<div class="entry-content"> <h3>Abstract</h3> <p>In <em>Une semaine d&rsquo;escales ou les sept oreilles des virages de la nuit</em>, a set of seven episodes, both poetical and musical, imagined for France Musique (1977, november 5-11), Michel Butor realizes a very large melting-pot of some of his favourite musics. A few years later, he will transform these radio programs in a text incorporated into <em>Repertoire V</em> (1982).</p> <h2>Keywords<br /> &nbsp;</h2> <p class="meta-tags">Michel Butor, Ren&eacute; Koering, <em>Une semaine d&rsquo;escales ou les sept oreilles des virages de la nuit</em>, France Musique, R&eacute;pertoire V</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">Les int&eacute;r&ecirc;ts musicaux de Michel Butor &eacute;taient extr&ecirc;mement vari&eacute;s, intimement li&eacute;s &agrave; ses modes d&rsquo;&eacute;criture. C&rsquo;est ce je souhaiterais vous faire partager en &eacute;voquant la s&eacute;rie d&rsquo;&eacute;missions &laquo;&nbsp;Une semaine d&rsquo;escales, ou les sept oreilles des virages de la nuit&nbsp;&raquo; con&ccedil;ue pour France Musique en 1977&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>, ou plus exactement le texte que Butor en a tir&eacute; dans le cinqui&egrave;me volume de <em>R&eacute;pertoire&nbsp;</em><a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>. Michel Butor y concilie ses qualit&eacute;s analytiques et ses singuli&egrave;res facult&eacute;s cr&eacute;atrices. La contrainte &eacute;tait particuli&egrave;rement lourde&nbsp;: un ensemble d&rsquo;&eacute;missions sur une semaine enti&egrave;re repr&eacute;sentant une dur&eacute;e globale d&rsquo;environ 18 heures. Michel Butor tient &agrave; jouer le jeu du m&eacute;dium radiophonique. Il &eacute;tait aid&eacute; par Ren&eacute; Koering qui devient en quelque sorte un ma&icirc;tre des c&eacute;r&eacute;monies. Certes, il ne s&rsquo;agit pas d&rsquo;une cr&eacute;ation radiophonique au m&ecirc;me titre que <em>R&eacute;seau a&eacute;rien</em>, mais les options qu&rsquo;il avance n&rsquo;en sont pas moins surprenantes et originales. En effet, j&rsquo;ai &eacute;t&eacute; frapp&eacute; &agrave; de nombreuses reprises par la mani&egrave;re dont il parvenait &agrave; r&eacute;pondre avec la plus grande pertinence aux propositions qui lui &eacute;taient adress&eacute;es. Il s&rsquo;agissait ici d&rsquo;&eacute;laborer tout un cheminement permettant de t&eacute;moigner de ses affinit&eacute;s et de ses aspirations dans le domaine de la musique et, plus globalement, du son, et d&rsquo;&eacute;voquer en parall&egrave;le ses collaborations avec des compositeurs. &Agrave; la diff&eacute;rence des &eacute;missions au cours desquelles un &eacute;crivain relate ses go&ucirc;ts en la mati&egrave;re, Michel Butor construit une structure dynamique qui rejoint conjointement certaines de ses pr&eacute;occupations litt&eacute;raires. Ses interventions apparaissent tout &agrave; fait spontan&eacute;es, car la radio, c&rsquo;est avant tout la pr&eacute;sence de la parole vivante, le poids de l&rsquo;oralit&eacute;. Les seuls textes lus sont li&eacute;s &agrave; des citations d&rsquo;auteurs ou &agrave; des extraits de ses &oelig;uvres en collaboration avec des compositeurs.</p> <p style="text-align: justify;">Ce qui est vraiment tr&egrave;s int&eacute;ressant, c&rsquo;est l&rsquo;intervalle (titre d&rsquo;ailleurs d&rsquo;un de ses livres) entre les &eacute;missions proprement dites et la version transcrite qu&rsquo;il en propose dans le cinqui&egrave;me volume de <em>R&eacute;pertoire</em>. On y retrouve quelque chose du principe qu&rsquo;il applique dans les diff&eacute;rents volumes des <em>Illustrations</em>. Dans les <em>Illustrations</em>, il s&rsquo;agissait pour lui de remodeler les textes po&eacute;tiques initialement destin&eacute;s &agrave; des livres d&rsquo;artistes g&eacute;n&eacute;ralement r&eacute;alis&eacute;s en collaboration avec des plasticiens, dont les tirages &eacute;taient la plupart du temps tr&egrave;s limit&eacute;s. Ainsi donnait-il &agrave; ses textes une nouvelle vie, dans la mesure o&ugrave; ils s&rsquo;adressaient &agrave; un nombre moins restreint de lecteurs. Pour la &laquo;&nbsp;Semaine d&rsquo;escales&nbsp;&raquo;, le probl&egrave;me &eacute;tait quelque peu diff&eacute;rent, mais n&eacute;anmoins pas totalement &eacute;tranger. Les &eacute;missions radiophoniques sont fugitives, &eacute;ph&eacute;m&egrave;res, m&ecirc;me si l&rsquo;on peut esp&eacute;rer d&rsquo;hypoth&eacute;tiques rediffusions. Comment les traduire selon un autre mode d&rsquo;expression, en l&rsquo;occurrence en les inscrivant dans un livre, tel &eacute;tait l&rsquo;enjeu qu&rsquo;a certainement d&ucirc; affronter Butor. En discutant de ses livres en collaboration avec des plasticiens, je me souviens qu&rsquo;il m&rsquo;avait dit que, dans un premier temps, il cherchait &agrave; r&eacute;aliser un texte qui soit indissociable du projet con&ccedil;u commun&eacute;ment. Cela ne pouvait que cr&eacute;er une tension d&rsquo;autant plus forte au moment o&ugrave; il d&eacute;cidait de retravailler le texte en l&rsquo;extrayant de son contexte d&rsquo;origine. Et c&rsquo;est aussi ce qui s&rsquo;est pass&eacute; avec la version &eacute;crite de la &laquo;&nbsp;Semaine d&rsquo;escales&nbsp;&raquo;, par rapport &agrave; la version orale qui la pr&eacute;c&eacute;dait.</p> <p style="text-align: justify;">D&egrave;s l&rsquo;introduction de la version &eacute;crite (d&eacute;di&eacute;e &agrave; Ren&eacute;&nbsp;Koering), librement retranscrite et am&eacute;nag&eacute;e, Butor fait entrer le lecteur dans la complicit&eacute; du jeu de pistes qu&rsquo;il a imagin&eacute;, de l&rsquo;&eacute;mission en train de se faire. Il lui fait part de ses questionnements et d&eacute;viations par rapport aux options de d&eacute;part, de ce que les choix op&eacute;r&eacute;s peuvent comporter de n&eacute;cessairement limitatif afin que le projet demeure ouvert, ne se restreigne pas aux seules &oelig;uvres s&eacute;lectionn&eacute;es. Un point demeure n&eacute;anmoins tout &agrave; fait myst&eacute;rieux pour moi, lorsqu&rsquo;il &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ce qui m&rsquo;&eacute;tonne particuli&egrave;rement, c&rsquo;est l&rsquo;absence de Schubert, un des musiciens que j&rsquo;&eacute;coute depuis mon enfance, et puis aussi de la musique fran&ccedil;aise du tournant du si&egrave;cle qui, surtout depuis quelque temps, me fait revenir en m&eacute;moire toute l&rsquo;avant-guerre&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>.&nbsp;&raquo; Or, s&rsquo;il est vrai que ni Debussy, ni Ravel, ni Satie ne sont inclus dans sa programmation, il n&rsquo;en va pas de m&ecirc;me pour Schubert, pr&eacute;sent dans la derni&egrave;re &eacute;mission, avec une <em>Ouverture en ut mineur</em> (mais peut-&ecirc;tre &eacute;tait-ce un choix de Ren&eacute; Koering, de m&ecirc;me qu&rsquo;une des <em>Sonates et interludes</em> de Cage, qui n&rsquo;est pas mentionn&eacute;e non plus dans son texte, ainsi qu&rsquo;une <em>Chaconne</em> de Bach transcrite par Busoni).</p> <p style="text-align: center;">*</p> <p style="text-align: justify;">Pour que les &eacute;pisodes ne consistent pas en une simple et plate succession d&rsquo;&oelig;uvres, aussi riches soient-elles, il propose une architecture, un jeu de construction capable d&rsquo;en regrouper certaines, afin de les &laquo;&nbsp;mettre en sc&egrave;ne&nbsp;&raquo; (ou plut&ocirc;t, dans ce cas, &laquo;&nbsp;en ondes&nbsp;&raquo;). &Agrave; cet effet, il reprend des titres de ses livres&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">‒ <em>L&rsquo;Emploi du temps&nbsp;</em>: pour les musiques anciennes &agrave; modernes qu&rsquo;il pr&eacute;f&eacute;rera ult&eacute;rieurement appeler <em>R&eacute;pertoire&nbsp;</em><a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a><em>&nbsp;</em>;</p> <p style="text-align: justify;">‒ <em>Illustrations</em> (au d&eacute;part, <em>Musique imaginaire</em>) pour des citations de grands &eacute;crivains&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;">‒ <em>Mati&egrave;re de r&ecirc;ves</em>, pour les musiques r&eacute;centes&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;">‒<em> Portrait de l&rsquo;artiste en jeune singe</em>, pour ses collaborations ou des &oelig;uvres musicales reprenant des po&egrave;mes de lui&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;">‒<em> Le G&eacute;nie du lieu</em>, musiques d&rsquo;ailleurs ainsi que certains environnements naturels ou urbains&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;">‒ <em>Histoire extraordinaire</em> que, dans son texte &eacute;crit, il dit avoir d&eacute;tach&eacute; de la pr&eacute;c&eacute;dente rubrique afin de faire entrer une de ses musiques de pr&eacute;dilection, le jazz. Il associe d&rsquo;ailleurs volontiers le jazz, &agrave; plusieurs reprises au cours des &eacute;missions, &agrave; un processus de lib&eacute;ration&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;">‒<em> Passage du sable </em>(sous-titre qui rappelle <em>Passage de Milan&nbsp;</em><a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>)<em>&nbsp;:</em> musiques anciennes, red&eacute;couvertes pour beaucoup au cours du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">Cela donne en tout sept rubriques, plus une qui nous projette vers des &eacute;coutes et/ou lectures en devenir&nbsp;: <em>Envois</em>. G&eacute;n&eacute;ralement plac&eacute;s &agrave; la fin de chaque &eacute;pisode, les<em> Envois </em>sont en effet des incitations &agrave; prolonger ce qui a &eacute;t&eacute; propos&eacute;, une fois l&rsquo;&eacute;mission termin&eacute;e. Dans la version radiophonique, chaque &eacute;mission, du samedi au vendredi suivant, propose les sept rubriques. Dans la version &eacute;crite en revanche, Butor rassemble dans une m&ecirc;me entr&eacute;e journali&egrave;re (samedi, dimanche, etc.) les contenus propos&eacute;s dans une rubrique tout au long de la semaine.</p> <p style="text-align: justify;">On retrouve dans une telle organisation l&rsquo;attrait de Butor pour la combinatoire et pour les nombres. Il dit d&rsquo;ailleurs dans une des &eacute;missions que c&rsquo;est la musique qui lui a enseign&eacute; cela, notamment &agrave; travers les personnalit&eacute;s de Schoenberg et de Webern, sans oublier ses amis du Domaine Musical cr&eacute;&eacute; par Pierre Boulez. Mais plus que le nombre douze, c&rsquo;est le sept qui occupe tr&egrave;s pr&eacute;cis&eacute;ment un r&ocirc;le pivot (les sept jours de la semaine, qui constituent le cadre global des &eacute;missions et, pour entrer plus en d&eacute;tail dans le contenu de chacune, les sept plan&egrave;tes, les sept merveilles du monde ancien, les sept m&eacute;taux de l&rsquo;ancienne chimie, les sept couleurs de l&rsquo;arc-en-ciel, les sept arts lib&eacute;raux, les six directions de l&rsquo;espace + le centre, les sept &eacute;l&eacute;ments compl&eacute;t&eacute;s par Max Ernst pour sa <em>Semaine de bont&eacute;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9"><strong>[9]</strong></a></em>). Tenant compte du fait que les &eacute;missions &eacute;taient pr&eacute;vues pour &ecirc;tre diffus&eacute;es la nuit, Michel Butor met fr&eacute;quemment l&rsquo;accent sur des musiques nocturnes. Un autre th&egrave;me pr&eacute;pond&eacute;rant est celui du voyage, ce qui n&rsquo;est pas &eacute;tonnant quand on conna&icirc;t sa vie et sa soif de d&eacute;couvertes. &Agrave; chaque jour de la semaine &eacute;tait attribu&eacute; ce qu&rsquo;il appelle une &laquo;&nbsp;enseigne &eacute;vocatrice&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: center;">*</p> <p style="text-align: justify;">On observe un effet de rotation dans les sous-titres reli&eacute;s &agrave; chacune des sept cat&eacute;gories. Ils interviennent peu apr&egrave;s le d&eacute;but de chaque &eacute;pisode du texte &eacute;crit&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;"><strong>I Samedi, ou les souvenirs d&rsquo;un astronome (les 7 plan&egrave;tes)</strong></p> <p style="text-align: justify;">Nomenclature de <em>R&eacute;pertoire</em>&nbsp;:<br /> Les souvenirs d&rsquo;un astronome<br /> Les &eacute;chos des tr&eacute;sors<br /> Les Temples d&rsquo;autrefois<br /> L&rsquo;armorial des &egrave;res<br /> Le mus&eacute;e des humeurs<br /> Le Royaume des entrailles<br /> Le Retour de V&eacute;nus</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">On constate que le sous-titre appara&icirc;t en premier dans la liste.</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;"><strong>II Dimanche, ou l&rsquo;appel du matin&nbsp;(les 7 m&eacute;taux)</strong></p> <p style="text-align: justify;">Nomenclature des <em>Illustrations</em>&nbsp;:<br /> <em>Gambara</em> de Balzac (l&rsquo;Op&eacute;ra de Mahomet)<br /> L&rsquo;appel du matin dans <em>&Agrave; la recherche du temps perdu</em> de Proust<br /> L&rsquo;&Eacute;coute du survivant dans <em>Le Roi-lune</em> d&rsquo;Apollinaire,<br /> Le pr&eacute;lude &agrave; l&rsquo;ex&eacute;cution dans <em>Michel Strogoff</em> de Jules Verne,<br /> L&rsquo;&eacute;pisode des &laquo;&nbsp;Tarots-musiciens&nbsp;&raquo; dans <em>Locus solus</em> de Raymond Roussel<br /> L&rsquo;Orgue des statues dans <em>Erewhon </em>de Samuel Butler<br /> <em>Les Noces d&rsquo;Aladin</em> dans les <em>Mille et Une Nuits</em>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">On constate que le sous-titre appara&icirc;t en deuxi&egrave;me dans la liste.</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;"><strong>III Lundi, ou la libert&eacute; des rives (les 7 couleurs de l&rsquo;arc-en-ciel)</strong></p> <p style="text-align: justify;">Nomenclature de <em>Mati&egrave;re de r&ecirc;ves</em>&nbsp;:<br /> Saturne proph&egrave;te<br /> Le Voyage vers l&rsquo;ouest<br /> La Libert&eacute; des rives<br /> L&rsquo;Exploration du feu<br /> L&rsquo;&Eacute;cole des m&eacute;t&eacute;ores<br /> Le Carnaval des Oracles<br /> Les Sens futurs</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Le sous-titre appara&icirc;t en troisi&egrave;me.</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;"><strong>IV Mardi ou l&rsquo;alambic de la foudre (les 7 arts lib&eacute;raux)</strong></p> <p style="text-align: justify;">Nomenclature du <em>Portrait de l&rsquo;artiste en jeune singe</em>&nbsp;:<br /> L&rsquo;Atelier des Secrets<br /> La Grammaire des anges<br /> La distillerie des soupirs<br /> L&rsquo;Alambic de la foudre<br /> La P&eacute;pini&egrave;re des phares<br /> Le Th&eacute;&acirc;tre des op&eacute;rations<br /> La Serre des amours</p> </blockquote> <blockquote> <p style="text-align: justify;"><strong>V Mercredi, ou l&rsquo;univers du sang (les 7 merveilles)</strong></p> <p style="text-align: justify;">Nomenclature du <em>G&eacute;nie du lieu</em>&nbsp;:<br /> L&rsquo;Observatoire des pistes<br /> L&rsquo;&Eacute;cran des rencontres<br /> Le Paysage indigo<br /> Le Carrefour des rouilles<br /> L&rsquo;Univers du sang<br /> L&rsquo;Atlas des orages<br /> Le Parcours des aubaines</p> </blockquote> <blockquote> <p style="text-align: justify;"><strong>VI Le jeudi ou L&rsquo;&oelig;il du cyclone (les 6 directions + le centre)</strong></p> <p style="text-align: justify;">Nomenclature d&rsquo;<em>Histoire extraordinaire</em>&nbsp;:<br /> L&rsquo;Ab&icirc;me tremblant<br /> L&rsquo;Apparition de l&rsquo;or<br /> Le miroir de l&rsquo;encre<br /> Mars en suspens<br /> L&rsquo;Adolescence du sommeil<br /> L&rsquo;&oelig;il du cyclone<br /> La Fente en larmes</p> </blockquote> <blockquote> <p style="text-align: justify;"><strong>VII Le vendredi, ou la R&eacute;gion des aveux (la <em>Semaine de bont&eacute;</em>)</strong></p> <p style="text-align: justify;">Nomenclature de <em>Passage de sable</em>&nbsp;:<br /> Le Prince des t&eacute;n&egrave;bres<br /> Le Veilleur solitaire<br /> Les Veines du vent<br /> La Revanche des aveugles<br /> L&rsquo;Envers de l&rsquo;&eacute;tendue<br /> La Douceur des Enfers<br /> La R&eacute;gion des aveux</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">&Agrave; partir de la combinatoire mise en place, on assiste d&egrave;s lors &agrave; la juxtaposition et au brassage, voire &agrave; une interp&eacute;n&eacute;tration de ph&eacute;nom&egrave;nes &eacute;loign&eacute;s g&eacute;ographiquement et culturellement.&nbsp;Butor fait ainsi ressortir certains de leurs aspects, un de ses propos &eacute;tant de marier diff&eacute;rentes r&eacute;gions en un vaste tour du monde.</p> <p style="text-align: justify;">Tout au long de ces &eacute;missions, Butor met l&rsquo;accent sur le plaisir de l&rsquo;&eacute;coute, une forme d&rsquo;h&eacute;donisme musical, plus que sur des aspects analytiques ou musicologiques, qu&rsquo;il aurait &eacute;t&eacute; beaucoup plus difficile de faire passer &agrave; la radio. N&rsquo;oublions pas qu&rsquo;il a toujours &eacute;t&eacute; quelqu&rsquo;un de r&eacute;aliste (un de ses articles a d&rsquo;ailleurs pour titre &laquo;&nbsp;La musique, art r&eacute;aliste&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>&nbsp;&raquo;), de concret. Il sait parfaitement &eacute;valuer les conditions propres aux moyens d&rsquo;expression qui lui sont propos&eacute;s. L&rsquo;analyse la plus pointue, il la r&eacute;serve pour des ouvrages comme son <em>Dialogue avec 33 variations de Ludwig van Beethoven</em> <em>sur une valse de Diabelli&nbsp;</em><a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>. S&rsquo;il ne s&rsquo;adonne pas &agrave; une d&eacute;marche de musicologue, ses propos sont pourtant ceux de quelqu&rsquo;un qui cherche &agrave; &laquo;&nbsp;interpr&eacute;ter&nbsp;&raquo; par le biais de son &eacute;criture les &oelig;uvres invoqu&eacute;es. La musique devient un pr&eacute;cieux outil de r&eacute;flexion pour cerner non seulement l&rsquo;histoire des arts, mais &eacute;galement celle de la soci&eacute;t&eacute;, avec les incidences politiques que cela suppose.</p> <p style="text-align: center;">*</p> <p style="text-align: justify;">Revenons sur le contenu de chacune de ces sept rubriques organis&eacute;es en journ&eacute;es (il vaudrait mieux dire en nuits)&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">‒ <em>L&rsquo;emploi du temps</em> (ou <em>R&eacute;pertoire</em>)&nbsp;: <em>Sonate pour deux pianos </em>de Mozart, <em>Deuxi&egrave;me Cantate</em> de Webern, <em>Deuxi&egrave;me</em> <em>Quatuor</em> de Schoenberg, une ouverture de Schubert.</p> <p style="text-align: justify;">‒ <em>Illustrations</em>&nbsp;: <em>Gambara</em> de Balzac ainsi que des passages des &oelig;uvres suivantes&nbsp;: le<em> Roi-lune</em> d&rsquo;Apollinaire, <em>&Agrave; la recherche du temps perdu</em> de Proust, <em>Michel Strogoff</em> de Jules Verne, <em>Impressions d&rsquo;Afrique</em> et <em>Locus solus</em> de Raymond Roussel, le <em>voyage en orient</em> de G&eacute;rard de Nerval, <em>Erewhon </em>de Samuel Butler, les <em>Mille et Une Nuits</em>.</p> <p style="text-align: justify;">‒ <em>Mati&egrave;re de r&ecirc;ves&nbsp;:</em> <em>Korwar</em> de Fran&ccedil;ois-Bernard M&acirc;che, <em>Variations</em> sur le th&egrave;me <em>El pueblo unido nadie sera vencido</em> de Fr&eacute;d&eacute;ric Rzewski, <em>Pli selon pli</em> de Pierre Boulez, <em>Canticum sacrum</em> de Stravinsky, <em>Hymnopsis</em> de G&eacute;rard Masson, <em>Zeitmasse</em> de Karlheinz Stockhausen.</p> <p style="text-align: justify;">‒<em> Portrait de l&rsquo;artiste en jeune singe</em>&nbsp;: Henri Pousseur (<em>Li&egrave;ge &agrave; Paris</em>, <em>Le portrait du&nbsp;jeune Chien</em>, <em>Votre Faust</em>), Janine Charbonnier (<em>Conditionnement</em> &agrave; partir d&rsquo;extraits d&rsquo;<em>Illustrations IV</em>), Jacques Guyonnet (<em>Zornagor</em>), Ren&eacute; Koering (<em>Centre d&rsquo;&eacute;coute</em>, <em>Manhattan Invention</em>) et moi-m&ecirc;me (musique pour carillon du film <em>Proust et les sens</em>, <em>Don Juan dans l&rsquo;orchestre</em>)</p> <p style="text-align: justify;">‒<em> Le g&eacute;nie du lieu</em>&nbsp;: un gamelan balinais, les aborig&egrave;nes d&rsquo;Australie, le n&ocirc; et la musique traditionnelle du Japon, les Indiens Hopi du Nouveau Mexique, le chant du muezzin, les moines tib&eacute;tains du Sikkim, les oiseaux d&rsquo;Australie, le son des carillons, les hurlements des loups.</p> <p style="text-align: justify;">‒ <em>Histoire extraordinaire</em>&nbsp;: Charlie Parker, Duke Ellington, Count Basie, Louis Armstrong, Thelonious Monk, Miles Davis.</p> <p style="text-align: justify;">‒<em> Passage du sable</em>&nbsp;: <em>In Guilty Night</em> de Purcell<em>, Le ballet des Nations</em> de Lully, <em>Les go&ucirc;ts r&eacute;unis</em> et <em>L&rsquo;Apoth&eacute;ose de Lully</em> de Fran&ccedil;ois Couperin, <em>la Cantate 140</em> de Bach, <em>Wachet auf&nbsp;!</em> que Butor projetait d&rsquo;analyser, ainsi que la <em>Deuxi&egrave;me Cantate</em> de Webern dans un ouvrage qui aurait eu pour titre <em>Minuit</em>, <em>In hora ultima</em> de Roland de Lassus, <em>Sonata sopra santa Maria ora pro nobis</em> de Monteverdi, <em>les Indes galantes </em>de Rameau, les <em>Variations Diabelli</em> de Beethoven.</p> <p style="text-align: justify;">‒ <em>Envoi</em>s&nbsp;: un compte rendu des tables tournantes de Jersey r&eacute;dig&eacute; par Charles Hugo, un des fils de Victor, <em>Spirite</em> de Th&eacute;ophile Gautier, <em>Le neveu de Rameau</em> de Diderot, <em>La mare au diable</em> de George Sand, un extrait du <em>Docteur Faustus</em> de Thomas Mann.</p> <p style="text-align: justify;">Cette &eacute;num&eacute;ration peut para&icirc;tre fastidieuse, mais elle &eacute;tait n&eacute;cessaire pour faire comprendre les combinaisons que Butor a &eacute;t&eacute; amen&eacute; &agrave; r&eacute;aliser dans la version &eacute;crite. Elle serait d&rsquo;ailleurs &agrave; confronter aux contenus de la s&eacute;rie radiophonique&nbsp;: l&agrave; aussi, on peut s&rsquo;attendre &agrave; des remaniements ou changements.</p> <p style="text-align: center;">*</p> <p style="text-align: justify;">Dans la version &eacute;dit&eacute;e, Butor proc&egrave;de &agrave; des couplages de rubriques, provoquant ainsi un entrecroisement des r&eacute;f&eacute;rences.</p> <p style="text-align: justify;"><strong>Samedi</strong>&nbsp;: entre deux extraits de <em>Gambara</em>, il place des allusions coupl&eacute;es &agrave; <em>Korwar</em> et &agrave; <em>Li&egrave;ge &agrave; Paris</em>, &oelig;uvres correspondant &agrave; deux rubriques distinctes. Le proc&eacute;d&eacute; se reproduit pour un nouveau couple de r&eacute;f&eacute;rences &agrave; Duke Ellington et &agrave; Purcell par rapport &agrave; Charles Hugo.</p> <p style="text-align: justify;"><strong>Dimanche</strong>&nbsp;: entre deux extraits de citations de Proust sur la sonate de Vinteuil, il glisse des allusions &agrave; la pi&egrave;ce de F. Rzewski et au <em>Proc&egrave;s du jeune Chien</em> de Pousseur, puis &agrave; Count Basie et &agrave; Lully, par rapport &agrave; <em>Spirite</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><strong>Lundi</strong>&nbsp;: L&rsquo;&eacute;coute du survivant d&rsquo;Apollinaire est coup&eacute;e par une double allusion &agrave; <em>Metastasis</em> de Xenakis et &agrave; <em>Votre Faust</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><strong>Mardi</strong>&nbsp;: l&rsquo;extrait de <em>Michel Strogoff</em> est travers&eacute; par <em>Pli selon pli</em> et <em>Centre d&rsquo;&eacute;coute</em>&nbsp;; une double citation de <em>La mare au diable</em> de George Sand avec un insert d&rsquo;allusions &agrave; Miles Davis et &agrave; Roland de Lassus intervient selon le m&ecirc;me principe. Entre deux citations de l&rsquo;<em>&Egrave;ve future</em> de Villiers de l&rsquo;Isle-Adam viennent s&rsquo;inscrire des r&eacute;f&eacute;rences &agrave; des musiques qui, selon Butor, auraient pu intervenir dans l&rsquo;&eacute;mission, &agrave; savoir un morceau de Lester Young (pour la rubrique <em>Histoire extraordinaire</em>) et le hoquet <em>David</em> de Guillaume de Machaut pour <em>Passage de sable</em>).</p> <p style="text-align: justify;"><strong>Mercredi</strong>&nbsp;: un extrait des tarots-musiciens de Roussel est sectionn&eacute; par <em>Hypnopsis</em> de G.&nbsp;Masson et <em>Conditionnement</em> de J.&nbsp;Charbonnier.&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;"><strong>Jeudi&nbsp;</strong>: la citation de Samuel Butler est coup&eacute;e par les r&eacute;f&eacute;rences &agrave; des &oelig;uvres de Stockhausen et de Guyonnet, puis un extrait du <em>Docteur Faustus</em> de Thomas Mann, dans lequel il est question du musicien Adrian Leverkuhn, est entrecoup&eacute; par une double r&eacute;f&eacute;rence &agrave; Monk et &agrave; Monteverdi.</p> <p style="text-align: justify;"><strong>Vendredi</strong>&nbsp;: une citation en deux parties des <em>Noces d&rsquo;Aladin </em>laisse appara&icirc;tre une allusion &agrave; la <em>Winter Music</em> de Cage et &agrave; mes <em>Triptyques pour Don Juan </em>(<em>Don Juan dans l&rsquo;orchestre</em>).</p> <p style="text-align: justify;">Le dernier <em>envoi </em>consiste en un extrait de <em>Peter Ibbetson</em> de Daphn&eacute; Du Maurier, lui aussi en deux parties, s&eacute;par&eacute;es par des allusions, une fois de plus coupl&eacute;es, &agrave; Charlie Parker et aux <em>Indes galantes</em> de Rameau. Cela donne une id&eacute;e de la complexit&eacute; d&rsquo;une telle architecture.</p> <p style="text-align: justify;">Ce type de proc&eacute;dure, clairement identifiable dans le texte &eacute;crit, est moins apparent dans la version radiophonique. Formellement, celle-ci est certainement moins sophistiqu&eacute;e. Elle joue avant tout sur la pr&eacute;sence des musiques et des voix (celles de Butor, Pousseur, Koering, Jacqueline&nbsp;Charbonnier, Jacques&nbsp;Guyonnet, Claude Lenoble). Mais on retrouve &eacute;pisodiquement et tr&egrave;s partiellement &eacute;nonc&eacute;s les intitul&eacute;s des rubriques qu&rsquo;il a imagin&eacute;es. Le texte publi&eacute; joue pour sa part sur la confrontation entre des blocs qui se diff&eacute;rencient par la mise en page, la grosseur des polices de caract&egrave;re et l&rsquo;espace des interlignes (plus &eacute;troits pour les citations).</p> <p style="text-align: justify;">Certaines &eacute;missions &eacute;tant plus courtes, par exemple celle du mardi 8 novembre (1h58), Butor a compl&eacute;t&eacute; les rubriques manquantes dans la version &eacute;crite. Dans cette &eacute;mission aurait apparemment d&ucirc; figurer aussi <em>Metastasis</em> de Xenakis, le <em>Po&egrave;me &eacute;lectronique</em> de Var&egrave;se, avec de nombreuses r&eacute;f&eacute;rences au r&ocirc;le de l&rsquo;espace pour la perception auditive. Il avait largement comment&eacute; cet aspect &agrave; propos de la <em>Sonate pour deux pianos</em> K. 448 de Mozart. Le texte correspondant &agrave; cette &eacute;mission s&rsquo;ach&egrave;ve par deux citations de l&rsquo;<em>&Egrave;ve future</em> de Villiers de l&rsquo;Isle-Adam. Notons que les verbes de plusieurs phrases sont au conditionnel, soulignant ainsi que d&rsquo;autres choix et cheminements auraient &eacute;t&eacute; envisageables, ce qui confirme l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;une &oelig;uvre en expansion, qui s&rsquo;ouvre sur des perspectives &agrave; inventer.</p> <p style="text-align: justify;">Le texte &eacute;crit se fait malgr&eacute; tout l&rsquo;&eacute;cho des propos initiaux qu&rsquo;il a tenus dans les &eacute;missions successives&nbsp;(&laquo;&nbsp;Je disais &agrave; peu pr&egrave;s&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Je continuais &agrave; peu pr&egrave;s&nbsp;&raquo;)<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>.</p> <p style="text-align: center;">*</p> <p style="text-align: justify;">Parmi les th&eacute;matiques qu&rsquo;il d&eacute;veloppe, Michel Butor en profite pour faire le point sur une m&eacute;thode d&rsquo;&eacute;criture qui a beaucoup compt&eacute; pour lui et qui a &eacute;galement &eacute;t&eacute; d&eacute;terminante dans la musique du XX<sup>e </sup>si&egrave;cle&nbsp;: le s&eacute;rialisme. Il le fait justement en mentionnant deux compositeurs, Pousseur et Stravinsky. Un de leurs points communs est, selon lui, d&rsquo;avoir v&eacute;cu trois p&eacute;riodes cr&eacute;atrices successives. Il &eacute;voque &eacute;galement la transgression d&eacute;sormais n&eacute;cessaire du principe devenu tabou de non r&eacute;p&eacute;tition qui a si longtemps pes&eacute; sur la pens&eacute;e musicale contemporaine, notamment au cours des ann&eacute;es 1950. Or la r&eacute;p&eacute;tition favorise l&rsquo;action de la m&eacute;moire, donn&eacute;e fondamentale pour ce qui touche au plaisir de l&rsquo;&eacute;coute.</p> <p style="text-align: justify;">Au cours d&rsquo;un entretien en 1973, Michel Butor me confiait&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Le s&eacute;rialisme d&rsquo;hier &eacute;tait un s&eacute;rialisme ferm&eacute; dans lequel on s&rsquo;imaginait pouvoir explorer toutes les possibilit&eacute;s des &eacute;l&eacute;ments&nbsp;; aujourd&rsquo;hui, sont recherch&eacute;es des structures qui soient toujours en expansion, des &eacute;l&eacute;ments dont on puisse sans cesse &eacute;clairer de nouveaux aspects&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Ce constat permet imm&eacute;diatement d&rsquo;envisager tout &agrave; la fois les limites et les chances du s&eacute;rialisme, en en esquissant par l&agrave; m&ecirc;me un devenir, par-del&agrave; le contexte historiquement d&eacute;fini dans lequel il est trop fr&eacute;quemment cantonn&eacute;.</p> <p style="text-align: justify;">Cette conception du s&eacute;rialisme n&rsquo;est pas amn&eacute;sique, comme cela a &eacute;t&eacute; maintes fois reproch&eacute; aux premi&egrave;res &oelig;uvres musicales qui en ont avanc&eacute; une application par trop litt&eacute;rale. Bien au contraire, le s&eacute;rialisme met pleinement en jeu le travail de la m&eacute;moire, ce qu&rsquo;a fort bien compris Michel&nbsp;Butor lors de notre entretien&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Qui dit s&eacute;rialisme dit m&eacute;moire, parce qu&rsquo;il faut bien qu&rsquo;il y ait m&eacute;moire pour isoler les &eacute;l&eacute;ments du vocabulaire ; c&rsquo;est parce qu&rsquo;il y a d&eacute;j&agrave; eu variation que ce qui est vari&eacute; appara&icirc;t, que l&rsquo;on prend conscience de ce qui est en train de varier. Il ne peut y avoir de s&eacute;rialisme que s&rsquo;il y a m&eacute;moire, mais il peut exister un s&eacute;rialisme &eacute;l&eacute;mentaire, pu&eacute;ril, qui est celui de l&rsquo;amn&eacute;sie ; au contraire, le s&eacute;rialisme qui nous concerne aujourd&rsquo;hui est celui qui accomplit la m&eacute;moire.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Il faut insister sur le fait que, dans son parcours, Michel Butor vise un univers musical (et, plus globalement, sonore) au pluriel, aussi bien historiquement que g&eacute;ographiquement.</p> <p style="text-align: justify;">Son choix d&rsquo;&oelig;uvres comme <em>Les go&ucirc;ts r&eacute;unis</em> de Fran&ccedil;ois Couperin, contrepoint stylistique des styles fran&ccedil;ais et italien, apoth&eacute;oses de Lully et de Corelli, ou le <em>Ballet des nations</em> de Lully, souligne son intention de mettre en valeur des &oelig;uvres qui s&rsquo;efforcent de concilier des esth&eacute;tiques en apparence divergentes. Par ailleurs, il remet en question toute discrimination entre les sons consid&eacute;r&eacute;s comme musicaux et ceux qui rel&egrave;vent de notre environnement (chants d&rsquo;oiseaux, sons de la nature ou de la ville). Il faut aussi ajouter ses hommages &agrave; des musiciens opprim&eacute;s par la civilisation occidentale, en particulier les Indiens d&rsquo;Am&eacute;rique et les Aborig&egrave;nes d&rsquo;Australie.</p> <p style="text-align: justify;">Un autre th&egrave;me, abondamment d&eacute;velopp&eacute; &agrave; travers plusieurs cas de figure particuli&egrave;rement repr&eacute;sentatifs (Roland de Lassus, Monteverdi, Purcell, Bach, Webern, M&acirc;che) est le rapport d&rsquo;&eacute;change que la musique n&rsquo;a cess&eacute; d&rsquo;entretenir avec le langage. &Agrave; cette polyphonie d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments qui donnent lieu &agrave; toutes sortes de confrontations se m&ecirc;lent de nombreux t&eacute;moignages de son pass&eacute; de m&eacute;lomane, depuis son enfance. Cette s&eacute;rie d&rsquo;&eacute;missions refl&egrave;te donc tr&egrave;s fid&egrave;lement son profond attachement vis-&agrave;-vis du domaine de la musique, dans son acception la plus large.</p> <h2><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a> &laquo;&nbsp;Une semaine d&rsquo;escales, ou les sept oreilles des virages de la nuit&nbsp;&raquo;, France Musique, du samedi 5 novembre au vendredi 11 novembre 1977, &agrave; partir de 22h30. Les &eacute;missions sont de dur&eacute;e variable (entre 1h50 et 2h30), avec interruption au moment des informations de minuit. Six d&rsquo;entre elles seulement sont r&eacute;pertori&eacute;es dans la base de donn&eacute;es de l&rsquo;Ina : manque celle du lundi soir, qui devrait venir en num&eacute;ro 3 (les &eacute;missions indiqu&eacute;es 3 &agrave; 6 dans la base de l&rsquo;Ina devraient donc &ecirc;tre indiqu&eacute;es 4 &agrave; 7).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a> Michel Butor, &laquo;&nbsp;Une semaine d&rsquo;escales&nbsp;&raquo;, <em>R&eacute;pertoire V</em>, Paris, Minuit, 1982 p.&nbsp;245-273.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a> Michel Butor, &laquo;&nbsp;Une semaine d&rsquo;escales&nbsp;&raquo;, <em>op. cit</em>., p. 245.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a> Rubrique en troisi&egrave;me position dans chaque &eacute;mission de la s&eacute;rie sur France Musique.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a> M&ecirc;me position dans les &eacute;missions de la s&eacute;rie radiophonique.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a> Rubrique en premi&egrave;re position dans les &eacute;missions de la s&eacute;rie radiophonique.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a> Lors de la discussion qui a suivi mon intervention, Henri Desoubeaux a fait remarquer que cette allusion voil&eacute;e &agrave; <em>Passage de Milan</em>, dans sa relation avec des musiques anciennes, est d&rsquo;autant plus significative que le roman de Butor, dat&eacute; de 1954, est son tout premier publi&eacute;.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a> Rubrique en quatri&egrave;me position dans les &eacute;missions de la s&eacute;rie radiophonique.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a> Henri Desoubeaux a &eacute;galement not&eacute; que le mot &laquo; sept &raquo; du titre global &laquo; Une semaine d&rsquo;escales, ou les sept oreilles des virages de la nuit &raquo; vient lui-m&ecirc;me se placer en septi&egrave;me position. On pourrait aussi mentionner que le titre est constitu&eacute; de douze unit&eacute;s verbales, ce nombre occupant une place de choix dans l&rsquo;&eacute;criture de Butor.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a> Michel Butor, &laquo;&nbsp;La musique, art r&eacute;aliste&nbsp;&raquo;, <em>R&eacute;pertoire II</em>, Paris, Minuit, 1964.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a> Michel Butor, <em>Dialogue avec 33 variations de Ludwig van Beethoven</em> <em>sur une valse de Diabelli</em>, Paris, Gallimard, 1971.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a> Un &eacute;cho permettant beaucoup de libert&eacute;s&nbsp;: ce que Butor dit sur Mozart par exemple, dans la rubrique &laquo;&nbsp;L&rsquo;Emploi du temps. Souvenirs d&rsquo;un astronome&nbsp;&raquo; de l&rsquo;&eacute;mission 1, n&rsquo;a&nbsp;pas de rapport avec le &laquo;&nbsp;r&eacute;sum&eacute;&nbsp;&raquo; donn&eacute; dans&nbsp;<em>R&eacute;pertoire V</em>, p.&nbsp;246-247.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a> Entretien avec Michel Butor en 1971 pour le dossier &laquo;&nbsp;Michel Butor et la musique&nbsp;&raquo;, <em>Musique en jeu</em>, n&deg;4, 1971.</p> <h3 style="text-align: justify;">Auteur</h3> <p style="text-align: justify;"><strong>Jean-Yves Bosseur</strong> a consacr&eacute; sa th&egrave;se de doctorat en musicologie (Paris 8) &agrave; <em>Votre Faust</em> de Michel Butor et Henri Pousseur, avec qui il a &eacute;tudi&eacute; &agrave; la Rheinische Musikschule de Cologne. Comme compositeur, il a collabor&eacute; &agrave; plusieurs reprises avec Michel Butor, jusqu&rsquo;&agrave; <em>La voix entre les lignes</em>, dont l&rsquo;&eacute;crivain lui a envoy&eacute; le texte quelques jours avant sa disparition. Site de l&rsquo;auteur&nbsp;<a href="https://jeanyvesbosseur.fr/site/">ici</a>.</p> <h3 style="text-align: justify;">Copyright</h3> <p style="text-align: justify;">Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p> </div>