<div class="entry-content"> <p style="text-align: justify;">Les contributions r&eacute;unies dans ce volume collectif interrogent, dans leurs diversit&eacute;s&nbsp;formelles, discursives et s&eacute;miotiques, les pratiques litt&eacute;raires nativement num&eacute;riques. Notre r&eacute;flexion vise ici &agrave; accommoder notre regard critique et th&eacute;orique aux sp&eacute;cificit&eacute;s, encore &agrave; d&eacute;fricher, d&rsquo;une &eacute;criture Web. Si le support ne demeure pas indiff&eacute;rent &agrave; l&rsquo;invention m&ecirc;me &ndash; m&ecirc;me si, dans le champ qui est le n&ocirc;tre, papier ou Internet, c&rsquo;est toujours de litt&eacute;rature qu&rsquo;il s&rsquo;agit &ndash;, alors appara&icirc;t la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;une <em>e-po&eacute;tique</em>, qui sur le mod&egrave;le prestigieux de l&rsquo;e-science, se propose de retravailler les acquis de la po&eacute;tique des textes, &agrave; l&rsquo;aune de ces nouvelles productions m&ecirc;lant souvent texte, image, son, et offertes &agrave; une lecture-consultation ubiquitaire, al&eacute;atoire ou r&eacute;solue&hellip;</p> <p style="text-align: justify;"><em>Web Satori</em>, car nous tentons ici d&rsquo;appr&eacute;hender une e-po&eacute;tique de l&rsquo;instant dans les &oelig;uvres num&eacute;riques &ndash; dont nous consid&eacute;rons qu&rsquo;elles appartiennent bien, &agrave; l&rsquo;instar des &oelig;uvres hyperm&eacute;diatiques plus couramment rassembl&eacute;es sous cette banni&egrave;re, &agrave; la litt&eacute;rature num&eacute;rique. Ces &oelig;uvres inventent-elles un nouveau rapport &agrave; l&rsquo;instant saisi comme &eacute;piphanie&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">Les contributions que l&rsquo;on s&rsquo;appr&ecirc;te &agrave; lire, elles-m&ecirc;mes r&eacute;dig&eacute;es en vue d&rsquo;une publication en ligne, naissent d&rsquo;un faisceau d&rsquo;interrogations que j&rsquo;&eacute;num&egrave;rerai rapidement&nbsp;:</p> <ul style="text-align: justify;"> <li style="text-align: justify;"> <p>En quoi les formes nouvelles d&rsquo;&eacute;criture personnelle, en particulier sur les blogs&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a> et les r&eacute;seaux sociaux, induisent-elles une exp&eacute;rience sp&eacute;cifique de la temporalit&eacute; qui &agrave; son tour informerait le texte (tweet, post&hellip;)&nbsp;orient&eacute; vers une saisie de l&rsquo;&eacute;ph&eacute;m&egrave;re&nbsp;?</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Comment la photographie, massivement sollicit&eacute;e par les &eacute;critures nativement num&eacute;riques, vient-elle inscrire le <em>punctum</em> barth&eacute;sien au c&oelig;ur de cette exp&eacute;rience du monde et susciter une grande diversit&eacute; de textes (&laquo;&nbsp;ekphraseis&nbsp;&raquo; de Jean-Yves Fick&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>, &laquo;&nbsp;photos br&egrave;ves&nbsp;&raquo; de Dominique Hasselmann&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>&hellip;) qui proposeraient, par leur saisie de l&rsquo;instant &eacute;piphanique, une po&eacute;tique du d&eacute;tail&nbsp;? Espace d&eacute;volu bien souvent au fragment, et de toute fa&ccedil;on, &agrave; la discr&eacute;tisation de ses contenus, Internet s&rsquo;offre-t-il plus particuli&egrave;rement &agrave; un geste de cadrage, d&rsquo;extraction du d&eacute;tail, dans le cadre d&rsquo;une &laquo;&nbsp;culture du clic&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>?</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>C&rsquo;est &eacute;galement tout un h&eacute;ritage, en particulier issu des avant-gardes du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle, que semble revisiter l&rsquo;&eacute;criture Web. L&rsquo;exploration de l&rsquo;espace, au c&oelig;ur d&rsquo;un grand nombre d&rsquo;entreprises litt&eacute;raires num&eacute;riques actuelles, semble ainsi s&rsquo;inscrire dans un retravail de pratiques telles que les d&eacute;ambulations surr&eacute;alistes et les errances urbaines situationnistes&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>. La s&eacute;rendipit&eacute; inh&eacute;rente &agrave; la navigation Web, dans ces cas, renoue-t-elle par exemple avec l&rsquo;objet trouv&eacute; surr&eacute;aliste&nbsp;? Hasard et instant nouent-ils ici de nouveaux rapports&nbsp;?</p> </li> <li> <p>Esth&eacute;tique et po&eacute;tique de la variation, caract&eacute;ristiques des productions iconotextuelles nativement num&eacute;riques, jouent-elles un r&ocirc;le propre dans cette appr&eacute;hension d&rsquo;un instant, de la sorte d&eacute;clin&eacute;, voire ressass&eacute;&nbsp;?</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Dans quelle mesure les formes br&egrave;ves privil&eacute;gi&eacute;es par bien des auteurs Web contribuent-elles &agrave; susciter ce <em>satori</em>, inspir&eacute; par le ha&iuml;ku &ndash; &laquo;&nbsp;une &eacute;criture (une philosophie) de l&rsquo;instant)&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a> &ndash; d&rsquo;ailleurs omnipr&eacute;sent sur le Web&nbsp;? Sous quelles autres formes peut-il appara&icirc;tre, au sein d&rsquo;&eacute;critures de la Notation fr&eacute;quentes et diverses sur le Net&nbsp;?</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Cette saisie qui fait <em>Tilt</em> est-elle favoris&eacute;e par l&rsquo;extr&ecirc;me performativit&eacute; de l&rsquo;&eacute;criture Web, propuls&eacute;e dans la seconde, gr&acirc;ce &agrave; cette touche &laquo;&nbsp;Send&nbsp;&raquo; dont T. Crouzet fait l&rsquo;une des clefs d&rsquo;une po&eacute;tique Web&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>?</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Les sp&eacute;cificit&eacute;s techniques, plus largement (des traitements de texte, des modalit&eacute;s de connexion, de capture et de diffusion d&rsquo;images&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>, d&rsquo;interop&eacute;rabilit&eacute; et de compatibilit&eacute; de contenus de nature s&eacute;miotique diff&eacute;rente) facilitent-elles une perception du monde sur le r&eacute;gime de l&rsquo;exp&eacute;rience dans l&rsquo;instant&nbsp;? L&rsquo;&eacute;crivain num&eacute;rique, pour reprendre le titre du blog d&rsquo;Ossiane Oc&eacute;ane, a-t-il &laquo;&nbsp;l&rsquo;&oelig;il ouvert&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>, dans une modalit&eacute; propre de disponibilit&eacute;&nbsp;?</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>L&rsquo;instant saisi, par texte et image, conserve-t-il alors sa puissance de satori, ou, parce que banalis&eacute; dans des pratiques massives facilit&eacute;s par la technologie num&eacute;rique, perd-il de son aura&nbsp;? L&rsquo;&eacute;crivain vient-il travailler une forme de banalit&eacute;, voire de trivialit&eacute;, que les supports num&eacute;riques accueilleraient d&rsquo;autant plus ais&eacute;ment que la mise &agrave; jour et la suppression de contenus sont dans ce cadre per&ccedil;ues comme naturelles voire indispensables&nbsp;? Autrement dit&nbsp;: l&rsquo;instabilit&eacute; du contenu Web d&eacute;termine-t-elle un r&eacute;gime d&rsquo;instantan&eacute;it&eacute; sp&eacute;cifique&nbsp;?</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Qu&rsquo;indiquent les formes de r&eacute;sistance &agrave; l&rsquo;&eacute;vidence, voire &agrave; la fascination de l&rsquo;instant&nbsp;? Les &laquo;&nbsp;Grains d&rsquo;instants&nbsp;&raquo; de Christophe Grossi se jouent ainsi, de fa&ccedil;on exemplaire, d&rsquo;un rapport de l&rsquo;&eacute;criture &agrave; l&rsquo;imm&eacute;diatet&eacute; suppos&eacute;e de l&rsquo;image d&eacute;pos&eacute;e sur Instagram, en proposant d&eacute;calages et d&eacute;bo&icirc;tements indispensables au surgissement d&rsquo;une &eacute;criture d&eacute;centr&eacute;e&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>. Comment de tels d&eacute;calages interrogent-ils le lien privil&eacute;gi&eacute; d&rsquo;une &eacute;criture Web &agrave; l&rsquo;actualit&eacute;, <em>via</em> l&rsquo;instant, revers&eacute; dans une entreprise m&eacute;morielle qui ferait du site ou du blog une archive charg&eacute;e d&rsquo;&laquo; enregistrer le pr&eacute;sent, un peu de ma pr&eacute;sence aussi&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>, comme l&rsquo;&eacute;crit Arnaud Ma&iuml;setti&nbsp;?</p> </li> </ul> <h3 style="text-align: justify;">Remerciements</h3> <p style="text-align: justify;">Ce dossier existe gr&acirc;ce &agrave; l&rsquo;&eacute;quipe scientifique en charge de la plateforme Komodo 21 (centre de recherches RIRRA21, universit&eacute; Paul-Val&eacute;ry/Montpellier 3) et au travail fourni par les coll&egrave;gues dont les textes suivent&nbsp;: que tous et toutes trouvent ici la marque de ma gratitude.</p> <h3 style="text-align: justify;">Notes<br /> &nbsp;</h3> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a> Par exemple la s&eacute;rie &laquo;&nbsp;Morning &agrave; la fen&ecirc;tre&nbsp;&raquo; de Christophe Sanchez (http&nbsp;://www.fut-il.net/2015/12/morning-la-fenetre-s04.html).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a> http&nbsp;://gammalphabets.org/.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a> http&nbsp;://www.remue.net/spip.php?rubrique38.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a> Voir Oriane Deseilligny, &laquo;&nbsp;&Eacute;crire pour quels lecteurs&nbsp;: capter l&rsquo;attention des humains ou de Google&nbsp;?&nbsp;&raquo;, in <em>Design &amp; innovation dans la cha&icirc;ne du livre</em>, St&eacute;phane Vial &amp; Marie-Julie Catoir-Brisson (dir.), Paris, PUF, 2017, p. 55.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a> L&agrave; encore, le rapport texte-image para&icirc;t primordial&nbsp;: que l&rsquo;on se reporte par exemple au travail de Cathie Barreau et de Laurence Skiv&eacute;e, &laquo;&nbsp;Fictions beyrouthines et autres citadines&nbsp;&raquo; (<a href="http://remue.net/spip.php?rubrique" target="_blank">http&nbsp;://remue.net/spip.php?rubrique</a> 421).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a> Roland Barthes, <em>La Pr&eacute;paration du roman I et II,</em> Paris, Seuil/Imec, 2003, p. 85.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a> Thierry Crouzet &eacute;voque ainsi la touche &laquo;&nbsp;Send&nbsp;&raquo;, aux pouvoirs presque magiques&nbsp;: &laquo;&nbsp;Un Send n&rsquo;est pas r&eacute;versible, le Net m&eacute;morise, interdit l&rsquo;oubli, tant chaque chose est aspir&eacute;e, archiv&eacute;e au-del&agrave; de toute possibilit&eacute; d&rsquo;effacement, &agrave; moins d&rsquo;un cataclysme. Pas de repenti, ou si peu, foncer en avant vers le texte suivant. Assumer son imperfection, jouir de l&rsquo;&eacute;jection de bits vers les papilles sursensibilis&eacute;es des r&eacute;cepteurs &eacute;trangers.&nbsp;&raquo; (<a href="http://tcrouzet.com/2013/11/24/la-send-generation-pecha-kucha-remix/" target="_blank">http&nbsp;://tcrouzet.com/2013/11/24/la-send-generation-pecha-kucha-remix/</a>). V. &eacute;galement Thierry Crouzet, <em>La M&eacute;canique du texte</em>, Publie.net, 2015.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a> Se reporter &agrave; Andr&eacute; Gunthert, <em>L&rsquo;Image partag&eacute;e. La photographie num&eacute;rique</em>, Paris, Textuel, 2015, p. 137&nbsp;: &laquo;&nbsp;Se munir d&rsquo;une cam&eacute;ra impliquait autrefois l&rsquo;anticipation d&rsquo;une occasion de prise de vue. Au contraire le t&eacute;l&eacute;phone qu&rsquo;on emporte avec soi pour ses fonctions communicantes ou ludiques rend la photographie disponible en permanence. L&rsquo;occasion photographique correspond &agrave; une gamme codifi&eacute;e d&rsquo;&eacute;v&eacute;nements, en dehors desquels la prise de vue est mal tol&eacute;r&eacute;e. Seule la situation d&rsquo;exception du touriste et la justification de l&rsquo;exotisme autorisent un recours intensif &agrave; l&rsquo;outil photographique. En &eacute;tendant &agrave; chaque instant de la vie la capacit&eacute; d&rsquo;enregistrement, le mobile transforme chacun de nous en touriste du quotidien, pr&ecirc;t &agrave; faire image dans n&rsquo;importe quelle situation.&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a> http&nbsp;://ossiane.blog.lemonde.fr/.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a> Voir http&nbsp;://deboitements.net/spip.php?rubrique50.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a> http&nbsp;://www.arnaudmaisetti.net/spip/spip.php?article515.</p> <h3 style="text-align: justify;">Coordinateur du dossier</h3> <p style="text-align: justify;"><strong>Gilles Bonnet</strong> est Professeur de litt&eacute;rature &agrave; l&rsquo;universit&eacute; Jean Moulin-Lyon 3, o&ugrave; il dirige le centre de recherches MARGE. Ses travaux portent sur la litt&eacute;rature fran&ccedil;aise moderne et contemporaine, et tout particuli&egrave;rement sur les rapports entre litt&eacute;rature et Internet. Un essai, intitul&eacute; <em>Pour une po&eacute;tique num&eacute;rique</em>, est &agrave; para&icirc;tre fin 2017 aux &eacute;ditions Hermann. Il a &eacute;dit&eacute; les actes du colloque &laquo;&nbsp;Internet est un cheval de Troie&nbsp;: la litt&eacute;rature, du Web au livre&nbsp;&raquo;, sur le site Fabula (<a href="https://www.fabula.org/colloques/sommaire4120.php" target="_blank">lien</a>).</p> <h3 style="text-align: justify;">Copyright</h3> <p style="text-align: justify;">Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p> </div>