Mais la menace est actuelle pour lui&nbsp;: pr&ecirc;ter des livres, comme le professeur l&rsquo;avait propos&eacute; au jeune gar&ccedil;on et comme il le proposera encore &agrave; sa femme de m&eacute;nage, Th&eacute;r&egrave;se, c&rsquo;est les condamner&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ils sont sans d&eacute;fense contre les Barbares&nbsp;<a href="#_ftn35" name="_ftnref35">[35]</a>&nbsp;&raquo;. Kien pr&eacute;pare quant &agrave; lui ses livres &agrave; la bataille contre ceux qu&rsquo;il soup&ccedil;onne de vouloir les voler, et se lance dans une longue harangue de chef militaire&nbsp;<a href="#_ftn36" name="_ftnref36">[36]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Le h&eacute;ros de Canetti est un Don Quichotte dont la biblioth&egrave;que, parce qu&rsquo;elle n&rsquo;est pas encore d&eacute;truite, peut continuer &agrave; nourrir la folie. Le fantasme d&rsquo;agression cache l&rsquo;aveuglement fondamental de Kien, auquel le mot de <em>Blendung</em> peut aussi renvoyer. La c&eacute;cit&eacute; encadre d&rsquo;ailleurs le roman en la personne d&rsquo;un m&ecirc;me personnage de mendiant aveugle auquel Kien fait la charit&eacute; dans le premier chapitre, et qui sera le bourreau du nain Fischerle, devenu l&rsquo;acolyte &ndash; le Sancho&nbsp;&ndash; du h&eacute;ros, &agrave; la fin de la deuxi&egrave;me partie. Alors que Kien se dit pr&ecirc;t &agrave; se suicider s&rsquo;il devenait aveugle lorsqu&rsquo;il rencontre le non-voyant au d&eacute;but du roman, son fr&egrave;re croit &agrave; la fin du roman qu&rsquo;il a perdu la vue.</p> <p style="text-align: justify;">C&rsquo;est pour pr&eacute;server ses yeux que Kien d&eacute;cide de d&eacute;truire lui-m&ecirc;me, sinon ses livres, du moins toutes ses archives&nbsp;: Canetti invente ici un bureau, un &laquo;&nbsp;&eacute;norme monument de bois sombre&nbsp;&raquo; dit la traduction&nbsp;<a href="#_ftn37" name="_ftnref37">[37]</a> tandis que l&rsquo;original personnifie le meuble comme un &laquo;&nbsp;sombre et lourd colosse&nbsp;<a href="#_ftn38" name="_ftnref38">[38]</a>&nbsp;&raquo;, qui d&eacute;fend son contenu&nbsp;: au moindre mouvement, les tiroirs &eacute;mettent un &laquo;&nbsp;sifflement strident&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;<em>einen schrillen Pfiff&nbsp;</em>&raquo;), que Kien supporte parce qu&rsquo;il mettrait en d&eacute;route les voleurs. C&rsquo;est ce bureau qu&rsquo;il affronte lui m&ecirc;me peu apr&egrave;s pour se d&eacute;barrasser des &laquo;&nbsp;monceaux de papier&nbsp;&raquo; et des &laquo;&nbsp;paperasses&nbsp;<a href="#_ftn39" name="_ftnref39">[39]</a>&nbsp;&raquo;, voire pour le vider de &laquo;&nbsp;ce rebut&nbsp;&raquo;&nbsp; (&laquo;&nbsp;<em>Unrat&nbsp;</em>&raquo;), emportant enfin une &laquo;&nbsp;montagne de paperasse&nbsp;&raquo; dit la traduction alors que l&rsquo;allemand use naturellement d&rsquo;un mot aussi vieux que l&rsquo;imprimerie&nbsp; (&laquo;&nbsp;<em>Einen Turm von Makulatur</em>&nbsp;&raquo;).</p> <p style="text-align: justify;">Pire, si l&rsquo;on voit l&rsquo;&eacute;rudit travailler, le roman ne d&eacute;voile presque aucun titre de sa biblioth&egrave;que. Il met d&rsquo;ailleurs en sc&egrave;ne le geste par lequel l&rsquo;&eacute;rudit lecteur se mue en chef de guerre&nbsp;: &laquo;&nbsp;La d&eacute;mocratisation de l&rsquo;arm&eacute;e se manifestera dans la pratique par le fait qu&rsquo;&agrave; partir d&rsquo;aujourd&rsquo;hui, tous les volumes seront rang&eacute;s le dos au mur&nbsp;<a href="#_ftn40" name="_ftnref40">[40]</a>&nbsp;&raquo;. Avec cette biblioth&egrave;que &laquo;&nbsp;blanche&nbsp;&raquo; de 25&nbsp;000 volumes dont on ne verrait plus que la tranche, que l&rsquo;on ne peut plus ni saisir ni retrouver en l&rsquo;absence de titre, tout se passe comme si l&rsquo;on avait ici l&rsquo;envers de la biblioth&egrave;que et de la d&eacute;marche de Walter Benjamin dans le texte c&eacute;l&egrave;bre, et rigoureusement contemporain, dans lequel il &laquo;&nbsp;d&eacute;balle&nbsp;&raquo; sa biblioth&egrave;que, c&rsquo;est-&agrave;-dire en donne pr&eacute;cis&eacute;ment le catalogue&nbsp;<a href="#_ftn41" name="_ftnref41">[41]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Que reste-t-il des livres, bien avant l&rsquo;incendie&nbsp;? Kien est chass&eacute; de chez lui &ndash;&nbsp;autant dire de sa biblioth&egrave;que&nbsp;&ndash; par Th&eacute;r&egrave;se, l&rsquo;intendante qu&rsquo;il avait recrut&eacute;e huit ans auparavant pour s&rsquo;occuper avant tout de ses livres comme le raconte le d&eacute;but du deuxi&egrave;me chapitre du roman, et qu&rsquo;il a &eacute;pous&eacute;e par la suite par reconnaissance pour son d&eacute;vouement. A d&eacute;faut de se pr&eacute;occuper de sa propre biblioth&egrave;que, il entreprend de convaincre les gens qui apportent leurs livres au Mont de Pi&eacute;t&eacute; &ndash;&nbsp;le <em>Theresianum</em> qui devient le lieu embl&eacute;matique de son ennemie&nbsp;&ndash; pour qu&rsquo;ils les conservent chez eux&nbsp;; il finit par leur donner l&rsquo;argent qu&rsquo;ils venaient emprunter pour qu&rsquo;ils repartent <em>avec</em> leurs livres. Lorsque Fischerle s&rsquo;en aper&ccedil;oit, il monte une supercherie aussi invraisemblable que l&rsquo;initiative que Kien, en lui faisant proposer contre une somme toujours plus importante le m&ecirc;me paquet de &laquo;&nbsp;romans bon march&eacute;&nbsp;&raquo;, envelopp&eacute;s dans un papier et pr&eacute;sent&eacute;s comme de &laquo;&nbsp;l&rsquo;Art&nbsp;&raquo;, comme il l&rsquo;explique &agrave; son complice&nbsp;<a href="#_ftn42" name="_ftnref42">[42]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Non seulement les livres sont trait&eacute;s comme de vulgaires objets qui ont une valeur marchande, alors que Kien est pr&ecirc;t &agrave; se sacrifier en martyr pour les sauver, mais il s&rsquo;agit d&rsquo;un march&eacute; de dupes&nbsp;: il tourne autour d&rsquo;un m&ecirc;me lot de livres illisibles, soumis &agrave; une inflation aussi d&eacute;lirante que celle de l&rsquo;apr&egrave;s-guerre. Avec une telle ironie, l&rsquo;&eacute;crivain ne s&rsquo;&eacute;pargne pas&nbsp;: lorsque la fruste et indigne Th&eacute;r&egrave;se avoue son respect pour les &laquo;&nbsp;livres de plus de cinq cents pages&nbsp;<a href="#_ftn43" name="_ftnref43">[43]</a>&nbsp;&raquo;, cette cat&eacute;gorie qu&rsquo;on aimerait appeler les &laquo;&nbsp;livres-de-plus-de-cinq-cents-pages&nbsp;&raquo; ne manque pas de rappeler <em>Moby-Dick</em>, dans lequel Queequeg l&rsquo;illettr&eacute; s&rsquo;extasie quand il atteint le nombre magique en tournant les pages d&rsquo;un livre, mais elle englobe aussi le roman de Canetti lui-m&ecirc;me.</p> <p style="text-align: justify;">Bien s&ucirc;r, on ne peut pas dire que la disparition du <em>medium</em> livresque soit mis en sc&egrave;ne ici&nbsp;; mais l&rsquo;&oelig;uvre fait d&eacute;j&agrave; le deuil de ce qui &eacute;tait l&rsquo;apog&eacute;e symbolique du livre, la collection, sur lequel a v&eacute;cu l&rsquo;imaginaire du livre au xix<sup>e</sup> si&egrave;cle&nbsp;; non parce que c&rsquo;est la biblioth&egrave;que d&rsquo;un fou (c&rsquo;&eacute;tait d&eacute;j&agrave; le cas dans &laquo;&nbsp;Bibliomanie&nbsp;&raquo;, qui est le premier texte imprim&eacute; de Flaubert, en 1836), mais parce qu&rsquo;elle s&rsquo;av&egrave;re totalement inadapt&eacute;e &agrave; la culture de masse, au monde globalis&eacute;, d&eacute;j&agrave;, de la d&eacute;mocratie et de l&rsquo;&eacute;conomie.</p> <p style="text-align: justify;">Cette fin du livre n&rsquo;est pas technologique, et rien ne le concurrence r&eacute;ellement de ce point de vue, sauf le vide. Mais pr&eacute;cis&eacute;ment&nbsp;: le spectacle pr&eacute;f&eacute;r&eacute; du concierge de l&rsquo;immeuble de Kien n&rsquo;est-il pas de regarder par un judas tr&egrave;s particulier, situ&eacute; en bas de la porte, et de deviner qui passe devant sa loge&nbsp;? Ce divertissement fascinera jusqu&rsquo;&agrave; Kien lui-m&ecirc;me lors de ce qui est pr&eacute;sent&eacute; comme un &eacute;pisode de d&eacute;lire au sein m&ecirc;me de sa folie g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;e&nbsp;: le lecteur bibliophile reste alors des heures &agrave; genoux pour le satisfaire. Est-on si loin des murs-&eacute;crans de <em>Fahrenheit</em>&nbsp;? Il est pourtant sans doute trompeur de chercher par avance dans une &oelig;uvre ce que nous savons ou pensons &ecirc;tre le devenir du livre. Si la science-fiction &eacute;tait une question de degr&eacute;, il ne faudrait pas grand-chose pour que le roman de Canetti bascule dans cette cat&eacute;gorie, mais en tenant de l&rsquo;expressionnisme, il joue de fa&ccedil;on virtuose sur d&rsquo;autres glissements, ceux de l&rsquo;&eacute;nonciation notamment. Surtout, la science-fiction requiert davantage un changement de syst&egrave;me r&eacute;f&eacute;rentiel, au m&ecirc;me titre que l&rsquo;utopie.</p> <p style="text-align: justify;">Aussi avons-nous le r&eacute;flexe de chercher la fin du livre dans des productions qui revendiquent ouvertement leur appartenance &agrave; la science-fiction, chez Bradbury mais aussi chez Paul Auster dans <em>In the Country of Last Things</em> par exemple&nbsp;<a href="#_ftn44" name="_ftnref44">[44]</a>, et jusqu&rsquo;au film <em>The Day after Tomorow&nbsp;</em><a href="#_ftn45" name="_ftnref45">[45]</a>, dans lequel les livres de la New-York Public Library servent de combustible.</p> <p style="text-align: justify;">Pourtant, avant m&ecirc;me l&rsquo;&egrave;re industrielle de l&rsquo;imprimerie, le XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle s&rsquo;est int&eacute;ress&eacute; non seulement de fa&ccedil;on continue &agrave; la question de la lecture mais aussi, notamment dans le contexte pr&eacute;-r&eacute;volutionnaire, &agrave; la place m&ecirc;me du livre. Certes il s&rsquo;agit surtout d&rsquo;imaginer les lieux nouveaux de conservation et de consultation des livres, qui sont rien moins que des biblioth&egrave;ques d&eacute;mocratiques, mais des auteurs abordent aussi ce probl&egrave;me dans la fiction. Si Louis-S&eacute;bastien Mercier fait office de pr&eacute;curseur en imaginant la quasi disparition des livres dans son c&eacute;l&egrave;bre <em>L&rsquo;An 2440. R&ecirc;ve s&rsquo;il en fut jamais&nbsp;</em><a href="#_ftn46" name="_ftnref46">[46]</a>, il me semble que l&rsquo;on pourrait lui associer R&eacute;tif de la Bretonne&nbsp;: non seulement son <em>Anti-Justine</em> fait partie des &laquo;&nbsp;Livres d&eacute;truits par leurs auteurs&nbsp;&raquo; ou cas de &laquo;&nbsp;bibliolytie&nbsp;&raquo; relev&eacute;s par Fernand Drujon&nbsp;<a href="#_ftn47" name="_ftnref47">[47]</a>, mais &agrave; la fin du <em>Paysan perverti</em>, roman que R&eacute;tif publia en 1782, dans les Statuts de la ville d&rsquo;Oudun que fondent les personnages, il n&rsquo;y a de place pour aucune lecture, sauf celle de la Bible&hellip; et des lettres qui constituent ce roman &eacute;pistolaire&nbsp;<a href="#_ftn48" name="_ftnref48">[48]</a>. Le cas est donc tr&egrave;s diff&eacute;rent de <em>L&rsquo;An 2440</em> mais il s&rsquo;agit bien, &agrave; travers le projet d&rsquo;Oudun, de cr&eacute;er par la fiction un nouveau syst&egrave;me social &ndash;&nbsp;id&eacute;ologique autant que technique&nbsp;&ndash; dot&eacute; de toutes les commodit&eacute;s&nbsp;; et cela exclut le livre.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="4_Le_corps_la_tete_et_le_livre_interieur">4. Le corps, la t&ecirc;te et le livre int&eacute;rieur</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Exclure, voire d&eacute;truire le livre, n&rsquo;est-ce pourtant pas fondamentalement une mise en question du <em>medium</em>, c&rsquo;est-&agrave;-dire de tout support ext&eacute;rieur de la communication&nbsp;? Ne peut-on pas relier dans ces conditions la fin du livre &agrave; une valorisation, qui est peut-&ecirc;tre une revalorisation, du corps dans cette m&ecirc;me communication&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">Le corps est en effet susceptible de concurrencer les supports inanim&eacute;s de l&rsquo;inscription&nbsp;; on en trouverait certainement des exemples tr&egrave;s anciens mais les historiens sp&eacute;cialistes du XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle t&eacute;moignent de telles pratiques et l&rsquo;&eacute;crit &laquo;&nbsp;sur&nbsp;&raquo; soi, pour reprendre le mot d&rsquo;Arlette Farge&nbsp;<a href="#_ftn49" name="_ftnref49">[49]</a>, pourrait alors &ecirc;tre un v&eacute;ritable &eacute;cho de la pr&eacute;dilection de ce si&egrave;cle pour l&rsquo;&eacute;criture <em>de</em> soi, l&rsquo;&eacute;criture intime, notamment par l&rsquo;&eacute;pistolarit&eacute;. L&rsquo;exemple fameux de la lettre 48 des <em>Liaisons dangereuses</em>, &eacute;crite du &laquo;&nbsp;lit et presque d&rsquo;entre les bras&nbsp;&raquo; d&rsquo;une fille, serait le symbole de cette rencontre. Ce fantasme pourrait m&ecirc;me se d&eacute;velopper au-del&agrave; de cette superposition&nbsp;: il me semble que l&rsquo;on peut associer &agrave; l&rsquo;imaginaire du livre une sorte d&rsquo;incarnation du support par l&rsquo;individu lui-m&ecirc;me&nbsp;; Evanghelia Stead, dans <em>La Chair du livre</em>, fait la d&eacute;monstration de ces interactions &laquo;&nbsp;entre le livre et la peau&nbsp;&raquo; &agrave; travers des exemples fin-de-si&egrave;cle&nbsp;<a href="#_ftn50" name="_ftnref50">[50]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Mais d&egrave;s lors que je suis un livre, la question de la destruction du livre recouvre des enjeux particuli&egrave;rement violents. Nous pourrions revenir au Benjamin Franklin, le premier Pompier des Etats-Unis, qui joue dans le texte fameux de son &eacute;pitaphe, &eacute;crit &agrave; vingt-deux ans, sur une assimilation traditionnelle&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;">Le corps de Ben Franklin, imprimeur,&nbsp;/ comme la couverture d&rsquo;un vieux livre&nbsp;/ son contenu [ses pages] d&eacute;tach&eacute;/es [<em>to tear out</em>]&nbsp;/ Et d&eacute;pouill&eacute; de ses lettres&nbsp;/ son titre et de sa dorure,&nbsp;/ Repose ici, p&acirc;ture pour les vers.&nbsp;/ Mais l&rsquo;ouvrage ne sera pas perdu&nbsp;/ et repara&icirc;tra, c&rsquo;est ce qu&rsquo;il croit&nbsp;/, dans une nouvelle &eacute;dition, plus &eacute;l&eacute;gante, revue et corrig&eacute;e&nbsp;/ par l&rsquo;Auteur&nbsp;<a href="#_ftn51" name="_ftnref51">[51]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Si la r&eacute;f&eacute;rence biblique est tr&egrave;s forte ici, qui renvoie &agrave; un Dieu auteur autant que cr&eacute;ateur&nbsp;<a href="#_ftn52" name="_ftnref52">[52]</a>, le livre est litt&eacute;ralement pr&eacute;sent&eacute; comme ce qui pourrait r&eacute;dimer la disparition du corps&nbsp;: non seulement l&rsquo;individu est assimil&eacute; &agrave; un livre mais il peut, comme livre, r&eacute;&eacute;dit&eacute; et corrig&eacute;, suivre la cha&icirc;ne &eacute;ditoriale. <em>Fahrenheit 451</em> se fait encore l&rsquo;&eacute;cho de cette assimilation, sur le mode de la plaisanterie&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ne jugez pas un livre d&rsquo;apr&egrave;s sa couverture&nbsp;<a href="#_ftn53" name="_ftnref53">[53]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;">Dans <em>Die Blendung</em>, cette identification d&rsquo;un personnage avec ses livres et plus exactement de son corps avec ses livres donne lieu &agrave; l&rsquo;une des sc&egrave;nes les plus frappantes du roman, un r&ecirc;ve de Kien&nbsp;; il assiste au sacrifice rituel d&rsquo;un homme qui n&rsquo;est autre que lui-m&ecirc;me&nbsp;: &laquo;&nbsp;Spectacle affreux&nbsp;! De la poitrine b&eacute;ante jaillit un livre, puis un autre, un troisi&egrave;me, une foule&nbsp;<a href="#_ftn54" name="_ftnref54">[54]</a>.&nbsp;&raquo; Au fond, on pourrait dire que tout se passe ici comme si l&rsquo;autodaf&eacute; retrouvait ce qui faisait son combustible initial&nbsp;: des corps autant que des livres.</p> <p style="text-align: justify;">Mais quel sens cela a-t-il&nbsp;? En vertu de quoi corps et livres sont-ils maltrait&eacute;s et d&eacute;truits&nbsp;? La jouissance pourrait-&ecirc;tre en elle l&rsquo;enjeu de cette destruction et la r&eacute;f&eacute;rence &agrave; Sade s&rsquo;impose dans le num&eacute;ro de <em>L&rsquo;Art vivant</em> qui nous int&eacute;resse&nbsp;: Gilbert Lascault mentionne les livres &laquo;&nbsp;tortur&eacute;s&nbsp;&raquo; d&rsquo;Hubertus Gojowczyk, &eacute;voqu&eacute; par ailleurs par Lyotard&nbsp;<a href="#_ftn55" name="_ftnref55">[55]</a>, qui &laquo;&nbsp;traite les livres comme les h&eacute;ros des <em>120 journ&eacute;es de Sodome</em> traitent les corps. Il les tord, les cloue, les enflamme, les troue, les d&eacute;p&egrave;ce&nbsp;<a href="#_ftn56" name="_ftnref56">[56]</a>&nbsp;&raquo;. Mais l&rsquo;on pense aussi &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre de Pierre Klossowski, souvent cit&eacute;e par Lyotard et tr&egrave;s pr&eacute;sente dans le d&eacute;bat artistique des ann&eacute;es 60&nbsp;: dans la grande exhibition de r&eacute;f&eacute;rences livresques &agrave; laquelle donne lieu le film de Truffaut, qui associe les plans larges et certains plans rapproch&eacute;s qui permettent d&rsquo;identifier un titre c&eacute;l&egrave;bre comme <em>Madame Bovary</em>, ou au contraire particuli&egrave;rement indiff&eacute;rent, comme une revue de mots crois&eacute;s en espagnol, on voit br&ucirc;ler un exemplaire du roman le plus connu de Klossowski&nbsp;: <em>Roberte, ce soir&nbsp;</em><a href="#_ftn57" name="_ftnref57">[57]</a><em>.</em> Pourtant, si Lyotard con&ccedil;oit la jouissance qu&rsquo;est susceptible de procurer <em>l&rsquo;&eacute;criture</em> brutalis&eacute;e comme un corps, il doute que torturer le livre produise quoique ce soit. C&rsquo;est que la question, peut-&ecirc;tre, est ailleurs&nbsp;: la &laquo;&nbsp;syntaxe&nbsp;&raquo;, ou le discours, assimil&eacute; dans l&rsquo;analyse de Lyotard &agrave; la peau, &agrave; l&rsquo;&laquo;&nbsp;&eacute;piderme&nbsp;&raquo;, ne fonctionne plus si le livre est &agrave; la fois surface et profondeur, s&rsquo;il est incorpor&eacute;.</p> <p style="text-align: justify;">On a mis en &eacute;vidence la dimension rituelle et horrifiante d&rsquo;une incorporation du livre prise au sens propre d&rsquo;une d&eacute;voration&nbsp;<a href="#_ftn58" name="_ftnref58">[58]</a>. Dans <em>Die Blendung</em>, ce sont les ennemis du livre qui le mangent&hellip; jusqu&rsquo;&agrave; celui que l&rsquo;on appelle &laquo;&nbsp;le Cochon&nbsp;&raquo;, dont le &laquo;&nbsp;ventre fait des angles&nbsp;&raquo; et dont Fischerle pr&eacute;tend rapporter les propos&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;">Qu&rsquo;est-ce que je ferais de toute cette salet&eacute;. Il a bien dit&nbsp;: salet&eacute;, il dit toujours&nbsp;: salet&eacute; pour les livres, la salet&eacute; c&rsquo;est bien assez bon &agrave; manger pour lui. Que voulez-vous&nbsp;? dit-il, cette salet&eacute; reste ici pendant des mois, il vaut encore mieux que j&rsquo;en profite et que je m&rsquo;en bourre l&rsquo;estomac. Il a compos&eacute; un livre de cuisine personnel, avec toutes sortes de recettes dedans&nbsp;; maintenant, il cherche un &eacute;diteur. Il y a trop de livres en ce monde, dit-il, et trop de ventres vides. Je dois mon ventre &agrave; ma cuisine, dit-il&nbsp;; je veux que chacun en ait le pareil [<em>sic</em>] et je veux que les livres disparaissent&nbsp;; si &ccedil;a ne d&eacute;pendait que de moi, tous les livres dispara&icirc;traient. On pourrait les br&ucirc;ler, mais personne n&rsquo;en profiterait&nbsp;<a href="#_ftn59" name="_ftnref59">[59]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Ici, &laquo;&nbsp;ventre&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;livre&nbsp;&raquo; sont associ&eacute;s non seulement par l&rsquo;allit&eacute;ration, plus marqu&eacute;e encore en allemand (<em>Bauch</em>&nbsp;/&nbsp;<em>Buch</em>), mais aussi par une bibliophagie radicale, puisqu&rsquo;elle permettrait &agrave; la fois la disparition des livres et de la faim dans le monde, et paradoxale. Cette d&eacute;voration n&rsquo;a rien d&rsquo;une volont&eacute; de faire corps avec les livres, de les poss&eacute;der autant que d&rsquo;en &ecirc;tre poss&eacute;d&eacute; par une assimilation intime&nbsp;; elle est explicitement excessive, voire animale (<em>der</em> <em>Fressen</em>, &laquo;&nbsp;la bouffe&nbsp;&raquo;&nbsp;; <em>stopfen&nbsp;</em>: &laquo;&nbsp;bourrer&nbsp;&raquo;)&nbsp;; elle est aussi r&eacute;pugnante (<em>Dreck</em>, &laquo;&nbsp;salet&eacute;&nbsp;&raquo;, nous rappelle les &laquo;&nbsp;d&eacute;chets&nbsp;&raquo; [<em>Unrat</em>] mentionn&eacute;s par Kien) que satisfaisante pour celui qui s&rsquo;y adonne&nbsp;: les recettes viennent enfin sublimer cette d&eacute;voration monstrueuse par leur raffinement grotesque.</p> <p style="text-align: justify;">On pourrait dire que Kien maintient encore &agrave; distance le mod&egrave;le du Cochon. En effet, il incorpore quant &agrave; lui les livres par ce qui peut passer pour un acc&egrave;s de folie du personnage mais qui est enti&egrave;rement couvert par un jeu &eacute;nonciatif que Lyotard n&rsquo;aurait pas reni&eacute;&nbsp;: chass&eacute; de chez lui et de sa biblioth&egrave;que, il parcourt la ville pour acheter les livres indispensables &agrave; son travail&nbsp;; le soir, il les dispose dans sa chambre d&rsquo;h&ocirc;tel, chaque soir plus nombreux jusqu&rsquo;&agrave; ce qu&rsquo;ils montent jusqu&rsquo;au plafond&hellip; et au matin, il les replace dans sa t&ecirc;te. Fischerle entre dans son jeu et finit par en prendre lui aussi dans sa t&ecirc;te de nain, et dans sa bosse. Il y a l&agrave; un fascinant exemple de biblioth&egrave;que imaginaire, que le roman de Canetti indique d&rsquo;ailleurs une forme de progression entre ses trois parties&nbsp;: &laquo;&nbsp;Une t&ecirc;te dans le monde&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Un monde sans t&ecirc;te&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Un monde dans la t&ecirc;te&nbsp;&raquo; (<em>Ein Kopf ohne Welt&nbsp;; Kopflose Welt&nbsp;; Welt im Kopf</em>). On pourrait m&ecirc;me &ecirc;tre tent&eacute; de rapprocher les livres de Kien de ceux dont les exclus de <em>Fahrenheit</em> disent n&rsquo;&ecirc;tre que les &laquo;&nbsp;couvertures&nbsp;<a href="#_ftn60" name="_ftnref60">[60]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Pourtant, la biblioth&egrave;que &laquo;&nbsp;dans la t&ecirc;te&nbsp;&raquo; n&rsquo;est peut-&ecirc;tre rien d&rsquo;autre qu&rsquo;une id&eacute;alisation et une intellectualisation &agrave; laquelle nous nous raccrochons quand nous parlons de disparition des livres&nbsp;; la biblioth&egrave;que &laquo;&nbsp;dans le ventre&nbsp;&raquo; du Cochon, voire celle install&eacute;e &laquo;&nbsp;dans sa bosse&nbsp;&raquo; par Fischerle en seraient les doubles monstrueux et les r&eacute;v&eacute;lateurs d&rsquo;une horrification insupportable. L&rsquo;assimilation du livre n&rsquo;est pas une pure intellectualisation&nbsp;: lecture, collection, d&eacute;voration et destruction communiquent car le rapprochement du livre avec le corps r&eacute;v&egrave;le les risques de toute mat&eacute;rialit&eacute;. Il y a dans ces exemples une mat&eacute;rialit&eacute;, f&ucirc;t-elle une mat&eacute;rialit&eacute; <em>autre</em> au m&ecirc;me titre que toute biblioth&egrave;que dite &laquo;&nbsp;virtuelle&nbsp;&raquo; est aussi mat&eacute;rielle. Ici, la m&eacute;moire interne de l&rsquo;individu, litt&eacute;ralement incorpor&eacute;e, compenserait la destruction de cette m&eacute;moire externe qu&rsquo;est le livre&hellip; Au fond, ce qui se rejoue ici, c&rsquo;est au moins en partie la concurrence de la parole par l&rsquo;&eacute;criture, telle qu&rsquo;elle est illustr&eacute;e par le mythe de Teuth dans le <em>Ph&egrave;dre</em> de Platon&nbsp;; mais si l&rsquo;&eacute;criture mettait en p&eacute;ril la m&eacute;moire vive de la parole, par un mouvement de d&eacute;passement, la m&eacute;moire pourrait int&eacute;grer jusqu&rsquo;aux livres eux-m&ecirc;mes. Tout cela n&rsquo;est que fiction bien s&ucirc;r&nbsp;: toute la politique &eacute;ducative actuelle a fait un autre pari, celui de la lib&eacute;ration de la m&eacute;moire interne, qui pourra reposer sur les prolongements externes de l&rsquo;homme que lui offrent les machines. Il s&rsquo;agit cependant peut-&ecirc;tre d&rsquo;un mythe, comme celui du <em>Paperless Office</em> l&rsquo;indiquait d&eacute;j&agrave;, et d&rsquo;une illusion&nbsp;: la fiction semble bien jouer contre le double fantasme, &agrave; la fois de la mort du livre et du d&eacute;veloppement d&rsquo;une m&eacute;moire ext&eacute;rieure, toujours disponible, sans failles et infinie.</p> <p style="text-align: justify;">Nous avons travaill&eacute; ici contre un r&eacute;flexe, qui voudrait que la fin du livre soit dissoci&eacute;e de la fin des livres. Et, effectivement, ce lien n&rsquo;a rien de logique.</p> <p style="text-align: justify;">En effet, d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute; la disparition du livre, ensemble de feuillets rassembl&eacute;s&nbsp;&ndash;&nbsp;car ils ne sont pas toujours reli&eacute;s&nbsp;&ndash;&nbsp;comme support traditionnel d&rsquo;inscription, rel&egrave;ve d&rsquo;un processus historique&nbsp;; or non seulement nous pouvons concevoir que ce qui na&icirc;t parmi les hommes doit mourir un jour, et les historiens du livre mieux que tout autres, dont les travaux sont plac&eacute;s sous l&rsquo;&eacute;gide d&rsquo;un titre aussi valorisant que mena&ccedil;ant&nbsp;: <em>L&rsquo;Apparition du livre&nbsp;</em><a href="#_ftn61" name="_ftnref61">[61]</a>, mais le processus ne concerne pas un ph&eacute;nom&egrave;ne biologique mais technique, et ici plus proprement m&eacute;diologique, soumis &agrave; des &eacute;volutions parfaitement attendues. Ce n&rsquo;est que parce que les observateurs que nous sommes peuvent &ecirc;tre prisonniers du rythme de ces &eacute;volutions et de leur r&eacute;gime, qui en fait des r&eacute;volutions parfois, que nous pouvons parfois croire que le livre a toujours exist&eacute; et qu&rsquo;il devra exister toujours.</p> <p style="text-align: justify;">D&rsquo;un autre c&ocirc;t&eacute;, la destruction <em>des</em> livres est un ph&eacute;nom&egrave;ne beaucoup plus ancien que toute esquisse de d&eacute;veloppement du support num&eacute;rique, c&rsquo;est une pratique aussi ancienne que le livre lui-m&ecirc;me, plus ancienne que le livre lui-m&ecirc;me pourrait-on dire, plus ancienne que l&rsquo;invention de l&rsquo;imprimerie, plus ancienne que le d&eacute;veloppement du codex.</p> <p style="text-align: justify;">Surtout, c&rsquo;est un r&eacute;flexe de survie qui nous fait oublier que si le livre est support de trace, il porte comme toute trace, le fantasme de sa disparition&nbsp;; il est pour une bonne part la conjuration de la disparition de cette trace. Associer le support et la fiction, c&rsquo;est mettre en avant le &laquo;&nbsp;refoul&eacute; de l&rsquo;&eacute;criture&nbsp;&raquo; dont parle Lyotard&nbsp;<a href="#_ftn62" name="_ftnref62">[62]</a>, c&rsquo;est remettre en question notre foi dans un support stable et fid&egrave;le, auquel nous nous raccrochons&nbsp;: <em>scripta manent</em>, voulons-nous croire alors que peut-&ecirc;tre, comme le dit Lacan, &agrave; propos de &laquo;&nbsp;La Lettre vol&eacute;e&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Ce sont les <em>scripta</em> qui <em>volant</em>, alors que les paroles, h&eacute;las, restent&nbsp;<a href="#_ftn63" name="_ftnref63">[63]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <h3 style="text-align: justify;">Notes<br /> &nbsp;</h3> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a> Jean Clair, &laquo;&nbsp;Notes sur une possible fin des livres&nbsp;&raquo;, <em>L&rsquo;Art vivant</em>, n<sup>o</sup>&nbsp;47, mars 1974, p.&nbsp;4-5.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a> &laquo;&nbsp;Cr&eacute;ation vaut cr&eacute;mation. Dans le mythe fondateur de la biblioth&egrave;que universelle qui fait l&rsquo;homme &eacute;gal du ciel, ce qui se grave dans les m&eacute;moires est la trag&eacute;die de sa ruine davantage que l&rsquo;envergure atteinte ou les longues p&eacute;rip&eacute;ties de son enrichissement&nbsp;&raquo; (Lucien X. Polastron, <em>Livres en feu. Histoire de la destruction sans fin des biblioth&egrave;ques</em> [Deno&euml;l, 2004], Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Folio Essai&nbsp;&raquo;, 2009, p.&nbsp;15).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a> Fernand Drujon, &laquo;&nbsp;De la destruction volontaire des livres ou bibliolytie&nbsp;&raquo;, <em>Le Livre. Revue du monde litt&eacute;raire</em>, Paris, Quantin, 1888. Octave Uzanne, dont il sera question plus loin, &eacute;tait le r&eacute;dacteur en chef de cette publication. L&rsquo;article a &eacute;t&eacute; r&eacute;&eacute;dit&eacute; sous la forme d&rsquo;un ouvrage ind&eacute;pendant qui mit en avant le terme&nbsp;: Fernand Drujon, <em>Essai bibliographique sur la destruction volontaire des livres ou Bibliolytie</em>, Paris, Quantin, 1889. Il ne s&rsquo;agit pas l&agrave; d&rsquo;un n&eacute;ologisme&nbsp;: l&rsquo;auteur imite d&rsquo;autres bibliophiles, comme Paul Lacroix et Gustave Brunet, nous rappelle Lucien Polastron (<em>op. cit</em>., p. 427).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a> Philippe Ricaud, &laquo;&nbsp;Contre le livre&nbsp;: le biblioclasme comme posture intellectuelle&nbsp;&raquo;, dans <em>Demain, le livre,</em> Pascal Lardellier &amp; Michel Melot (dir.), L&rsquo;Harmattan, 2007, p.&nbsp;157-172.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a> Alessandro Ludovico, <em>Post-digital Print, the Mutation of Publishing Since 1894</em>, Onomatopee 77, 2013.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a> Sur le court m&eacute;trage de Jim Henson, voir Ben Kafka, &laquo;&nbsp;<em>Paperwork Explosion</em>&nbsp;&raquo;, <em>West 86th. A Journal of Decorative, Arts, Design History and Material Culture</em>, University of Chicago Press, mai 2011, en ligne <a href="http://www.west86th.bgc.bard.edu/articles/paperwork-explosion.html#" target="_blank">ici</a>&nbsp;(consult&eacute; le 17/03/2013)&nbsp;; voir aussi Ben Kafka, <em>The Demon of Writing. Powers and Failure of Paperwork</em>, New-York, Zone Books, 2012, qui vient d&rsquo;&ecirc;tre traduit en fran&ccedil;ais&nbsp;: Ben Kafka, <em>Le D&eacute;mon de l&rsquo;&eacute;criture. Pouvoirs et limites de la paperasse</em>, trad. J&eacute;r&ocirc;me Hansen, Bruxelles, &eacute;d. Zones sensibles, 2013. Pour une r&eacute;flexion ant&eacute;rieure et plus g&eacute;n&eacute;rale sur le ph&eacute;nom&egrave;ne, voir Abigail J. Sellen &amp; Richard H. R. Harper, <em>The Myth of the Paperless Office</em>, Cambridge, Massachusetts, MIT Press, 2002.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a> Octave Uzanne, &laquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;Suggestions d&rsquo;avenir. La Fin des livres&nbsp;&raquo;, <em>Contes pour bibliophiles</em>, Quantin, 1894&nbsp;; une &eacute;dition illustr&eacute;e par Robida est accessible sur Gallica (<a href="http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k123180j/f147.image" target="_blank">ici</a>).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a> Michel Butor, <em>Pour tourner la page. Magazine &agrave; deux voix r&eacute;dig&eacute; sous la direction de Lucien Giraudo</em>, Arles, Actes sud, 1997, p.&nbsp;83.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a> &laquo;&nbsp;Il faut associer tout le travail de Butor, surtout depuis <em>Mobile</em>, avec le travail de centaines de biblioclastes, comme Dieter Roth, comme B. Lemenuel, comme Michel Vachey, comme Humbertus Gojowczyk, comme Cage dans <em>Silence</em> ou <em>Year from Monday</em>, comme tous ceux qui veulent &eacute;crire dans l&rsquo;espace, comme Sonia Delaunay et son grand rouleau de la <em>Prose du </em>Transsib&eacute;rien&nbsp;&raquo; (Jean-Fran&ccedil;ois Lyotard, &laquo;&nbsp;La confession coup&eacute;e&nbsp;&raquo;, dans <em>Butor. Colloque de Cerisy</em>, Georges Raillard (dir.), Paris, 10/18, 1974, p.&nbsp;124&nbsp;; repris avec des intertitres et de rares modifications dans Jean-Fran&ccedil;ois Lyotard, <em>Rudiments pa&iuml;ens. Genre dissertatif</em>, Paris, 10/18, 1977, chapitre IV, p.&nbsp;81-114). Un extrait de cette communication figurait, tr&egrave;s illustr&eacute;e, dans le num&eacute;ro de <em>L&rsquo;Art vivant</em> sous le titre de &laquo;&nbsp;Biblioclastes&nbsp;&raquo; (Jean-Fran&ccedil;ois Lyotard, &laquo;&nbsp;Biblioclastes&nbsp;&raquo;, <em>L&rsquo;Art vivant</em>, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;9-12).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a> Beno&icirc;t Tane, &laquo;&nbsp;Butor/Lyotard. Le livre <em>coup&eacute;&nbsp;</em>&raquo;, dans&nbsp;<em>&Eacute;critures et inscriptions de l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;art. En pr&eacute;sence de Michel Butor</em>, Francesca Caruana (dir.), Paris, L&rsquo;Harmattan, &laquo;&nbsp;Ouverture philosophique&nbsp;&raquo;, 2014, p.&nbsp;165-175.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a> Ray Bradbury, <em>Fahrenheit 451 </em>[Deno&euml;l, 1995], Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Folio SF&nbsp;&raquo;, 2000, trad. fran&ccedil;aise de Jacques Chambon et Henri Robillot, p.&nbsp;24&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>It</em> <em>was a pleasure to burn. </em><em>It was a special pleasure to see things eaten, to see things blackened and </em>changed<em>. With the brass nozzle in his fists, with this great python spitting its venomous kerosene upon the world, the blood pounded in his head, and his hands were the hands of some amazing conductor playing all the symphonies of blazing and burning to bring down the tatters and charcoal ruins of history</em>&nbsp;&raquo;&nbsp;(Ray Bradbury, <em>Fahrenheit 451</em>, Flamingo, p.&nbsp;11).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a> Le roman joue sur le retardement de cette information, qui n&rsquo;est cependant pas trait&eacute;e comme une r&eacute;v&eacute;lation&nbsp;; la pr&eacute;sence de livres chez Montag est annonc&eacute;e par deux &eacute;l&eacute;ments r&eacute;currents et parfois associ&eacute;s, qui sont ramen&eacute;s &agrave; la m&eacute;moire du personnage juste apr&egrave;s sa rencontre avec Clarisse. Il s&rsquo;agit d&rsquo;abord du motif de la &laquo;&nbsp;grille du climatiseur&nbsp;&raquo; de sa maison, devant laquelle Montag se retrouve en rentrant chez lui et qui, renvoyant &agrave; ce qu&rsquo;elle dissimule sans que cela ait &eacute;t&eacute; identifi&eacute; par le texte, incarne une pr&eacute;sence &eacute;trang&egrave;re (&laquo;&nbsp;Il s&rsquo;arr&ecirc;ta pour lever les yeux vers la grille du climatiseur dans le couloir et se rappela soudain que quelque chose &eacute;tait cach&eacute; derri&egrave;re cette grille, quelque chose qui, en ce instant, semblait l&rsquo;observer&nbsp;&raquo;, p.&nbsp;33) et du &laquo;&nbsp;vieil homme&nbsp;&raquo; rencontr&eacute; dans un parc un an auparavant mais &eacute;voqu&eacute; seulement en m&ecirc;me temps que la grille et par une p&eacute;riphrase anonyme (p.&nbsp;33). Montag pense de nouveau &agrave; cette grille lorsque le Limier r&eacute;agit &agrave; sa pr&eacute;sence sans que ce qu&rsquo;elle cache soit explicitement mentionn&eacute; (&laquo;&nbsp;Montag songea &agrave; la grille du climatiseur dans le couloir de la maison et &agrave; ce qui &eacute;tait cach&eacute; derri&egrave;re. Si quelqu&rsquo;un &eacute;tait au courant &agrave; la caserne, ne se pouvait-il pas qu&rsquo;il soit all&eacute;&nbsp;&ldquo;rapporter&rdquo; la chose au Limier&hellip;&nbsp;?&nbsp;&raquo;, p.&nbsp;55). Les deux &eacute;l&eacute;ments se rejoignent &agrave; nouveau dans une m&ecirc;me occurrence (&laquo;&nbsp;Mais dans son esprit, un vent frais se leva et se mit &agrave; souffler de la grille du climatiseur qu&rsquo;il avait chez lui, tout doux, tout doux, lui rafra&icirc;chissant le visage. Et de nouveau, il se vit dans un parc verdoyant en train de parler &agrave; un vieil homme, un tr&egrave;s vieil homme, et le vent qui venait du parc soufflait le m&ecirc;me froid&nbsp;&raquo;, p.&nbsp;64). La grille r&eacute;v&egrave;le enfin son contenu lorsque Montag ouvre sa cachette devant sa femme Mildred (p.&nbsp;107). Le vieil homme est quant &agrave; lui enfin associ&eacute; &agrave; son nom, Faber, et donne lieu au r&eacute;cit d&eacute;velopp&eacute; de la sc&egrave;ne du parc, dans laquelle il r&eacute;citait des po&egrave;mes en dissimulant une chose que Montag devine &ecirc;tre un livre (p.&nbsp;115), peu avant que le h&eacute;ros ne se rende chez l&rsquo;ancien professeur d&rsquo;anglais (p.&nbsp;123). Cette mise en voix du livre invisible &agrave; d&eacute;faut d&rsquo;&ecirc;tre manquant ici, annonce la rencontre avec les hommes-livres &agrave; la fin du roman.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a> Fran&ccedil;ois Truffaut, &laquo;&nbsp;Les &eacute;crans de la ville&nbsp;&raquo;, INA, 1966&nbsp;; entretien r&eacute;&eacute;dit&eacute; dans Fran&ccedil;ois Truffaut, <em>Fahrenheit 451</em>, MK2 &eacute;ditions, &eacute;dition sp&eacute;ciale, 2004.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a> Ray Bradbury<em>, op. cit</em>., &nbsp;&laquo;&nbsp;Folio SF&nbsp;&raquo;, p.&nbsp;26&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>milk-white</em>&nbsp;&raquo;, Flamingo, p.&nbsp;13.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a> <em>Id.</em>, &laquo;&nbsp;Folio SF&nbsp;&raquo;, p.&nbsp;203&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>He knew why he must never burn again in his life&nbsp;</em>&raquo;, Flamingo, p.&nbsp;148.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a> Dans son journal de tournage, commenc&eacute; d&egrave;s janvier 1966 et publi&eacute; en feuilleton &agrave; partir de f&eacute;vrier dans les <em>Cahiers du cin&eacute;ma</em>, Truffaut mentionne le caract&egrave;re conjoncturel de ces plans, la neige n&rsquo;ayant pas &eacute;t&eacute; pr&eacute;vue&hellip;</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a> Fran&ccedil;ois Truffaut, <em>Fahrenheit 451</em>, MK2 &eacute;ditions, &eacute;dition sp&eacute;ciale, 2004, s&eacute;quence situ&eacute;e &agrave; 1&nbsp;h&nbsp;25&rsquo;.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a> <em>Ibid.</em>, &agrave; 3&rsquo;&nbsp;40&rsquo;&rsquo;.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a> Ray Bradbury, <em>op. cit</em>., &laquo;&nbsp;Folio SF&nbsp;&raquo;, p.&nbsp;31&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>parlour walls&nbsp;</em>&raquo;, Flamingo, p.&nbsp;16.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a> <em>Ibid.</em>, &laquo;&nbsp;Folio SF&nbsp;&raquo;, p.&nbsp;46&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>The Home-maker&nbsp;</em>&raquo;, Flamingo, p.&nbsp;27.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a> <em>Ibid.</em>, &laquo;&nbsp;Folio SF&nbsp;&raquo;, p.&nbsp;45&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>a play comes on the wall-to-wall circuit in ten minutes&nbsp;</em>&raquo;, Flamingo, p.&nbsp;27.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a> <em>Ibid.</em>, &laquo;&nbsp;Folio SF&nbsp;&raquo;, p.&nbsp;46-47&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>If we had a fourth wall, why it&rsquo;d be just like this room wasn&rsquo;t ours at all, but al kinds of exotic people&rsquo;s room&nbsp;</em>&raquo;, Flamingo, p.&nbsp;28.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a> &laquo;&nbsp;La conf&eacute;rence est termin&eacute;e&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;Folio SF&nbsp;&raquo;, p.&nbsp;101&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>Lecture&rsquo;s over&nbsp;</em>&raquo;, Flamingo, p.&nbsp;68). Le mot &laquo;&nbsp;lecture&nbsp;&raquo; dans l&rsquo;original est certes conforme &agrave; l&rsquo;usage anglophone pour lequel il n&rsquo;a que le sens de &laquo;&nbsp;conf&eacute;rence&nbsp;&raquo; mais, pr&eacute;f&eacute;r&eacute; &agrave; d&rsquo;autres termes, comme <em>speech</em> ou <em>talk</em>, il ne peut ici que faire &eacute;cho &agrave; son sens originel.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a> Ray Bradbury, <em>op. cit.</em>, &laquo;&nbsp;Folio SF&nbsp;&raquo;, p.&nbsp;91-101&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>Things began to have</em> mass&nbsp;&raquo;, Flamingo, p.&nbsp;61-&nbsp;68.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a> Sur le rapport paradoxal &agrave; l&rsquo;antimodernit&eacute; dans <em>Fahrenheit</em>, voir St&eacute;phane Lojkine, &laquo;&nbsp;L&rsquo;espace contre le temps de la litt&eacute;rature&nbsp;: <em>Fahrenheit 451</em>&nbsp;&raquo;, <em><a href="http://www.fabula.org/colloques/sommaire1475.php" target="_blank">Enseigner la litt&eacute;rature &agrave; l&rsquo;universit&eacute; aujourd&rsquo;hui</a></em>, Claude P&eacute;rez (dir.).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a> Ray Bradbury, <em>op. cit.</em>,&laquo;&nbsp;Folio SF&nbsp;&raquo;, p.&nbsp;65&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>Established, 1790, to burn English-influenced books in the Colonies. First Fireman&nbsp;: Benjamin Franklin</em>&nbsp;&raquo;, Flamingo, p.&nbsp;42.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a> La constitution am&eacute;ricaine ne fut ratifi&eacute;e par les treize &eacute;tats fondateurs des Etats-Unis qu&rsquo;en 1790, d&rsquo;o&ugrave; peut-&ecirc;tre la date retenue par Bradbury.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a> Elias Canetti, <em>Auto-da-f&eacute;</em>, trad. fran&ccedil;aise de Paule Arhex, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;L&rsquo;imaginaire&nbsp;&raquo;, 1968.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a> Nous citons le texte dans Elias Canetti, <em>Die Blendung</em>, Frankfuhrt-am-Main, Fischer Taschenbuch Verlag, 1965.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a> L&rsquo;&eacute;diteur fran&ccedil;ais opte pour une curieuse option&nbsp;: il conserve le d&eacute;coupage &eacute;tymologique du mot, que l&rsquo;on fait traditionnellement remonter directement au portugais &laquo;&nbsp;auto da fe&nbsp;&raquo;, en utilisant des traits d&rsquo;union, comme dans l&rsquo;usage anglo-saxon alors que le fran&ccedil;ais opte pour une coalescence des termes, mais il accentue le mot &agrave; la fran&ccedil;aise&nbsp;: <em>Auto-da-f&eacute;</em>. Pour des pr&eacute;cisions bibliologiques, voir <em>Austriaca. Cahiers universitaires d&rsquo;information sur l&rsquo;Autriche,</em> novembre 1980, n&deg;11 : &laquo;&nbsp;Hommage &agrave; Elias Canetti&nbsp;&raquo;, Gerald Stieg dir., p.&nbsp;174-175.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a> Nous venons de rappeler que le roman daterait en r&eacute;alit&eacute; de 1931. Si le mot <em>Autodaf&eacute;</em> existe en allemand, on parle aussi de <em>B&uuml;cherverbrennung</em>, de m&ecirc;me que l&rsquo;on peut parler de &laquo;&nbsp;br&ucirc;lage&nbsp;&raquo;, voire de &laquo;&nbsp;br&ucirc;lement&nbsp;&raquo; de livres en fran&ccedil;ais.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref32" name="_ftn32">[32]</a> Elias Canetti, <em>Masse und Macht</em> (1960&nbsp;; <em>Masse et puissance</em>, Gallimard, trad. fran&ccedil;aise de Robert Rovini, 1966).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref33" name="_ftn33">[33]</a> <em>Auto-da-f&eacute;</em>, &eacute;d. cit., p.&nbsp;368&nbsp;; <em>Die Blendung</em>, &eacute;d. cit., p.&nbsp;328.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref34" name="_ftn34">[34]</a> <em>Auto-da-f&eacute;</em>, &eacute;d. cit., p.&nbsp;108&nbsp;; <em>Die Blendung</em>, &eacute;d. cit., p.&nbsp;93</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref35" name="_ftn35">[35]</a> <em>Auto-da-f&eacute;</em>, &eacute;d. cit., p.&nbsp;44&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>Ungebildeten gegen&uuml;ber sind sie wehrlos</em>&nbsp;&raquo;, <em>Die Blendung</em>, &eacute;d. cit., p.&nbsp;37.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref36" name="_ftn36">[36]</a> <em>Auto-da-f&eacute;</em>, &eacute;d. cit., p.&nbsp;107-111.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref37" name="_ftn37">[37]</a> <em>Id</em>., p.&nbsp;32.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref38" name="_ftn38">[38]</a> Je traduis&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>Der dunkle, schwere Koloss&nbsp;</em>&raquo;, <em>Die Blendung</em>, &eacute;d. cit., p.&nbsp;27.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref39" name="_ftn39">[39]</a> <em>Auto-da-f&eacute;</em>, &eacute;d. cit., p.&nbsp;35&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>Haufen von Papier&nbsp;</em>&raquo;, &laquo;&nbsp;<em>Wische&nbsp;</em>&raquo;, <em>Die Blendung</em>, &eacute;d. cit., p.&nbsp;29-30.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref40" name="_ftn40">[40]</a> <em>Auto-da-f&eacute;</em>, &eacute;d. cit., p.&nbsp;113&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>Die Demokratisierung des Heeres &auml;ussert sich praktisch darin, dass von heute ab jeder einzelne Band mit dem R&uuml;cken zur Wand steht&nbsp;</em>&raquo;, <em>Die Blendung</em>, &eacute;d. cit., p.&nbsp;98.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref41" name="_ftn41">[41]</a> Le texte de Benjamin parut d&rsquo;abord dans une revue (Walter Benjamin, &laquo;&nbsp;Ich packe meine Bibliothek aus&nbsp;&raquo;, <em>Das Literarische Welt</em>, juillet 1931).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref42" name="_ftn42">[42]</a> <em>Auto-da-f&eacute;</em>, &eacute;d. cit., p.&nbsp;275&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>Er bekomme ein Paket von ihm, das Paket heisse &lsquo;Kunst&rsquo;. [&hellip;] Zehn billige Romane &agrave; zwei Schilling wurden zu einem eindrucksvollen Paket zusammengebunden Kunst&nbsp;</em>&raquo;, <em>Die Blendung</em>, &eacute;d. cit., pp.&nbsp;242-243.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref43" name="_ftn43">[43]</a> <em>Auto-da-f&eacute;</em>, &eacute;d. cit., p.&nbsp;329&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>B&uuml;cher &uuml;ber 500 Seiten</em>&nbsp;&raquo;, <em>Die Blendung</em>, &eacute;d. cit., p.&nbsp;293.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref44" name="_ftn44">[44]</a> Paul Auster<em>, In the Country of Last Things</em>, London, Faber and Faber, 1987&nbsp;; <em>Le Voyage d&rsquo;Anna Blume</em>, Arles, Actes Sud, trad. fran&ccedil;aise de Patrick Ferragut et Pierre Furlan, 1989.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref45" name="_ftn45">[45]</a> Roland Emmerich, 20th Century Fox,&nbsp;&Eacute;tats-Unis, 2004.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref46" name="_ftn46">[46]</a> Londres, 1771&nbsp;; r&eacute;&eacute;dit&eacute; &agrave; La D&eacute;couverte, 1999.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref47" name="_ftn47">[47]</a> Fernand Drujon, <em>Le Livre. Revue du monde litt&eacute;raire</em>, Paris, Quantin, 1888, p.&nbsp;365. On peut toujours lire <em>cette &oelig;uvre</em> ou ce qu&rsquo;il en resterait, R&eacute;tif pr&eacute;tendant qu&rsquo;il en a d&eacute;truit la majeure partie (Restif de la Bretonne, <em>L&rsquo;Anti-Justine ou Les D&eacute;lices de </em>l&rsquo;amour, Paris, La Musardine, coll. &laquo;&nbsp;Lectures amoureuses&nbsp;&raquo;, 1999). Il faudrait rapprocher cette affirmation de l&rsquo;auteur d&rsquo;autres &eacute;l&eacute;ments qui ponctuent ses volumes, comme par exemple de longues listes d&rsquo;ouvrages annonc&eacute;s et qui ne verront jamais le jour.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref48" name="_ftn48">[48]</a> Sur cette &oelig;uvre, voir Beno&icirc;t Tane, <em>&laquo;&nbsp;Avec figures&hellip;&nbsp;&raquo;. Roman et illustration au XVIII<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle</em>, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref49" name="_ftn49">[49]</a> Arlette Farge, <em>L&rsquo;&Eacute;crit sur soi au XVIII<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle</em>, Paris, Bayard, 2003.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref50" name="_ftn50">[50]</a> &Eacute;vangh&eacute;lia Stead, <em>La Chair du livre. Mat&eacute;rialit&eacute;, imaginaire et po&eacute;tique du livre fin-de-si&egrave;cle</em>, Paris, PUPS, 2012, chapitre 7 : &laquo;&nbsp;Entre le livre et la peau&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref51" name="_ftn51">[51]</a> Je traduis ce que je d&eacute;chiffre sur le manuscrit, conserv&eacute; &agrave; la Library of Congress et accessible <a href="https://www.loc.gov/exhibits/franklin/bf-trans61.html" target="_blank">sur le site</a> de la biblioth&egrave;que&nbsp;: &ldquo;<em>Body of Ben. Franklin/Printer; like the Cover of an old/ Book, Its Contents torn out (</em>ou<em> worn out), and/ Stript of its Lettering &amp; gilding, /Lies here, food for the worms; yet the work shall not be lost, / for it will, as he believes, appear once more, In a new &amp; more beautiful Edition, Corrected and amended By the Author/ Born June the 6<sup>th</sup> 1706</em>/&rdquo;. La transcription propos&eacute;e par la Biblioth&egrave;que est un peu diff&eacute;rente&nbsp;et ne correspond pas au texte autographe mais &agrave; celui publi&eacute; dans l&rsquo;&eacute;dition des manuscrits de Franklin : &ldquo;<em>The Body of B. Franklin, Printer; like the Cover of an old Book, Its Contents torn</em> <em>out, And stript of its Lettering and Gilding, Lies here, Food for Worms. But the Work shall not be wholly lost; For it will, as he believ&rsquo;d, appear once more, In a new &amp; more perfect Edition, Corrected and amended By the Author</em>&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;<em>Epitaph</em>&nbsp;&raquo;, in Leonard W. Labaree et al. Ed., <em>The Papers of Benjamin Franklin</em>, New Haven, Yale University Press, 1959, I-III). Pourtant, dans l&rsquo;autobiographie de Benjamin Franklin, le texte est tr&egrave;s proche du manuscrit : Transcription: <em>The Body of Benjamin Franklin/Printer; (like the Cover of an old/ Book, Its Contents torn out, and/ Stript of its Lettering &amp; gilding=, /Lies here, food for worms; yet the work itself shall not be lost, / for it will, (as he believed) appear once more, In a new &amp; more beautiful Edition, Corrected and amended By the Author</em>. (<em>The Autobiography and Essays of Dr. Benjamin Franklin</em>. <em>Complete in one Volume</em>, Philadelphia, Lippincott &amp; co, 1864, p.&nbsp;106).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref52" name="_ftn52">[52]</a> Je remercie &Eacute;vangh&eacute;lia Stead pour les pr&eacute;cisions qu&rsquo;elle a apport&eacute;es lors de la pr&eacute;sentation orale de cette analyse.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref53" name="_ftn53">[53]</a> Ray Bradbury, <em>Fahrenheit 451</em>, <em>op. cit.</em>, &laquo;&nbsp;Folio SF&nbsp;&raquo;, p.&nbsp;223&nbsp;; Ray Bradbury, <em>Fahrenheit 451</em>, <em>op. cit.</em>, Flamingo, &laquo;&nbsp;<em>Don&rsquo;t judge a book by its cover</em>&nbsp;&raquo;, p.&nbsp;162. Voir aussi, peu de pages auparavant&nbsp;: &laquo;&nbsp;Nous ne sommes que des couvre-livres, rien d&rsquo;autre&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;220&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>We&rsquo;re nothing more than dust-jackets for books&nbsp;</em>&raquo;, p.&nbsp;160). Il s&rsquo;agit donc ici de ce qui recouvre la couverture.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref54" name="_ftn54">[54]</a> <em>Auto-da-f&eacute;</em>, &eacute;d. cit., p.&nbsp;45&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>Entsetzlich&nbsp;: aus der aufgerissenen Brust springt ein </em>Buch<em> hervor, ein zweites springt nach, ein drittes, viele&nbsp;</em>&raquo;, <em>Die Blendung</em>, &eacute;d. cit., p. 38.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref55" name="_ftn55">[55]</a> Hubertus Gojowczyk (n&eacute; en 1943)&nbsp;; voir <em>Hubertus Gojowczyk, Gutenberglabyrinth&nbsp;: Buchobjekte, Texte und Situationen seit 1968&nbsp;; eine Austellung der Deutschen Nationalbibliothek in Zusammenarbeit mit Hubertus Gojowczyk</em>, Frankfurt, Deutsche Nationalbibliothek, 2008.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref56" name="_ftn56">[56]</a> Gilbert Lascault, &laquo;&nbsp;Livres d&eacute;prav&eacute;s&nbsp;&raquo;, <em>L&rsquo;Art vivant</em>, <i>op. cit.</i>, p.&nbsp;7.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref57" name="_ftn57">[57]</a> Pierre Klossowski, <em>Roberte, ce soir</em>, Paris,&nbsp;&Eacute;ditions de Minuit, 1953, repris avec <em>Les Lois de l&rsquo;hospitalit&eacute;. La R&eacute;vocation de l&rsquo;Edit de Nantes, Roberte, ce soir, Le Souffleu</em>r, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Le chemin&nbsp;&raquo;, 1965. L&agrave; encore la r&eacute;&eacute;dition rend encore plus actuelle la r&eacute;f&eacute;rence.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref58" name="_ftn58">[58]</a> G&eacute;rard Haddad, <em>Manger le livre. Rites alimentaires et fonction paternelle</em>, Paris, Hachette Litt&eacute;ratures, 1984.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref59" name="_ftn59">[59]</a> <em>Auto-da-f&eacute;</em>, &eacute;d. cit., p.&nbsp;295-296&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>Was fang ich mit dem vielen Dreck an. Dreck hat er gesagt, f&uuml;r B&uuml;cher sagt er immer Dreck, zum Fressen ist ihm der Dreck gut genug. Was wollen Sie, sagt er, der Dreck bleibt hier monatelang liegen, lieber hab&rsquo; ich was davon und stopf mich satt damit. Er hat ein eigenes Kochbuch zusammentgestellt, mit vielen Rezepten drin, jetzt sucht er einen Verleger daf&uuml;r. Es gibt zuviel B&uuml;cher auf der Welt, sagt er, und zu viel hungrige Magen. Meinen Bauch verdank&rsquo; ich meiner K&uuml;che, sagt er, ich will, dass jeder so einen Bauch hat, und ich will, dass die B&uuml;cher verschwinden, wenn es nach mir ging&rsquo;, m&uuml;ssten alle B&uuml;cher verschwinden&nbsp;! Man k&ouml;nnt&rsquo; sie verbrennen, aber davon hat niemand was&nbsp;</em>&raquo;&nbsp;(<em>Die Blendung</em>, &eacute;d. cit., p.&nbsp;261-262). Le Cochon avait &eacute;t&eacute; mentionn&eacute; une premi&egrave;re fois sous la forme d&rsquo;une m&eacute;taphore d&eacute;signant l&rsquo;employ&eacute; du Mont de Pi&eacute;t&eacute; charg&eacute; d&rsquo;estimer les livres (<em>Auto-da-f&eacute;</em>, &eacute;d. cit., p.&nbsp;258).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref60" name="_ftn60">[60]</a> Nous avons lu avec int&eacute;r&ecirc;t l&rsquo;article de Tatjana Barazon, &laquo;&nbsp;Des livres dans la t&ecirc;te&nbsp;: la biblioth&egrave;que imaginaire chez Bradbury, Canetti et Joyce&nbsp;&raquo;, <em>Conserveries m&eacute;morielles</em>,&nbsp;#5&nbsp;|&nbsp; 2008, mis en ligne le 01 octobre 2008, consult&eacute; le 17 mars 2013.&nbsp;En ligne <a href="http://cm.revues.org/129" target="_blank">ici</a>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref61" name="_ftn61">[61]</a> Lucien Febvre &amp; Henri-Jean Martin, <em>L&rsquo;Apparition du livre</em>, Paris, Albin Michel, 1958.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref62" name="_ftn62">[62]</a> Jean-Fran&ccedil;ois Lyotard, &laquo;&nbsp;La confession coup&eacute;e&nbsp;&raquo;, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;124.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref63" name="_ftn63">[63]</a> Jacques Lacan, &laquo;&nbsp;La lettre vol&eacute;e&nbsp;&raquo;, <em>S&eacute;minaire, Livre II</em> (1954-1955), Paris, Seuil, 1978, p.&nbsp;232.</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <h3 style="text-align: justify;">Bibliographie<br /> &nbsp;</h3> <p style="text-align: justify;">AUSTER<em>, </em>Paul, <em>In the Country of Last Things</em>, London, Faber and Faber, 1987 [<em>Le Voyage d&rsquo;Anna Blume</em>, Actes Sud, trad. fran&ccedil;aise de Patrick Ferragut et Pierre Furlan, 1989].</p> <p style="text-align: justify;">BARAZON<strong>, </strong>Tatjana, &laquo;&nbsp;Des livres dans la t&ecirc;te&nbsp;: la biblioth&egrave;que imaginaire chez Bradbury, Canetti et Joyce&nbsp;&raquo;, <em>Conserveries m&eacute;morielles</em> [En ligne], #5&nbsp;|&nbsp;2008, mis en ligne le 01 octobre 2008, consult&eacute; le 17 mars 2013. URL&nbsp;: <a href="http://cm.revues.org/129" target="_blank">http://cm.revues.org/129</a> (consult&eacute; le 3/09/2014)</p> <p style="text-align: justify;">BENJAMIN, Walter, &laquo;&nbsp;Ich packe meine Bibliothek aus&nbsp;&raquo;, <em>Das Literarische Welt</em>, juillet 1931.</p> <p style="text-align: justify;">BRADBURY, Ray, <em>Fahrenheit 451</em>, [1953], Flamingo, coll. &laquo;&nbsp;Modern Classic&nbsp;&raquo;, 1993.</p> <p style="text-align: justify;">&mdash;, <em>Fahrenheit 451</em>, trad. Jacques Chambon &amp; Henri Robillot, Paris, Gallimard, 1995.</p> <p style="text-align: justify;">BUTOR, Michel, <em>Pour tourner la page. Magazine &agrave; deux voix r&eacute;dig&eacute; sous la direction de Lucien Giraudo</em>, Arles, Actes sud, 1997, p.&nbsp;83.</p> <p style="text-align: justify;">CANETTI, Elias, <em>Die Blendung</em> [L&rsquo;&eacute;blouissement, ou l&rsquo;aveuglement], Wien, Herbert Reichner, 1935, avec une vignette d&rsquo;Alfred Kubin.</p> <p style="text-align: justify;">&mdash;, <em>Masse und Macht</em>, D&uuml;sseldorf, 1960 [<em>Masse et puissance</em>, Gallimard, trad. fran&ccedil;aise de Robert Rovini, 1966].</p> <p style="text-align: justify;">&mdash;, <em>Auto-da-f&eacute;</em> [<em>La Tour de Babel, </em>trad. fr&ccedil;se de Paule Arhex, Grenoble, Arthaud, 1949], Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;L&rsquo;imaginaire&nbsp;&raquo;, 1968.</p> <p style="text-align: justify;">CENDRARS, Blaise &amp; DELAUNAY, Sonia, <em>La Prose du Transsib&eacute;rien et de la petite Jehanne de France</em>, Paris, &eacute;ditions des hommes nouveaux, 1913.</p> <p style="text-align: justify;">CLAIR, Jean, &laquo;&nbsp;Notes sur une possible fin des livres&nbsp;&raquo;, <em>L&rsquo;art vivant</em>, n<sup>o</sup>&nbsp;47, mars 1974, p.&nbsp;4-5.</p> <p style="text-align: justify;">DRUJON, Fernand, &laquo;&nbsp;De la destruction volontaire des livres ou bibliolytie&nbsp;&raquo;, <em>Le Livre. Revue du monde litt&eacute;raire</em>, Paris, Quantin, 1888.</p> <p style="text-align: justify;">FARGE, Arlette, <em>L&rsquo;&Eacute;crit sur soi au XVIII<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle</em>, Paris, Bayard, 2003.</p> <p style="text-align: justify;">FEBVRE, Lucien &amp;&nbsp;MARTIN, Henri-Jean, <em>L&rsquo;Apparition du livre</em>, Paris, Albin Michel, 1958.</p> <p style="text-align: justify;">FRANKLIN, Benjamin, <em>The Autobiography and Essays of Dr. Benjamin Franklin</em>. <em>Complete in one Volume</em>, Philadelphia, Lippincott &amp; co, 1864, p.&nbsp;106.</p> <p style="text-align: justify;">&mdash;, &laquo;&nbsp;<em>Epitaph</em>&nbsp;&raquo;, dans : Leonard W. Labaree &amp; al. &eacute;d., <em>The Papers of Benjamin Franklin</em>, New Haven, Yale University Press, 1959, I-III.</p> <p style="text-align: justify;">GERMAIN, Marie-Odile &amp; Minssieux-Chamonard, Marie, <em>Michel Butor, l&rsquo;&eacute;criture nomade</em>, Paris, &eacute;ditions de la B.N.F., 2006.</p> <p style="text-align: justify;">HADDAD, G&eacute;rard, <em>Manger le livre. Rites alimentaires et fonction paternelle</em>, Paris, Hachette Litt&eacute;ratures, 1984.</p> <p style="text-align: justify;">HUBERTUS GOJOWCZYK, Gutenberglabyrinth&nbsp;:<em> Buchobjekte, Texte und Situationen seit 1968&nbsp;; eine Austellung der Deutschen Nationalbibliothek in Zusammenarbeit mit Hubertus Gojowczyk</em>, Frankfurt, Dt Nationalbibliothek, 2008.</p> <p style="text-align: justify;">KAFKA, Ben, &laquo;&nbsp;Paperwork Explosion&nbsp;&raquo;, <em>West 86th. A Journal of Decorative, Arts, Design History and Material Culture</em>, University of Chicago Press, mai 2011, en ligne <a href="http://www.west86th.bgc.bard.edu/articles/paperwork-explosion.html#" target="_blank">ici</a>&nbsp;(consult&eacute; le 3/09/2014).</p> <p style="text-align: justify;">&mdash;, <em>The Demon of Writing. Powers and Failure of Paperwork</em>, New-York, Zone Books, 2012.</p> <p style="text-align: justify;">&mdash;, <em>Le D&eacute;mon de l&rsquo;&eacute;criture. Pouvoirs et limites de la paperasse</em>, trad. J&eacute;rome Hansen, Bruxelles, &eacute;d. Zones sensibles, 2013.</p> <p style="text-align: justify;">KLOSSOWSKI, Pierre, <em>Les Lois de l&rsquo;hospitalit&eacute;. La R&eacute;vocation de l&rsquo;&Eacute;dit de Nantes, Roberte, ce soir, Le Souffleur</em>, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Le chemin&nbsp;&raquo;, 1965, pr&eacute;face, p.&nbsp;7-10.</p> <p style="text-align: justify;">LACAN, Jacques, &laquo;&nbsp;La lettre vol&eacute;e&nbsp;&raquo;, <em>S&eacute;minaire</em>, Livre II (1954-1955), Paris, Seuil, 1978.</p> <p style="text-align: justify;">LASCAUL, Gilbert, &laquo;&nbsp;Livres d&eacute;prav&eacute;s&nbsp;&raquo;, <em>L&rsquo;Art vivant</em>, <em>Biblioclastes&hellip; bibliophiles</em>, n<sup>o</sup>&nbsp;47, mars 1974, p.&nbsp;6-8.</p> <p style="text-align: justify;">LENAIN, Thierry, <em>Bernar Venet</em>, Paris, Flammarion, 2007, p.&nbsp;197-198.</p> <p style="text-align: justify;">LUDOVICO, Alessandro, <em>Post-digital Print, the Mutation of Publishing Since 1894</em>, Onomatopee 77, 2013.</p> <p style="text-align: justify;">&mdash;, Exposition &laquo;&nbsp;Erreur d&rsquo;impression, publier &agrave; l&rsquo;&egrave;re du num&eacute;rique&nbsp;&raquo;, Espace virtuel du Jeu de Paume, 2013-2014, en ligne <a href="https://jeudepaume.org/evenement/erreur-dimpression-publier-a-lheure-du-numerique/">ici</a>&nbsp;(consult&eacute; le 3/09/2014)</p> <p style="text-align: justify;">L.l. DE MARS, &laquo;&nbsp;Promenade au cours d&rsquo;un chemin oubli&eacute;. Notes sur le travail de Michel Vachey&nbsp;&raquo;, <a href="http://www.chaoid.com" target="_blank"><em>Chao&iuml;d</em>,</a> n<sup>o</sup>&nbsp;3, printemps 2001, p.&nbsp;48-59.</p> <p style="text-align: justify;">LYOTARD, Jean-Fran&ccedil;ois, &laquo;&nbsp;Biblioclastes&nbsp;&raquo;, <em>L&rsquo;Art vivant</em>, <em>Biblioclastes&hellip; bibliophiles</em>, n<sup>o</sup>&nbsp;47, mars 1974, p.&nbsp;9-12.</p> <p style="text-align: justify;">&mdash;, &laquo;&nbsp;La confession coup&eacute;e&nbsp;&raquo;, dans <em>Butor. Colloque de Cerisy</em>, Georges Raillard (dir.), Paris, 10/18, 1974, p.&nbsp;124-146 (repris avec des intertitres et de rares modifications dans Jean-&ndash;, <em>Rudiments pa&iuml;ens. Genre dissertatif</em>, Paris, 10/18, 1977, chapitre IV, p.&nbsp;81-114).</p> <p style="text-align: justify;">&mdash;, <em>L&rsquo;&Eacute;conomie libidinale</em>, Paris, Minuit, 1974, p.&nbsp;95-102.</p> <p style="text-align: justify;">MELOT, Michel, &laquo;&nbsp;Et comment va &ldquo;la mort du livre&rdquo; ?&nbsp;&raquo;, in&nbsp;<em>Demain, le livre,</em> Pascal Lardellier &amp; Michel Melot (dir.), Paris, L&rsquo;Harmattan, 2007, p.&nbsp;173-193.</p> <p style="text-align: justify;">POLASTRON, Lucien X., <em>Livres en feu. Histoire de la destruction sans fin des biblioth&egrave;ques</em>, Paris, Deno&euml;l, 2004, r&eacute;&eacute;d. Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Folio Essai&nbsp;&raquo;, 2009.</p> <p style="text-align: justify;">R&Eacute;TIF DE LA BRETONNE, <em>Le</em> <em>Paysan perverti</em>, 1782.</p> <p style="text-align: justify;">RICAUD, Philippe, &laquo;&nbsp;Contre le livre&nbsp;: le biblioclasme comme posture intellectuelle&nbsp;&raquo;, in&nbsp;<em>Demain, le livre,</em> Pascal Lardellier &amp; Michel Melot (dir.), Paris, L&rsquo;Harmattan, 2007, p.&nbsp;157-172.</p> <p style="text-align: justify;">SELLEN, Abigail J. &amp; HARPER, Richard H. R., <em>The Myth of the Paperless Office</em>, Cambridge, MIT Press, 2002.</p> <p style="text-align: justify;">STEAD, &Eacute;vanghelia, <em>La Chair du livre. Mat&eacute;rialit&eacute;, imaginaire et po&eacute;tique du livre fin-de-si&egrave;cle</em>, Paris, PUPS, 2012.</p> <p style="text-align: justify;">STIEG, Gerald (dir.),<em> Austriaca. Cahiers universitaires d&rsquo;information sur l&rsquo;Autriche,&nbsp;</em>&nbsp;novembre 1980, n&deg;11&nbsp;:&nbsp;&ldquo;Hommage &agrave; Elias Canetti&rdquo;,&nbsp;p.&nbsp;174-175.</p> <p style="text-align: justify;">TANE, Beno&icirc;t, <em>&laquo;&nbsp;Avec figures&hellip;&nbsp;&raquo;. Roman et illustration au XVIII<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle</em>, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014.</p> <p style="text-align: justify;">TRUFFAUT, Fran&ccedil;ois, <em>Fahrenheit 451</em> [1966], MK2 &eacute;ditions, &eacute;dition sp&eacute;ciale, 2004.</p> <p style="text-align: justify;">&mdash;, &laquo;&nbsp;Les &eacute;crans de la ville&nbsp;&raquo;, [INA, 1966], r&eacute;&eacute;dit&eacute; dans Truffaut, Fran&ccedil;ois, <em>Fahrenheit 451</em>, MK2 &eacute;ditions, &eacute;dition sp&eacute;ciale, 2004.</p> <p style="text-align: justify;">UZANNE, Octave, &laquo;&nbsp;Suggestions d&rsquo;avenir. 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Ses recherches portent notamment, dans le domaine anglophone, francophone et germanophone, sur le XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle (relations du texte et de l&rsquo;image, illustration, transposition, th&eacute;orie et pratique du roman).</p> <p style="text-align: justify;"><strong>Copyright</strong></p> <p style="text-align: justify;">Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p> </div>