<div class="entry-content"> <h3>Abstract</h3> <p>One aspect of the reform of France Culture&rsquo;s &ldquo;grand entretiens&rdquo; in 1975 was to give writers the role of the interviewer as often as possible. After Michel Chaillou, Georges Perec, &Eacute;douard Maunick or Jean Daive questioning Michel Deguy, Claude Ollier, Maurice Nadeau, Aim&eacute; C&eacute;saire or Georges Perros, here is Michel Butor handing the microphone to Camille Bryen, in a series in five parts of twenty to twenty-five minutes broadcast on France Culture from Monday, April 5 to Friday, April 9, 1976, between 10:35 pm and 11 pm. Accustomed for a long time to the exercises of explanation of his works in the media, the experimenter-born of the forms of literature and the arts could only be delighted to put himself in the shoes of the &ldquo;barber&rdquo;, as Jean Amrouche said. How does he do it, what does he do with it, and what does he do with the imposed figures and routines of the role, that&rsquo;s what the article examines. It begins with remarks on the genesis and composition of the series. It goes on to describe how Butor, a lover of <em>conversation</em> rather than <em>interview</em>, inscribes in the sound of their exchanges, where the ear is seized by the voice of one and the laughter of the other, the equality between interlocutors desired by the friendly logic of conversation. It then shows how the writer, while agreeing to ask questions, is amused at the same time with some clich&eacute;s of the role, in a passage of the part 3 which turns to pastiche. A final part focuses on the choice of Bryen as an interlocutor and the project of making their interviews a kind of <em>sound book</em>.</p> <h2>Keywords<br /> &nbsp;</h2> <p class="meta-tags">radio interviews, France Culture, Michel Butor, Camille Bryen</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">Dans l&rsquo;important corpus d&rsquo;&eacute;missions de toutes sortes auxquelles Butor a particip&eacute; figure, &agrave; l&rsquo;ann&eacute;e 1976, une s&eacute;rie d&rsquo;entretiens m&eacute;connue et pourtant bien int&eacute;ressante car l&rsquo;&eacute;crivain, qui a souvent occup&eacute; la place du questionn&eacute;, y occupe pour une fois celle du questionneur. Il s&rsquo;agit de ses dialogues au micro avec le peintre et &eacute;crivain Camille Bryen, s&eacute;rie en cinq parties de vingt &agrave; vingt-cinq minutes diffus&eacute;e sur France Culture du lundi 5 avril au vendredi 9 avril 1976, entre 22h35 et 23h <a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>. Butor succ&egrave;de, dans cette position, &agrave; Michel Chaillou, Georges Perec, &Eacute;douard Maunick ou Jean Daive qui ont interrog&eacute; dans les mois ou semaines qui ont pr&eacute;c&eacute;d&eacute; Michel Deguy, Claude Ollier, Maurice Nadeau, Aim&eacute; C&eacute;saire ou Georges Perros&nbsp;: un aspect de la r&eacute;forme des &laquo;&nbsp;grands entretiens&nbsp;&raquo; de France Culture confi&eacute;e en 1975 &agrave; Alain Veinstein&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a> a consist&eacute; en effet &agrave; donner le plus souvent possible &agrave; des &eacute;crivains le r&ocirc;le de l&rsquo;intervieweur&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>. Butor est aussi cr&eacute;dit&eacute; dans les notices Ina, comme les autres &eacute;crivains-questionneurs cit&eacute;s, du r&ocirc;le de producteur de la s&eacute;rie, un r&ocirc;le qui a visiblement consist&eacute; &agrave; organiser la composition finale des &eacute;missions. De fait, dans chacune on distingue sans difficult&eacute; des parties enregistr&eacute;es distinctes, mont&eacute;es ensemble, avec des sonorit&eacute;s de voix et d&rsquo;ambiance diff&eacute;rentes (la sonorit&eacute; des prises de son varie notamment selon que le propos est enregistr&eacute; en studio ou au domicile de Bryen). Chaque &eacute;mission comporte en outre une ou deux adresses de Butor aux auditeurs enregistr&eacute;es au montage, plac&eacute;es en pr&eacute;ambule de l&rsquo;&eacute;mission ou ailleurs. De la musique s&rsquo;y ajoute, du genre &laquo; musique d&rsquo;ameublement &raquo; telle que la concevait Erik Satie, le compositeur pr&eacute;f&eacute;r&eacute; de Bryen (dit-il dans l&rsquo;&eacute;mission 3). Elle va et vient, dispara&icirc;t et r&eacute;appara&icirc;t au fil des &eacute;missions, tant&ocirc;t sous le propos, tant&ocirc;t entre deux moments dialogu&eacute;s, qu&rsquo;elle ponctue (liaison, intervalle). Elle ouvre et ferme chaque &eacute;mission. Elle relie aussi entre eux, comme un raccord musical, des parties vocales relevant de prises de son diff&eacute;rentes. L&rsquo;esprit de la &laquo; r&eacute;forme Veinstein &raquo; des grands entretiens &eacute;tant d&rsquo;inviter les &eacute;crivains &agrave; utiliser le micro comme un stylo, nul doute que Butor ait pris plaisir &agrave; r&eacute;pondre &agrave; l&rsquo;invitation en accompagnant de pr&egrave;s la composition de l&rsquo;&eacute;mission jusqu&rsquo;&agrave; sa diffusion. Dans cet article, je ne vais pas examiner l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de la s&eacute;rie d&rsquo;entretiens pour la connaissance de Bryen ni des relations de Butor avec lui&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>, mais me pencher sur la mani&egrave;re dont l&rsquo;&eacute;crivain y occupe ce double r&ocirc;le de producteur et de questionneur. Un r&ocirc;le &agrave; vrai dire peu fig&eacute; par la jeune tradition du genre, dont Jean Amrouche et Robert Mallet, &agrave; ses origines, avaient d&eacute;j&agrave; propos&eacute; deux incarnations tr&egrave;s contrast&eacute;es, celle, s&eacute;rieuse et critique, du Lecteur face &agrave; l&rsquo;Auteur&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a> d&rsquo;une part, celle d&rsquo;autre part, th&eacute;&acirc;trale et arlequine, jadis finement analys&eacute;e par Philippe Lejeune&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>, de la com&eacute;die de caract&egrave;res. Butor lui-m&ecirc;me a connu, avec Georges Charbonnier en 1967 sur France Culture&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>, une version tr&egrave;s intellectualis&eacute;e&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a> (si on peut dire) du type Amrouche, et sur France Inter en 1973&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>, avec l&rsquo;in&eacute;narrable Pierre Lhoste, une version longue de ces &laquo;&nbsp;interrogatoires&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;dialogues de type <em>interview </em>enti&egrave;rement en questions et r&eacute;ponses&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>&nbsp;&raquo; auxquels il s&rsquo;est pr&ecirc;t&eacute; avec une bonne volont&eacute; souriante et un talent d&rsquo;explication remarquable tout au long de sa carri&egrave;re&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="1_Remarques_sur_la_composition_de_la_serie"><strong>1. Remarques sur la composition de la s&eacute;rie</strong></span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Commen&ccedil;ons par donner au lecteur une id&eacute;e du contenu des cinq &eacute;missions de la s&eacute;rie, en recopiant ci-dessous les r&eacute;sum&eacute;s propos&eacute;s par les notices Ina&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color: #008000;">&Eacute;mission 1</span>&nbsp;: Camille BRYEN et Michel BUTOR&nbsp;: ce qu&rsquo;ils souhaitent &agrave; propos du livre et de son &eacute;volution&nbsp;; les livres qu&rsquo;ils ont faits ensemble&nbsp;; comment est n&eacute; leur livre sur le Nouveau Mexique, leur livre sur Charles PERRAULT, leur livre intitul&eacute; [<em>Bryen en temps conjugu&eacute;s</em>]&nbsp;; MONET et la n&eacute;gation cr&eacute;atrice&nbsp;; le livre qu&rsquo;ils r&ecirc;vent d&rsquo;&eacute;crire ensemble (23&rsquo; environ).</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color: #3366ff;">&Eacute;mission 2</span>&nbsp;: Camille BRYEN&nbsp;: son enfance &agrave; Nantes&nbsp;; son arriv&eacute;e &agrave; Paris, anecdote&nbsp;; sa d&eacute;couverte de Montparnasse, ses rencontres avec Hans ARP, Marcel DUCHAMP, Tristan TZARA&nbsp;; son exposition avec Marcel DUCHAMP dans un bar (lecture du manifeste &eacute;crit pour cette exposition, anecdote)&nbsp;; quelques mots sur PICABIA et l&rsquo;exposition PICABIA actuelle&nbsp;; la personnalit&eacute; et l&rsquo;&oelig;uvre de Marcel DUCHAMP (23&rsquo; environ).</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color: #008000;">&Eacute;mission 3</span>&nbsp;: Camille BRYEN&nbsp;: ses rapports avec la musique et les musiciens (CLIQUET-PLEYEL)&nbsp;; son go&ucirc;t pour la musique du Moyen &Acirc;ge, la musique baroque, les &oelig;uvres de SATIE et le jazz&nbsp;; les rapports entre ses livres, la pens&eacute;e m&eacute;di&eacute;vale et le diable, entre le diable et PICABIA&nbsp;; son opinion sur <em>La Sorci&egrave;re </em>de Michelet&nbsp;; ce qu&rsquo;il aime dans le monde m&eacute;di&eacute;val (20&rsquo;).</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color: #008000;">&Eacute;mission 4</span> : Camille BRYEN&nbsp;: remarques sur ses dessins, ses textes, ses gouaches, son &eacute;criture&nbsp;; les titres de ses toiles&nbsp;; les mots qu&rsquo;il invente&nbsp;; l&rsquo;&eacute;volution de son dessin&nbsp;; le monde de peinture. Lecture par l&rsquo;auteur de &laquo;&nbsp;D&eacute;s&eacute;criture&nbsp;&raquo; (2&rsquo;30&Prime;) (19&rsquo;30&Prime;).</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color: #3366ff;">&Eacute;mission 5</span>&nbsp;: Camille BRYEN&nbsp;: le th&egrave;me de son livre &eacute;crit en collaboration avec Jacques AUDIBERTI <em>L&rsquo;Ouvre-Bo&icirc;te</em>&nbsp;; d&eacute;finition de l&rsquo;abhumanisme&nbsp;; les difficult&eacute;s rencontr&eacute;es avec AUDIBERTI&nbsp;; les faits &eacute;tranges concernant le texte st&eacute;notyp&eacute; et l&rsquo;enregistrement d&rsquo;un entretien avec AUDIBERTI&nbsp;; sa conviction qu&rsquo;il existe une conjuration &laquo;&nbsp;antihumanistique&nbsp;&raquo;&nbsp;; anecdote &agrave; propos d&rsquo;une adaptation th&eacute;&acirc;trale de son texte <em>Les Lions &agrave; barbe</em>&nbsp;(20&rsquo; environ).</p> <p style="text-align: justify;">D&rsquo;apr&egrave;s les notices Ina, Butor et Bryen ont eu deux s&eacute;ances d&rsquo;enregistrement ensemble, mercredi 3 mars et jeudi 1<sup>er</sup> avril 1976. Il est toujours int&eacute;ressant, quand on le peut, de revenir &agrave; la gen&egrave;se de ce genre d&rsquo;entretiens-feuilletons, dont la composition finale est parfois assez &eacute;loign&eacute;e de la version initiale. C&rsquo;est ce qui se passe ici, puisque la premi&egrave;re des deux s&eacute;ances d&rsquo;enregistrement, celle du 3 mars, nourrit les &eacute;missions 1, 3 et 4 (mentions en vert dans la citation ci-dessus), tandis que la seconde fournit la mati&egrave;re des &eacute;missions 2 et 5 (en bleu ci-dessus). Si l&rsquo;on remet ensemble les contenus de la s&eacute;ance du 3 mars, on voit qu&rsquo;il y a &eacute;t&eacute; question du livre en g&eacute;n&eacute;ral et des livres faits ensemble (&rarr; &eacute;mission 1), des go&ucirc;ts musicaux de Bryen et de son attrait pour le monde m&eacute;di&eacute;val (&rarr; &eacute;mission 3), de ses textes, dessins et gouaches, avec lecture d&rsquo;un texte par l&rsquo;auteur (&rarr; &eacute;mission 4). La seconde s&eacute;ance, quant &agrave; elle, a port&eacute; sur l&rsquo;enfance &agrave; Nantes, les d&eacute;buts &agrave; Paris, les rencontres et/ou collaborations avec Marcel Duchamp et des artistes li&eacute;s au mouvement dada durant d&rsquo;entre-deux-guerres (Hans Arp, Tzara, Picabia), avec lecture d&rsquo;un texte par l&rsquo;auteur (&rarr; &eacute;mission 2) et sur <em>L&rsquo;Ouvre-Bo&icirc;te</em>, le livre de 1952 co-sign&eacute; avec Jacques Audiberti, o&ugrave; s&rsquo;invente et s&rsquo;explicite leur id&eacute;e d&rsquo;un abhumanisme (&rarr; &eacute;mission 5).</p> <p style="text-align: justify;">Comme on voit, les questions biographiques, avec leur traditionnel d&eacute;but par l&rsquo;enfance, sont absentes de la premi&egrave;re s&eacute;ance. Elles arrivent dans la seconde, mais tr&egrave;s vite (car Bryen n&rsquo;a rien &agrave; dire de son enfance&hellip;) elles se concentrent sur les d&eacute;buts de l&rsquo;artiste et ses grandes rencontres dans les milieux dada. L&rsquo;enfance, ici, ne joue aucun r&ocirc;le structurant, directeur ou explicatif des rapports entre la vie et l&rsquo;&oelig;uvre, contrairement &agrave; ce qu&rsquo;on voit par exemple dans les entretiens men&eacute;s par Amrouche. &Eacute;videmment, il reste int&eacute;ressant pour l&rsquo;auditeur d&rsquo;avoir assez vite un aper&ccedil;u du parcours de de vie de Bryen, d&rsquo;o&ugrave; sans doute la transformation de cette partie de la seconde s&eacute;ance d&rsquo;enregistrement en deuxi&egrave;me &eacute;mission de la s&eacute;rie&nbsp;; mais il est significatif que Butor d&eacute;cide de ne pas en faire l&rsquo;&eacute;mission 1, et de consacrer celle-ci au Livre plut&ocirc;t qu&rsquo;&agrave; la biographie de l&rsquo;artiste.</p> <p style="text-align: justify;">Comme on voit aussi, et cela est plus surprenant, dans la premi&egrave;re s&eacute;ance, Bryen est interrog&eacute; sur son activit&eacute; d&rsquo;&eacute;crivain et de peintre, mais aussi sur ses go&ucirc;ts en musique. Cela est plus surprenant quand on &eacute;coute l&rsquo;&eacute;mission 3 qui en r&eacute;sulte&nbsp;: Bryen y d&eacute;clare qu&rsquo;il n&rsquo;a quasiment rien &agrave; dire sur le sujet, que ces go&ucirc;ts ne d&eacute;passent pas ceux d&rsquo;un m&eacute;lomane moyen, avec une pr&eacute;f&eacute;rence pour Satie &laquo;&nbsp;car il faisait de la musique d&rsquo;ameublement&nbsp;&raquo;. Radiophoniquement parlant, cette &eacute;mission sur la musique et le monde m&eacute;di&eacute;val est assez faible (comme d&rsquo;ailleurs celle sur l&rsquo;enfance), et th&eacute;matiquement elle ne s&rsquo;impose gu&egrave;re, puisque Bryen est connu comme &eacute;crivain (un peu) et comme peintre, pas du tout comme musicien ou m&eacute;lomane. Mais c&rsquo;est aussi celle qui donne le plus &agrave; penser sur l&rsquo;attirance de l&rsquo;abhumaniste Bryen, que le monde contemporain d&eacute;go&ucirc;te, pour les pens&eacute;es &eacute;sot&eacute;riques du Moyen &Acirc;ge.&nbsp;C&rsquo;est aussi, comme on le verra, l&rsquo;&eacute;mission pour laquelle Butor imagine toute une mise en condition de l&rsquo;auditoire, qui fait sourire mais aussi r&eacute;fl&eacute;chir &agrave; l&rsquo;importance accord&eacute;e par lui aux sujets abord&eacute;s dans l&rsquo;&eacute;mission. Si l&rsquo;on pense &agrave; son go&ucirc;t pour le chiffre cinq et sa symbolique d&rsquo;une part (li&eacute;e aux cinq doigts de la main), bien pr&eacute;sent dans ses logiques &eacute;ditoriales, &agrave; son int&eacute;r&ecirc;t pour l&rsquo;&eacute;sot&eacute;risme d&rsquo;autre part, et bien s&ucirc;r pour les collaborations et dialogues entre litt&eacute;rature, peinture et musique&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>, on trouvera peut-&ecirc;tre moins surprenant l&rsquo;inclusion du th&egrave;me de la musique dans la s&eacute;rie et en position 3, au milieu de la &laquo;&nbsp;main&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Comme on voit enfin, alors que Camille Bryen, dans la deuxi&egrave;me moiti&eacute; du XXe si&egrave;cle, est bien plus connu comme peintre que comme &eacute;crivain, Butor, qui aurait pu placer les propos sur la peinture, enregistr&eacute;s &agrave; la premi&egrave;re s&eacute;ance, en &eacute;mission 1 ou 2, fait entrer bien tard les auditeurs dans l&rsquo;atelier du peintre, dans la quatri&egrave;me &eacute;mission seulement. L&rsquo;&eacute;mission est d&rsquo;ailleurs tout &agrave; fait passionnante, Butor s&rsquo;y montrant comme &agrave; son habitude un fin critique d&rsquo;art, mais on peut se demander pourquoi si tard, apr&egrave;s les deux &eacute;missions assez faibles sur l&rsquo;enfance et les rencontres artistiques et sur la musique et l&rsquo;&eacute;sot&eacute;risme. La structure g&eacute;n&eacute;rale de la s&eacute;rie nous &eacute;claire un peu&nbsp;: on commence et on finit le chemin de l&rsquo;&eacute;coute par le livre, notamment l&rsquo;&eacute;vocation des livres de Bryen r&eacute;alis&eacute;s en collaboration (avec Butor dans l&rsquo;&eacute;mission 1, avec Audiberti dans l&rsquo;&eacute;mission 2), et il est au fond plus question des livres du peintre et de leur fabrication que de ses dessins et peintures. Comme pour signifier ce fait que Bryen, qui a d&rsquo;abord &eacute;t&eacute; un &eacute;crivain et qui pr&eacute;tend s&rsquo;&ecirc;tre lib&eacute;r&eacute; de l&rsquo;&eacute;criture par la peinture, ne s&rsquo;est pas d&eacute;tourn&eacute; du livre pour autant, qu&rsquo;il s&rsquo;en sert, qu&rsquo;il en fait, et qu&rsquo;il entre plut&ocirc;t dans cette esp&egrave;ce hybride de ceux qui font bouger les lignes des arts&hellip; comme Butor lui-m&ecirc;me. Cette parent&eacute; de profil entre les deux hommes explique sans doute en partie le choix de l&rsquo;interlocuteur et la minoration de l&rsquo;&oelig;uvre picturale au profit de la triade litt&eacute;rature-musique-peinture (non sans exag&eacute;ration pour l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment &laquo;&nbsp;musique&nbsp;&raquo;).</p> <p style="text-align: justify;">Envisageons maintenant plus pr&eacute;cis&eacute;ment, en regardant de plus pr&egrave;s quelques d&eacute;buts d&rsquo;&eacute;missions (&eacute;missions 1, 3 et 5), la mani&egrave;re dont Butor investit le r&ocirc;le du questionneur.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="2_Trouble_dans_le_role_questionner_ou_converser"><strong>2. Trouble dans le r&ocirc;le : questionner ou converser ?</strong></span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Entre une utopie et sa r&eacute;alit&eacute;, entre un id&eacute;al et sa concr&eacute;tisation, les &eacute;carts sont fr&eacute;quents. La premi&egrave;re &eacute;mission de la s&eacute;rie est aussi la plus r&eacute;ussie &agrave; mon sens, en tout cas la plus vive et anim&eacute;e des cinq, la plus rythm&eacute;e, la plus &eacute;quilibr&eacute;e aussi dans la ronde des tours de parole. Telle quelle, elle donne une bonne id&eacute;e de ce que Butor a r&ecirc;v&eacute; de faire avec Bryen dans l&rsquo;ensemble de la s&eacute;rie, m&ecirc;me s&rsquo;il n&rsquo;y a pas compl&egrave;tement r&eacute;ussi. Et qui est, d&rsquo;abord, de mettre du trouble dans le genre, en le tirant vers ce qui est affirm&eacute; d&egrave;s ses origines radiophoniques comme un id&eacute;al de style bien &eacute;loign&eacute; du mod&egrave;le journalistique de l&rsquo;interview de reportage lui aussi influent, &agrave; savoir le grand art de la conversation. Pas si simple &eacute;videmment&nbsp;; mais diablement attirant quand, comme Butor, on appr&eacute;cie&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a> et pratique cet art avec autant de culture et d&rsquo;aisance que d&rsquo;enjouement.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="21_Conversation_vs_entretien"><strong>2.1 Conversation vs entretien</strong></span></h3> <p style="text-align: justify;">S&rsquo;agit-il, dans cette s&eacute;rie d&rsquo;&eacute;missions enregistr&eacute;es au domicile de l&rsquo;artiste, de poser des questions &agrave; Bryen et de susciter et recueillir des r&eacute;ponses, ou bien de dialoguer avec lui, de converser de choses et d&rsquo;autres, autour de sa vie et de son &oelig;uvre&nbsp;? Si la premi&egrave;re &eacute;mission donne le ton, c&rsquo;est certainement celui de la libre conversation. Voici une transcription de la premi&egrave;re partie dialogu&eacute;e&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;"><em>(1:02&nbsp;; raccord son&nbsp;; la musique continue)</em></p> <p style="text-align: justify;">Michel Butor&nbsp; ̶ &nbsp;Aujourd&rsquo;hui, nous pourrions peut-&ecirc;tre un peu parler des livres.</p> <p style="text-align: justify;">Camille Bryen&nbsp; ̶ &nbsp;C&rsquo;est excellent de parler des livres&nbsp;! Parce que, au fond, je soup&ccedil;onne fort que le r&ecirc;ve des &eacute;crivains c&rsquo;est de ne plus &eacute;crire. Moi j&rsquo;ai r&eacute;ussi &agrave; r&eacute;soudre la question en quelque sorte en dessinant. Mais je soup&ccedil;onne fort qu&rsquo;au fond un des plus grands ennemis des &eacute;crivains, c&rsquo;est le livre.</p> <p style="text-align: justify;">MB &nbsp;̶ &nbsp;Mais est-ce que&hellip; le r&ecirc;ve des dessinateurs, &ccedil;a n&rsquo;est pas de ne plus dessiner&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">CB &nbsp;̶ &nbsp;Bien s&ucirc;r que si&nbsp;!</p> <p style="text-align: justify;">MB &nbsp;̶ &nbsp;Mais alors le peintre peint pour ne plus peindre, le dessinateur dessine pour ne plus dessiner, et l&rsquo;&eacute;crivain &eacute;crit, bien s&ucirc;r, pour qu&rsquo;un jour il ne soit plus n&eacute;cessaire d&rsquo;&eacute;crire&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">CB <em>(chevauchement) </em>&nbsp;̶ &nbsp;&hellip;il n&rsquo;en soit plus question, voil&agrave;&nbsp;! Et alors&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">MB<em> (chevauchement) </em>&nbsp;̶ &nbsp;&hellip;et entretemps&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">CB &nbsp;̶ &nbsp;&hellip;entretemps je te soup&ccedil;onne d&eacute;j&agrave; toi aussi, d&rsquo;&ecirc;tre tr&egrave;s embarqu&eacute;, et que / l&rsquo;esprit moderne / qui &agrave; un moment donn&eacute; &eacute;tait mallarm&eacute;en, <em>(ardent)</em> avec l&rsquo;Acad&eacute;mie Mallarm&eacute;, avec toutes sortes de mallarm&eacute;ismes, et que / il voulait &eacute;crire le Livre, le Livre qui repr&eacute;senterait vraiment une contraction de l&rsquo;Univers, une esp&egrave;ce de / de prise en charge magique de tout sur les / sur les &eacute;paules de / &nbsp;de l&rsquo;&eacute;crivain / je soup&ccedil;onne que maintenant l&rsquo;action secr&egrave;te que tu entreprends, sans peut-&ecirc;tre te l&rsquo;avouer absolument d&rsquo;une mani&egrave;re / tu veux le garder encore secret peut-&ecirc;tre / maintenant on nous &eacute;coute tu sais&nbsp;!</p> <p style="text-align: justify;">MB&nbsp;<em>(rire)&nbsp; ̶</em> &nbsp;Oui oui, n&rsquo;en dis pas trop&nbsp;! <em>(rire)</em></p> <p style="text-align: justify;">CB <em>&nbsp;̶</em> &nbsp;En somme tu voudrais / te d&eacute;livrer du livre. Et au fond, beaucoup de tes tentatives ont &eacute;t&eacute; de nous pr&eacute;senter des livres qui sont, comme Gide &eacute;crivait des &laquo;&nbsp;esp&egrave;ces de roman&nbsp;&raquo;, des &laquo;&nbsp;esp&egrave;ces de livre&nbsp;&raquo; qui sont de plus en plus, qui tiennent de plus en plus &agrave; devenir m&ecirc;me / euh / <em>(baisse la voix)</em> on ne sait pas quoi&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">MB <em>&nbsp;̶</em> &nbsp;Eh oui, ce sont des ablivres.</p> <p style="text-align: justify;">CB <em>&nbsp;̶</em> &nbsp;Des ablivres.</p> <p style="text-align: justify;">MB <em>&nbsp;̶</em> &nbsp;&nbsp;Ce sont des livres qui se d&eacute;tachent du livre, car tout &ccedil;a se passe, euh / c&rsquo;est en transformant le livre lui-m&ecirc;me que / nous arrivons &agrave; faire / voyager le livre, &agrave; faire partir le livre de l&rsquo;endroit o&ugrave; il &eacute;tait auparavant. D&eacute;j&agrave; dans le mot lui-m&ecirc;me c&rsquo;est tr&egrave;s frappant cette relation qu&rsquo;il y a entre livre d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute; et <em>d&eacute;livrer</em>.</p> <p style="text-align: justify;">CB <em>&nbsp;̶</em> &nbsp;Voil&agrave;&nbsp;! C&rsquo;est &ccedil;a&nbsp;!</p> <p style="text-align: justify;">MB<em> (plus lent, sentencieux)&nbsp; ̶</em> &nbsp;Se d&eacute;livrer, d&eacute;livrer quelqu&rsquo;un, hein. Bon, c&rsquo;est en m&ecirc;me temps le d&eacute;barrasser / de certains livres, et m&ecirc;me peut-&ecirc;tre du Livre, d&rsquo;une certaine acception&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">CB <em>(chevauchement)&nbsp; ̶</em> &nbsp;Ouais&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">MB <em>&nbsp;̶</em> &nbsp;&hellip;d&rsquo;une certaine acception du livre.</p> <p style="text-align: justify;">CB <em>&nbsp;̶</em> D&rsquo;ailleurs dans l&rsquo;Apocalypse on mange le livre&hellip; on mange le livre et c&rsquo;est tellement int&eacute;ressant&nbsp;!</p> <p style="text-align: justify;">MB <em>&nbsp;̶</em> Non seulement on mange le livre mais le livre <em>passe &agrave; travers</em> le / l&rsquo;ap&ocirc;tre saint Jean.</p> <p style="text-align: justify;">CB <em>&nbsp;̶</em> Ouais&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">MB <em>&nbsp;̶</em>&nbsp; D&rsquo;ailleurs dans&hellip; dans l&rsquo;Apocalypse de D&uuml;rer, dans l&rsquo;illustration faite par D&uuml;rer de l&rsquo;Apocalypse, il y a une image absolument <em>prodigieuse </em>de cette travers&eacute;e du corps / par / le livre / par le petit livre&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">CB <em>&nbsp;̶</em> &nbsp;Ouais, qui est donn&eacute; par / l&rsquo;Ange, alors, le livre traverse le corps.</p> <p style="text-align: justify;">MB<em>&nbsp; ̶</em> &nbsp;Eh bien les livres que tu as faits Camille, les livres auxquels j&rsquo;ai particip&eacute;, les livres dans lesquels j&rsquo;ai &eacute;t&eacute; ton complice, eh bien ces livres nous permettent un peu cette suspens&hellip;<em> / </em>travers&eacute;e du corps. Qu&rsquo;est-ce que tu attends maintenant de ce livre qui est / un livre en d&eacute;s&eacute;quilibre, un livre qui est destin&eacute; &agrave; nous faire passer du livre, &agrave; / &agrave; ouvrir ce mur du livre dont nous avons d&eacute;j&agrave; parl&eacute;&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">CB <em>&nbsp;̶</em> &nbsp;Ouais, ouais&hellip;</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Comme on voit, les r&ocirc;les sont d&rsquo;embl&eacute;e brouill&eacute;s&nbsp;: Butor propose de parler d&rsquo;abord, non des livres de Bryen, mais du livre en g&eacute;n&eacute;ral. Bryen suit, mais fait &agrave; deux reprises porter l&rsquo;&eacute;change sur le rapport au Livre de son interlocuteur &eacute;crivain, lequel se laisse volontiers faire, avant d&rsquo;&eacute;voquer allusivement les livres de Bryen. Au centre de l&rsquo;&eacute;change, on ne trouve ni l&rsquo;un ni l&rsquo;autre, mais ce sujet du Livre, au sens mallarm&eacute;en. Avec un tel d&eacute;part, on pressent qu&rsquo;il n&rsquo;est pas question d&rsquo;entamer des entretiens au sens convenu, sur l&rsquo;auteur interrog&eacute;, mais de commencer une conversation, mot repris par Butor au d&eacute;but de la derni&egrave;re &eacute;mission pour qualifier ce que les auditeurs ont &eacute;cout&eacute;.</p> <p style="text-align: justify;">Et l&rsquo;on sent bien, en &eacute;coutant la s&eacute;rie, ce qui s&eacute;duit Butor, non seulement dans l&rsquo;air de la conversation (son naturel, son ton amical&hellip;), mais aussi dans son allure (en zigzags, &agrave; sauts et &agrave; gambades). Lui, cet homme d&rsquo;ordre, de structure, de compositions imprim&eacute;es en tous genres, des plus simples aux plus complexes, se montre infiniment s&eacute;duit par la libert&eacute; incluse dans le programme du genre &laquo;&nbsp;conversation&nbsp;&raquo; de ne pas suivre un canevas pr&eacute;vu d&rsquo;avance, un ordre, un chemin tout trac&eacute;, mais, au lieu de cela, de s&rsquo;autoriser &agrave; parler de choses et d&rsquo;autres, au gr&eacute; des inspirations et d&eacute;rives de l&rsquo;improvisation, dans un certain d&eacute;sordre. Il a aussi les qualit&eacute;s qu&rsquo;il faut pour cela&nbsp;: il se sait bon bavard et bon improvisateur, fertile, in&eacute;puisable, capable aussi bien de dialoguer que de monologuer, de suivre et de relancer, jamais &agrave; court de mots et d&rsquo;id&eacute;es, rarement pris en d&eacute;faut, et la confiance qu&rsquo;il a dans sa virtuosit&eacute; de parole lui donne, dans la s&eacute;rie, une assurance enjou&eacute;e et une v&eacute;locit&eacute; qu&rsquo;on est bien en peine de trouver dans ses interventions audiovisuelles du d&eacute;but des ann&eacute;es 1960, marqu&eacute;es par une &eacute;locution lente, m&eacute;ticuleuse et quelque peu martel&eacute;e.</p> <p style="text-align: justify;">Le mod&egrave;le ici, c&rsquo;est Claudel et ses <em>Conversations dans le Loir-et-Cher</em>, &eacute;logieusement cit&eacute; par Butor dans <em>R&eacute;pertoire V&nbsp;</em><a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>. Dans l&rsquo;histoire de la radio, on est renvoy&eacute;, non pas aux entretiens-feuilletons, mais aux <em>Propos et r&eacute;cits improvis&eacute;s</em> de Giono en 1955, &eacute;dit&eacute;s en coffret par Phonurgia nova en 1995, et plus encore &agrave; une s&eacute;rie exp&eacute;rimentale du Club d&rsquo;Essai en 1946, <em>L&eacute;on-Paul Fargue vous recevra ce soir</em>, en quatre &eacute;missions, qui veut d&eacute;j&agrave; faire entendre ce brillant causeur en conversation et non en interview&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="22_De_pair_a_pair_un_duo_sonore"><strong>2.2. De pair &agrave; pair&nbsp;: un duo sonore</strong></span></h3> <p style="text-align: justify;">Un aspect important de cette logique amicale et conversationnelle du dialogue est l&rsquo;&eacute;galit&eacute; des interlocuteurs&nbsp;: la r&eacute;f&eacute;rence faite par Jean Amrouche au roi Midas et son barbier dans sa causerie de 1952 pour imager les relations entre l&rsquo;&eacute;crivain et son interlocuteur est possible &agrave; propos d&rsquo;un entretien, pas d&rsquo;une conversation.</p> <p style="text-align: justify;">Dans la premi&egrave;re &eacute;mission, l&rsquo;&eacute;galit&eacute; est d&rsquo;abord marqu&eacute;e par le mouvement de ping-pong de l&rsquo;&eacute;change &agrave; partir du th&egrave;me donn&eacute; (les livres), m&ecirc;lant id&eacute;es g&eacute;n&eacute;rales et cas personnels. Elle s&rsquo;explicite et s&rsquo;affirme dans la suite de l&rsquo;&eacute;mission quand les deux artistes abordent les livres faits ensemble, &agrave; savoir les <em>Lettres &eacute;crites du Nouveau Mexique</em> (1970), <em>Bryen en temps conjugu&eacute;s</em> (1975) et surtout l&rsquo;<em>opus magnum </em>de 1973, la <em>Querelle des &eacute;tats. Petit monument pour Charles Perrault</em>. Parler de livres faits ensemble, c&rsquo;est une mani&egrave;re tr&egrave;s claire de sortir de la r&eacute;partition <em>a priori</em> des r&ocirc;les en usage dans les entretiens-feuilletons, entre questionneur et questionn&eacute;.</p> <p style="text-align: justify;">Mais il y a une autre mani&egrave;re encore, plus subtile et plus radiophonique en m&ecirc;me temps, de faire sentir &agrave; l&rsquo;auditeur cette &eacute;galit&eacute;&nbsp;: c&rsquo;est de l&rsquo;inscrire dans la sonorit&eacute; m&ecirc;me de la s&eacute;rie. Le proc&eacute;d&eacute; est subtil parce qu&rsquo;il demande &agrave; l&rsquo;auditeur de &laquo;&nbsp;travailler&nbsp;&raquo; un peu (comme Butor le demande volontiers &agrave; ses lecteurs), et de r&eacute;aliser lui-m&ecirc;me ce qui se joue sur ce plan du sonore, &agrave; partir du programme d&rsquo;&eacute;coute annonc&eacute; au d&eacute;but de la premi&egrave;re &eacute;mission. Ce programme, annonc&eacute; d&egrave;s les toutes premi&egrave;res phrases, c&rsquo;est de faire entendre la voix de Bryen et surtout son rire unique&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Il faut regarder les toiles de Camille Bryen, et ses dessins ou ses gouaches. Il faut lire ce qu&rsquo;il a &eacute;crit. Mais cela ne suffit pas&nbsp;: il est absolument indispensable d&rsquo;entendre Camille Bryen. D&rsquo;entendre la voix de Bryen et d&rsquo;entendre en particulier le rire de Bryen. Le rire de Bryen a apport&eacute; quelque chose d&rsquo;unique &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de la sonorit&eacute; de la ville de Paris.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">De fait, un des charmes de ces entretiens, une mani&egrave;re qu&rsquo;ils ont de nous agripper et de nous retenir, vient de cette voix graillonnante et grin&ccedil;ante de Bryen, qui nous &eacute;raille ou r&acirc;pe l&rsquo;oreille, cette voix vive et sans fa&ccedil;on, parfois stridente, insoucieuse du &laquo;&nbsp;ton micro&nbsp;&raquo;, confidentiel, doucereux et fade, trop vite d&rsquo;usage dans les entretiens, que L&eacute;autaud raillait d&eacute;j&agrave; en 1950, voix d&rsquo;un autre &acirc;ge d&eacute;j&agrave; dans les ann&eacute;es 1970&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>. Sauf que&hellip; si l&rsquo;on entend bien la voix de Bryen, on n&rsquo;entend quasiment pas son rire&nbsp;! Alors que Butor parle de ce rire de mani&egrave;re tr&egrave;s appuy&eacute;e au d&eacute;but des &eacute;missions 1, 3 et 5 (au d&eacute;but, au milieu et &agrave; la fin de la s&eacute;rie), le dr&ocirc;le est qu&rsquo;on ne l&rsquo;entend quasiment jamais&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>&nbsp;! &Agrave; la place et tr&egrave;s souvent, dans chaque &eacute;mission, le rire que l&rsquo;on entend c&rsquo;est celui de Butor, ce rire bien connu lui aussi, ce petit rire gourmand et p&eacute;tillant, bref et saccad&eacute;, qui fuse et s&rsquo;arr&ecirc;te presque aussit&ocirc;t, m&ecirc;l&eacute; aux &agrave;-coups de la respiration, &eacute;mergeant d&rsquo;une sorte d&rsquo;enjouement permanent et radieux (ou irradiant), tr&egrave;s contagieux. &Agrave; la place du rire de Bryen, il n&rsquo;y a donc pas seulement son fant&ocirc;me, et la d&eacute;ception d&rsquo;une injonction d&rsquo;&eacute;coute qui s&rsquo;av&egrave;re &ecirc;tre un leurre, mais un autre rire &agrave; &eacute;couter, ce rire fusant et perlant de Butor qui fait entendre sa petite musique tout au long des cinq &eacute;missions. S&rsquo;il fallait qualifier la sonorit&eacute; de ces &eacute;missions, on ne retiendrait pas seulement la voix de Bryen, qui s&rsquo;imprime si bien dans nos tympans mais le m&eacute;lange de cette voix et du rire de Butor, r&eacute;unissant &agrave; &eacute;galit&eacute; les partenaires de l&rsquo;entretien dans un attachant duo sonore.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="23_Entretien_vs_conversation"><strong>2.3. Entretien vs conversation</strong></span></h3> <p style="text-align: justify;">Il y a, nourrissant la s&eacute;rie, un r&ecirc;ve de libre conversation entre pairs, inscrit jusque dans sa trame sonore. Cependant, quand on &eacute;coute l&rsquo;ensemble des &eacute;missions, on se rend vite compte que la conversation est plus de l&rsquo;ordre d&rsquo;une virtualit&eacute; inachev&eacute;e, ou d&rsquo;un id&eacute;al de style, que d&rsquo;un mode de fonctionnement dominant.</p> <p style="text-align: justify;">Ce qui d&rsquo;abord peut emp&ecirc;cher de prendre ce plaisir-l&agrave; de la libre conversation, c&rsquo;est la loi m&ecirc;me du genre de l&rsquo;entretien, qui veut qu&rsquo;on propose aux auditeurs un chemin qui aille quelque part, qu&rsquo;il soit biographique, th&eacute;matique ou autre. Mais on sent bien aussi que Butor, l&agrave;, est mis face &agrave; ses propres r&eacute;sistances internes, &agrave; son incroyable passion didactique qui veut que ses lecteurs, s&rsquo;ils s&rsquo;en donnent la peine, ne sortent pas de ses livres, m&ecirc;me les plus d&eacute;routants, sans avoir appris quelque chose. Il y a donc un ordre dans cette s&eacute;rie, chaque &eacute;mission tourne autour d&rsquo;un th&egrave;me, et la plupart s&rsquo;ouvrent sur un pr&eacute;ambule explicatif de ce qui va se passer.</p> <p style="text-align: justify;">Le r&eacute;sultat de ce d&eacute;sir contradictoire de Butor, de cette tension, c&rsquo;est un m&eacute;lange d&rsquo;ordre et de d&eacute;sordre&nbsp;: globalement, l&rsquo;auditeur suit un chemin, d&rsquo;un sujet &agrave; un autre (livre, carri&egrave;re, musique, peinture, livre)&nbsp;; dans le d&eacute;tail en revanche, chaque &eacute;mission fait sa part &agrave; la digression et l&rsquo;improvisation&hellip; avec ses chances et ses malchances, car certains sujets exigent une pr&eacute;paration. Ainsi, Butor est excellent en critique d&rsquo;art dans l&rsquo;&eacute;mission 4 sur la peinture de Bryen, lequel est visiblement flatt&eacute; de l&rsquo;&eacute;couter parler si bien de son &oelig;uvre, et&hellip; un peu contrari&eacute; semble-t-il d&rsquo;avoir du mal &agrave; s&rsquo;exprimer aussi bien que lui&nbsp;! Mais dans l&rsquo;&eacute;mission 2 qui se propose d&rsquo;&eacute;voquer l&rsquo;enfance nantaise et l&rsquo;itin&eacute;raire de l&rsquo;artiste dans l&rsquo;entre-deux-guerres (apr&egrave;s son arriv&eacute;e &agrave; Paris &laquo;&nbsp;en 1926-1927&nbsp;&raquo;), Butor para&icirc;t r&eacute;duit &agrave; jouer le r&ocirc;le de l&rsquo;intervieweur ignorant, t&acirc;tonnant &agrave; l&rsquo;aveugle sur des points de biographie, posant des &laquo;&nbsp;questions b&ecirc;tes&nbsp;&raquo; du style &laquo;&nbsp;Aimes-tu faire du bateau ?&nbsp;&raquo; et trahissant une connaissance tr&egrave;s vague des rapports de Bryen avec Tzara, Picabia ou Duchamp, comme de son &oelig;uvre imprim&eacute;e (po&egrave;mes, dessins et collages) et de ses expositions des ann&eacute;es trente&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>. Heureusement, dans les derni&egrave;res minutes de cette &eacute;mission, le critique rattrape l&rsquo;intervieweur par des parall&egrave;les que Bryen trouve &laquo;&nbsp;tr&egrave;s justes&nbsp;&raquo; entre Duchamp et lui (sur son &laquo;&nbsp;comportement autour des tableaux&nbsp;&raquo; &laquo;&nbsp;aussi important que les tableaux&nbsp;&raquo;, par exemple). Butor aime expliquer, analyser, faire marcher son intelligence mais se r&eacute;v&egrave;le ici d&eacute;faillant dans le domaine biographique, parce qu&rsquo;il n&rsquo;a pas &eacute;tudi&eacute; le sujet avant&nbsp;; ce qui plaide d&rsquo;ailleurs en faveur d&rsquo;une logique amicale et conversationnelle de ces entretiens.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="3_Petits_jeux_autour_du_role_du_questionneur"><strong>3. Petits jeux autour du r&ocirc;le du questionneur</strong></span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">S&rsquo;il est demand&eacute; au questionneur de ce genre d&rsquo;entretiens-feuilletons de trouver un fil directeur autour duquel ordonner &agrave; peu pr&egrave;s le fil du dialogue et la suite des &eacute;missions, et si Butor, bon gr&eacute; mal gr&eacute;, s&rsquo;y soumet, il ne se prive pas en revanche de s&rsquo;amuser avec quelques &agrave;-c&ocirc;t&eacute;s du r&ocirc;le, ou pr&eacute;jug&eacute;s. C&rsquo;est ce qui se passe au d&eacute;but de l&rsquo;&eacute;mission 3 (issue de la premi&egrave;re s&eacute;ance d&rsquo;enregistrement), o&ugrave; l&rsquo;&eacute;crivain appara&icirc;t soudain d&eacute;guis&eacute; en petit reporter et en m&eacute;chant chirurgien, sur un mode de pastiche qui fait sourire.</p> <p style="text-align: justify;">Sur un fond musical doux allant et venant en arri&egrave;re-plan, ajout&eacute; au montage, Butor, s&rsquo;adressant comme en apart&eacute; aux auditeurs, les introduit dans l&rsquo;appartement du peintre, qu&rsquo;il pr&eacute;sente sto&iuml;quement pr&ecirc;t &agrave; se faire op&eacute;rer au bistouri de ses questions, pour &ecirc;tre mis &agrave; d&eacute;couvert dans ses &laquo;&nbsp;retranchements les plus secrets&nbsp;&raquo;. Cet apart&eacute; dure environ 2 mn 30, apr&egrave;s quoi on acc&egrave;de &agrave; l&rsquo;entretien. Le d&eacute;bit est pos&eacute;, la voix tr&egrave;s contr&ocirc;l&eacute;e, calme et amicale (un peu claironnante au d&eacute;but de la deuxi&egrave;me prise de son), le ton volontiers enjou&eacute; et gourmand, comme pour inviter les auditeurs &agrave; se r&eacute;galer par avance de ce qui va arriver. Notons en passant qu&rsquo;on entend tr&egrave;s bien ici la succession de morceaux de couleurs sonores, provenant d&rsquo;enregistrements diff&eacute;rents. Le premier compl&egrave;te visiblement le deuxi&egrave;me, les deux ensemble composant l&rsquo;adresse liminaire &agrave; l&rsquo;auditeur, qui en para&icirc;t d&rsquo;autant plus pr&eacute;m&eacute;dit&eacute;e&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;"><em>&nbsp;(Prise de son 1, voix mezzo)</em> Comme / je veux / pousser Camille Bryen dans ses / re / dans certains de ses retranchements les plus secrets, je veux donner une petite id&eacute;e du d&eacute;cor dans lequel cette op&eacute;ration chirurgicale / se passe <em>(0&nbsp;:19&nbsp;: autre prise de son, voix forte puis mezzo</em>) Nous nous trouvons dans l&rsquo;appartement de Camille Bryen, &agrave; Paris, rue de l&rsquo;Universit&eacute;. Il y a au mur, naturellement, des / tableaux et des dessins de / Bryen. Il y a des livres et parmi ces livres certains des / livres / de Bryen, ce personnage qui / tr / qui a travers&eacute; et qui traverse Paris avec son rire si caract&eacute;ristique et qui a d&eacute;rang&eacute; tellement d&rsquo;habitudes et continue &agrave; en d&eacute;ranger tellement. <em>Musique seule</em>. Camille Bryen est / &agrave; demi &eacute;tendu sur un / fauteuil qui / va me servir de table d&rsquo;op&eacute;ration. Les / lampes n&eacute;cessaires sont l&agrave; et j&rsquo;ai toute la litt&eacute;rature bryenologique &eacute;tal&eacute;e sur la table, qui va me servir / de bistouri. Je sens qu&rsquo;il est d&eacute;j&agrave; en train de souffrir, mais il ne se rend pas compte de ce qui va se passer dans quelques instants, je / je m&rsquo;efforce d&rsquo;ailleurs de l&rsquo;endormir plus ou moins, pour qu&rsquo;il / traverse cette &eacute;preuve dans un &eacute;tat suffisamment second. J&rsquo;ai / heureusement toutes sortes de complices autour de moi, qui sont tous les tableaux, et / tous les dessins qui se trouvent sur les murs de l&rsquo;appartement de / Bryen. Nous avons ferm&eacute; le store, pour que la lumi&egrave;re du jour ne vienne pas nous d&eacute;ranger par trop, et c&rsquo;est ainsi dans une atmosph&egrave;re de nuit / de nuit plus ou moins / secr&egrave;te, que je vais / attaquer / Camille Bryen. <em>Musique seule</em>. Je vais demander &agrave; Bryen de nous parler d&rsquo;un sujet qu&rsquo;il a abord&eacute; tr&egrave;s rarement, je vais lui demander de nous parler de musique. <em>(2&nbsp;:28&nbsp;: autre prise de son, voix forte)</em> Quels sont les rapports que tu as avec la musique&nbsp;?</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">La description du &laquo;&nbsp;d&eacute;cor&nbsp;&raquo; de l&rsquo;entretien est un proc&eacute;d&eacute; assez courant encore dans les entretiens-feuilletons des ann&eacute;es cinquante, mais ni vital ni indispensable, et beaucoup s&rsquo;en passent, comme Amrouche aussi bien que Mallet en donnent l&rsquo;exemple aux origines du genre. C&rsquo;est en r&eacute;alit&eacute; un proc&eacute;d&eacute; h&eacute;rit&eacute; de l&rsquo;interview de presse &eacute;crite, quand celle-ci, &agrave; la fin du XIXe si&egrave;cle, est encore un cas particulier du reportage, du portrait de presse ou des grandes enqu&ecirc;tes comme celle de Jules Huret dans <em>L&rsquo;&Eacute;cho de Paris</em> au d&eacute;but des ann&eacute;es 1890, avant de devenir une composante indispensable de la &laquo;&nbsp;visite &agrave; l&rsquo;&eacute;crivain&nbsp;&raquo; jadis &eacute;tudi&eacute;e par Olivier Nora&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>. Mais on remarquera combien ici cette description des lieux est peu r&eacute;aliste, combien elle ne nous dit absolument rien de l&rsquo;espace, des pi&egrave;ces, des objets de l&rsquo;appartement, combien elle reste tr&egrave;s abstraite, combien elle ne signifie rien mis &agrave; part l&rsquo;ethos artiste et lettr&eacute; de Bryen indiqu&eacute; par ses peintures, dessins et livres. On est donc tr&egrave;s loin en r&eacute;alit&eacute; des fonctions du reportage de presse, parfois reprises &agrave; leur compte par des auteurs d&rsquo;entretiens longs &agrave; la radio, dont la mani&egrave;re de donner une &laquo;&nbsp;petite id&eacute;e du d&eacute;cor&nbsp;&raquo; va tout de m&ecirc;me plus loin. Aussi bien n&rsquo;est-il question ici, pour Butor, que de s&rsquo;amuser.</p> <p style="text-align: justify;">Quant &agrave; l&rsquo;emploi du questionneur, on sait combien il fait fantasmer tous les &eacute;crivains &laquo;&nbsp;soumis &agrave; la question&nbsp;&raquo; si l&rsquo;on peut dire, ou mis &laquo;&nbsp;sur la sellette&nbsp;&raquo;, pour reprendre le titre d&rsquo;un livre d&rsquo;entretiens des ann&eacute;es 1970&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a> et avant cela d&rsquo;une rubrique d&rsquo;interview de <em>La Semaine litt&eacute;raire</em> (1963-1968) anim&eacute;e par Roger Vrigny sur France Culture. Dans une enqu&ecirc;te des <em>Nouvelles litt&eacute;raires</em> en 1951, Colette compare son interlocuteur &agrave; un picador, Cendrars &agrave; un inquisiteur&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>, et Claudel, &agrave; la publication de ses entretiens avec Amrouche en 1954, se pr&eacute;sente dr&ocirc;lement comme la victime d&rsquo;une &laquo;&nbsp;esp&egrave;ce d&rsquo;agression&nbsp;&raquo; dont, r&egrave;gle de l&rsquo;improvisation oblige, on ne lui a pas laiss&eacute; le temps de &laquo;&nbsp;pr&eacute;parer la riposte&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>. M&ecirc;me avec beaucoup de bonne volont&eacute; et une compr&eacute;hension plus large et positive du r&ocirc;le, la peur des questions indiscr&egrave;tes ou g&ecirc;nantes, et celle de ne pas faire bonne figure &agrave; l&rsquo;oral, fait irr&eacute;pressiblement surgir autour du sc&eacute;nario des entretiens tout un imaginaire du tribunal (ou du confessionnal, voire du divan) et du combat, que n&rsquo;emp&ecirc;che pas la promotion constante de l&rsquo;esprit de conversation, civil et amical, au sein du genre. Mais avait-on d&eacute;j&agrave; compar&eacute; (sans doute oui) le jeu des questions &agrave; une op&eacute;ration chirurgicale, comme le fait ici Butor&nbsp;? On notera en tout cas son caract&egrave;re excessif et d&eacute;cal&eacute; au fronton d&rsquo;une &eacute;mission certes faible (on l&rsquo;a dit) mais dans laquelle Bryen, bien vivant, n&rsquo;a rien du patient &agrave; moiti&eacute; endormi dont Butor d&eacute;couvrirait les &laquo;&nbsp;retranchements les plus secrets&nbsp;&raquo;, arm&eacute; du &laquo;&nbsp;bistouri&nbsp;&raquo; de la &laquo;&nbsp;litt&eacute;rature bry&eacute;nologique&nbsp;&raquo; (qui ne lui sert d&rsquo;ailleurs pas &agrave; grand-chose pour parler musique&nbsp;!).</p> <p style="text-align: justify;">Ce portrait quelque peu burlesque (plaisant en tout cas) du questionneur en chirurgien, on peut &eacute;mettre l&rsquo;hypoth&egrave;se que Butor y avait pens&eacute; pour introduire la d&eacute;marche exploratoire de la s&eacute;rie d&rsquo;entretiens dans son ensemble. Deux raisons en faveur de cette hypoth&egrave;se, encourag&eacute;e par le fait que si la toute premi&egrave;re phrase de la citation ci-dessus (prise de son 1) est post&eacute;rieure &agrave; la premi&egrave;re s&eacute;ance d&rsquo;enregistrement, la deuxi&egrave;me s&eacute;quence (&laquo;&nbsp;Nous nous trouvons dans l&rsquo;appartement de Camille Bryen&nbsp;&raquo; etc.), visiblement enregistr&eacute;e dans l&rsquo;appartement du peintre, doit en provenir. Premi&egrave;re raison&nbsp;: Butor y annonce Bryen par son rire. Or ce motif &eacute;rig&eacute; en embl&egrave;me du personnage ne fait pas vraiment sens dans cette &eacute;mission, au contraire de la premi&egrave;re o&ugrave; Butor a pris soin d&rsquo;en faire la cl&eacute; de lecture de tout d&egrave;s les toutes premi&egrave;res phrases, ajout&eacute;es au montage&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Il faut regarder les toiles de Camille Bryen, et ses dessins ou ses gouaches. Il faut lire ce qu&rsquo;il a &eacute;crit. Mais cela ne suffit pas&nbsp;: il est absolument indispensable d&rsquo;entendre Camille Bryen. D&rsquo;entendre la voix de Bryen et d&rsquo;entendre en particulier le rire de Bryen. Le rire de Bryen a apport&eacute; quelque chose d&rsquo;unique &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de la sonorit&eacute; de la ville de Paris.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Seconde raison en faveur de cette hypoth&egrave;se&nbsp;: le d&eacute;calage existant entre l&rsquo;annonce et son r&eacute;sultat. On annonce la mise &agrave; nu de secrets&nbsp;; on d&eacute;couvre qu&rsquo;il s&rsquo;agit de faire parler Bryen de musique, &laquo;&nbsp;sujet dont il a rarement parl&eacute;&nbsp;&raquo;, certes, apprend-on, mais dont on a du mal &agrave; croire qu&rsquo;il en fait un secret (de sa peinture par exemple). En revanche ce genre d&rsquo;annonce convient assez bien &agrave; la mise en route d&rsquo;une s&eacute;rie d&rsquo;entretiens. Pourquoi, dans cette hypoth&egrave;se, reculer le propos au d&eacute;but de l&rsquo;&eacute;mission 3&nbsp;? Peut-&ecirc;tre parce que l&rsquo;image est plus divertissante que profonde, et au fond d&eacute;formante et r&eacute;ductrice. En revanche, apr&egrave;s les deux premi&egrave;res &eacute;missions qui ont install&eacute; l&rsquo;auditeur dans un style de dialogue entre Butor et Bryen sans rapport avec ce sc&eacute;nario, le contraste d&rsquo;autant plus frappant rend l&rsquo;humour du motif d&rsquo;autant plus sensible.</p> <p style="text-align: justify;">Cela dit, dans cette troisi&egrave;me &eacute;mission, peut-&ecirc;tre Bryen d&eacute;voile-t-il quand m&ecirc;me un de ses secrets d&rsquo;artiste. En effet, apr&egrave;s une s&eacute;rie de petites questions sans suite de Butor, et de r&eacute;ponses sans contenu de Bryen sur Satie, le jazz et &laquo; la propagande de Boulez &raquo;, on en arrive, au bout de dix minutes, en d&eacute;rivant, &agrave; l&rsquo;attirance de Bryen pour &laquo; le monde m&eacute;di&eacute;val plus ouvert que le monde moderne, qui se croit tr&egrave;s ouvert &raquo;, et pour &laquo; certaines formes d&rsquo;&eacute;sot&eacute;risme &raquo; de ce temps&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>. Le secret, s&rsquo;il y en a un, serait de d&eacute;voiler dans &laquo;&nbsp;l&rsquo;art &eacute;nigmatique&nbsp;&raquo; m&eacute;di&eacute;val une cl&eacute; de lecture de sa peinture tachiste par exemple, ou de l&rsquo;ensemble de sa peinture d&rsquo;apr&egrave;s-guerre. De fait, dans la quatri&egrave;me &eacute;mission consacr&eacute;e &agrave; sa peinture, quelques liens sont esquiss&eacute;s avec les &laquo;&nbsp;pr&eacute;occupations kabbalistes&nbsp;&raquo; de son &laquo;&nbsp;cher moyen &acirc;ge&nbsp;&raquo;, ou avec le &laquo;&nbsp;naturalisme monstrueux&nbsp;&raquo; de ses enluminures.</p> <p style="text-align: justify;">En &eacute;coutant la s&eacute;rie vient tout de m&ecirc;me une question&nbsp;: pourquoi Bryen&nbsp;? Pourquoi Butor a-t-il propos&eacute; &agrave; France Culture de faire une s&eacute;rie avec Camille Bryen plut&ocirc;t qu&rsquo;avec son ami Georges Perros par exemple, qui le pr&eacute;c&egrave;de de peu dans les programmes de la cha&icirc;ne et s&rsquo;est d&eacute;clar&eacute;, dans le secret de leur correspondance, m&eacute;content de ses entretiens avec Jean Daive&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>&nbsp;? Comme dans tout bon roman policier, et par extension dans toute &oelig;uvre qui s&rsquo;affirme comme recherche de r&eacute;ponse(s) au sens de la vie sur terre, aux &eacute;nigmes du monde, des indices permettent de le deviner au fil des &eacute;missions (d&egrave;s la premi&egrave;re m&ecirc;me), mais il faut attendre la derni&egrave;re &eacute;mission pour le d&eacute;couvrir vraiment. Il y est question d&rsquo;un livre de Bryen &eacute;crit avec Audiberti, <em>L&rsquo;Ouvre-Bo&icirc;te</em>, paru en 1952, &agrave; peu pr&egrave;s au moment des d&eacute;buts en litt&eacute;rature de Butor&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>. Dans la premi&egrave;re &eacute;mission, il &eacute;tait question des livres d&rsquo;artiste faits par Bryen et Butor ensemble dans les ann&eacute;es r&eacute;centes : les seuils se r&eacute;pondent. On le sent, la boucle se boucle.&nbsp; &nbsp;&nbsp;</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="4_Un_projet_de_livre_sonore"><strong>4. Un projet de livre sonore ?</strong></span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Voici une transcription du d&eacute;but de cette derni&egrave;re &eacute;mission :</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Michel Butor&nbsp; ̶&nbsp; Nous sommes en pleine civilisation de la conserve et de la conservation et d&rsquo;ailleurs nous sommes en train de mettre de la conversation en bo&icirc;te, ce qui est &agrave; la fois / tr&egrave;s pr&eacute;cieux, tr&egrave;s utile, et naturellement un peu inqui&eacute;tant. Car que va-t-il arriver &agrave; ces mots qui vont &ecirc;tre ainsi enferm&eacute;s dans quelque chose&nbsp;? Il faudrait trouver le moyen de / leur rendre vie /&nbsp;suffisamment. Nous nous promenons aujourd&rsquo;hui dans une sorte de gigantesque supermarch&eacute;, entre des murs de bo&icirc;tes que nous ne savons pas ouvrir, et nous avons besoin, pour ces bo&icirc;tes, d&rsquo;instruments qui vont nous permettre de / d&eacute;livrer tout ce qui peut &ecirc;tre &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur, la nourriture qui est &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur, les / vivants / qui sont &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur, et nous-m&ecirc;mes, qui sommes / de plus en plus enferm&eacute;s &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de certaines bo&icirc;tes. Eh bien, ce probl&egrave;me de l&rsquo;ouverture de la bo&icirc;te, c&rsquo;est quelque chose qui / t&rsquo;a beaucoup / travaill&eacute;, mon cher Camille, et d&rsquo;ailleurs tu n&rsquo;es pas le seul&nbsp;: en compagnie de / Jacques Audiberti tu as &eacute;crit un livre qui s&rsquo;appelle <em>L&rsquo;Ouvre-Bo&icirc;te</em>.</p> <p style="text-align: justify;">Camille Bryen <em>(raccord&nbsp;; autre prise de son</em>) &nbsp;̶&nbsp; Le titre c&rsquo;est vraiment amusant Michel&nbsp;!</p> </blockquote> <h3><span id="41_Le_probleme_de_louvre-boite_et_de_la_mise_en_boite"><strong>4.1. Le probl&egrave;me de l&rsquo;ouvre-bo&icirc;te&hellip; et de la mise en bo&icirc;te</strong></span></h3> <p style="text-align: justify;">Ce qui frappe dans ce pr&eacute;ambule, c&rsquo;est son angle d&rsquo;approche : non pas l&rsquo;angle des id&eacute;es, mais l&rsquo;angle du titre. Aborder le livre par ses id&eacute;es&nbsp; ̶ &nbsp;son id&eacute;e ma&icirc;tresse en fait&nbsp; ̶ , ce serait parler d&rsquo;embl&eacute;e d&rsquo;abhumanisme, notion que Bryen semble assez fier d&rsquo;avoir co-invent&eacute;e avec Audiberti &nbsp;&nbsp;̶&nbsp; mais qui &eacute;tait sans doute un peu d&eacute;saffect&eacute;e dans les ann&eacute;es 1970. Car dans <em>L&rsquo;Ouvre-Bo&icirc;te</em>, la bo&icirc;te c&rsquo;est l&rsquo;humanisme (pr&eacute;jug&eacute; &eacute;troit et &eacute;touffant) et l&rsquo;ouvre-bo&icirc;te qui permet d&rsquo;en sortir, c&rsquo;est cet abhumanisme dont l&rsquo;&eacute;mission 5 ne nous dira pas bien clairement en quoi il consiste sinon qu&rsquo;il entend remettre l&rsquo;homme &agrave; sa place, non pas au centre mais comme un &eacute;l&eacute;ment de l&rsquo;univers parmi d&rsquo;autres. Or dans ce pr&eacute;ambule sur la &laquo;&nbsp;civilisation de la conserve et de la conservation&nbsp;&raquo;, la bo&icirc;te devient celle dans laquelle va se retrouver la conversation en cours en &eacute;tant enregistr&eacute;e. Avec les limites de l&rsquo;op&eacute;ration, &laquo;&nbsp;car que va-t-il arriver &agrave; ces mots qui vont &ecirc;tre ainsi enferm&eacute;s dans quelque chose&nbsp;? Il faudrait trouver le moyen de leur rendre vie suffisamment&nbsp;&raquo;, demande Butor.</p> <p style="text-align: justify;">Pour le genre des entretiens, ce &laquo; probl&egrave;me de l&rsquo;ouverture de la bo&icirc;te &raquo; dont parle Butor en pr&eacute;ambule de la cinqui&egrave;me &eacute;mission est, dans ces ann&eacute;es 1970, en train de recevoir un d&eacute;but de r&eacute;ponse &eacute;ditoriale et commerciale. Certains entretiens-feuilletons ont &eacute;t&eacute; partiellement &eacute;dit&eacute;s sur disques dans les ann&eacute;es ant&eacute;rieures : les entretiens L&eacute;autaud-Mallet, d&egrave;s 1951, Claudel-Amrouche en 1954&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>, Aragon-Cr&eacute;mieux en 1963, Gide-Amrouche en 1969, Mauriac-Amrouche en 1971. Surtout, en f&eacute;vrier 1972, l&rsquo;ORTF a lanc&eacute; &agrave; plus grande &eacute;chelle l&rsquo;exploitation commerciale de ses fonds, et a choisi pour cela de commencer par <em>Radioscopie</em>, l&rsquo;&eacute;mission d&rsquo;entretiens de Jacques Chancel, d&eacute;crite dans un article du <em>Monde</em> en 1972, cinq ans apr&egrave;s son d&eacute;marrage, comme &laquo;&nbsp;sans doute [&hellip;] la plus appr&eacute;ci&eacute;e sur les cha&icirc;nes nationales malgr&eacute; son heure d&rsquo;&eacute;coute (17 h.)&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>&nbsp;&raquo;. Reste, on le comprend bien, que le probl&egrave;me est aussi civilisationnel&nbsp;: la bo&icirc;te &agrave; ouvrir est aussi celle de nos usages et pratiques de l&rsquo;&eacute;coute, tout comme dans la d&eacute;cennie pr&eacute;c&eacute;dente, Butor s&rsquo;est attaqu&eacute; avec <em>Mobile</em> &agrave; ouvrir la bo&icirc;te de notre rapport au livre. Ainsi, les collections qui portent l&rsquo;&eacute;mergence du livre-cassette en France dans les ann&eacute;es 1980 (&laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que des voix&nbsp;&raquo; aux &eacute;ditions Des femmes, &laquo;&nbsp;Audilivres&nbsp;&raquo; chez Audivis, ou &laquo;&nbsp;Livres &agrave; &eacute;couter&nbsp;&raquo; chez KFP&hellip;)&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a> restent concentr&eacute;es sur la pratique de la lecture. La vell&eacute;it&eacute; des &eacute;ditions La Manufacture de produire entre 1985 et 1988 des montages sonores d&rsquo;entretiens radiophoniques dans certains titres de sa collection-phare &laquo;&nbsp;Qui &ecirc;tes-vous&nbsp;?&nbsp;&raquo; assortis de cassettes, tourne court, au profit de transcriptions &eacute;crites&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>. &laquo;&nbsp;<em>Les Grandes Heures</em>&nbsp;&raquo;, la collection-pilote dans l&rsquo;&eacute;dition audio des entretiens-feuilletons radiophoniques (co-&eacute;dition Ina / Radio France), ne se d&eacute;veloppera qu&rsquo;&agrave; partir de la d&eacute;cennie suivante&nbsp;(elle est cr&eacute;&eacute;e en 1994), sans l&rsquo;aide d&rsquo;aucun major de l&rsquo;&eacute;dition litt&eacute;raire&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>. En 1976, la question de Butor est donc une vraie question d&rsquo;actualit&eacute;.</p> <p style="text-align: justify;">Avant l&rsquo;ouvre-bo&icirc;te il y a la mise en bo&icirc;te&nbsp;: opportun&eacute;ment, le livre de Bryen et Audiberti comporte plusieurs chapitres sur les p&eacute;rip&eacute;ties tragi-comiques de sa gen&egrave;se, gen&egrave;se largement orale puisque les deux auteurs, fid&egrave;les au parti pris de d&eacute;s&eacute;criture de Bryen, avaient d&eacute;cid&eacute; de l&rsquo;improviser oralement. Le livre raconte l&rsquo;essai de divers proc&eacute;d&eacute;s, qui tous se heurtent &agrave; des difficult&eacute;s&nbsp;: noter &agrave; la vol&eacute;e ce que l&rsquo;autre dit, mais la &laquo;&nbsp;vitesse d&rsquo;&eacute;locution&nbsp;&raquo; fait probl&egrave;me&nbsp;; demander &agrave; Louysette (femme de Bryen&nbsp;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a>) de noter, mais m&ecirc;me probl&egrave;me&nbsp;; faire appel &agrave; une st&eacute;notypiste, qui frappe, frappe, mais&hellip; rend une liasse de feuillets vierges&nbsp;; s&rsquo;enregistrer avec un &laquo;&nbsp;atomophone&nbsp;&raquo; (une sorte de magn&eacute;tophone), mais qui leur&nbsp;joue &laquo;&nbsp;des tours &eacute;pouvantables&nbsp;!&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;les mots se sont coagul&eacute;s et [&hellip;] d&rsquo;autres mot sont apparus qui avaient une signification tout autre&nbsp;&raquo;). Butor fait abondamment parler Bryen sur toutes ces m&eacute;saventures, assez dr&ocirc;les il est vrai, mais qu&rsquo;il cherche visiblement &agrave; &laquo;&nbsp;faire mousser&nbsp;&raquo; pour les rendre plus divertissantes encore. La s&eacute;rie de 1976 se termine ainsi sur une note loufoque, un petit sketch presque&nbsp;; comme pour s&rsquo;amuser des m&eacute;saventures qui guettent ceux qui veulent d&eacute;ranger les lecteurs de livres de leurs habitudes.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="42_Demenager_la_litterature_vers_le_sonore_Bryen_lincitateur"><strong>4.2. D&eacute;m&eacute;nager la litt&eacute;rature vers le sonore&nbsp;: Bryen l&rsquo;incitateur</strong></span></h3> <p style="text-align: justify;">Au-del&agrave; d&rsquo;une collaboration r&eacute;cente et heureuse pour les trois livres nomm&eacute;s, Bryen pr&eacute;sente de fait le grand int&eacute;r&ecirc;t pour Butor d&rsquo;avoir comme lui &laquo;&nbsp;touch&eacute; au livre&nbsp;&raquo; (comme Mallarm&eacute; disait &laquo;&nbsp;on a touch&eacute; au vers&nbsp;&raquo;), non seulement du c&ocirc;t&eacute; du visuel, comme peintre, mais aussi du c&ocirc;t&eacute; de l&rsquo;oreille, comme po&egrave;te. La derni&egrave;re &eacute;mission donne deux exemples de ces exp&eacute;rimentations sonores&nbsp;: le r&eacute;cit drolatique des rat&eacute;s de gen&egrave;se de <em>L&rsquo;Ouvre-Bo&icirc;te</em>&nbsp;; les &laquo;&nbsp;hurlements lettristes&nbsp;&raquo; des<em> Lions &agrave; barbe</em> (texte perform&eacute; dans une &laquo;&nbsp;soir&eacute;e dada&nbsp;&raquo; en 1966). L&rsquo;&eacute;mission pr&eacute;c&eacute;dente &eacute;voquait les &laquo;&nbsp;po&egrave;mes phon&eacute;tiques&nbsp;&raquo; de Bryen, notamment son po&egrave;me <em>Hep&eacute;rile </em>publi&eacute; en 1950, et sa d&eacute;formation optique trois ans plus tard, sous le titre <em>Hep&eacute;rile &eacute;clat&eacute;</em>, par Jacques Villegl&eacute; et Raymond Hains, &laquo; deux Christophe Colomb &ldquo;des ultra-lettres&rdquo;&nbsp;<a href="#_ftn32" name="_ftnref32">[32]</a> &raquo; m&ecirc;l&eacute; aux lettristes (Isou, Pommerand, Dufr&ecirc;ne&hellip;). Or ces &eacute;vocations ne font que boucler une boucle ouverte d&egrave;s la premi&egrave;re &eacute;mission quand, dans les trois derni&egrave;res minutes, Butor se met &agrave; citer (de m&eacute;moire) un petit livre de Bryen paru en 1964, qui associait des textes de l&rsquo;auteur et leur enregistrement sur disque &agrave; des dessins et des diapositives &agrave; projeter&nbsp;<a href="#_ftn33" name="_ftnref33">[33]</a>. En mati&egrave;re de &laquo; d&eacute;m&eacute;nagement de la litt&eacute;rature&nbsp;<a href="#_ftn34" name="_ftnref34">[34]&nbsp;</a>&raquo;, Bryen n&rsquo;est donc pas en reste&nbsp;!</p> <p style="text-align: justify;">Or si l&rsquo;on &eacute;coute de pr&egrave;s la fin de l&rsquo;&eacute;mission 1, na&icirc;t le sentiment que non seulement Bryen n&rsquo;est pas en reste, mais qu&rsquo;il est celui des deux qui, r&eacute;agissant au projet d&rsquo;une nouvelle collaboration, sugg&egrave;re &agrave; Butor de &laquo;&nbsp;d&eacute;m&eacute;nager&nbsp;&raquo; cette fois vers l&rsquo;&laquo;&nbsp;&eacute;criture sonore&nbsp;&raquo; &agrave; deux, suscitant, en ricochet, de mani&egrave;re un peu impr&eacute;vue, la r&eacute;ponse de Butor que c&rsquo;est ce qu&rsquo;ils sont en train de faire en se parlant. Observons le glissement&nbsp;; les deux amis viennent de parler des livres r&eacute;alis&eacute;s ensemble et Butor avance le projet de faire quelque chose &agrave; partir de &laquo;&nbsp;Dans les clo&icirc;tres du vent, chanson-compliment bry&eacute;nologique&nbsp;&raquo; (1973)&nbsp;<a href="#_ftn35" name="_ftnref35">[35]</a>&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Michel Butor &ndash; [&hellip;] Moi je r&ecirc;ve d&rsquo;un livre avec toi qui int&egrave;gre / plus d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments encore que ceux que nous avons utilis&eacute;s.</p> <p style="text-align: justify;">Camille Bryen &ndash; Ouais&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">MB &ndash; Je pense &agrave; ce merveilleux / ce merveilleux livre que tu as d&eacute;j&agrave; publi&eacute; [<em>Carte blanche &agrave; Bryen</em>], dans lequel il y a ce disque, et puis dans lequel il y a les Bryscopies, c&rsquo;est-&agrave;-dire ces diapositives que l&rsquo;on peut projeter&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">CB &ndash; Ah, oui&nbsp;! C&rsquo;&eacute;tait un bouquin qui m&rsquo;a beaucoup amus&eacute; &agrave; faire.</p> <p style="text-align: justify;">MB &ndash; Eh bien je r&ecirc;ve un jour de faire quelque chose de ce genre avec toi. C&rsquo;est-&agrave;-dire dans lequel nous ayons non seulement / du texte, et / du texte qui soit / o&ugrave; il n&rsquo;y ait pas simplement du texte de moi mais o&ugrave; il y ait du texte de Bryen qui intervienne encore d&rsquo;une / encore d&rsquo;une autre fa&ccedil;on. Nous avons pens&eacute; pendant un certain temps, et peut-&ecirc;tre que nous le ferons un jour, je l&rsquo;esp&egrave;re de tout mon c&oelig;ur, &agrave; une &eacute;dition de &laquo;&nbsp;Dans les clo&icirc;tres du vent&nbsp;&raquo;, de la &laquo;&nbsp;chanson-compliment bry&eacute;nologique&nbsp;&raquo;&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">CB &ndash;&nbsp; Oui&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">MB &ndash; &hellip; qui soit manuscrite, qui soit un fac-simil&eacute;&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">CB &ndash;&nbsp; Oui, oui&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">MB &ndash; &hellip;d&rsquo;un manuscrit, dans lequel les <em>mots</em> qui sont <em>tes </em>mots soient &eacute;crits par toi, dans ton &eacute;criture, avec peut-&ecirc;tre une encre diff&eacute;rente&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">CB &ndash; &nbsp;Oui&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">MB &ndash; &nbsp;&hellip;et puis le reste soit de mon &eacute;criture&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">CB &ndash; &nbsp;Oui&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">MB &ndash;&nbsp; &hellip; n&rsquo;est-ce pas&nbsp;; v&eacute;ritablement une &eacute;criture &agrave; deux voix, hein&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">CB &ndash; &nbsp;Oui, oui&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">MB &ndash; &nbsp;&hellip;une &eacute;criture &agrave; deux mains, comme on parle de piano &agrave; quatre mains&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">CB (<em>chevauchement)</em> &ndash; &hellip;mais alors on peut le faire&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">MB &ndash; &hellip; on peut imaginer&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">CB &ndash; &nbsp;Oui&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">MB &ndash; &nbsp;&hellip; on peut imaginer une &eacute;criture &agrave; quatre mains.</p> <p style="text-align: justify;">CB <em>(piano arrive en arri&egrave;re-plan)</em> &ndash;&nbsp; On peut imaginer aussi une &eacute;criture sonore, naturellement.</p> <p style="text-align: justify;">MB <em>(silence)</em> &ndash; &hellip;Et alors on peut imaginer de f&hellip; / jouer aussi avec&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">CB &ndash; &hellip;la partition.</p> <p style="text-align: justify;">MB (<em>chevauchement)</em> &ndash; &hellip;la sonorit&eacute;&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">CB &ndash; &hellip;oui. Et d&rsquo;une mani&egrave;re, de la partition.</p> <p style="text-align: justify;">MB &ndash; Et / d&rsquo;ailleurs c&rsquo;est un peu ce que nous sommes en train de faire pour l&rsquo;instant&nbsp;! Parce que pour l&rsquo;instant&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">CB <em>(tr&egrave;s vite)</em> &ndash; Si nous continuons on pourra pas nous entendre parce qu&rsquo;on va parler tous les deux en m&ecirc;me temps&nbsp;! <em>(rire fusant de Butor, rire de cr&eacute;celle de Bryen)</em></p> <p style="text-align: justify;">MB <em>(jubilant)</em> &ndash; Ben voil&agrave;, voil&agrave;&nbsp;! Nous faisons de l&rsquo;entretien &agrave; quatre voix maintenant, parce que non seulement nous / parlons l&rsquo;un apr&egrave;s l&rsquo;autre mais nous commen&ccedil;ons / &agrave; parler de plus en plus l&rsquo;un sur l&rsquo;autre ce qui est une excellente chose parce que le langage, de temps en temps, est fait pour &ecirc;tre mang&eacute;, ce n&rsquo;est pas toi qui vas me contredire.</p> <p style="text-align: justify;">CB &ndash; Je suis persuad&eacute; qu&rsquo;il est fait pour &ecirc;tre mang&eacute; et c&rsquo;est l&agrave; o&ugrave; la gesticulation intervient.</p> <p style="text-align: justify;"><em>Musique. Fin de l&rsquo;&eacute;mission</em></p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Que se passe-t-il dans ce moment de l&rsquo;&eacute;change ? Butor relance un projet de livre &eacute;voqu&eacute; entre eux, autour de &laquo; Dans les clo&icirc;tres du vent &raquo; ; il sugg&egrave;re d&rsquo;y mettre de l&rsquo;&eacute;criture &agrave; deux mains, voire &laquo; &agrave; quatre mains &raquo;, comme au piano ; Bryen, peut-&ecirc;tre &agrave; partir de l&rsquo;allusion au piano, se met &agrave; &laquo; imaginer aussi une &eacute;criture sonore &raquo;, un jeu avec une &laquo; partition &raquo; ; Butor, apr&egrave;s un bref temps de silence, reprend l&rsquo;id&eacute;e au bond et&hellip; l&rsquo;applique &agrave; leur entretien en cours, o&ugrave; se r&eacute;alise aussi cet &laquo; &agrave; quatre voix &raquo; : voix de l&rsquo;un, voix de l&rsquo;autre, voix de l&rsquo;un sur l&rsquo;autre, voix de l&rsquo;autre sur l&rsquo;un&hellip; Une musique de piano surgit quand Bryen introduit l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;&eacute;criture sonore, comme pour la souligner et faire dresser l&rsquo;oreille &agrave; l&rsquo;auditeur, et cette musique accompagne toute la fin particuli&egrave;rement enjou&eacute;e de l&rsquo;&eacute;change, dont la derni&egrave;re parole est laiss&eacute;e &agrave; Bryen. On a un peu l&rsquo;impression ici d&rsquo;assister en direct &agrave; la naissance d&rsquo;une id&eacute;e neuve de collaboration entre les deux artistes ; une id&eacute;e qui les d&eacute;rangerait dans leurs habitudes puisque pour la premi&egrave;re fois elle introduirait une dimension sonore ; une id&eacute;e lanc&eacute;e par Bryen qui depuis ses premiers po&egrave;mes phon&eacute;tiques n&rsquo;en est pas &agrave; sa premi&egrave;re sortie hors du langage et/ou du livre, et dont Butor s&rsquo;empare pour l&rsquo;appliquer &agrave; leur dialogue, comme si, subitement, dans un &eacute;clair de conscience, il r&eacute;alisait que leur entretien &eacute;tait ou pouvait &ecirc;tre cette &laquo; &eacute;criture sonore &raquo; dont ils viennent de parler.</p> <p style="text-align: center;">*</p> <p style="text-align: justify;">En concluant la premi&egrave;re &eacute;mission de la s&eacute;rie sur l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;&eacute;criture sonore, Butor, qui en est le producteur, rend soudain l&rsquo;auditeur attentif &agrave; son tour au fait qu&rsquo;il est bel et bien en train d&rsquo;&eacute;couter un livre sonore, o&ugrave; le langage ne se lit pas des yeux mais, enregistr&eacute; dans sa forme sonore, se &laquo;&nbsp;gesticule&nbsp;&raquo; et se &laquo;&nbsp;mange&nbsp;&raquo;. N&rsquo;&eacute;tait-ce pas d&eacute;j&agrave; ce que Bryen avait essay&eacute; de faire avec Audiberti au d&eacute;but des ann&eacute;es 1950, comprend-on en arrivant &agrave; l&rsquo;&eacute;mission sur <em>L&rsquo;Ouvre-Bo&icirc;te</em>&hellip; Sauf qu&rsquo;ici, le livre comme objet a disparu, au profit de la bande magn&eacute;tique. Bryen et Butor, ce serait donc un beau tandem pour reprendre et poursuivre l&rsquo;utopie du livre sonore qui a travaill&eacute; Apollinaire ou Blaise Cendrars avant eux. Et la s&eacute;rie d&rsquo;entretiens de 1976, un bon moyen de le faire. Dans cette id&eacute;e, la derni&egrave;re &eacute;mission donne aux auditeurs une image amusante de ce qu&rsquo;il vient d&rsquo;&eacute;couter&nbsp;: de la &laquo;&nbsp;conversation en bo&icirc;te&nbsp;&raquo;. L&rsquo;enregistrement des entretiens, c&rsquo;&eacute;tait de la mise en bo&icirc;te, &laquo;&nbsp;ce qui est &agrave; la fois tr&egrave;s pr&eacute;cieux, tr&egrave;s utile, et naturellement un peu inqui&eacute;tant&nbsp;&raquo;. La diffusion radiophonique sur France Culture, c&rsquo;est l&rsquo;ouvre-bo&icirc;te. La bo&icirc;te se referme vite malheureusement, et il faut la rouvrir, mais quand et comment&nbsp;? C&rsquo;est &laquo;&nbsp;le probl&egrave;me de l&rsquo;ouvre-bo&icirc;te&nbsp;&raquo;. &Agrave; chaque rediffusion sur France Culture, en 1990, 1996, 1997 (deux fois) et 2000 (avec un texte de pr&eacute;sentation de Butor)&nbsp;<a href="#_ftn36" name="_ftnref36">[36]</a>, la bo&icirc;te est rouverte, et aujourd&rsquo;hui, elle est accessible &agrave; l&rsquo;Ina et partout en r&eacute;gion o&ugrave; se trouvent des postes de consultation des archives num&eacute;ris&eacute;es de l&rsquo;Ina. Mais est-ce la seule solution int&eacute;ressante&nbsp;? Il y a besoin sans doute d&rsquo;un autre destin &eacute;ditorial pour ce &laquo;&nbsp;livre sonore&nbsp;&raquo;.</p> <h2><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a> Entretiens longtemps in&eacute;dits, &agrave; l&rsquo;exception de deux extraits (transcriptions) publi&eacute;s dans <em>L&rsquo;Ouvre-Bo&icirc;te &ndash; Cahiers Jacques Audiberti</em>, n&deg;8, novembre 1977, p.&nbsp;27-35 (num&eacute;ro d&rsquo;hommage &agrave; Bryen, d&eacute;c&eacute;d&eacute; en mai) et<em> Le r&ecirc;ve d&rsquo;une ville&nbsp;: Nantes et le surr&eacute;alisme</em>, Mus&eacute;e des Beaux-Arts de Nantes/R&eacute;union des mus&eacute;es nationaux, 1994, p.405-413. Une transcription (assez fautive) de l&rsquo;ensemble a paru dans le recueil d&rsquo;&eacute;crits de Camille Bryen publi&eacute; aux Presses du r&eacute;el en 2007&nbsp;: <em>D&eacute;s&eacute;critures. Po&egrave;mes, essais, in&eacute;dits, entretiens</em>, textes r&eacute;unis et annot&eacute;s par &Eacute;milie Guillard, introduction de Michel Giroud, p.&nbsp;551-588.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a> Futur producteur-animateur de la s&eacute;rie longue dur&eacute;e d&rsquo;entretiens <em>Du jour au lendemain</em> (1985-2014), et cr&eacute;ateur en 1978 du programme <em>Nuits magn&eacute;tiques</em>, auquel un num&eacute;ro de <em>Komodo 21</em> a &eacute;t&eacute; consacr&eacute; cette ann&eacute;e (n&deg;13, 2021, en ligne <a href="https://komodo21.numerev.com/numeros/1266-revue-13-nuits-magnetiques-1978-1999-la-part-des-ecrivains">ici</a>).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a> Pour un aper&ccedil;u g&eacute;n&eacute;ral sur les formes, formats et &eacute;volutions de l&rsquo;entretien-feuilleton apr&egrave;s les ann&eacute;es 1960, v.&nbsp;Pierre-Marie H&eacute;ron, David Martens (dir.), <em>Komodo 21</em>, n&deg;8, 2018&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;entretien d&rsquo;&eacute;crivain &agrave; la radio (France, 1960-1985)&nbsp;&raquo; (<a href="https://komodo21.numerev.com/numeros/1248-revue-8-l-entretien-d-ecrivain-a-la-radio-france-1960-1985">en ligne</a>).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a> Pour un inventaire des titres associant Butor et Bryen et des textes de Butor sur le peintre, voir <a href="http://henri.desoubeaux.pagesperso-orange.fr/butorweb-b.html#lettre%20b">l&rsquo;entr&eacute;e &laquo;&nbsp;Bryen, Camille&nbsp;&raquo;</a> du <em>Dictionnaire Butor</em> en ligne propos&eacute; par Henri Desoubeaux. Citons ici le po&egrave;me d&rsquo;hommage de Butor au peintre &agrave; sa mort&nbsp;: <strong>&laquo;&nbsp;</strong>L&rsquo;incantation Bryen&nbsp;&raquo;, <em>La NRF</em>, n&deg;296, 1<sup>er</sup> septembre 1977, p.161-162, repris dans <em>Envois</em> en 1980 et dans <em>Camille Bryen</em>, en 1981. V. aussi le dossier &agrave; para&icirc;tre des <em>Cahiers Michel Butor</em>, n&deg; 2, sur &laquo;&nbsp;Michel Butor et les peintres&nbsp;&raquo; (dossier coordonn&eacute; par Mireille Calle-Gruber et Patrick Suter).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a> Le titre parlant de sa conf&eacute;rence de 1952 sur le sujet, &laquo;&nbsp;Le Roi Midas et son barbier&nbsp;&raquo;, ne rend pas compte de la posture&nbsp;: certes Amrouche place l&rsquo;intervieweur tr&egrave;s bas aux pieds de Midas, au service de sa figure et de son &oelig;uvre, non sans en savoir long sur le &laquo;&nbsp;mis&eacute;rable tas de petits secrets&nbsp;&raquo; du grand homme&nbsp;; mais il en fait aussi son &eacute;gal devant l&rsquo;&oelig;uvre, capable, comme repr&eacute;sentant du Lecteur, de s&rsquo;en entretenir avec l&rsquo;Auteur sur un pied d&rsquo;&eacute;galit&eacute;. Reproduction sonore et transcription de la conf&eacute;rence disponibles dans Pierre-Marie H&eacute;ron (dir.), <em>Les &eacute;crivains &agrave; la radio&nbsp;: les Entretiens de Jean Amrouche</em>, Montpellier, Publications de Montpellier 3, 2000 (2 CD inclus).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a> Philippe Lejeune, &laquo;&nbsp;La Voix de son Ma&icirc;tre&nbsp;: L&rsquo;entretien radiophonique&nbsp;&raquo;, <em>Je est un autre</em>, Paris, Le Seuil, 1980, p.&nbsp;103-160.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a> Entretiens avec Michel Butor, par Georges Charbonnier, France-Culture, 12 &eacute;missions pluri-hebdomadaires de 20 mn, du 30 janvier au 26 f&eacute;vrier 1967. Entretiens issus de 7 s&eacute;ances d&rsquo;enregistrement en f&eacute;vrier et mars 1966. Les enregistrements d&rsquo;origine, conserv&eacute;s &agrave; l&rsquo;Ina, contiennent de nombreux passages supprim&eacute;s de la version diffus&eacute;e et/ou imprim&eacute;e. La version diffus&eacute;e a elle-m&ecirc;me &eacute;t&eacute; fortement remani&eacute;e pour la publication chez Gallimard la m&ecirc;me ann&eacute;e.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a> Aucune question ou presque sur la vie de l&rsquo;auteur, peu d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t pour les va-et-vient entre la vie et l&rsquo;&oelig;uvre, un dialogue centr&eacute; sur les m&eacute;thodes d&rsquo;&eacute;criture et la forme des &oelig;uvres. On peut noter que les moments de controverse avec Charbonnier tournent toujours &agrave; l&rsquo;avantage de Butor, trop fort sur ce terrain pour son interlocuteur pourtant r&eacute;put&eacute; dou&eacute;.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a> Entretiens avec Michel Butor, par Pierre Lhoste, France Inter, 21h40-22h, jeudis 6, 13, 20 et 27 septembre. 4 &eacute;missions hebdomadaires de 20 mn.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a> Michel Butor, <em>R&eacute;pertoire V</em>, Paris, &Eacute;ditions de Minuit, 1982, p. 328.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a> Dans les deux premi&egrave;res &eacute;missions de la s&eacute;rie (sur 4), Pierre Lhoste se contente de d&eacute;rouler la liste des titres de Butor en lui demandant d&rsquo;y r&eacute;agir, titre par titre, ce qui a d&ucirc; l&rsquo;ennuyer, mais aussi peut-&ecirc;tre rejoindre l&rsquo;amateur de listes qu&rsquo;il &eacute;tait. Les &laquo;&nbsp;dialogues de type <em>interview</em>&nbsp;&raquo; mettent l&rsquo;&eacute;crivain interrog&eacute; aux prises avec un &laquo;&nbsp;type&nbsp;&raquo; particulier de journaliste aussi, qu&rsquo;on peut appeler &laquo;&nbsp;l&rsquo;intervieweur ignorant&nbsp;&raquo;. Bernard Pivot jugeait ce type-l&agrave; tr&egrave;s efficace pour laisser parler l&rsquo;auteur comme il l&rsquo;entend (Bernard Pivot, <em>Le M&eacute;tier d&rsquo;&eacute;crire</em>, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Folio&nbsp;&raquo;, 2001, p.&nbsp;66).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a> V. par exemple Lucien Giraudo, <em>Michel Butor, le dialogue avec les arts</em>, Lille, Presses universitaires du Septentrion, &laquo;&nbsp;Perspectives&nbsp;&raquo;, 2006.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a> V. <em>Michel Butor par Michel Butor</em>, Paris, Seghers, 2003, <em>passim</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a> Michel Butor, <em>R&eacute;pertoire V</em>, <em>op. cit.,</em> p. 328.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a> V. Pierre-Marie H&eacute;ron, &laquo;&nbsp;Fargue &agrave; la radio. Deux &eacute;missions de 1946 et 1947&nbsp;&raquo;, <em>Ludions</em>, n&deg;18, 2019, p.&nbsp;42-66.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a> &Agrave; la date des &eacute;missions, Bryen est &acirc;g&eacute; de 69 ans&nbsp;(il meurt l&rsquo;ann&eacute;e suivante), Butor de 50. D&rsquo;une certaine fa&ccedil;on, vocalement, leur tandem r&eacute;it&egrave;re le tandem L&eacute;autaud-Mallet de 1951. Tous deux font contraster des voix d&rsquo;intervieweurs &eacute;galement cultiv&eacute;es, enjou&eacute;es et polies (expr&egrave;s) et des voix d&rsquo;interview&eacute;s &eacute;galement faubouriennes et plus sp&eacute;cialement grin&ccedil;antes, de type &laquo;&nbsp;voix de m&eacute;g&egrave;re&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;de sorci&egrave;re&nbsp;&raquo; (si on peut oser). Cependant l&rsquo;&eacute;cart d&rsquo;&acirc;ge est plus marqu&eacute; entre L&eacute;autaud (78 ans en 1950) et Mallet (35 ans).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a> Butor, au d&eacute;but de l&rsquo;&eacute;mission 3, parle de ce &laquo; rire si caract&eacute;ristique&nbsp;&raquo; comme d&rsquo;un rire &laquo;&nbsp;qui a d&eacute;rang&eacute; tellement d&rsquo;habitudes et continue &agrave; en d&eacute;ranger tellement&nbsp;&raquo;. Mais on n&rsquo;apprend pas non plus, au fil des cinq &eacute;missions, en quoi ce rire d&eacute;range des habitudes et lesquelles (celles de la civilit&eacute; mondaine peut-&ecirc;tre&nbsp;?). Dans la derni&egrave;re &eacute;mission encore, Butor imagine la question pos&eacute;e par les auditeurs et la pose sans d&eacute;tours &agrave; l&rsquo;artiste&nbsp;: &laquo;&nbsp;Audiberti disait que Bryen ne sait ni lire ni &eacute;crire&nbsp;; on pourrait dire aussi que, de la m&ecirc;me fa&ccedil;on, Bryen ne sait ni rire ni &eacute;crire&nbsp;parce que / son rire comme son &eacute;criture comme sa peinture est / en-dehors du rire habituel, il / d&eacute;place les choses et on pourrait se demander naturellement qu&rsquo;est-ce qui fait rire / Camille Bryen. // <em>(autre prise de son)</em> Est-ce que tu pourrais nous dire quelque chose qui t&rsquo;a fait rire ou quelque chose qui te fait rire maintenant&nbsp;?&nbsp;&raquo; Bryen r&eacute;pond qu&rsquo;on ne le croirait pas s&rsquo;il le disait&nbsp;; Butor, d&eacute;j&agrave; pr&ecirc;t &agrave; rire, est d&eacute;&ccedil;u, mais s&rsquo;incline (&laquo;&nbsp;en effet en effet, c&rsquo;est trop imprudent&nbsp;&raquo;) et encha&icirc;ne sur autre chose. Dans &laquo;&nbsp;L&rsquo;incantation Bryen&nbsp;&raquo;, Butor compare ce rire &laquo;&nbsp;&agrave; un train express prenant un large virage &agrave; la sortie d&rsquo;un tunnel&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;&agrave; un grand jet d&rsquo;eau sur le lac L&eacute;man balay&eacute; par le vent soudain&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a> <em>Opopanax</em> (1927), le premier recueil de po&egrave;mes, n&rsquo;est pas mentionn&eacute;, non plus qu&rsquo;<em>Exp&eacute;riences</em> (1932), qui m&ecirc;le po&egrave;mes, dessins et collages. La premi&egrave;re exposition personnelle de Bryen date de 1934 ; la premi&egrave;re peinture tachiste de 1936. V. pour ces titres et les suivants, le recueil d&rsquo;&eacute;crits de Bryen aux Presses du r&eacute;el cit&eacute; en note&nbsp;1.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a> Olivier Nora, &laquo;&nbsp;La visite au grand &eacute;crivain&nbsp;&raquo;, dans <em>Les Lieux de m&eacute;moire</em>, Pierre Nora (dir.), Paris, Gallimard, II, 3, 1992, p.&nbsp;563-587.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a> Jean-Louis Ezine, <em>Les &eacute;crivains sur la sellette</em>, Paris, &Eacute;ditions du Seuil, 1981. Recueil d&rsquo;entretiens publi&eacute;s dans <em>Les Nouvelles litt&eacute;raires</em> entre 1973 et 1979, dans une s&eacute;rie du m&ecirc;me titre.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a> Propos recueillis par Claude C&eacute;zan, &laquo;&nbsp;Le micro chez les &eacute;crivains&nbsp;&raquo;, <em>Les Nouvelles litt&eacute;raires</em>, 8 f&eacute;vrier 1951, repris dans <em>Les &eacute;crivains &agrave; la radio : les Entretiens de Jean Amrouche</em>, Pierre-Marie H&eacute;ron (dir.), Montpellier, Publications de Montpellier 3, 2000, p.&nbsp;125-129.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a> <em>Id.,</em> p. 139. Propos de Claudel recueillis par Stanislas Fumet pour le magazine radiophonique <em>La Vie des Lettres</em>, Cha&icirc;ne nationale, 23 mars 1954.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a> &laquo;&nbsp;J&rsquo;ai eu des rapports fraternels avec des gens qui devaient &ecirc;tre des non-conformistes terribles&nbsp;pour continuer &agrave; me faire des signes c&ocirc;t&eacute; &eacute;sot&eacute;rique, anti-scolastique.&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a> Georges Perros, <em>Lettres &agrave; Michel Butor (1968-1978)</em>, Rennes, &Eacute;ditions Ubacs, tome 2, 1983, p.&nbsp;109. D&rsquo;apr&egrave;s la notule de pr&eacute;sentation propos&eacute;e dans <em>D&eacute;s&eacute;critures</em>, <em>op. cit</em>., p.&nbsp;731, l&rsquo;id&eacute;e de ces entretiens viendrait d&rsquo;Alain Trutat, alors conseiller de programmes de France Culture, dont Alain Veinstein est encore tr&egrave;s proche.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a> Jacques Audiberti, Camille Bryen, <em>L&rsquo;Ouvre-Bo&icirc;te</em>, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Blanche&nbsp;&raquo;, 1952. R&eacute;&eacute;dition&nbsp;: Paris, Les Presses du r&eacute;el, 2018, ill. hors-texte de Camille Bryen, pr&eacute;face de Michel Giroud.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a> Hors-commerce il est vrai, par la Soci&eacute;t&eacute; Paul Claudel, 7 disques 16 tours.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a> <em>Le Monde</em>, 28 f&eacute;vrier 1972.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a> V. Patrick Kechichian, &laquo;&nbsp;Le point sur les livres-cassettes&nbsp;&raquo;, <em>Le Monde</em>, 11 juillet 1987, p.&nbsp;11.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a> V. Pierre-Marie H&eacute;ron, &laquo;&nbsp;Portrait d&rsquo;une collection : &ldquo;Qui &ecirc;tes-vous&nbsp;?&rdquo; (1985-1990) aux &eacute;ditions de La Manufacture&nbsp;&raquo;, <em>Histoires litt&eacute;raires</em>, vol XX, n&deg;80, octobre-novembre-d&eacute;cembre 2019, p.&nbsp;81-108 et &laquo;&nbsp;La collaboration de l&rsquo;Ina &agrave; la collection &ldquo;Qui &ecirc;tes-vous ?&rdquo; (La Manufacture)&nbsp;&raquo;, &agrave; para&icirc;tre dans les actes du colloque <em>Fabriques de patrimoines litt&eacute;raires. Extensions des collections de monographies illustr&eacute;es de poche</em>, KU Leuven, 17-19 mai 2018, s. dir. Mathilde Labb&eacute;, David Martens &amp; Marcela Scibiorska.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a> Montages d&rsquo;entretiens avec Bachelard, Barthes, Breton, Cendrars, Colette, Duras, Gide, Giono, Jab&egrave;s, Le Cl&eacute;zio, Malraux, Miller, Queneau, Simenon, Jean Vilar, Louise de Vilmorin, Marguerite Yourcenar, etc. Les accords particuliers de co-&eacute;dition font qu&rsquo;on en trouve aussi ailleurs, par exemple dans la collection &laquo;&nbsp;Or&nbsp;&raquo; r&eacute;serv&eacute;e aux co-&eacute;ditions Ad&egrave;s (disparues depuis). En 2013, 12 de ces titres sonores &eacute;dit&eacute;s dans &laquo;&nbsp;<em>Les Grandes Heures</em>&nbsp;&raquo; ont &eacute;t&eacute; r&eacute;unis en transcription dans un ouvrage publi&eacute; aux &Eacute;ditions de La Table ronde, en co-&eacute;dition Radio France et Ina&nbsp; (Louis Aragon, Roland Barthes, Andr&eacute; Breton, Blaise Cendrars, Colette, Henry de Montfreid, Jacqueline de Romilly, Romain Gary, Jean Giono, Joseph Kessel, Georges Simenon, Henry Miller).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a> D&rsquo;ailleurs pr&eacute;sente et intervenante durant la deuxi&egrave;me s&eacute;ance d&rsquo;enregistrement, celle d&rsquo;o&ugrave; provient l&rsquo;&eacute;mission 5.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref32" name="_ftn32">[32]</a> Camille Bryen, pri&egrave;re d&rsquo;ins&eacute;rer de <em>Hep&eacute;rile &eacute;clat&eacute;</em>, Paris, Librairie Lut&eacute;cia, 1953. On trouve une description et une reproduction page &agrave; page de ce livre &eacute;clat&eacute; <a href="http://www.fondationhartungbergman.fr/camillebryen/heperile.htm">ici</a>. Raymond Hains avait invent&eacute; un proc&eacute;d&eacute; optique de d&eacute;formation de l&rsquo;image, l&rsquo;hypnagogoscope.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref33" name="_ftn33">[33]</a> <em>Carte blanche &agrave; Bryen</em>, Paris, Librairie Conna&icirc;tre, 1964. Titres des po&egrave;mes ou textes&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;Heure du Biniou &ndash; Po&egrave;me pour phono&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;T&ecirc;te &agrave; coq&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;D&eacute;fense d&rsquo;interdire&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;D&eacute;s&eacute;criture&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Mangeur de mots&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref34" name="_ftn34">[34]</a> Mireille Calle-Gruber (&eacute;d.), <em>Michel Butor. D&eacute;m&eacute;nagements de la litt&eacute;rature</em>, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2008, DVD inclus.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref35" name="_ftn35">[35]</a> &laquo;&nbsp;Dans les clo&icirc;tres du vent, chanson-compliment bry&eacute;nologique&nbsp;&raquo; a d&rsquo;abord paru dans le catalogue de l&rsquo;exposition consacr&eacute;e &agrave; Bryen en 1973 au Mus&eacute;e national d&rsquo;art moderne, puis dans <em>Bryen en temps conjugu&eacute;s</em> (1975), <em>Troisi&egrave;me dessous</em> (1977), <em>Camille Bryen</em> (1981) et enfin dans <em>Anthologie nomade</em> en 2004. <em>Les Clo&icirc;tres du Vent </em>est le titre d&rsquo;un recueil de po&egrave;mes de Bryen paru en 1945.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref36" name="_ftn36">[36]</a> Premi&egrave;re rediffusion les 29, 30 et 31 janvier et 1er et 2 f&eacute;vrier 1990, dans la s&eacute;rie <em>A voix nue : grands entretiens d&rsquo;hier et d&rsquo;aujourd&rsquo;hui.</em> Les trois suivantes ont lieu dans le cadre des<em> Nuits de France Culture</em>, samedi 7 d&eacute;cembre 1996&nbsp;; jeudi 12 juin 1997 et jeudi 14 ao&ucirc;t 1997, selon un m&ecirc;me format unitaire de deux heures. Du 31 juillet au 4 ao&ucirc;t 2000, derni&egrave;re rediffusion attest&eacute;e, au format feuilleton, pr&eacute;c&eacute;d&eacute;e d&rsquo;une pr&eacute;sentation de Butor.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="Auteur">Auteur</span></h3> <p style="text-align: justify;"><strong>Pierre-Marie H&eacute;ron</strong>, ancien membre de l&rsquo;Institut universitaire de France, est professeur de litt&eacute;rature fran&ccedil;aise &agrave; l&rsquo;universit&eacute; Paul-Val&eacute;ry Montpellier 3. Il y m&egrave;ne depuis de nombreuses ann&eacute;es des recherches sur les &eacute;crivains et la radio en France (XXe et XXIe si&egrave;cles), au sein du <a href="https://rirra21.www.univ-montp3.fr/">Rirra21</a>. Derniers titres parus : <em>Aventures radiophoniques du Nouveau Roman</em> (PUR, 2017)&nbsp;; <em>Po&eacute;sie sur les ondes</em> (PUR, 2018)&nbsp;; <em>L&rsquo;entretien d&rsquo;&eacute;crivain &agrave; la radio (France, 1960-1985)</em> (<a href="https://komodo21.numerev.com/"><em>Komodo 21</em></a>, 2018)&nbsp;; <em>Atelier de cr&eacute;ation radiophonique (1969-2001)&nbsp;: la part des &eacute;crivains</em> (<a href="https://komodo21.numerev.com/"><em>Komodo 21</em></a>,&nbsp;2019)&nbsp;; <em>Nuits magn&eacute;tiques (1978-1999): la part des &eacute;crivains</em>&nbsp; (<a href="https://komodo21.numerev.com/"><em>Komodo 21</em></a>,&nbsp;2021).</p> <h3><strong>Copyright</strong></h3> <p>Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p> </div>