<div class="entry-content"> <h3 style="text-align: justify;">Abstract</h3> <p>Michel Butor has turned the radio interview into an exercise in style in its own right, where it is less a question of speaking than of writing. The writer on the air does not renounce the literary sentence, he speaks as he writes. From then on, being &ldquo;Butor&rdquo; on the radio becomes a challenge. This challenge is taken up by the subtle game of <em>address</em>, analysed here through two sequences : an interview on France Culture, an interview on Radio Aligre. In fact, Michel Butor is working on the back and forth between text and radio by developing a form of <em>performative literary writing</em>. This is shown by the orchestration of borrowed voices in <em>Les R&eacute;volutions des calendriers</em> (text for France Musique).</p> <h2>Keywords<br /> &nbsp;</h2> <p class="meta-tags">France Culture, radio interview, Michel Butor, Radio Aligre, <em>Les R&eacute;volutions des calendriers</em></p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">En ce qui concerne la radio, la t&eacute;l&eacute;vision et l&rsquo;&eacute;mission en direct, il y a effectivement le probl&egrave;me du minutage. Cela peut troubler &eacute;videmment. D&rsquo;autant que, disons-le, je suis bavard. Lorsque je commence &agrave; parler, &ccedil;a peut durer. Une phrase peut s&rsquo;&eacute;panouir en circonvolutions, lesquelles peuvent durer jusqu&rsquo;&agrave; un quart d&rsquo;heure. Alors, je suis perturb&eacute; lorsqu&rsquo;au bout de trois minutes il faut que le point arrive. Je pense que je ma&icirc;trise mieux l&rsquo;exercice qu&rsquo;avant, &agrave; pr&eacute;sent je sais mieux faire des r&eacute;ponses courtes, auparavant j&rsquo;avais un peu de mal&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Ces paroles sont de Michel Butor, &eacute;crivain qui a accord&eacute; comme peu un nombre incalculable d&rsquo;entretiens radiophoniques, qui a &eacute;crit des dialogues, fait lui aussi des entretiens, interrogeant &agrave; son tour des artistes et des &eacute;crivains, qui a donc pratiqu&eacute; la double face de la question et toutes les facettes de l&rsquo;interlocution.</p> <p style="text-align: justify;">Qui a fait de l&rsquo;entretien un exercice de style &agrave; part enti&egrave;re.</p> <p style="text-align: justify;">Ces paroles que je viens de citer, c&rsquo;est &agrave; moi que Michel Butor les adresse, alors que je fais avec lui un &laquo;&nbsp;entretien sur les entretiens&nbsp;&raquo;, ceci &agrave; la demande de David Martens et Christophe Meur&eacute;e qui conduisaient, en 2014, une enqu&ecirc;te sur les entretiens litt&eacute;raires.</p> <p style="text-align: justify;">Or, que dit Butor&nbsp;? Ou plut&ocirc;t&nbsp;: comment dit-il&nbsp;? Il n&rsquo;est pas &laquo;&nbsp;bavard&nbsp;&raquo;, bien s&ucirc;r. Il ne bavarde pas&nbsp;: il parle en &eacute;crivain. &Agrave; la radio, Michel Butor parle comme il &eacute;crit. Il fait des phrases qui suivent leur cours et leur loi propres&nbsp;: leur dur&eacute;e, leur dessein. Il ne dit pas qu&rsquo;il est perturb&eacute; parce qu&rsquo;il n&rsquo;a pas pu aller au bout de ses id&eacute;es&nbsp;; non, il est perturb&eacute; parce qu&rsquo;il faut &laquo;&nbsp;que le point arrive&nbsp;&raquo;&nbsp;; il faut mettre un point de fa&ccedil;on intempestive. Ce n&rsquo;est pas question de parole mais question d&rsquo;&eacute;criture.</p> <p style="text-align: justify;">En fait, ce probl&egrave;me de longueur de phrase s&rsquo;est pos&eacute; tr&egrave;s t&ocirc;t au jeune &eacute;crivain Butor. <em>L&rsquo;Emploi du temps</em> rate le Goncourt pour cette raison. Il rappelle les mots d&rsquo;un jur&eacute; de l&rsquo;Acad&eacute;mie Goncourt qui lui reproche d&rsquo;avoir oubli&eacute; &laquo;&nbsp;qu&rsquo;en fran&ccedil;ais on ne peut pas &ndash;&nbsp;on ne doit pas&nbsp;&ndash; &eacute;crire des phrases trop longues&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>&nbsp;&raquo;. Et lorsque Butor se r&eacute;clame des phrases de Proust ou de Saint-Simon, et que le jur&eacute; r&eacute;pond &laquo;&nbsp;Ah&nbsp;! mais c&rsquo;&eacute;tait Proust&nbsp;! mais c&rsquo;&eacute;tait Saint-Simon&nbsp;!&nbsp;&raquo;, le jeune &eacute;crivain a le toupet de r&eacute;torquer&nbsp;: &laquo;&nbsp;Eh bien, peut-&ecirc;tre qu&rsquo;un jour on dira que c&rsquo;&eacute;tait Butor&nbsp;!&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;">La gageure, donc&nbsp;: &ecirc;tre Butor &agrave; la radio, c&rsquo;est-&agrave;-dire ne pas renoncer &agrave; l&rsquo;&eacute;criture litt&eacute;raire. Car pour Butor, les entretiens quels qu&rsquo;ils soient font partie de l&rsquo;&oelig;uvre, c&rsquo;est &laquo;&nbsp;la couronne des &oelig;uvres publi&eacute;es&nbsp;&raquo;&nbsp;: il les a appel&eacute;s, ainsi que la correspondance, la &laquo;&nbsp;litt&eacute;rature dormante&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est la nappe phr&eacute;atique de l&rsquo;&eacute;criture des opus publi&eacute;s.</p> <p style="text-align: justify;">Il faudra donc, connaissant les contraintes radiophoniques, imposer un ton et un temps &ndash;&nbsp;un <em>tempo&nbsp;</em>&ndash;, afin qu&rsquo;on n&rsquo;ait le sentiment ni de parler trop ni de parler trop peu.</p> <p style="text-align: center;">*</p> <p style="text-align: justify;">Butor insiste sur les distinctions &agrave; faire entre d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute; l&rsquo;interview, &laquo;&nbsp;l&rsquo;entrevue&nbsp;&raquo; &ndash;&nbsp;l&rsquo;appellation souligne la presse exigeant bri&egrave;vet&eacute; et formules frapp&eacute;es&nbsp;&ndash;, et de l&rsquo;autre c&ocirc;t&eacute; l&rsquo;entretien, &laquo;&nbsp;conversation&nbsp;&raquo;, qui prend le temps. Le temps d&rsquo;explorer les questions annexes et les recoins de la question. Sans oublier une troisi&egrave;me forme, antique, le dialogue, sur le mode socratique. O&ugrave; le personnage central est celui qui pose les questions et qui &laquo;&nbsp;accouche&nbsp;&raquo; ses interlocuteurs-auditeurs. Ma&iuml;eutique qu&rsquo;on retrouve chez Lucien avec les <em>Dialogues des</em> <em>Morts</em>, et chez Diderot avec, notamment, <em>Le Neveu de Rameau</em>, qui sont autant de mod&egrave;les d&eacute;clar&eacute;s pour Michel Butor.</p> <p style="text-align: justify;">Or, le d&eacute;nominateur commun de l&rsquo;&eacute;criture et de la radiophonie, c&rsquo;est l&rsquo;adresse&nbsp;: adresse que Michel Butor pratique abondamment et sous diverses formes dans ses textes litt&eacute;raires du fait d&rsquo;une mise en sc&egrave;ne de la performativit&eacute; &ndash;&nbsp;improvisations, mati&egrave;re de r&ecirc;ves, expr&egrave;s, essais, envois. Je reviendrai &agrave; cet &eacute;gard sur un texte exemplaire des <em>R&eacute;pertoire.</em></p> <p style="text-align: justify;"><em>L&rsquo;adresse </em>est le point d&rsquo;application du rapport de forces qui institue l&rsquo;entretien radio, rapport de forces auquel Butor est particuli&egrave;rement sensible.</p> <p style="text-align: justify;">J&rsquo;ai particip&eacute; &agrave; ses c&ocirc;t&eacute;s &agrave; quelques entretiens&nbsp;; j&rsquo;ai retenu un &eacute;chantillon de deux styles diff&eacute;rents. D&rsquo;une part, l&rsquo;entretien sur France Culture o&ugrave; nous sommes interrog&eacute;s par Rapha&euml;l Enthoven, le 30 novembre 2009, sur &laquo;&nbsp;Le d&eacute;tail&nbsp;&raquo; dans l&rsquo;&eacute;mission &laquo;&nbsp;Les nouveaux chemins de la connaissance&nbsp;&raquo;, &eacute;mission dont le format consacre une semaine (50 mn par jour) au sujet choisi. D&rsquo;autre part, &laquo;&nbsp;Les entretiens de La Diff&eacute;rence&nbsp;&raquo; sur Radio Aligre, le 3 juin 2012, o&ugrave; Philippe Vannini nous a re&ccedil;us au moment de la publication achev&eacute;e des <em>&OElig;uvres Compl&egrave;tes de Michel</em> <em>Butor </em>aux &eacute;ditions de La Diff&eacute;rence, puis le 2 d&eacute;cembre 2012 lors de la publication d&rsquo;un ouvrage de Butor avec Miguel Barcel&oacute;, <em>Une nuit sur le Mont Chauve</em>. Ces entretiens ont un tout autre format&nbsp;: ils sont d&rsquo;une dur&eacute;e de 2 heures environ.</p> <p style="text-align: justify;">Ce qu&rsquo;il s&rsquo;agit de faire entendre d&rsquo;abord, c&rsquo;est la fa&ccedil;on dont Butor fonctionne lors d&rsquo;un entretien radiophonique dans lequel domine une verticalit&eacute; du rapport de forces&nbsp;: il ne r&eacute;pond pas&nbsp;: il adresse et il s&rsquo;adresse. Il ne r&eacute;pond pas&nbsp;: il en r&eacute;pond.</p> <p style="text-align: justify;">Il adresse&nbsp;: qu&rsquo;est-ce &agrave; dire&nbsp;? Il adresse <em>absolument. </em></p> <p style="text-align: justify;">Il contre-vient par une tonalit&eacute; narrative inattendue dans ce genre d&rsquo;exercice de la parole. Il contrevient, certes, par l&rsquo;&eacute;nonc&eacute; mais aussi par une mani&egrave;re oblique&nbsp;: en somme, &agrave; la fois par <em>logos</em> et <em>loxos.</em></p> <p style="text-align: justify;">En outre, il ne s&rsquo;adresse pas seulement au journaliste en face de lui mais, par-dessus le journaliste et la situation ici-maintenant, &agrave; tous les auditeurs potentiels, ailleurs-toujours. Michel Butor s&rsquo;adresse &agrave; la plan&egrave;te enti&egrave;re.</p> <p style="text-align: justify;">C&rsquo;est la vision extensive &agrave; l&rsquo;infini, g&eacute;n&eacute;reuse et embrassante, de Butor&nbsp;: il sp&eacute;cule autant qu&rsquo;il pense&nbsp;; &laquo;&nbsp;sp&eacute;culer&nbsp;&raquo; c&rsquo;est scruter au loin les astres inconnus. C&rsquo;est aussi, comme le rappelle Pascal Quignard, &laquo;&nbsp;&ecirc;tre &agrave; l&rsquo;aff&ucirc;t de ce qui surgit&nbsp;&raquo;, celui qui est &agrave; l&rsquo;aff&ucirc;t &laquo;&nbsp;<em>ne sait pas</em> ce qui va surgir&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>&nbsp;&raquo;. Butor est un &eacute;crivain curieux, il aime &ecirc;tre surpris. Cela lui donne l&rsquo;occasion de mobiliser toutes ses ressources.</p> <p style="text-align: justify;">Il en r&eacute;pond&nbsp;: c&rsquo;est dire qu&rsquo;il prend ses responsabilit&eacute;s, prend la main, se porte garant, fait autorit&eacute;. Il s&rsquo;agit donc pour Michel Butor qui conna&icirc;t les codes et sait en jouer, de tenir ensemble toutes les fonctions langagi&egrave;res&nbsp;: tenir le lien (fonction phatique), la narration et le r&eacute;cit (fonction po&eacute;tique et r&eacute;f&eacute;rentielle), la charge &eacute;motionnelle (fonction expressive), l&rsquo;instruction de l&rsquo;auditeur (fonction conative). Autrement dit, pour Michel Butor, l&rsquo;entretien radiophonique est affaire de s&eacute;duction et d&rsquo;instruction, et pour ce faire, il mobilise l&rsquo;art de conter. Il se fait conteur et quelque peu acteur.</p> <p style="text-align: justify;">J&rsquo;en veux pour exemple son rire lors d&rsquo;une escarmouche avec Rapha&euml;l Enthoven. On entend ce qui est ici <em>une figure de rh&eacute;torique</em> &agrave; plusieurs tranchants&nbsp;: le rire appuy&eacute;, surjou&eacute;, de Butor. La situation radiophonique est dans ce cas hi&eacute;rarchis&eacute;e, et Enthoven en est le meneur de jeu, jusqu&rsquo;&agrave; cet instant o&ugrave; s&rsquo;amorce un d&eacute;placement des r&ocirc;les. Reprenons les &eacute;tapes de la s&eacute;quence.</p> <p style="text-align: justify;">D&rsquo;abord, c&rsquo;est l&rsquo;intonation de Butor qui change&nbsp;: plus narratif et plus p&eacute;dagogique, il fait la le&ccedil;on sur la question des sciences et de la litt&eacute;rature.</p> <p style="text-align: justify;">Enthoven embraye alors, de fa&ccedil;on inattendue, sur la question de l&rsquo;adresse dans <em>La Modification</em>, la fameuse deuxi&egrave;me personne du pluriel, &laquo;&nbsp;vous&nbsp;&raquo;, qui apostrophe le lecteur du roman. Ainsi, tout en parlant litt&eacute;rature, nous voici aussi au plan m&eacute;ta-linguistique&nbsp;: dans une situation de m&eacute;ta-adresse o&ugrave; il s&rsquo;agit dans le m&ecirc;me temps des enjeux du roman et de ce qui se joue dans la relation entre l&rsquo;&eacute;crivain et son interlocuteur.</p> <p style="text-align: justify;">Butor ironise aussit&ocirc;t quant &agrave; la question pos&eacute;e&nbsp;: &laquo;&nbsp;on me l&rsquo;a pos&eacute;e des centaines de fois&nbsp;&raquo;&nbsp;; &agrave; quoi Enthoven r&eacute;plique&nbsp;: &laquo;&nbsp;ah&nbsp;! Je pensais des milliers&nbsp;!&nbsp;&raquo; C&rsquo;est alors que Butor part d&rsquo;un &eacute;clat de rire dont il exag&egrave;re l&rsquo;expressivit&eacute;. Ce n&rsquo;est plus l&rsquo;expression spontan&eacute;e et biens&eacute;ante d&rsquo;une conversation mais une figure de style, l&rsquo;attitude caract&eacute;ris&eacute;e d&rsquo;une pause et d&rsquo;une pose. Ce rire ponctue, modifie le tempo question-r&eacute;ponse en &eacute;tablissant une distance un brin moqueuse. Redoutable d&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute;, il a bien des couleurs&nbsp;: rire de bonhommie&nbsp;? rire de coquetterie&nbsp;? une moquerie&nbsp;? une irr&eacute;v&eacute;rence&nbsp;? une manifestation de condescendance&nbsp;? de tol&eacute;rance vis-&agrave;-vis d&rsquo;une b&ecirc;tise&nbsp;? une relation de ma&icirc;tre &agrave; &eacute;l&egrave;ve&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">A partir de cette th&eacute;&acirc;tralisation de la sc&egrave;ne radiophonique affichant qu&rsquo;il y a du jeu, s&rsquo;op&egrave;re le renversement du rapport de forces. Plus exactement&nbsp;: force revient &agrave; la narration de l&rsquo;&eacute;crivain. Apr&egrave;s qu&rsquo;il a, de biais, dans une incise, corrig&eacute; la faute &ndash;&nbsp;pas 1956 mais 1957 la date de parution de <em>La Modification</em>&nbsp;&ndash;, Butor se lance dans une le&ccedil;on-ma&iuml;eutique o&ugrave; Rapha&euml;l Enthoven a le r&ocirc;le de l&rsquo;apprenti&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;"><strong>Butor</strong>&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le r&eacute;cit &agrave; la 2<sup>&egrave;me</sup> personne, &ccedil;a existe d&eacute;j&agrave; ailleurs qu&rsquo;en litt&eacute;rature&nbsp;; par exemple les livres de cuisine&nbsp;&raquo;,</p> <p style="text-align: justify;"><em>et <strong>Enthoven</strong> de montrer qu&rsquo;il a compris</em>&nbsp;: &laquo;&nbsp;Vous &eacute;pluchez&hellip; vous &eacute;mincez&hellip;&nbsp;&raquo;,</p> <p style="text-align: justify;"><em>et <strong>Butor</strong> d&rsquo;approuver&nbsp;;</em></p> <p style="text-align: justify;"><strong>Butor</strong>&nbsp;: &laquo;&nbsp;Par exemple encore dans le domaine juridique, lorsque le procureur s&rsquo;adresse &agrave; l&rsquo;accus&eacute;, ou au t&eacute;moin&nbsp;&raquo;,</p> <p style="text-align: justify;"><em>et <strong>Enthoven</strong> de s&rsquo;empresser d&rsquo;exemplifier, et <strong>Butor</strong> d&rsquo;applaudir son &eacute;l&egrave;ve&hellip;</em>&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;"><strong><em>Butor </em></strong><em>poursuit la surench&egrave;re</em>&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ou comme dans le th&eacute;&acirc;tre o&ugrave; le metteur en sc&egrave;ne dit &agrave; son acteur&nbsp;: &ldquo;Tu entres&hellip; tu regardes&hellip;tu te retournes&rdquo;&hellip;&nbsp;&raquo; <em>(on entend le second degr&eacute;&nbsp;: le metteur en sc&egrave;ne, c&rsquo;est Butor, l&rsquo;acteur Enthoven)</em>&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;"><em>Vient enfin l&rsquo;estocade, <strong>Butor</strong> tirant toute la le&ccedil;on et la morale de sa d&eacute;monstration&nbsp;: </em></p> <p style="text-align: justify;">&laquo;&nbsp;Le discours du metteur en sc&egrave;ne s&rsquo;efforce de transformer l&rsquo;acteur en personnage, tout comme je m&rsquo;efforce de transformer le lecteur en acteur, d&rsquo;introduire en lui un &eacute;l&eacute;ment de modification. Comme le livre de cuisine, je veux rendre le lecteur actif&nbsp;; comme le procureur, je veux faire ressentir au lecteur une certaine culpabilit&eacute;&nbsp;: comment faire pour changer les choses de notre monde qui ne va pas bien&nbsp;?&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Michel Butor a ainsi d&eacute;multipli&eacute; l&rsquo;exercice, conjuguant interview, entretien et dialogue&nbsp;; il a &eacute;t&eacute; toutes les personnes de la conjugaison, concentrant les pouvoirs du langage. Et la s&eacute;quence, tr&egrave;s anim&eacute;e, est radiophoniquement une r&eacute;ussite.</p> <p style="text-align: justify;">Reste que, tout &agrave; leur joute, les deux protagonistes se sont un peu &eacute;loign&eacute;s du sujet. C&rsquo;est &agrave; mon tour de reprendre sur le &laquo;&nbsp;vous&nbsp;&raquo; pluriel, singulier et collectif, qui est un &laquo;&nbsp;vous-nous&nbsp;&raquo; et, par le biais d&rsquo;une r&eacute;f&eacute;rence &agrave; Montaigne pour qui &laquo;&nbsp;nous sommes tous de lopins&nbsp;&raquo;, d&rsquo;en revenir &agrave; l&rsquo;humain, &ecirc;tre vou&eacute; aux fragments et aux d&eacute;tails.</p> <p style="text-align: justify;">On aura not&eacute; que cette s&eacute;quence se termine sur une le&ccedil;on de litt&eacute;rature qui n&rsquo;est pas exempte d&rsquo;une certaine gravit&eacute; politique du propos&nbsp;: Michel Butor soulignant la puissance politique de l&rsquo;&eacute;criture capable de changer les mentalit&eacute;s, pointe aussi la culpabilit&eacute; de ne rien faire face &agrave; &laquo;&nbsp;notre monde qui ne va pas&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: center;">*</p> <p style="text-align: justify;">Pour autant, dans les entretiens sur Radio Aligre du 3 juin 2012, o&ugrave; il y a beaucoup plus de temps de discussion et o&ugrave; les questions sont plus politiques, Michel Butor n&rsquo;aime pas davantage &ecirc;tre mis au pied du mur, ni en demeure de r&eacute;pondre aux injonctions de Claude Minneraud, alors directeur des &eacute;ditions de La Diff&eacute;rence, lequel presse l&rsquo;&eacute;crivain de r&eacute;pondre de son &laquo;&nbsp;engagement&nbsp;&raquo;, du &laquo;&nbsp;fil conducteur du politique dans son &oelig;uvre&nbsp;&raquo;, et finit par l&rsquo;apostropher&nbsp;: &laquo;&nbsp;Michel Butor, quand allez-vous descendre dans la rue&nbsp;?&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align: justify;">Butor commence par mettre dix bonnes minutes &laquo; pour vous r&eacute;pondre &raquo; : pour dire qu&rsquo;il s&rsquo;est &laquo; toujours m&eacute;fi&eacute; de l&rsquo;engagement &raquo; m&ecirc;me si &laquo; dans tout &raquo; ce qu&rsquo;il a &laquo; &eacute;crit il y a du politique &raquo; ; pour reparcourir ensuite sa biographie et nuancer &laquo; un c&ocirc;t&eacute; politique profond &raquo; mais qui &laquo; n&rsquo;est pas dans le m&ecirc;me temps que celui des partis &raquo; ; avant de prendre &agrave; nouveau dix minutes pour affirmer que la politique est un genre litt&eacute;raire d&eacute;grad&eacute; (la fonction du &laquo; n&egrave;gre &raquo; y est r&eacute;pandue), que le discours politique est d&rsquo;une tr&egrave;s mauvaise qualit&eacute; textuelle et qu&rsquo;il serait magnifique de le r&eacute;nover, que les mots ne veulent plus rien dire du tout &ndash; ainsi &laquo; lib&eacute;ral &raquo; et &laquo; lib&eacute;ralisme &raquo;, mots vides de sens : libert&eacute; de qui ? libert&eacute; de se lib&eacute;rer ? libert&eacute; d&rsquo;opprimer ? &ndash; jusqu&rsquo;&agrave; affirmer que tous ses livres ont une politique et qu&rsquo;&laquo; ils font l&rsquo;effort de mettre notre actualit&eacute; dans une histoire ouverte, pour nos enfants et nos petits-enfants &raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Nul doute qu&rsquo;en la mati&egrave;re le po&egrave;te Butor est beaucoup plus percutant&nbsp;: qu&rsquo;on lise <em>Abc&egrave;s</em>, po&egrave;me sur le terrorisme&nbsp;; <em>La dette</em>, sur la crise&nbsp;; tous les po&egrave;mes de sa derni&egrave;re anthologie <em>Par le temps qui court</em> (La Diff&eacute;rence, 2016) qui aborde les sujets les plus douloureux de nos soci&eacute;t&eacute;s. &Agrave; la radio, la vis&eacute;e de l&rsquo;&eacute;crivain est diff&eacute;rente&nbsp;: par d&eacute;tours et digressions, il met la pens&eacute;e &agrave; l&rsquo;&eacute;preuve de la phrase et de la langue, ce qui est la fa&ccedil;on la plus efficace de d&eacute;construire le discours id&eacute;ologique. &Agrave; la radio, Butor ne fait pas passer un discours mais une mani&egrave;re, <em>un art et une intelligence de communiquer</em>.</p> <p style="text-align: center;">*</p> <p style="text-align: justify;">Il y a davantage dans l&rsquo;exercice radiophonique selon Butor, et je me dois de faire entendre, dans une autre s&eacute;quence de Radio Aligre, comment l&rsquo;adresse dont Butor fait jouer tous les rouages, s&rsquo;inscrit dans sa recherche litt&eacute;raire, et comment elle constitue elle-m&ecirc;me une forme d&rsquo;&eacute;criture litt&eacute;raire performative, capable de passer la fronti&egrave;re aller-retour texte-radio-texte-radio.</p> <p style="text-align: justify;">Exemplaire est &agrave; cet &eacute;gard <em>Les R&eacute;volutions des calendriers</em>, texte qui a &eacute;t&eacute; &eacute;crit pour une journ&eacute;e France Musique, comme une &laquo;&nbsp;conversation&nbsp;&raquo; (processus ma&iuml;eutique) pour pr&eacute;senter les 32 sonates de Beethoven, tel un &laquo;&nbsp;post-scriptum au <em>Dialogue avec 33 variations sur une valse de Diabelli&nbsp;</em><a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]&nbsp;</a>&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Ce texte, qui pr&eacute;sente 8 scansions, est r&eacute;parti en 3 r&ocirc;les diff&eacute;rents porteurs de voix et ainsi d&eacute;nomm&eacute;s : Scrutator &ndash; Investigator &ndash; Commentator. L&rsquo;ordre de l&rsquo;alternance est bient&ocirc;t modifi&eacute; ; surtout, les fonctions du &laquo; scrutateur &raquo; (au sens premier : &laquo; qui voit loin &raquo;), de l&rsquo;&laquo;&nbsp;investigateur &raquo; (le chercheur qui regarde &agrave; la loupe) et du &laquo; commentateur &raquo; ne se distinguent bient&ocirc;t gu&egrave;re et se brouillent. C&rsquo;est le principe du mobile, de la r&eacute;volution des &eacute;l&eacute;ments qui tournent et retournent. Tout se complique car les porteurs changent de voix, voire <em>empruntent</em> des voix&nbsp;; <em>ils ont des voix d&rsquo;emprunt</em>. Parmi les nombreuses fluctuations, je rel&egrave;ve les didascalies suivantes, ce qui permet d&rsquo;indiquer la parabole que d&eacute;crit le texte&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">p. 664 &ndash; <strong>Investigator</strong> qui prend la voix que nous pouvons imaginer &agrave; Chateaubriand&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">p. 665 &ndash; <strong>Investigator</strong> qui reprend sa voix&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">p. 669 <strong>&ndash; Investigator</strong> qui prend la voix que nous pouvons imaginer &agrave; l&rsquo;auteur anonyme des <em>Mille et Une Nuits</em>&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">p. 670 &ndash; <strong>Commentator</strong> qui prend la voix que nous pouvons imaginer &agrave; Fabre d&rsquo;Eglantine</p> <p style="text-align: justify;">p. 671 &ndash; <strong>Commentator </strong>qui reprend sa voix&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">p. 671 &ndash; <strong>Investigator</strong> qui prend maintenant la voix que nous pouvons imaginer &agrave; &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Bougainville&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">p. 671 &ndash; <strong>Investigator</strong> qui reprend sa propre voix&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">p. 673 &ndash; <strong>Investigato</strong>r qui prend la voix de Michel Butor plus jeune&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">p. 674 &ndash; <strong>Scrutator</strong> qui prend maintenant la voix que nous pouvons imaginer &agrave; Charles Baudelaire&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">p. 674 &ndash; <strong>Scrutator </strong>qui reprend sa propre voix&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">p. 675 &ndash; <strong>Investigator</strong> qui passe peu &agrave; peu de voix en voix&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">p. 676 &ndash; <strong>Scrutator</strong> qui prend la voix que nous pouvons imaginer &agrave; G&eacute;rard de Nerval&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">p. 676 &ndash; <strong>Investigator</strong> qui a repris sa voix&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">p. 677 &ndash; <strong>Scrutator</strong> qui passe peu &agrave; peu de voix en voix&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">p. 677&ndash; <strong>Investigator</strong> qui reprend une voix ant&eacute;rieure&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">p. 678 &ndash; <strong>Investigator</strong> qui recommence &agrave; passer de voix en voix&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify; padding-left: 40px;"><strong>&nbsp; &nbsp; &nbsp;Investigator</strong> qui a repris sa propre voix&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify; padding-left: 40px;"><strong>&nbsp; &nbsp; &nbsp;Scrutator</strong> qui a repris sa propre voix&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">Au final, c&rsquo;est l&rsquo;Investigator qui a le dernier mot : &laquo; Qui nous confie &agrave; Neptune, dieu des d&eacute;couvreurs. &raquo;</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;intelligence d&eacute;ploie ainsi tout son potentiel de r&eacute;flexivit&eacute;. L&rsquo;analyse musicologique des sonates de Beethoven ne va pas sans le spectre des voix du texte de l&rsquo;analyse de Butor. Autrement dit, pas d&rsquo;analyse des formes sans les formes de l&rsquo;analyse. Pas d&rsquo;analyse des formes sans y mettre les formes.</p> <p style="text-align: justify;">Ce n&rsquo;est pas autre chose qui advient dans la (mise en) forme radiophonique de la Conversation, lorsqu&rsquo;il n&rsquo;y a pas de rapports de forces et que le temps n&rsquo;est pas minut&eacute;.</p> <p style="text-align: center;">*</p> <p style="text-align: justify;">&Eacute;coutons, pour finir, Michel Butor pendant deux minutes de l&rsquo;entretien du 2 d&eacute;cembre 2012 sur Radio Aligre, &eacute;mission &laquo;&nbsp;Les Rendez-vous de la Diff&eacute;rence&nbsp;&raquo;. Cette s&eacute;quence arrive apr&egrave;s 1 h 10 de dialogue. En voici la retranscription&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">1:11:53 <strong>Michel Butor&nbsp;</strong>: Comme tout le monde le sait, je suis un incorrigible optimiste. Je suis pessimiste pour ce si&egrave;cle, oui, je pense que nous allons passer des moments tr&egrave;s difficiles, mais je suis fondamentalement optimiste.</p> <p style="text-align: justify;">Vous avez raison, l&rsquo;humanit&eacute; est en danger, je crois qu&rsquo;elle a toujours &eacute;t&eacute; en danger, elle l&rsquo;est encore, elle le sera encore, et nous avons donc des difficult&eacute;s en perspective, c&rsquo;est certain. Mais on finira par trouver des solutions comme on en a toujours trouv&eacute;.</p> <p style="text-align: justify;">Je voudrais revenir sur un point qui est tr&egrave;s important pour moi,&nbsp;c&rsquo;est la notion d&rsquo;artisan. En effet, je trouve qu&rsquo;on devrait, &agrave; la fin d&rsquo;un tr&egrave;s beau livre, mettre tous les collaborateurs, exactement comme au cin&eacute;ma, &agrave; la fin d&rsquo;un film, ou &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision &agrave; la fin d&rsquo;une s&eacute;rie, on met un g&eacute;n&eacute;rique de fin o&ugrave; il y a tous les collaborateurs mentionn&eacute;s&hellip;</p> <p style="text-align: justify;"><strong>Philippe Vannini</strong>&nbsp;: &hellip;Ce qui devient illisible &agrave; cause de la vitesse &agrave; laquelle ils d&eacute;filent&nbsp;!&hellip;</p> <p style="text-align: justify;"><strong>Michel Butor&nbsp;</strong>: Mais pas du tout, la question de la vitesse ne joue pas du tout&nbsp;!&nbsp;Dans un livre c&rsquo;est &agrave; plat, vous le faites d&eacute;filer vous-m&ecirc;me&nbsp;: il n&rsquo;y a aucun probl&egrave;me &agrave; cet &eacute;gard. C&rsquo;est juste que nous sommes remplis de blocs de pr&eacute;jug&eacute;s que nous h&eacute;ritons de nos parents, grands-parents, arri&egrave;re-grands-parents&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">Donc, vive les artisans&nbsp;! Moi, je me consid&egrave;re comme un artisan&nbsp;; je connais beaucoup d&rsquo;artisans, j&rsquo;admire &eacute;norm&eacute;ment leur travail, leur inventivit&eacute;, ce qu&rsquo;ils r&eacute;ussissent &agrave; faire. J&rsquo;aime beaucoup travailler avec eux.</p> <p style="text-align: justify;">1:14:12 Je suis un artisan du langage. J&rsquo;ai un costume d&rsquo;artisan : je suis habill&eacute; en salopette, ce qui veut dire que je suis un artisan comme un autre !</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Nous entendons Michel Butor passer de voix en voix, de r&ocirc;le en r&ocirc;le&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;"><strong>Butor le Scrutateur</strong> tirer des plans sur la com&egrave;te pour les prochaines d&eacute;cennies voire les si&egrave;cles &agrave; venir&nbsp;: l&rsquo;humanit&eacute; est en danger, elle le sera encore, mais&hellip;</p> <p style="text-align: justify;"><strong>Butor le Commentateur</strong>, jeune-&acirc;g&eacute;, revenant sur la notion d&rsquo;artisan&nbsp;: artisan du langage, il est sur sc&egrave;ne, il montre son jeu, il montre qu&rsquo;il joue le jeu de l&rsquo;ic&ocirc;ne &agrave; la salopette&nbsp;; sans oublier le clin d&rsquo;&oelig;il en forme d&rsquo;antiphrase et de provocation&nbsp;: &laquo;&nbsp;un artisan comme les autres&nbsp;&raquo;&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;">Surtout<strong>, Butor l&rsquo;Investigateur</strong>, l&rsquo;exp&eacute;rimentateur<strong>, </strong>le d&eacute;couvreur perp&eacute;tuel en costume d&rsquo;ouvrier.</p> <p style="text-align: justify;">Michel Butor qui aime se tenir r&eacute;citant au milieu de la musique, des artistes-interpr&egrave;tes, se tient en conversation radiophonique au milieu des voix qu&rsquo;il appelle et qui le travaillent.</p> <p style="text-align: justify;">&Agrave; l&rsquo;&eacute;vidence, il aime monter et descendre la gamme des tons et intonations&nbsp;: tour &agrave; tour proph&egrave;te visionnaire, provocateur, bonhomme, moqueur, utopiste, jouant avec s&eacute;rieux mais sans en avoir l&rsquo;air de la sc&egrave;ne qui lui est offerte, altruiste et effront&eacute;ment personnel, compagnon tout singulier mais partageur, conscient de ce que l&rsquo;on attend de lui et s&rsquo;y pr&ecirc;tant tout en se d&eacute;robant.</p> <p style="text-align: justify;">Ce Butor m&eacute;tamorphique, c&rsquo;est l&rsquo;<em>intelligence</em>-m&ecirc;me de la radiophonie, le seul exercice possible de lucidit&eacute; et de v&eacute;rit&eacute; &ndash;&nbsp;une <em>v&eacute;rit&eacute; de la situation</em>&nbsp;&ndash;, ce qui permet de ne pas se laisser prendre au pi&egrave;ge de la repr&eacute;sentation&nbsp;; ou plut&ocirc;t du<em> repr&eacute;sentatif.</em> Le pi&egrave;ge du Butor statufi&eacute;. Qui permet, aussi, de surjouer pour ne pas &ecirc;tre limit&eacute; &agrave; jouer le jeu.</p> <p style="text-align: justify;">Ce faisant, Butor est, radicalement, l&rsquo;&eacute;crivain-interpr&egrave;te qui se met &agrave; l&rsquo;essai&nbsp;: avec l&rsquo;exigence d&rsquo;une plasticit&eacute; des formes&nbsp;; qui se met &agrave; l&rsquo;&eacute;preuve, se met en question. Il est &agrave; l&rsquo;essai de soi, au sens o&ugrave; l&rsquo;entend Montaigne&nbsp;: attitude <em>et</em> profond&eacute;ment philosophique <em>et</em> profond&eacute;ment libre, &laquo;&nbsp;&agrave; sauts et gambades&nbsp;&raquo; litt&eacute;raires.</p> <p style="text-align: justify;">Ce qui me fait dire pour finir &ndash;&nbsp;et ce n&rsquo;est pas une boutade&nbsp;&ndash;&nbsp;: Michel de Montaigne &agrave; la radio, ce serait Michel Butor.</p> <h2><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a> Mireille Calle-Gruber, &laquo;&nbsp;Halo d&rsquo;&eacute;chos. Entretien avec Michel Butor&nbsp;&raquo; in&nbsp;David Martens &amp; Christophe Meur&eacute;e (dir.), <em>Secrets d&rsquo;&eacute;crivains. Enqu&ecirc;te sur les entretiens litt&eacute;raires,</em> Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2014, p.&nbsp;51-52.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a> <em>Les M&eacute;tamorphoses-Butor</em>, entretiens de Mireille Calle avec Michel Butor, Jean-Fran&ccedil;ois Lyotard, B&eacute;atrice Didier, Jean Starobinski, Fran&ccedil;oise van Rossum-Guyon, Lucien D&auml;llenbach, Henri Pousseur, Helmut Scheffel, Michel Sicard, Grenoble et Sainte-Foix Qu&eacute;bec, Le Griffon d&rsquo;argile et Presses Universitaires Grenoble,1991, p.47-48.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a> Pascal Quignard, &laquo; Esse in speculis &raquo;, in <em>Pascal Quignard, l&rsquo;&eacute;criture et sa sp&eacute;culation,</em> ouvrage coordonn&eacute; par Franck Jedrzejewski, Florent Martinez, Nathalie P&eacute;rin, Limoges, &eacute;ditions Lambert-Lucas, 2020, p. 10, italiques dans le texte.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a> Michel Butor, <em>Les R&eacute;volutions des calendriers</em>, <em>R&eacute;pertoire</em>, V, Paris, Minuit, 1976. Repris dans <em>&OElig;uvres compl&egrave;tes de Michel Butor</em>, III, <em>R&eacute;pertoire </em>2 (sous la direction de Mireille Calle-Gruber), Paris, La Diff&eacute;rence, 2006, p. 660-678.</p> <h3 style="text-align: justify;">Auteur</h3> <p style="text-align: justify;"><strong>Mireille Calle-Gruber </strong>est &eacute;crivain et Professeur des Universit&eacute;s en litt&eacute;rature fran&ccedil;aise et esth&eacute;tique &agrave; la Sorbonne Nouvelle o&ugrave; elle dirige le Centre de recherches en &Eacute;tudes f&eacute;minines et de genres / Litt&eacute;ratures francophones (CREF&amp;G/LF). Elle travaille &agrave; la crois&eacute;e de la litt&eacute;rature, des arts et de la philosophie. &Agrave; c&ocirc;t&eacute; de publications nombreuses, seule ou en collaboration, sur Claude Simon (dernier titre en date&nbsp;: <em>Claude Simon : &ecirc;tre peintre</em>, Hermann, 2021), Claude Ollier, Alain Robbe-Grillet, Nathalie Sarraute, Assia Djebar, H&eacute;l&egrave;ne Cixous, Nelly Kaplan, Marguerite Duras, Peter Handke, Pascal Quignard (<em>Pascal Quignard ou les le&ccedil;ons de t&eacute;n&egrave;bres de la litt&eacute;rature</em>, Galil&eacute;e, 2018 ; cahier <em>L&rsquo;Herne Quignard, </em>2021), elle s&rsquo;est impos&eacute;e comme une sp&eacute;cialiste incontest&eacute;e de Michel Butor, dont elle a dirig&eacute; l&rsquo;&eacute;dition des <em>&OElig;uvres compl&egrave;tes </em>en 12 volumes aux &Eacute;ditions La Diff&eacute;rence (2006-2010). Elle a &eacute;crit avec Butor un r&eacute;cit-sc&eacute;nario, <em>Le Chevalier morose,</em> &eacute;dit&eacute; par Johan Faerber chez Hermann en 2017, et, chez ce m&ecirc;me &eacute;diteur, elle a cr&eacute;&eacute; la s&eacute;rie des <em>Cahiers Butor </em>consacr&eacute;s aux collaborations de l&rsquo;&eacute;crivain avec les artistes.</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>Copyright</strong></h3> <p style="text-align: justify;">Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p> </div>