<div class="entry-content"> <h3>Abstract</h3> <p>In the literary writing showcased in his Twitter feed, Alain Veinstein finds a new avenue for some of the habits and requirements which he has already experimented in his radio broadcasts, and particularly live speaking. This mode of utterance, which is deeply embedded in the enunciative present, sets the stage for especially rich poetical moments, most notably because of Veinstein&rsquo;s ability, through Twitter, to demonstrate his presence to the world.</p> <p><strong>Keywords</strong></p> <p class="meta-tags">radio, poetry, Twitter, live, present</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">Lorsqu&rsquo;il ouvre son fil Twitter, @AVeinstein, en avril 2012, Alain Veinstein est un homme de radio relativement bien connu du public pour ses &eacute;missions litt&eacute;raires nocturnes, <em>Les Nuits magn&eacute;tiques</em> puis <em>Du jour au lendemain</em>, diffus&eacute;es depuis pr&egrave;s de quarante ans sur France Culture. Il est aussi l&rsquo;auteur d&rsquo;une &oelig;uvre assez fournie, compos&eacute;e d&rsquo;une vingtaine de livres, environ douze recueils de po&egrave;mes et huit r&eacute;cits romanesques ou autobiographiques. Selon l&rsquo;auteur, cette nouvelle forme d&rsquo;&eacute;criture s&rsquo;inscrit dans une pratique de la communication de masse bien connue de celui-ci, car elle lui donne l&rsquo;occasion de retrouver le &laquo;&nbsp;frisson du direct&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Quand, le micro ouvert, ce qui est dit est imm&eacute;diatement re&ccedil;u par des milliers de personnes que vous pensez suspendues &agrave; vos l&egrave;vres&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;instantan&eacute;it&eacute; entre &eacute;criture et diffusion sur Twitter rejoint donc l&rsquo;exp&eacute;rience d&eacute;j&agrave; tr&egrave;s riche d&rsquo;Alain Veinstein comme interviewer pour la radio. Or, la pratique de l&rsquo;entretien litt&eacute;raire par celui-ci s&rsquo;est distingu&eacute;e pour le haut degr&eacute; d&rsquo;exigence vis-&agrave;-vis de l&rsquo;&eacute;change mis en &oelig;uvre au point d&rsquo;en faire une cr&eacute;ation &agrave; part enti&egrave;re. Dans <em>Les Ravisseurs</em>, &eacute;voquant un entretien avec Antonio Tabucchi, le journaliste &eacute;value la qualit&eacute; de la pr&eacute;sence de cet auteur en entretien &agrave; sa capacit&eacute; &agrave; recr&eacute;er par la parole le livre dont il est question.</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">&Agrave; l&rsquo;entendre parler de sa relation &agrave; la litt&eacute;rature en g&eacute;n&eacute;ral et avec la sienne en particulier, avec ce qu&rsquo;il faut de distance pour la faire rena&icirc;tre comme s&rsquo;il la r&eacute;&eacute;crivait &laquo;&nbsp;en direct&nbsp;&raquo; pour ses auditeurs, j&rsquo;ai vite compris que Tabucchi &eacute;tait un auteur pour moi. L&rsquo;un de ceux que j&rsquo;attends, souvent en vain, &agrave; chaque &eacute;mission&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Pour Alain Veinstein, quelque chose se passe donc dans le &laquo;&nbsp;direct&nbsp;&raquo;, ce dispositif de communication qui n&eacute;cessite de mettre en jeu l&rsquo;exercice de la parole dans l&rsquo;instant imm&eacute;diat de son &eacute;nonciation, afin de se placer dans un &laquo;&nbsp;entre-deux qui est sans doute l&rsquo;espace de la litt&eacute;rature&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Par extension, on peut alors se demander quel peut &ecirc;tre le statut de l&rsquo;instant dans le cadre d&rsquo;une &eacute;criture &eacute;labor&eacute;e selon les possibilit&eacute;s et les contraintes d&rsquo;un r&eacute;seau social de messagerie instantan&eacute;e. Il importe de comprendre comment se tisse la temporalit&eacute; mise en &oelig;uvre sur Twitter par cet auteur&nbsp;: jouant des contraintes associ&eacute;es &agrave; la diffusion instantan&eacute;e, celui-ci fait partager au lecteur une exp&eacute;rience du temps bien plus riche que&nbsp; le &laquo;&nbsp;pr&eacute;sentisme&nbsp;&raquo; auquel semble vou&eacute;e notre &eacute;poque, tel que l&rsquo;a analys&eacute; Fran&ccedil;ois Hartog, &laquo;&nbsp;celui de la tyrannie de l&rsquo;instant et du pi&eacute;tinement d&rsquo;un pr&eacute;sent perp&eacute;tuel&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>&nbsp;&raquo;. Avec Alain Veinstein, le pr&eacute;sent constitue essentiellement une occasion de faire advenir quelque chose d&rsquo;inou&iuml; par l&rsquo;&eacute;criture et la parole. Il s&rsquo;agit avant tout de se mettre &agrave; l&rsquo;&eacute;coute du monde et de ses voix pour en r&eacute;v&eacute;ler l&rsquo;&eacute;trange beaut&eacute;.</p> <h2><span id="1_Sur_le_fil_de_lenonciation">1. Sur le fil de l&rsquo;&eacute;nonciation</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">&Agrave; premi&egrave;re vue, l&rsquo;&eacute;criture sur Twitter se pr&eacute;sente comme un fil de messages brefs accumul&eacute;s les uns au-dessus des autres, composant une s&eacute;rie d&rsquo;instantan&eacute;s dont la lecture doit recomposer la coh&eacute;rence en remontant vers les plus anciens. La temporalit&eacute; induite par ce dispositif correspond &agrave; la fois &agrave; une suite d&rsquo;unit&eacute;s temporelles potentiellement ind&eacute;pendantes les unes des autres &ndash;&nbsp;des instants pris dans leur singularit&eacute;&nbsp;&ndash; et &agrave; une continuit&eacute; orient&eacute;e vers le pass&eacute;. Cependant, la nature des tweets r&eacute;dig&eacute;s par Alain Veinstein produit un rapport au temps bien plus complexe car chaque instant r&eacute;v&egrave;le un pr&eacute;sent d&rsquo;une teneur particuli&egrave;rement riche et intense.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="11_Une_subjectivite_ancree_dans_le_present_de_lenonciation">1.1. Une subjectivit&eacute; ancr&eacute;e dans le pr&eacute;sent de l&rsquo;&eacute;nonciation</span></h3> <p style="text-align: justify;">Comme le ha&iuml;ku tel que Roland Barthes l&rsquo;a &eacute;tudi&eacute;, le message r&eacute;dig&eacute; dans Twitter s&rsquo;inscrit pleinement dans la situation d&rsquo;&eacute;nonciation propos&eacute;e par le r&eacute;seau social, qui appara&icirc;t comme un ensemble de circonstances d&eacute;terminantes pour l&rsquo;expression subjective.</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Un ha&iuml;ku, c&rsquo;est ce qui survient (contingence, micro-aventure) en tant que cela <em>entoure</em> le sujet&nbsp;&ndash;&nbsp;qui cependant n&rsquo;existe, ne peut se dire sujet, que par cet entour fugitif et mobile [&hellip;]&nbsp;&rarr; Donc, plut&ocirc;t que <em>contingence, penser circonstance&nbsp;</em><a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Bon nombre de tweets d&rsquo;Alain Veinstein font directement r&eacute;f&eacute;rence au lieu et &agrave; l&rsquo;heure de leur r&eacute;daction, au risque de se montrer redondants par rapport aux indications d&eacute;j&agrave; donn&eacute;es par le r&eacute;seau social.</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">[23/08/2012&nbsp;; 11h44] Rue Ledru-Rollin &agrave; Malakoff. Une jeune femme, plut&ocirc;t avenante, me demande o&ugrave; est la bouche la plus proche. Je n&rsquo;entends pas &laquo;&nbsp;de m&eacute;tro&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>. [03/12/2012&nbsp;; 9h18] 9h16, Malakoff. &Agrave; l&rsquo;arr&ecirc;t du 171, l&rsquo;attrait du rideau si vite baiss&eacute; des jeunes filles&hellip;</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Le sujet se dit et s&rsquo;&eacute;crit dans la contingence des petites aventures quotidiennes, qui sont autant d&rsquo;occasions de r&eacute;v&eacute;ler l&rsquo;&eacute;tat int&eacute;rieur de l&rsquo;&eacute;crivain en prise directe avec les hasards de ce qui advient. Le &laquo;&nbsp;je&nbsp;&raquo; r&eacute;v&eacute;l&eacute; par cette &eacute;criture journali&egrave;re est celui qui se laisse modeler par les circonstances infimes et contingentes de la vie la plus banale&nbsp;: regarder par la fen&ecirc;tre, sortir son chien, prendre le m&eacute;tro, faire le march&eacute;&hellip; La subjectivit&eacute; qui se dessine par ce dispositif d&rsquo;&eacute;criture transforme l&rsquo;<em>ethos</em> auctorial que les &oelig;uvres plus concert&eacute;es ont &eacute;labor&eacute;, ajoutant de la nuance et de la distance &agrave; soi dans l&rsquo;autoportrait d&eacute;j&agrave; bien connu du lecteur&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">La personnalit&eacute; qui se d&eacute;gage de ce portrait se pr&eacute;sente d&rsquo;embl&eacute;e comme une figure d&rsquo;auteur &agrave; part enti&egrave;re, qui s&rsquo;interroge sur son usage des moyens d&rsquo;expression mis &agrave; sa disposition par le r&eacute;seau social. &laquo;&nbsp;Les 140 signes me contraignent parfois &agrave; &eacute;crire dans une langue qui&nbsp; n&rsquo;est pas la mienne. C&rsquo;est dur pour qui n&rsquo;a pas le don des langues&nbsp;&raquo; [11/05/2012&nbsp;; 15h16]. Selon Marie-Anne Paveau, cette m&eacute;tadiscursivit&eacute; est li&eacute;e &agrave; la nouveaut&eacute; de ce genre de discours car celle-ci suscite un besoin d&rsquo;expliciter la norme dans le cadre d&rsquo;une forme de communication naissante&nbsp;: &laquo;&nbsp;On s&rsquo;interroge beaucoup sur Twitter sur les formes langagi&egrave;res et discursives, on commente les formes, on ironise sur les fameux 140 signes&nbsp;: on ne dit pas seulement ce que l&rsquo;on fait [&hellip;] mais on dit ce que l&rsquo;on&hellip; dit et comment on le dit&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;">Cette m&eacute;tadiscursivit&eacute; entre en coh&eacute;rence avec les usages traditionnels de l&rsquo;&eacute;criture litt&eacute;raire, dont l&rsquo;objet essentiel est la recherche des formes langagi&egrave;res les plus appropri&eacute;es&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>. Pour Alain Veinstein, ainsi que l&rsquo;ensemble des &eacute;crivains qui s&rsquo;expriment sur Twitter, il ne s&rsquo;agit pas seulement de pratiquer un nouveau genre discursif, mais de contribuer &agrave; l&rsquo;&eacute;laboration d&rsquo;un nouveau genre litt&eacute;raire, parfois d&eacute;sign&eacute; sous le nom de &laquo;&nbsp;twitt&eacute;rature&nbsp;&raquo;, dont il est important de d&eacute;finir les usages. La r&eacute;flexivit&eacute; du propos est d&rsquo;autant plus n&eacute;cessaire que cette forme d&rsquo;expression est emprunt&eacute;e &agrave; un espace h&eacute;t&eacute;rog&egrave;ne &agrave; la litt&eacute;rature. Au tweet du 11 mai 2012, un abonn&eacute; d&rsquo;Alain Veinstein, r&eacute;pondra par la r&eacute;f&eacute;rence &agrave; la tradition de la contrainte en po&eacute;sie&nbsp;: &laquo;&nbsp;@AVeinstein &ldquo;on&rdquo; sait bien qu&rsquo;en po&eacute;sie les contraintes sont n&eacute;cessaires et f&eacute;condes&hellip;.&nbsp;????&nbsp;&raquo; [@jabberwocky1949, 12/05/2012&nbsp;; 10h23]. &Eacute;crire en s&rsquo;appropriant les normes li&eacute;es &agrave; l&rsquo;&eacute;nonciation sur un r&eacute;seau social comme Twitter implique donc que l&rsquo;&eacute;crivain et le lecteur r&eacute;affirment r&eacute;guli&egrave;rement la sp&eacute;cificit&eacute; de leur d&eacute;marche afin de d&eacute;limiter l&rsquo;espace litt&eacute;raire et de singulariser ses acteurs. Cette re‑m&eacute;diatisation de la litt&eacute;rature par les dispositifs num&eacute;riques pose aux &eacute;crivains des probl&egrave;mes semblables &agrave; ceux qui se sont pos&eacute;s &agrave; leurs a&icirc;n&eacute;s d&egrave;s l&rsquo;av&egrave;nement des formes m&eacute;diatiques, comme l&rsquo;a montr&eacute; Marie‑&Egrave;ve Th&eacute;renty, dans <em>La Litt&eacute;rature au quotidien</em>, en analysant les emprunts mutuels de l&rsquo;&eacute;criture journalistique et des &eacute;critures romanesques et po&eacute;tiques au XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="12_Un_discours_determine_par_la_presence_des_destinataires">1.2. Un discours d&eacute;termin&eacute; par la pr&eacute;sence des destinataires</span></h3> <p style="text-align: justify;">Le statut du lecteur se trouve lui aussi transform&eacute; par cette mise en question des normes de la litt&eacute;rarit&eacute;. En effet, la saveur de l&rsquo;&eacute;criture en direct tient &agrave; l&rsquo;id&eacute;e de savoir le lecteur pr&eacute;sent dans l&rsquo;imm&eacute;diatet&eacute; de la diffusion sur Twitter, comme l&rsquo;auditeur &agrave; proximit&eacute; de sa radio.</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">J&rsquo;ai l&rsquo;impression, toute nouvelle pour moi, d&rsquo;une lecture &laquo;&nbsp;en direct&nbsp;&raquo; avec des retours imm&eacute;diats. Mes lecteurs sont l&agrave;, &agrave; l&rsquo;autre bout du fil. Ils ont un nom et un visage. Je suis entr&eacute; dans une partie, commenc&eacute;e avant que j&rsquo;arrive, d&rsquo;un grand jeu de la v&eacute;rit&eacute;. Pas de tricherie possible avec la r&egrave;gle des 140 signes&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">&Eacute;crire dans Twitter implique donc une profonde transformation des conditions de l&rsquo;&eacute;criture car cette d&eacute;marche ram&egrave;ne au pr&eacute;sent ce que les m&eacute;canismes de la publication tendent &agrave; diff&eacute;rer ou &agrave; escamoter&nbsp;:&nbsp;l&rsquo;influence du lieu et du moment, ainsi que la pr&eacute;sence du lecteur, souvent envisag&eacute; comme une hypoth&egrave;se plus que comme une pr&eacute;sence r&eacute;elle dans le cas de l&rsquo;&eacute;criture d&rsquo;un livre. Rompu &agrave; l&rsquo;exercice de la radio, Alain Veinstein investit cet espace d&rsquo;&eacute;criture de son exp&eacute;rience de la parole en direct qu&rsquo;il a &eacute;voqu&eacute;e &agrave; plusieurs reprises. Dans le cadre de cette forme de communication, ce n&rsquo;est pas la pr&eacute;sence de tel ou tel auditeur r&eacute;el et r&eacute;actif qui compte, mais la conscience d&rsquo;&ecirc;tre entendu.</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">J&rsquo;ignore vos r&eacute;actions. C&rsquo;est le noir absolu. Personne ne pipe. De temps &agrave; autre, je suppose l&rsquo;esquisse d&rsquo;un sourire dans le noir absolu. Je le sollicite m&ecirc;me parfois par une remarque qui atteindra probablement son but. &Agrave; force de m&rsquo;&eacute;couter, et d&rsquo;&ecirc;tre devenus familiers de mes obsessions, de mes tics de langage, certains de mes auditeurs doivent se laisser aller &agrave; sourire de temps en temps&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;auditeur de radio, tout comme la plupart des lecteurs sur Twitter, n&rsquo;est assur&eacute;ment pas une personne r&eacute;elle et identifiable qui interagirait sur la parole ou le texte en train de se produire. Il s&rsquo;agit plut&ocirc;t d&rsquo;une pr&eacute;sence qui galvanise la communication et interdit tout t&ecirc;te &agrave; t&ecirc;te entre l&rsquo;auteur et ce qu&rsquo;il &eacute;crit dans la solitude de son studio de la rue de Tournon.</p> <p style="text-align: justify;">&Eacute;crire dans le cadre d&rsquo;un r&eacute;seau social offre &agrave; l&rsquo;&eacute;crivain une conscience plus aig&uuml;e encore qu&rsquo;&agrave; la radio de la pr&eacute;sence du lecteur car les tweets envoy&eacute;s peuvent faire l&rsquo;objet de retweets ou de r&eacute;actions dont l&rsquo;auteur est inform&eacute;. Il est ainsi possible d&rsquo;ajuster le propos aux effets qu&rsquo;il produit dans le r&eacute;seau. Ainsi, on peut observer que bon nombre des tweeteurs qui r&eacute;agissent aux messages d&rsquo;Alain Veinstein, sont des personnes qui animent des &eacute;missions ou des chroniques &agrave; la radio&nbsp;: Nicolas Demorand, Xavier de La Porte, Thomas Baumgartner, Sylvain Bourmeau, Bruno Patino, Isabelle Alonso, Laurence Le Saux, ainsi que le compte de la revue <em>Syntone</em> (@syntwit). Le compte le plus r&eacute;actif s&rsquo;intitule @jabberwocky1949, accompagn&eacute; du nom d&rsquo;utilisateur Radiolo et de la pr&eacute;sentation suivante&nbsp;: &laquo;&nbsp;Adore la radio, &Eacute;ric Rohmer, Chabrol et Julien Gracq, Soseki et Andr&eacute; du Bouchet le tout dans le d&eacute;sordre&nbsp;&raquo;. Ainsi s&rsquo;explique le fait que l&rsquo;on trouve beaucoup de tweets en lien avec l&rsquo;exp&eacute;rience de la radio dans les mentions du compte @AVeinstein visibles dans la base dlweb. Par exemple, le message &laquo;&nbsp;&Agrave; la radio, les silencieux ne font pas assez parler d&rsquo;eux&nbsp;&raquo;, publi&eacute; le 1<sup>er</sup> octobre 2012 &agrave; 21h44, a &eacute;t&eacute; retweet&eacute; trois fois, par le compte @syntwit le m&ecirc;me jour &agrave; 22h34, par&nbsp; le compte @antoineblin le 2 octobre &agrave; 8h45 et par @zenzine (compte de Cl&eacute;ment Baudet) &agrave; 9h07. Les pens&eacute;es sur la radio, tr&egrave;s abondantes dans l&rsquo;ensemble des tweets, r&eacute;pondent &agrave; une attente massivement exprim&eacute;e du lectorat d&rsquo;Alain Veinstein sur Twitter. Par exemple, le message &laquo;&nbsp;Quand je quitterai la radio, j&rsquo;essaierai de toujours prendre un air myst&eacute;rieux et d&rsquo;&ecirc;tre imbu de moi-m&ecirc;me&nbsp;&raquo;, publi&eacute; le 25 mai 2012 &agrave; 22h51, a &eacute;t&eacute; retweet&eacute; par Nicolas Demorand le m&ecirc;me jour &agrave; 22h58, ainsi que par Catherine Rambert &agrave; 23h30, accompagn&eacute; du commentaire &laquo;&nbsp;@AVeinstein J&rsquo;adore&hellip;&nbsp;&raquo;. Peu &agrave; peu, s&rsquo;impose la r&eacute;currence des tweets commen&ccedil;ant par &laquo;&nbsp;Quand j&rsquo;arr&ecirc;terai la radio&nbsp;&raquo;, encourag&eacute;e par les r&eacute;actions rapides et enthousiastes des abonn&eacute;s, qui fera de cette anaphore l&rsquo;un des fils conducteurs du roman <em>Cent quarante signes</em>. L&rsquo;interaction directe et rapide avec les lecteurs du fil agit sur ce que l&rsquo;&eacute;crivain se sent encourag&eacute; &agrave; publier et d&eacute;termine par cons&eacute;quent le livre qui s&rsquo;&eacute;laborera dans un second temps de l&rsquo;&eacute;criture.</p> <p style="text-align: justify;">Cette interaction ne porte pas seulement sur les sujets mais aussi sur la mani&egrave;re de raconter les micro-&eacute;v&eacute;nements de la vie quotidienne. Par exemple, les r&eacute;cits dans lesquels le narrateur se met en sc&egrave;ne au march&eacute; obtiennent un certain succ&egrave;s &agrave; partir de l&rsquo;automne 2012. Le 16 d&eacute;cembre, au terme d&rsquo;une s&eacute;rie de messages sur les commer&ccedil;ants du march&eacute;, dont le savoureux &laquo;&nbsp;Le poissonnier enveloppe un poulpe visqueux dans un papier et demande &agrave; la cliente&nbsp;: &ldquo;Je vous le mets dans un petit sac ou &ccedil;a va aller&nbsp;?&rdquo;&nbsp;&raquo; [16/12/2012&nbsp;; 11h45], le compte @jabberwocky1949 r&eacute;pond&nbsp;: &laquo;&nbsp;@AVeinstein Post-it&nbsp;: penser &agrave; passer de l&rsquo;autre c&ocirc;t&eacute; du miroir pour d&eacute;crire les clients vus de l&rsquo;autre rive de l&rsquo;&eacute;tal avec cette m&ecirc;me acuit&eacute;&nbsp;&raquo; [16/12/2012&nbsp;; 11h52]. Par la suite, Alain Veinstein t&eacute;moigne du fait qu&rsquo;il s&rsquo;est appropri&eacute; cette remarque en donnant la parole &agrave; la cr&eacute;mi&egrave;re du march&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&rsquo;est vrai ce que raconte le poissonnier&nbsp;? Vous parlez de moi dans des truites&nbsp;? Je me demande bien de quoi vous pouvez parler.&nbsp;&raquo; [13/01/2013&nbsp;; 9h37]. Ce message sera imm&eacute;diatement retweet&eacute; par @jabberwocky1949, &agrave; 10h32, qui manifeste ainsi sa satisfaction &agrave; voir ses remarques prises en compte dans les cr&eacute;ations diffus&eacute;es sur le fil.</p> <p style="text-align: justify;">Selon Thierry Crouzet, l&rsquo;&eacute;criture num&eacute;rique se caract&eacute;rise par la pr&eacute;sence de la touche Send au sein des dispositifs de publication en ligne, qui permet de rendre tr&egrave;s rapidement public, et donc lisible, le texte produit. Gr&acirc;ce &agrave; elle, les &eacute;tapes de remaniement &eacute;ditorial sont &eacute;limin&eacute;es et la circulation de l&rsquo;&eacute;crit entre l&rsquo;auteur et le lecteur est facilit&eacute;e&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je peux arr&ecirc;ter ce texte, le propulser, ou bien le continuer encore, mais pas ind&eacute;finiment, le Send me travaille, il me tend vers les lecteurs, <em>urgentise</em> chacune de mes phrases par sa simple possibilit&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>.&nbsp;&raquo; Cette r&eacute;flexion s&rsquo;inscrit dans une pratique du blog, qui&nbsp; donne la possibilit&eacute; de publier des textes longs. Sur Twitter, cette situation est d&rsquo;autant plus intense que la contrainte des 140 signes pousse l&rsquo;&eacute;crivain &agrave; actionner le bouton &laquo;&nbsp;Tweeter&nbsp;&raquo; bien plus rapidement et plus fr&eacute;quemment. L&rsquo;&eacute;criture se trouve donc profond&eacute;ment d&eacute;termin&eacute;e par la conjonction presque simultan&eacute;e du temps de l&rsquo;&eacute;nonciation, du temps de l&rsquo;&eacute;criture et du temps de la lecture. Il n&rsquo;est pas &eacute;tonnant que cette cr&eacute;ation dans l&rsquo;instant, proche de la performance, ait pu renvoyer Alain Veinstein &agrave; sa pratique de l&rsquo;entretien radiophonique, dans laquelle la n&eacute;cessit&eacute; de parler en direct, pour un auditeur suppos&eacute; pr&eacute;sent dans l&rsquo;ici et maintenant, est utilis&eacute;e comme un moyen de faire advenir une parole inou&iuml;e de la part des &eacute;crivains invit&eacute;s.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="13_Un_present_enrichi">1.3. Un pr&eacute;sent enrichi</span></h3> <p style="text-align: justify;">Cependant, avec Alain Veinstein, la parole en direct ne se r&eacute;duit jamais aux bornes &eacute;troites du pr&eacute;sent de l&rsquo;&eacute;nonciation. Cet auteur ne se r&eacute;f&egrave;re en aucun cas &agrave; l&rsquo;exaltation de l&rsquo;instant pr&eacute;sent st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;, tel qu&rsquo;il est avanc&eacute; par toutes sortes d&rsquo;experts et d&rsquo;autorit&eacute;s m&eacute;diatiques&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a> comme le rem&egrave;de &agrave; nos consciences sollicit&eacute;es &agrave;&nbsp; l&rsquo;exc&egrave;s par la g&eacute;n&eacute;ralisation des nouveaux modes de communication.</p> <p style="text-align: justify;">Au contraire, chez lui, &eacute;crire dans l&rsquo;instant suscite un d&eacute;ploiement des diff&eacute;rentes facettes qui composent l&rsquo;unit&eacute; temporelle. L&rsquo;exp&eacute;rience pr&eacute;sente peut renvoyer au pass&eacute;, par l&rsquo;intervention de la m&eacute;moire, voire m&ecirc;me &agrave; un univers potentiel par la mise en &oelig;uvre de l&rsquo;imagination. Le 3 d&eacute;cembre 2012, apr&egrave;s avoir commenc&eacute; la journ&eacute;e par une observation amus&eacute;e des jeunes filles qui prennent quotidiennement le bus &agrave; l&rsquo;arr&ecirc;t situ&eacute; sous sa fen&ecirc;tre, Alain Veinstein se trouve en fin d&rsquo;apr&egrave;s-midi dans son studio de la rue de Tournon pour y travailler.</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Paix toute relative avec les jeunes filles. Les yeux sur les livres rue de Tournon, j&rsquo;ai la t&ecirc;te &agrave; Malakoff, &agrave; l&rsquo;arr&ecirc;t du 171. [16h37] On dirait que les jeunes filles soufflent sur les lignes de mes livres pour les &eacute;teindre l&rsquo;un apr&egrave;s l&rsquo;autre comme des bougies. [16h40] Je pense &agrave; cette petite fille, il y a soixante ans, qui m&rsquo;a ouvert les yeux &agrave; l&rsquo;amour. [16h48]</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;instant o&ugrave; s&rsquo;&eacute;crit le tweet t&eacute;moigne d&rsquo;une certaine forme d&rsquo;ubiquit&eacute; de l&rsquo;esprit auctorial, qui, bien que g&eacute;ographiquement situ&eacute;, peut se projeter dans le pass&eacute; r&eacute;cent, dans celui de l&rsquo;enfance, mais aussi dans un univers &eacute;ventuel, relevant de l&rsquo;imaginaire, marqu&eacute; par l&rsquo;emploi du conditionnel. Le pr&eacute;sent n&rsquo;est donc plus un ensemble de coordonn&eacute;es spatio-temporelles d&eacute;termin&eacute;es, mais le lieu o&ugrave; se conjuguent diff&eacute;rentes modalit&eacute;s du temps, qui peuvent faire r&eacute;f&eacute;rence &agrave; des &eacute;l&eacute;ments plus ou moins lointains et plus ou moins r&eacute;els.</p> <p>La richesse de cette exp&eacute;rience de l&rsquo;instant trouve un accomplissement particuli&egrave;rement plaisant dans les r&eacute;cits de r&ecirc;ves par lesquels le tweeteur prend peu &agrave; peu l&rsquo;habitude de commencer ses journ&eacute;es&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>.</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">R&ecirc;ve. Un ami de Kafka pr&eacute;tend tenir de lui que <em>La M&eacute;tamorphose</em>, c&rsquo;est de la vie transform&eacute;e en paroles. [03/12/2012&nbsp;; 9h07] R&ecirc;ve. Un homme passe dans toutes les maisons vers minuit comme l&rsquo;allumeur de r&eacute;verb&egrave;res autrefois, pour en retirer la chaleur. [<em>id</em>&nbsp;; 9h12] R&ecirc;ve. J&rsquo;entreprends l&rsquo;inventaire g&eacute;n&eacute;ral des questions mal pos&eacute;es. [<em>id</em>.&nbsp;; 9h14] &laquo;&nbsp;Emm&egrave;ne-moi, emm&egrave;ne-moi&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est tout ce que je sais dire &agrave; mon p&egrave;re sur son lit de mort&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>&hellip; [<em>id.</em>&nbsp;;&nbsp;9h16]</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Quelle que soit l&rsquo;authenticit&eacute; de ces r&eacute;cits, il est int&eacute;ressant de les mettre en relation avec l&rsquo;importance accord&eacute;e au r&ecirc;ve comme mod&egrave;le ou r&eacute;f&eacute;rence dans la tradition radiophonique. Dans son article &laquo;&nbsp;R&ecirc;verie et radio&nbsp;&raquo;, publi&eacute; en 1951, Gaston Bachelard d&eacute;fend l&rsquo;id&eacute;e que la radio doit int&eacute;grer dans ses programmes des moments propices &agrave; entretenir l&rsquo;auditeur dans un &eacute;tat de r&ecirc;verie&nbsp;: &laquo;&nbsp;La radio est vraiment en possession de r&ecirc;ves &eacute;veill&eacute;s extraordinaires&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>. &raquo; Ce projet a &eacute;t&eacute; celui qui a anim&eacute; les pionniers de la diffusion radiophonique d&egrave;s les ann&eacute;es 1930, comme le rappelle Isabelle Krzywkowski, qui affirme que les premi&egrave;res pi&egrave;ces radiophoniques ont essay&eacute; d&rsquo;&laquo;&nbsp;engendrer des impressions semblables &agrave; celles du r&ecirc;ve, si saisissant de v&eacute;rit&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo;. &Eacute;tant donn&eacute; la grande connaissance de l&rsquo;histoire de la radio t&eacute;moign&eacute;e par Alain Veinstein, notamment dans <em>Radio sauvage</em>, il est probable que cet &eacute;crivain ait souhait&eacute; adapter &agrave; l&rsquo;&eacute;criture en direct sur Twitter des proc&eacute;d&eacute;s &eacute;prouv&eacute;s dans le cadre de la diffusion radiophonique. Dans ce contexte, le r&ecirc;ve peut avoir pour r&ocirc;le d&rsquo;installer une ambiance et de donner une coloration sp&eacute;cifique &agrave; la journ&eacute;e qui commence. Par la continuit&eacute; qu&rsquo;il instaure entre r&eacute;el et irr&eacute;el dans l&rsquo;exp&eacute;rience v&eacute;cue, il ouvre le pr&eacute;sent &agrave; toutes sortes de potentialit&eacute;s que les tweets qui suivront pourront mettre en &oelig;uvre. L&rsquo;&eacute;nonciation ne se r&eacute;duit donc plus &agrave; ses circonstances, mais elle s&rsquo;enrichit de toute la palette de la r&ecirc;verie du tweeteur, faisant du langage un vecteur de d&eacute;passement des contingences et de cr&eacute;ation.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="2_Ecrire_en_direct">2. &Eacute;crire en direct</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Si riche soit le moment de l&rsquo;&eacute;criture, il n&rsquo;est jamais spontan&eacute;ment le lieu d&rsquo;une exaltation li&eacute;e &agrave; la conscience du pr&eacute;sent ou d&rsquo;une &eacute;piphanie po&eacute;tique suscit&eacute;e par un instant v&eacute;cu comme particuli&egrave;rement &eacute;vocateur. Chez Alain Veinstein, &eacute;crire sur le fil r&eacute;active les m&ecirc;mes ambivalences que celles v&eacute;cues dans la pratique radiophonique. Lorsque l&rsquo;&eacute;mission commence, l&rsquo;&eacute;motion dominante est &laquo;&nbsp;une excitation m&ecirc;l&eacute;e de frisson&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo; devant le micro ouvert, une peur de se fourvoyer d&eacute;pass&eacute;e par le d&eacute;sir de ce que l&rsquo;obligation de parler fait advenir.</p> <h3><span id="21_Regrets_et_repentirs">2.1. Regrets et repentirs</span></h3> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;existence d&rsquo;un fil Twitter peut s&rsquo;apparenter &agrave; un micro ouvert pour une &eacute;mission &nbsp;de radio&nbsp;:&nbsp;les conditions de la communication &eacute;tant r&eacute;unies, il faut parler quelles que soient les h&eacute;sitations ou les erreurs.</p> <p style="text-align: justify;">Lorsque le magn&eacute;tophone tourne, pas de repentirs possibles, pas de place pour la fiction. La machine va plus vite que nous et surtout n&rsquo;attend pas. Il faut r&eacute;agir au rythme de son impatience. On est dans la v&eacute;rit&eacute; de l&rsquo;instant. Tout ce qui est enregistr&eacute; peut &ecirc;tre retenu contre vous, vos mots aussi bien que vos silences&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Les phrases s&rsquo;&eacute;noncent les unes apr&egrave;s les autres, formant une temporalit&eacute; lin&eacute;aire dont l&rsquo;ordre ne pourra &ecirc;tre modifi&eacute;. Les tweets refl&egrave;tent r&eacute;guli&egrave;rement cette exp&eacute;rience du regret par rapport &agrave; un message mal r&eacute;dig&eacute; ou mal envoy&eacute; par le dispositif lui-m&ecirc;me&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les tweetes [<em>sic</em>] qu&rsquo;on s&rsquo;interdit d&rsquo;envoyer au dernier moment&nbsp;; ceux qu&rsquo;on regrette, aussit&ocirc;t fait, d&rsquo;avoir envoy&eacute;s&nbsp;&raquo; [01/ 12/ 2012&nbsp;; 19h51]. L&rsquo;&eacute;criture en direct est d&rsquo;abord le lieu de la d&eacute;ception et de la difficult&eacute; &agrave; produire une parole v&eacute;ritablement juste et novatrice. En ce sens, le temps prend une valeur tragique car les regrets associ&eacute;s &agrave; ce mode d&rsquo;&eacute;criture disent &agrave; quel point l&rsquo;instant &eacute;chappe au locuteur, qui constate dans l&rsquo;apr&egrave;s imm&eacute;diat qu&rsquo;il a manqu&eacute; d&rsquo;&agrave;-propos.</p> <p style="text-align: justify;">Cette situation conduit, en r&eacute;ponse, &agrave; l&rsquo;&eacute;mergence de la figure de l&rsquo;&eacute;panorthose comme mode de construction de la lin&eacute;arit&eacute; du propos.</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">J&rsquo;ai confondu dans un tweet pr&eacute;c&eacute;dent 14h44 et 11h44. D&eacute;cid&eacute;ment, j&rsquo;ai besoin de lunettes. Je devrais m&rsquo;en soucier davantage. [30/11/2012&nbsp;; 15h56] Programme des jours &agrave; venir&nbsp;: acheter des l&eacute;gumes, sortir le chien, d&eacute;guster des p&acirc;tes au pistou et penser aux m&eacute;dicaments. [<em>id</em>&nbsp;; 15h58] Au programme des jours &agrave; venir, j&rsquo;ajouterais, au cas o&ugrave;&nbsp;: penser aux lunettes. [<em>id</em>&nbsp;; 16h29] 16h30, rue des Fr&egrave;res d&rsquo;Astier de la Vigerie. Rien &agrave; ajouter si je ne veux pas me laisser entra&icirc;ner &agrave; d&eacute;passer les 140 signes fatidiques&hellip; [<em>id</em>&nbsp;; 16h34] 17h18. Rentrer lire Dicker&nbsp;? J&rsquo;ai d&eacute;j&agrave; assez &agrave; faire &agrave; observer les blondes boulevard Brune. [<em>id</em>&nbsp;; 17h19] 17h25. &Agrave; propos de blondes, ne surtout pas oublier la charcuti&egrave;re r&eacute;put&eacute;e de la rue Notre‑Dame‑ des‑Champs. Mais c&rsquo;est une autre histoire&hellip; [<em>id</em>&nbsp;; 17h25]</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Le r&eacute;cit journalier se construit par reprise, ajustement et enrichissement de ce qui s&rsquo;est dit dans les tweets pr&eacute;c&eacute;dents. Inscrite dans le moment pr&eacute;sent, la parole s&rsquo;improvise &agrave; partir de l&rsquo;exp&eacute;rience imm&eacute;diate. L&rsquo;incompl&eacute;tude du propos engendr&eacute;e par la contrainte des cent-quarante signes associ&eacute;e &agrave; celle de l&rsquo;&eacute;criture en direct devient une invitation &agrave; tweeter encore pour retoucher le propos, le corriger, le pr&eacute;ciser ou souligner un jeu de mots. Alain Veinstein rejoint ainsi les m&eacute;canismes de la pratique conversationnelle, qui se construisent eux aussi sur le principe de reprises et de rebonds par rapport aux derniers propos tenus par l&rsquo;interlocuteur. Les entretiens litt&eacute;raires qu&rsquo;il a r&eacute;alis&eacute;s ont toujours recherch&eacute; cette &eacute;laboration du propos dans l&rsquo;&eacute;coute de ce qui se dit sur le moment entre l&rsquo;interviewer et son invit&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je ne voyais pas pourquoi la radio ne pourrait pas s&lsquo;ouvrir &agrave;&nbsp; <em>ce qui vient</em>, sans r&eacute;f&eacute;rences et points d&rsquo;appui, faisant &eacute;v&eacute;nement de ce qui arrive dans le libre cours de la parole&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>.&nbsp;&raquo; L&rsquo;&eacute;criture dans Twitter pousse cette mani&egrave;re de faire encore plus loin, puisque l&rsquo;interviewer devient auteur &agrave; part enti&egrave;re, seul en sc&egrave;ne et que le contenu du propos n&rsquo;est plus li&eacute; &agrave; la circonstance sp&eacute;cifique de la parution d&rsquo;un livre, mais simplement &agrave; ce qui advient dans la vie quotidienne, au risque de la banalit&eacute;.</p> <h3><span id="22_Une_presence_attentive_au_monde">2.2. Une pr&eacute;sence attentive au monde</span></h3> <p style="text-align: justify;">Ainsi, l&rsquo;attention port&eacute;e par l&rsquo;&eacute;crivain aux r&eacute;alit&eacute;s prosa&iuml;ques du quotidien n&rsquo;est pas sans &eacute;voquer l&rsquo;importance accord&eacute;e par Georges Perec &agrave;&nbsp; l&rsquo;infra-ordinaire. Certaines promenades relat&eacute;es par les tweets rappellent la &laquo;&nbsp;Tentative de description des choses vues au carrefour de Mabillon le 19 mai 1978&nbsp;&raquo; r&eacute;alis&eacute;e par ce dernier pour France Culture&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>. Pour cet essai radiophonique, Georges Perec s&rsquo;installe dans une camionnette donnant sur le carrefour et s&rsquo;enregistre au Nagra alors qu&rsquo;il d&eacute;crit, au fur et &agrave; mesure, les menus &eacute;v&eacute;nements qui se d&eacute;roulent sous ses yeux&nbsp;: passage des feux du rouge au vert, circulation des bus, d&eacute;filement des publicit&eacute;s qu&rsquo;ils v&eacute;hiculent, activit&eacute;s des pi&eacute;tons avec &eacute;vocation de leur habillement et de leurs objets&hellip; De m&ecirc;me, Alain Veinstein se montre sensible &agrave; l&rsquo;ambiance des rues, aux&nbsp; passants, aux paroles &eacute;chang&eacute;es&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">19h10, rue Ledru-Rollin. Rien. [26/11/2012&nbsp;; 19h12] 19h13, rue Gabriel-Cri&eacute;. Les rares passants se h&acirc;tent en se m&eacute;fiant des feuilles mortes. [<em>id.</em>&nbsp;;&nbsp;19h15] 19h17, rue Raymond-Fassin. La jeune femme au chien s&rsquo;&eacute;loigne en balan&ccedil;ant les hanches. Son chien essaie d&rsquo;attraper les feuilles qui volettent. [<em>id</em>. ; 19h23] 19h24, avenue Pierre-Larousse. Au tabac, deux femmes croisent les jambes sur leur tabouret. L&rsquo;une r&eacute;p&egrave;te &agrave; l&rsquo;autre&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&rsquo;est pas mon probl&egrave;me.&nbsp;&raquo; [<em>id.</em>.&nbsp;; 19h28] 19h28, rue Victor-Hugo. Un homme, une femme. Un couple&nbsp;? Je ne sais pas. L&rsquo;homme&nbsp;: &laquo;&nbsp;Tu t&rsquo;agites toujours apr&egrave;s la bataille&nbsp;&raquo;. [<em>id.</em>&nbsp;; 19h31] 19h33, rue Gambetta. C&rsquo;est quoi cette obscurit&eacute;&nbsp;? Les lampadaires sont &eacute;teints. Pas une enseigne lumineuse. Rien que des volets ferm&eacute;s&hellip; [<em>id.</em>&nbsp;; 19h38] 19h40, rue Gambetta encore. Toujours cette nuit noire et ce m&eacute;chant petit vent. Bonjour le froid. Je fais demi-tour&hellip; [<em>id.</em>&nbsp;; 19h41] 19h46, rue Victor-Hugo. L&rsquo;homme et la femme sont toujours l&agrave;. L&rsquo;homme&nbsp;: &laquo;&nbsp;Tu n&rsquo;as qu&rsquo;&agrave; te boucher les oreilles&hellip;&nbsp;&raquo; [<em>id.</em>&nbsp;; 19h49] 19h50, avenue Pierre-Larousse. Au tabac les deux femmes descendent de leur tabouret. &laquo;&nbsp;Je retourne &agrave; mes pri&egrave;res&nbsp;&raquo; annonce la plus grande. [<em>id.</em>&nbsp;; 19h55]</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Le tweeteur semble reprendre &agrave; son compte l&rsquo;injonction de Perec &agrave; &laquo;&nbsp;interroger l&rsquo;habituel&nbsp;&raquo; dans ce qu&rsquo;il a de plus trivial et futile, parce que ce type d&rsquo;observation pourrait &ecirc;tre un moyen de &laquo;&nbsp;capt[er] notre v&eacute;rit&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo;. Sans avoir la port&eacute;e anthropologique du projet de son a&icirc;n&eacute;, l&rsquo;&eacute;criture en direct d&rsquo;Alain Veinstein r&eacute;percute pour le lecteur les images et les bruits de la vie de tous les jours, leur donnant en &eacute;cho une signification incertaine et plurielle qui ouvre tant&ocirc;t &agrave; une vision humoristique des petits drames quotidiens, tant&ocirc;t &agrave; une r&eacute;v&eacute;lation de la violence qui traverse les relations famili&egrave;res. &laquo;&nbsp;Resocialisation de l&rsquo;expression po&eacute;tique et du fait litt&eacute;raire en g&eacute;n&eacute;ral autant que po&eacute;tisation des relations sociales, la litt&eacute;rature rena&icirc;t avec la conversion textuelle de notre relation induite par leur basculement dans cet empire du texte qu&rsquo;est le Web&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>&nbsp;&raquo;, &eacute;crit Alexandre Gefen &agrave; propos du <em>microblogging</em>. Le passage ci-dessus, adaptation litt&eacute;raire de la pratique du Live Tweet, montre &agrave; quel point l&rsquo;&eacute;criture sur Twitter d&rsquo;Alain Veinstein s&rsquo;inscrit dans ce mouvement plus g&eacute;n&eacute;ral de transmutation du quotidien en objet litt&eacute;raire par les moyens de l&rsquo;&eacute;change au sein d&rsquo;un r&eacute;seau pr&eacute;vu au d&eacute;part pour des interactions plus prosa&iuml;ques.</p> <p style="text-align: justify;">Pour cet &eacute;crivain, cette forme d&rsquo;expression instantan&eacute;e doit donner lieu &agrave; la mise en &oelig;uvre d&rsquo;une pr&eacute;sence au monde particuli&egrave;rement intense&nbsp;: &laquo;&nbsp;Tweeter &agrave; ses moments perdus, ce n&rsquo;est pas chercher &agrave; tout prix la formule magique, mais envoyer des signes de pr&eacute;sence&nbsp;&raquo; [23/05/2012&nbsp;; 10h16]. Or la pr&eacute;sence est bien aussi ce que l&rsquo;interviewer attend de ses invit&eacute;s lors de ses &eacute;missions nocturnes&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je ne leur demande pas du cliquant, du faux-semblant. Je leur demande de l&rsquo;inattendu et des cadences. Une pr&eacute;sence enti&egrave;re et tendue dans l&rsquo;impr&eacute;visible&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>. &nbsp;&raquo;&nbsp;Sur le fil, cette pr&eacute;sence se manifeste par une attention sensible au r&eacute;el, qui appara&icirc;t comme un ensemble d&rsquo;occasions &agrave; saisir pour exprimer l&rsquo;exp&eacute;rience v&eacute;cue avec esprit et originalit&eacute;. &laquo;&nbsp;9h35. Art Press sur la table d&rsquo;attente de la clinique. D&eacute;cid&eacute;ment, la m&eacute;decine fait des progr&egrave;s&nbsp;&raquo; [01/08/2012&nbsp;; 9h38]. Peu importe la banalit&eacute; des faits relat&eacute;s, la valeur du tweet tient &agrave; la distance et &agrave; l&rsquo;humour qui trouvent &agrave; s&rsquo;exprimer par cette forme d&rsquo;&eacute;criture.</p> <p style="text-align: justify;">Tout comme en entretien, l&rsquo;attention du tweeteur r&eacute;v&egrave;le une qualit&eacute; d&rsquo;&eacute;coute tr&egrave;s fine de tout ce qui s&rsquo;entend et se dit dans l&rsquo;espace public. Cette sensibilit&eacute; acoustique ne se r&eacute;duit pas &agrave; un simple enregistrement des paroles et des sons autour de soi, elle est constamment tendue vers la perception d&rsquo;un sens qui d&eacute;passe le donn&eacute; du son. Conform&eacute;ment &agrave; l&rsquo;analyse de Jean-Luc Nancy, chez Alain Veinstein, &laquo;&nbsp;si &ldquo;entendre&rdquo; c&rsquo;est comprendre le sens [&hellip;], &eacute;couter c&rsquo;est &ecirc;tre tendu vers un sens possible, et par cons&eacute;quent non imm&eacute;diatement accessible&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo;. Sertis par les suspensions du texte impos&eacute;es par l&rsquo;&eacute;criture d&rsquo;unit&eacute;s de cent-quarante signes, les gestes et les paroles rapport&eacute;s voient leur sens se d&eacute;contextualiser et se dilater pour atteindre une port&eacute;e &eacute;nigmatique et po&eacute;tique.</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">13h45, rue Didot. Seule &agrave; sa table du bistrot, elle note une phrase dans son carnet puis reste prostr&eacute;e, la t&ecirc;te dans les mains. [23/11/2012&nbsp;; 13h41] 13h55, rue Didot. Autre table. Un homme, une femme. &laquo;&nbsp;C&rsquo;est comme &ccedil;a que tu veux vivre, dit-il, je n&rsquo;ai pas ma place&nbsp;; plus qu&rsquo;&agrave; m&rsquo;effacer. [<em>id.</em>&nbsp;; 13h54] 14h, rue Didot. Dans ce bistrot, rien n&rsquo;est bon et rien ne marche. &Ccedil;a finit par &ecirc;tre comique et par attirer la sympathie. Je reviendrai. [<em>id.</em>&nbsp;; 14h] 14h05, rue Didot. Bistrot. Trois femmes entre elles. Les rumeurs fusent. &laquo;&nbsp;Elle a quitt&eacute; son mariage pour la maternit&eacute;&nbsp;&raquo; dit l&rsquo;une d&rsquo;elles. Rires. [<em>id.</em>&nbsp;; 14h07] 14h12, rue Didot. Bistrot. Au lieu de d&eacute;guster son plat &agrave; la bonne temp&eacute;rature, un type sort son portable toutes les cinq minutes pour tweeter. [<em>id.</em>&nbsp;; 14h13]</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Ainsi, la voix du tweeteur se fait caisse de r&eacute;sonnance pour restituer la po&eacute;sie d&rsquo;un instant fugace et &eacute;ph&eacute;m&egrave;re par nature. Les notations successives constituent un ensemble de paroles entendues qui se font &eacute;cho dans la conscience du scripteur, dont le r&ocirc;le est de donner une unit&eacute;&nbsp;&ndash;&nbsp;f&ucirc;t-elle celle de l&rsquo;&eacute;chec partag&eacute; par tous&nbsp;&ndash;&nbsp;aux diff&eacute;rents &eacute;l&eacute;ments de l&rsquo;instant v&eacute;cu en co-pr&eacute;sence. Selon Jean-Luc Nancy, &laquo;&nbsp;le sujet de l&rsquo;&eacute;coute ou le sujet &agrave; l&rsquo;&eacute;coute [&hellip;] n&rsquo;est pas un sujet ph&eacute;nom&eacute;nologique [&hellip;], il n&rsquo;est peut-&ecirc;tre aucun sujet sauf &agrave; &ecirc;tre le lieu de la r&eacute;sonnance, de sa tension et de son rebond infini&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>. Le philosophe &eacute;labore cette r&eacute;flexion &agrave; propos d&rsquo;un sujet en pr&eacute;sence des sons &eacute;cout&eacute;s. Mais cet effet se trouve encore amplifi&eacute; par le dispositif de Twitter qui, comme &agrave; la radio, escamote la sc&egrave;ne &eacute;nonciative ainsi que la pr&eacute;sence physique du locuteur pour ne garder que sa parole. La pr&eacute;sence en direct de l&rsquo;auteur se manifeste dans la subtilit&eacute; d&rsquo;une voix &agrave; l&rsquo;&eacute;coute de l&rsquo;instant pour en saisir les potentialit&eacute;s cr&eacute;atives.</p> <h3><span id="23_Une_parole_poetique">2.3. Une parole po&eacute;tique</span></h3> <p style="text-align: justify;">Ainsi, cette attention ne se porte pas seulement sur l&rsquo;exp&eacute;rience du r&eacute;el mais sur les mots eux-m&ecirc;mes tels que l&rsquo;instantan&eacute;it&eacute; du direct les produit. Une sorte d&rsquo;&eacute;tonnement jaillit de l&rsquo;apparition de certains mots sur le fil. La r&eacute;daction d&rsquo;un nouveau message en reprise par rapport au pr&eacute;c&eacute;dent permet d&rsquo;entrer dans la profondeur du mot et de le faire miroiter au gr&eacute; des phrases successives.</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Passer sa vie &agrave; la radio en &eacute;tant poss&eacute;d&eacute; par le silence. Je suis cet homme sous influence. [01/12/2012&nbsp;;&nbsp;10h57] Quand le silence me l&acirc;che, la longueur de la laisse est ma seule marge de man&oelig;uvre. Ni plus ni moins. [id.&nbsp;; 10h59] L&acirc;ch&eacute; par le silence, je ne parle plus. Ou si je parle, ce n&rsquo;est pas moi qui parle, qui dis ces mots dict&eacute;s par la menace. [id.&nbsp;; 11h03]</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;attention aux mots tels qu&rsquo;ils r&eacute;sonnent dans le pr&eacute;sent pour le tweeteur guide l&rsquo;&eacute;criture, qui se trouve scand&eacute;e par les instants d&eacute;limit&eacute;s par la publication en cent-quarante signes. Le style adapt&eacute; &agrave; cette forme m&eacute;diatique se r&eacute;v&egrave;le assez proche des normes de l&rsquo;&eacute;criture radiophonique&nbsp;: des phrases courtes, de structure simple (pas plus de trois propositions), des verbes au pr&eacute;sent. Il s&rsquo;agit en premier lieu d&rsquo;atteindre efficacement le lecteur dans le cadre d&rsquo;un espace de communication extr&ecirc;mement dense o&ugrave; des publications tr&egrave;s diverses peuvent appara&icirc;tre en m&ecirc;me temps sur un m&ecirc;me fil.</p> <p style="text-align: justify;">Mais cette forme d&rsquo;&eacute;criture rejoint aussi les recherches d&rsquo;&eacute;criture po&eacute;tique pratiqu&eacute;es par Alain Veinstein depuis les ann&eacute;es 1960. Dans l&rsquo;hommage qu&rsquo;il rend &agrave; Michel Deguy, dans <em>Les Ravisseurs</em>, l&rsquo;&eacute;crivain raconte que sa d&eacute;couverte de ce po&egrave;te lui a permis de comprendre qu&rsquo;&laquo;&nbsp;une po&eacute;sie peut s&rsquo;&eacute;crire, proche du &ldquo;direct&rdquo; qui me hante, &agrave; la radio comme &agrave; l&rsquo;&eacute;crit&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo;. En effet, on peut observer les effets de reprises et remise en jeu des m&ecirc;mes mots au sein des po&egrave;mes d&rsquo;Alain Veinstein comme on les a observ&eacute;s dans le d&eacute;roulement du fil Twitter.</p> <blockquote> <p>Une seule fois, un jour.<br /> <br /> Comme un seul amour<br /> sur cette terre.<br /> <br /> S&rsquo;il n&rsquo;y a qu&rsquo;un seul amour<br /> sur cette terre,<br /> rester un peu avec cet amour,<br /> rien qu&rsquo;un peu rester<br /> avec toi.<br /> <br /> J&rsquo;&eacute;cris, depuis, pour rester,<br /> j&rsquo;&eacute;cris &agrave; c&ocirc;t&eacute;<br /> de cet amour&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Les mots &laquo;&nbsp;amour&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;cette terre&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;rester&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;j&rsquo;&eacute;cris&nbsp;&raquo; sont relanc&eacute;s au rythme des vers et des phrases/strophes qui font progresser le texte. Le blanc, plus important dans la page du livre que dans cette retranscription, constitue l&rsquo;&eacute;quivalent des silences qui interrompent chacune des reprises pour qui suit l&rsquo;&eacute;criture en direct sur Twitter. Dans le r&eacute;cit qu&rsquo;il fait de sa rencontre avec Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts, Alain Veinstein formule ainsi les questions qui accompagnaient alors sa d&eacute;marche de cr&eacute;ation po&eacute;tique&nbsp;: &laquo;&nbsp;Comment chasser des livres toute &ldquo;litt&eacute;rature&rdquo;&nbsp;? Comment, sans rien c&eacute;der de la d&eacute;fiance &agrave; l&rsquo;&eacute;gard du langage, composer avec des mots dont on ne s&rsquo;efforce de capter que l&rsquo;&eacute;nergie&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>&nbsp;&nbsp;?&nbsp;&raquo;&nbsp;Dans ce cadre, la r&eacute;f&eacute;rence &agrave; un autre m&eacute;dia, ‒ &eacute;criture &laquo;&nbsp;en direct&nbsp;&raquo; influenc&eacute;e par la pratique de la radio ou &eacute;criture sur un r&eacute;seau social ‒, peut appara&icirc;tre comme un moyen d&rsquo;&eacute;chapper &agrave; ce que l&rsquo;&eacute;criture po&eacute;tique peut avoir de plus conventionnel, afin d&rsquo;atteindre une force d&rsquo;expression qui se concentre dans une langue assez minimaliste, d&eacute;pouill&eacute;e afin que les quelques mots choisis atteignent toute leur puissance.</p> <p style="text-align: justify;">Cependant, sur le fil Twitter, la po&eacute;sie d&rsquo;Alain Veinstein ne saisit pas un instant de la m&ecirc;me nature que celle qui se manifeste chez Yves Bonnefoy, l&rsquo;un de ses po&egrave;tes de r&eacute;f&eacute;rence. Jean-Pierre Richard a montr&eacute; que, dans les po&egrave;mes de ce dernier, l&rsquo;instant appara&icirc;t comme une unit&eacute; mobile&nbsp;: il est &laquo;&nbsp;&agrave; la fois pivotant et lent&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo;. Plus g&eacute;n&eacute;ralement, la po&eacute;sie de cette &eacute;poque, notamment chez Philippe Jaccottet, ne tient pas l&rsquo;instant pour &laquo;&nbsp;un petit point &eacute;tanche de dur&eacute;e&nbsp;&raquo;, mais pour &laquo;&nbsp;un lieu de passage [&hellip;] que son essence [&hellip;] voue &agrave; l&rsquo;ouverture&nbsp;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo;. Au contraire, la structure par messages successifs du r&eacute;seau social tend &agrave; produire des unit&eacute;s closes sur elles-m&ecirc;mes. Dans les tweets d&rsquo;Alain Veinstein, il semblerait plut&ocirc;t que l&rsquo;instant s&rsquo;approfondisse, r&eacute;v&eacute;lant des perspectives inattendues, voire surr&eacute;alistes. La jeune femme au chien que le narrateur rencontre lorsqu&rsquo;il sort promener son chien n&rsquo;est pas sans rappeler la Nadja de Breton. Tout comme son a&icirc;n&eacute;e, elle adresse au tweeteur des paroles &eacute;nigmatiques.</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">7h50. De ma fen&ecirc;tre j&rsquo;aper&ccedil;ois la jeune femme au chien qui passe juste devant chez moi. Elle s&rsquo;arr&ecirc;te et glisse quelque chose sous ma porte. [03/01/2013&nbsp;; 7h54] Je me pr&eacute;cipite. C&rsquo;est une carte. Je lis&nbsp;: Alexandra web [<em>sic</em>], psychanalyste. Suivent un t&eacute;l&eacute;phone et une adresse que je n&rsquo;arrive pas &agrave; d&eacute;chiffrer. [<em>id</em>.&nbsp;; 7h57]</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;&eacute;vocation de la psychanalyse, l&rsquo;attention port&eacute;e aux co&iuml;ncidences, les cartes de visites aux messages myst&eacute;rieux &eacute;voquent le r&eacute;cit d&rsquo;initiation po&eacute;tique au surr&eacute;alisme d&rsquo;Andr&eacute; Breton. Les occasions de rencontre donnent lieu &agrave; des instants marqu&eacute;s par l&rsquo;&eacute;tranget&eacute; et la sensation que le r&eacute;el d&eacute;passe ce que le narrateur en per&ccedil;oit imm&eacute;diatement.</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">7h40. Dans le petit jour hivernal, Alexandra web rentre chez elle, sans son chien, en titubant. [04/01/2013&nbsp;; 7h39] Je reprends la carte de visite d&rsquo;Alexandra et v&eacute;rifie, m&ecirc;me sans lunettes, que le &laquo;&nbsp;psychanalyste&nbsp;&raquo; est bien &eacute;crit en toutes lettres sous son nom. [<em>id</em>.&nbsp;; 7h43] 7h45. Alexandra se cramponne &agrave; l&rsquo;arr&ecirc;t du 191, secou&eacute;e par moments d&rsquo;un rire inextinguible. [<em>id.</em>&nbsp;; 7h45] Pour finir, elle traverse la rue et glisse &agrave; nouveau sa carte sous ma porte. Est-elle identique &agrave; celle d&rsquo;hier&nbsp;? [<em>id.</em>&nbsp;; 7h54] C&rsquo;est exactement la m&ecirc;me, mais cette fois, elle a trac&eacute; ces mots&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ne cherchons pas de sens, il n&rsquo;y en a pas.&nbsp;&raquo; [<em>id</em>.&nbsp;; 7h56]</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Contrairement &agrave; ce qui a lieu dans <em>Nadja</em>, la rencontre restera fantasm&eacute;e et n&rsquo;ouvrira &agrave; aucune &laquo;&nbsp;conception du monde&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn32" name="_ftnref32">[32]</a> clairement identifi&eacute;e par le narrateur. En bonne initiatrice &agrave; la po&eacute;sie du Web, Alexandra est plut&ocirc;t celle qui&nbsp; invite &agrave; renoncer au sens, de m&ecirc;me que le flux continu du fil ne permet pas l&rsquo;&eacute;laboration d&rsquo;une conclusion r&eacute;flexive comme celle qui cl&ocirc;t <em>Nadja</em>.</p> <p style="text-align: justify;">La jeune femme au chien ne prendra jamais la dimension quasi biographique qu&rsquo;a Nadja pour Breton. Elle reste un simple personnage de fiction&nbsp;: &laquo;&nbsp;10h, Malakoff. Retour &agrave; la vie r&eacute;elle. &Ecirc;tre ce qu&rsquo;on est. Pour moi, un homme qui prom&egrave;ne un chien. Tout le reste rel&egrave;ve de la vie secr&egrave;te.&nbsp;&raquo; [31/12/2012&nbsp;;&nbsp;10h37]. Mais la projection de cette inconnue dans la virtualit&eacute; du r&eacute;seau ouvre la perception de l&rsquo;instant &agrave; quelque chose qui d&eacute;borde du cadre de l&rsquo;exp&eacute;rience dite <em>in real life</em>. En effet, Marcello Vitali Rosati rappelle que le virtuel correspond au *<em>dunaton</em> d&rsquo;Aristote, une &laquo;&nbsp;force qui d&eacute;termine la production de quelque chose de nouveau&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn33" name="_ftnref33">[33]</a>. Il oppose une conception traditionnelle&nbsp; qui &laquo;&nbsp;extrait du r&eacute;el l&rsquo;id&eacute;e de mouvement, d&rsquo;&eacute;volution&nbsp;&raquo;, &ndash;&nbsp; concevant la r&eacute;alit&eacute; comme &laquo;&nbsp;une s&eacute;rie d&rsquo;arr&ecirc;ts sur image juxtapos&eacute;s&nbsp;&raquo; &ndash;&nbsp;, et le virtuel envisag&eacute; comme une &laquo;&nbsp;force dynamique d&eacute;terminant le mouvement du r&eacute;el&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn34" name="_ftnref34">[34]</a>. L&rsquo;&eacute;criture sur le fil de Twitter devient po&eacute;tique &agrave; partir du moment o&ugrave; elle se saisit de l&rsquo;occasion donn&eacute;e par l&rsquo;espace virtuel ouvert par le r&eacute;seau social pour r&eacute;v&eacute;ler une autre mani&egrave;re d&rsquo;exp&eacute;rimenter le r&eacute;el que celle o&ugrave; nous enferme ce que l&rsquo;on appelle couramment la &laquo;&nbsp;vraie vie&nbsp;&raquo; par opposition &agrave; ce qui se vit sur le Web. Par son caract&egrave;re intermittent et ses contradictions, la beaut&eacute; qui en &eacute;mane se r&eacute;v&egrave;le &laquo;&nbsp;convulsive&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn35" name="_ftnref35">[35]</a>, comme celle qu&rsquo;Andr&eacute; Breton appelait de ses v&oelig;ux. Cette beaut&eacute; impr&eacute;visible, &eacute;trange et &eacute;nigmatique que ce dernier finit par trouver simplement dans le &laquo;&nbsp;journal du matin&nbsp;&raquo; est aussi celle qu&rsquo;Alain Veinstein cherche &agrave; capter lorsqu&rsquo;il &eacute;coute la radio.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="3_Le_livre_une_negation_de_linstant">3. Le livre, une n&eacute;gation de l&rsquo;instant&nbsp;?</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Une consultation attentive des archives num&eacute;riques du fil Twitter de cet &eacute;crivain donne rapidement &agrave; percevoir l&rsquo;intensit&eacute; du travail de r&eacute;&eacute;criture mis en &oelig;uvre pour la publication du roman <em>Cent quarante signes</em> r&eacute;alis&eacute; &agrave; partir des tweets publi&eacute;s entre avril 2012 et mars 2013. Bon nombre de messages sont amend&eacute;s et comportent des corrections de lexique et de syntaxe. Ainsi, le tweet du 5 janvier 2013, &laquo;&nbsp;En sortant du sommeil j&rsquo;ai pens&eacute; &agrave; ma m&egrave;re. Enfant, c&rsquo;&eacute;tait plut&ocirc;t le contraire. C&rsquo;&eacute;tait en m&rsquo;endormant que je pensais &agrave; elle.&nbsp;&raquo; [9h43], devient&nbsp;dans le livre&nbsp;: &laquo;&nbsp;En me r&eacute;veillant, j&rsquo;ai pens&eacute; &agrave; ma m&egrave;re. Enfant, c&rsquo;&eacute;tait plut&ocirc;t en m&rsquo;endormant qu&rsquo;elle occupait mes pens&eacute;es&nbsp;<a href="#_ftn36" name="_ftnref36">[36]</a>.&nbsp;&raquo; Certains messages sont enti&egrave;rement supprim&eacute;s. La s&eacute;rie de tweets du 5 janvier 2013 commence par trois pens&eacute;es sur le rapport de l&rsquo;auteur &agrave; sa m&egrave;re, suivi de cinq remarques sur le lien qu&rsquo;il a entretenu avec son p&egrave;re. Ces derniers messages ne figurent pas dans le roman. De m&ecirc;me, l&rsquo;&eacute;vocation de la m&egrave;re est transform&eacute;e puisque le &laquo;&nbsp;chagrin&nbsp;&raquo; [9h45] qui lui est attribu&eacute; devient de l&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;angoisse&nbsp;<a href="#_ftn37" name="_ftnref37">[37]</a>&nbsp;&raquo; et que le d&eacute;sir de &laquo;&nbsp;lui faire plaisir&nbsp;&raquo; [9h47] n&rsquo;est pas mentionn&eacute; dans le livre. Au contraire, d&rsquo;autres fragments, au nombre de neuf, ont &eacute;t&eacute; r&eacute;dig&eacute;s sur ce m&ecirc;me th&egrave;me pour la publication papier.</p> <p style="text-align: justify;">Doit-on conclure de cette situation qu&rsquo;Alain Veinstein met en doute la valeur de ce qui s&rsquo;est &eacute;crit dans l&rsquo;instant pour lui pr&eacute;f&eacute;rer une &eacute;criture plus concert&eacute;e&nbsp;? Cela pourrait sembler d&eacute;cevant de la part d&rsquo;un interviewer qui a toujours pr&eacute;f&eacute;r&eacute; enregistrer et diffuser ses entretiens dans les conditions du direct&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;Avec le montage, l&rsquo;interview est un bien mal acquis&nbsp;<a href="#_ftn38" name="_ftnref38">[38]</a>.&nbsp;&raquo; D&rsquo;une part, celui-ci reconna&icirc;t que la n&eacute;cessit&eacute; du montage appara&icirc;t en cas d&rsquo;&eacute;chec ou d&rsquo;accident survenu dans l&rsquo;entretien. Faut-il alors penser que le fil Twitter, pourtant continu&eacute; activement jusqu&rsquo;en juin 2016 et encore ouvert aujourd&rsquo;hui, est un &eacute;chec aux yeux de son auteur&nbsp;? L&rsquo;&eacute;criture en direct ne serait alors pour lui qu&rsquo;un avant-texte en attente d&rsquo;&ecirc;tre retravaill&eacute; pour devenir le v&eacute;ritable texte litt&eacute;raire digne de la publication en livre. Mais, d&rsquo;autre part, Alain Veinstein consid&egrave;re aussi le montage comme une trahison, voire un meurtre, puisqu&rsquo;il n&eacute;cessite de &laquo;&nbsp;trancher dans le vif&nbsp;&raquo; et laisse au monteur &laquo;&nbsp;du sang sur les mains&nbsp;<a href="#_ftn39" name="_ftnref39">[39]</a>&nbsp;&raquo;. Selon lui, la recomposition d&rsquo;un entretien fait perdre &agrave; l&rsquo;auditeur la qualit&eacute; de l&rsquo;&eacute;coute qui a lieu entre les deux interlocuteurs, ainsi que leur pr&eacute;sence corporelle dans le souffle et les silences. Faut-il donc, au contraire, regarder le roman comme une version non authentique, apocryphe, d&rsquo;un <em>happening</em> d&eacute;finitivement pass&eacute; et auquel il n&rsquo;a pas ou n&rsquo;a plus acc&egrave;s directement&nbsp;? Ce serait alors m&eacute;sestimer le profond travail de r&eacute;daction et de composition mis en &oelig;uvre dans <em>Cent quarante signes</em>.</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;analyse des transformations op&eacute;r&eacute;es par Alain Veinstein pour l&rsquo;&eacute;laboration de son livre montre que la majorit&eacute; d&rsquo;entre elles va dans le sens d&rsquo;un approfondissement de l&rsquo;exp&eacute;rience relat&eacute;e par le fil. Pour ce qui est de la s&eacute;rie du 5 janvier 2013, le choix de supprimer les r&eacute;flexions sur le p&egrave;re pour d&eacute;velopper celles sur la m&egrave;re permet de concentrer l&rsquo;attention sur un sujet pr&eacute;cis et d&rsquo;&eacute;viter la sensation de dispersion que peut donner une collection d&rsquo;instantan&eacute;s. Le mal-&ecirc;tre per&ccedil;u chez la m&egrave;re colore l&rsquo;ensemble de l&rsquo;unit&eacute; consacr&eacute;e dans le livre &agrave; la journ&eacute;e du 5 janvier, puisque son angoisse contamine le narrateur lui-m&ecirc;me dans le dernier fragment&nbsp;: &laquo;&nbsp;Entortill&eacute; dans le fil d&rsquo;alerte. L&rsquo;&eacute;tau d&rsquo;une angoisse qui ne s&rsquo;est jamais desserr&eacute; &nbsp;<a href="#_ftn40" name="_ftnref40">[40]</a>.&nbsp;&raquo; L&rsquo;ensemble des fragments r&eacute;dig&eacute;s pour le livre explore l&rsquo;enfermement de la m&egrave;re dans une &laquo;&nbsp;vie d&rsquo;emprunt&nbsp;&raquo;, une &laquo;&nbsp;vie d&rsquo;actrice&nbsp;&raquo;, dont le r&ocirc;le est &laquo;&nbsp;verrouill&eacute; &agrave; tout jamais&nbsp;&raquo;. Les proc&eacute;d&eacute;s d&rsquo;&eacute;criture sont ceux du fil, domin&eacute;s par la reprise de termes et l&rsquo;&eacute;panorthose&nbsp;: &laquo;&nbsp;En tapant les lignes pr&eacute;c&eacute;dentes, j&rsquo;ai omis les mots &laquo;&nbsp;l&rsquo;aider &agrave; vivre&nbsp;&raquo;&nbsp;: impossibles &agrave; &eacute;crire&nbsp;<a href="#_ftn41" name="_ftnref41">[41]</a>&nbsp;&nbsp;&raquo;. L&rsquo;ensemble de ces modifications appara&icirc;t comme une mani&egrave;re suppl&eacute;mentaire d&rsquo;approfondir le moment o&ugrave; survient la pens&eacute;e, comme une m&eacute;ditation qui s&rsquo;appesantit sur l&rsquo;instant pr&eacute;sent pour atteindre une dimension plus int&eacute;rieure de la r&eacute;alit&eacute; envisag&eacute;e. L&rsquo;exp&eacute;rience mise en &oelig;uvre par l&rsquo;&eacute;criture en direct n&rsquo;est jamais reni&eacute;e ni trahie&nbsp;; elle est plut&ocirc;t mise &agrave; profit et dilat&eacute;e dans une &eacute;criture <em>a posteriori</em>, qui demande parfois le courage d&rsquo;affronter en toute sinc&eacute;rit&eacute; un pass&eacute; familial difficile &agrave; porter.</p> <p style="text-align: justify;">Avec Alain Veinstein, &laquo;&nbsp;retrouver le frisson du direct&nbsp;&raquo; n&rsquo;est pas seulement retrouver par l&rsquo;&eacute;criture sur Twitter des perceptions et des modes d&rsquo;expression d&eacute;j&agrave; mises en pratique &agrave; la radio. Il s&rsquo;agit v&eacute;ritablement d&rsquo;un retour &agrave; la fois sur des exigences existentielles vis-&agrave;-vis de la parole produite et sur ce que cette forme d&rsquo;&eacute;criture permet de faire advenir. Comme &agrave; la radio, le direct est le lieu d&rsquo;un &laquo;&nbsp;frisson&nbsp;&raquo; li&eacute; au risque de laisser &eacute;chapper l&rsquo;occasion de dire quelque chose d&rsquo;inou&iuml;, mais aussi le lieu du &laquo;&nbsp;frisson&nbsp;&raquo; li&eacute; au plaisir de r&eacute;v&eacute;ler tout ce que le r&eacute;el comporte d&rsquo;&eacute;tranget&eacute;, d&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute; et de beaut&eacute;.</p> <h3>Notes<br /> &nbsp;</h3> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a>&nbsp;Alain Veinstein, <em>Cent quarante signes</em>, Paris, Grasset, 2013, p.&nbsp;10.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a>&nbsp;Alain Veinstein, <em>Les Ravisseurs</em>, Paris, Grasset, 2015, p.&nbsp;249.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;263.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a>&nbsp;Fran&ccedil;ois Hartog, <em>R&eacute;gimes d&rsquo;historicit&eacute;. Pr&eacute;sentisme et exp&eacute;riences du temps </em>[2003], Paris, &Eacute;ditions du Seuil, &laquo;&nbsp;Points Histoire&nbsp;&raquo;, 2012, p.&nbsp;13.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a>&nbsp;Roland Barthes, <em>La Pr&eacute;paration du roman I et II</em>, Paris, Seuil/Imec, &laquo;&nbsp;Traces &eacute;crites&nbsp;&raquo;, texte &eacute;tabli par Nathalie L&eacute;ger, 2003, p.&nbsp;90.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a>&nbsp;La r&eacute;daction de cet article s&rsquo;appuie sur la consultation du compte Twitter d&rsquo;Alain Veinstein, archiv&eacute; &agrave; partir du 14 f&eacute;vrier 2014 par l&rsquo;Ina dlweb. &Agrave; cette date, conform&eacute;ment aux r&eacute;glages pr&eacute;vus par la base, 3242 tweets ont &eacute;t&eacute; sauvegard&eacute;s. Il ne m&rsquo;a pas toujours &eacute;t&eacute; possible de d&eacute;terminer avec pr&eacute;cision si l&rsquo;archive que je consultais &eacute;tait compl&egrave;te par rapport au fil Twitter r&eacute;el d&rsquo;Alain Veinstein. Je n&rsquo;ai, par exemple, pas retrouv&eacute; de trace des tweets r&eacute;dig&eacute;s avant le 1<sup>er</sup> mai 2012. Je tiens &agrave; remercier amicalement Zeynep Pehlivan qui m&rsquo;a permis, avec beaucoup de patience et de disponibilit&eacute;, de consulter, avant que cet outil ne soit consultable par le public, la version B&ecirc;ta des archives Twitter accessibles dans la base dlweb de l&rsquo;Inath&egrave;que.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a>&nbsp;V. Marie-Laure Rossi, &laquo;&nbsp;Le Ramdam et le gazouillis. Alain Veinstein, twitter dans le bruit du monde&nbsp;&raquo;, article &agrave; para&icirc;tre.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a>&nbsp;Marie-Anne Paveau, &laquo;&nbsp;Activit&eacute;s langagi&egrave;res et technologies discursives. L&rsquo;exemple de Twitter&nbsp;&raquo;, 5 mars 2012, <a href="http://www.penseedudiscours.hypotheses.org/8338" target="_blank">www.penseedudiscours.hypotheses.org/8338</a> [derni&egrave;re consultation 28 d&eacute;cembre 2016].</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a>&nbsp;Dans <em>Le D&eacute;mon de la th&eacute;orie</em>, Antoine Compagnon rappelle que, depuis le milieu du XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle, la d&eacute;finition de la litt&eacute;rature qui s&rsquo;est impos&eacute;e est celle d&rsquo;un &laquo;&nbsp;art verbal&nbsp;&raquo;. V. Antoine Compagnon, <em>Le D&eacute;mon de la th&eacute;orie</em> [1998], Paris, Seuil, &laquo;&nbsp;Points&nbsp;&raquo;, 2001, p.&nbsp;43.</p> <p><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a>&nbsp;Alain Veinstein, <em>Cent quarante signes</em>, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;9.</p> <p><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a>&nbsp;Alain Veinstein, <em>Radio sauvage</em>, Paris, Seuil, &laquo;&nbsp;Fiction et Cie&nbsp;&raquo;, 2010, p.&nbsp;254.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a>&nbsp;Thierry Crouzet, <em>tcrouzet.com</em>, &laquo;&nbsp;La Send g&eacute;n&eacute;ration&nbsp;&raquo;, 15 novembre 2013, <a href="http://www.tcrouzet.com/2013/11/15/la-send-generation/" target="_blank">www.tcrouzet.com/2013/11/15/la-send-generation/</a> [derni&egrave;re consultation 28 d&eacute;cembre 2016].</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a>&nbsp;Par exemple, le best-seller de Guillaume Musso, paru chez XO &Eacute;ditions en mars 2016, s&rsquo;intitule <em>L&rsquo;instant pr&eacute;sent</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a>&nbsp;Selon les statistiques de la base dlweb, le terme &laquo;&nbsp;r&ecirc;ve&nbsp;&raquo; arrive en cinqui&egrave;me position des mots les plus employ&eacute;s, avec 186 occurrences.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a>&nbsp;Ce dernier tweet est pr&eacute;c&eacute;d&eacute; de la mention &laquo;&nbsp;R&ecirc;ve&nbsp;&raquo; dans sa reprise pour le roman <em>Cent quarante signes</em>, <em>op. cit</em>., p.&nbsp;265.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a>&nbsp;Gaston Bachelard, &laquo;&nbsp;R&ecirc;verie et radio&nbsp;&raquo;, <em>Le Droit de r&ecirc;ver</em>, Paris, Presses Universitaires de France, 1970, &laquo;&nbsp;Quadrige&nbsp;&raquo;, 2013, p.&nbsp;223.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a>&nbsp;Isabelle Krywkowski, <em>Machines &agrave; &eacute;crire. Litt&eacute;rature et technologies du XIX<sup>e</sup> au XX<sup>e</sup> si&egrave;cle</em>, Grenoble, ELLUG, &laquo;&nbsp;Savoirs litt&eacute;raires et imaginaires scientifiques&nbsp;&raquo;, 2010, p.&nbsp;208.</p> <p><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a>&nbsp;Alain Veinstein, <em>Radio sauvage</em>, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;100.</p> <p><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a>&nbsp;<em>Ibid.,</em> p.&nbsp;63.</p> <p><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a>&nbsp;Alain Veinstein, <em>id.,</em> p.&nbsp;57.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a>&nbsp;Georges Perec, &laquo;&nbsp;Tentative de description des choses vues au carrefour de Mabillon le 19 mai 1978&nbsp;&raquo;, <em>France Culture</em>, 25 f&eacute;vrier 1979, r&eacute;alisation Nicole Pascot.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a>&nbsp;Georges Perec, <em>L&rsquo;Infra-ordinaire</em>, Paris, &Eacute;ditions du Seuil, &laquo;&nbsp;La librairie du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle&nbsp;&raquo;, 1989, p.&nbsp;11-13.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a>&nbsp;Alexandre Gefen, &laquo;&nbsp;Ce que les r&eacute;seaux sociaux font &agrave; la litt&eacute;rature&nbsp;&raquo;, <em>Itin&eacute;raires</em>, 2010-2, mis en ligne le 10 juillet 2010, http&nbsp;://itineraires.revues.org/2065 [derni&egrave;re consultation 28 d&eacute;cembre 2016].</p> <p><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a>&nbsp;Alain Veinstein, <em>Radio sauvage</em>, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;85.</p> <p><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a>&nbsp;Jean-Luc Nancy, <em>&Agrave; l&rsquo;&eacute;coute</em>, Paris, Galil&eacute;e, 2002, p. 19.</p> <p><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a>. <em>Id.</em>, p. 45.</p> <p><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a>&nbsp;Alain Veinstein, <em>Les Ravisseurs</em>, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;203.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a>&nbsp;Alain Veinstein, <em>L&rsquo;Introduction de la pelle. Po&egrave;mes 1967-1989</em>, &laquo;&nbsp;Une seule fois, un jour&nbsp;&raquo; [1989], Paris, Seuil, &laquo;&nbsp;Fiction &amp; Cie&nbsp;&raquo;, 2014, p.&nbsp;409.</p> <p><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a>&nbsp;Alain Veinstein, <em>Les Ravisseurs</em>, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;112.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a>&nbsp;Jean-Pierre Richard, <em>Onze &Eacute;tudes sur la po&eacute;sie moderne</em> [1964], Paris, &Eacute;ditions du Seuil, &laquo;&nbsp;Points Essais&nbsp;&raquo;, 1981, p.&nbsp;272.</p> <p><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;332.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref32" name="_ftn32">[32]</a>&nbsp;Andr&eacute; Breton, <em>Nadja</em> [&eacute;dition de 1963], Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Folioplus classiques&nbsp;&raquo;, 2007, p.&nbsp;46.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref33" name="_ftn33">[33]</a>&nbsp;Marcello Vitali Rosati, <em>S&rsquo;orienter dans le virtuel</em>, Paris, Hermann, &laquo;&nbsp;Cultures num&eacute;riques&nbsp;&raquo;, 2012, p.&nbsp;157.</p> <p><a href="#_ftnref34" name="_ftn34">[34]</a>. <em>Id.</em>, p.&nbsp;158-159.</p> <p><a href="#_ftnref35" name="_ftn35">[35]</a>&nbsp;Andr&eacute; Breton, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;132.</p> <p><a href="#_ftnref36" name="_ftn36">[36]</a>&nbsp;Alain Veinstein, <em>Cent quarante signes</em>, <em>op. cit.</em>,&nbsp;p. 331.</p> <p><a href="#_ftnref37" name="_ftn37">[37]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em></p> <p><a href="#_ftnref38" name="_ftn38">[38]</a>&nbsp;Alain Veinstein, <em>Radio sauvage</em>, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;64.</p> <p><a href="#_ftnref39" name="_ftn39">[39]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em></p> <p><a href="#_ftnref40" name="_ftn40">[40]</a>&nbsp;Alain Veinstein, <em>Cent quarante signes</em>, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;333.</p> <p><a href="#_ftnref41" name="_ftn41">[41]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p. 332.</p> <h3>Bibliographie<br /> &nbsp;</h3> <p style="text-align: justify;">BACHELARD Gaston, &laquo;&nbsp;R&ecirc;verie et radio&nbsp;&raquo;, <em>Le Droit de r&ecirc;ver</em>, Paris, Presses Universitaires de France, &laquo;&nbsp;Quadrige&nbsp;&raquo;, 2013.</p> <p style="text-align: justify;">BARTHES Roland, <em>La Pr&eacute;paration du roman I et II</em>, Paris, &Eacute;ditions du Seuil / Imec, &laquo;&nbsp;Traces &eacute;crites&nbsp;&raquo;, texte &eacute;tabli par Nathalie L&eacute;ger, 2003.</p> <p style="text-align: justify;">BRETON&nbsp;Andr&eacute;, <em>Nadja</em> [&eacute;dition de 1963], Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Folioplus Classiques&nbsp;&raquo;, 2007.</p> <p style="text-align: justify;">COMPAGNON Antoine, <em>Le D&eacute;mon de la th&eacute;orie</em> [1998], &Eacute;ditions du Seuil, &laquo;&nbsp;Points&nbsp;&raquo;, 2001.</p> <p style="text-align: justify;">CROUZET&nbsp;Thierry, tcrouzet.com, &laquo;&nbsp;La Send g&eacute;n&eacute;ration&nbsp;&raquo;, 15 novembre 2013, <a href="http://www.tcrouzet.com/2013/11/15/la-send-generation" target="_blank">www.tcrouzet.com/2013/11/15/la-send-generation</a>.</p> <p style="text-align: justify;">GEFEN Alexandre, &laquo;&nbsp;Ce que les r&eacute;seaux sociaux font &agrave; la litt&eacute;rature&nbsp;&raquo;, <em>Itin&eacute;raires</em>, 2010-2, mis en ligne le 10 juillet 2010, <a href="http://itineraires.revues.org/2065" target="_blank">http&nbsp;://itineraires.revues.org/2065</a>.</p> <p style="text-align: justify;">HARTOG Fran&ccedil;ois, <em>R&eacute;gimes d&rsquo;historicit&eacute;. Pr&eacute;sentisme et exp&eacute;riences du temps</em> [2003], Paris, &Eacute;ditions du Seuil, &laquo;&nbsp;Points Histoire&nbsp;&raquo; 2012.</p> <p style="text-align: justify;">KRYWKOWSKI Isabelle, <em>Machines &agrave; &eacute;crire. Litt&eacute;rature et technologies du XIX<sup>e</sup></em><em>&nbsp;</em><em>au XX<sup>e</sup> </em><em>si&egrave;cle</em>, Grenoble, ELLUG, &laquo;&nbsp;Savoirs litt&eacute;raire et imaginaires scientifiques&nbsp;&raquo;, 2010.</p> <p style="text-align: justify;">NANCY Jean-Luc, <em>&Agrave; l&rsquo;&eacute;coute</em>, Paris, Galil&eacute;e, 2002.</p> <p style="text-align: justify;">PAVEAU Marie-Anne, &laquo;&nbsp;Activit&eacute;s langagi&egrave;res et technologies discursives. L&rsquo;exemple de Twitter&nbsp;&raquo;, 5 mars 2012, <a href="http://www.penseedudiscours.hypotheses.org/8338" target="_blank">www.penseedudiscours.hypotheses.org/8338</a>.</p> <p>Perec Georges, &laquo;&nbsp;Tentative de description de choses vues au carrefour Mabillon le 19 mai 1978&nbsp;&raquo;, <em>France Culture</em>, 25 f&eacute;vrier 1979, r&eacute;alisation Nicole Pascot.</p> <p>&mdash;,&nbsp;<em>L&rsquo;Infra-ordinaire</em>, Paris, &Eacute;ditions du Seuil, &laquo;&nbsp;La librairie du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle&nbsp;&raquo;, 1989.</p> <p>RICHARD Jean-Pierre, <em>Onze &eacute;tudes sur la po&eacute;sie moderne</em> [1964], Paris, &Eacute;ditions du Seuil, &laquo;&nbsp;Points Essais&nbsp;&raquo;, 1981.</p> <p style="text-align: justify;">TH&Eacute;RENTY Marie-&Egrave;ve, <em>La Litt&eacute;rature au quotidien. Po&eacute;tiques journalistiques au XIX<sup>e</sup></em> <em>si&egrave;cle</em>, Paris, &Eacute;ditions du Seuil, &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;, 2007.</p> <p>VEINSTEIN Alain,&nbsp;<em>Radio sauvage</em>, Paris, &Eacute;ditions du Seuil, &laquo;&nbsp;Fiction &amp; Cie&nbsp;&raquo;, 2010.</p> <p><em>&mdash;,&nbsp;Cent quarante signes</em>, Paris, Grasset, 2013.</p> <p><em>&mdash;,&nbsp;L&rsquo;introduction de la pelle. Po&egrave;mes 1967-1989</em>, Paris, &Eacute;ditions du Seuil, &laquo;&nbsp;Fiction &amp; Cie&nbsp;&raquo;, 2014.</p> <p><em>&mdash;,&nbsp;Les Ravisseurs, </em>Paris, Grasset, 2015.</p> <p>&mdash;, compte @AVeinstein, ouvert en avril 2012, consult&eacute; sur la base dlweb de l&rsquo;Inath&egrave;que.</p> <p>VITALI ROSATI Marcello, <em>S&rsquo;orienter dans le virtuel</em>, Paris, Hermann, &laquo;&nbsp;Cultures num&eacute;riques&nbsp;&raquo;, 2012.</p> <h3><span id="Auteur">Auteur</span></h3> <p style="text-align: justify;"><strong>Marie-Laure Rossi</strong> est l&rsquo;auteur d&rsquo;<em>&Eacute;crire en r&eacute;gime m&eacute;diatique</em>, &eacute;tude consacr&eacute;e &agrave; Marguerite Duras et Annie Ernaux. Elle &eacute;tudie les liens entre litt&eacute;rature et m&eacute;dias &agrave; l&rsquo;&eacute;poque contemporaine. Elle a d&eacute;j&agrave; consacr&eacute; un article &agrave; Alain Veinstein, &laquo;&nbsp;Le Ramdam et le gazouillis. Alain Veinstein, twitter dans le bruit du monde&nbsp;&raquo;, et a &eacute;crit des articles sur les productions radiophoniques de Pierre Senges et d&rsquo;Olivia Rosenthal.</p> <h3>Copyright</h3> <p>Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p> </div>