<div class="entry-content"> <h3>Abstract</h3> <p>Why did we write short texts on the web? Why did literature play at the speed of light in digital publishing? Why is this less true today? Why are texts lengthening again? Is it to mark a denial of real time? Or is it an illusion that hides a desire to seize the moment?</p> <p><strong>Keywords</strong></p> <p class="meta-tags">network, textshot, brief, journal, deferred</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <ol> <li style="text-align: justify;"> <p>Aujourd&rsquo;hui, 26 d&eacute;cembre 2016, et pour &ecirc;tre pr&eacute;cis &agrave; l&rsquo;instant m&ecirc;me de 10&nbsp;:&nbsp;15, la publication de textes brefs en ligne ne me stimule plus gu&egrave;re, non pas que cette forme soit morte, mais parce qu&rsquo;elle ne fonctionne plus pour moi (entendre &laquo;&nbsp;fonctionne&nbsp;&raquo; dans son sens le plus m&eacute;canique).</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Cette d&eacute;claration demande explications et nuances. La mention de la date du 26 d&eacute;cembre &agrave; 10&nbsp;:15 pour commencer, parce que demain je risque de penser autrement, et m&ecirc;me de revenir &agrave; des pratiques d&eacute;laiss&eacute;es, qu&rsquo;une innovation technique pourrait renouveler. Je n&rsquo;attends que l&rsquo;occasion de me contredire.</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Pour marquer le provisoire et le subjectif de mes propos, leur instantan&eacute;it&eacute;, je revendique le droit de dire &laquo;&nbsp;je&nbsp;&raquo; m&ecirc;me dans mes textes les plus th&eacute;oriques, et plus ils le sont plus le &laquo;&nbsp;je&nbsp;&raquo; doit s&rsquo;imposer. Faire dispara&icirc;tre le &laquo;&nbsp;je&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est laisser croire &agrave; une v&eacute;rit&eacute; qui n&rsquo;existe pas. Tout texte qui cache son &laquo;&nbsp;je&nbsp;&raquo; me para&icirc;t dangereux.</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Le mot fragment sous-entend g&eacute;n&eacute;ralement quelque chose de plus grand, auquel le fragment aurait &eacute;t&eacute; arrach&eacute;. Pour moi, les choses fonctionnent dans l&rsquo;autre sens&nbsp;: la r&eacute;union des fragments peut &eacute;ventuellement constituer une &oelig;uvre. Je n&rsquo;arrache pas les fragments, je les assemble. Un fragment est tout simplement un texte &eacute;crit en un instant. Il est n&eacute;cessairement bref.</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Je n&rsquo;ai jamais consid&eacute;r&eacute; mes fragments comme ind&eacute;pendants. Par leur accumulation, j&rsquo;esp&eacute;rais et j&rsquo;esp&egrave;re toujours cr&eacute;er de la complexit&eacute;&nbsp;: un roman &agrave; partir de tweets, un essai &agrave; partir de billets de blog, un journal &agrave; partir de statuts sociaux illustr&eacute;s de photos, une r&eacute;flexion sur le bref &agrave; partir de <em>textshots</em>. Je consid&egrave;re &agrave; ce titre mon blog comme l&rsquo;&oelig;uvre qui r&eacute;unit des milliers de fragments, un <em>commonplace book</em>.</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Comme le temps est une succession d&rsquo;instants, l&rsquo;&oelig;uvre devient une succession de fragments. On travaille en un instant pour fabriquer des fragments qui, r&eacute;unis, reconstituent le temps long.</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>En cette fin 2016, quelques auteurs num&eacute;riques francophones avec lesquels je me sens proche se mettent &agrave; publier leur journal sur le Web ou &agrave; l&rsquo;aide d&rsquo;une newsletter&nbsp;: <a href="https://philippe-castelneau.com/" target="_blank">Philippe Castelneau</a>, <a href="http://page42.org/" target="_blank">Neil Jomunsi</a>, <a href="http://liminaire.fr/journal-1/article/une-histoire-du-monde-avec-des" target="_blank">Pierre M&eacute;nard</a>&hellip; O&ugrave; plus pr&eacute;cis&eacute;ment ils se ressaisissent de cette possibilit&eacute; comme le fait depuis 2008 <a href="http://www.fuirestunepulsion.net/" target="_blank">Guillaume Vissac</a>. &Agrave; une diff&eacute;rence, Guillaume publie quotidiennement des fragments en diff&eacute;r&eacute; de quelques semaines, qu&rsquo;il fait m&ucirc;rir peu &agrave; peu avant de les diffuser, son journal n&rsquo;est qu&rsquo;une <a href="http://www.face-terres.fr/une-sorte-de-journal" target="_blank">sorte de journal</a> comme dit Daniel Bourrion, un objet encore trop litt&eacute;raire d&rsquo;une certaine fa&ccedil;on. Les autres veulent en revenir &agrave; quelque chose de plus brut, non publier au jour le jour, mais par salves plus ou moins espac&eacute;es qui compilent les fragments sur une p&eacute;riode. Il s&rsquo;agit de donc de diff&eacute;rencier les instants de production de ceux de&nbsp;diffusion.</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Ce passage de la publication continuelle des fragments, ce qui se faisait sur le Web des origines, &agrave; la mise en attente, &agrave; la compilation, puis &agrave; la diffusion retard&eacute;e, en dit beaucoup sur l&rsquo;&eacute;volution du Web litt&eacute;raire&nbsp;: une sorte de refus du temps r&eacute;el, de sa dictature, de la course &agrave; la recommandation sociale, au besoin de visibilit&eacute;&hellip; ce qui implique de trouver le titre qui fait mouche, les phrases-chocs, et qui nous entra&icirc;nent sur la pente du journalisme <em>trash </em>plut&ocirc;t que vers la litt&eacute;rature. Alors, au contraire, assez soudainement, les fragments se cachent dans un ensemble. Tout au plus num&eacute;rot&eacute;s ou horodat&eacute;s, ils se replient pour ne revendiquer que leur litt&eacute;rarit&eacute;.</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Ce refus du temps r&eacute;el, et m&ecirc;me du r&eacute;f&eacute;rencement, est-il un aveu d&rsquo;&eacute;chec&nbsp;? J&rsquo;entends souvent cette accusation&nbsp;: &laquo;&nbsp;Vous rejetez les r&egrave;gles du Web social parce que vous n&rsquo;y &ecirc;tes pas des stars.&nbsp;&raquo; D&eacute;j&agrave;, rejeter, pervertir, subvertir a toujours &eacute;t&eacute; notre travail. Puis, que je sache, peu de stars de la litt&eacute;rature sont venues sur le Web durant les ann&eacute;es 2000 et je ne vois toujours pas pointer leur nez. Cette affaire n&rsquo;a rien &agrave; voir avec le succ&egrave;s, qui se gagne ailleurs, et se mat&eacute;rialise par un compte en banque. Nous nous sommes retrouv&eacute;s sur le Web entre exp&eacute;rimentateurs parce que les possibilit&eacute;s techniques nous fascinaient et nous stimulaient. Si aujourd&rsquo;hui nous sommes nombreux &agrave; effectuer un pas de c&ocirc;t&eacute;, non pas en quittant le monde num&eacute;rique, mais en le pliant &agrave; de nouvelles contraintes, ce n&rsquo;est pas parce que nous ne sommes pas assez populaires, mais parce que certains des m&eacute;canismes qui nous passionnaient ne fonctionnent plus et que nous devons en inventer de nouveaux.</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Pourquoi le bref s&rsquo;est-il impos&eacute; sur le Web litt&eacute;raire&nbsp;? On a souvent dit&nbsp;: parce qu&rsquo;on ne peut pas lire long sur &eacute;cran, ce qui est faux. Pour preuve, depuis bien des ann&eacute;es, pour un auteur donn&eacute; sur le Web, ses articles les plus longs sont souvent les plus lus. C&rsquo;est notamment vrai pour moi, comme si le nombre de lecteurs &eacute;tait proportionnel au temps que je passais &agrave; &eacute;crire un texte. Nous n&rsquo;avons donc pas adopt&eacute; le bref par un souci d&rsquo;ergonomie (id&eacute;e re&ccedil;ue, tr&egrave;s peu litt&eacute;raire, d&rsquo;ailleurs).</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Parenth&egrave;se technique&nbsp;: plus un texte est long, plus il offre de portes d&rsquo;entr&eacute;e pour Google, donc a plus de chance d&rsquo;&ecirc;tre lu dans la dur&eacute;e. Faire bref pour &ecirc;tre lu est une tr&egrave;s mauvaise strat&eacute;gie (dans le flux du temps r&eacute;el, seuls les titres attirent l&rsquo;attention, et encore une fois peu importe d&rsquo;&ecirc;tre bref ou non).</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Nous aurions pu publier des chapitres de livres sur nos blogs. Certains l&rsquo;ont fait, pour se d&eacute;barrasser de lourds fardeaux, mais plus commun&eacute;ment, par le pass&eacute;, j&rsquo;insiste, nous avons pris l&rsquo;habitude de publier souvent, m&ecirc;me tr&egrave;s souvent, frapp&eacute;s de fr&eacute;n&eacute;sie. Vu la quantit&eacute; de textes que nous avons produits, on ne peut pas nous accuser de nous &ecirc;tre adonn&eacute;s au bref par manque de temps.</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Pourquoi donc &eacute;crire bref&nbsp;? &Eacute;tait-ce une mode&nbsp;? Non, la forme est rest&eacute;e intimiste bien qu&rsquo;universelle. &Eacute;tait-ce une strat&eacute;gie marketing&nbsp;? Bien m&eacute;diocre alors au regard du Tout-Puissant Google. Il faut chercher ailleurs l&rsquo;origine du ph&eacute;nom&egrave;ne. J&rsquo;en trouve la racine dans la possibilit&eacute; technique du direct&nbsp;: savoir que le lecteur est toujours potentiellement l&agrave;, que je peux le nourrir, qu&rsquo;il peut me r&eacute;pondre&hellip; alors, &ccedil;a rend fou. On &eacute;crit vite, on r&eacute;pond vite, on recommence, et ensemble auteur/lecteur on s&rsquo;entrelace, on danse, on jouit ensemble. Plus j&rsquo;entretiens d&rsquo;interactions, plus j&rsquo;&eacute;cris bref, plus je laisse d&rsquo;interstices pour que les lecteurs se glissent entre mes mots (c&rsquo;est une des cl&eacute;s). &Agrave; un moment donn&eacute; le temps de l&rsquo;auteur et le temps du lecteur fusionnent. L&rsquo;&eacute;criture et la lecture se jouent dans le m&ecirc;me instant, dans une hypoth&eacute;tique communion ou extase.</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Le bref en litt&eacute;rature num&eacute;rique aura &eacute;t&eacute; une sorte de conversation. On parle, on &eacute;coute, et on &eacute;vite les monologues qui s&rsquo;&eacute;ternisent. Le bref est apparu comme une n&eacute;cessit&eacute; au moment o&ugrave; le canal de communication s&rsquo;est ouvert &agrave; double-sens. Si les stars ne nous ont pas rejoints, c&rsquo;est parce que leur popularit&eacute; interdit l&rsquo;interaction &agrave; double sens. Pour ces grands &eacute;crivains, venir sur le Web se serait r&eacute;sum&eacute; &agrave; donner ce qu&rsquo;ils vendent d&rsquo;habitude. Pour nous, c&rsquo;&eacute;tait vivre quelque chose de neuf en litt&eacute;rature, ou tout au moins quelque chose qui s&rsquo;est jou&eacute; &agrave; une vitesse nouvelle et de fa&ccedil;on bien plus ouverte que par le pass&eacute;. Nous &eacute;tions &agrave; la fr&eacute;quence de la pens&eacute;e, mouvement pouss&eacute; &agrave; l&rsquo;extr&ecirc;me avec la twitt&eacute;rature.</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Pourquoi accorder moins d&rsquo;importance au bref en cette fin 2016&nbsp;? Un indice&nbsp;: quand je publie un billet sur mon blog, mes lecteurs me r&eacute;pondent plus souvent par mail que par un commentaire visible par tous. La conversation ouverte s&rsquo;est tarie. Parce qu&rsquo;elle s&rsquo;est d&eacute;plac&eacute;e sur les r&eacute;seaux sociaux, devenus trop bruyants pour songer &agrave; y faire encore de la litt&eacute;rature, parce qu&rsquo;elle s&rsquo;est r&eacute;duite aux remarques ou invectives, parce que les commentateurs ne s&rsquo;&eacute;coutent plus. Je les vois d&eacute;sormais se r&eacute;p&eacute;ter l&agrave; o&ugrave;, dix ans plus t&ocirc;t, ils finissaient par oublier mon texte et se lan&ccedil;aient dans des d&eacute;bats passionnants, alors que moi-m&ecirc;me j&rsquo;&eacute;crivais d&rsquo;autres textes pour leur r&eacute;pondre. &Agrave; cette &eacute;poque, j&rsquo;&eacute;tais par urgente n&eacute;cessit&eacute; bref, et faute de cette effervescence je peux &agrave; nouveau m&rsquo;&eacute;tendre plus longuement. Je suis comme un fleuve fatigu&eacute; par les montagnes et qui rejoint la plaine o&ugrave; il pourra m&eacute;andrer le plus longtemps possible avant la mer.</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Nous &eacute;crivions par fragments avant le Web et nous ne cesserons pas apr&egrave;s, mais, durant un temps, nous avons &eacute;t&eacute; accapar&eacute;s par le bref, aspir&eacute; par lui, aspir&eacute; par les lecteurs, qui m&ecirc;me s&rsquo;ils n&rsquo;&eacute;taient pas innombrables &eacute;taient assez nombreux pour nous aiguillonner. &Ccedil;a s&rsquo;est cass&eacute;. D&rsquo;un rapport ouvert auteur-lecteur, somme toute encore assez archa&iuml;que, nous sommes pass&eacute;s &agrave; un rapport plus &eacute;galitaire, o&ugrave; chacun est auteur et lecteur en m&ecirc;me temps. Ce ph&eacute;nom&egrave;ne s&rsquo;est d&eacute;plac&eacute; des blogs, de chez les auteurs, vers les centres commerciaux priv&eacute;s que sont les r&eacute;seaux sociaux. Il devient impossible pour un auteur seul de lutter contre ce d&eacute;placement.</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Pourquoi donc encore pratiquer le bref en accumulant des fragments dans des carnets Web&nbsp;? Il subsiste des raisons intimes ou de circonstance, que nous retrouvons dans les journaux ou <em>commonplace book</em> de quelques &eacute;crivains Web du moment&nbsp;: pens&eacute;es, impressions, notes de travail, citations&hellip; saisies dans l&rsquo;instant sans la n&eacute;cessit&eacute; de mettre tout cela en interaction, juste le besoin de le consigner, et puis, &agrave; un moment, de le partager, parce qu&rsquo;un peu de beaut&eacute; glan&eacute;e &ccedil;&agrave; et l&agrave; ne fait pas de mal, surtout quand de gros nuages noirs s&rsquo;accumulent &agrave; l&rsquo;horizon. Le bref reste vivant, mais se publie d&eacute;sormais par empilements.</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>La litt&eacute;rature a toujours &agrave; voir avec ce qui marche ou ne marche pas, avec la contrainte qui stimule avant de finir par st&eacute;riliser. Le <em>frequent blogging</em> a eu son heure de gloire comme l&rsquo;alexandrin. Nous cherchons d&eacute;sormais &agrave; d&eacute;couvrir d&rsquo;autres contraintes, d&rsquo;autres rythmes, tout n&rsquo;est souvent qu&rsquo;une question de rapport au temps.</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Mais le bref reste important, et plus important que jamais, pour une raison quasiment ontologique&nbsp;: la complexit&eacute; du monde ne cesse de cro&icirc;tre. Une complexit&eacute; plus grande s&rsquo;accompagne de probl&egrave;mes globaux, tels que le r&eacute;chauffement climatique, qui ne peuvent pas avoir de solution m&eacute;caniste et d&eacute;terministe. Pour survivre &agrave; cette transition, nous devons abandonner l&rsquo;approche cart&eacute;sienne pour une approche holistique, passer du mod&egrave;le hi&eacute;rarchique au r&eacute;seau. Je dis bien &laquo;&nbsp;nous devons&nbsp;&raquo; m&ecirc;me si tout le contraire se produit dans le champ politique, avec un penchant vers plus de hi&eacute;rarchie et d&rsquo;autoritarisme. Il nous reste alors la litt&eacute;rature pour nous battre. Plut&ocirc;t que des textes monolithiques, les grands romans du XIX<sup>e </sup>et du XX<sup>e</sup>, des &oelig;uvres d&rsquo;une certaine mani&egrave;re cart&eacute;siennes, nous devons envisager des &oelig;uvres r&eacute;ticulaires, faites de fragments interconnect&eacute;s, qui ne disent pas une v&eacute;rit&eacute;, mais laissent entrevoir des faisceaux de possibles. Le bref r&eacute;ticulaire me para&icirc;t la forme la plus en ad&eacute;quation avec la crise de la complexit&eacute; que traverse notre temps.</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Un exemple. Quand j&rsquo;ai &eacute;crit <a href="http://tcrouzet.com/une-minute/" target="_blank"><em>One Minute</em></a>, j&rsquo;ai assembl&eacute; 365 fragments qui tous racontent la m&ecirc;me minute selon des points de vue diff&eacute;rents. Pas question que le m&ecirc;me personnage revienne, que tout soit analys&eacute; selon son prisme, ressenti &agrave; travers sa psychologie univoque, mais au contraire multiplier les perspectives, en quelque sorte augmenter l&rsquo;intelligence collective pour l&rsquo;&eacute;lever &agrave; la hauteur des probl&egrave;mes du monde. Je ne vois pas comment parler des particularit&eacute;s de mon temps sans invoquer encore et encore le bref. Une infinit&eacute; de personnages remplace le h&eacute;ros. Une infinit&eacute; de pens&eacute;es, de sensations&hellip; La narration ne peut &ecirc;tre lin&eacute;aire, elle est interconnect&eacute;e comme le Net. Toute lin&eacute;arisation ne peut &ecirc;tre qu&rsquo;une projection simplificatrice.</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Si, au d&eacute;but du Web, l&rsquo;interactivit&eacute; seule a impliqu&eacute; le bref, il s&rsquo;impose dor&eacute;navant de mani&egrave;re plus profonde, et sans doute plus durable, par son potentiel politique, ou plut&ocirc;t physique, dans un monde aux infinies nuances et facettes. En l&rsquo;absence d&rsquo;une v&eacute;rit&eacute; transcendante, il n&rsquo;existe plus que des esquifs &agrave; la surface de la mer des possibles. Il ne peut &eacute;merger un grand r&eacute;cit unificateur de notre temps, mais seulement des constellations d&rsquo;histoires qui s&rsquo;entrelacent.</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Au contraire d&rsquo;un refus de la globalit&eacute;, le bref r&eacute;ticulaire entend l&rsquo;accepter comme un objet complexe. Il ne s&rsquo;agit pas seulement de saisir des instants, mais de les relier en une narration polyphonique aux voix innombrables (terrain polyphonique o&ugrave; le roman classique est toujours rest&eacute; parcimonieux). Textes brefs, photos, s&eacute;quences vid&eacute;o sont des &eacute;chantillons qui, mis bout &agrave; bout, donnent l&rsquo;illusion d&rsquo;une continuit&eacute; (exactement comme les &eacute;chantillons de son dans la musique num&eacute;ris&eacute;e). On est dans le pointillisme narratif, non par faute de temps, ou d&rsquo;une impuissance quelconque, mais bel et bien parce que nous vivons les pr&eacute;mices d&rsquo;une &egrave;re de pluralit&eacute;.</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Cette pluralit&eacute; propre &agrave; la complexit&eacute; doit &ecirc;tre dig&eacute;r&eacute;e, admir&eacute;e, saisie, c&eacute;l&eacute;br&eacute;e, d&rsquo;autant plus que les conservateurs invoquent sans cesse avec toujours plus de force l&rsquo;ancienne unit&eacute; quasi divine, nous rappelant le besoin d&rsquo;une grande Histoire et de grandes histoires pour la c&eacute;l&eacute;brer. Pratiquer le fragment, c&rsquo;est refuser ces appels, c&rsquo;est rechercher ce qui est propre &agrave; notre temps, ce qui est si neuf que tout pourrait s&rsquo;&eacute;crouler en un instant.</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Alors, nous avons pratiqu&eacute; le bref sur le Web avec jubilation aussi parce qu&rsquo;il &eacute;tait en phase avec un mouvement tectonique propre &agrave; notre &eacute;poque. C&rsquo;est aujourd&rsquo;hui, un peu comme si la vague de fond s&rsquo;&eacute;tait soudain retir&eacute;e, nous laissant en suspension dans le vide. Nous retenons notre souffle. Nous voyons des fronts r&eacute;actionnaires se dresser, et contre leurs grandes sagas h&eacute;ro&iuml;ques, nous opposons des nuages de nanomachines litt&eacute;raires. Une grande bataille se joue.</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Les nouveaux carnets publi&eacute;s sur le Web, ces empilements de textes brefs, souvent h&eacute;t&eacute;roclites, en s&rsquo;arrachant au temps r&eacute;el, n&rsquo;en restent pas moins positionn&eacute;s &agrave; l&rsquo;avant de la ligne de front.</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>Le bref n&rsquo;est pas propre au num&eacute;rique, mais, &agrave; l&rsquo;&eacute;poque num&eacute;rique, il devient incontournable. Et s&rsquo;il m&rsquo;arrive encore d&rsquo;&eacute;crire long, c&rsquo;est pour mieux glisser entre les pans les plus archa&iuml;ques de mes textes des brindilles de pr&eacute;sent.</p> </li> <li style="text-align: justify;"> <p>J&rsquo;ai intitul&eacute; cette liste &laquo;&nbsp;La saga des nanomachines litt&eacute;raires&nbsp;&raquo; parce que ce titre m&rsquo;est venu, et qu&rsquo;il &eacute;voque un autre texte qui pourrait &ecirc;tre &eacute;crit, et dont ces quelques mots suffisent &agrave; tout dire peut-&ecirc;tre.</p> </li> </ol> <p style="text-align: center;"><a class="fancybox image" href="#_ftn"><img alt="textshot" class="alignnone size-medium wp-image-1788 aligncenter" height="150" loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/textshot-300x150.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/textshot-300x150.jpg 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/textshot-1024x512.jpg 1024w, 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alt="textshot3" class="alignnone size-medium wp-image-1790" height="150" loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/textshot3-300x150.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/textshot3-300x150.jpg 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/textshot3-1024x512.jpg 1024w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/textshot3-810x405.jpg 810w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/textshot3-1140x570.jpg 1140w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/textshot3.jpg 1181w" width="300" /></a></p> <p style="text-align: center;"><a class="fancybox image" href="#_ftn"><img alt="textshot4" class="alignnone size-medium wp-image-1791" height="150" loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/textshot4-300x150.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/textshot4-300x150.jpg 300w, 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<p style="text-align: center;"><a class="fancybox image" href="#_ftn"><img alt="textshot6" class="alignnone size-medium wp-image-1793" height="150" loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/textshot6-300x150.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/textshot6-300x150.jpg 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/textshot6-1024x512.jpg 1024w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/textshot6-810x405.jpg 810w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/textshot6-1140x570.jpg 1140w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/textshot6.jpg 1181w" width="300" /></a></p> <p style="text-align: center;"><a class="fancybox image" href="#_ftn"><img alt="textshot7" class="alignnone size-medium wp-image-1794" height="150" loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2017/07/textshot7-300x150.jpg" 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Il a notamment publi&eacute;&nbsp;<em><a href="http://tcrouzet.com/jai-debranche/" target="_blank">J&rsquo;ai d&eacute;branch&eacute;</a></em>, le r&eacute;cit d&rsquo;un burn-out num&eacute;rique,&nbsp;<em><a href="http://tcrouzet.com/eratosthene/" target="_blank">&Eacute;ratosth&egrave;ne</a></em>, un roman historique futuriste,&nbsp;<em><a href="http://tcrouzet.com/la-mecanique-du-texte/" target="_blank">La m&eacute;canique du texte</a></em>, un essai sur l&rsquo;influence de la technologie en litt&eacute;rature.&nbsp;<em><a href="http://tcrouzet.com/le-geste-qui-sauve/" target="_blank">Le geste qui sauve</a></em>&nbsp;a &eacute;t&eacute; traduit en plus de dix-huit langues.</p> <h3 style="text-align: justify;">Copyright</h3> <p style="text-align: justify;">Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p> </div>