<div class="entry-content"> <h3>Abstract</h3> <p>The digital native literature, written on blogs, sites and social networks, gives a privileged part to the instant. In this way, this part of contemporary creation simultaneously joins all the literature of the 21st century, and also creates its specificity. Time adapted to the expression of the fragment, the instant of the satori, joins the ka&iuml;ros, this propitious moment or opportunity, reveals its real temporal complexity. Encountering disparate elements, the creative instant opens the Web to a renewed writing of haiku and essay.</p> <p><strong>Keywords</strong></p> <p class="meta-tags">digital, literature, instant, Web, internet</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="1_Linstant_contemporain">1. L&rsquo;instant contemporain</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">La culture num&eacute;rique, profuse dans son extraordinaire diversit&eacute;, na&icirc;t paradoxalement d&rsquo;une pratique jivaro&nbsp;: tout contenu, texte, image, son, parce qu&rsquo;il peut se r&eacute;duire &agrave; une suite de 0 et de 1, va entrer dans un r&eacute;seau o&ugrave; partage et transfert constituent les deux actions principales dont il sera l&rsquo;objet. De l&agrave; deux sp&eacute;cificit&eacute;s techniques de ces contenus, &eacute;galement formulables en termes d&rsquo;exigences implicites chez les usagers&nbsp;: disponibilit&eacute; et accessibilit&eacute;. Dans l&rsquo;instant qui suit ma requ&ecirc;te sur un moteur de recherche, voil&agrave; qu&rsquo;afflue une masse de donn&eacute;es, qu&rsquo;il s&rsquo;agisse de biblioth&egrave;ques musicales, ou de la BnF, dont la totalit&eacute; des ouvrages, somme inimaginable de connaissances, se niche dans quelques mis&eacute;rables T&eacute;raoctets. La r&eacute;duction des productions humaines en donn&eacute;es par le num&eacute;rique, au prix d&rsquo;une d&eacute;s&eacute;mantisation&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>, &nbsp;a pour cons&eacute;quence de consacrer l&rsquo;instant comme la temporalit&eacute; &laquo;&nbsp;naturelle&nbsp;&raquo; de l&rsquo;acc&egrave;s &agrave; ces donn&eacute;es compress&eacute;es.</p> <p style="text-align: justify;">Quand l&rsquo;informatique, depuis qu&rsquo;Apple d&eacute;cida de hisser un voile opaque entre l&rsquo;utilisateur et l&rsquo;int&eacute;rieur de la machine, aux programmes secrets, ressortissait au XX<sup>e</sup> si&egrave;cle, qui fut celui de son av&egrave;nement, &agrave; la lenteur et &agrave; la complexit&eacute;, constatons, avec Milad Doueihi, que le num&eacute;rique du si&egrave;cle suivant autorise, au c&oelig;ur m&ecirc;me de nos exp&eacute;riences quotidiennes, &laquo; des acc&egrave;s souples et multiples &raquo;&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>. Plus qu&rsquo;une pratique documentaire, la <em>consultation</em> semble devenue un rapport intime aux donn&eacute;es comme au r&eacute;el.</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Notre temps, &eacute;crit ainsi Raffaele Simone, est interrompu sans arr&ecirc;t par le besoin compulsif de contr&ocirc;ler les m&eacute;dias que nous portons sur nous, de consulter notre portable, de photographier, de chercher des sites sur des cartes et des informations. Toutes ces pratiques bouleversent l&rsquo;exp&eacute;rience du temps continu et sans cassure, car elles transforment le temps en s&eacute;quences d&rsquo;interruptions et de moments fragment&eacute;s.&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a></p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Nos pratiques num&eacute;riques franchissent constamment seuils et fronti&egrave;res&nbsp;: du r&eacute;el au virtuel, et retour. Ouvrir un onglet, une fen&ecirc;tre, s&eacute;lectionner du doigt un message re&ccedil;u, cliquer sur l&rsquo;ic&ocirc;ne d&rsquo;un navigateur, activer l&rsquo;un de ces &laquo;&nbsp;signes passeurs&nbsp;&raquo;&nbsp;: autant de gestes marqueurs de notre contemporan&eacute;it&eacute;, autant de promesses d&rsquo;une interaction imm&eacute;diate avec le dispositif technologique. N&rsquo;envisager le Web qu&rsquo;en termes de <em>big data</em>, constituer des stocks de donn&eacute;es pour les proposer &agrave; quelque moulinette encod&eacute;e, f&ucirc;t-ce &agrave; destination de nos sciences humaines, ne conduit-il pas parfois &agrave; perdre de vue la qualit&eacute; de l&rsquo;exp&eacute;rience ici en jeu&nbsp;? Le dossier <em>Web Satori</em>, consacr&eacute; aux productions litt&eacute;raires nativement num&eacute;riques, souhaite, lui, se saisir de cet instant de l&rsquo;apparition du ph&eacute;nom&eacute;nal num&eacute;rique, en examinant ses versants multiples, &agrave; commencer par ceux de la r&eacute;ception-consultation et de la cr&eacute;ation-publication. C&rsquo;est bien plut&ocirc;t d&rsquo;une dynamique d&rsquo;hybridation, d&rsquo;ailleurs, qu&rsquo;il s&rsquo;agira, derri&egrave;re cette sym&eacute;trie trompeuse, l&rsquo;&eacute;crilecteur tendant &agrave; brouiller, on le sait, les cat&eacute;gorisations habituelles.</p> <p style="text-align: justify;">En questionnant la litt&eacute;rature telle qu&rsquo;elle s&rsquo;&eacute;crit et se lit dans et par le num&eacute;rique par le prisme de l&rsquo;instant, nous voudrions aussi &eacute;roder les repr&eacute;sentations h&acirc;tives d&rsquo;une &laquo;&nbsp;r&eacute;volution&nbsp;&raquo; num&eacute;rique, dont la rupture serait le seul mode d&rsquo;&ecirc;tre. Si les innovations caract&eacute;risent les textes &eacute;tudi&eacute;s ici, elles ne prennent sens que dans une historicit&eacute; qu&rsquo;il nous appartient de rappeler. Loin d&rsquo;une hypoth&eacute;tique table rase, paradigme anachronique d&rsquo;ailleurs, pr&eacute;sent&eacute;e avec trop d&rsquo;insistance par bien des lectures m&eacute;diatiques de &laquo;&nbsp;l&rsquo;&egrave;re num&eacute;rique&nbsp;&raquo;, la litt&eacute;rature qui s&rsquo;&eacute;crit sur sites, blogs et r&eacute;seaux sociaux, revisite bien des formes et des gestes que notre modernit&eacute; avait rep&eacute;r&eacute;s comme constitutifs du litt&eacute;raire. Si elle vient les interpr&eacute;ter de nouveau, optant pour la variation et le retravail, c&rsquo;est &eacute;galement en raison de son dialogue constant avec l&rsquo;ensemble de la litt&eacute;rature contemporaine. Qui souhaiterait s&rsquo;en prendre &agrave; la ghetto&iuml;sation de la litt&eacute;rature num&eacute;rique, encore consid&eacute;r&eacute;e par certains comme une sous-pratique de <em>geeks</em> lettr&eacute;s ou d&rsquo;ing&eacute;nieurs sur le retour, n&rsquo;aurait qu&rsquo;&agrave; noter la commune origine des &eacute;critures actuelles, qu&rsquo;elles s&rsquo;inscrivent sur papier ou dans le Web. Le r&eacute;seau accueille en effet une production constamment mobile, diff&eacute;rente &agrave; chacun de mes consultations, et ouverte sur un rhizome infini de ressources. D&rsquo;un tel espace d&eacute;centr&eacute;, le sujet contemporain est l&rsquo;h&ocirc;te par excellence, comme il l&rsquo;est des &eacute;critures contemporaines en g&eacute;n&eacute;ral&nbsp;: &laquo;&nbsp;Moi je ne sais pas. Il y aurait un centre&nbsp;?&nbsp;&raquo; s&rsquo;interroge ainsi Spencer, le personnage tout mouvement, dont Arno Bertina fait le narrateur de son gros roman &ndash; presque 500 pages &ndash; <em>Je suis une aventure&nbsp;</em><a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>, ouvert ici presque au hasard parmi tant d&rsquo;autres. Un tel refus d&rsquo;assignation identitaire du sujet contemporain convie &agrave; n&rsquo;en pas douter &agrave; des exp&eacute;riences parall&egrave;les voire s&eacute;cantes, en ligne et en librairie, sur le papier et sur la Toile. La litt&eacute;rature num&eacute;rique ne saurait donc se voiler l&rsquo;hapax&nbsp;: c&rsquo;est avec un monde en bascule qu&rsquo;elle interagit, tout comme le font les propositions les plus aventureuses des &eacute;diteurs traditionnels. C&rsquo;est m&ecirc;me bien parce qu&rsquo;il lui incombe, &agrave; elle aussi, et avec des moyens technologiques qui l&rsquo;y pr&eacute;disposent probablement, de tenter de se saisir de l&rsquo;instabilit&eacute; contemporaine et des mutations en cours, sociales, politiques et culturelles, qu&rsquo;elle s&rsquo;impose comme pratique et partage. Puisque penser notre environnement dans les seuls termes de la continuit&eacute; h&eacute;rit&eacute;e du positivisme du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle ne para&icirc;t plus gu&egrave;re possible, la discontinuit&eacute; et la d&eacute;lin&eacute;arisation du r&eacute;cit, et par cons&eacute;quent des identit&eacute;s narratives aff&eacute;rentes, que produit chaque jour la litt&eacute;rature Web, para&icirc;t tout particuli&egrave;rement apte &agrave; enregistrer et moduler les ondes de choc de nos vies, volontiers fragment&eacute;es en posts et tweets.</p> <p style="text-align: justify;">Aussi <em>l&rsquo;instant</em> peut-il &agrave; bon droit se pr&eacute;tendre le &laquo;&nbsp;chronotype&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a> de la litt&eacute;rature num&eacute;rique.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="2_Linstant_le_fragment">2. L&rsquo;instant &amp; le fragment</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Le Web archive du discret. Sites et blogs litt&eacute;raires n&rsquo;&eacute;chappent pas &agrave; la r&egrave;gle, qui d&eacute;portent le mod&egrave;le classique de l&rsquo;&oelig;uvre vers un paradigme neuf, o&ugrave; la liste et l&rsquo;anthologie tendent &agrave; supplanter la continuit&eacute; causaliste du r&eacute;cit. D&egrave;s lors, ma lecture n&rsquo;en pourra &ecirc;tre que pr&eacute;hensive, extraction r&eacute;p&eacute;t&eacute;e de fragments, comme autant de bornes dans mon parcours exploratoire. Quand face &agrave; de telles accumulations de contenus, constitutives de sites-bases de donn&eacute;es, l&rsquo;internaute b&eacute;n&eacute;vole se sent quelque peu d&eacute;sempar&eacute;, force lui est d&rsquo;inscrire son geste de lecteur en rupture avec une telle tendance cumulative. Ce faisant, il redonne au fragment initial &ndash; billet, post &ndash; son statut premier, que l&rsquo;inscription dans une collection aux contours flous &eacute;rodait. C&rsquo;est d&rsquo;ailleurs dans notre contexte de surabondance et d&rsquo;infob&eacute;sit&eacute; num&eacute;rique, o&ugrave; le flux charrie constamment un nombre incalculable d&rsquo;informations, que l&rsquo;instant s&rsquo;affirme comme r&eacute;sistance. Face au mouvement g&eacute;n&eacute;ral de coagulation des donn&eacute;es, destin&eacute; &agrave; organiser la tra&ccedil;abilit&eacute; de ces informations comme de nos activit&eacute;s en ligne, sont apparus en effet des gestes cens&eacute;s trouer la Toile con&ccedil;ue comme nasse. Bien des auteurs et artistes num&eacute;riques, &agrave; l&rsquo;image d&rsquo;Alexandra Saemmer, par exemple, inscrivent ostensiblement leur travail dans une obsolescence qui constitue l&rsquo;une des qualit&eacute;s propres de l&rsquo;&oelig;uvre. Puisque supports, logiciels, navigateurs, &eacute;voluent et menacent la p&eacute;rennit&eacute; des programmes, autant adopter cette instabilit&eacute; pour doter l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;une intensit&eacute; neuve. De nombreuses applications r&eacute;centes viennent confirmer l&rsquo;esth&eacute;tique de l&rsquo;instant comme l&rsquo;une des modalit&eacute;s centrales de la communication num&eacute;rique&nbsp;: que l&rsquo;on songe &agrave; Snapchat, ou &agrave; Instagram Stories.</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;intime semble trouver l&agrave; ses espaces de publication privil&eacute;gi&eacute;s, prolongements naturels d&rsquo;une &eacute;criture de soi en ligne revisitant, par le blog principalement jusque-l&agrave;, la discontinuit&eacute; d&eacute;finitoire du journal personnel. Aux biograph&egrave;mes barth&eacute;siens, d&eacute;j&agrave; imagin&eacute;s d&rsquo;ailleurs comme &eacute;l&eacute;ments d&rsquo;une navigation &ndash; &laquo;&nbsp;quelques d&eacute;tails, [&hellip;] quelques go&ucirc;ts, [&hellip;] quelques inflexions, disons&nbsp;: des &ldquo;biograph&egrave;mes&rdquo;, dont la distinction et la mobilit&eacute; pourraient voyager hors de tout destin et venir toucher, &agrave; la fa&ccedil;on des atomes &eacute;picuriens, quelque corps futur, promis &agrave; la m&ecirc;me dispersion&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>&nbsp;&ndash; correspondent ce que nous pourrions nommer des <em>blograph&egrave;mes</em>, &eacute;clats de soi qu&rsquo;il appartient au lecteur de parcourir, voire de relier. Le po&egrave;te luxembourgeois Lambert <a href="http://lambertschlechter.blogspot.fr">Schlechter</a> livre ainsi, &agrave; longueur de posts, une &laquo;&nbsp;liasse de dix mille fragments&nbsp;&raquo; appel&eacute;e &agrave; constituer son &oelig;uvre autobiographique en ligne.</p> <p style="text-align: justify;">Sans doute l&rsquo;&eacute;criture du blog suscite-t-elle un rapport propre &agrave; son contenu comme &agrave; ses lecteurs. Pour qu&rsquo;un tel journal &agrave; ciel ouvert fid&eacute;lise ses lecteurs, la mise &agrave; jour doit en &ecirc;tre tr&egrave;s r&eacute;guli&egrave;re, et mise en valeur comme attention accord&eacute;e, parfois avec une fr&eacute;n&eacute;sie certaine, &agrave; la capture de l&rsquo;instant pr&eacute;sent, voire &agrave; une sc&eacute;nographie de ce dernier. La pr&eacute;sentation ant&eacute;chronologique des posts, caract&eacute;ristiques du blog, conduirait ainsi, selon Fanny Georges, &agrave; une &laquo;&nbsp;survalorisation de l&rsquo;instant pr&eacute;sent&nbsp;&raquo; dont les causes r&eacute;sideraient dans la n&eacute;cessit&eacute; pour l&rsquo;utilisateur de ces plateformes de &laquo;&nbsp;nourrir continuellement la structure identitaire qui le manifeste pour exister dans sa communaut&eacute;&nbsp;&raquo;, car, poursuit-elle, &laquo;&nbsp;le Web 2.0 compromet le d&eacute;veloppement d&rsquo;un Soi consistant et autonome pour le livrer &agrave; la pr&eacute;carit&eacute; de l&rsquo;urgence imm&eacute;diate&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>.&nbsp;&raquo; Le constat peut s&rsquo;&eacute;largir &agrave; l&rsquo;ensemble des r&eacute;seaux sociaux, et finalement &agrave; tous les modes de publication en ligne. C&rsquo;est donc &eacute;galement une forme d&rsquo;hyst&eacute;risation de soi qui contribue &agrave; &eacute;riger l&rsquo;instant en temporalit&eacute; privil&eacute;gi&eacute;e de l&rsquo;&eacute;criture personnelle sur le Web v&eacute;cue sur le mode de l&rsquo;urgence.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="3_Linstant_loccasion">3. L&rsquo;instant &amp; l&rsquo;occasion</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;"><img alt="Doc. 1 ‒ Jean-Yves Fick, « Ce qui demeure », D’ici là, no7, Pierre Ménard (dir.), Publie.net, 2011." class="alignnone size-medium wp-image-1652" loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/1-JY-Fick-Dici-là-no7-300x161.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/1-JY-Fick-Dici-là-no7-300x161.jpg 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/1-JY-Fick-Dici-là-no7-1024x550.jpg 1024w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/1-JY-Fick-Dici-là-no7-810x435.jpg 810w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/1-JY-Fick-Dici-là-no7-1140x612.jpg 1140w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/1-JY-Fick-Dici-là-no7.jpg 1423w" style="width: 300px; height: 161px;" /></p> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;"><small>Doc. 1&nbsp;‒&nbsp;Jean-Yves Fick, &laquo;&nbsp;Ce qui demeure&nbsp;&raquo;, <em>D&rsquo;ici l&agrave;</em>, n<sup>o</sup>7, Pierre M&eacute;nard (dir.), Publie.net, 2011.</small></p> <p style="text-align: justify;">Sur la labilit&eacute; du temps, de l&rsquo;ombre qui couvre peu &agrave; peu la lumi&egrave;re, sur la labilit&eacute; du flux qui affole le Web &agrave; chaque seconde, Jean-Yves Fick inscrit un po&egrave;me. Bref, qui dit justement la saisie impossible de l&rsquo;instant con&ccedil;u ici tr&egrave;s classiquement comme <em>intervalle</em>, mais qui vient, par son geste m&ecirc;me, non pas vainement tenter de retenir d&rsquo;aucune fa&ccedil;on ce qui toujours fera d&eacute;faut, mais &eacute;vider bien plut&ocirc;t le texte de cette n&eacute;cessit&eacute; m&ecirc;me. &laquo;&nbsp;Ce qui demeure&nbsp;&raquo;, selon Fick qui intitule ainsi sa contribution &agrave; la revue de cr&eacute;ation en ligne <em>D&rsquo;ici l&agrave;&nbsp;</em><a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>, sera &laquo;&nbsp;ce qu&rsquo;il a vu de l&rsquo;instant&nbsp;&raquo;, soit &laquo;&nbsp;ce qui ne peut se dire du moment un point suspendu&nbsp;&raquo;. L&rsquo;instant Web contient et lib&egrave;re &agrave; la fois une po&eacute;tique de l&rsquo;emp&ecirc;chement qui se sait incapable de tout bon d&eacute;barras, et s&rsquo;&eacute;crit pr&eacute;cis&eacute;ment dans ce creux d&rsquo;un indicible et d&rsquo;un infigurable. La profusion m&ecirc;me, qui nourrit un site comme celui de Jean-Yves <a href="https://gammalphabets.org/" target="_blank">Fick</a>, t&eacute;moigne de cette relance incessante du po&egrave;me face &agrave; l&rsquo;instant.</p> <p style="text-align: justify;">Christophe Sanchez, qui publie simultan&eacute;ment des clich&eacute;s d&rsquo;aube sur Instagram, et le m&ecirc;me clich&eacute; accompagn&eacute; d&rsquo;un po&egrave;me, sur son blog, propose &eacute;galement une telle &eacute;criture de l&rsquo;instant num&eacute;rique, tout particuli&egrave;rement sensible &ndash; photo-sensible &ndash; aux moments d&rsquo;entre-deux. La rubrique &laquo;&nbsp;Morning &agrave; la <a href="http://www.fut-il.net/2015/11/nouvelle-aube.html" target="_blank">fen&ecirc;tre</a>&nbsp;&raquo; y reprend le motif cr&eacute;pusculaire, si populaire sur FlickR ou Instagram, dans un cadre proche du journal personnel, pour apercevoir &laquo;&nbsp;l&rsquo;instant dans l&rsquo;eau obscure d&rsquo;un tourment&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>&nbsp;&raquo;, et par-l&agrave; capter &laquo;&nbsp;tout ce qui est &ldquo;entre&rdquo; et peut &eacute;chapper &agrave; la pr&eacute;sence du pr&eacute;sent&nbsp;&raquo; &ndash; un &eacute;ph&eacute;m&egrave;re qui &laquo;&nbsp;capte du temps dans les flux imperceptibles et les intervalles des choses, des &ecirc;tres et de l&rsquo;existant&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Si le seuil et l&rsquo;intervalle mobilisent tant, c&rsquo;est comme exp&eacute;rience paradoxale d&rsquo;un &eacute;cart &ndash; entre chien et loup &ndash; plein. L&rsquo;instant que texte et image, puisque ce compagnonnage domine, s&rsquo;emploient &agrave; dire, r&eacute;sonne en effet d&rsquo;une pluralit&eacute; de temporalit&eacute;s qui l&rsquo;irise. Davantage qu&rsquo;un point fugace insaisissable sur la ligne du temps, l&rsquo;instant s&rsquo;offre comme entrelacs d&rsquo;exp&eacute;riences. Remontons&hellip; &agrave; Stendhal, qui face &agrave; l&rsquo;exceptionnelle richesse d&rsquo;instants rev&eacute;cus par sa m&eacute;moire dans leur &eacute;clat d&rsquo;&eacute;piphanies, exp&eacute;rimente, dans sa <em>Vie de Henry Brulard</em>, la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;une saisie polys&eacute;miotique. Face &agrave; la gageure d&rsquo;une transcription, dans la successivit&eacute; de la phrase, de la synchronie d&eacute;finitoire de l&rsquo;instant, il fut contraint de recourir au dessin, &agrave; l&rsquo;image comme dispositif synoptique&nbsp;: &laquo;&nbsp;le glissement d&rsquo;une s&eacute;miotique verbale &agrave; une s&eacute;miotique de l&rsquo;image&nbsp;&raquo;, commente Jean-Marie Seillan, &laquo;&nbsp;consacre l&rsquo;incapacit&eacute;, au moins relative, de l&rsquo;&eacute;criture litt&eacute;raire &agrave; saisir et &agrave; restituer la pluralit&eacute; des sensations qui coexistent dans l&rsquo;instant heureux&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;instant, hauss&eacute; au rang de r&eacute;v&eacute;lation &eacute;piphanique, se fait ici <em>occasion</em>, &laquo;&nbsp;instant qui est pour nous une chance&nbsp;&raquo;, &eacute;crit Jank&eacute;l&eacute;vitch dans <em>Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien</em>. Or, l&rsquo;occasion, propice, est une &laquo;&nbsp;co&iuml;ncidence ponctuelle&nbsp;&raquo; de plusieurs temporalit&eacute;s, celle du sujet et celle de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement qui surgit, l&rsquo;intersection de lignes temporelles, l&rsquo;instant de synchronisation miraculeuse de plusieurs rythmes, comme une polyrythmie heureuse&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;occasion est une chance, et une chance in&eacute;dite, inou&iuml;e, inesp&eacute;r&eacute;e, par la r&eacute;union exceptionnelle de facteurs ou de conditions qui demeurent en g&eacute;n&eacute;ral disjoints. L&rsquo;occasion est l&rsquo;alternative surmont&eacute;e [&hellip;], la conjonction critique succ&egrave;de &agrave; la disjonction chronique, le cumul au sporadisme&nbsp;! [&hellip;] C&rsquo;est donc le &ldquo;simul&rdquo; de la simultan&eacute;it&eacute; qui est le miracle&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Par l&rsquo;alliance du texte et de l&rsquo;image, les po&egrave;mes en ligne de Jean-Yves Fick cherchent l&rsquo;occasion, proche du <em>Ka&iuml;ros</em> de l&rsquo;instant grec. Si la photographie jouit d&eacute;j&agrave;, en elle-m&ecirc;me, d&rsquo;une complexit&eacute; temporelle, &laquo;&nbsp;nouement&nbsp;&raquo; qui &laquo;&nbsp;se saisit en une seule fois de plusieurs temporalit&eacute;s&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>&nbsp;&raquo;, comment le texte peut-il jouer sa propre carte&nbsp;? Probablement par la domestication du verbal&nbsp;:</p> <ol style="list-style-type: lower-alpha; text-align: justify;"> <li style="text-align: justify;"> <p>amu&iuml; au profit de syntagmes nominaux, libres de flotter sans attache temporelle fixe, d&rsquo;autant qu&rsquo;ils se juxtaposent et proposent le plus souvent un parcours paratactique,</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>ou d&eacute;livr&eacute; de telles amarres, par le choix massif d&rsquo;un pr&eacute;sent de l&rsquo;indicatif d&rsquo;aspect s&eacute;cant, &eacute;lu pour ses emplois dits &laquo;&nbsp;omnitemporels&nbsp;&raquo;, qui font de ce tiroir verbal l&rsquo;&eacute;quivalent grammatical du flou photographique, capable de rendre simultan&eacute;s pour l&rsquo;&oelig;il les mouvements pourtant successifs d&rsquo;un objet.</p> </li> </ol> <p style="text-align: justify;">N&eacute;gociant sans cesse avec les flux, tram&eacute; d&rsquo;une diversit&eacute; de temporalit&eacute;s et de rythmes, l&rsquo;instant Web, en qu&ecirc;te de formes ad&eacute;quates, associe donc volontiers l&rsquo;iconique au scriptural. Quand les po&egrave;mes de Fick font le choix de la parataxe, faut-il s&rsquo;&eacute;tonner de ce que la mosa&iuml;que se soit impos&eacute;e comme le mode de publication privil&eacute;gi&eacute; de l&rsquo;image s&eacute;rielle sur Internet&nbsp;? Parataxe iconique et parataxe textuelle jouent en effet des frictions entre partie et tout et transforment, &agrave; la limite, le po&egrave;me m&ecirc;me, en l&rsquo;une de ces anthologies caract&eacute;ristiques de la culture num&eacute;rique. Significativement, Jean-Yves Fick accole d&rsquo;ailleurs po&egrave;me et mosa&iuml;que d&rsquo;images, pour clore sa contribution &agrave; la revue <em>D&rsquo;ici l&agrave;.</em></p> <p style="text-align: justify;"><img alt="Doc. 2 – Ibid." class="alignnone size-medium wp-image-1654" loading="lazy" sizes="(max-width: 153px) 100vw, 153px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/2-JY-Fick-Dici-là-no7-153x300.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/2-JY-Fick-Dici-là-no7-153x300.jpg 153w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/2-JY-Fick-Dici-là-no7-523x1024.jpg 523w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/2-JY-Fick-Dici-là-no7-810x1586.jpg 810w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/2-JY-Fick-Dici-là-no7.jpg 893w" style="width: 153px; height: 300px;" /></p> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;"><small>Doc. 2 &ndash; <em>Ibid.</em></small></p> <p style="text-align: justify;">Ces deux formes convergent dans la tentative d&rsquo;&eacute;crire l&rsquo;instant, non pas tant extrait du flux num&eacute;rique ou vital, que revers&eacute; dans cette labilit&eacute;. L&rsquo;&oelig;uvre qui t&eacute;moigne de cette tension fructueuse et qui per&ccedil;oit en synchronie la diachronie fuyante, qui stabilise fragilement une telle fluidit&eacute;, est mosa&iuml;qu&eacute;e. L&rsquo;occasion aura m&eacute;nag&eacute; ce d&eacute;passement dialectique de l&rsquo;opposition originelle entre un instant-punctum, isol&eacute; comme saillie existentielle, et le flux num&eacute;rique.</p> <p style="text-align: justify;">&laquo;&nbsp;L&rsquo;occasion&nbsp;&raquo;, poursuit Jank&eacute;l&eacute;vitch, &laquo;&nbsp;est un cas qui vient &agrave; notre rencontre&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>&nbsp;&raquo;. De fait, le paradigme de la <em>rencontre</em> semble fonder une po&eacute;tique de l&rsquo;instant Web, mieux peut-&ecirc;tre que n&rsquo;y parvient celui de la rupture, souvent mobilis&eacute;. De l&agrave; l&rsquo;omnipr&eacute;sence des ha&iuml;kus num&eacute;riques dans la blogosph&egrave;re litt&eacute;raire. C&rsquo;est bien parce que cette forme po&eacute;tique br&egrave;ve rel&egrave;ve d&rsquo;une &laquo;&nbsp;&eacute;criture absolue de l&rsquo;instant&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>&nbsp;&raquo;, propice au <em>satori</em> qu&rsquo;elle s&rsquo;impose comme sc&egrave;ne privil&eacute;gi&eacute;e de la rencontre. Christophe Grossi&nbsp;intitule ainsi &laquo;&nbsp;<a href="http://deboitements.net/spip.php?article761" target="_blank">Rencontre</a> du jour&nbsp;&raquo; le contact nou&eacute; furtivement avec une aigrette, dont le clich&eacute; et le texte porteront trace et t&eacute;moignage&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>.</p> <p style="text-align: justify;"><a class="fancybox image" href="#_ftn"><img alt="Doc. 3 ‒ Philippe Grossi, http://deboitements.net/spip.php?article761" class="alignnone size-medium wp-image-1655" loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/3-C-Grossi-300x253.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/3-C-Grossi-300x253.jpg 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/3-C-Grossi.jpg 777w" style="width: 300px; height: 253px;" /></a></p> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;"><small>Doc. 3 ‒ Philippe Grossi, <a href="http://deboitements.net/spip.php?article761" target="_blank">http://deboitements.net/spip.php?article761</a></small></p> <p style="text-align: justify;">Si le ha&iuml;ku incarne et se d&eacute;finit comme &laquo;&nbsp;art de la rencontre&nbsp;&raquo;, il jouit en effet sur le Web de la coexistence de syst&egrave;mes s&eacute;miotiques diff&eacute;rents, dont la copr&eacute;sence r&eacute;alise et autorise cette rencontre m&ecirc;me. Jean-Pierre Balpe&nbsp;inscrit ainsi syst&eacute;matiquement, dans un blog explicitement consacr&eacute; aux <a href="http://meshaikus.canalblog.com/" target="_blank">ha&iuml;kus</a>, le texte &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de la photo&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>.</p> <p style="text-align: justify;"><a class="fancybox image" href="#_ftn"><img alt="Doc. 4 ‒ Jean-Pierre Balpe, http://meshaikus.canalblog.com/." class="alignnone size-medium wp-image-1656" loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/4-JP-Balpe-300x218.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/4-JP-Balpe-300x218.jpg 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/4-JP-Balpe-1024x743.jpg 1024w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/4-JP-Balpe-810x588.jpg 810w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/4-JP-Balpe-1140x827.jpg 1140w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/4-JP-Balpe.jpg 1184w" style="width: 300px; height: 218px;" /></a></p> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;"><small>Doc. 4 ‒ Jean-Pierre Balpe,&nbsp;<a href="http://meshaikus.canalblog.com/" target="_blank">http://meshaikus.canalblog.com/</a>.</small></p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;instant Web, par le ha&iuml;ku, rejoint le <em>punctum</em> barth&eacute;sien, qui montre ce &laquo;&nbsp;d&eacute;tail [qui] emporte ma toute lecture. [&hellip;] Par la marque de <em>quelque chose</em>, la photo n&rsquo;est plus <em>quelconque</em>. Ce <em>quelque</em> <em>chose</em> a fait <em>tilt</em>, il a provoqu&eacute; en moi un petit &eacute;branlement, un <em>satori</em>, le passage d&rsquo;un vide (peu importe que le r&eacute;f&eacute;rent en soit d&eacute;risoire&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>)&nbsp;&raquo;. La photographie comme instantan&eacute; offre sa saisie du r&eacute;el au ha&iuml;ku num&eacute;rique, comme une note &ndash; <em>notula</em> &ndash; prise au vol, &laquo;&nbsp;comme un gangster sort son colt&nbsp;&raquo;, &eacute;crivait encore Barthes&nbsp;: le &laquo;&nbsp;tir photographique&nbsp;&raquo; de Cartier-Bresson, qui glosait par-l&agrave; son fameux &laquo;&nbsp;instant d&eacute;cisif&nbsp;&raquo;, r&eacute;sonne du m&ecirc;me &eacute;cho&nbsp;: &laquo;&nbsp;Bang&nbsp;&raquo;&nbsp;! &eacute;crivait Balpe.</p> <p style="text-align: justify;">&laquo;&nbsp;C&rsquo;est &ccedil;a&nbsp;&raquo; r&eacute;sumait le punctum pour Barthes&nbsp;; &laquo;&nbsp;&ccedil;a-a-&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo;, la photographie&nbsp;: posons qu&rsquo;un &laquo;&nbsp;c&rsquo;est l&agrave;&nbsp;&raquo; devient n&eacute;cessaire aujourd&rsquo;hui pour sp&eacute;cifier l&rsquo;apport du num&eacute;rique, dans ce rapport iconotextuel vou&eacute; au partage en ligne. L&rsquo;&laquo;&nbsp;hypercontextualisation&nbsp;&raquo; du clich&eacute; num&eacute;rique &ndash; du selfie notamment &ndash; comme &laquo;&nbsp;rapport de l&rsquo;acteur &agrave; la situation&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>, sert une &eacute;criture num&eacute;rique de l&rsquo;instant consacr&eacute;e &agrave; la collecte d&rsquo;objets trouv&eacute;s, au gr&eacute; d&rsquo;errances souvent urbaines qui rappellent les pratiques surr&eacute;alistes puis situationnistes, mais s&rsquo;affichent &eacute;galement comme des &eacute;quivalents IRL de la s&eacute;rendipit&eacute; au c&oelig;ur de la navigation sur Internet. Le geste photographique et po&eacute;tique de C&eacute;cile <a href="http://petiteracine.net/wordpress/2014/06/gagne-ma-langue/" target="_blank">Portier</a>, par exemple, pr&eacute;l&egrave;vera une vulgaire pi&egrave;ce de monnaie.</p> <p style="text-align: justify;"><a class="fancybox image" href="#_ftn"><img alt="Doc. 5 ‒ Cécile Portier, http://petiteracine.net/wordpress/2014/06/gagne-ma-langue/" class="alignnone size-medium wp-image-1657" loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/5-C-Portier-300x183.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/5-C-Portier-300x183.jpg 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/5-C-Portier-1024x626.jpg 1024w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/5-C-Portier-810x495.jpg 810w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/5-C-Portier-1140x697.jpg 1140w" style="width: 300px; height: 183px;" /></a></p> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;"><small>Doc. 5 ‒ C&eacute;cile Portier, <a href="http://petiteracine.net/wordpress/2014/06/gagne-ma-langue/" target="_blank">http://petiteracine.net/wordpress/2014/06/gagne-ma-langue/</a></small></p> <p style="text-align: justify;">Renouant avec la po&eacute;tique du hasard objectif et de l&rsquo;objet trouv&eacute;, l&rsquo;&eacute;cranvain propose ici comme une porosit&eacute; des espaces, num&eacute;rique et r&eacute;el, o&ugrave; la m&ecirc;me errance conduit &agrave; la rencontre du trivial. &laquo;&nbsp;Sem&eacute;e&nbsp;&raquo;, autre dispositif de la s&eacute;rie &laquo;&nbsp;Compl&eacute;ments d&rsquo;objets&nbsp;&raquo; sur le site de C&eacute;cile Portier, illustre &eacute;galement une telle m&eacute;talepse, puisque c&rsquo;est cette fois une semelle oubli&eacute;e l&agrave; sur laquelle tombe l&rsquo;auteure, comme au gr&eacute; de mes parcours en ligne je peux croiser incidemment telle ou telle page Web depuis longtemps d&eacute;laiss&eacute;e par son <a href="http://colloque-champfleury.pagesperso-orange.fr/" target="_blank">propri&eacute;taire</a>.</p> <p style="text-align: justify;"><a class="fancybox image" href="#_ftn"><img alt="Doc. 6 ‒ Cécile Portier, http://petiteracine.net/wordpress/2011/06/semee/" class="alignnone size-medium wp-image-1658" loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/6-C-Portier-Semée-300x204.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/6-C-Portier-Semée-300x204.jpg 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/6-C-Portier-Semée-1024x697.jpg 1024w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/6-C-Portier-Semée-810x552.jpg 810w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/6-C-Portier-Semée-1140x776.jpg 1140w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/6-C-Portier-Semée-145x100.jpg 145w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/6-C-Portier-Semée-380x260.jpg 380w" style="width: 300px; height: 204px;" /></a></p> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;"><small>Doc. 6 ‒ C&eacute;cile Portier, <a href="http://petiteracine.net/wordpress/2011/06/semee/" target="_blank">http://petiteracine.net/wordpress/2011/06/semee/</a></small></p> <p style="text-align: justify;">Perec aujourd&rsquo;hui, parall&egrave;lement &agrave; son herbier urbain, nourri des traces &ndash; tracts, tickets&hellip; &ndash; de l&rsquo;existence contemporaine, r&eacute;aliserait peut-&ecirc;tre un <em>herbier num&eacute;rique</em> qui, dans le <em>cloud</em> ou sur un disque dur externe, archiverait des captures d&rsquo;&eacute;cran de ses navigations sur Internet&hellip; Telle pratique serait fid&egrave;le &agrave; l&rsquo;esprit de l&rsquo;auteur et &agrave; son go&ucirc;t du jeu. C&rsquo;est m&ecirc;me l&agrave;, encore, un point de rencontre, que cette ludicit&eacute; attach&eacute;e &agrave; la s&eacute;rendipit&eacute;, comme le montre Servanne Monjour&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>, et intrins&egrave;quement, &agrave; l&rsquo;instant, friand de surprises et d&rsquo;impromptus quand la dur&eacute;e, elle, ne peut d&rsquo;emp&ecirc;cher de planifier, en tablant sur quelque constance des individus et du monde. Aussi l&rsquo;instant Web manifeste-t-il au mieux, dans ces productions litt&eacute;raires nativement num&eacute;riques, une intention d&rsquo;invention.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="4_Linstant_lenonciation_creatrice">4. L&rsquo;instant &amp; l&rsquo;&eacute;nonciation cr&eacute;atrice</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">La simplification technique du processus &eacute;ditorial, rendue possible par les performances actuelles du r&eacute;seau, des plateformes et des logiciels d&eacute;di&eacute;s, autorise un mode de publication quasi instantan&eacute;. Thierry Crouzet &eacute;voque ainsi la touche &laquo;&nbsp;Send&nbsp;&raquo;, aux pouvoirs presque magiques&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Un Send n&rsquo;est pas r&eacute;versible, le Net m&eacute;morise, interdit l&rsquo;oubli, tant chaque chose est aspir&eacute;e, archiv&eacute;e au-del&agrave; de toute possibilit&eacute; d&rsquo;effacement, &agrave; moins d&rsquo;un cataclysme. Pas de repenti, ou si peu, foncer en avant vers le texte suivant. Assumer son imperfection, jouir de l&rsquo;&eacute;jection de bits vers les papilles sursensibilis&eacute;es des r&eacute;cepteurs &eacute;trangers&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Le lecteur internaute acc&egrave;de &agrave; des productions qui conservent quelque chose de leur &eacute;lan premier&nbsp;: d&eacute;couvrant un texte qui vient d&rsquo;&ecirc;tre r&eacute;dig&eacute;, tweet ou post, j&rsquo;en per&ccedil;ois non seulement le contenu mais &eacute;galement la force de projection, forme de <em>dripping</em> num&eacute;rique, sur l&rsquo;&eacute;cran que je contemple. C&rsquo;est bien le geste m&ecirc;me de l&rsquo;&eacute;cranvain qui perdure et constitue partie du rayonnement de l&rsquo;&oelig;uvre publi&eacute;e en ligne.</p> <p style="text-align: justify;">Sym&eacute;triquement, l&rsquo;auteur tend &agrave; raccourcir, parfois jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;infime instant, le d&eacute;lai attribu&eacute; &agrave; la validation sociale du contenu &eacute;dit&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Internet se d&eacute;finirait ainsi comme le lieu d&rsquo;une pr&eacute;tention &agrave; l&rsquo;imm&eacute;diatet&eacute; du <em>feedback</em> dans les processus litt&eacute;raires&nbsp;&raquo;, admettra-t-on ais&eacute;ment, avec &Eacute;tienne Candel et Gustavo Gomez-Mejia&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>. Plus largement, la culture de l&rsquo;engagement de l&rsquo;internaute ressortit &agrave; l&rsquo;imm&eacute;diatet&eacute; et &agrave; l&rsquo;instantan&eacute;it&eacute;. La viralit&eacute; des m&egrave;mes, par exemple, exploite ce pan tacite de la pratique du partage d&rsquo;un contenu par les internautes. L&agrave; encore, contrairement aux apparences, l&rsquo;instant ne conteste pas tant le flux qu&rsquo;il ne se d&eacute;couvre des aires communes o&ugrave; se r&eacute;alise une copr&eacute;sence polyrythmique. Le m&ecirc;me, partag&eacute; parfois des millions de fois, y perd-il de son aura originelle&nbsp;? Pas forc&eacute;ment, semble-t-il, puisque le mod&egrave;le benjaminien de la reproductibilit&eacute; technique ne se superpose que partiellement &agrave; ces pratiques, qui rel&egrave;veraient davantage d&rsquo;une (r&eacute;)it&eacute;rabilit&eacute; num&eacute;rique de l&rsquo;instant. L&rsquo;instant originel &ndash; une vid&eacute;o, par exemple &ndash; est en effet cens&eacute; conserver, m&ecirc;me diffus&eacute; aussi largement, sa puissance disruptive premi&egrave;re&nbsp;: c&rsquo;est m&ecirc;me parce qu&rsquo;il la conserve qu&rsquo;il m&rsquo;incite, &agrave; mon tour, &agrave; entrer dans la cha&icirc;ne du partage.</p> <p style="text-align: justify;">On le voit, les caract&eacute;ristiques techniques qui d&eacute;finissent le support et donc ses pratiques, ne sauraient &eacute;pargner l&rsquo;&eacute;nonciation m&ecirc;me de l&rsquo;&oelig;uvre. Pr&eacute;sentant l&rsquo;ouvrage de Dominique Hasselmann, <em>140 Tunnels</em> &ndash; en 140 signes chacun &ndash; propos&eacute; en ligne par Publie.net, Fran&ccedil;ois Bon affirme nettement une telle interaction&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Il faut s&rsquo;y faire. Twitter est d&eacute;sormais un outil adulte de cr&eacute;ation. Non par culte du bref, mais par ce rapport de publication imm&eacute;diate, circulante, qui permet d&rsquo;&ecirc;tre au plus pr&egrave;s du r&eacute;el et en m&ecirc;me temps de le construire comme fiction&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Le texte litt&eacute;raire met alors ses pas dans ceux de la photographie, dont l&rsquo;histoire peut, de ce point de vue, se r&eacute;sumer &agrave; la r&eacute;duction progressive du temps de pose jusqu&rsquo;&agrave; &laquo;&nbsp;une pointe presque invisible &ndash;, le suspens de l&rsquo;instantan&eacute;, qui est &agrave; la fois le plus bref et le plus absolu&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est &eacute;galement l&rsquo;horizon de la performance, d&eacute;pendante d&rsquo;un <em>hic et nunc</em>, ouverte au geste autant voire plus qu&rsquo;au r&eacute;sultat-&oelig;uvre, qui se propose ici &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre litt&eacute;raire num&eacute;rique saisie &agrave; travers le prisme de l&rsquo;instant. Chaque clic sur un lien hypertexte, d&rsquo;ailleurs, souligne &laquo;&nbsp;l&rsquo;&eacute;nergie suggestive du langage, de l&rsquo;image, de l&rsquo;&eacute;clairage, de la mise en espace et de l&rsquo;animation&nbsp;&raquo;, pour Alexandra Saemmer&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;hypertexte participe donc d&rsquo;une po&eacute;tique et d&rsquo;une &eacute;conomie pragmatique du <em>ravissement</em>, le clic m&rsquo;engouffrant brutalement dans un ailleurs inconnu. De m&ecirc;me, le surgissement en ligne de l&rsquo;&oelig;uvre litt&eacute;raire hyperli&eacute;e, ou tout simplement nativement num&eacute;rique, parfois encore mal d&eacute;polie, entach&eacute;e de scories qui pourront &eacute;ventuellement dispara&icirc;tre lors d&rsquo;une ult&eacute;rieure relecture-mise &agrave; jour, lui conf&egrave;re l&rsquo;intensit&eacute; conserv&eacute;e du geste cr&eacute;ateur. L&rsquo;instant cr&eacute;ateur, comme le soulignait d&eacute;j&agrave; Bachelard, ouvre &agrave; la dimension du commencement&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Or, le commencement, toujours relanc&eacute;, a d&eacute;j&agrave; son genre&nbsp;: l&rsquo;essai, dont la po&eacute;tique se laisse caract&eacute;riser par &laquo;&nbsp;cet &eacute;lan permanent de l&rsquo;entr&eacute;e, pulsion de discours renouvel&eacute;e &agrave; chaque phrase&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>&nbsp;&raquo;. Le site &laquo;&nbsp;en recomposition permanente&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>&nbsp;&raquo; et le blog per&ccedil;u comme &laquo;&nbsp;enchev&ecirc;trements, marqueterie, hoquetante psalmodie&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>&nbsp;&raquo; entassant fragment sur fragment, renouent avec cette &eacute;volutivit&eacute; inh&eacute;rente &agrave; l&rsquo;essai, en cela distinct du trait&eacute; aux vis&eacute;es plus p&eacute;remptoires. C&rsquo;est m&ecirc;me &agrave; une vitalit&eacute; neuve qu&rsquo;il aspire, reprenant &agrave; chaque occasion le fil de son discours, non seulement pour le moduler et le prolonger, mais bien pour y r&eacute;inscrire un &eacute;lan &eacute;nonciatif capable de revigorer l&rsquo;ensemble. D&egrave;s lors, multipliant les incipit, le site r&eacute;-arme et r&eacute;-ancre &agrave; chaque instant la performativit&eacute; d&rsquo;une parole d&rsquo;&eacute;crivain. Il fait m&ecirc;me de l&rsquo;instant l&rsquo;occasion d&rsquo;une telle relance de la pens&eacute;e. Si l&rsquo;essai comme le site renoncent &agrave; l&rsquo;affirmation de v&eacute;rit&eacute;s intimidantes d&rsquo;&ecirc;tre pr&eacute;sent&eacute;es comme d&eacute;finitives et ind&eacute;passables, c&rsquo;est que tous deux s&rsquo;ancrent de fait dans un terreau mouvant par d&eacute;finition, celui du pr&eacute;sent de leur &eacute;nonciation. &laquo;&nbsp;La philosophie pr&eacute;tend aux v&eacute;rit&eacute;s &eacute;ternelles, si l&rsquo;on en croit Platon&nbsp;&raquo;, rappellent Glaudes&nbsp;et Louette, &laquo;&nbsp;l&rsquo;essai fait du circonstanciel l&rsquo;objet de sa m&eacute;ditation&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>&raquo;. Nommons <em>e-ssai</em> le terrain de jeu de cet &laquo;&nbsp;instant qui d&eacute;cide et qui &eacute;branle&nbsp;&raquo; tant l&rsquo;auteur que le lecteur, progressant par vagues successives, gages d&rsquo;une nouveaut&eacute; entretenue comme un feu pr&eacute;cieux&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il faut du nouveau&nbsp;&raquo;, &eacute;crivait encore Bachelard, &laquo;&nbsp;pour que la pens&eacute;e intervienne, il faut du nouveau pour que la conscience s&rsquo;affirme et que la vie progresse. Or, dans son principe, la nouveaut&eacute; est &eacute;videmment toujours instantan&eacute;e&nbsp;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;">Au terme de ce parcours, qui lui-m&ecirc;me se contente d&rsquo;ouvrir le dossier <em>Web Satori</em>, l&rsquo;instant, consid&eacute;r&eacute; comme le r&eacute;gime de temporalit&eacute; privil&eacute;gi&eacute; d&rsquo;une &eacute;criture num&eacute;rique, s&rsquo;est d&eacute;ploy&eacute; tant vers sa r&eacute;ception en aval, qu&rsquo;en amont vers des formes et des genres anciens, revisit&eacute;s par l&rsquo;activit&eacute; de ces &eacute;crivains du Web, ou <em>&eacute;cranvains</em>. C&rsquo;est qu&rsquo;un des strates les plus profondes des pratiques litt&eacute;raires concern&eacute;es se nourrit du r&ecirc;ve fou de dire, malgr&eacute; tout, malgr&eacute; la modernit&eacute; et Mallarm&eacute; notamment, le monde par le langage. L&rsquo;imm&eacute;diatet&eacute;, le fantasme de la synchronie perception/publication/r&eacute;ception, permettrait de r&eacute;tribuer autrement le d&eacute;faut des langues. L&rsquo;efficace technique incarn&eacute; par des outils performants, smartphone, tablette, ordinateur, l&rsquo;&eacute;clatement s&eacute;miotique des contenus &ndash; son, image, texte &ndash; tentent ainsi de n&eacute;gocier avec l&rsquo;embarras propre &agrave; notre litt&eacute;rature dans son rapport au monde. Les tenants d&rsquo;un Web de l&rsquo;information soulignent d&rsquo;ailleurs &agrave; l&rsquo;envi la puissance du r&eacute;seau et saluent l&rsquo;instant comme cet &eacute;clair performatif r&eacute;duisant presque &agrave; n&eacute;ant bruit et retard dans la transmission des messages. Mais si les &eacute;cranvains, on en aura vu quelques exemples ici, exploitent &agrave; leurs fins propres les capacit&eacute;s des plateformes, c&rsquo;est bien pour mener, toujours, une interrogation sur le rapport de la langue au monde, voire pour &eacute;vider cet instant trop plein, satur&eacute; d&rsquo;informations, en le faisant dialoguer notamment avec l&rsquo;image photographique. Les po&egrave;mes de Jean-Yves Fick d&eacute;territorialisent volontiers le r&eacute;f&eacute;rent de la photo, par la mise en espace de blancs, venus trouer le texte mais aussi susciter des circulations d&rsquo;air entre l&rsquo;&eacute;crit et l&rsquo;image. Les &laquo;&nbsp;Grains d&rsquo;instants&nbsp;&raquo; de Christophe Grossi se jouent ainsi, de fa&ccedil;on exemplaire, d&rsquo;un rapport de l&rsquo;&eacute;criture &agrave; l&rsquo;imm&eacute;diatet&eacute; suppos&eacute;e de l&rsquo;image d&eacute;pos&eacute;e sur Instagram, en proposant d&eacute;calages et &laquo;&nbsp;d&eacute;bo&icirc;tements&nbsp;&raquo; &ndash; le titre de son blog litt&eacute;raire &ndash; indispensables au surgissement d&rsquo;une &eacute;criture d&eacute;centr&eacute;e&nbsp;<a href="#_ftn32" name="_ftnref32">[32]</a>.</p> <p style="text-align: justify;"><a class="fancybox image" href="#_ftn"><img alt="Doc. 7 ‒ Christophe Grossi, http://deboitements.net/spip.php?rubrique50" class="alignnone size-medium wp-image-1659" loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/7-C-Grossi-Grainns-dinstants-300x106.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/7-C-Grossi-Grainns-dinstants-300x106.jpg 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/7-C-Grossi-Grainns-dinstants-1024x361.jpg 1024w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/7-C-Grossi-Grainns-dinstants-810x285.jpg 810w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/7-C-Grossi-Grainns-dinstants-1140x402.jpg 1140w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/05/7-C-Grossi-Grainns-dinstants.jpg 1541w" style="width: 300px; height: 106px;" /></a></p> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;"><small>Doc. 7 ‒ Christophe Grossi, <a href="http://deboitements.net/spip.php?rubrique50" target="_blank">http://deboitements.net/spip.php?rubrique50</a></small></p> <p style="text-align: justify;">Autant de formes de r&eacute;sistance vive &agrave; l&rsquo;&eacute;vidence, voire &agrave; la fascination de l&rsquo;instant comme possibilit&eacute;, ici reconnue vaine, de fixer le sens.</p> <h3 style="text-align: justify;">Notes<br /> &nbsp;</h3> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a> Je renvoie ici &agrave; l&rsquo;ouvrage de Serge Bouchardon, <em>La Valeur heuristique de la litt&eacute;rature num&eacute;rique</em>, Paris, Hermann, &laquo;&nbsp;Cultures num&eacute;riques&nbsp;&raquo;, 2014, p. 12.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a> M. Doueihi, <em>Pour un humanisme num&eacute;rique</em>, Paris, Seuil, 2011, p. 18.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a> R. Simone, <em>Pris dans la Toile. L&rsquo;esprit au temps du Web</em>, Paris, Gallimard, 2012, p. 24.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a>&nbsp;A. Bertina, <em>Je suis une aventure</em>, Paris, Verticales, 2012, p. 370.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a> J&rsquo;ai plaisir &agrave; emprunter cette notion &agrave; Yves Vad&eacute;, qui l&rsquo;avait forg&eacute;e dans son article &laquo;&nbsp;Pour introduire les chronotypes&nbsp;&raquo;, in <em>L&rsquo;Invention du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle, le XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle par lui-m&ecirc;me</em>, Paris, Klincksieck, 1999, p. 195-205.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a> R. Barthes, <em>&OElig;uvres compl&egrave;tes, </em>t. 3, Paris, Seuil, 2002, p.&nbsp;706.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a> F. Georges, &laquo;&nbsp;Repr&eacute;sentation de soi et identit&eacute; num&eacute;rique. Une approche s&eacute;miotique et quantitative de l&rsquo;emprise culturelle du Web 2.0&nbsp;&raquo;, <em>R&eacute;seaux</em>, n<sup>o</sup>154, 2009, p. 191 et 168.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a> <em>D&rsquo;ici l&agrave;</em>, n<sup>o</sup>7, Pierre M&eacute;nard (dir.), Publie.net, 2011.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a> <a href="http://www.fut-il.net/2015/12/morning-la-fenetre-s04.html" target="_blank">http&nbsp;://www.fut-il.net/2015/12/morning-la-fenetre-s04.html</a></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a> Christine Buci-Glucksman, <em>Esth&eacute;tique de l&rsquo;&eacute;ph&eacute;m&egrave;re</em>, Paris, Galil&eacute;e, 2003, p. 25.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a> J.-M. Seillan, &laquo;&nbsp;L&rsquo;instant stendhalien et les limites de l&rsquo;&eacute;criture litt&eacute;raire&nbsp;&raquo;, <em>Modernit&eacute;s</em>, n<sup>o</sup>11, &laquo;&nbsp;L&rsquo;instant romanesque&nbsp;&raquo;, Talence, Presses Universitaires de Bordeaux, 1998, p. 31.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a> V. Jank&eacute;l&eacute;vitch, <em>Le Je-ne-sais-quoi et le presque rien</em>, t. 1, &laquo;&nbsp;La mani&egrave;re et l&rsquo;occasion&nbsp;&raquo;, Paris, Seuil, Points, 1980, p. 142.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a> Jean-Christophe Bailly, <em>L&rsquo;Instant et son ombre</em>, Paris, Seuil, 2008, p. 54.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a> <em>Op. cit</em>., p. 16.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a> Roland Barthes, <em>La Pr&eacute;paration du roman I et II</em>, Paris, Seuil&nbsp;/ Imec, 2003, p. 85.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a>&nbsp;<a href="http://deboitements.net/spip.php?article761" target="_blank">deboitements.net/spip.php?article761</a></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a>&nbsp;<a href="http://meshaikus.canalblog.com" target="_blank">http://meshaikus.canalblog.com</a></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a> Roland Barthes, <em>La Chambre claire, </em>in <em>O.C</em>. t. 5, Paris, Seuil, 2002, p. 828.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a> Andr&eacute; Gunthert, <em>L&rsquo;Image partag&eacute;e. La photographie num&eacute;rique</em>, Paris, Textuel, 2015, p. 156 et 154.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a> S. Monjour, <em>La Litt&eacute;rature &agrave; l&rsquo;&egrave;re photographique</em>, Th&egrave;se de doctorat, Rennes 2 &ndash; Montr&eacute;al, 2015, p. 103.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a> <a href="http://tcrouzet.com/2013/11/24/la-send-generation-pecha-kucha-remix/" target="_blank">http&nbsp;://tcrouzet.com/2013/11/24/la-send-generation-pecha-kucha-remix/</a>. Voir &eacute;galement Thierry Crouzet, <em>La M&eacute;canique du texte</em>, Publie.net, 2015.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a> Voir leur article &laquo;&nbsp;&Eacute;crire l&rsquo;auteur&nbsp;: la pratique &eacute;ditoriale comme construction socioculturelle de la litt&eacute;rarit&eacute; des textes sur le Web&nbsp;&raquo;, in <em>L&rsquo;Auteur en r&eacute;seau, les r&eacute;seaux de l&rsquo;auteur</em>, Orianne Deseilligny &amp; Sylvie Ducas (dir.), Nanterre, Presses Universitaires Paris Ouest, 2013, p. 61.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a> <a href="https://www.publie.net/livre/140-tunnels/" target="_blank">https&nbsp;://www.publie.net/livre/140-tunnels/</a></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a> J.-C. Bailly, <em>op. cit</em>., p. 112.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a> A. Saemmer, <em>Mati&egrave;res textuelles sur support num&eacute;rique</em>, Presses universitaires de Saint-&Eacute;tienne, 2007, p. 16.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a> Voir son <em>Intuition de l&rsquo;instant</em>, Paris, Le Livre de Poche, 1994, p. 18 notamment.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a> Marielle Mac&eacute;, <em>Le Temps de l&rsquo;essai. Histoire d&rsquo;un genre en France au XX<sup>e</sup> si&egrave;cle</em>, Paris, Belin, 2006, p. 164.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a> <a href="http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article3749" target="_blank">http&nbsp;://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article3749</a> .</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a> <a href="http://lambertschlechter.blogspot.fr/search?updated-max=2015-09-25T12:48:00%2B02:00&amp;max-results=15&amp;start=32&amp;by-date=false" target="_blank">http&nbsp;://lambertschlechter.blogspot.fr/search?updated-max=2015-09-25T12&nbsp;:48&nbsp;:00%2B02&nbsp;:00&amp;max-results=15&amp;start=32&amp;by-date=false</a>; 19 septembre 2015.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a> P. Glaudes&nbsp;&amp; J.-F. Louette, <em>L&rsquo;Essai</em>, Paris, Hachette, &laquo;&nbsp;Contours litt&eacute;raires&nbsp;&raquo;, 1999&nbsp;; 2<sup>&egrave;me</sup> &eacute;dition, Paris, Armand Colin, 2011, p. 134.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a> G. Bachelard, <em>op. cit</em>., p. 22 et 37.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref32" name="_ftn32">[32]</a> Voir <a href="http://deboitements.net/spip.php?rubrique50" target="_blank">http&nbsp;://deboitements.net/spip.php?rubrique50</a> .</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="Auteur">Auteur</span></h3> <p style="text-align: justify;"><strong>Gilles Bonnet</strong> est Professeur de litt&eacute;rature &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; Jean Moulin-Lyon 3, o&ugrave; il dirige le centre de recherches MARGE. Ses travaux portent sur la litt&eacute;rature fran&ccedil;aise moderne et contemporaine, et tout particuli&egrave;rement sur les rapports entre litt&eacute;rature et Internet. Un essai, intitul&eacute; <em>Pour une po&eacute;tique num&eacute;rique</em>, para&icirc;tre fin 2017 aux &eacute;ditions Hermann. Il a &eacute;dit&eacute; les actes du colloque &laquo;&nbsp;Internet est un cheval de Troie&nbsp;: la litt&eacute;rature, du Web au livre&nbsp;&raquo;, sur le site Fabula (<a href="https://www.fabula.org/colloques/sommaire4120.php" target="_blank">lien</a>).</p> <h3 style="text-align: justify;">Copyright</h3> <p style="text-align: justify;">Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p> </div>