<div class="entry-content"> <h3>Abstract</h3> <p>Literary writing on blogs in the form of daily notes, micro-fictions or poems, is often inspired by encounters, allowing the reinvention of the figure of the fl&acirc;neur (and to a lesser extent, of the collector) and the ancient art of discovery. It revives the practice of the artistic depiction of modern life which gained legitimacy in the 19th century; but it may also be considered as one of the &lsquo;arts of doing&rsquo; that Michel de Certeau regarded as so important in European culture. In the 1970s, Certeau showed how the &lsquo;practice of everyday life&rsquo; was in competition with institutionalised scholarly knowledge from the 17<sup>th</sup> century onwards. Our aim here is to analyse how this blog writing, in placing value on the banal, allows us to question our own place in the ever-evolving present time.</p> <p><strong>Keywords</strong></p> <p class="meta-tags">blog, photography, wandering, serendipity, wanderer, daily life</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;&eacute;criture litt&eacute;raire du blog, en ses notes quotidiennes, micro-fictions ou po&egrave;mes, souvent suscit&eacute;s par des rencontres, et qui se donnent &agrave; lire &agrave; partir du plus r&eacute;cent, r&eacute;invente aujourd&rsquo;hui une figure du fl&acirc;neur (et, dans une moindre mesure, du collectionneur) et un art de la trouvaille dont les racines sont anciennes. Elle r&eacute;active une peinture de la vie moderne qui a conquis sa l&eacute;gitimit&eacute; artistique au XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle, mais elle s&rsquo;inscrit &eacute;galement dans une requalification des arts de faire et des pratiques quotidiennes dont Michel de Certeau a montr&eacute; depuis les ann&eacute;es 1970 l&rsquo;importance dans la culture europ&eacute;enne, au c&ocirc;t&eacute; de, et souvent en rivalit&eacute; avec, les savoirs savants institutionnalis&eacute;s depuis le XVII<sup>e</sup> si&egrave;cle. Nous voudrions ici analyser comment cette &eacute;criture du blog, en valorisant l&rsquo;anodin, le fugace ou l&rsquo;infime, approfondit un art de la d&eacute;viance, politique, fictionnelle ou imaginaire, et r&eacute;interroge notre inscription dans un pr&eacute;sent en devenir.</p> <h2><span id="1_Lecrivain_blogueur_peintre_de_la_vie_moderne">1. L&rsquo;&eacute;crivain blogueur, peintre de la vie moderne</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">La pr&eacute;sentation de la s&eacute;rie &laquo;&nbsp;Balades photo&nbsp;&raquo; de Dominique Hasselmann par Fran&ccedil;ois Bon sur le site remue.net rappelle les grands mod&egrave;les d&rsquo;une &eacute;criture de la d&eacute;ambulation urbaine en dialogue avec l&rsquo;image photographique&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Paris au gr&eacute; de la fl&acirc;nerie, Paris des &eacute;crivains &agrave; port&eacute;e d&rsquo;&oelig;il, dans la magie baudelairienne des instants de la ville &ndash; entre instants d&rsquo;&eacute;piphanie saisis sur le vif, et les livres et la litt&eacute;rature relus dans la rue, c&rsquo;est sur remue.net manifester notre attachement &agrave; <em>Nadja</em>, au <em>Paysan</em>, &agrave; la grande tradition surr&eacute;aliste d&rsquo;entre la ville et les signes&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Ces chroniques urbaines int&egrave;grent d&rsquo;ailleurs souvent une dimension r&eacute;flexive, comme l&rsquo;indique clairement la page &laquo;&nbsp;Fl&acirc;nerie interdite&nbsp;&raquo; de la s&eacute;rie &laquo;&nbsp;La ville &eacute;crite&nbsp;&raquo; d&rsquo;Arnaud Ma&iuml;setti, o&ugrave; tente de s&rsquo;approfondir la relation avec les mod&egrave;les invoqu&eacute;s, en m&ecirc;me temps que le compagnonnage se tresse de renvois hypertextuels (ici soulign&eacute;s) aux auteurs ou aux notions cit&eacute;s, qui essaie de conjurer l&rsquo;angoisse d&rsquo;un univers beaucoup plus contraint&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Baudelaire, <a href="http://arnaudmaisetti.net/spip/spip.php?rubrique108" target="_blank">Blanqui</a>, Benjamin (<a href="http://arnaudmaisetti.net/spip/spip.php?article1514" target="_blank">Bataille</a>, pour la destruction du but) (et Blanchot pour le <a href="http://arnaudmaisetti.net/spip/spip.php?article1077" target="_blank">d&eacute;s&oelig;uvrement</a>) &ndash;&nbsp;dans nos errances, on voudrait rejoindre leurs ombres, on voudrait glisser la n&ocirc;tre sous elles&nbsp;: et nos ombres sont errantes dans l&rsquo;espace judiciaris&eacute; qu&rsquo;est devenue la ville&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Quelques textes de la s&eacute;rie de Fran&ccedil;ois Bon &laquo;&nbsp;&Eacute;tranget&eacute;s concernant les villes&nbsp;&raquo; mettent particuli&egrave;rement en abyme la figure du fl&acirc;neur observateur, et questionnent la dimension probl&eacute;matique de la captation visuelle dans l&rsquo;univers urbain. Dans &laquo;&nbsp;L&rsquo;&oelig;il dans la ville&nbsp;&raquo;, le fl&acirc;neur (&laquo;&nbsp;moi, qui n&rsquo;avait rien &agrave; faire ici et qui m&rsquo;&eacute;tait arr&ecirc;t&eacute; une seconde photographier l&rsquo;appareil&nbsp;&raquo;) tombe sur un &oelig;il autrement plus performant que le sien, un &oelig;il machine sur son tr&eacute;pied, qui capte, au-del&agrave; du visible, &laquo;&nbsp;notre r&eacute;seau de relations, l&rsquo;infini et grouillant nuage de notre totalit&eacute; relationnelle&nbsp;&raquo;, qui int&egrave;gre et supplante la ville elle-m&ecirc;me comme contexte de toutes les rencontres possibles. La s&eacute;rie de photos qui accompagne ce texte progresse vers un gros plan de cet &oelig;il machine qui, occupant toute l&rsquo;image, semble effectivement avoir englouti la ville et s&rsquo;avancer avec voracit&eacute; vers l&rsquo;internaute&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>.</p> <p style="text-align: center;"><a class="fancybox image" href="#_ftn"><img alt="Doc. 1 et 2 – « L’œil dans la ville », images en fin de texte (François Bon, Tiers Livre, série « Étrangeté concernant les villes », ici)." class="alignnone size-medium wp-image-1726" loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/Figure-1-oeil_2-1-300x200.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/Figure-1-oeil_2-1-300x200.jpg 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/Figure-1-oeil_2-1.jpg 540w" style="width: 300px; height: 200px;" /></a></p> <p style="text-align: center;"><img alt="Doc. 1 et 2 – « L’œil dans la ville », images en fin de texte (François Bon, Tiers Livre, série « Étrangeté concernant les villes », ici)." class="size-medium wp-image-1727 aligncenter" loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/Figure-2-oeil_3-300x200.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/Figure-2-oeil_3-300x200.jpg 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/Figure-2-oeil_3.jpg 540w" style="width: 300px; height: 200px;" /></p> <p style="padding-left: 30px; text-align: justify;"><small>Doc.&nbsp;1 et 2 &ndash; &laquo;&nbsp;L&rsquo;&oelig;il dans la ville&nbsp;&raquo;, images en fin de texte (Fran&ccedil;ois Bon, Tiers Livre, s&eacute;rie &laquo; &Eacute;tranget&eacute; concernant les villes&nbsp;&raquo;, <a href="http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article3231" target="_blank">ici</a>).</small></p> <p style="text-align: justify;">Dans la m&ecirc;me s&eacute;rie &laquo;&nbsp;&Eacute;tranget&eacute;s concernant les villes&nbsp;&raquo;, &agrave; la page &laquo;&nbsp;Branche 4 bis du tombeau de Joseph Beuys&nbsp;&raquo;, compos&eacute;e d&rsquo;une s&eacute;rie de propositions cin&eacute;matographiques (sous l&rsquo;enseigne d&rsquo;un miroir de surveillance, dont le passage de la souris provoque le grossissement), la Section 26 intitul&eacute;e <em>&laquo;&nbsp;d&eacute;velopper l&rsquo;inventaire des captations arbitraires&nbsp;&raquo;&nbsp;</em>propose une r&eacute;&eacute;criture de &laquo;&nbsp;l&rsquo;homme des foules&nbsp;&raquo; de Poe puis Baudelaire, avec pour mod&egrave;le non plus le peintre Constantin Guys, mais le cin&eacute;aste russe d&rsquo;avant-garde Ziga Vertov&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">images &agrave; hauteur de buste, et se d&eacute;placer soi dans une foule, devenir homme-cam&eacute;ra selon moyens mobiles d&rsquo;aujourd&rsquo;hui, transposer la suite des figures de Ziga Vertov dans une m&eacute;tropole contemporaine<br /> passer aussi dans les tombes<br /> explorer les lieux de travail<br /> revenir &agrave; celui qui est dans son appartement et n&rsquo;ose pas en sortir&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Ici s&rsquo;articulent l&rsquo;ext&eacute;rieur urbain dans la multiplicit&eacute; de ses d&eacute;cors et l&rsquo;int&eacute;rieur-coquille du reclus, en une compl&eacute;mentarit&eacute; qu&rsquo;avait d&eacute;j&agrave; d&eacute;crite Walter Benjamin, quand les trouvailles chin&eacute;es dehors se font ornementations d&rsquo;un dedans &agrave; l&rsquo;image de l&rsquo;habitant&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Certains des textes de la s&eacute;rie &laquo;&nbsp;&Eacute;tranget&eacute;s concernant les villes&nbsp;&raquo;, courts r&eacute;cits &agrave; tonalit&eacute; fantastique&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>, proches du po&egrave;me en prose (qui peu &agrave; peu composent un <em>Spleen des m&eacute;tropoles</em>&nbsp;?), n&rsquo;oublient pas en effet de faire surgir les chambres, &eacute;crins des corps, en leurs m&eacute;tamorphoses contemporaines&nbsp;: cases superpos&eacute;es pour une humanit&eacute; qui vit donc d&eacute;sormais en rampant&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>&nbsp;; s&eacute;ries d&rsquo;&eacute;crans qui mat&eacute;rialisent la chambre mentale, l&rsquo;ancienne projection psychologique de l&rsquo;individu sur son d&eacute;cor&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>, en soutirant et affichant toutes ses donn&eacute;es personnelles&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>&nbsp;; s&eacute;rie de chambres d&rsquo;h&ocirc;tels toutes semblables o&ugrave; l&rsquo;identit&eacute; du sujet ne peut plus s&rsquo;affirmer que dans la scrutation de sa propre absence&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Les &laquo;&nbsp;instants d&rsquo;&eacute;piphanie&nbsp;saisis sur le vif&nbsp;&raquo; peuvent donc susciter une d&eacute;rive imaginaire o&ugrave; s&rsquo;exprime l&rsquo;angoisse inverse d&rsquo;un vertige de la s&eacute;riation, de la totalisation, qui pi&egrave;ge le sujet singulier, entrave sa libert&eacute; et sa capacit&eacute; &agrave; r&eacute;agir. Ce sont les principes de ce surgissement fondateur, essentiel &agrave; la fertilit&eacute; de la fl&acirc;nerie, et dont la perte est th&eacute;matis&eacute;e avec angoisse, que nous voudrions &agrave; pr&eacute;sent analyser.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="2_Un_art_du_kairos">2. Un art du kairos</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Il faut approfondir ce que la figure du fl&acirc;neur et sa capacit&eacute; de captation &agrave; l&rsquo;aide des &laquo;&nbsp;moyens mobiles d&rsquo;aujourd&rsquo;hui&nbsp;&raquo; doit &agrave; une tr&egrave;s ancienne intelligence tactique de <em>l&rsquo;occasion</em>, du <em>moment opportun (kairos)</em>, qui pr&eacute;dispose &agrave; la rencontre d&rsquo;une <em>trouvaille</em>. Michel de Certeau en voit la trace dans la <em>m&egrave;tis</em> des Grecs, analys&eacute;e par Marcel Detienne et Jean-Pierre Vernant dans <em>Les Ruses de l&rsquo;intelligence </em>(1974), et il choisit d&rsquo;en d&eacute;tailler le m&eacute;canisme pour pouvoir mieux comprendre, au chapitre suivant de son essai <em>L&rsquo;Invention du quotidien</em>, les &laquo;&nbsp;Marches dans la ville&nbsp;&raquo;, la fa&ccedil;on dont les &laquo;&nbsp;marcheurs&nbsp;&raquo;, &agrave; l&rsquo;oppos&eacute; des totalisations d&rsquo;une vision surplombante ou panoramique, red&eacute;couvrent l&rsquo;&eacute;tranget&eacute; du quotidien, en pr&eacute;f&eacute;rant le fragment et en amplifiant le d&eacute;tail, d&rsquo;une part, en d&eacute;faisant la continuit&eacute; et en d&eacute;r&eacute;alisant la vraisemblance, d&rsquo;autre part (il y a ainsi pour de Certeau une &laquo;&nbsp;rh&eacute;torique cheminatoire&nbsp;&raquo; qui repose sur la synecdoque et l&rsquo;asynd&egrave;te&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>). Cette fa&ccedil;on d&rsquo;isoler et de singulariser le d&eacute;tail de la d&eacute;ambulation urbaine est de fait &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre dans la s&eacute;rie &laquo;&nbsp;Fictions dans un paysage&nbsp;&raquo; de Fran&ccedil;ois Bon. Cette s&eacute;rie, sous-titr&eacute;e &laquo;&nbsp;De l&rsquo;imaginaire du monde par nos photographies <em>qui l&rsquo;arr&ecirc;tent</em>&nbsp;&raquo; (je souligne), appartient, comme la s&eacute;rie &laquo;&nbsp;&nbsp;&Eacute;tranget&eacute;s concernant les villes&nbsp;&raquo;, &agrave; la rubrique plus vaste &laquo;&nbsp;Tunnel des &eacute;critures &eacute;tranges&nbsp;&raquo;, et peut nous aider &agrave; comprendre le dispositif d&rsquo;&eacute;criture du blogueur-fl&acirc;neur&nbsp;: F. Bon &eacute;voque en effet pour &laquo;&nbsp;seule contrainte un lien le plus organique possible entre le texte &ndash; cens&eacute; ne rien conna&icirc;tre d&rsquo;autre, <em>&agrave; ce moment pr&eacute;cis</em>, que ce qu&rsquo;elles <em>isolent</em> provisoirement &ndash; et la s&eacute;rie d&rsquo;images sur un m&ecirc;me point tr&egrave;s pr&eacute;cis de r&eacute;el qu&rsquo;on <em>arr&ecirc;te</em>.&nbsp;&raquo; (je souligne). Il ajoute&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&rsquo;est une s&eacute;rie au long cours, uniquement bas&eacute;e sur l&rsquo;irruption &ndash; tellement rare bien s&ucirc;r &ndash; de ce <em>d&eacute;paysement&nbsp;</em><a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;">Or l&rsquo;&laquo;&nbsp;irruption du d&eacute;paysement&nbsp;&raquo;, l&rsquo;apparition soudaine de l&rsquo;&eacute;trange dans le quotidien qu&rsquo;arpente le fl&acirc;neur, et le retournement d&eacute;r&eacute;alisant de la perception ordinaire, reposent sur une gestion sp&eacute;cifique du temps et de la m&eacute;moire, sur cette saisie de l&rsquo;occasion, du moment opportun, qu&rsquo;analyse pr&eacute;cis&eacute;ment Michel de Certeau. Ce retournement, qui fait que l&rsquo;ordinaire le plus pauvre devient la source d&rsquo;un potentiel insoup&ccedil;onn&eacute;, implique la mise en &oelig;uvre d&rsquo;une m&eacute;moire pratique, d&rsquo;une m&eacute;moire des exp&eacute;riences pass&eacute;es, concentr&eacute; de savoir qui s&rsquo;actualise paradoxalement dans l&rsquo;instant (&laquo;&nbsp;l&rsquo;occasion loge tout ce savoir sous le volume le plus mince. Elle concentre le plus de savoir dans le moins de temps&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>&nbsp;&raquo;). Qu&rsquo;on songe par exemple &agrave; la qu&ecirc;te du chineur qui saura rep&eacute;rer, au plus obscur d&rsquo;une boutique d&eacute;labr&eacute;e, une pi&egrave;ce de grand prix, parce qu&rsquo;il aura reconnu la courbe ou l&rsquo;&eacute;clat d&rsquo;un type d&rsquo;objets qu&rsquo;il collectionne depuis longtemps. Autre paradoxe associ&eacute; &agrave; la saisie du moment opportun, celui qui s&rsquo;op&egrave;re dans la &laquo;&nbsp;juxtaposition de dimensions h&eacute;t&eacute;ronomes&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>&nbsp;&raquo;, dans la requalification de l&rsquo;objet per&ccedil;u, pour suivre l&rsquo;exemple du chineur, o&ugrave; le plus ordinaire (le d&eacute;bris apparent) devient le plus pr&eacute;cieux (un violon de fa&iuml;ence, un &eacute;ventail peint par Watteau&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>&hellip;). Un ordre spatial stabilis&eacute; (ici la boutique ensevelie dans sa poussi&egrave;re s&eacute;culaire) est modifi&eacute; par l&rsquo;irruption du temps tranchant de l&rsquo;occasion, et un &laquo;&nbsp;invisible savoir&nbsp;&raquo; bouleverse le &laquo;&nbsp;pouvoir visible&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>&nbsp;&raquo; (le beau est d&eacute;couvert en un endroit &eacute;tiquet&eacute; dans l&rsquo;espace social comme lieu de rebut).</p> <p style="text-align: justify;">N&rsquo;est-ce pas ce fonctionnement que l&rsquo;on trouve &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre dans &laquo;&nbsp;La disparition de la jeune fille en rouge&nbsp;&raquo;, extrait de la s&eacute;rie &laquo;&nbsp;&Eacute;tranget&eacute;s concernant les villes&nbsp;&raquo; de Fran&ccedil;ois Bon, o&ugrave; un escalier (de parking&nbsp;?) est requalifi&eacute; comme un &laquo;&nbsp;avaleur&nbsp;&raquo;&nbsp;? Si l&rsquo;escalier anodin, aux montants de b&eacute;ton macul&eacute;s d&rsquo;inscriptions tagu&eacute;es, est soudain per&ccedil;u comme un pr&eacute;dateur, gueule ouverte vers une passante qui le fr&ocirc;le (comme le montre la photographie qui ouvre le texte), c&rsquo;est parce qu&rsquo;une m&eacute;moire de savoirs et d&rsquo;exp&eacute;riences disjointes (&laquo;&nbsp;On dit que les villes sont vivantes.&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;On leur a tant demand&eacute;, &agrave; nos villes. On les use [&hellip;], on les creuse [&hellip;]&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;On dit que la fonction sacrificielle est si vieille dans nos soci&eacute;t&eacute;s [&hellip;]&nbsp;&raquo;), s&rsquo;actualise soudain dans un choc ici complexe, celui d&rsquo;une rencontre sit&ocirc;t doubl&eacute;e d&rsquo;une disparition (&laquo;&nbsp;Elle &eacute;tait l&agrave; et puis soudain plus&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>&nbsp;&raquo;), qui transforme la perception du contexte imm&eacute;diat, soudain rendu responsable de la disparition, &laquo;&nbsp;de fa&ccedil;on quantitativement disproportionn&eacute;e&nbsp;&raquo; &agrave; l&rsquo;&eacute;quilibre alentour qui semble perdurer. La stabilit&eacute; environnante, th&eacute;matis&eacute;e en amont par &laquo;&nbsp;la boutique &eacute;troite, l&rsquo;air comme endormie&nbsp;&raquo; avec ses &laquo;&nbsp;alternateurs align&eacute;s sur des &eacute;tag&egrave;res&nbsp;&raquo; (de sorte que le narrateur est presque un collectionneur fascin&eacute; par la s&eacute;rie, &laquo;&nbsp;r&eacute;p&eacute;tition d&rsquo;un objet de plus charg&eacute; pour moi de m&eacute;moire&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;curieux assemblage&nbsp;&raquo; qui pr&eacute;pare la d&eacute;couverte de l&rsquo;autre curiosit&eacute; qu&rsquo;est &laquo;&nbsp;l&rsquo;avaleur&nbsp;&raquo;), l&rsquo;est en aval par le vide dans lequel r&eacute;sonne l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement (vide de la boutique, vide des alentours). Mais la saisie du moment a fait jaillir un savoir nouveau, la conscience que la &laquo;&nbsp;structure de fer et de b&eacute;ton, immobile&nbsp;&raquo;, est en fait un &laquo;&nbsp;avaleur&nbsp;&raquo; dont il faut d&eacute;sormais s&rsquo;&eacute;loigner prudemment. Face &agrave; la banalit&eacute; anesth&eacute;siante de l&rsquo;ordre urbain se dresse la d&eacute;nonciation de sa violence cach&eacute;e, qui programme la disparition perl&eacute;e des individus auxquels on cesse d&rsquo;&ecirc;tre attentifs, plus radicalement encore que ces objets vieillissants des boutiques &eacute;troites auxquels s&rsquo;attache encore la nostalgie du promeneur&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>. L&rsquo;instant de la saisie est d&rsquo;autant plus dramatis&eacute; qu&rsquo;il r&eacute;sonne comme celui d&rsquo;autres pertes &agrave; venir. Le <em>kairos</em> de la rencontre du fl&acirc;neur est un moment d&rsquo;autant plus pr&eacute;cieux qu&rsquo;il est plus fragile, et le fl&acirc;neur conna&icirc;t le maelstr&ouml;m mena&ccedil;ant dans lequel il se produit (&laquo;&nbsp;La rue assourdissante autour de moi hurlait&nbsp;&raquo;, dit Baudelaire)&nbsp;: pour l&rsquo;&eacute;crivain blogueur, ce n&rsquo;est plus seulement le tourbillon de la ville, c&rsquo;est aussi celui de l&rsquo;espace virtuel du web qui lui conf&egrave;re la conscience aigu&euml; de cette fragilit&eacute;.</p> <p style="text-align: center;"><img alt="Doc. 3 – « La disparition de la jeune fille en rouge », image liminaire (François Bon, Tiers Livre, série « Étrangeté concernant les villes », ici)." class="alignnone size-medium wp-image-1728" loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/Figure-3-disparition-jfemme-en-rouge-300x200.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/Figure-3-disparition-jfemme-en-rouge-300x200.jpg 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/Figure-3-disparition-jfemme-en-rouge.jpg 420w" style="width: 300px; height: 200px;" /></p> <p style="padding-left: 30px; text-align: justify;"><small>Doc.&nbsp;3 &ndash; &laquo;&nbsp;La disparition de la jeune fille en rouge&nbsp;&raquo;, image liminaire (Fran&ccedil;ois Bon, Tiers Livre, s&eacute;rie &laquo;&nbsp;&Eacute;tranget&eacute; concernant les villes&nbsp;&raquo;, <a href="http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article3138" target="_blank">ici</a>).</small></p> <p style="text-align: justify;">&Agrave; la fl&acirc;nerie urbaine r&eacute;pond ainsi l&rsquo;autre fl&acirc;nerie, dans le cyberespace, quand la rencontre dans l&rsquo;espace r&eacute;el transcrite par le texte et l&rsquo;image devient chez le lecteur naviguant dans l&rsquo;espace virtuel l&rsquo;occasion d&rsquo;une autre trouvaille, suscitant &agrave; son tour la mise en jeu d&rsquo;une m&eacute;moire des exp&eacute;riences pass&eacute;es qui s&rsquo;actualise en un instant. Ce jeu de r&eacute;actions en cha&icirc;ne a &eacute;galement &eacute;t&eacute; pens&eacute; par Michel de Certeau, qui met en valeur l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; qui stimule la m&eacute;moire que mobilise l&rsquo;occasion&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">La m&eacute;moire pratique est r&eacute;gul&eacute;e par le jeu multiple de l&rsquo;alt&eacute;ration, non seulement parce qu&rsquo;elle ne se constitue que d&rsquo;&ecirc;tre marqu&eacute;e des rencontres externes et de collectionner ces blasons successifs et tatouages de l&rsquo;autre, mais aussi parce que ces &eacute;critures successives ne sont &laquo;&nbsp;rappel&eacute;es&nbsp;&raquo; au jour que par de nouvelles circonstances. [&hellip;] la m&eacute;moire est jou&eacute;e par les circonstances, comme le piano &laquo;&nbsp;rend&nbsp;&raquo; des sons aux touches des mains. Elle est sens de l&rsquo;autre. Aussi se d&eacute;veloppe-t-elle avec la relation [&hellip;]. Plus que enregistrante, elle est r&eacute;pondante&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">On comprend que cette m&eacute;moire r&eacute;pondante &laquo;&nbsp;du tac au tac&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>&nbsp;&raquo; est aujourd&rsquo;hui particuli&egrave;rement stimul&eacute;e par la circulation de l&rsquo;information en r&eacute;seaux, et on peut voir l&rsquo;exemple de ces trouvailles en cha&icirc;ne lorsque les commentaires accueillis sur la page du blogueur ne sont pas simple acquiescement, mais rebondissement et surgissement d&rsquo;une autre image. Ainsi, sur le site Gammalphabet o&ugrave; Jean-Yves Fick publie chaque jour un court po&egrave;me proche du haiku, et parfois une photographie, peut-on trouver le texte suivant, dont nous donnons ensuite le commentaire qu&rsquo;il a suscit&eacute; un jour apr&egrave;s&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;"><a href="https://gammalphabets.org/2016/07/13/infime-112/" target="_blank">infime &mdash; 112</a>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; 13 juillet 2016<br /> aux lisi&egrave;res du jour<br /> des rires d&rsquo;&eacute;toiles<br /> peu &agrave; peu qui s&rsquo;effacent<br /> sans jamais d&rsquo;ironie<br /> le fleuve d&eacute;couvre<br /> leurs reflets sur ses rives<br /> m&ecirc;me aux sables noirs.<br /> <a href="https://gammalphabets.org/2016/07/13/infime-112/#comments" target="_blank">1 commentaire</a><br /> loess de miroirs, grain &agrave; grain l&rsquo;&eacute;cho se mire&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a></p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Dans le po&egrave;me de J.-Y. Fick se d&eacute;ploie un petit diptyque qui oppose un ciel d&rsquo;aube &agrave; l&rsquo;obscurit&eacute; du fleuve, &eacute;trangement unifi&eacute; par un picotement p&acirc;lissant d&rsquo;&eacute;toiles. Or le commentaire est surtout sensible &agrave; cet &eacute;miettement, qu&rsquo;il accentue, et transpose sur le plan sonore (dans l&rsquo;image et l&rsquo;allit&eacute;ration g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;e en r). Ce rebondissement est peut-&ecirc;tre inconsciemment stimul&eacute; par la photographie post&eacute;e le m&ecirc;me jour par Jean-Yves Fick (sans lien direct avec le po&egrave;me) et intitul&eacute;e &laquo;&nbsp;Machiner la pluie &ndash; totem urbain 1&nbsp;&raquo;, o&ugrave; des architectures urbaines flout&eacute;es par la double m&eacute;diation, qui &eacute;crase la perspective, d&rsquo;une vitre et de la pluie, donnent l&rsquo;illusion d&rsquo;un visage stylis&eacute;. Si le lien entre le commentaire (qui se rapporte au po&egrave;me) et l&rsquo;image (laiss&eacute;e sans commentaire), n&rsquo;est pas d&eacute;lib&eacute;r&eacute;, en d&eacute;pit des jeux de miroirs et de d&eacute;litements qu&rsquo;ils partagent, l&rsquo;architecture de la page dessine l&rsquo;habituel carrefour qui appelle le surgissement d&rsquo;autres rencontres, et peut-&ecirc;tre, de nouvelles fulgurances, avec les autres interventions sollicit&eacute;es, concernant le m&ecirc;me po&egrave;me (&laquo;&nbsp;Laisser votre commentaire&nbsp;&raquo;), ou r&eacute;pondant au premier commentaire (&laquo;&nbsp;R&eacute;pondre&nbsp;&raquo;), ou renvoyant aux po&egrave;mes pr&eacute;c&eacute;dant (&laquo;&nbsp;Machiner la pluie &ndash; totem urbain 1&nbsp;&raquo;) ou suivant (&laquo;&nbsp;infime &ndash; 113&nbsp;&raquo;).</p> <p style="text-align: center;"><img alt="Doc. 4 – « Machiner la pluie – totem urbain 1 » (Jean-Yves Fick, Gammalphabet, 13 juillet 2016, ici)." aria-describedby="caption-attachment-1729" class="size-medium wp-image-1729" loading="lazy" sizes="(max-width: 224px) 100vw, 224px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/Figure-4-Machiner-la-pluie-224x300.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/Figure-4-Machiner-la-pluie-224x300.jpg 224w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/Figure-4-Machiner-la-pluie.jpg 490w" style="width: 224px; height: 300px;" /><br /> OLYMPUS DIGITAL CAMERA</p> <p style="padding-left: 30px; text-align: justify;"><small>Doc.&nbsp;4 &ndash; &laquo;&nbsp;Machiner la pluie &ndash; totem urbain 1&nbsp;&raquo; (Jean-Yves Fick, Gammalphabet, 13 juillet 2016, <a href="https://gammalphabets.org/2016/07/13/machiner-la-pluie-totem-urbain-1" target="_blank">ici</a>).</small></p> <p style="text-align: center;"><a class="fancybox image" href="#_ftn" name="_ftnref"><img alt="Doc. 5  – Commentaire signé « annajouy, 14 juillet 2016, 17h25 »,  au poème « infime – 112 » (Jean-Yves Fick, Gammalphabet, 13 juillet 2016, ici)." class="alignnone size-medium wp-image-1730 aligncenter" loading="lazy" sizes="(max-width: 291px) 100vw, 291px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/Figure-5-commentaire-Infime-112-291x300.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/Figure-5-commentaire-Infime-112-291x300.jpg 291w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/Figure-5-commentaire-Infime-112.jpg 720w" style="width: 291px; height: 300px;" /></a></p> <p style="padding-left: 30px; text-align: justify;"><small>Doc.&nbsp;5&nbsp; &ndash; Commentaire sign&eacute; &laquo;&nbsp;annajouy, 14 juillet 2016, 17h25&nbsp;&raquo;,&nbsp; au po&egrave;me &laquo;&nbsp;infime &ndash; 112&nbsp;&raquo; (Jean-Yves Fick, Gammalphabet, 13 juillet 2016, <a href="https://gammalphabets.org/2016/07/13/infime-112/#comments" target="_blank">ici</a>).</small></p> <p style="text-align: justify;">On voit comment cette &eacute;criture du blog maximise son ouverture &agrave; toutes les rencontres, et d&eacute;multiplie la force subversive du <em>kairos</em>, en mobilisant une pluralit&eacute; de m&eacute;moires, potentiellement riches de &laquo;&nbsp;d&eacute;tails cisel&eacute;s, singularit&eacute;s intenses&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a> &raquo;, et susceptibles de produire des retournements inattendus. Michel de Certeau prolonge l&rsquo;analyse de ce fonctionnement de la m&eacute;moire, dont il restitue l&rsquo;&eacute;tonnante plasticit&eacute; dans ses actualisations instantan&eacute;es et souvent disruptives, jusqu&rsquo;&agrave; une sorte de pr&eacute;science des usages contemporains du web&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Le plus &eacute;trange est sans doute la mobilit&eacute; de cette m&eacute;moire o&ugrave; les d&eacute;tails ne sont jamais ce qu&rsquo;ils sont&nbsp;: ni objets, car ils &eacute;chappent comme tels, ni fragments, car ils donnent aussi l&rsquo;ensemble qu&rsquo;ils oublient&nbsp;; ni totalit&eacute;s, car ils ne se suffisent pas&nbsp;; ni stables, puisque chaque rappel les alt&egrave;re. Cet &laquo;&nbsp;espace&nbsp;&raquo; d&rsquo;un non-lieu mouvant a la subtilit&eacute; d&rsquo;un monde cybern&eacute;tique. Il constitue probablement [&hellip;] le mod&egrave;le de l&rsquo;art de faire, ou de cette <em>m&egrave;tis</em> qui, en saisissant des occasions, ne cesse de restaurer dans des lieux o&ugrave; les pouvoirs se distribuent <em>l&rsquo;insolite pertinence du temps&nbsp;</em><a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a><em>.</em></p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Il en ressort que fl&acirc;nerie urbaine et fl&acirc;nerie sur le net&nbsp;rel&egrave;vent toutes deux d&rsquo;un art de faire, d&rsquo;un savoir pratique o&ugrave; la saisie du moment joue un r&ocirc;le crucial, &agrave; chaque instant, et le monde, mouvant, se r&eacute;invente, dans chacune de ces occasions capt&eacute;es et retourn&eacute;es.</p> <p style="text-align: justify;">En d&eacute;crivant un &laquo;&nbsp;art de la m&eacute;moire&nbsp;&raquo; fond&eacute; sur la gestion empirique du moment, De Certeau s&rsquo;oppose &agrave; une conception plus traditionnelle des techniques de m&eacute;moire depuis l&rsquo;Antiquit&eacute;, o&ugrave; la rem&eacute;moration des choses repose sur leur insertion dans un quadrillage spatial, assemblage des &eacute;l&eacute;ments d&rsquo;une architecture, voire vitrines successives d&rsquo;une collection&nbsp;: de la sorte, &laquo;&nbsp;la spatialisation du discours savant&nbsp;&raquo; rationalise et contr&ocirc;le l&rsquo;impr&eacute;visible de l&rsquo;occasion&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Or ces deux mod&egrave;les coexistent en r&eacute;alit&eacute;&nbsp;: il y a de fait une tension persistante entre, d&rsquo;une part, le quadrillage rationalisant de la taxinomie, qui garantit une visibilit&eacute; du contexte, et, partant, une lisibilit&eacute; de la trouvaille, progressivement envelopp&eacute;e dans les couches successives de ses significations, de ses appartenances &agrave; des classifications, et, d&rsquo;autre part, l&rsquo;al&eacute;a des empilements d&rsquo;exp&eacute;riences qui ont cr&eacute;&eacute; l&rsquo;occasion et permis l&rsquo;&eacute;mergence soudaine de ladite trouvaille.</p> <p style="text-align: justify;">Cette tension est diversement g&eacute;r&eacute;e sur les blogs litt&eacute;raires. Certains parient plut&ocirc;t sur le surgissement&nbsp;: le po&egrave;me du jour appara&icirc;t d&egrave;s l&rsquo;acc&egrave;s &agrave; la page d&rsquo;accueil de Gammalphabet, il faut d&eacute;rouler longuement celle-ci pour d&eacute;couvrir enfin le <em>blogroll</em>, menu lat&eacute;ral o&ugrave; sont list&eacute;es d&rsquo;abord les billets les plus r&eacute;cents, ensuite les diff&eacute;rentes s&eacute;ries po&eacute;tiques dans lesquels ils sont r&eacute;ordonn&eacute;s. Sur la page d&rsquo;accueil du site &laquo;&nbsp;D&eacute;sordre&nbsp;&raquo; de Philippe de Jonckheere, des photos sont jet&eacute;es en vrac (tas &eacute;pars rem&eacute;lang&eacute; &agrave; chaque navigation), sur lesquelles il faut cliquer pour acc&eacute;der &agrave; une s&eacute;rie qu&rsquo;on peut alors d&eacute;rouler chronologiquement, mais sans jamais pouvoir visualiser une architecture d&rsquo;ensemble du site&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>.</p> <p style="text-align: center;"><a class="fancybox image" href="#_ftn"><img alt="Doc. 6  – Page d’accueil du site « Désordre » de Philippe de Jonckheere (https://www.desordre.net/), le 6 août 2016." class="alignnone size-medium wp-image-1731 aligncenter" loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/Figure-6-De-Jonckheere-300x162.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/Figure-6-De-Jonckheere-300x162.jpg 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/Figure-6-De-Jonckheere-1024x554.jpg 1024w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/Figure-6-De-Jonckheere-810x439.jpg 810w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/Figure-6-De-Jonckheere-1140x617.jpg 1140w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/Figure-6-De-Jonckheere.jpg 1389w" style="width: 300px; height: 162px;" /></a></p> <p style="padding-left: 30px; text-align: justify;"><small>Doc.&nbsp;6&nbsp; &ndash; Page d&rsquo;accueil du site &laquo;&nbsp;D&eacute;sordre&nbsp;&raquo; de Philippe de Jonckheere (<a href="https://www.desordre.net/" target="_blank">https://www.desordre.net/</a>), le 6 ao&ucirc;t 2016.</small></p> <p style="text-align: justify;">&Agrave; l&rsquo;oppos&eacute;, d&rsquo;autres sites s&rsquo;ouvrent d&rsquo;abord par un sommaire. Celui du Tiers Livre de Fran&ccedil;ois Bon, quoique d&eacute;taill&eacute;, semble r&eacute;pondre &agrave; une rh&eacute;torique assez pragmatique, qui mime les interrogations du lecteur (sa premi&egrave;re subdivision s&rsquo;intitule &laquo;&nbsp;qui quoi comment&nbsp;?&nbsp;&raquo;, et chaque page contient dans son en-t&ecirc;te la formule &laquo;&nbsp;mais quelle est cette rubrique (se rep&eacute;rer)&nbsp;&raquo;). La page d&rsquo;accueil des Carnets d&rsquo;Arnaud Ma&iuml;setti propose quant &agrave; elle un sommaire extr&ecirc;mement soign&eacute;, en diverses cat&eacute;gories qui contiennent chacune trois subdivisions, lesquelles listent les trois textes les plus r&eacute;cents. Mais chaque page du carnet pr&eacute;sente ensuite, au-del&agrave; d&rsquo;un menu lat&eacute;ral gauche avec un sommaire simplifi&eacute; qui reprend le dispositif classificatoire initial, un choix de liens qui invite &agrave; une circulation plus libre sur le site, et qui r&eacute;pond &agrave; une rh&eacute;torique plus d&eacute;sinvolte&nbsp;: &laquo;&nbsp;par le milieu&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;une autre page des carnets arrach&eacute;e par hasard&nbsp;&raquo;. &Agrave; contrepied des dispositifs taxinomiques qui balisent trop strictement la lecture et limitent la surprise des rencontres, il s&rsquo;agit d&rsquo;encourager celles-ci en multipliant comme on l&rsquo;a vu les carrefours, mais on peut se demander si la qu&ecirc;te du &laquo;&nbsp;moment&nbsp;&raquo;, constamment stimul&eacute;e puisqu&rsquo;il suffit de cliquer sur un lien, n&rsquo;est pas <em>&agrave; tout moment</em> menac&eacute;e par la nomenclature, et la trouvaille sur le point de s&rsquo;enliser dans l&rsquo;exhibition ou le classement de la collection. Est-ce que les mises en listes pi&egrave;gent l&rsquo;instant du surgissement&nbsp;? &Agrave; moins qu&rsquo;elles ne le prot&egrave;gent et le p&eacute;rennisent dans l&rsquo;espace mouvant du web&hellip;</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="3_Lart_de_linfime_et_de_la_fugue">3. L&rsquo;art de l&rsquo;infime et de la fugue</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">On voudrait finalement s&rsquo;attacher &agrave; la fa&ccedil;on dont certains blogs litt&eacute;raires s&rsquo;efforcent de th&eacute;matiser l&rsquo;instant, quand il est moins temps du retournement que temps qui passe et temps qu&rsquo;il fait, temps mouvant mais suspendu dans le moment de sa captation (sensorielle et/ou photographique) et de sa transcription (&eacute;crite), temps rendu sensible dans l&rsquo;attention &agrave; l&rsquo;infime, non plus temps &eacute;lectris&eacute; du surgissement mais temps autrement arr&ecirc;t&eacute; dans sa continuit&eacute;, par une pr&eacute;hension ponctuelle. Le fl&acirc;neur, comme on sait, a la t&ecirc;te en l&rsquo;air et le nez au vent, &agrave; moins qu&rsquo;il ne scrute &agrave; terre un d&eacute;tail insignifiant.</p> <p style="text-align: justify;">La d&eacute;marche n&rsquo;est pas nouvelle. Comme le rappelle Marie-&Egrave;ve Th&eacute;renty, &laquo;&nbsp;il ne faudrait pas imputer au Web l&rsquo;invention de ph&eacute;nom&egrave;nes qui lui sont bien ant&eacute;rieurs et qu&rsquo;il amplifie et renouvelle comme l&rsquo;&eacute;criture du quotidien, le travail sur le fragment&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a> [&hellip;]&nbsp;&raquo;. Le fl&acirc;neur des po&egrave;mes en prose du <em>Spleen de Paris</em> est fascin&eacute; par &laquo;&nbsp;l&rsquo;architecture mobile des nuages&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;les merveilleuses constructions de l&rsquo;impalpable&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>&nbsp;&raquo;. L&rsquo;&eacute;criture diariste des Goncourt enregistre le jour qui &laquo;&nbsp;se l&egrave;ve pour la premi&egrave;re fois dans la brume d&rsquo;automne&nbsp;&raquo; (6 octobre 1870), &laquo;&nbsp;un ciel de sang, une lueur de cerise, teignant le ciel jusqu&rsquo;au bleu ombre de sa nuit &hellip;&nbsp;&raquo; (24 octobre 1870), &laquo;&nbsp;un l&eacute;ger lavis de nuages violets sur une feuille de papier d&rsquo;or&nbsp;&raquo; (27 octobre 1870)&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>. Le ha&iuml;ku a rendu compte aussi des instants du jour, et ajoute &agrave; l&rsquo;&eacute;ph&eacute;m&egrave;re de la notation, la bri&egrave;vet&eacute; de la forme et l&rsquo;effet de surprise de la chute. Ces diff&eacute;rents h&eacute;ritages (et le dernier cit&eacute;, particuli&egrave;rement) inspirent l&rsquo;&eacute;criture litt&eacute;raire des blogs, comme l&rsquo;attestent ces deux exemples, emprunt&eacute; l&rsquo;un au site &laquo;&nbsp;Paum&eacute;e&nbsp;&raquo; de Brigitte C&eacute;l&eacute;rier, l&rsquo;autre au site &laquo;&nbsp;Fut-il&nbsp;&raquo; de Christophe Sanchez&nbsp;: &laquo;&nbsp;ciel de pierre bleue / sous coup de fouet mod&eacute;r&eacute; / du seigneur mistral&nbsp;&raquo; (mardi 2 aout 2016, &laquo;&nbsp;Dans les rues, matin&nbsp;&raquo;)&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>&nbsp;; &laquo;&nbsp;L&rsquo;attente de l&rsquo;aube / Monte en ventre bleu / Et rouge, couperose / Sur le visage de l&rsquo;im- / Patient&nbsp;&raquo; (vendredi 8 janvier 2016)&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">On voudrait surtout s&rsquo;attarder sur les po&egrave;mes du site Gammalphabet de Jean-Yves Fick, parfois rang&eacute;s dans des s&eacute;ries au titre explicite&nbsp;(&laquo;&nbsp;Infimes&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Formes de peu&nbsp;&raquo;), qui comptent chacune plus d&rsquo;une centaine d&rsquo;items. Ces po&egrave;mes sont aussi tress&eacute;s aux fils d&rsquo;autres cat&eacute;gories&nbsp;: &laquo;&nbsp;Icaria&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Notes br&egrave;ves&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Riens&nbsp;&raquo;&hellip; Dans ces s&eacute;ries ouvertes, qui classent tout en m&eacute;langeant, et &eacute;tiquettent en blanc, car elles n&rsquo;indiquent que le vide ou le presque n&eacute;ant, l&rsquo;&eacute;crivain laisse en outre visibles des ratures et des t&acirc;tonnements, dans un site lui-m&ecirc;me plac&eacute; sous le signe de l&rsquo;essai (avec son sous-titre &laquo;&nbsp;Des essais de voix par temps contemporain&nbsp;&raquo;)&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">infimes &ndash; 118, 25 juillet 2016<br /> des feuillages<br /> d&rsquo;encore l&rsquo;&eacute;t&eacute;<br /> et dessous des voix<br /> que viennent m&ecirc;ler d&rsquo;ombres<br /> les formes diverses du jour<br /> avant que les yeux ne se ferment<br /> tout un monde <span style="text-decoration: line-through;">bascule</span> chute vers sa nuit&nbsp;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;instant fragile du soir d&rsquo;&eacute;t&eacute; o&ugrave; des voix conversent se dit dans un feuilletage de formes, de sons, d&rsquo;ombres, et la fr&ecirc;le &eacute;paisseur s&rsquo;abolit. Confusions infimes d&rsquo;&eacute;chos t&eacute;nus qui sont pourtant preuves de l&rsquo;&ecirc;tre&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">infimes &ndash; 123, 3 ao&ucirc;t 2016<br /> rumeurs<br /> comme de voix<br /> mais ce sont<br /> tout bas<br /> d&rsquo;autres h&ocirc;tes<br /> qui bruissent<br /> l&rsquo;exister &mdash;&nbsp;<a href="#_ftn32" name="_ftnref32">[32]</a><br /> <a href="https://gammalphabets.org/2016/07/31/formes-de-peu-213-2/" target="_blank">formes de peu &mdash;&nbsp;213</a>,<br /> cela que hisse del&agrave;<br /> le corps soudain aboli&nbsp; <span style="text-decoration: line-through;">&eacute;vanoui &eacute;vanescent &eacute;puis&eacute;</span><br /> regarde l&rsquo;&eacute;trange<br /> extr&ecirc;me de vivre&nbsp;<a href="#_ftn33" name="_ftnref33">[33]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Objets non finis, gliss&eacute;s dans des s&eacute;ries ouvertes, &agrave; l&rsquo;intersection de fils &agrave; tresser encore, voil&agrave; ce que semblent &ecirc;tre les instants capt&eacute;s, en mots transpos&eacute;s, de Jean-Yves Fick. Loin de la taxinomie qui fige l&rsquo;instant, il suscite, comme Des Esseintes avec son orgue &agrave; parfums dont des touches manquent, de curieuses contre-collections&nbsp;<a href="#_ftn34" name="_ftnref34">[34]</a>, qui jouent de la perception et de son &eacute;vanescence, de l&rsquo;essence et de son abolition, de l&rsquo;&eacute;mergence et de la n&eacute;antisation&nbsp;: le plus fragile, et le plus essentiel, de chaque instant, paradoxalement travaill&eacute; et esth&eacute;tis&eacute; dans sa fragilit&eacute; m&ecirc;me.</p> <h3 style="text-align: justify;">Notes<br /> &nbsp;</h3> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a>&nbsp;En ligne <a href="http ://www.remue.net/DH/index.html" target="_blank">ici</a>. Voir aussi la r&eacute;cente synth&egrave;se de Marie-&Egrave;ve Th&eacute;renty, &laquo;&nbsp;La rue au quotidien. Lisibilit&eacute;s urbaines, des tableaux de Paris aux d&eacute;ambulations surr&eacute;alistes&nbsp;&raquo;, <em>Romantisme</em>, n&deg;&nbsp;171, 2016, p.&nbsp;5-14.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a> <a href="http://www.arnaudmaisetti.net/spip/spip.php?article1726" target="_blank">http&nbsp;://www.arnaudmaisetti.net/spip/spip.php?article1726</a>, consult&eacute; le 6 ao&ucirc;t 2016. Voir aussi la page &laquo;&nbsp;Enjoy&nbsp;&raquo;, de la m&ecirc;me s&eacute;rie &laquo;&nbsp;La ville &eacute;crite&nbsp;&raquo;. La violence coercitive de la ville suscite un positionnement &agrave; rebours du fl&acirc;neur, comme l&rsquo;avait d&eacute;j&agrave; montr&eacute; Walter Benjamin (Chapitre III, &laquo;&nbsp;Le fl&acirc;neur&nbsp;&raquo; dans <em>Charles Baudelaire. Un po&egrave;te lyrique &agrave; l&rsquo;apog&eacute;e du capitalisme</em>, Payot, 2002).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a> &laquo;&nbsp;L&rsquo;&oelig;il dans la ville&nbsp;&raquo;, <a href="http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article3231" target="_blank">http&nbsp;://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article3231</a>, consult&eacute; le 6 ao&ucirc;t 2016.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a> &laquo;&nbsp;Branche 4 bis du tombeau de Joseph Beuys&nbsp;&raquo;, <a href="http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article3231" target="_blank">http&nbsp;://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article3231</a>, consult&eacute; le 6 ao&ucirc;t 2016.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a> <em>Paris, capitale du XIXe si&egrave;cle</em>, Expos&eacute; de 1939, &laquo;&nbsp;Louis-Philippe ou l&rsquo;int&eacute;rieur&nbsp;&raquo;, Cerf, 1989, p.&nbsp;40 <em>sq</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a> Sur l&rsquo;utilisation de ce registre chez F. Bon, en lien avec la d&eacute;ambulation urbaine, voir notamment Gilles Bonnet, <em>Fran&ccedil;ois Bon. D&rsquo;un monde en bascule</em>, La Baconni&egrave;re, 2011 (chap. 5, &laquo;&nbsp;Mondes possibles&nbsp;&raquo;, section &laquo;&nbsp;Dans la ville fantastique&nbsp;&raquo;, p.&nbsp;185 <em>sq</em>.)</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a> <a href="http ://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article3166" target="_blank">&laquo;&nbsp;Vivre en rampant&nbsp;&raquo;</a>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a> Voir mon essai <em>Po&eacute;tique de la collection au XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle</em>, Presses universitaires de Paris-Ouest, 2010, accessible en ligne&nbsp;: <a href="http://books.openedition.org/pupo/618?lang=fr" target="_blank">http&nbsp;://books.openedition.org/pupo/618?lang=fr</a></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a> &laquo;&nbsp;Remembrance of things past&nbsp;&raquo;, <a href="http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article3536" target="_blank">http&nbsp;://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article3536</a>, consult&eacute; le 6 ao&ucirc;t 2016.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a> &laquo;&nbsp;J&rsquo;ai dormi dans mon absence (nuits Cergy)&nbsp;&raquo;, <a href="http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4066" target="_blank">http&nbsp;://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4066</a>, consult&eacute; le 6 ao&ucirc;t 2016.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a> <em>L&rsquo;Invention du quotidien</em> (1980), Gallimard, &laquo;&nbsp;Folio Essais&nbsp;&raquo;, 1990, t. I, p. 151 <em>sq</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a> &laquo;&nbsp;Fictions dans un paysage. Sommaire g&eacute;n&eacute;ral&nbsp;&raquo;, <a href="http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4004" target="_blank">http&nbsp;://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4004</a>, consult&eacute; le 6 ao&ucirc;t 2016. C&rsquo;est F. Bon qui souligne le mot <em>d&eacute;paysement.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a> <em>L&rsquo;Invention du quotidien</em>, <em>op. cit</em>, p. 126.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a> <em>Ibid</em>., p.&nbsp;127.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a> Ce sont les trouvailles respectives des h&eacute;ros de Balzac et de Champfleury (<em>Le Cousin Pons</em>, 1847&nbsp;; <em>Le Violon de fa&iuml;ence</em>, 1862).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a> <em>Ibid</em>., p.&nbsp;128.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a> &laquo;&nbsp;Un &eacute;clair&hellip; puis la nuit&nbsp;!&nbsp;&raquo; (Baudelaire, &laquo;&nbsp;&Agrave; une passante&nbsp;&raquo;).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a> L&rsquo;obsolescence est une th&eacute;matique privil&eacute;gi&eacute;e de l&rsquo;&eacute;criture litt&eacute;raire du blog&nbsp;: voir par exemple Dominique Hasselmann, &laquo;&nbsp;Machine-a&eacute;rolithe d&rsquo;un temps disparu&nbsp;&raquo;, <a href="http://remue.net/spip.php?article1686" target="_blank">http&nbsp;://remue.net/spip.php?article1686</a>, et, sous forme de s&eacute;ries de textes et d&rsquo;images, les devantures condamn&eacute;es du blog &laquo;&nbsp;Au petit commerce&nbsp;&raquo;, <a href="http://aupetitcommerce.tumblr.com" target="_blank">http&nbsp;://aupetitcommerce.tumblr.com</a>. C&rsquo;est &laquo;&nbsp;l&rsquo;arch&eacute;ologie du pr&eacute;sent&nbsp;&raquo; qui s&rsquo;&eacute;crit alors sur le net, pour reprendre le titre &eacute;vocateur d&rsquo;un portfolio du photographe Georgios Makkas, &laquo;&nbsp;The Archeology of Now&nbsp;&raquo;, <a href="http://www.gmakkas.com/portfolio/C00005CBWq5gxTjk/G00005nk8B9pj9n4" target="_blank">http&nbsp;://www.gmakkas.com/portfolio/C00005CBWq5gxTjk/G00005nk8B9pj9n4</a> (sites consult&eacute;s le 6 ao&ucirc;t 2016).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a> <em>L&rsquo;Invention du quotidien</em>, <em>op. cit.</em>, p. 132.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a> &laquo;&nbsp;L&rsquo;occasion, saisie au vol, ce serait la transformation m&ecirc;me de la touche en r&eacute;ponse, un &laquo;&nbsp;retournement&nbsp;&raquo; de la surprise attendue sans &ecirc;tre pr&eacute;vue&nbsp;: ce qu&rsquo;inscrit l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement, si fugitif et rapide qu&rsquo;il soit, est retourn&eacute;, lui est retourn&eacute; en parole ou en geste. Du tac au tac.&nbsp;&raquo; (<em>ibid</em>., p.&nbsp;133).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a> <a href="https://gammalphabets.org/2016/07/13/infime-112/" target="_blank">https&nbsp;://gammalphabets.org/2016/07/13/infime-112/</a>, consult&eacute; le 6 ao&ucirc;t 2016.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a> <em>L&rsquo;Invention du quotidien</em>, <em>op. cit</em>., p.&nbsp;133.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a> <em>Ibid</em>., p.&nbsp;133 (je souligne).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a> <em>Ibid</em>., p.&nbsp;134. M. de Certeau se ref&egrave;re &agrave; l&rsquo;important ouvrage de Frances Yates, <em>The Art of Memory</em> (1966, premi&egrave;re traduction fran&ccedil;aise&nbsp;en 1975).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a> <a href="https://www.desordre.net/" target="_blank">https&nbsp;://www.desordre.net/</a>, consult&eacute; le 6 ao&ucirc;t 2016.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a> Marie-&Egrave;ve Th&eacute;renty, &laquo; L&rsquo;effet-blog en litt&eacute;rature. Sur <em>L&rsquo;Autofictif </em>d&rsquo;&Eacute;ric Chevillard et <em>Tumulte </em>de Fran&ccedil;ois Bon &raquo;, <em>Itin&eacute;raires </em>[en ligne], 2010-2 | 2010, <a href="http://itineraires.revues.org/1964" target="_blank">http&nbsp;://itineraires.revues.org/1964</a>, p. 61, consult&eacute; le 6 ao&ucirc;t 2016.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a> Baudelaire, &laquo;&nbsp;Le port&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;La soupe et les nuages&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a> E. de Goncourt, <em>Journal</em>, &eacute;d. Robert Ricatte, Paris, Robert Laffont, &laquo;&nbsp;Bouquins&nbsp;&raquo;, 1956, t.&nbsp;II, p.&nbsp;304, 320, 322.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a> <a href="http://brigetoun.blogspot.fr/" target="_blank">http&nbsp;://brigetoun.blogspot.fr/</a>, consult&eacute; le 6 ao&ucirc;t 2016.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a>&nbsp; La s&eacute;rie &laquo; Morning &agrave; la fen&ecirc;tre &raquo; de Christophe Sanchez a &eacute;t&eacute; pens&eacute;e &agrave; l&rsquo;avance dans sa p&eacute;riodicit&eacute; et dans sa mise en forme textuelle, mais aussi dans sa publication, comme l&rsquo;atteste le commentaire de la derni&egrave;re livraison, publi&eacute; le 13 janvier 2016&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&rsquo;est la dixi&egrave;me semaine du &laquo; morning &raquo; par la fen&ecirc;tre. Deux strophes de quatre vers avec la contrainte de terminer par un vers court, un ou deux mots. Chaque &laquo; po&egrave;me &raquo; est publi&eacute; sur les r&eacute;seaux sociaux. Un par jour.&nbsp;&raquo; (<a href="http://www.fut-il.net/2016/01/morning-la-fenetre-s10.html" target="_blank">http&nbsp;://www.fut-il.net/2016/01/morning-la-fenetre-s10.html</a>, consult&eacute; le 6 ao&ucirc;t 2016). Il s&rsquo;agit de &laquo;&nbsp;co-joindre le temps de l&rsquo;&eacute;criture et de la publication&nbsp;&raquo;, &eacute;galement &laquo;&nbsp;dat&eacute;s et pr&eacute;serv&eacute;s par la date&nbsp;&raquo;, et par-l&agrave; moins p&eacute;rim&eacute;s que plac&eacute;s &laquo;&nbsp;sous la sauvegarde de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement&nbsp;&raquo;, pour reprendre les termes d&rsquo;Arnaud Ma&iuml;setti (&laquo;&nbsp;Lire et &eacute;crire num&eacute;rique&nbsp;: journal d&rsquo;un d&eacute;s&oelig;uvrement&nbsp;&raquo;,&nbsp;5 juin 2013, <a href="http://arnaudmaisetti.net/spip/spip.php?article1077" target="_blank">http&nbsp;://arnaudmaisetti.net/spip/spip.php?article1077</a>, consult&eacute; le 6 ao&ucirc;t 2016).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a> <a href="https://gammalphabets.org/2016/07/25/infimes-118/" target="_blank">https&nbsp;://gammalphabets.org/2016/07/25/infimes-118/</a>, consult&eacute; le 6 ao&ucirc;t 2016.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref32" name="_ftn32">[32]</a> <a href="https://gammalphabets.org/2016/08/03/infimes-123/" target="_blank">https&nbsp;://gammalphabets.org/2016/08/03/infimes-123/</a>, consult&eacute; le 6 ao&ucirc;t 2016.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref33" name="_ftn33">[33]</a> <a href="https://gammalphabets.org/2016/07/31/formes-de-peu-213-2/" target="_blank">https&nbsp;://gammalphabets.org/2016/07/31/formes-de-peu-213-2/</a>, consult&eacute; le 6 ao&ucirc;t 2016.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref34" name="_ftn34">[34]</a> Voir mon article &laquo;&nbsp;Huysmans et la collection&nbsp;: le bazar, le r&eacute;pertoire, le bouquet, le recueil&nbsp;&raquo;, <em>Bulletin</em> <em>de</em> <em>la</em> <em>Soci&eacute;t&eacute;</em> <em>J.-K.</em> <em>Huysmans</em>, n&deg; 101 (centenaire de la mort de Huysmans), dir. Andr&eacute; Guyaux, 2008, p.&nbsp;17-44.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="Auteur">Auteur</span></h3> <p style="text-align: justify;"><strong>Dominique Pety</strong> est professeure de litt&eacute;rature fran&ccedil;aise &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; Savoie Mont Blanc depuis 2008. Ses travaux de recherche concernent particuli&egrave;rement les repr&eacute;sentations de la collection au XIX<sup>e</sup>  si&egrave;cle (<em>Les Goncourt et la collection. De l&rsquo;objet d&rsquo;art &agrave; l&rsquo;art d&rsquo;&eacute;crire</em>, Droz, 2003&thinsp;; <em>Po&eacute;tique de la collection au XIX<sup>e</sup>  si&egrave;cle. Du document de l&rsquo;historien au bibelot de l&rsquo;esth&egrave;te</em>, Presses universitaires de Paris-Ouest, 2010), ainsi que l&rsquo;organisation des savoirs et les pratiques de classement&thinsp;: elle a notamment codirig&eacute; la <em>Bibliographie du XIX<sup>e</sup>  si&egrave;cle Lettres-Arts-Sciences-Histoire</em>, initi&eacute;e par Claude Duchet, de 1999 &agrave; 2009 (SEDES puis Presses de la Sorbonne Nouvelle). Elle travaille actuellement sur les repr&eacute;sentations de l&rsquo;amateur, des anciennes pratiques savantes aux technologies du num&eacute;rique (voir notamment Dominique Pety (dir.),&nbsp;<em>Patrimoine litt&eacute;raire en ligne&nbsp;: la renaissance du lecteur&nbsp;?,</em>&nbsp;Chamb&eacute;ry, Publication de l&rsquo;Universit&eacute; Savoie Mont Blanc, &laquo; Corpus&nbsp;&raquo;, 2015).</p> <h3>Copyright</h3> <p>Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p> </div>